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Full text of "Histoire et description generale de la Nouvelle France, : avec le journal historique d'un voyage fait par ordre du roi dans l'Amérique Septentrionnale."

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HISTOIRE 

DE  LA 


NOUVELLE  FRANCE. 

TOME  l 


histoire 

E  T 

DESCRIPTION  GENERALE 

NOUVELLE  FRANCE, 

A  VE  C  ’ 

L  Ej.J  °„U  E  N  *  L  HISTORIQUE 

d  un  Voyage  fait  par  ordre  du  Roi  dans 
l’Amérique  Septentrionnale. 

ParleP‘  De  Charlevoi  X,de  la  Compagnie  de  Jésus. 

TOME  PREMIER. 


DU  ROI, 


SON  ALTESSE  SERENISSIME 

MONSEIGNEUR  LE  DUC 


DE  PENTHIEVRE 


ONSEIGNEUR 


Otre  Altesse  Sérénissime  a  un  droit 
héréditaire  aux  hommages  de  la  Nouvelle  Fran¬ 
ce  ,  dont  je  prends  la  liberté  de  lui  consacrer 

Tome  I. 


E  P  I  T  R  E. 

Thijloire  :  ils  étoient  dûs ,  MONSEIGNEUR , 
au  P  rince, qui  vous  a  donné  le jour,  pour  le  s  bon¬ 
tés  &  les  marques  d’efiime,  dont  il  a  honoré  cette 
Colonie  pendant  tout  le  tems ,  qu’il  a  bien  vou¬ 
lu  fe  charger  de  la  partie  du  Minijlere ,  dont 
elle  dépend ,  &  qu’il  lui  a  continuées  jufqu’àfa 
mort.  Il fçavoit ,  &  il  ne  le  cachoit point ,  que 
par  la  valeur ,  la  fidélité ,  l’efprit  &  la  poli- 
teffe  de fies  Habituais ,  elle  a  toujours  fiort  bien 
foûtenu fon  droit  d’aînejfie  ;  &  comblée  de fies  fa¬ 
veurs  ,  à  qui ,  MONSEIGNE  UR ,  doit-elle 
en  témoigner  aujourd’hui  fa  reconnoiffance  par 
la  plume  de  fon  Hiflorien ,  &  protejler  de  fon 
parfait  dévouement ,  qu'à  l’héritier  des  vertus, 
encore  plus  que  des  titres  de  fon  illuftre  Protec¬ 
teur  ;  à  celui ,  qui  feul ,  en  le  faifant  revivre 
tout  entier  en  fa  perfonne ,  a  pu  nous  conjoler  de 
l’avoir  perdu  ? 

Une  fi  parfaite  rejfemblance  avec  un  Pereji 
accompli,  n’a  dû  furp rendre ,  MONSEI¬ 
GNEUR  ,  que  ceux ,  qui  n’ont  pas  été  témoins 
de  l’attention  de  ce  Prince  à  vous  infpirer  de 
bonne  heure  tous  fes  fentimens ,  &  de  l’applica¬ 
tion  d’une  Princeffe ,  qui  n’a  voulu  fe  déchar- 


E  P  I  T  R  E. 

ger fur perforine  de  votre  éducation ,  à  dévelop¬ 
per  &  à  cultiver  les  grandes  qualités,  que  l’un  & 
L’autre  vous  ont  tranfmifes  avec  lefang.  De-là 
en  effet  ce fonds  de  pieté  &  de  religion ,  que  vous 
aveifi  bien  compris  être  le  premier  devoir  &  le 
principal  relief  d’un  P  rince  Chrétien ;  cette  af¬ 
fabilité  ,  cette  inclination  à  faire  du  bien  à  tout 
le  monde ,  à  répandre  vos  tréfors  avec  unepro- 
fufion ,  qui  n’a  point  d’autres  bornes ,  que  le  be- 
foin  des  Indigens  ;  cet  efprit  d’équité,  cet  amour 
de  l’ordre ,  vertus  dont  M.  le  Comte  de  Touloufe 
étoit  beaucoup  plus  jaloux ,  que  de  fon  rang  & 
de  toute  fa  grandeur  ;  cet  attachement  à  la per- 
fonne  du  Roi ,  ce  fie  fi  noble  &  fi  defintérejfé 
pour  fon  fervice ,  cette  valeur  réfléchie  SC  de 
fang-froid  dans  le  plus  grand  feu  de  la  mêlée , 
dont  vous  vene\  de  donner  des  preuves  fi  écla- 
tantes  :  en  un  mot  tout  ce  qu'on  admiroit  dans  le 
P  rince  y  que  nous  avons  tant  regretté  y  ce  qui  l'a- 
voit  rendu  les  délices  de  tous  les  bons  François  * 
&  ce  qu’ils  retrouvent  en  vous. 

C’efl  le  bonheur ,  que  j’ai  eu,  MO  NS  EI- 
G  NE  U  R,  de  voir  croître  &  fe  perfectionner 
en  vous  dès  votre  plus  tendre  enfance  un fi  beau 


E  P  I  T  R  E. 

caractère,  &  l’ accueil  gracieux ,  dont  vous  aveç 
toujours  daigné  favorifer  mes  ajjiduicés ,  qui 
m’injpirent  aujourd’hui  la  confiance  de  vous 
offrir  ce  que  M.  le  Comte  de  Touloufe  avoit  bien 
voulu  agréer  pour  lui  -  même ,  ce  fruit  de  mes 
veilles  &  du  voyage ,  que  j’ai  fait fous  fes  aufpi- 
ces.  P  ouv  ois-je  dé  ailleurs  trouver  une  occafion 
plus  favorable  de  publier  le  fincere  SC  rejpec- 
tueux  dévouement ,  avec  lequel  je  fuis , 


MONSEIGNEUR „ 


De  votre  Altesse  Sêrénissime, 


Le  très  -  kumbte  &;  très- 
obéiffant  ferviteur , 

P.  Fr.  X.  de  Charlevoix, 

D.L.C.D.J. 


t 


A  Paris  j  ce  15  Octobre  1743. 


AFERTIS  SEMENT. 


O  i  c  i  le  troifîéme  Ouvrage ,  que  je  pre- 
fente  au  Public  ,  pour  m’acquitter  de  la 
promefle  que  je  lui  ai  faite  ,  de  lui  don¬ 
ner  un  Corps  d  Hiftoires  du  nouveau 
Monde,  fuivant  le  projet,  que  j’en  ai  an¬ 
noncé.  On  retrouvera  ici  ce  projet  ,  qu’il 
faut  encore  moins  perdre  de  vûë  par  rapport  à  la  nouvelle 
France ,  que  dans  les  autres  Hiftoires,  qui  fuivront,  pour 
fe  regler  dans  le  jugement  qu’on  en  portera.  On  doit  fur- 
tout  fe  fouvenir  que  mon  deflein  eft  de  rapporter  fur  cha¬ 
que  partie  du  nouveau  Monde,  tout  ce  que  je  pourrai  dé¬ 
couvrir  de  curieux, d’utile  &  dmtereflant; par  conféquènc 
de  ne  rien  omettre  de  ce  qu’on  a  pû  voir  avec  plaifir  dans 
les  Hiftoires ,  dans  les  Relations  &  dans  les  Journaux 

qui  en  ont  traité  ,  après  en  avoir  démêlé  le  vrai  d’avec  le 
faux. 

On  m’objeétera  qu’une  Hiftoire  générale  ne  permet 
point  de  petits  détails ,  &  qu’on  y  regarde  comme  des 
nûnucies  bien  des  chofes, qu’on  fouffre  volontiers  dans  une 
Tome  /.  * 


ij  jjseRTISSEMEN  T. 

Relation.  A  cela  je  réponds  qu  il  faut  diftinguer  deux  lot¬ 
tes  d’Hiftoires  générales.  Celle  d  un  grand  Empire  ,  ou 
d’une  République  célébré  ,  veut  être  écrite  d’un  llyle,  qui 
fe  fente  de  la  majefte  du  fujet  j  rien  n  y  doit  entrer, qui  dé¬ 
tourné  de  l’attention,  qu  on  doit  toute  entière  aux  grands 
événemens  qu’elle  prefente  •  mais  il  en  eft,  qui  n  offrent 
rien  d  éclarant,  6c  qui  ne  laifient  pas  de  contenir  une  fui¬ 
te  d’objets  capables  d  interefler  le  LeCteur  6c  de  1  inftruire. 
On  voit  avec  plaifir  les  Batailles  d’Alexandre  de  M.  le 
Brun  j  en  a-t’on  moins  a  confiderer  les  Payfages  du  Pouf- 
fin  ?  Un  pinceau  fort  6c  hardi ,  conduit  par  une  grande 
imagination  ,  frappe  dans  les  uns  >  une  belle  nature  ,  des 
araces  naïves ,  beaucoup  de  variété  6c  de  {implicite,  une 
fage  diftribution  ,  de  l’harmonie  entre  les  parties ,  1  aflor- 
timent  6c  les  proportions  font  le  mérité  des  autres.  D’ail¬ 
leurs  ce  ne  font  pas  toujours  les  grandes  révolutions  ,  ÔC 
les  événemens  les  plus  furprenans,  qui  fournirent  a  1  His¬ 
torien  les  réflexions  les  plus  judicieufes  6c  les  caraCteres  les 
plus  Singuliers.  La  Comedie,  qui  prend  toujours  fes  Sujets* 
6c  ordinairement  fes  Auteurs ,  dans  la  vie  privée  ,  neit- 
elle  point  parvenue  a  une  aufli  grande  perfection  ,  n  a- 
t’elle  pas  été  autant  goûtee  fous  la  plume  de  Moliere  , 
que  la  Tragédie,  qui  n’admet  que  des  actions  6c  des  Per- 
fonnages  héroïques ,  fous  celles  du  grand  Corneille  6c  de 
Racine  ? 

Il  y  a  pour  les  Ouvrages  de  Littérature  un  goût  de  con¬ 
venance  ,  que  tout  le  monde  n  apperçoit  peut  -  etre  pas 
d’abord  ;  mais  auquel  on  revient  tôt  ou  tard.  La  Répu¬ 
blique  des  Lettres  n’a  peut-être  jamais  eu  en  même  tems 
un  plus  grand  nombre  de  Cenfeurs ,  qu  elle  en  a  aujour¬ 
d’hui  j  mais  comme  plufieurs  confultent  moins  les  lumie- 


avertissement.  Üj 

tes  de  leur  efprit,que  la  prévention,  ou  quelque  autre  motif 
étranger,  les  Auteurs  mêmes  les  plus  dociles ,  &les  moins 
prévenus  en  leur  faveur ,  feraient  fouvent  bien  embarraf- 
fés,  s’ils  vouloient  avoir  égard  à  toutes  les  Critiques,  qu’on 

fait  de  leurs  Ouvrages.  On  me  permettra  de  me  citer  ici 
pour  exemple. 

Lorfque  l'Hiftoire  de  Saint  -  Domingue  parut ,  un  Cen- 
feur  trouva  tout  le  premier  Tome  inutile  ;  d’autres  au¬ 
raient  voulu  que  j’en  eu  fié  retranché  tout  ce  qui  regardoit 
les  Flibuftiers  &  les  Boucaniers:  mais  que  feroit-ce  qu’une 
Hiftoire  de  1  Ifle  Efpagnole ,  ou  l’on  n’apprendrait  ni  ce 
que  c’eft  que  cette  Ifle  ;  ni  comment  elle  a  été  découver¬ 
te  ;  ni  les  Etabliflemens,  que  les  Efpagnols  y  ont  eus  ;  ni  les 
révolutions  ,  qu’ils  y  ont  efTuyées  ;  ni  de  quelle  maniéré 
cette  piemiere  de  leurs  Colonies  dans  le  nouveau  Monde 
eft  devenue  la  Mere  de  toutes  les  autres  ;  ni  ce  qui  l’a  ré¬ 
duite  au  pitoyable  état,où  nous  la  voyons  aujourd’hui  ;  ni 
enfin  par  qui ,  &  comment  les  François  y  ont  fait  le  plus 
bel  Etabliflement,  qu  ils  ayent  jamais  eu  dans  l’Amerique ? 
Si  j’avois  voulu  écouter  ces  differentes  Critiques ,  ne  me 
trouverois-je  pas  dans  le  cas  de  cet  homme  de  la  Fable ,  à 

qui  fes  deux  femmes  arrachèrent  tous  les  cheveux  de  'la 
tête  ? 

D  autre  part ,  j  appris  que  quelques  perfonnes  me  fça- 
voient  mauvais  gré  d'avoir  coupé  trop  court  fur  certains 
faits, ou  je  m  etois  boine  a  ce  qui  m  avoit  paru  appartenir 
a  mon  fujet  :  qu  ils  auraient  voulu ,  par  exemple ,  que  je, 
n  eufie  point  laifle  perdre  de  vue  Fernand  Cortez,  qu’aptes 
la  conquête  du  Mexique  ;  comme  fi  fa  qualité  de  Sujet  de 
1  Ifle  Efpagnole  m  avoit  donné  droit,  &  mis  même  dans 
1  obligation  de  faire  connoître  toute  la  vie  de  ce  Conque- 


iv  avertissement. 

ram.  Sur  ce  principe  il  aurait  auffi  fallu  fuivre  Almagre 
&  Pizarre  ,  Baldivia  &  tous  les  autres ,  qui  avoient  auffi 
été  habitans  de  San-Domingo  ,  dans  toutes  leurs  expédi¬ 
tions,  &  l’Hiftoire  de  Saint-Domingue  aurait  été  celle  de 
prefque  tout  l’Empire  Efpagnol  dans  le  nouveau  Monde. 

J’ai  eu  à  efl'uyer  le  même  conflit  de  Critique  au  fujet  de 
l’Hiftoire  du  Japon.  D’abord  l’ Auteur  de  la  Bibliothèque 
raifonnée  ,  eftimable  par  fon  érudition ,  s’imagina  que 
j’avois  voulu  faire  tomber  l’Hiftoire  de  Kœmpfer.  J  ai  tout 
lieu  de  croire  qu’un  aufli  habile  homme  que  lui  n  avoir  lu 
alors  ni  l’Ouvrage  du  Do&eur  Allemand ,  ni  le  mien , 
dont  il  aurait  peut-être  parlé  autrement ,  s’il  n’ avoir  pas 
été  en  mauvaife  humeur.  J’eftime  l’Ouvrage  de  Kœmp¬ 
fer  ,  Si  on  ne  fçauroit  me  reprocher  de  ne  lui  avoir  pas 
rendu  juftice  ;  mais  fes  deux  volumes  ne  contiennent  que 
trois  ou  quatre  faits  hiftoriques ,  qui  ne  font  meme  racon¬ 
tés  que  fur  des  traditions  ;  &  je  crois  avoir  démontré  qu’ils 
font  prefque  tous  défigurés  dans  les  principales  circonf- 
tances.  Il  ne  faut  que  voir  ce  qui  fe  pafla  en  Formofe  au 
fujet  de  Pierre  Nuits  :  Kœmpfer  en  a  fait  un  Roman,  ou 
la  vraifemblance  n’eft  pas  même  gardée.  Dans  les  Voya¬ 
is  au  Nord  ,  que  j’ai  fuivis ,  c’eft  un  événement  curieux, 
bien  circonftancié ,  qui  fe  lie  parfaitement  bien  avec  l’Hi¬ 
ftoire,  &c  où  il  n’y  a  rien  que  de  croyable.  A  ces  anecdotes 
prés,  qui  ne  font  touchées  qu  en  paflant ,  tout  le  Livre  du 
dode  Médecin  ne  contient  que  la  defeription  du  Royaume 
,de  Siam ,  les  faites  abrégés  de  l’Empire  du  Japon ,  une  noti¬ 
ce  fort  ample  de  cet  Empire ,  qui  renferme  le  Gouverne¬ 
ment,  la  Police,  la  Religion,  la  Géographie  &  le  Commer¬ 
ce  des  Hollandois,  &  les  Journaux  de  deux  Voyages ,  quil 
a  faits  de  Nangazaqui  à  Jedo ,  à  la  fuite  du  Préfident  Hol- 


AVERTISSEMENT.  v 

landois  j  Journaux ,  qui  font  voir  un  Voyageur  attentif  à 
remarquer  tout  ce  qui  en  vaut  la  peine  6e  qui  pouvoit  en¬ 
trer  dans  les  Mémoires  d’un  homme, qui  ne  voyageoit  que 
pour  s’inftruire  J’ai  profité  de  tout  cela  pour  donner  au  Pu¬ 
blic  une  Defcription  exa&e  du  Japon  ,  8c  j’en  ai  fait  hon¬ 
neur  à  Kœmpfer,  auffi-bien  que  de  tout  ce  qu’il  a  écrit/oit 
dans  cet  Ouvrage,  foit  dans  fes  Amcenit cites  exoticœ,  fur  l’Hi- 
ftoire  naturelle  de  ces  Mes.  Mais  pour  i’hiftorique ,  je  n’en 
ai  profité  en  rien ,  8c  alluré  ment  j’aurois  bien  eu  de  la  pei¬ 
ne  à  en  tirer  une  feüille  d’impreffion,  quand  tout  auroit 
été  exaét. 

Quant  à  ceux  qui  ont  trouvé  mon  Livre  préliminaire 
inutile  8c  trop  long,  c’eft  qu’ils  n’ont  fait  attention  qu’à 
la  moitié  de  mon  titre ,  qui  promet  une  Defcription  8c 
une  Hiftoire  générale.  Or  d’avoir  réduit  à  moins  d’un 
volume  in- 1 1.  en  y  comprenant  même  ce  que  j’ai  ajoûté 
a  la  fin  de  l’Ouvrage  ,  ce  qui  remplit  les  trois  quarts  des 
deux  volumes  in-folio  de  Kœmpfer  ;  ce  n’eft  affurément  pas 
être  trop  diffus. 

Il  a  paru  à  quelques-uns  que  j’avois  donné  trop  d’éten¬ 
due  aux  affaires  de  la  Religion,  d’autres  au  contraire,  qui 
eftimoient  cette  partie  de  mon  Ouvrage  le  plus  précieux 
morceau  de  l’Hiftoire  Lccléfiaftique  de  ces  derniers  Siè¬ 
cles,  n’ont  pas  approuvé  les  retranchemens,  que  j’y  ai  faits. 
J  avois  cru  devoir  prendre  un  parti  mitoyen  entre  ces  deux 
extre mitez,  8c  je  le  prendrois  encore,fi  j’avois  à  recommen- 
cer.Pour  ceux,qui  ont  avancé  que  je  n’a  vois  traité  l’Hiftoire 
Civile  8c  Politique  ,  que  comme  en  paffant  8c  pour  met¬ 
tre  une  forte  de  liaifon  entre  les  faits }  il  eft  évident  qu’ils 
auroient  parlé  autrement ,  s’ils  avaient  lû  mon  Livre  de 
fuite ,  ou  s’ils  avoient  feulement  parcouru  les  trois  extraits 

*  h) 


yj  avertissement . 

qu’on  en  a  donnés  dans  nos  Mémoires  de  Trévoux  *.  En 
un  mot ,  pour  répondre  à  ces  differentes  Critiques,  je  n’ai 
qu’à  renvoyer  leurs  Auteurs  au  Plan,  que  je  me  fuis  pro- 
pofé,  lorfque  j’ai  entrepris  un  Corps  d  Hiftoires  du  nou¬ 
veau  Monde  :  ce  Plan  n’a  point  été  defaprouvé ,  que  je 
fçache  ;  fi  je  l’ai  exactement  fuivi ,  je  fuis  en  réglé  ;  lî  je 
m’en  fuis  écarté  ,  ou  fi  je  m’en  écarte  dans  la  fuite  ,  on 
me  fera  plaifir  de  m’apprendre  en  quoi ,  6c  je  me  cor¬ 
rigerai. 

Il  refte  encore  après  cela  un  vafte  champ  à  la  Critique 
dans  la  maniéré  d’écrire  3  dans  les  réfléxions ,  dans  les  ca- 
radteres ,  dans  l’ordre  6c  la  diftribution  des  faits  ;  6c  fur 
tout  cela  je  ne  ferai  point  furpris  qu’on  me  cenfure.  Obli¬ 
gé  depuis  un  grand  nombre  d’années  d’employer  une  par¬ 
tie  de  mon  te  ms  à  rendre  compte  au  Public  des  Ecrits  des 
autres ,  6c  ufant ,  j’ofe  le  dire  ,  avec  modération  ,  avec 
impartialité  ,  mais  avec  liberté  ,  du  droit  que  me  don¬ 
ne  ,  ou  plutôt  de  l’obligation  que  m’impofe  l’emploi 
de  Journalifte ,  je  ne  déliré  rien  tant  que  d’être  traite  de 
mes  confrères  en  Critique  ,  comme  je  traite  ceux,  dont  je 
dis  mon  fentiment  :  Et  refellere  fine  pertinaciâ ,  &  refelli  fine 
iracundiâ parati  furnus.  (  Cicero  i.  Tufc.  n.  5 .  ) 

Il  m’auroit  été  fans  doute  plus  aife  6c  plus  agréable  de 
ne  prendre  ,  fi  j’ofe  ainfi  m’exprimer  ,  que  la  crème  de 
l’Hiftoire  du  nouveau  Monde.  J’aurois  été  bien  -  tôt  à  la 
fin  de  ma  carrière ,  6c  j’aurois  eu  apparemment  plus  de 
Le&eurs  *  mais  ceux ,  qui  en  veulent  être  inftruits  à  fond, 
feroient  obligés  d’avoir  recours  à  une  infinité  d’autres  Li¬ 
vres,  qu’on  n’a  pas  aifément  à  la  main,  dont  quelques-uns 
font  très-rares ,  où  les  chofes  intereffantes  font  noyées  dans 

*  Juin,  Aoûc  de  Octobre  1737* 


AVER  TISSEMEN  T.  vij 

des  détails  8c  des  récits  fort  ennuyeux  ,  8c  où  il  ffeft  pas 
facile  de  démêler  le  vrai  d  avec  le  faux  ;  outre  qu’il  en  eft 
plufieurs3  dont  la  le&ure  n  eft  pas  fans  danger  du  côté  des 
mœurs  8c  de  la  Religion. 

Pour  venir  au  fujet  de  l’Ouvrage, que  je  préfente  aujour¬ 
d’hui  au  Public,  j’en  connois  tous  les  désavantagés*,  Il  s’a¬ 
git  d  un  pays  immenfe  ,  8c  qui  après  plus  de  deux  Siècles, 
qui  fe  font  écoulés  depuis  que  nous  l’avons  découvert,  eft 
encore  moins  peuple  qu  il  ne  l’etoit  alors ,  quoiqu’il  y  ait 
paffé  affez  de  François  pour  remplacer  au  triple  les  Sauva¬ 
ges  qu’on  y  trouva,  8c  qu’on  ne  puiffe  pas  leur  reprocher 
de  les  avoir  détruits.  Cela  n  annonce  point  une  Hiftoire 
remplie  de  faits  intereffans  ;  mais  on  la  demandoit  cette 
Hiftoire  ,  8c  on  avoir  raifon  de  la  demander.  C’eft  celle 
de  toutes  les  Colonies  Françoifes  du  nouveau  Monde,  qui 
ont  ete  honorées  du  titre  de  la  nouvelle  France  ,  ou  qui 
en  ont  fait  partie  j  8c  elle  nous  manquoit.  D’ailleurs  elle  ne 
prefente  ,  au  moins  dans  l’origine  du  principal  Etabliffe- 
ment,  que  des  objets  capables  de  faire  eftimer  notre  Na¬ 
tion,  la  feule,  qui  ait  eu  le  fecret  de  gagner  l’affe&ion  des 
Amériquains. 

En  effet ,  les  Fondateurs  de  ces  Colonies  ont  eu  beau¬ 
coup  plus  à  cœur, pour  la  plûpart, d’établir  la  Foi  parmi  les 
Barbares ,  que  de  s’y  enrichir  :  nos  Rois  n’ont  tant  rien 
recommandé  à  ceux,  à  qui  ils  y  ont  fait  part  de  leur  auto¬ 
rité ,  que  de  protéger  la  Religion ,  8c  ont  prefque  toujours 
facrifie  leurs  propres  interets  à  cette  vûë  fi  digne  des  Fils 
aines  de  1  Eglife.  Le  feul  motif  de  procurer  le  Salut  éter¬ 
nel  de  ces  Peuples  leur  a  même  plus  d’une  fois  fait  rejet- 
ter  la  propofition  de  renoncer  à  un  Pays,  qui  leur  étoit  à 
charge.  Qui  a  donc  arrêté  le  progrès  de  l’Evangile  parmi 


Jfc'v.  ffjV jM 


vjij  avertissement. 

ces  Barbares,  &  d’où  vient  que  la  plus  ancienne  de  nos 
Colonies ,  celle  qui  naturellement  devoit  fe  peupler  da¬ 
vantage  ,  eft  encore  la  moins  puiiïante  de  toutes  ?  C  eft 
ce  que  la  fuite  de  cette  Hiftoire  dévoilera  aux  yeux  de  ceux, 
qui  voudront  bien  le  donner  la  peine  de  la  lire  avec  at¬ 
tention. 


histoire 


4 


bicj^sc^bsc^bs  S 


PROJET 

D'UN  CORPS  D'HISTOIRES 

DUNOUVEAU  MONDE- 

Uoique  l’on  ne  comprenne  ordinairement  fous  le 
nom  de  Nouveau  Monde  ,  que  la  feule  Amérique  ,  je 
lui  donne  ici  une  lignification  plus  étendue  ;  car  j’y 
comprens  tous  les  Pays  ,  qui  étoient  inconnus  aux  Eu¬ 
ropéens  avant  le  XIV.  liécle.  Or  voici  en  peu  de  mots  le  Plan 
de  ce  Corps  hiftorique ,  que  je  n’ai  pas  crû  devoir  propofer  au 
Public ,  jufqu’à  ce  que  je  rulTe  en  état  de  lui  annoncer  que  la  pre¬ 
mière  Partie  eft  déjà  fous  la  PrefTe. 

Je  commence  par  faire  ob  fer  ver  que  la  plupart  des  Provinces 
de  ce  que  j’appelle  le  Nouveau  Monde,  n’ont  entr’elies  aucune 
liaifon ,  8c  qu’il  en  eft  même  peu  ,  dont  fhiftoire  puifïe  natu¬ 
rellement  entrer  dans  celle  d’une  autre.  Quel  rapport ,  par  exem¬ 
ple  ,  y  a-t-il  entre  la  Nouvelle  Angleterre  8c  la  Nouvelle  Efpa- 
gne  ?  On  ne  peut  gueres  écrire  fhiftoire  d’un  feul  Royaume  de 
1  Europe ,  qu’on  ne  touche  à  celle  de  tous  les  autres  :  on  ne  s’avi- 
feroit  pourtant  pas  d’écrire  une  Hiftoire  générale  de  toute  cette 
partie  de  1  Ancien  Monde  ;  combien  à  plus  forte  raifon  feroit-il 
infenfé  de  vouloir  faire  un  Ouvrage  fuivi  de  celle  de  l’Ameri- 
que?  Il  en  faut  donc  feparer  les  parties ,  qui  n’ont  aucune  dépen¬ 
dance  les  unes  des  autres  ;  réunir  celles  ,  dont  on  ne  pourroit  par¬ 
ler  feparement,  fans  tomber  dans  des  redites ,  ou  fans  les  mutiler 
telles  que  font  la  Nouvelle  France  8c  la  Loüifiane,  8c  donner  au* 
Public  toutes  ces  Hiftoires  l’une  après  l’autre.  Or  voici  ce  que 
j  ai  imaginé  pour  leur  donner  une  uniformité  ,  qui  en  fafTe  un 
tout  lié  par  la  méthode  qu’on  y  gardera. 

Je  mettrai  a  la  tête  de  chaque  Hiftoire  un  Catalogue  exaét  de 
tous  les  Auteurs ,  qui  auront  écrit  fur  le  même  fujet ,  ne  l’eufTent- 
ils  fait  qu’en  paftant ,  pourvu  que  ce  qu’ils  en  ont  dit,  mérite 


qu’on  y  fa  (Te  quelque  attention.  Je  marquerai  en  même  tems  îes 
fe cours  ,  que  j’aurai  tirés  de  chacun  ,  6c  les  raifons  ,  que  j’aurai 
eues  de  les  fuivre ,  ou  de  m’en  écarter  ;  en  quoi  je  tâcherai  de  faire 
en  forte  ,  qu’aucune  prévention  ,  ni  aucun  autre  intérêt ,  que  ce¬ 
lui  de  la  vérité  ,  ne  conduife  ma  plume. 

A  ce  premier  préliminaire  j’en  ajouterai  un  fécond  ,  qui  fera 
une  Notice  générale  du  Pays.  J’y  ferai  entrer  tout  ce  qui  regarde 
le  caraCtere  de  la  Nation  ,  Ion  origine  ,  fon  gouvernement,  fa 
religion  ,  fes  bonnes  6c  fes  mauvaifes  qualités ,  le  climat  6c  la  na¬ 
ture  du  pays,  fes  principales  richeftes  ;  mais  je  rejetterai  à  la  fin 
de  l’Ouvrage  tous  les  articles  de  l’hiftoire  naturelle,  qui  deman¬ 
deront  d’être  traitez  en  détail ,  6c  toutes  les  pièces  ,  qui  n’auront 
pu  avoir  lieu  dans  le  corps  de  l’Hiftoire,  6c  qui  pourront  néan¬ 
moins  apprendre  quelque  chofe  d’intérefiant  :  comme  ce  qui  re¬ 
garde  le  Commerce  6c  les  Manufactures  ,  les  Plantes  6c  les  Ani¬ 
maux,  la  Médecine ,  êcc. 

Pour  ce  qui  eft  du  corps  même  de  PHiftoire ,  j’y  garderai  le 
même  ordre,  que  j’ai  fuivi  en  écrivant  l’Hiftoire  de  Mlle  de  Saint 
Domingue ,  6c  dont  il  m’a  paru  que  le  Public  n’étoit  pas  mécon¬ 
tent.  Je  n’y  omettrai  rien  d’elTentiel ,  mais  j’y  éviterai  les  détails 
inutiles.  Je  fçai  que  la  nature  de  cet  Ouvrage  en  demande  ,  que 
d’autres  Hiftoires  ne  foufïriroient  pas.  Des  chofes  allez  peu  inté- 
relîantes  en  elles-mêmes  font  plaifir ,  quand  elles  viennent  d’un 
Pays  éloigné,  mais  je  comprends  qu’il  faut  choifir  6c  fe  borner. 

De  cette  maniéré  on  pourra  avoir  une  connoilïance  entière  de 
chaque  Région  du  Nouveau  Monde  ;  de  l’état  où  elle  étoit , 
quand  on  l’a  découverte  :  de  ce  qu’on  a  pu  apprendre  de  l’Hiftoire 
de  fes  premiers  habitans  ;  de  ce  qui  s’y  eft  pâlie  de  confiderable , 
depuis  que  les  Européens  y  font  entrez  5  de  ce  qu’elle  renferme 
de  plus  curieux  5  6c  l’on  fçaura  ce  que  l’on  doit  penfer  de  ceux  , 
qui  en  ont  écrit  jufqu’à  préfent.  Ainfi  l’Hiftoire  du  Nouveau 
Monde  ne  fera  plus  en  danger  de  périr  par  fâ  propre  abondance  j 
les  chofes  ,  qui  font  véritablement  dignes  delà  curiofite  des  Le¬ 
cteurs  ,  n’y  feront  plus  noyées  dans  les  inutilités  ,  pour  ne  rien 
dire  de  plus,  ni  embaralTées  dans  îes  contradictions  ;  6c  il  fera 
aifé  de  faire  un  difcernement  jufte  de  ceux  d’entre  les  Auteurs 
des  Relations  êc  des  V oyages ,  qui  méritent  feuls  le  décri ,  qu’ils 
ont  attiré  fur  tous  les  autres  ,  d’avec  les  Ecrivains  ,  qui  par  leur 
fincérité ,  6c  leur  application  à  s’inftruire  ,  fe  font  rendus  dignes 
d’être  regardés  comme  des  guides  fùrs  êc  des  témoins  irréprocha¬ 
bles,. 


4 


11J 

Ait  refte ,  il  écoit  bien  tems  de  rendre  ce  fervice  au  Public ,  tan¬ 
dis  que  nous  avons  encore  des  réglés  certaines  de  critique  pour 
diftinguer  les  Pièces  légitimés  &r  authentiques,  de  ce  nombre 
prodigieux  d’Ecrits  bazardés  ,  dont  la  plupart  altèrent  la  vérité 
julqu’au  point  de  la  rendre  méconnoiffable  ,  6c  qui  en  feroient 
enfin  perdre  abfolument  la  trace,  fi  on  laifToit  aller  le  déborde¬ 
ment  plus  loin.  Jamais  en  effet  la  demangeaifon  d’écrire  n’a  été 
plus  loin  qu’en  cette  matière.  Qui  pourrait  nombrer  les  Rela¬ 
tions  ,  les  Mémoires  ,  les  V oyages  ,  les  Hiftoires  particulières  6c 
générales ,  qu’ont  enfantés  la  curiofité  de  voir  6c  l’envie  de  racon¬ 
ter  ce  que  1  on  a  vu  ,  ou  ce  que  l’on  a  voulu  palier  pour  avoir  vu  ? 
Mais  il  nous  relie  encore  un  rayon  de  lumière  ,  à  la  faveur  du¬ 
quel  nous  pouvons  dégager  la  vérité  de  ce  monflrueux  amas  de 
fables ,  quH’ont  prefqu  entièrement  éclipfée  ;  6c  dont  la  plupart , 
quoique  foutenuës  des  agrémens  du  flile  ,  6c  du  pernicieux  aflai- 
fonnement  de  la fatyre  ,  du  libertinage  6c  de  l’irreligion,  ne  de¬ 
meurent  en  poffeflion  d  etre  entre  les  mains  de  toures  fortes  de 
perfonnes ,  au  grand  préjudice  des  mœurs  6c  de  la  pieté,  que  parce 
qu’on  ne  leur  a  encore  rien  oppofé  de  meilleur. 

Si  dans  la  revue ,  que  je  ferai  de  toutes  les  Pièces ,  qui  ont  quel¬ 
que  rapport  a  mon  Ouvrage  ,  il  m’en  échappe  quelques-unes  ,  ce 
fera  pour  l’ordinaire  ,  parce  qu’il  n’aura  pas  été  pofîible,  ou  que 
je  n  aurai  pas  juge  qu’il  convînt  de  les  tirer  de  l’obfcurité  ,  ou 
elles  feront  demeurees  enfeveîies  ;  6c  mon  filence  à  lein^égard  fera 
la  feule  critique  ,  qui  leur  convienne.  S’il  m’arrive  pourtant  d’en 
omettre  ,  qui  méritent  de  n’être  pas  oubliées  ,  je  reparerai  ce  dé¬ 
faut,  des  qu’on  m’en  aura  averti.  De  cette  forte  ,  fi  on  peut  re¬ 
procher  avec  fondement  à  ces  derniers  fiécles  une  licence  effré¬ 
née  d  écrire  ,  plus  capable  d’établir  parmi  le  commun  des  hom¬ 
mes  un  vrai  pyrrhonifme  en  fait  d’hiftoire ,  que  d’inflruire  ceux  , 
qui  s  adonnent  a  cette  leéture ,  6c  plus  propre  à  dégrader  les  Hé- 
ros ,  qui  ont  rempli  le  Nouveau  Monde  de  l’éclat  de  leurs  ex¬ 
ploits  ,  6c  de  leurs  vertus  ,  par  le  fabuleux ,  qu’on  y  a  mêlé ,  qu’à 
leur  procurer  1  immortalité,  qui  leur  efl  duë  ;  on  trouvera  dans 
cet  Ouvrage  un  remedeà  ce  défordre  ;  6c  ceux  qui  viendront 
après  nous,  feront  plus  en  état,  qu’on  ne  l’a  été  jufqu’ici ,  de  ren¬ 
dre  juflice  à  tout  le  monde. 

On  me  demandera  peut  être,  fi  je  me  fuis  flatté  de  pouvoir 
executer  un  deflein  fi  vafle,  6c  pour  lequel  il  femble  que  la  plus 
longue  vie  ferait  encore  trop  courte.  A  cela  je  réponds  que  la 

a  ij 


<9 

IV 

nature  cîe  cet  Ouvrage  ne  demande  pas  que  toutes  les  parties» 
qui  le  compoferont ,  foient  de  la  même  main  5  qu’il  ne  fouffrira 
point  de  la  diverfité  du  ftile  5  que  cette  diverfité  y  aura  meme  fon 
agrément  j  &  qu’il  ne  fera  queftion  que  de  fuivre  toujours  le  me¬ 
me  plan  ,  ce  qui  eft  fort  aifé.  On  peut  dire  de  cette  entreprife  a 
peu  près  la  même  chofe ,  que  de  la  découverte  de  l’ Amérique.  Le 
plus  difficile  étoit  fait ,  quand  elle  fut  une  fois  commencée.  H  y 
a  donc  tout  lieu  de  croire  qu’elle  continuera  après  moi ,  &  que  u 
j’ai  l’avantage  d’en  avoir  donné  l’idée  »  ceux  qui  me  fuccederont, 
auront  la  gloire  de  l’avoir  perfectionnée. 

Il  ne  merefte  plus  qu’à  prévenir  le  Public  fur  la  depenfe  inévi¬ 
table  dans  l’exécution  d’un  tel  projet  ,  afin  que  le  prix  des  Volu  ¬ 
mes  ne  le  révolté  point.  Premièrement ,  on  n’y  doit  épargner  ni 
les  Cartes ,  ni  les  Plans ,  &  je  fuis  perfuadé  que  cet  article  ne  trou¬ 
vera  point  de  contradicteurs.  Rien  n’eft  plus  nécefiaire  dans  1  HL 
ftoire ,  dont  la  Géographie  &  la  Chronologie  font  les  deux  yeux  ; 
fur  tout ,  lorfqu’il  s’agit  de  Pays  ,  qui  ne  font  pas  a  fiez  connus» 
En  fécond  lieu ,  on  fera  graver  tout  ce  que  l’Hiftoire  naturelle 
fournira  de  plus  curieux ,  mais  on  ne  le  fera  que  quand  on  pourra 
s’afïurer  d’avoir  été  bien  fervi.  Enfin  ,  il  y  a  dans  les  differentes 
maniérés  de  S’habiller  &  des’armer  de  tant  de  Peuples  ^divers  , 
dans  les  cérémonies  de  leur  Religion  ,  ôc  dans  leurs  coutumes , 
bien  des  chofe  s,  qu’on  fera  fort  aife  de  voir  reprefentees  au  natu¬ 
rel  j  mais  on  aura  foin  de  retrancher  tout  ce  qui  ne  ferviroit  qu  a 
enchérir  inutilement  les  Volumes» 


Gvoen- 
huui. 


Guinée. 


*£3*  *0*  ^3*^3*^2*Cl*sSlei 


FASTES  CHRONOLOGIQUES 
DU  NOUVEAU  MONDE, 


ET  DES  ETABLISSEMENS  QUE  LES  EUROPEENS 

Y  ONT  P  À  I  T  S  l 


CORRIGES  ET  AV  G  ME  NT  EX. 


1 248*. 

Uelq,ues-uns  placent  en 
cette  année  les  premières 
navigations  au  Groen¬ 
land  ,  que  M.  Savary  nom¬ 
me  la  Groenlande  ;  mais  ils  fe  trom¬ 
pent.  Ce  grand  Pays  étoit  connu  des 
Norvégiens  dès  le  neuvième  fiécle,  8c 
beaucoup  plus  qu’il  ne  l’eft  aujour¬ 
d’hui. 

1 3^5* 

On  ne  fçait  pas  au  jufte  en  quelle 
année  les  François  ont  commencé  à 
trafiquer  en  Guinée  ,  mais  il  eft  cer¬ 
tain  qu’en  1  364*  des  Marchands  de 
Dieppe  avoient  découvert  cette  Côte, 
8c  y  trafiquoient.  Leur  mémoire  y  eft 
encore  très  -  chere  aux  habitans  , 
qui  fe  la  tranfmettent  par  tradition. 
La  bonne  conduite  de  ces  Naviga¬ 
teurs  ,  8c  les  maniérés  fort  oppo  (ces 
des  autres  Européens ,  qu’ils  ont  con¬ 
nus  depuis  ,  ont  beaucoup  contribué 
à  faire  regretter  les  Dieppois.  On  a 
eonfervé  le  nom  de  Petit  Dieppe  à  un 
endroit  de  la  côte  du  G rain. 


1383. 

?ois  font  un  établiftèment 
toit  de  la  même- côte ,  où 
eft  prefentement  le  fort  de  la  Mine. 
Les  guerres  civiles  de  France  fous  les 
régnés  de  Charles  VI.  8c  de  Charles 


dans 


Les  Dieppe 
ns  un  endn 


VIL  les  obligèrent  en  1410  de  l’a* 
bandonner. 

1401  -  1405. 

Les  Iftes  Canaries ,  que  quelques-nns 
prétendent,  fans  en  apporter  aucunes 
preuves  fuffifantes ,  être  les  l&zs  For¬ 
tunées  >  fi  vantées  par  les  Anciens ,  ont 
etc  ignorées  des  Européens  jufques 
vers  le  milieu  du  XIV.  fiécle.  Des  Na¬ 
vigateurs  Génois  8c  Catalans  en  ayant 
eu  quelque  connoiftance  vers  l’an 
1 3  4  5  »  Louis  de  la  Cerda  ,  dont  le  Pe- 
re  avoit  été  déshérité  par  Alphon- 
fe  X.  Roy  de  Caftille  fon  ayeul  ,  fut 
couronné  peu  de  tems  après  Roy  des 
Canaries  par  le  Pape  Cernent  VI 3 
mais  il  ne  prit  point  poftèftïon  de  ce 
Royaume,  &  les  Canaries  retombè¬ 
rent  dans  l’oubli.  Au  commencement 
du  XV.  fiécle,  ou  vers  la  fin  du  précé¬ 
dent  ,.  Henry  III.  Roy  de  Caftille ,  les 
donna  à  Jean  de  Bethancourt,  Gentil¬ 
homme  Normand ,  d’autres  difent  à 
Robert  de  Braquemont ,  depuis  Ami¬ 
ral  de  France;  lequel  y  envoya  Jean  de 
Bethancourt,  Baron  de  S.  Martin  le 
Gaillard ,  fon  parent..  Celui-ci  fe  ren¬ 
dit  maître  en  1401.  ou  en  1405.  des 
Ides  de  Lançarotte ,  de  F uer te  Eentu - 
ra,  &  de  Fer,  8c  s’y  fit  reconnoître 
pour  Roy.  Maciot  de  Bethancourt, fon 
Parent  8c  fon  Succelfeur  ,  céda  dans 
la  fuite  fon  droit  à  l’Infant  de  Portu^ 


nies  Ga» 

aaiies. 


I 


Cap  de 
Bojador. 


Porto 

Samo. 


vj  FASTES  CHRO 

gai ,  D.  Henri  ,  Comte  de  Vifeo  ,  le¬ 
quel  y  envoya  Ferdinand  de  Caftro  , 
Grand-Maître  de  fa  Maifon.  Les  Au¬ 
teurs  ne  s’accordent  pas  fur  le  teins , 
auquel  furent  découvertes  les  autres 
Mes.  Ce  qui  eft  certain ,  c’eft  que  le 
Roy  de  Caftille  ayant  réclamé  contre 
la  ceilion  de  Maciot  de  B.ethancourt, 
en  vertu  du  droit  de*  Souveraineté , 
qu’il  prétendoit  fur  les  Canaries ,  il  y 
eut  entre  ce  Prince  8c  l’Infant  de  Por¬ 
tugal  un  Traité ,  en  vertu  duquel  ces 
Ifles  furent  rendues  à  la  Couronne  de 
Caftille  j  qui  les  poflède  encore  au¬ 
jourd’hui. 

1412. 

Première  navigation  des  Portugais 
le  long  de  la  côte  d’Afrique.  Leurs 
courfes  fe  terminèrent  long  tems  au 
Cap  de  Bojador  ,  qu’ils  n’ofoient  dou¬ 
bler. 

1418. 

Découverte  de  l’Ifle  de  Porto  Santo 
par  Triftan  Vaz  8c  Jean  Gonzalez 


NOLOGIQÜES. 

tempête  y  avoit  jetté  par  hazard  avec 
fa  femme.  Ils  ajoutent  que  Machin 
étant  devenu  veuf,  s’étoit  remis  en 
avoit  donné  connoiflance  de  fa 


mer 


découverte  aux  Caftillans ,  &  que  fur 
cet  avis  des  Navigateurs  Efpagnols  8c 
François  étoient  allé  croifer  dans  ce 
parage,  qu’ils  n’avoient  pu  trouver 
Madere ,  8c  qu’ils  avoient  fait  plu¬ 
sieurs  defcentes  dans  les  Canaries. 


Zarco,  Portugais.  Ils  lui  donnèrent  ce 
parce  qu’ils  y  abordèrent  le 


Madere. 


nom 

jour  de  la  Tounaints. 

141 9* 

Découverte  de  l’Ifle  Madere  parles 
mêmes.  Chacun  donna  fon  nom  à  la 
pointe,  où  il  prit  terre  j  8c  Gonzalez 
ayant  trouvé  en  abordant  une  grot¬ 
te  ,  où  fe  retiraient  des  loups  marins, 
il  nomma  ce  lieu  Cambra  de  Lobos  ma- 
rinos ,  8c  prit  le  furnom  de  Cambra , 
&  plus  communément  Camara  ,  qui 
eft  demeuré  à  fon  illuftre  famille.  Le 
nom  de  Madera  fut  donné  à  cette  Ifle, 
parce  qu’elle  étoit  toute  couverte  de 
bois  \  car  Madera  en  Portugais  flgni- 
fle  bois ,  d’où  vient  apparemment  no¬ 
tre  mot  de  Madrier.  Quelques.  Au¬ 
teurs  Anglois  ont  avancé  que  Madere 
avoit  été  découverte  plus  de  Go  ans 
auparavant  par  un  homme  de  leur 
Nation  ,  nommé  Machin  ,  que  la 


1 4  3  9* 

Gil  Ahez,  Portugais,  double  le  Cap  Bojador, 
de  Bojador ,  accompagné  d’Antoine 
Gonzalez  Baldaya.  On  prétend  que 
ce  Promontoire  eft  le  même  ,  qui  eft 
marqué  dans  Ptolomée  ,  fous  le  nom 
de  Canarea.  Le  nom  de  Bojador  lui 
fut  donné  par  les  Portugais  ,  à  caufe 
que  pour  le  pafler,  il  faut  voguer  aflez 
loin  a  l’Oueft ,  puis  revenir  à  l’Eft. 

Bojar  en  portugais  flgnifie  voguer. 

144°. 

Nuno  Triftan,  Portugais ,  découvre 
le  Cap  Blanc.  Quelques  Auteurs  pla¬ 
cent  auflî  en  cette  même  année  la  dé¬ 
couverte  du  Cap  Ferd ,  mais  ce  n’eft 
pas  l’opinion  la  plus  fuivie. 

1442.  1443. 

Antoine  Gonzalez  ,  Portugais ,  dé¬ 
couvre  Rio  de!  oro.  L’année  luivante  il 
découvrit  les  IJlcs  d’Arguyn  ,  vis-à-vis 
le  Cap  Blanc.  L’Infant  D.  Henry  y  fit 
bâtir  un  Fort  ,  dont  les  Hollandois 
s’emparèrent  en  1 63  S. 


Cap 

Blanc. 


Rio  de 
Oro.  Ai 
guyn. 


J.44  5*  . 

Gonzalo  de  Cintra ,  Portugais ,  de- 


Angra 


couvrit  fur  la  même  côte  de  Nigritie 
une  grande  Baye  ,  où  il  fut  tué.  On 
l’appella  de  fon  nom  Angra  de  Cintrai 
c’eft-à-dire ,  Baye  de  Cintra.  Peu  à 
peu  on  s’eft  accoutumé  à  la  nommer 
tout  Amplement  Angra. 

*444* 

Nuno  Triftan  ,  dont  nous  avons  déjà 
parlé  ,  découvre  le  Cap  Ferd.  Il  pafla 
devant  l’embouchure  du  Senega ,  fans 


Cap 

Vci'd. 


FASTES  CH  R  O 

le  reconnoître  ,  car  le  Cap  Verd  a  le 
Senega  au  Nord ,  &  le  Gambea  au 
Midi.  Ces  deux  rivières  font  les  prin¬ 
cipales  branches  du  Niger.  Quelques- 
uns  attribuent  la  découverte  du  Cap 
Verd  àDenys  Fernandez  j  peut-être 
accompagnoit-il  Nuno  Triftan. 

1 447'  . 

3-  Lançarote ,  Portugais ,  découvre  le 
S enega  ,  que  les  gens  du  Pays  nom- 
moient  Ovedéc.  Lançarote  lui  donna 
le  nom  de  Senega  ,  ou  Sanega ,  qui 
étoit  celui  d’un  Negre  de  confidera- 
tion  ,  qu’il  y  fit  efclave  ,  ,8c  qui  fe  ra¬ 
cheta.  Le  Portugais  prit  d’abord  cette 
riviere  pour  un  bras  du  Nil.  Quel¬ 
ques-uns  rejettent  cette  découverte  à 
l’année  fuivante. 

1448. 

Dom  Gonzalo  Vello  ,  Comman¬ 
deur  d’Almouros ,  partit  cette  année 
de  Portugal  pour  aller  reconnoître  les 
Açorres,  ainfi  nommées  de  la  quanti¬ 
té  de  Vautours ,  qu’011  y  trouva.  Car 
u4çor  en  Efpagnol  8c  en  Portugais  li¬ 
gnifie  Vautour.  On  appelle  aulfi  ces 
Illes  les  Terceres ,  du  nom  de  la  prin¬ 
cipale  de  toutes  ,  laquelle  étant  la 
troifiéme ,  qu’on  rencontre  en  venant 
de  Portugal ,  fut  nommée  Tercera.  Le 
Commandeur  ne  reconnut  que  les  If- 
les  de  Fayal ,  de  Pico  ,  de  S.  George  , 
la  Gracia  fa  ,  la  Tercera  ,  Sainte  Marie 
8c  Saint  Michel.  Cette  dernier e  eft  cé¬ 
lébré  par  la  fameufe  bataille  navale , 
que  le  Marquis  dé7  Santa  Crux  y  ga¬ 
gna  en  1 5  82.  fur  Dom  Antoine  ,  qui 
le  difoit  Roy  de  Portugal.  Celle  de 
Flores  8c  de  Corvo  n’ont  été  connues  , 
que  quelques  années  après.  Toutes  ces 
Illes  étoient  fans  habitans ,  lorfque  le 
Commandeur  Portugais  y  aborda , 
excepte  celle  de  Fayal ,  où  des  famil¬ 
les  Flamandes  étoient  établies  fur  le 
bord  d  une  riviere.  Boterus  dit  que 
les  Açorres  ont  été  découvertes  en 


NO  LOGIQUES*  vif 

1 43  9.  mais  il  y  a  bien  de  l’apparence 
qu’il  fe  trompe,  &que  les  Flamands 
y  etoient  même  avant  ce  tems-là.  C’eft 
aux  deux  Illes  de  Flores  8c  de  Corvo , 
qui  font  Nord  8c  Sud ,  que  les  Portu¬ 
gais  avoient  placé  d’abord  leur  pre¬ 
mier  meiidien ,  fur  ce  qu’ils  crurent 
avoir  obfervé  que  l’aiguille  aimantée 
ne  varioit  point  par  leur  travers* 

D  autres  Navigateurs  alïîirent  que 
cette  obfervation  eft  faulfe.  Ce  qui  eft 
certain ,  c’eft  que  les  Portugais  ont 
depuis  fixé  leur  méridien  au  Pic  des 
Açorres ,  8c  que  plufieurs  Nations  les 
pnt  fuivis  en  cela.  Celui  des  François 
eft  à  l’Ille  de  Fer  ,  une  des  Canaries. 

On  trouva  dans  l’Ille  de  Corvo  ,  lorf- 
qu’ on  la  découvrit ,  une  ftatuë  eque- 
ftre ,  dont  on  n’a  pas  bien  pu  diftin- 
guer  la  matière  ,  montée  fur  un  pié 
d’eftal  de  même ,  où  il  y  avoit  des  ca-r 
ràéteres ,  qu’011  n’a  pû  déchifrer  ,  8c 
qu  on  n’a  pas  eu  le  loin.de  conferver. 

Les  premiers  Navigateurs  n’étoient 
pas  curieux  de  ces  fortes  de  monu- 
mens.  Le  Cavalier  montroit  de  la 
main  droite  l’Occident ,  comme  pour 
faire  entendre  qu’il  y  avoit  des  Terres 
de  ce  coté-ld.  Le  Commandeur  d’Al¬ 
mouros  commença  un  établiftement 
aux  Açorres. 

1 449* 

Decouverte  des  Ijles  du  Cap  Verd  nfe 
par  Antoine  Nolli  Génois ,  au  nom  Vei! 
de  1  Infant  D.  Henry,  Comte  de  Vi- 
feo.  La  première  ,  où  il  aborda  ,  fut 
nommee/  IJle  de  Mai,  parcequ’il  y  prit 
terre  le  premier  jour  de  Mai.  Il  en  re¬ 
connut  en  même  tems  deux  autres , 
aulquelles  il  donna  les  noms  de  S. 
Jacques  &  de  S.  Philippe  ,  dont  on 
célébré  la  fête  en  ce  jour.  Le  refte  ne 
fut  découvert  qu’en  14(30.  par  les  Por¬ 
tugais  ,  qui  commencèrent  alors  d  les 
peupler  toutes  ,  le  P.  du  Jarric  fe 
trompe ,  quand  il  dit ,  que  les  Portu- 


S.  Geor» 


Congo 
Bénin  , 
Prêtre 
Jean. 


Ifles  de 
S.  Tho- 
mé  èc  du 
Prince  , 
Je  Cap  de 
Sainte 
Catheri¬ 
ne  :  la 
Mine, 


viij  FASTES  CHRONOLOGIQUES. 

oais  firent  cette  découverte  en  1446.  n’eftpas  bien  prouvé.  Il  eft  certain 
ôc  Sanut ,  lorfqu il  1  attribue  à  Louys  au  moins  qu’il  n’y  fit  aucun  etablille- 
de  Cadamofto ,  noble  Vénitien  ,  en-  ment.  On  convient  même  aujour- 
voyé,  dit-il,  par  l’Infant  de  Portu-  d’hui  que  l’Eftotiland  eft  un  Pays  chi- 
gal  pour  découvrir  de  nouvelles  Ter-  merique. 

res  :  à  moins  qu’on  ne  dife  que  Cada-  ^  1 1  •  . 

mofto  commandoit l’Efcadre,  qui re-  Diego  de  Azambuja,  Portugais,  gesdela 
connut  en  1460.  celles  de  ces  Ifles ,  bâtit  le  Fort  de  S.  Georges  de  la  Mme  Mme. 
que  Nolli  n’avoit  point  vues.  Quel-  â  l’endroit,où  un  fiécle  auparavant  les 
ques  Auteurs  prennent  ces  Ifles  pour  François  enavoient  eu  un. 
les  Gorgones  de  Pomponius  Mêla:  1484.  . 

d’autres ,  pour  les  Gorgades  de  Pline  :  Diego  Cam  ,  Portugais  ,  découvre 

d’autres ,  pour  les  Hefperides  ,  fi  van-  le  Royaume  de  Congo  ,  lequel  cont¬ 
rées  par  les  Anciens  :  d’autres  enfin  ,  prenoit  alors  ceux  d'Angola ,  de  Ma- 
pour  les IJles Fortunée* ■>  de  ces  divers  tamba  ,  de  plufieurs  autres  ,  qui  en 
fentimens  ont  quelque  vraifemblan-  ont  été  féparés  depuis.  Il  paroit  que 
ce  ;  mais  ils  n’ont  que  cela.  Je  pan-  c’eft  à  fon  retour ,  dumoins  c  eft  dans 
cherois  plus  à  croire  que  les  Canaries  le  même  voyage ,  qu  il  entra  dans  le 
croient  les  Hefperides ,  de  les  Ifles  du  Royaume  de  Bénin.  Il  y  eut  avis  que 
Cap  Verd,  les  Fortunées  :  mais  le  nom  le  Roy  de  Bénin  recevoir  d  un  nn- 
de  Fortuné  convient  beaucoup  mieux  ce  plus  puiflant  que  lui  1  inveftiture 
au  Cap  Verd  même,  qu’aux  Ifles,  auf-  de  fon  Royaume  ,  par  le  Manteau 
quelles  il  a  donné  le  nom  ;  où  l’air  Royal,  de  un  Bâton,  ou  il  y  avoir 
n’eft  pas  fain ,  de  qui  n’ont  rien  de  re-  une  Croix  femblable  a  celle  de  Mal- 
commandable.  te  -,  &  que  les  Etats  de  ce  grand  Mo- 

narque  croient  éloignés  de  deux  cent 

Jean  de  Santaren  ,  &  Pierre  de  Ef-  cinquante  lieues  du  Bénin.  Il  en  m- 
covar  ,  Portugais ,  envoyés  par  Dont  ftruifit  a  fon  retour  le  Roy  ^on  1  ai- 
Fernand  Gomez ,  découvrent  l’Ifle  de  tre,  qui  crut  que  c  etoit  le  1  retre  Jean, 

5.  Thotnè ,  celle  du  Prince ,  de  le  Cap  de  de  trois  ans  après  Pierre  de  Covifiam, 
Sainte  Catherine ,  qui  fut  ainfi  nom-  de  Alphonfe  de  Pay  va  furent  en- 
'  parce  qu’ils  le  reconnurent  le  voyes  vers  ce  Prince  ,^  quon  ne  dou¬ 
ai 


me 


jour 


e  la  Fête  de  cette  Sainte.  Ils  toit  point  qu’il  ne  fût  l’Empereur  des 
r  a  1  .  _  a ^ r-  t  or.  Upnnrpç  allèrent 


rftotï- 

land. 

Labra¬ 

dor. 


Abyllins.  Les  deux  Députes  allèrent 
s’embarquer  à  Adem ,  port  de  l’Ara¬ 
bie  Heureufe  •,  puis  s’etant  fepares , 
Pay  va  prit  la  route  d  Abyflime  ,  de 
mourut  en  chemin.  Covillam  prit 
celle  des  Indes  ,  alla  à  Cananor  ,  a 

,u ...  .. . .  -  —  Go* ,  1  Calicut ,  retourna  en  Afrique, 

e  de  la  circonftance  du  jour.  On  l’ap-  prit  terre  au  Royaume  %  de  SofaU  , 
pelle  vulgairement  Anno-bon.  paflà  de-là  a  Ormuz. ,  d  ou  il  e  ren  it 

r  5  1477.  à  la  Cour  de  l’Empereur  des  Abyllins. 

On  prétend  qu’en  cette  année  Jean  t  148(3^ 

Scalve,  Polonois ,  reconnut  YEftoti-  Barthelemi  Diaz ,  Pierre  Diaz ,  Ion 
Und,  de  la  Terre  de  Labrador  j  mais  cela  frere ,  de  Jean  Infante  ,  Portugais  , 

dprnnvrpnf 


trouvèrent  fur  toute  cette  côte  beau 
coup  de  mines  d’or,  ce  qui  lui  fit  don¬ 
ner  le  nom  de  la  Mine . 

1471. 

Les  mêmes  découvrirent  le  pre- 

d’Anno-  mier  jour  de  l’année  fuivante  une  Ifle 
bon. 


qu’ils  appelèrent  Anno  bueno  ,  à  cau- 
ie 


Cap 
Bonn 
efpt  r 

ce. 


Fremie- 
te  décou¬ 
verte  de 
l’Ameri- 
que. 


Ligne 
tic  De- 
marca. 
îion. 


Tetitcs 

Antilles. 


Tfabel- 
le  ,1a  pre¬ 
mière 
Ville  du 

H  ou- 


Fastes chko 

découvrent  le  Cap  de  Bonne  Efpcrance , 
Ils  le  nommèrent  Cap  des  Tourmentes , 
parce  qu’ils  y  elfuyerent  de  violentes 
tempêtes  ;  mais  le  Roy  de  Portugal  , 
qui  comprit  que  cette  découverte  lui 
ouvroit  le  chemin  des  Indes ,  chan¬ 
gea  ce  nom  en  celui ,  qu’il  a  toujours 
porté  depuis. 

rq  5>z. 

Chriftophe  Colomb  ,  Génois ,  dé¬ 
couvre  l’onzième  d’Octobre  la  pre¬ 
mière  Terre  de  /’ Amérique ,  &  en 
prend  poftelfion  au  nom  de  la  Cou¬ 
ronne  de  Caftille.  C’étoit  une  des  If- 
les  Lucayes ,  qui  fe  nommoit  Guana - 
bani ,  ôc  à  laquelle  il  donna  le  nom 
de  San  Salvador.  Il  en  reconnut  en- 
fuite  plufieurs  autres ,  puis  celle  de 
Cuba ,  &  enfin  l'IIle  Hayti  ,  qu’il 
nomma  l'Ijle  Efpagnole .  Les  François 
1  appellent  S.  Domingue ,  du  nom  de 
fa  Capitale. 

I493- 

Le  Pape  Alexandre  VI.  fait  tracer 
la  fameufe  ligne  du  Démarcation  , 
pour  mettre  d’accord  les  Efpagnols  & 
les  Portugais  au  fujet  de  leurs  décou¬ 
vertes.  Elle  pafioit  par  le  milieu  de 
l’efpace  de  mer  ,  qui  eft  entre  les 
Açorres  &  les  Mes  du  Cap  Verd  5 
mais  dans  la  fuite  elle  fut  reculée  de 
370  lieues  à  l’Oueft. 

'  Au  mois  d’Oétobre  de  la  même  an¬ 
née  Chnftophe  Colomb  découvrit  la 
plupart  des  petites  Antilles,  &  la 
plûpart  des  noms ,  qu’il  leur  donna , 
le  font  confervés  jufqu  a  prefent.  Il 
reconnut  enfuite  l’Me  Boriquen  ,  & 

1  appella  1  Me  de  S .  Jean-Baptijîe.  O11 
y  a  depuis  ajouté  le  furnom  de  Puerto 
Rie co.  Les  François  la  nomment  Porto 
Rico. 

De-la  il  palfa  à  l’Me  Efpagnole  ,  où  ' 
il  bâtit  la  première  Ville ,  que  les  Eu¬ 
ropéens  ayent  eue  dans  le  Nouveau 
Monde ,  de  la  nomma  Ifabelle ,  en 


N  O  LOGIQUES.  ix 

l’honneur  de  la  Reine  de  Caftille,  veau 
qui  portoit  ce  nom.  Monde. 

1494- 

Chriftophe  Colomb  découvre  la  jamaiv 
J 1. imaique  le  quatorzième  de  Mars.  Il  <îue* 
lui  donna  le  nom  de  Santyago  :  mais 
celui  de  Jamàica ,  qu  elle  portoit ,  a 
pievalu.  Il  s  aftiira  dans  le  même 
voyage  que  Cuba  étoit  une  Me. 

1496'. 

Le  cinquième  de  Mars  Henry  VII.  Terre. 
Roy  d’Angleterre,  accorda  une  Paten-  Labra’ 
te  à  Jean  Cabot ,  ou  Gabato  ,  Veni-  dor. 
tien ,  &  à  fes  trois  Fils  ,  pour  aller  à  IanIfotî'* 
la  découverte  des  nouvelles  Terres. 

Les  conditions  étoient  qu’après  tous 
les  frais  déduits  ,  ils  donneroient  au 
Roy  le  cinquième  des  profits.  Ceci  eft 
certain  par  les  Aétes  publics  d’An¬ 
gleterre.  Ce  qui  fuit ,  ne  l’eft  pas  au¬ 
tant.  On  prétend  que  les  Cabots  re¬ 
connurent  l’Me  de  Terre  Neuve ,  puis 
une  partie  du  Continent  de  Labrador 
ou  Laborador .  Ils  s’élevèrent ,  dit-on , 
jufqu’aux  5  5  degrés  de  latitude  Nord, 

&  en  ramenèrent  en  Angleterre  qua¬ 
tre  Sauvages.  Cependant  de  bons 
Auteurs  ont  allure  qu’ils  n’avoient 
débarqué  en  aucun  endroit ,  ni  du 
Continent ,  ni  des  Mes.  D’autres  ont 
prétendu  depuis  que  l 'Eftotiland  , 
qu’on  plaçoit  au  Nord  ou  à  l’Oueft  de 
Labrador  ,  avoir  été  découvert  en 
1390.  par  des  Pêcheurs  du  Frijlend. 

Antoine  Zani ,  dit-on,  noble  Véni¬ 
tien  ,  de  Nicolas  Zani  ,  fon  Frere , 
étant  partis  des  côtes  d’Irlande  , 
avoient  été  pouftes  par  la  tempête  fur 
le  Frifland ,  qu  on  croit  faire  partie 
du  Groenland ,  &  là  eurent  connoil- 
fance  de  cette  découverte.  Ils  font 
dans  leur  relation  une  defeription 
magnifique  de  l’Eftotiland  3  mais  cet¬ 
te  relation  eft  vifiblement  un  roman. 

Le  huitième  de  Juillet  de  la  même  Premiei 
année,  qui  étoit  un  Samedi,  Dom  Vaf-  vtva6* 

b 


) 


Il  i! 


; 


aux  In¬ 
des  par 
mer. 
Terre  de 
Natal. 


X  FASTES  CHRONOLOGIQUES. 

code  Gama parut  de  Lisbonne, pour  De-la  il  pafla  au  Golphe  desPerRs* 
aller  en  Ethiopie  8c  aux  Indes  par  le  &  découvrit  trois  Illes  -,  il  nomma  la 
Cap  de  Bonne  Efperance.  Le  jour  de  première  la  Marguerite  ,  à  caufe  des. 
Noël  il  découvrit  une  Terre  ,  qu’il  perles,  qu  on  pechoit  dans  ce  Golphe  2 

.île  de  les  deux  autresfe  nommoient  Cochem 


Riviere 
dcsReix, 
Mozam- 
bic,  Qui- 
loa ,  &c. 


LTfle 
de  la  Tri- 
cité. 


Décou¬ 
verte  du 
Conti¬ 
nent  de 
l’Améri¬ 
que, 
l'aria, 
Oreno- 
que.  Ifle 
des  per¬ 
les. 


nomma  la  Terre  de  Natal ,  à  caui_ 

la  circonftance  du  jour  de  cette  dé-  8c  Cuhagua  :  celle-ci ,  ou  etoit  la  plus 
couverte.  grande  pèche  des  perles ,  en  a  long- 

1 49  8 .  tems  porté  le  nom. 

Le  lixiéme  de  Janvier  il  apperçut  ^  1499. 

un  grand  fleuve  ,  qu’il  nomma  la  Ri -  Le  feiziéme  de  May  ,  Alphonie  de 
viere  des  Roy  s  \  enfuite  le  Mo&ambic ,  Ojeda ,  Gentil-homme  Efpagnol ,  ac- 
puis  les  Royaumes  de  Qiiiloa  ,  de  compagne  d  Americ  Velpuce ,  Flo- 
Momhaça  ,  de  Melinde  ,  &  de  Sofala  :  rentm ,  8c  de  Jean  de  la  Cola ,  le  plus 
il  prit  en  plufleurs  endroits  poflèftîon  habile  Pilote ,  qui  fut  alors  en  Elpa- 
du  Pays  au  nom  de  la  Couronne  de  gne ,  aborda  au  Continent  de  1  Ame- 
Portugal.  Le  vingtième  de  May  il  ar-  nque  a  200.  lieues  a  1  Orient  de  1  O- 
riva  à  Calicut.  Barros  dit  qu’il  partit  renoque  j  parcourut  la  côte  l’efpace 
du  Mozambique  le  24.  d’Aouft,  ôe  de  200  lieues  jufqu  a  un  Cap  ,  auquel 
qu’il  arriva  en  22.  jours  a  Calicut.  il  donna  le  nom  de  la  Vêla  y  de  coti¬ 
sai  dit  vrai  r  ce  fut  le  1 fi.  8c.  non  le  vrit  le  Golphe  de  Maracatho ,  8c  don- 
20.  qu’il  mouilla  devant  cette  Ville,  na  le  nom  de  Vt eneauela ,  c  eft-a-dire > 
Il  eft  le  premier  qui  ait  pafle  aux  In-  de  petite  Vemfe  ,  a  une  Bourgade, 
des  par  cette  route.  qu  il  trouva  bâtie  fur  1  eau,  a  peu  près. 

Le  dernier  jour  de  Juillet  de  la  me-  comme  cette  grande  \  ille.  Ce  nom  a 
me  année  Chriftophe  Colomb  de-  depuis  ete  etendu  a  toute  la  Province, 
couvrit  Plfle  de  la  Trinité .  Les  uns  di-  Enfin  il  reconnut  toute  la  côte  de  Lo¬ 
fent  qu’il  lui  donna  ce  nom  ,  parce  tnana .  Americ  Vefpuce  ,  qui  n  etoit 
que  d’abord  elle  lui  parut  comme  une  que  Bourgeois  fur  l’Efcadre,  que  com- 
Montagne  à  trois  têtes.  D’autres  pré-  mandoit  Ojeda ,  publia  la  relation  de 
tendent  qu’il  avoit  fait  vœu  de  nom-  cette  découverte  ,  dont  il  fe  donna 
mer  ainfi  la  première  Terre  qu’il  ap-  tout  l’honneur  ;  &  pour  perfuader  au 
percevrait.  Le  douzième  d’Aofit  il  Public  ,  qu’il  avoit  le  premier  de  tous 
defeendit  à  terre  ,  &  il  fe  eonvain-  les  Européens  aborde  au  Continent, 
quit  bien-tôt  que  la  Trinité  etoit  une  du  Nouveau  Monde  ,  il  ofa  avancer 
*  que  fon  voyage  avoir  été  de  vingt- 

L’onziéme  il  avoit  vu  une  autre  cinq  mois.  Ojeda  interroge  juridi- 
Terre  ,  qu’il  prit  aufli  d’abord  pour  quement  fur  ce  fait  ,  le  ,  démentit  ; 
une  Ifle  ,  8c  qu’il  nomma  Ijla  Santa  ,  mais  comme  il  en  avoit  ete  cru  d  a— 
mais  il  reconnut  bientôt  que  c’étoit  bord  fur  fa  parole ,  on  s  etoit  accou- 
le  Continent ,  &  il  donna  à  toute  cet-  tumé  à  donner  fon  nom  au  Nouveau 
te  côte  ,  qu’il  rangea  à  la  vûë,  le  nom  Monde  ,  8c  l’erreur  a  prévalu  fur  la 
de  Paria  ,  ou  il  trouva  que  les  Habi-  vérité. 

tans  la  nommoient  ainfi.  Quelques  Sur  la  fin  de  la  meme  annee  Chri- 
jours  après,  ayant  couru  un  grand  ftophe  Guerra ,  8c  Pero  Alonlo  Nino 
danger  dans  une  des  embouchures  de  découvrirent  la  pointe  de  Ayola  ,  qui 
TOrenoqttey  ill’appelja  Boca  del Drago -  eft  Nord  8c  Sud  de  la  pointe  occiden- 


Lc  Cap* 
delà  Ve- 
la.  Ve¬ 
nezuela  , 
Curaa- 


na. 


Salines 

d’Ayola_ 


fastes  chro 

taie  de  la  Marguerite  ,  8c  ils  y  trou¬ 
vèrent  de  fort  belles  falines. 


Brefil. 

Mara- 


I5°°. 

wara-  Vincent  Yanez  Pinçon,  Efpagnol , 
fikaoa.  qui  avoit  accompagné  Chriftophe  Co¬ 
lomb  à  fon  premier  voyage  ,  étant 
parti  d’Efpagne  à  la  fin  de  Décembre 
de  l’année  précédente  ,  découvrit  le 
16.  de  Janvier  un  Cap  du  Brefil,  qu’il 
nomma  le  Cap  de  Confolation ,  &  en 
prit  poflellîon  au  nom  de  la  Couron¬ 
ne  de  Caftille.  Les  Portugais  lui  ont 
depuis  donné  celui  de  S.  .Auguflin. 
Pinçon  crut  enfuite  appercevoir  l’em¬ 
bouchure  d’une  grande  riviere ,  qu’il 
nomma  Adar agnaon  ;  on  a  depuis  re¬ 
connu  que  ce  n’étoit  qu’une  Baye , 
dans  le  fond  de  laquelle  il  y  a  une 
Ifle  ,  qui  porte  aujourd’hui  le  nom  de 
Maragnaon  ,  qu’elle  a  donné  à  toute 
une  Province  du  Brefil.  Trois  Rivières 
afiez  belles  fe  déchargent  dans  la 
Baye  ,  mais  aucune  ne  porte  le  nom 
de  Maragnaon.  Le  P.  Chriftophe 
d  Acuna,  dans  la  defcription  de  la  Ri¬ 
vière  des  Amazones ,  prétend  qu’une 
Riviere,  qu’il  nomme  Adaragnon,  fort 
de  ce  grand  Fleuve  ,  &  va  fe  jetter 
dans  la  Baye ,  dont  nous  venons  de 
parler  :  mais  il  fe  trompe.  Des  Capu¬ 
cins  François  ont  eu  une  Miffion  dans 
1  Ifle  de  Maragnaon ,  qu’ils  écrivent 
Maragnan ,  fuivant  la  prononciation 
Portugaife  ,  au  lieu  que  les  Efpa- 
gnols  écrivent  &  prononcent  Ma- 
ragnon. 

Le  huitième-  de  Mars  de  la  même 
année  ,  &  félon  quelques-uns,  le  neu¬ 
vième  ,  Dom  Pero  Alvarez  Cabrai 
partit  de  Lisbonne  pour  le  fécond 
voyage  des  Indes.  La  veille  de  P⬠
ques  apres  avoir  effuyé  une  horrible 
tempete ,  qui  diffi^a  une  partie  de  fa 
Hotte  ,  &  en  fit  périr  quelques  navi¬ 
res  ,  il  fut  jetté  avec  le  refte  fur  la  cô¬ 
te  de  Brefil ,  entra  dans  un  Port ,  qu’il 


NOLOGIQUES.  xj 

appelle  Porto  fiecuro  :  il  donna  enfuite 
à  tout  le  Pays  le  nom  de  Sainte  Croix , 

&  en  prit  polfellion  au  nom  du  Roy 
de  Portugal ,  fon  Maître.  Le  nom  de 
Brefil ,  ou ,  comme  on  difoit  alors  ,  de 
Brafily  eft  celui,  que  lui  donnoient  les 
naturels  du  Pays  5  &  il  a  prévalu  fur 
celui  de  Sainte  Croix.  Cabrai  reprit 
enfuite  fa  route  vers  les  In^es ,  arriva 
â  Calicut  le  1 3  de  Septembre ,  de-là 
il  pafTaàCananor,  enfuite  à  Cochim. 

Au  refte  rien  11’eft  plus  fabuleux 
que  le  bruit ,  qui  courut  alors  en  Ef- 
pagne,  &  auquel  les  envieux  de  Chri¬ 
ftophe  Colomb  donnèrent  beaucoup 
de  vogue  \  àfçavoir,  qu’une  caravelle, 
qui  portoit  en  Angleterre  des  vins 
d’Efpagne ,  après  avoir  été  long-tems 
contrariée  par  les  vents ,  fut  contrain¬ 
te  de  courir  au  Sud  ,  puis  à  l’Oueft , 

&  fe  trouva  à  la  fin  près  d’une  Ifle ,  où 
l’équipage  alla  fe  repofer  des  fatigues 
de  la  Mer  :  d’autres  difent  que  ce- 
toit  la  côte  de  Fernambouc ,  mais  tous 
conviennent  que  c’étoit  au  Brefil.  On 
ajoûtoit  que  le  Pilote  Andaloux  ,  Bif- 
cayen  ,  ou  Portugais  ,  car  011  varie  fur 
cela;  étant  repaüe  en  Europe  ,  après 
avoir  perdu  prefque  tout  fon  équipa-  * 
ge ,  étoit  mort  dans  Pille  de  Porto 
Santo  chez  Cojomb ,  qui  y  étoit  éta¬ 
bli  ,  &  à  qui  iliaifta  tous  fes  mé¬ 
moires  ,  dont  celui-ci  avoit  profité 
pour  découvrir  le  Nouveau  Monde. 

Cette  affaire  fut  dans  la  fuite  exami¬ 
née  au  Confeil  des  Indes ,  <k  l’impo- 
fture  y  fut  confondue.  D’ailleurs  Co¬ 
lomb  ,  s’il  avoit  eu  ces  mémoires ,  au- 
roit  pafte  la  ligne  équinoxiale  ,  ce 
qu’il  ne  fit  jamais. 

Cette  même  année  Gafpard  de  Terre. 
Cortereal ,  Gentilhomme  Portugais ,  Ncuve* 
aborda  a  l’Ifle  de  Terre-Neuve ,  dans 
une  Baye  ,  à  laquelle  il  donna  le  nom 
de  la  Conception  ,  qu’elle  garde  enco¬ 
re  aujourd’hui  j  il  vifita  enfuite  toute 

bij 


xif  FASTES  C  H  RO 

la  côte  orientale  de  cette  grande  Ifle. 
On  lui  attribue  encore  d’autres  dé¬ 
couvertes  dans  le  Continent  voifm  , 
où  les  anciennes  Cartes  placent  une 
Terre  de  Cortereal.  Ce  qui  eft  certain , 
c’eft  qu’accoutumé  à  des  climats  plus 
doux  ,  8c  l’efprit  rempli  de  l’idée  des 
richeffes  de  l’Afrique  ,  8c  des  Indes.., 
il  fe  dégoûta  bientôt  d’un  Pays  ,  où  il 
ne  voypit  que  des  rochers  affreux 
couverts  de  neiges  ,  des  rivières ,  8c 
une  mer  glacée,  8c  où  il  n’y  avoit  point 
d’autre  commerce  à  faire  ,  que  celui 
d’un  Poiffon ,  dont  on  ne  connoilToit 
point  encore  le  prix,  &;  qui étoit  même 
apparemment  inconnu  alors.  Il  reprit 
donc  la  route  dePortugal ,  8c  périt  en 
chemin. Champlain  prétend  que  Cor¬ 
tereal  fit  deux  voyages  en  Terre  Neu¬ 
ve  ,  8c  périt  au  fécond  ,  fans  que  l’on 
fâche  ni  où ,  ni  comment,.  Il  ajoute 
que  Michel  de  Cortereal ,  fon  Frere, 
ayant  voulu  continuer  la  même  en,~ 
treprife ,  eut  le  même  fort.. 

1501’... 

Goiphe  Au  commencement  de  Janvier  de 
d’Ura-  cette  année  Rodrigue  de  Baftidas,  Ef- 
pagnol ,  accompagné  de  Jean  de  la 
Cofa  ,  dont  j’ai  déjà  parlé ,  partit  de 
Cadix  pour  faire  de  nouvelles  décou¬ 
vertes  ,  8c  après  avoir  paffé  le  Gol- 
phe  de  Maracaïbo,  découvrit  plus  de 
cent  lieues  de  côtes  au-delà  du  Cap 
de  la  Yela,  qui  avoit  été  le  terme  des 
découvertes  d’Ojeda  *,  entra  dans  le 
Golphe  d'Uraba ,  8c  pouffa  jufqu’à 
l’endroit ,  où  fut  depuis  bâtie  la  Ville 
de  Carthagéne.  Il  n’eft  pas  bien  cer¬ 
tain  qu’il  ait  donné  à  la  Baye  de  Car- 
thagene  le  nom  ,  qu’elle  porte  au¬ 
jourd’hui  ,  comme  quelques-uns  l’ont 


cru. 


Dans  le  même  tems  Dom  Juan  de 
Juan  de£  Nova  partit  de  Lisbonne  pour  le  troi- 
t4oya.  féme  voyage  des  Indes ,  8c  chemin 
faifant  découvrit,  par  les  vingt  dé  gréa 


NOLOGIQÜES. 

de  latitude  Nord  ,  une  Ifle,  qu’il  nom¬ 
ma  la  Conception.  Ayant  enfuite  dou¬ 
blé  le  Cap  de  Bonne  -  Efperance  ,  il 
découvrit  une  autre  Ifle ,  vers  les  fept 
ou  huit  dégrés  de  latitude-Sud ,  8c  lui 
donna  fon  nom  ,  qu’elle  porte  encore 
aujourd’hui.. 

I  5  O IV 

Dom  Juan  de  Nova  ,  revenant  des 
Indes ,  découvrit  la  fameufe  Ifle  de  Hclene.. 
Sainte  Helév.e  ,.à  laquelle  il  donna  ce 
nom.  Quelques  Cartes  en  marquent 
une  fécondé  du  même  nom  ,  fous  les 
mêmes  parallèles ,  8c  beaucoup  plus 
à  l’Orient ,  découverte,  dit-on  ,  de¬ 
puis  peu  ,  mais  les  plus  habiles  Navi¬ 
gateurs  la  croyent  rabuleufe. 

Au  mois  de  Mars  de  la  même  an-  p0^e 
née  ,  D.  Vafco  de  Gama  ,  qui  avoit 
fait  le  premier  voyage  des  Indes  par 
Mer ,  partit  pour  le  quatrième.  Etant 
arrivé  a  Cochim,  il  y  reçut  des  Am- 
baffadeurs  des  Chrétiens  de  Melia- 
por,  qui  lui  demandèrent  à  être  reçus 
fous  la  prote&ion  des  Rois  de  Portm 

Au  mois  d’Août  Chriftophe  Co-  ras> 
lomb  découvrit  le  Ca^  8c  le  Golphe  Jorto* 
de  Honduras. Le  douzième  de  Septem-  e  °* 
bre  il  reconnut  un  autre  Cap  ,  qu’il 
nomma  Gracias  d  Dios  ,  8c  le  fécond 
de  Novembre  un  Port ,  qu’il  appella 
Puerto  bello  :  communément  appellé 
Porto  belo.  Il  entra  enfuite  dans  queL 
ques  autres  Ports  de  la  meme  cote  , 
dont  quelques-uns  ont  depuis  change 
les  noms ,  qu’il  leur  avoit  impofes. 

1503. 

Le  fixiéme  de  Janvier  fuivant  il  en-  ver*. 
tra  dans  une  Riviere ,  à  laquelle  il  sua* 
donna  le  nom  de  Bethleetn ,  en  mé¬ 
moire  de  l’entrée  des  Mages  à  Beth¬ 
léem  de  Juda.  De-là  il  paila  dans  cel¬ 
le  de  Veragua ,  qui  n’en  eft  qu’à  une: 
lieue ,  8c  où  il  trouva  des  mines  d’or.. 

La  Province  de  Veragua  fut  dans,  lac 


Socoto- 

ta. 

Guarda- 

fu. 


Grand 
Banc  de 
Terre- 
Neuve. 


Mono- 

Qiotapa. 


fastes  chro 

fuite  érigée  en  Duché  en  faveur  de 
JLouys  Colomb  ,  Petit-fils  de  Chrifto- 
phe  ,  8c  ce  Duché  eft  tombé  par 
les  Filles,  premièrement  dans  la  mai- 
fon  de  Bragance,  8c  en  dernier  lieu 
dans  celle  de  Liria-Barwich. 

La  même  année  D.  Alphonfe  d’Al- 
buquerque ,  furnommé  le  Grand  ;  D. 
François  d’Albuquerque,  Ton  Frere  5 
8c  D.  Antoine  de  Saldana  partirent 
chacun  avec  une  Efcadre  pour  le  qua¬ 
trième  voyage  des  Indes.  Dans  ce 
voyage  Diego  Fernandez  Pereyra  , 
qui  commandait  un  des  Vaifleaux  de 
l’Efcadre  de  Saldana ,  découvrit  Pille 
de  Socotora.  Alphonfe  d’Albuquer¬ 
que  mouilla  lui -même  au  Cap  de 
Guardafu ,  le  plus  oriental  de  l’Afri¬ 
que  ,  8c  étant  arrivé  aux  Indes ,  il  b⬠
tit  dans  Pille  de  Cochim  une  Forte- 
relfe  ,  à  laquelle  il  donna  le  nom  de 
Sant-Yago„ 

A  r5o4. 

Des  Pécheurs  Bafques ,  Normands 
8c  Bretons  faifoient  alors  8c  depuis 
quelque  tems,  la  pêche  des  morues  fin¬ 
ie  grand  banc  de  Terre  Neuve  ,  &  fur 
les  côtes  de  cette  Ille ,  du  Continent 
voifin  ,  8c  de  tout  le  Golphe  de  Saint 
Laurent.  On  ne  fçait  pas  au  jufte  en 
quel  tems  ils  commencèrent  à  fré¬ 
quenter  ces  Mers,  ni  quand  on  décou¬ 
vrit  le  grand  Banc. 

1  ,  „  r5°5- 

Pedro  de  Anaya ,  Portugais ,  étant 
dans  le  Royaume  de  Sofala ,  eut  cet¬ 
te  année  la  première  connoilfance  de 
l’Empire  de  Monomotapa  en  Afrique. 

Cette  même  année  une  Compa¬ 
gnie  de  Marchands  de  Rouen  ,  arma 
quelques  vailfeaux  pour  aller  aux  In¬ 
des  Orientales ,  8c  en  donna  le  com¬ 
mandement  au  fieur  Binet  Paulmier 
de  Gonneville.  Ce  Capitaine  étant 
arrive  au  Cap  de  Bonne  elperance  , 
le  courant ,  &  les  tempêtes  de.  cette 


NO-LOGIQUES.  xiij 

Mer  orageufe ,  le  poullerent  fort  loin 
vers  le  Pôle  Auftral.  Il  y  découvrit  un 
tres-beau  Pays ,  dont  les  Flabitans  le 
reçurent  avec  refpeél  8c  admiration. 

Selon  la  relation  de  ce  voyage ,  ces 
Peuples  font  doux ,  lociables ,  bien¬ 
faits.  Gonneville  amena  en  France  le 
Fils  d  un  de  leurs  Rois,  auquel  il  avort 
promis  de  le  remener  dans  vingt  Lu¬ 
nes.  Mais  les  guerres  civiles  Pempê*- 
cherent  de  tenir  fà  parole  3  8c  pour  11e 
point  lailfer  fuis  apuy  un  jeune  hom- 
me,  qui  lui  avoiterc  confié  de  fi  bonne 
grâce,  il  en  fit  fon  Gendre  8c  Ion  héri¬ 
tier.  L  Auteur  du  voyage  dans  les  Ter¬ 
res  Auftrales  etoit  né  du  mariage  de  la 
fille  de  Gonneville  avec  cet  Etranger. 

15  06. 

En  cette  année  Jean  Denis  de  Mon-  Ccin  AcîiG 
fleur  publia  une  Carte  des  côtes  de 
Plfle  de  Terre  Neuve  8c  des  envi¬ 


rons. 


La  même  année  D.  Laurent  d’Al-  Maidi- 
meyda ,  Fils  du  Yiceroy  des  Indes ,  D.  ves- 
François  d’Almeyda  ,  ayant  eu  ordre  Cey 
d’aller  reconnoître  les  Maldives  ,  fit 
d’abord  la  découverte  de  Cejlan.  On 
prétend  qu’il  découvrit  enfuite  les 
Maldives  ,  8c  cela  eft  beaucoup  plus 
vraifemblable ,  que  ce  qu’on  ajoute  , 
qu’il  découvrit  la  même  année  Plfle 
Madagafcar ,  8c  lui  donna  le  nom  de 
S.  Laurent.  Car  il  paroît  certain  que 
depuis  la  découverte  de  Ceylan  ce 
jeune  Seigneur  11’a  point  quitté  les 
Indes. 

Quelques  Auteurs  prétendent  que 
1  Ifle  de  Madagafcar  fut  découverte  en  Mada-  • 
1505.  mais  ils  ne  dilent  point  par  qui  mes  de 
elle  le  fut..  Ce  qui  eft  certain,  c’eft 
que  fur  la  fin  de  cette  année  1 5  o 6.  D.  3  Liru' 
Triftan  da  Cuna ,  Portugais  ,  fur  le 
rapport  ,  que  lui  fit  Rui  Pereyra ,  un 
de  Tes  Capitaines  ,  qu’il  avoit  touché 
à  Madagafcar  ,  8c  qu’on  trouvoit  du 
poivre  dans  cette  Ifle,  s’y  tranfporta. 


xiv  FASTES  CHRONOLOGIQUES, 

en  perfonne.  Marc  Pol  de  Venife  a  ordre  8c  au  nom  de  l’Amiral  des  In- 


parlé  de  Madagafcar,  quelesChinois 
connoifloient  long  -  rems  avant  les 
Européens.  On  afîiire  meme  qu’ils  y 
ont  envoyé  des  Colonies.  Plulieurs 


des ,  Dom  Diegue  Colomb ,  Fils  aîné 
8c  fuccelTeur  de  Chriftophe  Colomb. 
1510. 

Le  feiziéme  de  Février  de  cette' 


Goa* 


croyent  que  cette  Ifle  eft  la  Cerné  de  année  le  grand  Albuquerque  fe  ren- 
Pline,  8c  luMamutbias  dePtolomée.  dit  maître  de  la  Ville  de  Goa.  Cette 
Lorfque  D.  Triftan  da  Cuna  paflaà  Ville  fut  reprife  par  les  Indiens  juf- 
Madagafcar  ,  il  commandoit  la  cin-  qua  deux  fois  toujours  reconqui- 
quiéme  flotte ,  que  le  Roy  de  Portugal  fe  par  les  Portugais  ,  qui  en  ont  fait 
envoya  aux  Indes  :  avant  que  de  dou-  la  Capitale  de  leur  Empire  dans  les 
bler  le  Cap  de  Bonne  Efperance  ,  il  '  Indes. 


Ytîca- 

tan. 


découvrit  des  Ifles ,  qui  portent  en¬ 
core  aujourd’hui  ion  nom. 

La  même  année  Jean  Diaz  de  So- 
lis ,8c  Vincent  Yanez  Pinçon  péné-. 
trerent  dans  le  fond  de  la  Baye  de 
Honduras  ,  8c  lui  donnèrent  le  nom 


La  même  année  Jean  Ponce  de  PorCon^ 
Leon ,  Efpagnol ,  fit  la  conquête  de 
Plfle  de  P-ortorico ,  par  ordre  de  D. 

Diegue  Colomb. 

La  même  année  Alphonfe  de  Oje 
da  8c  Diego  de  Nicuefla  partirent  de 


de  la  Nativité.  Ils  reconnurent  enfuite  Plfle  Efpagnole  pour  aller  établir ,  ce- 
une  partie  de  VTucatan  ,  dont  Chri-  lui-ci  la  Caftille  d’or ,  celui-là ,  la  non - 
ftophe  Colomb  avoit  eu  quelque  con-  velle  Andaloufie ,  qui  leur  avoient  été 
noiflance  ,  lorfqu’il  découvrit  la  Baye  concédées  à  cette  condition  }  8c  dont 
de  Honduras  -,  mais  ils  11e  firent  que  ils  avoient  été  nommés  Gouverneurs. 


Nouvel¬ 
le  Anda¬ 
loufie. 

Caftilla 

d’Or. 


Suma¬ 

tra. 

Malaca. 


le  ranger  à  la  vue. 

O 

1 508. 

Dom  Diego  Lopez  de  Siqueyra  dé¬ 
couvre  Plfle  de  Sumatra  ,  qu’on  croit 
allez  communément  être  l’ancienne 
Trapobane.  De-là  il  pafla  à  Malaca. 


La  nouvelle  Andaloufie  devoir  com¬ 
mencer  au  Cap  de  la  Vêla  \  la  Caftille 
d’or  devoir  fe  terminer  au  Cap  de 
Gracias  à  Dios.  Le  milieu  du  Golphe 
d’Uraba  devoit  faire  la  féparation  de 
l’une  8c  de  l’autre.  Ojeda  bâtit  la  mê- 


Canada. 


querque. 

La  même  année  on  vit  en 


On  prétend  qu’il  découvrit  aulfi  alors  me  année  la  Ville  de  S .■  Sebafiien  de 
le  Cap  de  Guardafu  •,  peut  -  être  en  buena  vijla  :  Nicuefla  commença  un 
prit-il  une  connoiflance  plus  exaéte  ,  petit  établiflement  à  Nombre  de  Dios. 
que  n’avoit  fait  D.  Alphonfe  d’Aibu-  Quelque  tems  après  le  Bachelier  En- 

cifoj  un  des  Capitaines  d’Ojeda ,  fon¬ 
da  la  Ville  de  Sainte  Marie  /’ Ancien¬ 
ne  fur  les  bords  du  D  arien  ,  qui  fe  dé¬ 
charge  dans  le  Golphe  d’Uraba.  Cet¬ 
te  Ville  ,  qui  a  été  la  première  du 
Continent  de  l’Amérique  honorée 
du  titre  de  Ville  Epifcopale  ,  n’a  fub- 
fifté  que  neuf  ans ,  au  bout  defquels 
tous  les  Habitans ,  8c  le  fiége  Epifco- 


un  Sauvage  du  Canada 

nommé  Thomas  Aubert 


France 
qu’un  Pilote 


S.  Seba* 
ftien  de 
Bonne 
vûe. 

Sainte 

Marie 

l’ancien¬ 

ne. 


de  Diepp 
y  avoit  amené. 

1 5  09. 

Jean  Diaz  de  Soîis,  8c  Vincent 
Yanez  Pinçon  ,  paflent  la  ligne  ,  co- 
toyent  la  Terre  du.  Bre fil ,  8c  mettent 

par  tout  des  marques  de  pnfe  de  pof-  pal  ont  été  tranfportés  à  Panama.  Au 
feflîon  pour  la  Couronne  de  Caftille.  refte  Ojeda  8c  Nicuefla  n’ayant  pas 
La  même  année  Jean  de  Efquibel  réuflî  dans  leur  entreprife  ,  le  nom  de 
fit  un  établiflement  à  la  Jamaïque  par  Caftille  d’or  eft  tombé  avec  celui-ci. 


* 


Cuba 


Malaca. 


Java. 
Amboi- 
ne 
lu 


FASTES  CHRONOLOGIQUES.  xv 

,  c’elt  une  erreur  des  Géographes  de  Lucayes ,  fe  trouva  par  hazard  à  la 
le  marquer  fur  les  Cartes.  Celui  de  vue  dune  grande  Terre  ;  il  y  aborda 
nouvelle  Andaloùfie  a  été  tranfporté ,  &  la  nomma  Florule ,  L  uns  difem 

du  moins  par  quelques  Géographes ,  parce  quon  étoit  dans  la  femaine  de 
vers  la  cote  de  Cumana-  Pâques  fleuries  ,  félonies  autres, 

r  1  ^ 1 1  ’  ,  .  -  parce  qu  il  en  trouva  les  campagnes 

Diego  Velalquez  s  empare  de  1  Me  emaillées  de  fleurs.  Il  découvrit  en- 
de  Cuba  au  nom  de  1  Amiral  D.  Diego  fuite  plufleurs  petites  Mes ,  qu’il  a p- 
Colomb ,  qui  lui  en  donna  le  Gou-  pella  les  Martyrs.  Elles  font  à  l’entreo 
versement.  ^  du  nouveau  Canal  de  Bahama,  &bor- 

,  mols  Aout  de  cette  même  an-  dent  la  partie  occidentale  du  Cap  de 
nee  le  grand  Albuquerque  fe  rendit  la  Floride.  Le  Canal  de  Bahama  eft  la 
maître  de  Malaca,  &  y  reçut  des  Am-  décharge  du  Golphe  Mexique  dans  la 
bafladeurs  du  Roy  de  Siam ,  qui  ve-  Mer  du  Nord  ,  &  tire  fon  nom  d’une 
noient  le  complimenter  fur  cette  cou-  des  Mes  Lucayes.  Il  n’y  a  point  de 
qner‘-  i  r,  •  Rivière,  dont  le  courant  foitauffi  fort 

Amboi-  ^miute  de  ce  fiege  François  Serrano,  que  celui  de  ceCanaLL’Me  deBaha- 
Mo-  Diego  de  Abreu,  qui  y  avoient  fer-  ma  forme  deux  canaux.  On  pafloit 
lCLUSS‘  f1  avec  diftindion  ,  furent  envoyés  à  d’abord  par  celui ,  qui  eft  à  l’Eft  & 
la  decouverte  des  Moluques.  Ils  fe  fé-  c’eft  ce  qu’on  appelle  le  vieux  Canal  ; 
parèrent ,  Abreu  prit  d’abord  terre  à  le  courant  n’en  eft  pas  fi  fort ,  mais  il 
1  Ille  de  Java ,  puis  découvrit  l’Ifle  fft  dangereux  par  les  écueils ,  dont  il 
d  Amboine ,  laquelle  eft  environnée  eftfeme.  C’eft  ce  qui  l’a  fait  abandon- 
d  autres  petites  Mes ,  qu’on  appelle  ner. 
les  Amboines .  Il  paflà  enluite  aux  Mes  1 5 1  >  • 

de  Banda,  &  n’alla  pas  plus  loin..  Ser-  Le  vingt-cinquième  de  Septembre 
ranopenetra.jufqu’a  Ternate.  On  di-  Vafco  Nugnez  de  Balboa,  qui  com- 
vile  les  Moluques  en  grandes  &  pe-  mandoit  à  Sainte  Marie  l’Ancienne  de 
tires.  Celles-ci  font  les  Moluques  Dari en  ,  découvrit  la  Mer  du  Sud.  Il 
proprement  dites:  les  principales  en  prit  pofleflïon  le  29.  au  nom  de  la 
lont  Ternate  ,  Tidor  ou  Tadura ,  Mo-  Caftille ,  y  étant  entré  jufqu  a  la  cein- 

r  5  ¥  BachUn' Les  gmndes  turc,  tenant  fon  bouclier  d’une  main, 

font  Gtloloy  ou  l’Ifle  du  Maure  ;  les  Por-  ôc  fon  épée  de  l’autre.  Le  meme  jour 
tugais  la  nomment  auflï  Patocbine  :  il  donna  le  nom  de  S.  Michel ,  dont 
les  petites  Moluques,  qui  en  font  on  célébroit  la  Fête,  â  un  Golphe,  que 
proche  font  marquées  dans  les  Car-  fait  la  Mer  du  Sud  en  cet  endroit?  Il 
tes  lous  le  nom  à* Archipel  du  Maure,  y  découvrit  aufli  plufleurs  Mes  ou 
Les  autres  grandes  Moluques  font  l’on  pêchoit  des  perles ,  &  il  les  nom- 
Ambotne  ,  Banda  Timor  ;  &  C  elebes  ,  ma  IJles  des  perles.  Il  avoir  eu  quelque 
ou  Macaçar ,  ainfi  nommée  des  deux  teins  auparavant  connoilfance  du  Pe- 

Kovanmpç  nm  lo  _  -r  K  ^  -  . 


Mtr  dut 
Sud. 

Golphcr 
de  S.  Mi¬ 
chel. 

Ifles  des. 
Pelles. 


Royaumes  ,  qui  la  partagent. 

1512. 

floride  Jean  P  on  ce  deLeon  ,  1  e  Conque- 

tyrsMar"  ra.nt  Ae  Porcoric  5  cherchant  une  fon¬ 
taine  de  Jouvence,  qu’on  lui  avoit  dit 

A . J  _  .  f  5T /I  1  _  . 


rou.  En  retournant  à  Sainte  Marie,  il 
reconnut  toutes  les  Terres,  qui  font 
entre  cette  Ville  &  la  Mer  du  Sud. 


I5I4* 

Un  Ambafladeur  de  David,  Em- 


a  i  |,T/-|  j  d  uu  iiiuudiitiucui  CIC  UcLvlCi  y  tllTl- 

erre  dans  lifte  de  Bimini ,  une  des  pereur  des  Abyflins,  arrive àLisbonne. 


Ambafl 

fadeur  , 
Abydan-. 


à  Lisbon¬ 
ne. 

Sainte 

Marthe. 

Cartha» 

gène. 


(Pérou. 


Le  Cha- 
gre. 


Nata  , 
première 
Ville  Es¬ 
pagnole 
Sur  la 
Mer  du 
Sud. 

Rio  Je- 
neyro. 
Rio  de 

la  Plata, 


Yuca- 

tan. 

Campé- 

«he. 


xvj  FASTES  CHR 

La  même  année  Dorn  Pedi'arias, 
ou  Pedro  Arias  Davila ,  Gouverneur 
de  la  Province  de  Darien ,  commen¬ 
ça  des  établiflemens  dans  les  Provin¬ 
ces  de  Sainte  Marthe  &  de  Carthage- 
ne  ,  dont  il  découvrit  la  plus  gr  ande 
partie. 

1515. 

Alonzo  Perez  de  la  Rua ,  Efpagnol, 
commence  la  découverte  du  Pérou. 

La  même, année  Diego  de  Albitez, 
Efpagnol  ,  découvrit  la  Riviere  du 
Cbagre  ,  qui  eft:  navigable  allez  loin 
au-delfus  de  fon  embouchure,  qui 
prend  fa  fource  alfez  près  de  la  Mer 
du  Sud,  &  qui  traverfe  en  tournoyant 
la  plus  grande  partie  de  L’Ifîhme  de 
Panama . 

1516. 

Le  Licencié  Efpinofa  fonde  la  Ville 
de  Nata  dans  la  Province  de  Vera- 
gua.  C’eft:  la  première  Ville  ,  que  le^ 
Elpagnols  ayent  eue  fur  la  Mer  du 
Sud. 

Le  premier  jour  de  la  même  annee 
Jean  Diaz  de  Solis ,  dont  j’ai  déjà 
parlé,  entra  <lans  une  Riviere  du  Bre- 
fil  ,fqu’il  nommai  Genero  ou Enero. 
Riviere  de  Janvier-  Les  Portugais, 
qui  font  aujourd’hui  maîtres  de  tout 
ce  grand  Pays  ,  la  nomment  Rio  Ja¬ 
neiro.  Diaz  découvrit  enfuite  une  au¬ 
tre  Riviere  beaucoup  plus  grande , 
qu’il  appella  de  fon  nom  ,  Rio  de  So¬ 
lis  ,  &  qui  dans  la  fuite  fut  nommée 
Rio  de  la  Plata.  Etant  defeendu  à  ter¬ 
re  ,  il  fut  tué  par  les  Sauvages.  A  pro¬ 
prement  parier  Rio  de  la  Plata  n’eft 
qu’une  longue  Baye,  formée  par  le 
confluant  du  Parana  &  del 'Uruguay. 
Le  Parana  reçoit  deux-cens  iieuës  plus 
haut  le  Paraguay - 

-1 5 1 7- 

Le  huitième  de  Février  François  Fer¬ 
nandez  de  Cordouë  s’embarqua  a  la 
Havane  par  ordre  de  Diego  V elafquez 


ONOLOGIQUES. 

Gouverneur  de  Cuba.  Il  découvrit  en* 
fuite  toute  la  côte  de  PTucatan  ,  de¬ 
puis  le  Cap  de  Cotoche ,  jufqu’à  Pe* 
tonchan.  Il  trouva  dans  cet  intervalle 
une  Bourgade  nommée  Kimpech  ,  oïl 
depuis  l’on  a  bâti  la  Ville  de  Campe * 
çhe . 

Au  mois  d’Août  de  cette  même  an¬ 
née  Fernand  d’Andrada  ,  Portugais  , 
arriva  à  la  Chine.  C’eft:  le  premier 
voyage  ,  que  les  Portugais  ayent  fait 
dans  ce  grand  Empire  ,  dont  la  par¬ 
tie  la  plus  occidentale  &  la  plus  fep- 
tentnonale  portoit  autrefois  le  nom 
de  Catay.  Cambalu ,  Capitale  du  Ca- 
tay,eft  la  même  que  Pékin. 

1518. 

François  Fernandez  de  Cordouë 
étant  mort  à  Ion  retour  de  1  Yucatan  , 
Jean  de  Grijalva  fut  envoyé  par  V elaf¬ 
quez  pour  continuer  les  decouvertes. 
Il  découvrit  d’abord  l’Ifle  de  Coz.umely 
&  la  nomma  l’Ifle  de  Sainte  Croix  > 
puis  la  Riviere  de  Tabafco ,  a  laquelle 
il  donna  fon  nom  ;  enfuite  1  Ifle  ,  ou 
la  Caye  des  Sacrifices ,  ainfl  nommee , 
parce  qu’il  y  trouva  des  hommes ,  qui 
venoient  d’y  être  facrifies  aux  Idoles. 
Un  peu  plus  loin  il  découvrit  Pille 
d’Ulua  ,  à  laquelle  il  donna  le  nom 
de  S.  Jean ,  &  qu’on  appelle  encore 
l’Ifle  de  S.  Jean  d’Ulua.  Elle  eft:  vis-à- 
vis  de  la  Fera  Cruz. ,  dont  elle  forme 
le  Port.  Il  s’avança  enfuite  jufqua la 
Province  de  Panuco  ,  de  donna  a  tou¬ 
tes  ces  nouvelles  découvertes  le  nom 
de  Nouvelle  Efpagne . 

La  même  année  D.  Pedrarias  Da¬ 
vila  envoya  le  Licencié  Diego  de  Ef¬ 
pinofa  à  Panama ,  pour  y  fonder  une 
Ville,  ou  plutôt  pour  y  tranfporter  les 
Habitans  de  les  matériaux  de  Sain¬ 
te  Marie  P  Ancienne  du  Darien.  La 
Ville  de  Panama  a  depuis  changé  de 
place  ,  on  l’a  un  peu  reculée  à  l’Oueft. 
Son  Evêque  prend  la  qualité  de  Pri 


Les  Por¬ 
tugais  à 
la  Chi¬ 
ne.  Ca¬ 
tay. 

Camba* 

lu. 


Nouvel¬ 
le  Elpa- 
gne. 


Tanama. 


FASTES  C  H  R  O 

tnat  de  Terre-ferme,  quoique  fuffra- 
gant  de  Lima ,  parce  que  Sainte  Ma¬ 
rie  1  Ancienne,  dont  Panama  a  pris  la 
place  ,  étoit  le  premier  Evêché  du 
Continent  du  Nouveau  Monde  :  ce 
qui  n’empêche  point  que  l’Archevê¬ 
que  de  San  Domingo  ,  dans  Pille  Ef- 
pagnole ,  dont  le  liège  eft  encore  plus 
ancien ,  ne  loit  reconnu  pour  le  Pri¬ 
mat  de  toute  1  Amérique  Elpagnole. 

1519. 

la  vera  ,  Le  dixiéme  de  Février  de  cette  an- 
c  ^  nee  Fernand  Cortez  partit  de  la  Ha¬ 
vane  pour  la  conquête  de  la  nouvelle 
Efpagne.  Il  alla  débarquer  endeçà  de 
S.  Jean  d’Ulua ,  y  fonda  dans  le  Con¬ 
tinent  une  Ville  ,  qu’il  appelle  Villa 
Ricca  de  la  vera  Cruzc,  parce  qu’il  y  ar¬ 
riva  le  Vendredy  Saint.  C’eft  ce  qu’on 
appelle  aujourd’hui  P Ancienne  Vera 
Cruz..  Lanouvelle  eh:  trois  lieues  plus 
al  Eft,  vis-a-vis  de  l’IIle  de  S.  Jean 
d  Ulua.  Etant  arrivé  la  même  année  à 
Mexico  il  envoya  Diego  de  Ordas 
reconnoître  le  Volcan  de  Popocotapec, 
dans  la  Province  de  TUJcala. 

1510. 

vcutC°dUü  Ferd*nand  de  Maghaillans  ,  plus 
Détroit  connu  fous  le  nom  de  Magellan ,  Ca- 

gcikn."  P]mnf  Portugais ,  qui  avoit  fervi  au 
Terre  *ege  de  Malaca  fous  le  grand  Albu- 
rie  feu.  querque ,  8c  qui  s  etoit  depuis  donné 
au  Roy  d’Efpagne  pour  quelques  mé- 
contentemens  ,  qu’il  avoit  reçus  de  la 
Cour  de  Portugal ,  propofa  au  Roy 
Catholique  la  conquête  des  Molu- 
ques ,  &  la  propoûtion  fut  acceptée. 
On  lui  donna  quelques  vaifleaux  avec 
le  {quels  il  fit  voiles  le  dixiéme 
d  Août  1  51  9.  Au  mois  de  May  de 
1  annee  fuivante  il  découvrit  une  Me , 
qu’il  appella  Plfle  de  los  Tuberones , 
des  Chiens  marins ,  Plfle  de  5.  Pierre* 

1  Ifle  des  Cocos  ,  qu’il  appella  les  Ides 
infortunées ,  parce  qu’il  les  trouva  de- 
fettes  8c  incultes.  Arrivé  à  l’entrée  du 


NO  LOGIQUES.  xvij 

fameux  Détroit ,  qui  porte  fon  nom  , 
il  donna  le  nom  de  Cap  des  Vierges  à 
la  première  terre  ,  qu’il  y  découvrit , 
parce  qu’il  la  reconnut  le  jour  de 
fainte  P/rfule.  le  7.  de  Novembre  il 
entra  dans  le  Détroit:  le  27.  il  fe 
trouva  dans  la  Mer  du  Sud  ,  qu’il 
nomma  la  Adler  pacifique .  Le  nom  de 
Terre  de  feu  ,  qu’on  a  donné  au  Pays  , 
qui  borne  ce  détroit  au  Sud ,  paroît 
plus  moderne.  Il  vient ,  dit-on ,  de  ce 
que  des  Voyageurs  y  ont  apperçu 
quantité  de  feux.  C’étoit  peut  -  être 
des  éclairs ,  car  tout  ce  Pays  eft  fujet  à 
de  grands  tonnerres,  àcaufe  des  va¬ 
peurs  ,  que  le  foleil  y  attire  des  deux 
Mers  ,  8c  fans  doute  aufli  à  caufe  de 
la  nature  du  terrein.  Il  paroît  par  les 
Mémoires  des  Hollandois ,  qui  ont 
voyagé  de  ce  côté-là  ,  que  ce  n’eft 
qu’un  amas  d’Ifles ,  entre  lefquelles  il 
y  a  paflagepour  des  navires. 

La  même  année  Fernand  Cortez  Mincs 
envoya  Gonzalo  de  Umbria  recon-  duMexi- 
noitre  la  côte  méridionnale  de  la  que’ 
Nouvelle  Efpagne  ,  &  François  Piza- 
rro  avec  Diego  de  Ordas,  pour  vift- 
ter  la  côte  feptentrionnale.  On  décou¬ 
vrit  en  même  tems  des  mines  dans  ce 
Pays  ,  &  (Motezuma ,  Empereur  du 
Mexique  ,  fe  reconnut  vaflal  du  Roy 
d’Efpagne  ,  &  lui  envoya  un  tribut. 

Le  Licencié  Luc  Vafquez  d’Ayllon  FIorid„ 
entreprit  cette  même  année  de  conti¬ 
nuer  la  découverte  de  la  Floride  :  il 
découvrit  en  effet  le  Cap  de  Sainte  He~ 
lene ,  8c  la  Province  de  Cbicora.  Ce 
Cap  de  Sainte  Helene  eft  à  l’entrée 
d’une  aflez  grande  Riviere  ,  qui  a  été 
depuis  nommée  le  Jourdain. 

1 5  2. 1  - 

Découverte  des  Ifle  s  des  Larrons  par  Mes  Je? 
Magellan.  Il  les  appella  encore  lAr-  cebuCns’ 
chipel  de  S.  Lazare.  C’eft  ce  qu’on  ap-  Matan. 
pelle  aujourd’hui  les  /fies' Mari  an  es. 
Magellan  reconnut  enfuite  l’Me  de 


Mexico. 


Mcchoa- 

can. 

Nicara¬ 
gua.  ' 


S.  Tho- 
Jné. 


Premier 
voyage 
lie  Vera- 
lani. 


xviij  FASTES  C  H  R 

Cebu ,  puis  celle  de  Matan ,  ou  il  fut 
tué.  Après  fa  mort  Gonzalo  Gômez 
de  Efpmofa  fut  reconnu  Chef  de  l’Ef- 
cadre.  Il  ne  garda  de  fes  navires,  que 
la  Trinité  &  la  Victoire ,  &  ayant  ren¬ 
contré  un  Jonc  Chinois,  qui  alloit  aux 
Moluques ,  il  en  reçut  un  Pilote  ,  qui 
le  conduisit  àTidor,  où  il  arriva  le 
huitième  de  Novembre  :  Oforio  dit 
que  ce  fut  fur  la  fin  d  Octobre.  De-la 
il  repaffa  en  Efpagne  par  les  Indes 
avec  la  Victoire .  C’eft  le  premier  na¬ 
vire  ,  qui  ait  fait  le  tour  du  monde,  & 
il  fe  conferve  encore  à  Seville. 

Cette  même  année  Fernand  Cortez 
fe  rendit  maître  de  Mexico  ,  &c  la 
conquête  de  cette  Capitale  mit  fin  à 
l’Empire  des  Mexiqiiains. 

1 5  ai. 

Un  Soldat  de  l’Armée  de  Fernand 
Cortez ,  nommé  Parillas,  découvre  la 
Province  de  Mechoacan .  Cette  décou. 
verte  fut  fuivie  la  même  année  de 
plusieurs  autres  dans  la  nouvelle  Ef¬ 
pagne  ,  Sc  en  particulier  de  celle  du 
Nicaragua  \  Gil  Gonzalez  Davila  y 
étoit  entré  quelque  tems  auparavant 
par  la  Province  de  Darien ,  ôc  avoit 
découvert  le  Canton  de  Nicoya. 

La  même  année  le  corps  de  S. Tho¬ 
mas  Apôtre  fut  trouvé  a  Meliapor  , 
&  tranfporté  à  Goa  par  ordre  d’E¬ 
douard  de  Menefez,  ce  qui  n’empê¬ 
cha  point  qu’on  ne  rebâtit  la  Ville  de 
AFehapor  fous  le  nom  de  S*  Thome - 

MM-  .  .  „ 

Jean  Verazani ,  Florentin  ,  qui  s’e- 
toit  mis  au  fervice  de  François  I.  Roy 
de  France ,  fit  en  cette  annéjp  un  pre¬ 
mier  voyage  dans  l’Amerique  Sep- 
tentrionnaïe.  Peu  d’ Auteurs  ont  par¬ 
lé  de  cette  expédition  ,  dont  on  n’a 
eu  connoilfance  ,  que  par  une  lettre 
de  Verazani  même  au  Roy  ,  dattéede 


ONOLOGIQUES* 

Dieppe,  du  huitième  de  Juillet  ;  ou 
il  fuppofe  que  Sa  Majefté  étoit  infimi¬ 
té  du  fuccès  de  cette  première  tenta¬ 
tive.  Il  fe  pourroit  pourtant  bien  fai¬ 
re  que  ce  fut  moins  une  tentative 
pour  faire  des  découvertes ,  que  des 
courfes  fur  les  Efpagnols. 3  car  on  fçait 
qu’il  en  a  fait  plus  d’une. 

I52,4* 

Verazani  repartit  l’année  fuivante  • 
pour  commencer ,  ou  pour  continuer 
les  découvertes.  Il  arriva  au  mois  de 
Mars  àlavûëdes  Terres  de  la  Flori¬ 
de  i  il  fit  enfuite  5  o  lieues  au  Sud ,  & 
fe  trouva  par  les  3  4  dégrez  de  latitu- 
de-Nord.  Il  remonta  au  Nord,  ran¬ 
gea  toute  la  côte  jufqu’à  une  Ifle ,  que 
les  Bretons  av oient  découverte  ,  Sc 
qu’il  dit  être  par  les  50  dégrez.  Si  c  e- 
toit  Fille  dé  Cap  Breton ,  aujourd’hui 
ITfie  Royale  ,  il  fe  trompoit  dans  fon 
eftime  3  mais  il  fe  peut  bien  faire  qu  il 
ait  abordé  à  Fille  de  Terre-neuve  , 
où  les  Bretons faifoient  la  peche  de¬ 
puis  plulieurs  années. 

Au  mois  de  Novembre  de  cette 


Second 

voyage. 


Peroar* 


année  François  Pizarro  partit  de  Pa¬ 
nama  pour  achever  la  decouverte  ,  ôc 
tenter  la  conquête  du  Pérou. 

1 5 1 5  • 

Troifiéme  voyage  de  Verazani.  On 
n’a  point  fçu  quel  en  avoit  été  le  fuc¬ 
cès  ,  parce  qu’il  y  périt.  On  ignore  par 
quel  accident.  Un  Fliftorien  moder¬ 
ne  (a)  s’ eft  allurément  trompé  endi- 
fant  que  Verazani  fut  pris  en  1524.. 
près  des  Canaries  par  les  Efpagnols, 

&  pendu  comme  Pirate.  Si  ce  mal¬ 
heur  lui  eft  arrivé  ,  ce  ne  peut  etre 
qu’en  1 5  2  5 .  au  retour  de  fon  troifie- 
me  voyage. 

La  même  année  D.  Garcias  de  Loy-  s.  ^ 
fa,  Efpagnol  ,  découvrit  1  Ille  de  S.  thiei*.. 
Matthieu ,  à  l’Oueft  de  celle  d’Anno- 


Iflc  de 
Mat- 


(  a  )  D.  Andrés  Gonzalez  de  Barcia  ,  Enfayo  Cronologico  para  la  Hiftoria  de  la  Florida, 


Me  Ma- 
caçar 


Yucataft. 


La  Ver» 
mude. 


FASTES  CHRONOLOGIQUES.  xix 

bœ'  °"LtrOUVa  ’  dlC"°n’  fur  un  ar'  y  avolent  d<da  P™  terre  »  mais  iis 
bie  ,  une  infcripnon  ,  qui  portoit  que  n’en  avorenc  donné  aucune  notice. 

07.  ans  auparavant  des  Portugais  y  M2.7 

avoient  aborde.  '  .  François  de  Montejo  ,  Efpagnol , 

riaueK°lriprt^e  Blltt°3  ^  Oarcias  Hen-  nommé  Gouverneur  de  VTucatan  , 
nies  de  Wez  ’  1  0ttfuSals  5  <IU1  comman-  partit  cette  année  pour  en  faire  la 
Mey.  dotent  aux  Moluques  ,  envoyèrent  conquête  ,  &  y  établir  une  Colonie, 
c  rte  annee  a  la  decouverte  de  Pille  Tout  cela  fut  exécuté  avant  la  fin  de 
Celebes ,  ou  Macaçar .  Ceux  qui  furent  l’année  fuivante. 
c  arges  de  cette  com million,  voulant.  Ce  fut  cette  même  année ,  ou  peu 

]ÆoInnnI011/XeCUtee  '  re8*8ncr  ies  de  tems  auparavant  ,  que  Jean  Ber- 

les  vents  S  v  T  ^  ^  1  ^  par  mudez  »  Elpagnol,  découvrit  une  pe- 

Dliifienrs  &  “T™  &  U  ^  ^  ^  Ifle  5  â  lacïuelle  11  donna  &>n  nom. 

p  ulieuis  llles  ,  ou  ils  ne  purent  pren-  On  l’appelle  communément  ta  Ver- 

de  5  &  CS  nommerent  les  JPes  mnie  >  quoiqu’on  écrive  quelquefois 
p. .  .  Ber  mude* 

a  1C^°  f  ^  magro  partit  aulli  la  La  même  année  Pizarro  ,  après 
eme  annee  de  Panama,  pour  aller  avoir  découvert  environ  zoo.  lieues 

nuêre1^  ^  A&aC  à  k  C°11_  de  la  côte  du  Perou  »  jufqu’au  Port  de 

q  u  erou.  Sant a ,  au-delà  du  diftriét  de  Quito , 

1  retourna  à  Pammi 

tien  ont  a v  "  /  1  p  .  Bantam ,  dans  liile  de  Java  eft  con-  8am"“ 

R  ov  A  T-  tVOU  qmJK .  e  ■  feî  VICe  du  par  D.  Pedro  Mafcarefias.  Cette 

Rnvr  fSetene>&setoit  donné  au  Ville  fut  peu  de  tems  après  rendue  à 

dans  Rild°  P/Ue  ’  e"ua  Cette  annee  Gn  Roy ,  à  condition  de  payer  tribut 
dans  Ru  de  SoUs  ,  qu  d  nomma  Rio  de  à  la  Couronne  de  Portugal. 

A  le  p  1  emonta  le  &  me-  V ers  le  même  tems  Edouard  Conil, 

I  1  a&l,a-\'  Ce  qui  lui  fit  donner  Portugais,  découvrit  les  Ifles  &  le  Dé- 

Fleuve  "TC16"/  f  Slnt  7e  Pnd  ?oit  ie  U  Sonde ’  Ce  Capitaine  étoit 
eft  Sue  fur  les  bords  du  Pa-  fous  les  ordres  de  François  Sa ,  lequel 

emreL  °UVa  ,beallc°uP  d’arSent  s’étoit  embarqué  pour  faire  cette  dé- 

de  quelques  Sauva-  couverte;  mais  dont  le  vailTeau  fut 

ges  ’  1  c,lut  que  cet  argent  fe  tiroir  du  écarté  par  la  tempête, 
l  a vs  mémo  .  s-n-no  rar.  c _ _ _ n  1  t 


Pérou. 


Quitd. 


Parana, 

Para- 

ÿuay. 


Détroit 
de  la 
Sonde. 


Minda¬ 

nao. 


Pays  meme,  mais  ces  Sauvages  l’a-  icz8. 

enlevé  à  des  Po^ugais  du  Expédition  de  Pamphile  de  Nar- 

de  Tn  rT  reV£Tent  dC  la  Province  vaés  >  Efpagnol,  dans  la  Floride.  Le  5 . 

T’  i  déi  lona(^re  du  Pérou,  de  Juin  il  découvrir  le  Pays  des  Apu^- 

J  a  déjà  obferve ,  que  dans  la  rigueur  lâches. 

on  n  appelle  Rio  de  la  Plata  ,  que  la  La  meme  année  André  da  Vidane- 
Baye ,  ou  le  Parana ,  déjà  joint  au  Pa-  ta ,  Efpagnol ,  découvrit  la  Nouvelle 
^rieÇ°ltenCOre  a  §randeRl-  Guinée,  entre  l’Afie  &  l’Amerique. 
■w  j  rU^taG  On  ne  fçaic  pas  encore  bien  certaine- 

Ffn ' T  YVaezd{^  Corqmzano  ,  ment  fi  ce  Pays  eft  un  Continent  ou 

Finî0 ^LdeC°Tr.1C  1  me‘?e  an“e  une  !fle>  Toutefois  quelques  Auteurs 
fie  M  ndanao.  D  autres  Efpagnols ,  ont  avancé  qu'on  en  avoic  depuis  peu 

qu,  eu  1 5  a  1  allô, ent  aux  Moluques ,  fait  le  tour  par  Mer.  Jean  ‘de  Lacé 

c  ij 


Apala* 

chesi 


Nouve!- 
lc  Gui- 

née. 


I 


Vene¬ 

zuela. 


Pérou. 


Nouvel¬ 
le  Gali¬ 
ce, 

Culua 

ton. 


Chiap 

|>a. 


Oreno 

que. 


Cinal'oa 


Cartha 

gene. 


xx  FASTES  C  HR  O 

prétend  que  ce  fut  en  r  5 1 7  que  la 
Nouvelle  Guinée  fut  découverte  par 
Alvare  de  Saavedra ,  qui  y  fut  jetté 
par  la  tempête  »  en  revenant  des  Mo- 
luques  ,  ou  Cortez  l’avoit  envoyé. 

1519. 

Découvertes  d’Ambroife  Àlfinger  , 
Allemand ,  dans  la  Province  de  F e- 
nezuela  ,  qui  avoit  été  concédée  par 
l’Empereur  Charle- Quint  aux  Vel- 
fers ,  riches  Négocians  d’Ausbourg. 

1530. 

François  Pizarro  s’embarque  a 
Nombre  de  Dios ,  pour  continuer  la 
conquête  du  Pérou. 

La  même  année  D.  Nuno  de  Guz¬ 
man  fit  plufleurs  découvertes  dans  la 
Nouvelle Efpagne  ducôté  de  la  Mer 
du  Sud.  Chriftophe  de  Onate ,  un  de 
fes  Capitaines ,  fonda  par  fon  ordre 
la  Ville  de  Guadalaxara  dans,  la  Nou¬ 
velle  Galice ,  qui  étoit  une  de  ces  nou¬ 
velles  découvertes,  de  qui  porte  quel¬ 
quefois  les  noms  de  Guadalaxara  de 
de  Xalifco  ,  fa  principale  Province. 
Guzman  étoit  natif  de  Guadalaxara 
en  Caftille.  Il  fit  dans  le  même  teins 
la  découverte  de  la  Province  de  Cu- 
luacaiu 

Vers  le  même  teins  Diego  de  Or- 
das  ,  Efpagnol ,  découvrit  la  Provin¬ 
ce  de  Chiappa ,  dans  la  Nouvelle  EI- 
pagne. 

M  32* 

Le  même  Diego  de  Or  d'as  entra 
peu  de  tems  après  dans  l'Orcnoque ,  de 
fit  quelques  découvertes  en  remon¬ 
tant  ce  Fleuve.  Elles  furent  continuées 
les  années  fuivantes  par  d’autres-  Ca¬ 
pitaines  Efpagnols. 

Cette  même  année  Dom  Nuno  de 
Guzman  découvrit  la  Province  de  Ci - 
naloa  ,.  dans  la  nouvelle  Galice. 

Vers  le  même  tems,  Dom  Pedro  de 
Heredia ,  Efpagnol  ,  bâtit  la  Ville  de 
Carthage  ne .  Il  lui  donna  ce.  nom.  à  cau- 


Acapul- 

co. 


Canada; 


N  O  L  O  G I Q  U  E  S. 

fe  de  la  relïemblance  de  fa  fituatiou 
avec  celle  de  Carthagene  d’Efpagne.- 
Ce  lieu  fe  nommoit  auparavant  Ca* 
lernori.  Ojeda  de  Nicueüa  s’y  étoient 
battus  avec  les  Indiens  du  Pays. 

1 5-3  3-, 

François*  Pizarro  lait  mourir  Ata-  Perour. 
hualpa  ,  Roy  du  Pérou  ,  de  met  fin  a 
l’Empire  des  Inc  as . 

1  5  34- 

L’année  fuivante  il  entra  dans  la  euzeo. 
Province  de  Civlco  de  la  fournit. 

La  même  année  Fernand  Cortez  fit 
découvrir  toute  la  cote  de  la  Mer  du 
Sud ,  où  eft  fitué  le  Port  X Acapulco. 

Ce  fut  aufli  cette  même  année  que 
Philippe  de  Chabot,  Amiral  de  Fran¬ 
ce  ,  ayant  engagé  le  Roy  François  I.  a 
reprendre  le  delfein  des  découvertes  , 
commençées  par  Verazani. ,  en  donna 
la  commiiîion  à  Jacques  Cartier ,  Ma- 
loin ,  habile  Pilote.  Cartier  s’embar¬ 
qua  à  S.  Malo  le  vingtième  d’ Avril  , 
de  le  dixiéme  de  May  il  arriva  au  Cap 
de  Bonne  Fifie  dans  Fille  de  Terre- 
Neuve  ,  par  les  48.  dégrés  de  latitude 
Nord.  Puis  ayant  fait  cinq  lieues  au 
Sud  Sud-Eft ,  il  entra  dans  un  autre 
Port,  qu’il  nomma  Sainte  Catherine . 
De-là  il  vogua  au  Sud ,  traverla  le. 
Golphe  ,  de  entra  dans  une  grande 
Baye ,  où  il  fouffrit  beaucoup  du> 
chaud  ,  de  qu’il  nomma  Baye  des  cha¬ 
leurs.  Quelques  Mémoires  difent  que- 
des  Efpagnols  y  étoient  allés  avant 
lui ,  de  il  eft  certain  qu’on  l’a  quelque¬ 
fois  appellé  la  Baye  des  Efpagnols.  Il 
côtoya  enfuite  une  bonne  partie  du 
Golphe  ,  prit  polTelfion  de  tous  les 
Pays,  qu’il  avoit  reconnus ,  de  retour¬ 
na  en  France.. 


1  5  3  5  ^ 

François  Pizarro  fonde  la  Ville  de 
Lima  le  jour  de  l’Epiphanie  ,  de  la 
nomme  la  Fille  des  Roix.  C  eft  le 
nom ,  qu’elle  porte  encore  dans  les 


FASTES  CHRONOLOGIQUES. 

â(5tes  publics  :  Lima  eft  le  nom  de  la.  conte  Tille.  On  ne  connolt  point  de 
vallee  ,  ou  elle  eft  lituee.  Fleuve,  qui  conlerve  aulli  long-tems 

Buenos  ^Pedio  de  Mendoça  ,  .Efpagnol,  une  fi  grande  largeur  ,  ni  qui  foitaufîT 
Ayres*  bâtit  la  Ville  de  Buenos  ^ iyrés  fur  la  long-tems  naviguable  pour  les  plus 
rive  occidentale  de  la  Plaça,  On  la  grands  vaiffeaux ,  que  celui-cy.  Les 
nomme  auftï  la  Ville  de  la  Trinité,  navires  de  60.  canons  le  peuvent  re- 
Elle  a  été  deux  fois  abandonnée  y  ôc  monter  jufqu  a  Quebec,  qui  eft  à  fîx- 
ce  n’eft  qu’en  1 5  82.  qu’on  Ta  rebâtie  vingt  lieues  de  la.  Mer  ,  &  de  gran- 
comme  elle  eft  prefentement.  des  barques  peuvent  aller  encore  60-. 

Caiifor-  La  même  annee  Cortez  s’étant  mis  lieues  au-delà ,  jufqu  a  Tille  de  Moud 
lui-même  en  mer  ,  découvrit  la  Cali-  réaL 


fcrnie  ,  à  laquelle  il  donna  le  nom  de 
S.  Philippe.  On  a  cru  jufqu’ au  com¬ 
mencement  de  ce  Hécle  que  c’étoit 
une  Me. 

canada.  Le  dix-neuviéme  de  May  de  cette 
même  année  Jacques  Cartier  partit 
de  S.  Malo  pour  continuer  fes  décou¬ 
vertes.  Le  dixiéme  d’Août  étant  entré 
dans  le  Golphe ,  qu’il  avoit  parcouru 
Tannée  précédente ,  il  lui  donna  le 
nom  de  S.  Laurent ,  en  mémoire  du 
S.  Martyr  ,  dont  on  célébré  la  fête  en 
ce  jour.  Ce  nom  s’eft  depuis  étendu 
au  Fleuve ,  qui  fe  décharge  dans  ce 
Golphe.  Celui  de  Canada  ,  qu’il  p or- 
toit  ,  eft  celui  que  donnoient  les  Sau¬ 
vages  à  tout  ce  Pays. 

Le  quinziéme  il  découvrit  à  l’en¬ 
trée  du  Fleuve  une  Me  fort  longue  , 
que  les  Sauvages  nommoient  Natif- 
cotec  ,  ôc  il  lui  donna  le  nom  de  PAf- 
fomption.  Elle  porte  plus  communé¬ 
ment  celui  d'AnticoJly  ,  qui  vient ,  à 
ce  qu’on  croit ,  des  Anglois.  Cartier 
remonta  enfuite  le  Fleuve  5  &  le  pre¬ 
mier  de  Septembre ,  après  y  avoir  vo¬ 
gué  90.  lieues,  il  fe  trouva  à  l’embou¬ 
chure  du  Saguenay ,  grande  Riviere , 
qui  vient  du  Nord.  Il  navigua  encore 
90.  autres  lieues  fm*  le  Fleuve  ,  &  ar¬ 
riva  à  Hochclaga  ,  grande  Bourgade 
de  Sauvages ,  bâtie  dans  une  Me  ,  au 
pied  d’une  Montagne  ,  qu’il  nomma 
Mont-royal.  On  l’appelle  aujourd’hui 
Montreal ,  de  ce  nom  s’eft  étendu  à 


1 556.-15  3  7. 

Diego  de  Almagro  ,  un  des  Con-  a  r, 
querans  du  Pérou ,  fait  la  découverte  ^ 
du  Chili. 

Sebaftien  Belalcaear  ,  Efpagnol ,  ... 
découvre  la  Province  de  Popayan  y  leGrena>- 
qui  fait  partie  de  la  Nouvelle  Grena-  de‘ 
de  y  communément  appellée  Nuevo 
Reyno .  Il  découvrit  en  même  tems  la 
fource  de  la  grande  Riviere  de  la. 
Magdeleine ,  dont  tout  le  cours  fut  re¬ 
connu  quelque  tems  après  par  D.  Fer¬ 
dinand  de  Lugo  ,  Amiral  des  Cana¬ 
ries.  Cette  découverte ,  de  celle ,  que 
le  même  Amiral  lit  du  refte  de  la 
Nouvelle  Grenade  ,  ne.  furent  ache  ¬ 
vées  que  Tannée  fuivante  1537.  Ni¬ 
colas  Ferderman ,  ou  Uredeman ,  Al¬ 
lemand  ,  y  étoit  entré  Tannée  précé¬ 
dente  par  le  Coriane ,.  qui  eft  un  Cam 
ton  de  la  Province  de  Venezuela. 

Jean  de  Ayola ,  Efpagnol ,  conti-  para<1, 
nue  les  découvertes  fur  le  Paraguay  ,  gUay’' 

&c  dans  les  Provinces  des.  environs  de 
ce  Fleuve.. 

1 539; 

Le  P.  AFarc  de  Niza,  Francifcaiâ  cibolâ*. 
Efpagnol ,  étant  parti  cette  année  de 
S.  Michel  de  Cuîuacan ,  dans  la  Nou¬ 
velle  Galice  *  découvrit  le  Royaume 
de  Cibola.  O11  ne  fit  .pas  grand  fond 
fur  les  Mémoires  de  ce  Religieux  , 
mais  ils  donnèrent  occalion  à.  de  nou¬ 
velles  découvertes. 

Le  douzième  de  May  de  cette  mê-  Florida 


îiie 


xx.j  FASTES  CHR 

me  année  Ferdinand  de  Soro  fit  voiles 
de  la  Havane  pour  achever  de  décou¬ 
vrir  ,  &pour  conquérir  la  Floride.  Il 
s’acquitta  fort  bien  du  premier  de  ces 
deux  projets  •,  mais  après  trois  ans  de 
courfes,  il  mourut  fans  avoir  conquis 
un  pouce  de  terre. 

La  même  année  Fernand  Cortez 
Califor-  pan^m:  pour  l’Efpagne,  envoya  Fran¬ 
çois  de  Tello  achever  le  découverte 
de  la  Californie ,  dont  ce  Capitaine 
Efpagnol  rangea  prefque  toute  la  co- 
re  occidentale.  Il  fit  enluite  plufieurs 
autres  découvertes  en  ces  quartiers- 

là. 

1 548. 

Rivière  Gonzales  Pizarro,  Gouverneur  de 
des  Ama-  la  Province  de  Quito,  la  plus  Septen- 
trionnale  du  Pérou  »  découvre  le 
Pays  de  los  Quixos ,  dans  l’intérieur  de 
cette  Province ,  puis  celui  ,  qu’on  ap- 
pelloit  la  Canelle. 

A  la  fuite  de  cette  expédition  Fran¬ 
çois  Orellana,  Lieutenant  de  Pizarro, 
ayant  été  envoyé  pour  chercher  des 
vivres ,  découvrit  un  grand  Fleuve, 
qu’il  defcendit  jufqu’à  la  Mer,  fans 
s’embarralfer  de  fon  Commandant, 
il  donna  fon  nom  à  ce  Fleuve  ,  connu 
depuis  fous  les  noms  des  Amazones 
6c  de  Maragnon. 

ciboIa  ?  La  même  année  François  Vafquez 
Quivira.  Cornero  ,  ou  Cornedo  ,  Efpagnol , 
envoyé  par  Dom  Antoine  de  Mendo¬ 
za  ,  Viceroy  de  la  Nouvelle  Elpagne , 
pour  continuer  la  découverte  de  la 
Californie  ,  découvrit  les  Royaumes 
de  Cibola  6c  de  Quivira. 

1 5  4 1  • 

ch;i;  Pedro  de  Valdivia  continue  la  de- 
couverte  du  Chili ,  6c  y  fait  plufieurs 
établilTemens. 

Cette  même  année  Jean -François 
de  la  Roque  ,  Seigneur  de  Roberval , 
Gentilhomme  Picard ,  fit  un  etablif- 
fement  dans  Fille  de  Cap  Breton,  au- 


Canada. 


ONOLOGIQUES. 

jourd’hui  ïljle  Royale  ,  6c  envoya  un 
nommé  Alphonfe  ,  reconnoitre  le 
Nord  du  Canada  ,  au-delfus  de  La¬ 
brador  :  maison  n’a  point  fçû  le  détail 
de  ce  voyage* 

Antoine  de  Faria  y  Soufa  ,  Portu-  Cam- 
gais,  découvrit  dans  le  même  tems  les 
Royaumes  de  Camboje  6c  de  Chain -  pea. ,  It- 
pea  ,  Fille  de  Poulocondor  ,  celles  de  l“  Pc' 

1  «  GU1QS  y 

Lequios  ,  6c  d’Uaynan ,  avec  quelques  Haynan. 
autres  plus  petites,  qu’on  appelle 
Puertas  de  Liampo. 

Enfin  ce  fut  cette  même  année,  que  p^l!P- 
Ruy  Lopez  de  Yillalobos ,  Efpagnol ,  F‘ncs' 
fit  la  découverte  des  llles  de  Luçcn  , 
que  Magellan  avoit  commencé  de 
découvrir.  Il  donna  à  tout  cet  Archi¬ 
pel  le  nom  de  Philippines,  en  1  honneur 
du  Prince  d’Efpagne  ,  qui  fut  depuis 
Philippes  II. 

1 541* 

Le  fixiéme  de  May  de  cette  annee  Japon. 
S.  François  Xavier  arriva  a  Goa,  6c 
dans  le  même  tems  on  découvrit  le 
Japon  ,  dont  il  devoitêtre  le  premier 
Apôtre.  Cette  découverte  fut  faite 
dans  la  même  année  par  deux  en¬ 
droits  differens.  Fernand  Mendès 
Pinto  ,  Diego  Zeimotto  ,  6c  Chrifto- 
phe  Borello  ,  d’une  part  ;  Antoine 
Mota  ,  François  Zimotto  ,  6c  Antoi¬ 
ne  Pexota  de  l’autre,  tous  Portugais , 
arrivèrent  à  l’infçù  les  uns  des  autres  -, 
les  premiers,  venant  de  Macao,  à  Fille 
deTanuxima,  d’où  Pinto  pénétra  juf- 
ques  dans  le  Royaume  de  Bungo.  Les 
féconds  étant  partis  de  Fille  Macaçar, 
furent  jettés  par  la  tempête  dans  le 
Port  de  Cangoxima ,  au  Royaume  de 
Saxuma.  Aucun  d’eux  n’a  marqué  ni 
le  jour,  ni  le  mois  de  leur  avanture. 

Mais  par  le  récit  de  Pinto  on  voit 
qu’il  arriva  au  Japon  au  mois  de  May. 

Ces  llles  font  les  mêmes,  dont  parle 
Marc  Pol  de  Venife  fous  le  nom  de 
Zipangri. 


Nouvel 
le  Grena 
de. 


Para 

guay. 


Cap 

Mendo- 


£tao. 


Tuai' 

man. 


Floride 

Midffî- 

pi. 


Potofi. 


îilippi- 


s. 


Santa 


_  FASTES  CHR.ON 

Etabliüement  6c  nouvelles  décou¬ 
vertes  dans  le  nouveau  Royaume  de 
Grenade  par  Fernand  Perez  de  Que- 
fada. 

La  même  année  Alvare  Nugnez 
Cabeça  deVaca  rétablit  pour  la  Fé¬ 
condé  fois  la  Ville  de  Buenos  Agrès  \ 
remonta  le  Parana  &  le  Paraguay  ,  & 
it  quelques  etablilTemens  dans  ces 
Provinces. 

Dans  le  même  tems  Jean  Ruys 
Cabrillo  ,  Portugais ,  qui  étoit  au  Fer- 
vice  de  Charle-Quint,  fit  plufieurs  dé¬ 
couvertes  Fur  les  côtes  de  la  Califor¬ 
nie.  Il  arriva  jufqu  a  un  Cap ,  qui  eft 
par  les  44  dégrés  de  latitude  Nord , 

&  qu  il  nomma  Mendocino ,  en  l’hon¬ 
neur  de  D.  Antoine  de  Mendoça,  Vi- 
ceroi  de  la  Nouvelle  Efpagne.  Nos 
Cartes  Françoifes  l’appellent  Cap 
Mendoce.  r 

Découverte  du  Tucuman ,  par  Die¬ 
go  de  Rojas  ,  Efpagnol. 

t  r  r54G 
Louys  de  Mofcofo  de  Alvarado , 
qui  avoir  Fuccedé  à  Ferdinand  de  So- 
ro,  mort  a  l’embouchure  de  la  Riviere 
rouge  dans  le  Micifiipi ,  &  dont  le 
corps  fut  jette  dans  ce  Fleuve ,  le  deF- 
cendjuWàlaMer.  GarcilalTo  de  là 
v  ega  ,  dans  fon  Hiftoire  de  la  con- 
quête  de  la  Floride  ,  donne  à  ce  Fleu¬ 
ve  le  nom  de  Cuc„gM  ,  &  les  Efpa- 
gnols  de  la  Floride  le  nomment  en¬ 
core  aujourd’hui  laPalifade. 

1 545. 

Découverte  des  mines  du  Potofi  au 
mois  d’Avril  de  cette  année,  par  Vil- 
aroë! ,  Efpagnol ,  qui  commença  dès 
a  meme  année  à  y  faire  travailler. 

1 546. 

Michel  Lopez  de  Lagafpi  ,  Bif- 
cayen  ^commença  cette  annee  à  Faire 
des  etablilTemens  dans  les  Philippines . 

1 543. 

Nuflo  de  Chavez  ,  EFpagnol ,  dé- 


OLOGIQUES.  xxüf 

couvre  plu  heur  s  Provinces  à  l’Oueft 
de  Rio  de  la  Plata  &  du  Paraguay  & 
fonde  l’ancienne  Ville  de  Santa  Cruz, 
de  la  Sierra ,  elle  a  été  depuis  placée' 
plus  au  Nord,  &  eft  devenue  la  Capi¬ 
tale  d  un  des  quatre  Gouvernement 
particuliers  ,  qui  partagent  le  Para¬ 
guay.,  Les  trois  autres  font  le  Tucu¬ 
man  au  Midi,  P  A jfiompt  ion  du  Para- 

??a7-  cV  °rient  5.  &  Rio  de  U  Plata  au 

Midi  de  ce  dernier.- 


Crra?  de 
la  Sierra. 


I549. 

Ce  fut  en  cette  année,  que  l’on 
commença  des  établilfemens  dans  le 
Tucuman ,  6c  dans  les  Provinces  voi- 
fines. 


T  irc-i- 
mon. 


*  I5  5  2.- 

Jean  de  Villagas ,  Efpagnol ,  Gou¬ 
verneur  de  la  Province  de  Venezue¬ 
la  pour  les  V elfers  ,  découvre  tout  le 
Pays ,  ou  Fut  depuis  bâtie  la  Nouvelle 
Segovie . 

n  ■  I55-5' 

1  remiere  tentative  pour  trouver  un 
palfage  à  la  Chine  par  le  Nord  ,  par 
le  Chevalier  Hugh  Willougby,  An- 
glois.  Ce  Chevalier  Fut  obligé  par  le 
mauvais  tems  d  entrer  dans  un  Port  de 
la  Lapponie,  nomm oArz.ena  ,  où  il 
mouiut  dt,  fioid  avec  tout  fon  équipa¬ 
ge.  On  a  Fçu  par  Fes  Journaux  que  se- 
tant  éle  ve  julqu’au  7  2  dégrés  de  latitu¬ 
de  Nord ,  il  avoir  vu  une  Terre  ,  qui 
Fe  trouve  marquée  Fous  Fon  nom  dans 
quelques  Cartes  1  quelques  -  uns  la 
nomment  Terre  de  Willops  -,  mais  on 
l’a  depuis  inutilement  cherchée  a 
1  endroit ,  où  elle  de  voit  être  fuivant 
l’indication  :  c’étoit  à  l’Oueft  de  la 
Nouvelle  Zemble,  qui  n’étoit  pas  en¬ 
core  connue. 


Notrvef. 
le  Ser¬ 
vie. 


Terrar 
de  tVil- 
lops ,  oa 
XVil- 
Iougbjr. 


.  1  5  5  4* 

François  de  Ybarra ,  Efpagnol ,  dé¬ 
couvre  les  Mines  de  Sainte  Barbe  ,  de 
S.  Jean,  6c  plufieurs  autres  dans  la 
Nouvelle  Bifcaye .  Il  fît  enfuite  plu- 


Mines 
de  Sainte 
Barbe  &c 
de  Saint 
Jean. 
Nouvel-* 


xxiv  FASTES  CHRONOLOGIQUES. 

le  b  if-  fieurs  établifiemens  dans  les  Provin-  quelles  il  donna  les  noms  de  plusieurs 

caye'  ces  de  Tapi  a  8c  de  Cmaloa  ,  qui  ap-  Rivières  de  France.  Enfin  arrivé  à  une 

partiennent ,  aufii-bien  que  la  Nou-  derniere  ,  qu’il  appella  Port  Royal ,  il 
velle  Bifcaye  ,  à  la  Nouvelle  Galice.  y  bâtit  un  Fort ,  qu’il  nomma  Charles- 
1 5  55 .  fort.  C’eft  allez  près  de-là  qu’eft  au- 

François  Nicolas  Durand  de  Villegagnon  ,  jourd’hui  la  Ville  de  Charles  Town 
auBrefii.  François ,  Chevalier  de  Malte  ,  par-  dans  la  Caroline. 

tit  le  14  de  May  de  cette  année  du  1564. 

Havre  de  Grâce  ,  pour  aller  faire  un  René  de  Laudonniere  ,  François , 
établilfemenr  au  Brefil ,  &  le  10  de  arriva  dans  la  Floride  Françoife  ,  qui 

Novembre  il  arriva  à  Rio  Janeyro  ,  avoit  ere  abandonnée  1  annee  prece- 

que  les  Naturels  du  Pays  nommoient  dente  par  les  gens,  que  Ribaud  y  avoir 

Ganahara.  Il  y  établit  une  Colonie  laifïès»  Le  29*  de  Juin  il  entra  dans  la 

Françoife,  toute  compofée  de  Hugue-  Riviere  de  May ,  ou  il  bâtit  une  For- 

nots ,  mais  qui  ne  fe  conferva  pas  terefle ,  qu’il  nomma  la  Caroline. 

lontems  ,  après  que  lui-même  Peut  A  . 

abandonnée  ,  8c  fut  rentré  «lans  le  Michel  Lopez  de  Lagafpi ,  bâtit 
fein  de  l’Eglife  Romaine.  dans  Pille  de  Cehu  ,  la  première  des 

1^6.  Philippines  découverte  par  Magel- 

Waeï.  Etienne  Barroug ,  Anglois  ,  cher-  Lan ,  une  Ville  du  meme  nom. 
gatz-  chant  un  pafiage  à  la  Chine  par  le  *5^7* 

ÏÏTemt  Nord,  découvre  le  Detroit  de  Waei-  Le  10.  Janvier  1567.  Alvaro  de 
,bie.  gatz,,  entre  la  partie  meridionnale  de  Mendagna  ,  coufin  du  Licencie  Cajtro, 
la  Nouvelle  Zemble  ,  &  le  Pays  des  Gouverneur  doPerou  ,  partit  du  Cal- 
Samojedes.  Il  s’imagina  qu’un  Gol-  lao,  ayant  pour  premier  Pilote  Her- 
phe ,  qui  <eft  à  l’Eft  de  ce  Detroit,  étoit  nand  de  Gallego.  Après  avoir  couru 
une  Mer  libre,  &  crut  avoir  trouvé  1800.  lieues  a  lOuell ,  il  decouviit 
le  palfage,  qu’il  cherchoit  -,  mais  le  par  les  7.  degrés  30.  minutes  de  lati- 
peu  de  luccès  des  tentatives  fuivantes,  tude  méridionale  une  tres-grande  II- 
a  fait  voir  qu’il  fe  trompoit.  le  ,  il  y  mouilla  dans  un  Port  qu  il 

1  ^  (p 2.,  nomma  Santa'Ifahella  de  la  Eflrella.  Il 

*  Floride  Jean  de  Ribaud,  François ,  part  de  y  fejourna  longtems  ,  &  envoya  re- 
Françoi.  j)ieppe  avec  une  commillîon  de  l’A-  connoître  plufieurs  Ifies  voilines  de 
mirai  de  Coligni ,  pour  aller  faire  un  differentes  grandeui  s.  lien  vit  une 
établiffement  en  Floride.  Il  mouilla  entre  autres  ,  qui  lui  parut  fort  gran- 
d’abord  à  un  Cap  ,  qu’il  nomma  Cap  de,  8c  dont  il  ne  reconnut  que  la  Co- 
François vers  les  30.  degrés  d’éleva-  te  du  Nord.  Il  nomma  celle  quil 
tion  de  Pôle.  Cetoit  le  même  en-  aborda  la  première  ,  ITfle  de  Sainte 
droit,  où  Verazani  avoit  pris  terre  à  Elifaheth  ,  eftimant  quelle  pouvoir 
fon  fécond  voyage.  Le  premier  jour  avoir  95.  lieues  de  longueur  ,  &  ap- 
de  May  il  entra  dans  une  Riviere  ,  pella  l’autre  ITp  de  Guadalcanar.  Il 
qu’il  nomma  la  Riviere  de  May  ,  &  il  donna  des  noms  à  plufieurs  autres  des 
y  arbora  les  armes  de  France.  Il  vifita  Ifies  voifines,  &  toutes  ces  Ifies  enfem- 
enfuite  la  Cote  Pefpace  de  60.  lieues  ,  ble  furent  nommées  les  Ifies  de  Sale - 

remontant  toujours  au  Nord  ,  &  de-  mon .  ^  . 

couvrit  plujfleurs  autres  Rivières ,  aul-  On  peut  voir  la-delius  1  Hiuoire  du 

1  Marquis 


t? 


Cebu. 


Ifles  d 
Salo¬ 
mon. 


.  FASTES  CHRONOLOGIQUES.  xxv 

Marquis  de  Canete  Viceroy  du  Pe-  nom  d'Angleterre  Occidentale.  Upté 


rou 


Maniie. 


I57I. 

Fondation  de  Maniie  dans  Pille  de 


nies  de 
Jean  Fer¬ 
nandez. 


Détroit 
de  Fro- 
kislicr. 


Oueft- 

frite. 

Fridf- 

Und. 


Luçon.  C’eft  aujourd’hui  la  Capitale 
des  Philippines. 

1574. 

Découverte  des  IJles  de  Jean  Fer¬ 
nandez.  dans  la  Mer  du  Sud ,  ainli  ap- 


cendit  que  c’étoit  la  même  Terre ,  que 
les  deux  Freres  Zani ,  Vénitiens  , 
avoient  nommé  Fridjland. 

r  •  I57^' 

François  DracK  ,  Angîois  ,  décou-  Nouvej, 
vre  la  Nouvelle  Albion  au  Nord  de  la  Ie  ai- 
Californie.  Les  Anglois  prétendent  ^Loit 
qu  elle  forme  un  même  continent  d'Anian. 


pellées  du  nom  de  PEfpagnol ,  qui  les  avec  le  Detroit  d 'Tejfo  ;  mais  on  croit 
découvrit.  On  n  en  compte  ordinai-  allez  communément  aujourd’hui  que 
rement  que  deux:  mais  les  Cartes  en  .  la  Nouvelle  Albion  eft  fabuleufe. 
marquent  deux  autres  plus  au  Nord  ,  DracK  alfûra  auffi  à  la  Reine  Eliza- 
ous  les  noms  de  S .  Félix  &  de  S’.  Am-  beth,  qu’il  étoit  entré  cette  même  an- 

/  1  1  1 


broife  ,  &  on  les  comprend  quelque 
fois  fous  le  même  nom  d’Ifles  de  Jean 
Fernandez.  Les  premières  font  par  les 
3  4-  degrez  de  latitude  Auftrale  ,  par 
le  travers  du  Chili.  Les  Elpagnols 


née  dans  le  Detroit  d’ Aman,  8c  qu’il  y 
avoir  pénétré  vingt  lieues.  On  ne  con¬ 
vient  pas  encore  de  la  fituation  de  ce 
Detroit ,  dont  on  parle  diverfement. 
1  Mais  il  a  bien  de  l’apparence  ,  s’il 

nomment  celle ,  qui  eft  plus  au  lar-  exifte  ,  qu’il  eft  à  l’Eft  d’YelTo ,  8c  peu 
ge  ,  IJle  de  Fuera  ,  8c  l’autre ,  IJle  de  éloigné  de  ce  grand  Pays. 


Tien  a  ,  8c  toutes  deux  Defaventura - 
d.asJ  c’eft-fdire  Infortunées.  Jean  de  Artur  Part ,  8c  Charles  JacKman  , 
Laet  par  oit  etre  du  fentiment  que  ces  Anglois  ,  fuivent ,  par  ordre  de  la 
deux  Mes  ,  8c  les  deux  autres  font  Reine  Elizabeth  ,  fa  même  route . 


les  mêmes. 

t  ,  .  1 57^« 

Le  Chevalier  Martin  de  Frobisher 


Anglois ,  découvre  entre  le  Nord  du 
Groenland ,  8c  une  grande  Me  ,  qui 
eft  au  Sud ,  un  Detroit ,  qui  porte  Ion 


,  quipc  _ 

nom.  Il  en  rapporta  en  Angleterre  de 
la  Mine. 


1 577* 

Frobisher  fit  dans  un  fécond  voya¬ 
ge  dans  les  mêmes  Mers ,  plufieurs 
découvertes  au-delà  de  fon  Detroit  , 
&Tleur  impofa  les  noms  s  qui  font 
marqués  dans  les  Cartes. 

•  ,  1 57^ 

Troifieme  voyage  de  Frobisher.  Il 
partit  d’Angleterre  le  dernier  jour  de 
Mây  avec  quinze  Vaifteaux.  Le  20.  de 
Juin  il 

reconnut  la  Terre  d'Oueftfrife , 


1 580. 

Nouvel¬ 
le  tenta* 
tive  des 
_  Anglois 

qu’avoit  tenue  vingt-quatre  ans  aupa- 
ravant  Eftienne  Burroug  ;  paftent  le  chLe 
Detroit  de  Vaeigatz  ,  entrent  dans  la  £fr  ,lç 
Mer  à  l’Eft  de  ce  Detroit ,  8c  la  trou-  °* 
vent  tellement  couverte  de  glaces  , 
qu’après  y  avoir  couru  de  grands  dan¬ 
gers  ,  ils  font  contraints  de  retourner 
fur  leurs  pas ,  fans  avoir  rien  fait.  Le 
mauvais  tems  les  écarta  enfuite,  on 
n  a  point  depuis  entendu  parler  de 
Part.  r 


1582, 


I.eFrere  Auguftin  Ruys,  Francif-  Nou_ 
quain  Efpagnol ,  ayant  fait  en  1 580.  veau  Me. 
&  8  1 .  plufieurs  découvertes  au  Nord  xl<lue* 
de  la  Nouvelle  Efpagne ,  Antoine  de 
Efpejo  ,  Efpagnol ,  les  continue  ,  dé¬ 
couvre  plus  de  quinze  Provinces ,  8c 


q  .  I  .SJ  •  *  v  p  —  ■  •*  *  ■*  * — ‘  a  x.  V_/  y  X  2  X  V  W  ^ 

C  -en  prit  pofleftîon  au  nom  de  la  Rei-  donne  à  tout  ce  grand  Pays  le  nom  de 
ne  Elizabeth ,  après  lui  avoir  donné  Nouveau  Mexique. 


d 


Terre- 

Neuve. 


Anglois 
en  Flori¬ 
de. 


Virgi¬ 

nie. 


Cap  de 
Défola- 
tion. 


xxvj 


FASTES  CHR 

1585. 

Gilbert  Humphrey ,  Chevalier  An- 
elois ,  fait  voiles  vers  l’Ifle  de  Terre- 

O  , 

Weuve  à  l’inftmation  du  Secrétaire 
d’Etat  Walfingham  ;  en  prend  poflef- 
fion  au  nom  de  la  Reine  Elizabeth  , 
8c  y  établit  la  pêche  des  Morues ,  dont 
l’Angleterre  a  tiré  plus  de  profit ,  que 
fi  cette  Ifle  avoit  été  remplie  de  mi¬ 
nes  d’or.  D’ailleurs  on  ne  perd  point 
d’hommes  en  faifant  ce  commerce  , 
8c  rien  n’eft  plus  capable  de  former 
de  bons  Matelots. 

Richard  Grainville  ,  Anglois ,  fait 
par  ordre  delà  Reine  Elizabeth  un 
établiflement  en  Floride  ,  un  peu  au- 
deflous  de  A.  Juan  de  P  inos*  Il  n’a  pas 
duré  longtems. 


ONOLOGIQUES. 

efiuya  bien  des  tourmentes ,  8c  courut 
de  grands  dangers.  Il  le  nomma  Cap 
de  Defolation , 

M8  7- 

II  découvre  un  Détroit ,  auquel  il 
donne  fon  nom ,  8c  qui  le  porte  enco¬ 
re  aujourd’hui. 

1589. 

Dom  Pedro  de  Sarmiento  ,  Efpa- 
gnol ,  envoyé  par  Dom  François  de 
Tolede  ,  Viceroy  du  Pérou,  contre 
François  DracK ,  quidefoloit  toute  la 
Mer  du  Sud  ,  découvre  toute  la  Côte 
depuis  les  49.  degrés  de  latitude  Auf- 
trale  jufqu’au  Détroit  de  Magellan  , 
qu’il  pafla.  Il  prit  par  tout  polfelfion 
du  Pays  pour  la  Couronne  de  Caf- 
tille. 


1 584.  1585. 

Philippes  Amidas  8c  Arthur  Bar- 
low  ,  Anglois ,  envoyés  par  le  Che¬ 
valier  Walter  Raleig  ,  partirent  au 
mois  de  Mars  1584,  8c  prirent  terre 
à  l’Ifle  de  Roënoque .  A  leur  retour  en 
Angleterre ,  ils  dirent  tant  de  biens 
de  ce  Pays-là ,  que  la  Reine  Eliza¬ 
beth  lui  donna  le  nom  de  Virginie  , 
pour  immortalifer  la  mémoire  de  fon 
célibat.  L’année  fuivante  on  fit  un 
établiflement  dans  l’Ifle  de  Roëno- 
que  ,  mais  il  n’a  pas  duré  ,  le  Pays  ne 
s’étant  pas  trouve  auifi  bon,  qu’on  l’a- 
voit  cru  d’abord.  Et  le  nom  de  Virgi¬ 
nie  ne  luieftpas  demeuré  j  car  l’Ifle 
de  Roënoque  eft  du  Gouvernement 
de  la  Caroline  Septentrionnale. 

Cette  même  année  1585.  Jean  Da¬ 
vis  ,  Anglois  ,  eut  ordre  de  la  Reine 
Elizabeth  de  continuer  les  Découver¬ 
tes  du  Chevalier  Martin  Frobisher  •> 
ce  qu’il  fit  avec  fuccès  cette  année  8c 
les  îuivantes. 

L586.. 

Après  plufieurs  découvertes  de  ce 
qu’on  appelioit  alors  la  Mer  d ’Ejloti- 
land ,  il  avança  jufqu  a  un  Cap  ,  où  il 


1590. 

La  plupart  des  Auteurs  Anglois 
placent  en  cette  année  la  découverte 
du  Détroit  de  Davids.  Ce  Détroit  eft 
fitué  entre  le  Groenland,  &  une  Ifle  , 
que  Davis  nomme  Cumberland.. 

1 5  91* 

On  prétend  qu’en  cette  année  un 
Danois ,  nommé  Frédéric  Anfchild, 
hyverna  dans  la  Baye  d’Hudfon  ,  y  fit 
un  grand  commerce  de  Pelletries  ,  8c 
retourna  en  Dannemarc  richement 
chargé  ,  mais  fans  avoir  fait  aucun 
établiflement. 

1 5  93  • 

Le  Chevalier  Richard  Piawidns , 
Anglois  ,  ayant  entrepris  de  faire  le 
tour  du  monde  ,  découvrit  au  Sud- 
Oueft  du  Détroit  de  Magellan  ,  par 
les  48.  degrés  de  latitude  Meridion- 
nale  ,  une  grande  Terre  ,  qui  seten- 
doit  d’un  côté  au-delà  du  Détroit  de 
le  Maire ,  8c  de  l’autre  jufques  vis-à- 
vis  le  Cap  de  Bonne -Elperance.  Il 
reconnut  aufli ,  ajoute-t-on  ,  que  les 
Terres,  qui  font  au  Sud  du  Détroit  de 
Magellan,  ne  font  qu’un  amas  d’If- 
les,, 


Détroit 
de  Davis. 


Déçoit 
vertes 
vers  le 
Détroit 
de  Ma¬ 
gellan. 


Détroit 
de  Da¬ 
vids. 

Cum¬ 

berland» 


Baye- 

d’Hud¬ 

fon. 


Terres 

Aultra- 

les. 


fastes  CHRONOLOGIQUES.  xxvii 

.  t  ,  i594*  -le  16.  d’Août  au  Nord  d’une  Ifle 

reprifnel^aUT^Na*Uay|nt  qU’lls  aPPellerent  ^  Ba- 

rn  a  P  î  1  j  j  "  abandonlle  P11'  les  rentsz  les  rejoignit  en  cet  endroit 
mJL.  ^ngl“s  >  de  découvrir  un  chemin  à  s’étant  élevé  juffu’aux  7  8.  degrez,  & 
la  Chine  par  le  Nord ,  y  deftina  trois  ayant  reconnu  la  plus  grandi  paît^ 
Vaillèaux  lous  le  commandement  de  des  côtes  de  la  Nouvell?  Zemble  Les 
.  Coinens  Cornehsznay  quimontoit  glaces  l’avoiept  empêché  d’aller  plus 

Lféfv'V Veereen  ^lande  :  le  loln  s  &  il  cherchent  un  paffageLu 
econd  \  aideau  nomme  le  Mercure  Sud.  Cotnelis  lui  dit  qu’il  crovoit  l’a- 

dEnchufe  ,  «oit  commandé  par  voir  trouvé  par  le  Déuoit  de  Naffiiu 
Brandt-Y sbrandtz ,  ou  Tergales  ;  &  Au  Nord  deT’Ifle  Maurice  il  y  en  a 

dam°tou  “■ EOt  d 'ri61''  *  &  %  nommée  IVjle  d’O- 

dam ,  avoir  pour  Capitaine  Guillau-  range.  Ces  Ifles  font  vers  les  L  de- 

meBarentsz  de  Ter  Schellings ,  Bout-  grél  jo.  minutes.  La  Terre  ,  ouitft 

O  Ois  d  Amfterdam.  Jean  Huighen  au-delà  du  Golphe  ,  plus  à  l’Eft  fut 

Mercu,f|h T6"  etolt  Commis  fur  le  appellée  Nouille  Frife  Occidentale. 

îcuie  ,  N  nous  a  donne  le  Journal  L’Ifle  de  Vaeigatz  ,  fut  appellée  VI (le 
de  ce  voyage.  Ils  partirent  du  Texel  cTEncbufe ,  &  tout  le  Pays  oui  eft  au 
le  cinquième  de  Juin.  Le  24.  ils  re-  Midi  du  Détroit  de  Æ  E 

mouillèrent  'plledi  “T  ’  A'  A  FleUiVe  °hj  '  U  N°'müe  Le 

mouillèrent.  Elle  eft  par  les  6c,.  de-  1 5. de  Septembre  ,  ils  mouillèrent  au 

grès  40.  minutes  à  peu  près  de  latitu.  Texel.  moumerent  au 

de-Nord.  Ils  y  établirent  leur  rendez-  i  s  9  c . 

SamferretOUr’  &  le  Bot  d'A“-  Alyaro  de  Mendana  part  le  n. 

îé  de  h  Novell  P7Ut  u,”11”  d“  d'AvrU  du  Callao  P°ur  aIler  a“  Mes 
déjà  connue  V  dn  T*  V  SU1  de  Salomon  avec  4.  VailTeaux,  ayant 

}  ,  ‘  &  dont  quelques  Geo-  pour  premier  Pilote  Pierre  Fernand 

graphes  attribuent  mal  à  propos  la  dé-  de  Quiros.  Après  avoir  fait  plus  de 

BâWn^LeTflèTirrd  “  IIOO’lleuesa  l’Oueft  ,  ils  délouvri- 
v ‘i, S  Le  1 1 .  de  Juillet  les  deux  rent  par  la  latitude  de  1  o.  dégrés  plu- 

VailTeaux  appelèrent  une  Terre  ,  (leurs  Ifles  peu  confiderables ,  qu'ils 

8™  ’  Ulvanpeur  eftime ,  devoir  être  nommèrent  les  Mar quifes de Meldoçax 
Ifle ,  ou  la  Terre  de  Waetgata. ,  &  le  continuant  leur  route  à  l’Oueft  % 
z  z.  une  ouverture ,  qu  ils  crurent  être  rencontrèrent  encore  quelques  petites 
JemC ™‘£^nom.  Rentre-  Ifles,  &  enfin  le  7.  Se^XeT^n 

JValfau  II  v  r  n°mmei  jnt  DetT\  de  Couvrirent  une  grande ,  où  ils  abor- 
cerfpar  j/s  ^UUieidt  de  §rancis  da.I:J-  derent  dans  une  Baye,  &  ils  la  nomme- 
g  Pal  les  glaces.  Au  fortir  de-la  ils  rent  la  Gracieufe.  Dans  le  fejour  qu’ils 
entrèrent  dans  la  Mer  de  Tartane ,  firent  dans  cette  Ifle  ,  ils  en  palcou" 

terentZs  ™netflèbd  r  “ f™'  rm'ent  les  Côtes’  Elle  le“r  P«  «  avoir 

Al 'ire  .“SLÎ'Ôhy'.’pî,  Ti;: 

kDé’tr^deNsr ’  *ï  aLan”,ePa®  Expédition  &  découverte  du  Che- 
le  Detroit  de  Naffau ,  ils  mouillèrent  valier  Walter  Raleig  dans  la  Guyane. 

d  ij 


Marqué 
fes  de 
Mendo- 
ça  ,  la 
Gracieu¬ 
fe  ,  Ifles 
de  Sain¬ 
te  Croix. 


Guyane* 


xxviij  FASTES  CHRONOLOGIQUES* 

Les  trois  Officiers  nommés  dans,  baldde  Wert  au  fortir  du  Détroit,  dé- 
l’article  de  l’année  précédente ,  par-  couvrit  le  24.  Février ,  trois  Ides ,  qui 
tirent  du  Texel  le  2.  de  Juillet  avec  portent  Ton  nom.  Il  s’eftimoit  par  les 
fept  Navires,  pour  continuer  leurs  50.  dégrés  50.  minutes  de  latitude- 
découvertes,  mais  ils  trouvèrent  beau-  Sud.  Quelques  Auteurs  mettent  cette 
coup  plus  de  glaces,  &  retournèrent  découverte  en  1600. 


Spitx- 

fcerg. 


en  Hollande  avec  moins  d’efperance 
de  trouver  ce  qu’ils  cherchoient. 

1 5  96. 

Guillaume  Barentsz  entreprend  de 


s’étant 


Le  Marquis  de  la  Roche ,  Breton  , 
fait  donner  par  Henry  IV. 
Roy  de  France  ,  la  commiffion  de 
continuer  les  découvertes  commen- 


Ifb  de 

Sable  , 
Acadie. 


palfer  à  la  Chine  par  le  Nord  de  la  cées  paq  Jacques  Cartier  ,  découvrit 
Nouvelle  Zemble  :  mais  après  avoir  cette  même  année  l'Ip  de  Sable ,  & 
découvert  A  Spitzberg ,  qu’il  crut  être  une  partie  des  Côtes  de  l'Acadie.  O11 
une  Ifle ,  &  que  les  Anglois  regardent  prétend  que  Gilbert  Humphrey,  dont 
comme  une  partie  du  Groenland  ,  il  )  ai  déjà  parle  ,  avoit  perdu  ti  ois  Na- 


perdit  fon  Navire  dans  les  glaces  ,  & 
hyverna  dans  la  Nouvelle  Zemble.  Il 
voulut  enfuite  gagner  Cola  en  Lappo- 
nie,  3c  il  mourut  en  chemin,  toujours 
perfuadé  qu  a  20.  lieues  au  Nord  de  la 
Nouvelle  Zemble  il  n’y  a  plus  de  gla¬ 
ces  ,  ni  rien,  qui  empêche  de  pénétrer 
jufqu’à  la  Chine.  En  effet  ,  h  ce  que 
dit  l’Auteur  d’une  relation  du  nau- 
d’un  Vaiffeau  Hollandois 


frage 


ar- 


vires  à  Fille  de  Sable  en  1 5  8 1 . 

1  599* 

Dom  Jean  de  Onnate  fait  de  gran¬ 
des  conquêtes  dans  le  Nouveau  Mexi¬ 
que  j  bâtit  la  Ville  de  S.  Jean ,  3>c  dé¬ 
couvre  beaucoup  de  mines. 

1 60  2. 

Les  Etats  Généraux  réunifient  en 
une  toutes  les  Compagnies  particu¬ 
lières  du  Commerce  ,  3c  en  forment 


ÎMotr» 
veau  Me¬ 
xique,  S. 
Jean. 


Compa¬ 
gnie  des 
Indes  eo 
Hollan¬ 
de.  * 


rivé  en  -165  3.  fur  l’Ifle  de  Quelpaerts,  la  fameufe  Compagnie  des  Indes 
eft  vrai  j  à  fçavoir  ,  qu’on  a  vu  dans  Orientales, 
la  Mer  de  Corée  des  Baleines,  qui  1604. 

avoient  dans  le  corps  des  harpons  de  Pierre  de  Guaft ,  Sieur  de  Monts ,  Acadie, 
Gafcogne  ,  dont  on  fe  fert  dans  la  pê-  3c  Samuel  de  Champlain  ,  François  , 
che  fur  les  côtes  du  Groenland  ,  on  ne  achèvent  la  découverte  de  l'Acadie  y 
peut  douter  que  Barentsz  n’ait  con-  commencée  par  le  Marquis  de  la  Rq- 


jeéturé  jufte. 


1598. 


ïfle  de 
Seb; Id 
AeWcti. 


Jacques  Mahu ,  Simon  de  Corde , 
Sebald  de  Wert,  3c  quelques  autres 


che  ,  puis  découvrent  la  Côte  Meri- 
dionnale  du  Canada ,  qui  eft  feparée 
de  l’Acadie  par  la  Baye  Françoffe .  Ils 
firent  la  même  année  un  établiffement 
à  l'IJle  de  Sainte  Croix.  L’hyver  fuivant 


Hollandois  ayant  voulu  tenter  le  paf-  Champlain  pouffa  cette  découverte 
fage  du  Détroit  de  Magellan  ,  furent  jufqu’au-delà  de  Pentogoet . 


obligés  par  les  vents  contraires  de  re¬ 
tourner  fur  leurs  pas ,  fans  avoir  pu 
gagner  la  Mer  du  Sud  ,  excepté  le 
Vaiffeau,  oùétoit  Guillaume  Adams  , 
Anglois ,  en  qualité  de  premier  Pilo¬ 
te  de  l’Efcadre  ,  lequel  alla  échouer 
fur  la  Côte  Orientale  du  Japon»  Se- 


16  05 

Les  mêmes,  continuant  leurs  decou¬ 
vertes  ,  reconnoiffent  le  Quinibequi  f 
ou  Canibequi ,  Riviere  des  Canibas , 
Nation  Abenaquife  ,  puis  le  Cap 
Malebare ,  vis  à  vis  du  Cap ,  que  les 
François  appellent  Cap  Blanc ,  3c  les 


Cap  Ma¬ 
lebare  , 
Cap 


Codd. 


7 


-  .  "mr  V»’ 


VirgU 

nie- 


Les  Hol- 
lnndois 
s’établif- 
fent  dans 
les  Indes. 


Terre  de 
Quir., 


FASTES  CHRONOLOGIQUES,  xxix 

Angîois  Cap  Cood  ,  auprès  duquel  a  Continent,  qu’il  nomma  Terre Au- 
été  depuis  bâtie  la  Ville  de  Bojîon ,  ftrale  du  S.  E/prit.  Il  y  mouilla  dans 
que  les  François  prononcent  Bafion ,  plufieurs  Ports,  aufquels  il  donna  des 
aujourd’hui  Capitale  de  la  Nouvelle  noms.  C’eft  ce  qu’on  nomme  commu- 
Angleterre.  Champlain  planta  une  nément  Terre  de  Qiùr. 

Croix  au  Cap  Malebare,  &  en  prit  II  eft  aifé  de  connoître  que  ces  Ter- 
polTelIîon  au  nom  du  Roy  Ton  Mai-  res  font  au  Sud  de  l’extremité  Orien- 
tte*  taie  de  la  Nouvelle  Guinée  ,  Ôc  for- 

1  .  .  ment  les  Côtes  de  l’Eft  de  la  Terre  de 

Jean  Smitz  ,  Anglois  ,  découvre  la  Carpenterie . 

Baye  de  Cbefapeal » ,  ôc  la  Riviere  de  160S. 

Pojvatan ,  qui  s’y  décharge.  Il  bâtit  Le  troiliéme  de  Juillet  de  cette  an- 
Iul  la  Riviere  un  Fort ,  qui  eft  deve-  nee  Samuel  de  Champlain  fonda  la 
nu  une  Ville  ,  nommée  Jameftorvn  ,  Ville  de  Quebec ,  Capitale  de  la  Non- 
aujourd’hui  Capitale  de  la  Virginie,  velle  Fratice ,  fur  la  Rive  Septentrion- 
11  donna  aufïi  â  la  Riviere  le  nom  de  nale  du  Fleuve  S.  Laurent,  à  fix-vinm 
James  en  l’honneur  de  Jacques  I.  Roy  lieues  de  la  Mer ,  entre  une  petite  Ri¬ 
de  la  Grande  Bretagne  mais  fon  viere,  qui  porte  le  nom  de  S.  Charles, 


premier  nom  eft  plus  en  ufage. 

Cette  même  année  les  Hollandais 
chafferent  les  Portugais  de  l’Ifle  d’Am- 
boy  ne  ,  une  des  grandes  Moluques 


&  un  gros  Cap ,  qu’on  appelle  le  Cap 
aux  Diamants  ,  parce  qu’on  y  trouvoir 
alors  quantité  de  diamans  allez  fem- 
blables  à  ceux  d’Alençon.  Les-  Sauva- 


®  w w ** '*•  v  1  z  iienvoiii  l  , e  j  vJ 

ôc  y  firent  leur  premier  établiffement  ges  donnoient  â  cet  endroit  le 


nom 


de  Quebeio  ou  Quelibec ,  qui  dans  les 
Langues  Algonquine  ôc  Abenaquife 
lignifie  Retreeiffement  ,  parce  que  le 
Fleuve  s  y  rétrécit  ,  jufqu’â.  n’avoir 
plus  qu’un  mille  de  large ,  au  lieir 


dans  les  Indes  Orientales 
1 6o6 . 

Le  Capitaine  Dom  Pierre  Fernand 
de  Quiros,  Efpagnol ,  partit  du  Cal- 

la°  le  ai.  Décembre  1605.  pour  dé-  f _ ^ _ _  _  ,  rtU  11CU 

couvrir  les  Terres  Auftrales  avec  deux  qu’immédiatement  au-defïbus  de  /’//C 
VaifTeaux.  Il  fit  route  à  l’Oueft  Sud-  le  d’Oreans  ,  c’eft-â-dire ,  à  dix  lieues 
Ouefl ,  ôc  Iç  26.  Janvier  1606.  fe  fai-  au-deffous ,  il  a  encore  quatre  ou  cinq 
fant  â  1000.  lieues  des  Côtes  du  Pe- 
rou  par  la  latitude  Méridionnale  de 
2  5 .  dégrés,  il  apperçut  une  Ifle  d’en¬ 
viron  4.  lieues  de  tour.  Il  continua  de 
voir  plufieurs  Ifles  ôc  des  Terres  affez 
étendues  pendant  l’efpace  d’environ 
400.  lieues,  &jufquespar  les  10 


lieues. 

1 6057, 

Henri  Hudfon  ,  Anglois  ,  après 
avoir  parcouru  les  Côtes  de  la  Virgi¬ 
nie  ôc  de  la  Nouvelle  Angleterre , 
trouve  que  le  Cap  Codd  étoit  â  vingt' 

.  '  -  ,  x  L  '  -  lieues  plus  a  1  Ouefl ,  qu’on  ne  l’avoit 

1 1 .  degrés  de  latitude,  mais  détachées  cru.  Il  découvrit  enfuite  par  les  40.. 
Ôc  éloignées  les  unes  des  autres  :  ainfî  dégrés  de  latitude  Nord  une  mande 
mal  à  propos  quelques  Géographes  Baye,  dans  laquelle  fe  décharge  une 
ont-ils  marqué  en  cet  endroit  une  grande  Riviere  ,  qu’il  appella  Man- 
continuité  de  Côtes  d’environ  800.  batte ,  du  nom  des  Sauvages  ,  qu’il  y 
lieues.  .  trouva.  Ce  Capitaine  étoit  au  fervice* 

Il  dirigea  enfuite  fa  route  â  l’Oueft:,  des  Hollandois ,  qui  ont  été  pendant 
&  le  2  5 .  Avril  il  découvrit  un  grand  quelque  tems  en  poflèflion  de  ce  Pays, 


Qu  e  bec. 


Nonvet- 

le  York. 


Baye  £c 
■Détroit 
d’Hu- 
dfoii. 


Tro- 
quois , 
lac- 
Cbam- 
plain. 

Rivière 
du  Nord. 


Baye  de 
Butcon. 


xxx  FASTES  CHR 

qu’ils  appellerait  Nouvelle  Belgique 
Ce  furent  eux ,  qui  bâtirent  la  Ville 
de  Manhatte  6c  le  Fort  à' Orange  lut  la 
même  Riviere.  Ce  Pays  porte  aujour¬ 
d’hui  le  nom  de  Nouvelle  York  5  &  ap¬ 
partient  aux  Anglois ,  qui  donnent 
aulïi  le  même  nom  à  la  Ville  de  Man- 
hatte. 

On  lit  dans  quelques  Mémoires , 
qu’en  1609.  un  Navire  parti  d’Aca- 
pulco,  Port  du  Mexique  fur  la  Mer  du 
Sud  ,  fut  furpris  d’une  violente  tem- 

Eête,  qui  lui  ht  perdre  fa  route  :  qu’au 
outde  deux  mois  il  fe  trouva  à  Du¬ 
blin  en  Irlande  ,  d’ou  s’étant  rendu  à 
Lisbonne  ,  le  Roy  d’Efpagne  ht  jetter 
au  feu  tous  les  Journaux  des  Pilotes  , 
afin  doter  aux  Etrangers  la  connoif- 
fance  de  la  route  ,  qu’avoit  tenue  ce 
Bâtiment,  qu’on  fuppofe  être  venu, 
par  le  Nord  du  Canada. 

Enfin  la  même  année  Henri  Hu- 
dfon,  6c  Guillaume  BafHngs,  Anglois, 
pénétrèrent  fort  loin  vers  le  Nord- 
Oueft  au-deftus  du  Canada ,  oh  l’an¬ 
née  fuivante  ils  découvrirent  ,  à 
ce  que  prétendent  les  Anglois ,  les 
Pays  ,  qui  portent  encore  leur  nom  j 
mais  il  eft  certain  qu’ils  n’y  firent  au¬ 
cun  établifïement  ;  que  Nelfon  ,  Pi¬ 
lote  de  Hudfon ,  n’a  poiot  pris  alors 
pofîeflion  de  ce  que  les  Anglois  ap¬ 
pellent  le  Port  Nelfon  à  la  Côte  Occi¬ 
dentale  de  la  Baye  fî Hudfon. 

1611. 

Samuel  de  Champlain  pénétre 
dans  le  Pays  des  Iroquois  ,  6c  décou¬ 
vre  fur  fa  route  un  grand  Lac  ,  qui 
porte  encore  aujourd’hui  fon  nom. 

Dom  Jean  de  Onnate  ,  Efpagnol , 
découvre  la  Riviere  du  Nord  ,  que 
quelques-uns  appellent  Rio  Colorado , 
6c  le  Lac  des  Conibas ,  au-deffus  du 
Nouveau  Mexique. 

Dans  le  même  tems  Thomas  But- 
ton  ,  Anglois ,  découvrit  au  Nord  du 


O  N  O  L  O  G I  Q  U  E  S. 

Canada  un  grand  Pays  ,  qu’il  appella 
New  Wales ,  Nouveau  Pays  de  Gal¬ 
les  ,  il  parcourut  enfuite  toute  la 
Baye  ,  qui  porte  fon  nom  ,  puis  l’ifle 
de  Diggs ,  6c  enfin  un  autre  Pays  très- 
vafte  ,  qu’il  nomma  Carys  Swans 
Nef. 

l6ll. 

Jacques  Hall  ,  Anglois ,  découvre 
le  Détroit  de  Cockin  au  Nord  du  Ca¬ 
nada  ,  par  les  6  5 .  dégrés  de  latitude. 

161 3. 

Des  Anglois  découvrent  au  Nord 
du  Groenland  une  Ifle  ,  qu’ils  appel¬ 
lent  Pljle  d’ Efperance.  Quelques-uns 
ont  cru  que  c’étoit  la  même  que  Wil- 
lougby  avoit  découverte  en  1553. 
mais  cela  ne  paroît  pas  vrai. 

1 61 3. 

Samuel  de  Champlain  entre  dans 
le  Pays  des  Hurons  en  Canada ,  6c 
employé  Phyver  à  le  parcourir. 

C’eft  en  cette  même  année  que  les 
Hollandois  commencèrent  à  s  établir 
fur  la  Riviere  de  Manhatte  ,  6c  don¬ 
nèrent  à  ce  Pays-là  le  nom  de  Nouvel¬ 
le  Belgique . 

Le  quatorzième  de  Juin  Guillaume 
Schouten ,  6c  Jacques  ou  Jacob  le 
Maire  ,  Hollandois,  partirent  duTe- 
xel  pour  chercher  un  nouveau  pafïa- 
ga  à  la  Mer  du  Sud ,  6c  le  troifiéme  de 
Novembre  ils  découvrirent  l’ifle  de 
P Afcerfion .  Schouten  dit  dans  fon 
Journal  que  cette  Ifle  eft  une  de  celles 
de  Martin  Vues ,  dont  je  n’ai  pu  fça- 
voir  ni  en  quel  tems ,  ni  par  qui  elles 
ont  été  découvertes. 

1 61 6. 

Le  2  5 .  de  Janvier  Schouten  6c  le 
Maire  fe  trouvèrent  a  l’entrée  d’un 
Détroit  au  Sud  de  celui  de  Magellan. 
Des  deux  Terres,  qui  bordent  cette 
entrée,  ils  nommèrent  celle,  qui  étoit 
à  leur  gauche  ,  à  l’Eft-Sud-Eft ,  Terre 
des  Etats  ;  6c  celle  qu’ils  avoient  à  leur, 


Détroit 
de  Coc- 
kin. 


Ifle  d’Ef- 
peiance. 


Hurons, 


Nouvel¬ 
le  Belgi¬ 
que. 


Ifle  de 
l’Afcen- 
fion. 


Détroit 
dele 
Maire. 


1 


rfle 

,’Edger. 


Ifle  de 
riches. 


ources 

Nil. 


[ouvel- 

|Hol- 

de. 


F  A  S  T  E  S  CFîROEJOLOGTOTTpc 

*  aLV- u  II  °Ueft  '  Tem\  de  ™Mrke  res  de  Ianz  Ta^e“  >  de  Diamant  Tl 
deNaffau.  Ils  penetrerentlemêm<5  jour  Nouvelle  Zeknd-  /,  r  é.  - 

dans  le  Détroit.  Le  z9.  ils  découvri-  &  la  Nouvel  e  Gui^l  C"tentm* * 
rent  plulîeurs  petites  Mes,  qu’ils  ap-  Terre  de  la  Nn  II 
pellerent  IJles  de  Barneveld,  en  l’hon-  aubnaDDemir  fuvelle  ^°ilande  * 
neur  de  Jean  Van  Orden  Barneveld ,  Concordé  5  3ppe  ke  Te‘Te  de 
Conleiller  Penhonnaire  de  Hollande,  T  ^  n 

&  d  Ouelt-Friie.  Le  même  jour  ils  ap¬ 
pel  çiuenr  un  Cap  ,  que  Schouren  ap-  Jean  Munie  ,  Danois ,  ayant  entre- 
pelle  Cap  de  Horn ,  du  nom  de  fa  Pa-  Pns  de  c‘ierc^er  un  palTage  à  la  Chi- 
trie.  Le  il.  de  Février  ils  fe  trouve-  ne  auMelIiisdu  Canada  par  leNord- 
rent  hors  du  Detroit ,  qu’ils  appelle-  pae^  5  ^ut  la  route  de  Frobisher,  s’é- 
rent  Détroit  de  le  Maire  ,  pareeque  ieva  ju^lu  aux  64.  degrés  Nord  ,  où  il 
Ilaac  le  Maire  ,  pere  de  Jacob- ,  étoit  fut  ari'«é  pur  les  glaces.  Il  hyverna 
le  principal  interelîe  dans  l’arme  dans  une  anfe  ,  OU  fp  rlppl','orm=>  ~ 

mpnr  C „  _ _ _  1  _  .  . 


Nbi& 

veau. 

Danne- 

marefc,, 

Mer 

Chriftiai- 

ne. 


a  -  ««...J  j.  tri  r i r  1^- 

ment.  En  retournant  par  les  Molu- 
ques  en  Europe  ,  ils  découvrirent  plu- 
heurs  Mes,  la  plupart  habitées,  8c 
toute  la  Côte  Septentrionnale  de  la 
Nouvelle  Guinée.  A  leur  arrivée  en 
Hollande ,  après  avoir  fait  le  tour  du 
Monde ,  ils  trouvèrent  qu’ils  comp¬ 
ilent  un  jour  de  moins  qu’il  ne  fai- 
loit ,  car  félon  leur  compte  ils  fe 

cioyoientau  Lundy  ,  8c  ils  étoient  au 
Mardy. 

Cette  même  année  Thomas  Ed- 


|  ^  v  vu  m  .JL  A  L  X  J  \  ^  F  J.  I 

dans  une  anfe  ,  où  le  décharge  une 
Riviere,  à  laquelle  il  donna  fon  nom.. 
Il  appella  enfuite  cette  Mer ,  la  Mer 
Chrtftiane ,  &  tout  le  Pays,  qu’il  dé¬ 
couvrit  ,  le  Nouveau  Danemark - 
Terre  d’Edels ,  découverte  dans  la 
Nouvelle  Hollande  ,  elle  porte  appa¬ 
remment  le  nom  de  celui,  qui  la  dé¬ 
couvrit. 

1 Cio. 

Le  P.  Jerome  de  Angelis ,  Jefuite 
Sicilien  ,  entre  dans  le  Pays  d’r  jfc, 

que  ce  Pays  croit  un  Continent. 

Ann-p  ti7p  u  '  I7’  mi,  ,  fondation  de  parlesHoî- 

Autre  Me  decouverte  au  Nord  du  landois  dans  l’Me  de  Tivi  fi,r  ]L 

Groenland  par  un  Gentilhomme  An-  ru, nés  de  l'ancienne  VMe  de  iai 
glms,  nommé  Wiches,  qui  lui  donna  tra.  de  jaca- 

aulhlonnom.  a  1  •  ■  ,  ^ 

Des  Anglois  partis  du  Port  de  Pley- 

T  p  n  n-  il 61  b*  ..  mouth,  au  mois  de  Septembre  de  cer- 

Portons  Tant  J°“  te  mème  ann&  ’  fondent  le  Nou^u 

tu&ais ,  étant  a  le  au  Royaume  de  Pleymoutb  ,  qui  fut  la  première  Ville 

Gojam  a  la  fuite  de  l’Empereur  des  de  là  Nouvelle  AngleK 
Abyffins  ,  y  découvrit  les  fources  du  1  T 

Nil*  1 1  # 

On  Jar.  a  ,  Le  P.  de  Angelis  étant  retourné  à 

découverte6 de  f' aTT  1,1  MatfumV  ’  «>*  dans  «  fécond  vova- 

près  des  xLe/ 


Terre 

d’Edels. 


Yelfôa 

* 


Batavia* 


Non. 

veau- 

Pley- 

moutb» 


Yeiîo» 


xxx  ij 


Baye  de 
Baffiugs. 


Terre 
de  l.e- 
wins. 


Source 
du  Gan¬ 
ge.  Thi- 
bec. 


Caycn- 


üe. 


S.  Chri 
ftophe. 


Terre  de 
Nuits. 


Nouvel¬ 
les  dé- 
couver- 


FASTES  C  H  RO 

1622. 

Guillaume  Baffings ,  félon  la  plus 
commune  opinion  ,  ne  découvrit 
qu’en  cette  année  ,  de  non  pas  en 
1617,  comme  l’ont  crû  quelques- 
uns  ,  la  Baye  qui  porte  fon  nom  ,  de 
qui  eft  au  Nord  du  Détroit  de  Davids. 

Découverte  de  la  Terre  de  Lcrvins 
dans  la  Nouvelle  Hollande. 

162.4. 

Le  P.  Antoine  de  Andrada  ,  Jefui- 
te  Portugais ,  découvre  la  fource  du 
Gange  ,  &enfuite  leThibet.  MarcPol 
de  Venife  a  parlé  de  deux  Thibets , 
qui  fe  touchent ,  mais  on  ne  fçavoit 
pas  où  ils  étoient  fitués.  C’eft  le  grand 
Thibet,  que  le  P.  de  Andrada  décou¬ 
vrit. 

1625. 

Premier  établilfement  des  Fran¬ 
çois  dans  Hile  de  Cayenne .  Ils  en  ont 
été  plaideurs  fois  châties  par  les  Hol- 
landois ,  mais  depuis  l’an  1 677.  que 
le  Comte  d’Etrées  la  reprit ,  elle  leur 
eft  demeurée  ,  avec  tout  le  Continent 
de  la  Guyane  proprement  dite. 

Cette  même  année  des  François  de 
des  Anglois  abordèrent  à  l’Ifle  de  S, 
Chriftopbe ,  le  même  jour  en  differens 
quartiers ,  fans  avoir  connoitfance  les 
•uns  des  autres ,  de  s’y  établirent.  Ils  en 
furent  châtiés  peu  de  tems  après  par 
les  Efpagnols  j  mais  ils  y  retournè¬ 
rent  bientôt.  Les  François  commen¬ 
cèrent  aufli  alors  un  etabliflement  a 
l’Ifle  de  5.  Euftacbe  ,  de  peu  de  tems 
après  d’autres  dans  les  Ifles  voiflnes. 
\6z  7. 

Pierre  de  Nuits,  Hollandois ,  dé¬ 
couvre  entre  la  Nouvelle  Hollande 
&  la  Nouvelle  Guinée  une  Terre,  qui 
porte  fon  nom.  Tous  ces  Pays  font 
encore  très-peu  connus. 

16$  1. 

Le  Capitaine  James ,  Anglois ,  dé¬ 
couvre  plufieurs  Terres  au  Nprd  de 


NOLOGIQUES. 

la  Baye  d’Hudfon  .  Il  appella  tout  ce 
qui  eft  à  l’entrée  de  la  Baye  Ntw  canada. 
Souts  Wales.  Il  reconnut  enfuite  le 
Cap  Henriette  Ai  une ,  l’Ifle  de  Mi¬ 
lord  Wejlon ,  l’Ifle  du  Comte  de  Bnflol , 
l’Ifle  du  Chevalier  Thomas  Ro'é ,  l’Ifle  du 
Comte  de  Danbj  ,  l’Ifle  de  Charleton . 

Cette  dernier e  eft  à  la  hauteur  de  5  2. 


désrés  Nord. 

O 


1633, 


Cecile  Calvert ,  Anglois  Catholi- 
que,  Lord  Baltemore,  ayant  obtenu  du  an  ' 
Roy  de  la  Grande  Bretagne  ,  Charles 
I.  la  propriété  d’un  grand  Pays,  qui 
eft  auNord  de  la  Baye  de  ChefapeaK, 
entre  la  Virginie  de  la  Caroline  ,  y 
envoya  fon  Fils ,  qui  y  commença  en 
.cette  année  un  établilfement.  Ce  Pays 
fut  nommé  Mariland ,  en  l’honneur 
de  Marie  de  France ,  Reine  d’Angle¬ 
terre. 

1637.  38.  39. 

Deux  Freres  Francifquains  ,  nom-  Rivière 
niés  Dominique  de  Britto  de  André 
de  Tolede ,  étant  partis  de  Quito  ,  de 
s’étant  embarqués  fur  une  Riviere  , 
qui  en  eft  fort  proche,  felaiflerent  dé¬ 
river  au  gré  du  courant ,  de  entrèrent 
par-là  dans  le  Fleuve  des  Amazones , 
qu’ils  defeendirent  jufqu’à  la  Mer.  Sur 
leur  rapport,  qui  ne  donna  point  de 
grandes  lumières,  D.  Pedro  de  Te- 
xeyra  partit  de  Para,  Province  du 
Brefll ,  le  2  5 .  de  Décembre  de  la  mê¬ 
me  année ,  pour  remonter  ce  Fleuve , 
dont  il  prit  une  plus  grande  connoif- 
fance. 

Les  Efpagnols  voulant  encore  mieux 
connoître  le  cours  de  cette  grande 
Riviere,  le  Gouverneur  de  Quito  en¬ 
gagea  les  PP.  Chriftophe  d’Acuna, 
de  André  d’Artieda  ,  Jefuites  ,  à 
accompagner  D.  Pedro  Texeyra  a 
fon  retour  à  Para.  Ces  deux  Million¬ 
naires  ,  après  avoir  exactement  obfer- 
vé  tout  le  Pays,  qu’arrofent  le  Fleuve, 


de 


fastes  chron 

&  les  Rivières  ,  qui  s’y  déchargent, 
en  allèrent  rendre  compte  au  Roy  Ca¬ 
tholique.  Nous  avons  le  Journal  de  ce 
voyage  par  le  P.  d’Acuna ,  traduit  en 
François  par  M.  de  Gomberville  de 
l’Academie  Françoife.  J’ai  déjà  obfer- 
vé  que  le  P.  d’Acuna  s ’étoit  trompé  en 
marquant  dans  fa  Carte  une  Riviere , 
ou  plûtôt  un  bras ,  qui  fort  de  ce  Fleu¬ 
ve  tous  le  nom  de  Maragnon ,  8c  qui 
fe  décharge  dans  la  Baye  de  Mara- 
gnaon  au  Brefil. 

On  avoir  été  jufqu’ici  dans  une  er¬ 
reur  touchant  la  fource  de  ce  grand 
Fleuve ,  qu’on  croyoit  être  auprès  de 
Quito  ,  mais  on  avoir  pris  une  Rivie¬ 
re  ,  qui  s’y  décharge ,  pour  fa  fource. 
Le  P.  Samuel  Fritz,  Jeluite  Allemand, 
la  découvrit  en  1707.  au  Pérou  ,  dans 
un  Lac ,  appellé  Laurichoca ,  alfez 
près  de  la  Ville  de  Guanuco  ,  par  les 
onze  dégrés  de  latitude  Auftrale.  Sui¬ 
vant  ce  Millionnaire  ,  le  vrai  nom  de 
ce  Fleuve ,  dont  il  nous  a  donné  une 


O  L  O  G,r  Q  U  E  s,  xxxiij 

tems  iis  fe  brouillèrent,  mais  en  1 65  5 . 
Jean  Rihng,  qui  en  étoit  Gouver- 
neui  pour  les  Suédois ,  fit  à  Pierre 
Stuyveland  ,  Gouverneur  pour  les 
Provinces-Unies,  un  tranfportde  tous 
fes  droits. 


tres-belle  Carte  ,  qu’011  trouve  dans 
le  douzième  Recueil  des  Lettres  édi¬ 


fiantes  &  curieufes  ,  eft  Maragnon.  Au 
fortir  de  fa  fource  elle  coule  au  Nord 
environ  cent  lieues  ,  puis  tourne  à 
1  Hft  ,  8c  fe  décharge  dans  la  Mer  du 
Nord  par  84.  embouchures  ,  qui  font 
une  laigeur  de  84.  lieues.  Il  ajoute 
qu’il  conferve  fes  eaux  douces  plus  de 
trente  lieues  dans  la  Mer. 

Nouvel.  Fondation  de  la  Nouvelle  Suède  8c 
suf.ie.  Je  ja  Yine  de  Criftina ,  entre  la  Virgi¬ 
nie  &  la  Nouvelle  Yorit ,  alors  nom¬ 
mée  la  Nouvelle  Belgique  ,  8c  oc¬ 
cupée  par  les  Hollandois.  Ceux-ci 
avoient  même  des  établilTemens  dans 
la  Nouvelle  Suède  ,  lorfque  les  Sué¬ 
dois  y  arrivèrent ,  8c  ces  deux  Nations 
y  vécurent  d  abord  allez  tranquille¬ 
ment.  Les  Hollandois  sattachoientau 
Commerce  ,  8c  les  Suédois  à  la  cul¬ 
ture  des  terres.  Au  bout  de  quelque 


1641. 

Découverte  des  Terres  de  Die- 
meus  8c  de  Tazjnann  par  Abel  Taz- 
mann ,  Hollandois.  On  prétend  que 
la  Côte  Septentrionnale  de  la  pre¬ 
mière  avoit  déjà  été  découverte  par 
un  autre  Hollandois,  nommé  Ze- 
chaen. 

Cette  même  année  les  François  al¬ 
lèrent  a  1  Ifle  ACadagafcar  ,  8c  y  firent 
un  établilïèment.  Ils  donnèrent  à  cet¬ 
te  Me  le  nom  d’IJle  Dauphine ,  mais 
ils  l’ont  abandonnée  au  bout  de  quel¬ 
ques  années. 

1643. 

Palfage  de  Brouwer ,  à  PEU;  du  Dé¬ 
troit  de  le  Maire  ,  entre  la  Terre  des 
Etats ,  8c  une  autre  grande  Terre.  Ce 
palfage  porte  le  nom  de  celui ,  qui  l’a 
découvert.  On  l’appelle  fimplement 
Patfagc  i  parce  qu  on  ne  fçait  pas  en¬ 
core  bien ,  fi  c’eft:  un  nouveau  Dé¬ 
troit  ,  ou  s  il  ne  rentre  pas  dans  celui 
de  le  Maire. 

La  meme  an  11e e  Martin  Heritfzoon 
de  Uriez  Hollandois  ,  montant  le 
Caflricoom  ,  Vailfeau  de  la  Compa¬ 
gnie  Hollandoife  des  Indes,  entreprit 
de  reconnoitre  le  Pays  à'TeJfo.  S’étant 
eleve  au-delïus  du  Japon  julques  vers 
les  45 .  dégrés  de  latitude  Nord ,  il  dé¬ 
couvrit  deux  Terres  féparées  par  un 
Detroit  de  1 4.  lieues  de  large,  auquel 
il  donna  fon  nom,  8c  que  l’on  appelle 
encore  Détroit  d'Uriez.  Des  deux  Ter¬ 
res,  qui  le  bordent,  l’une  fut  nommée 
IJles  des  Etats ,  8c  l’autre  Terre  de  U 
Compagnie . 

1656, 

Le  fieur  Bourdon ,  Habitant  de  la 


Terre  de 
Diemcnr 
Sc  de 
Taz- 
mann. 


Mada» 

gafear. 


Paffage 
de  Brou¬ 
wer. 


Yefla , 
Ifles  des 
Etats  , 
Terre  de 
îa  Com¬ 


pagnie  , 

Détroit 

d’Uriez. 


Bap: 


d’Hud¬ 

fon. 


Caroli¬ 

ne, 


Baye 

d’Hud- 

foQ, 


Rîvrere 

Danoife.. 


Baye 

d’Hud- 

ion. 


xxxiv  FASTES  CHR 

Nouvelle  France,  envoyé  par  le  Gou¬ 
verneur  General  dans  le  Nord,  entra 
dans  la  Baye  d’Hudfon ,  où  perfonne, 
que  l’on  fçache  ,  n’avoit  encore  péné¬ 
tré  ,  Sc  en  prit  polTeflion  au  nom  du 
Roy  Très-Chrétien. 

1 660. 

Charles  IL  Roy  de  la  Grande  Bre¬ 
tagne,  concède  au  Duc  d’Albemarle, 
Georges  MoncK  Sc  à  cinq  autres  Sei¬ 
gneurs  Anglois  cette  partie  de  la  Flo¬ 
ride  ,  qui  s’étend  depuis  la  Virginie  , 
jufqu’à  ce  qu’on  appelle  aujourd’hui 
la  Nouvelle  Géorgie.  Ils  partagèrent 
entr’eux  tout  ce  Pays ,  Se.  lui  donnè¬ 
rent  le  nom.  de  Caroline . 

l66?- 

Zacharie  Ghillam  ,  Anglois ,  s’e- 
tant  élevé  dans  la  Baye  de  Baffings 
jufqu’à  la  hauteur  de  7  5 .  degrés,  del- 
cenditenfuite  jufques  dans  le  fond  de 
celle  d’Hudlon  ,  entra  dans  une  Ri¬ 
vière,  qui  s’y  décharge  venant  du  Ca¬ 
nada  ,  Sc  qu’il  nomma  Riviere  de  Ru¬ 
pert.  Peu  d’années  auparavant  quel¬ 
ques  Anglois  avoient  remonté  cette 
Riviere  jufqu’au  Lac  Nemifeau, 

1 66  8.. 

Deux  Navires  Danois  tentent  un 
établifTement  au  Nord  de  la  Baye 
d’Hudfon  ,  &  découvrent  une  Rivie¬ 
re  ,  qu’ils  nomment  Riviere  \Danoife* 
Son  embouchure  eft  par  les  59.  de¬ 
grés  Nord.  Ils  l’abandonnèrent  l’an¬ 
née  fuivante.. 

1671. 

Le  P.  Charles  Albanel  ,  Jefuite 
François  ,  Sc  le  Sieur  Denys  de  S.  Si¬ 
mon  ,  Gentilhomme  Canadien  ,  en¬ 
voyés  par  le  Gouverneur  Général  de 
la  Nouvelle  France  dans  le  Nord  du 
Canada  ,  pénétrent  dans  la  Baye 
d’Hudfon  par  un  chemin  ,  qui  n’avoit 
point  encore  été  pratiqué ,  Sc  en  pren¬ 
nent  pofTeffion  au  nom  du  Roy  Très- 
Chrétien, 


ONO  LOGIQUES, 

167^ 

Le  P.  Pierre  Marquette ,  Jefuite 
François ,  Sc  le  Sieur  Joliet ,  Habi¬ 
tant  de  la  Nouvelle  France  ,  décou¬ 
vrent  le  Mïcijfipi.  Ils  y  entrèrent  par 
la  Riviere  Ouifconfing ,  qui  s’y  déchar¬ 
ge  ,  venant  du  Canada ,  Sc  le  dépen¬ 
dirent  jufqu’aux  Akanfas. 

1674, 

Les  PP.  Griller  Sc  Bechamel ,  Je- 
fuites  François,  pénétrent  dans  l’in¬ 
térieur  de  la  Guyane ,  à  l’Oueft  de  1 Ifi 
le  Cayenne  ,  où  aucun  Européen  n’e- 
toit  encore  allé ,  Sc  y  font  pluEeurs 
découvertes. 

1 675-' 

Vers  ce  rems-là  le  P.  Cyprien  B  ara- 
ze  ,  Jeluite  Efpagnol ,  entra  dans  le 
Pays  des  Moxes ,  fitué  entre  les  dix  Sc 
quinze  dé  grés  de  latitude  Auftrale  , 
dans  l’intérieur  du  Pérou.  Un  Frere 
Jefuite  ,  nommé  del  Caftiilo ,  y  avoir 
fait  une  courfe  avant  ce  Millionnaire. 
On  alfura  au  P.  Baraze  ,  qu’à  l’Orient 
des  Afoxes  il  y  avoit  un  Pays  habite 
par  des  femmes  belliqueufes.  Il  entra 
enfuite  dans  le  Pays  des  Baures ,  qui 
confine  à  celui  des  Moxes  ,  Sc  il  y  fut 
martyrifé  en  1682.  après  avoir  établi 
un  très- grand  nombre  de  Millions 
dans  ces  vaftes  Provinces. 

i6j6. 

Les  Capitaines  Jean  Vood,  Sc  Guil¬ 
laume  Flawès  ,  Anglois  ,  voulant  Cui¬ 
vre  le  PalFage  indiqué  par  Barentsz  , 
pour  aller  à  la  Chine  par  le  Nord  ,  fu¬ 
rent  arrêtés  tout  court  par  les  glaces. 
Vood  prétend  dans  Ion  Journal  qu  il 
n’y  a  point  de  pafiage  entre  la  Nou¬ 
velle  Zemble  Sc  le  Groenland,  &  que 
ces  deux  Terres  ne  font  qu  un  meme 
Continent }  car ,  dit-il  ,s  il  y  avoit  un 
palfage ,  il  y  auroit  un  courant  réglé , 
Sc  il  n’y  trouva  qu’une  marée  ,  qui 
monte  environ  huit  pieds  ,  Sc  qui 
porte  à  l’Eft-Sud-Eft.. 


Micilîi- 

pi. 


Guyane, 


Moxes  j 
Baures. 


Nouvel¬ 
le  tenta¬ 


tive  poui 
aile  r  à  la 
Chine 
par  le  - 
Nord, 


FASTES  CHRONOLOGIQUES. 


1 68  o. 

Micifli-  Robert  Cavelier,  Sieur  de  la  Salle, 

?  l*  natif  de  Rouen ,  ayant  entrepris  de 
continuer  la  découverte  du  Aficijfipi, 
envoyé  un  Canadien  ,  nommé  Da- 
can ,  accompagné  du  P.  Louys  Hen- 
nepin.  Recollet  Flamand  ,  pour  re¬ 
monter  ce  Fleuve  ,  depuis  la  Riviere 
des  Illinois  jufqu’à  fa  fource.  Ces 
deux  voyageurs  allèrent  jufqu’au  46e. 
degré  Nord,  8c  fe  trouvèrent  arrêtés 
par  une  chute  d’eau  fort  haute ,  qui 
occupe  toute  la  largeur  du  Fleuve ,  8c 
qu’ils  nommèrent  le  Sault  de  S.  An¬ 
toine  de  P  adoue* 

t fies  Je  Cette  même  année  &  la  fuivante  le 

Capitaine  Sharp,  Hollandois ,  ayant 
inutilement  efiayé  de  palier  par  le 
Detroit  de  Magellan  ,  par  celui  de 
le  Maire ,  &  par  le  palïage  de  Brou- 
w er  dans  la  Mer  du  Sud ,  chercha  un 
chemin  plus  au  Sud ,  mais  il  y  trouva 
plulîeurs  Ides  couvertes  de  glaces, 
beaucoup  de  neiges  ,  &  quantité  de 
Baleines.  Après  s’être  arrêté  quelque 
tems  dans  une  Ille  ,  qu’il  nomma  ÏJle 
du  Duc  d’York^ ,  il  courut  plus  de  800. 
lieues  à  PEU ,  puis  autant  à  l’Oüeft , 
Sc  découvrit  une  Me,  à  laquelle  il 
donna  le  nom  de  Barbadoës. 

1681. 

Penfyi-  EtablilTement  de  la  Penfylvanie  , 
ïrauic.  dans  le  Pays ,  qui  avoit  porté  le  nom 
de  Nouvelle  Suède.  Cette  Colonie  a 
reçu  fon  nom  de  fon  Fondateur  ,  le 
Chevalier  Guillaume  Penn,  Anglois, 
a  qui  Charles  IL  Roy  de  la  Grande 
Bretagne ,  concéda  ce  Pays  en  1 680. 
8c  qui  cette  année  1681.  y  mena  les 
Quaxers  ,  ou  Trembleurs  d’Angle¬ 
terre  ,  dont  il  étoit  le  Chef.  Lorfqu’il 
y  arriva,  il  y  trouva  un  grand  nombre 
■de  Hollandois  8c  de  Suédois.  Les  pre¬ 
miers  pour  la  plupart  occupoient  les 


endroits  fitués  le  long  du  Golphe  ;  8c 
les  féconds ,  les  bords  de  la  Riviere 
de  Laware ,  ou  du  Midi.  Il  paroîtpar 
une  de  fes  lettres ,  qu’il  n’étoit  pas 
content  des  Hollandois  ;  mais  il  dit 
que  les  Suédois  étoient  une  Nation 
fimple,  fans  malice ,  induftrieufe,.ro- 
bufte ,  fe  fouciant  peu  de  l’abondan¬ 
ce  ,  8c  fe  contentant  du  nécelfaire. 

D.  Antoine  de  Saravia  premier 
Gouverneur  des  IJles  Mariannes ,  en 
prend  pofiefiion  au  nom  du  Roy  Ca¬ 
tholique  dans  l’Me  de  Guahan  qui  en 
eft  la  principale.  Magellan  avoit 
fait  la  première  découverte  de  ces  If- 
les  en  1 5  2 1 .  8c  les  avoit  nommées 
d’abord  /’ Archipel  de  S.  Lazare ,  puis 
les  IJles  des  Larrons  ,  parceque  quel¬ 
ques  Infulaires  ,  qui  n’a  voient  jamais 
vu  de  fer  ,  lui  volèrent  quelques  inf- 
trumens  de  ce  métal.  En  15  63.  l’A¬ 
miral  Dom  Miguel  Lopez  de  Lagaf- 
pé  en  prit  pofiefiion  au  nom  du  Roy 
d’Efpagne  ,  mais  il  n’y  fit  point  d 'éta¬ 
bli  fiement.  On  les  nommoit  alors 
las  de  las  Vêlas ,  parceque  toutes  les 
fois  que  les  Infulaires  apercevoient 
des  Navires  Efpagnols  ,  ils  alloient 
en  fort  grand  nombre  leur  porter  des 
rafraichilfemens  ,  8c  que  la  Mer  pa- 
roifioit  couverte  de  petits  Bâtimens  , 
qui  alloient  à  la  voile.  En  1668.  le 
P.  Diego  Louys  de  San  Vitorés,  Je- 
fuite  Elpagnol ,  accompagné  de  plu- 
fieurs  autres  Religieux  de  fa  Compa¬ 
gnie  ,  y  entra  &  y  fit  un  fi  grand  nom¬ 
bre  de  converfions,  que  dès  l’an  1 67 1 . 
les  principaux  Habitans  fe  mirent 
fous  la  protedion  du  Roy  Catholi¬ 
que.  Dès  l’entrée  du  P.  de  San  Vito¬ 
rés  ces  Mes  furent  nommées  IJles  Ma¬ 
riannes  ,  en  l’honneur  de  Marianne 
d’Autriche  Reine  d’Efpagne.  Enfin  le 
huitième  de  Septembre  1 6 8 1 .  D.  An¬ 
toine  de  Saravia  reçut  le  ferment  de 
fidélité  des  Gouverneurs  8c  des  prin  * 


Ifles 

Marian¬ 

nes. 


xxxvj  FASTES  CHRONOLOGIQUES. 

cipaux  Officiers  de  l’Ifle  de  Guahan ,  lui  qui  eft  à  l’Queft  d’Yeflb  ,  porte 
&  les  autres  fuivirent  peu  après  le  toujours  au  Sud ,  en  conclut  de  meme 
même  exemple.  Dès  l’année  1671.  que  ce  Millionnaire ,  que  cette  Mer 
le  P.  de  San  Vitorés  avoir  arrofé  l’Ifle  communique  avec  une  autre.  Depuis 
de  Guahan  de  Ton  fang  >  3c  couronna  ce  tems-la  ,  mais  on  ne  dit  pas  en 
•  ~  "  ‘  ~  *  un  glorieux  quelle  année,  un  autre  Navire  Jap^on- 

nois  fut  encore  envoyé  pour  le  même 


ainfl  fon  Apoftolat  par 
Martyre. 

1681. 


Louyfia.  Le  Sieur  de  la  Salle  defcend  le  Mï- 
ne*  cijfipi  jufqu’à  la  Mer  ,  3c  prend  poflef- 


deflein  ,  3c  celui ,  qui  le  montoit , 
ayant  apperçu  un  grand  Continent , 
il  s’en  approcha,  3c  paflal’hyver  dans 
un  Port ,  qu’il  y  trouva.  A  fon  retour 


‘'tZ/T"  >  *7  r  7  r  un  rort ,  qu  n  y  trouva,  n  tou  iuulu- 

lîon  au  nom  du  Roy  Trés-Chrétien  de  ^  rapp0rta  que  la  Terre  s  etendoit 
rnnc  Ipc  Tî-ivc  mip  rp  crranrl  Fleuve  i  _  _  \t _ 1  Eâ  Rr  io 


l'ort 
Nelfon , 
Fleuve 
Bour¬ 
bon,  Ri¬ 
vière  de 
Sainte 
Iherefe. 


* - **"■“•*■' —  *  — } -  11  rappuna  que  ta  j.  v-j.iv-  o  ui-uuuii. 

tous  les  Pays ,  que  ce  grand  Fleuve  beaucoup  au  Nord  -Eft  ,  3c  conje- 
arrofe  ,  aufquels  il  donna  le  nom  de  £ura  ^ue  c^to[z  [e  Continent  de,l’A- 
Louyfiane.  Cette  Province ,  qui  forme  meriqUe. 

aujourd’hui  un  Gouvernement  indé-  Depuis  les  dernieres  découvertes 
pendant  de  celui  de  la  Nouvelle  Fran-  des  Ruffiens,  on  croit  que  le  Pays 
ce,  eft  borné  au  Septentrion  par  l’em-  ^Teffio  eft  la  partie  Meridionnale  de 
bouchure  de  la  Riviere  des  Illinois ,  Kamtscbatka, qui  forme  un  même  Con- 
qni  fe  décharge  dans  le  Miciffipi.  tinent  avec  la  Sibérie.  Cependant 
Dans  la  même  année  deux  François  quelqlies_yns  placent  Kamtfchatica 
Habitans de laNouvelle France,  nom-  au  Nord-Eft  d’Yeflb  j  ce  qui  ne  paroît 
més  des  Grofelliers  3c  Radilfon ,  de-  ^as  s’accorcler  avec  ce  que  difent  les 
couvrirent  le  Fleuve  Bourbon  3c  la  Ri-  Rulpiens  s  que  la  partie  meridionnale 
viere  de  Sainte  Therefe  ,  qui  fe  dé*-  ^  ce  gran£j  pays  eft  habitée  par  les 
chargent  enfemble  dans  une  petite  Kurnsîjs }  originairement  Jàponnois. 
Baye  de  la  Côte  Occidentale  de  la  o_  i-v 

Baye  d’Hudfon,  par  les  5  6.  dégrésde 
latitude  Nord.  C’eft  ce  que  les  An- 
glois  appellent  Port  Nelfon ,  préten¬ 
dant' que  Nelfon  ,  Pilote  de  Henri 
Hudfon  ,  l’avoir  reconnu  en  1 6 1 1 . 3c 
en  avoit  pris  poflèflion  au  nom  de  la 
Couronne  d’Angleterre  j  ce  qui  n’a 
aucune  apparence. 


Yeflo 

Kamtf- 

•chatka. 


&  tributaires  de  l’Empereur  du  Ja- 

\ 

pon. 

Le  28.  de  Décembre  de  cette  an¬ 
née  ,  des  Sauvages  inconnus ,  arrivè¬ 
rent  à  l’Ifle  de  Samal ,  une  des  Ifies 
de  los  Pintados ,  dépendante  des  Phi¬ 
lippines.  Ils  y  avoient  été  jettés  par  un 
mauvais  tems  *,  ils  y  rencontrèrent 
deux  Femmes  de  leur  Nation ,  qu’un 
Un  Navire  Japonnois ,  envoyé  par  pareil  accident  y  avoit  dégradées 
l’Empereur  du  Japon  ,  pour  recon-  quelques  années  auparavant ,  3c  l’un 
noître  tout  le  Pays  d’Yeflb,  entre  d’eux  avoit  déjà  été  obligé  de  la  mê- 
dans  le  Canal ,  qu’on  croit  féparer  me  maniéré  de  prendre  terre  à  l’Ifle 
l’Ifle  de  Matmanska  ou  de  Matfumay ,  fle  Caragene ,  voiftne  de  Mindanao, 
d’avec  le  Continent  d  Yeflo.  Ce  Ca-  On  fçut  d’eux  que  leurs  Ifles  fe  nom- 
pitaine  ayant  obfervé  que  le  courant  moient  Palaos  qu’elles  étoient  au 
y  portoit  toujours  au  Nord  ,  au  lieu  nombre  de  3  2.  &  ils  marquèrent  leurs 
qu’au  rapport  du  P.  de  Angelis,  ce-  noms  ?  leur  grandeur  ,  3c  la  diftance> 


1 6  84* 


Ifles  VU 
laos. 


FASTES  CHRONOLOGIQUES.  xxxvij 

où  elles  font  les  unes  des  autres.  Elles  ne  cependant  pour  la  Mer.  En  1 7 1 1 . 
font  fîtuées  à  l’Eft  des  Philippines ,  tk  le  Vaiftèau  le  S.  Jean-Baptifte ,  com- 
au  Nord-Eft  des  Moluques.  On  crut  mandé  par  le  Capitaine  Doublet ,  du 
d’abord  que  c’étoit  une  de  ces  Mes  ,  Havre  de-  Grâce  ,  les  côtoya  de  plus 
qu’un  Navire  Efpagnol  avoir  apperçue  près,  qu’on  n’avoit  encore  fait,  8c 
en  16S6,  8c  que  le  Capitaine  avoit  cherchant  à  palier  dans  un  allez  °rand 
nommé  Caroline  ,  en  l’honneur  de  enfoncement,  qu’il  appercevoit  au 
Charles  IL  Roy  d’Efpagne,  8c  que  milieu  ,  il  trouva  plufieurs  petites  If- 
d’autres  avoient  appellé  l’Me  de  S.  les  cachées  prefque  à  fleur  d’eau  ,  qui 
Barnabe ,  parce  quelle  avoit  été  dé-  l’obligerent à  revirer  de  bord.  Cette 
couverte  le  jour  ,  qu’on  célébré  la  Fê-  fuite  d’Ifles  font  les  mêmes ,  que  M. 
te  de  cet  Apôtre  ;  mais  la  fuite  a  mon-  Fouquet  de  S.  Malo  découvrit ,  8c 
tré,  qu’on-  fe  trompoit.  La  langue  qu’il  appella  les  IJles  d’Anican ,  du 
des  Infulaires ,  dont  il  eft  queltion ,  nom  de  fon  Armateur, 
eft  très-differente  de  celle  des  anciens  La  partie  Septentrionnale  de  ces 
Habitans  des  Philippines ,  8c  même  Terres  fut  découverte  le  16.  Juillet 
de  celle  des  Mes  Mariâmes,  qui  en  1708.  par  le  Capitaine  Peré,de  S. 
font  plus  près  ,  8c  qui  font  les  Mes  Malo ,  commandant  le  Vaiffeau  L'.Af 
des  Larrons ,  ou  /’  Archipel  de  S.  Laça-  fomption  ,  dont  il  donna  le  nom  à  cet- 
re.  Leur  prononciation  approche  de  te  Côte.  Il  la  parcourut  deux  fois  pour 
celle  des  Arabes.  On  les  a  nommées  la  mieux  reconnoître  ,  8c  jugea  qu’el- 
Nouvelles  Philippines  3  mais  les  ten-  le  pouvoir  avoir  50.  lieuës°Eft-Sud- 
tatives  qu’on  a  faites  en  1 7 1  o.  8c  en  Eft ,  8c  Oueft  Nord-Oueft.  Il  y  a  lieu 
1 7 1 1 .  pour  les  reconnoître  ,  ont  été  de  croire  que  ces  Mes  font  les  mê- 
inutiles ,  8c  ont  coûté  la  vie  à  plu-  mes ,  que  le  Chevalier  Richard  Haw- 
fieurs  Jefuites ,  qui  ont  péri ,  les  uns  xins  découvrit  en  15 93.  Ce  Che- 
fur  Mer  ,  8c  les  autres  en  abordantà  valier  étant  à  l’Eft  de  la  Côte  deferte  , 
quelques-unes  de  ces  Mes.  ou  des  Patagons  ,  par  les  50.  dégrés  de 

ï  700.  latitude  Auftrale  ,  fut  jetté  par  une 

tempête  fur  une  Terre  inconnue,  8c 
nies  On  a  donné  le  nom  dVJlcs  Nouvel -  courut  le  long  des  Côtes  environ  60, 

ks^'ou"  /«à plufieurs  Terres,  dont  on  a  eu  lieues. 

d’Ani-  les  premières  connoiffances  en  cette  Quelques-uns  ont  cru  que  ces  Ter-  seblid^ 
année ,  &  qui  font  fituées  parles  51.  res&  les  Mes  de  Sebald  étoient  la 
à  52.  dégrés  de  latitude  Meridion-  même  chofe ,  8c  que  les  trois,  oui 
nale  3  environ  à  50.  ou  55.  lieues  au  portent  ce  nom ,  étoient  ainfî  mar- 
Nord  Nord  -  Eft  du  Détroit  de  le  quées  à  volonté,  faute  d’une  connoif- 
Maire.  Les  Vaiffeaux  de  la  Compa-  lance  plus  parfaite  :  mais  le  Vaiffeau 
gnie  des  Indes  le  Maurepas  8c  le  S.  1  Incarnation,  de  S.  Malo,  a  reconnues 
Loups  en  1707.  8c  1708.  partant  de  celles-ci  en  1 7 1 1 .  par  un  très-beau  tems, 
l’Me  des  Etats,  rangèrent  la  partie  Ce  font  effectivement  trois  petites 
Meridionnale  de  ces  Terres  3  le  S.  Mes  ,  d’environ  une  demie-lieue  de 
Louys  y  mouilla  même  du  côté  de  long  ,  rangées  en  triangle.  Ce  Vail- 
1  bfl  s  8c  fit  de  l’eau  à  un  petit  Etang  feau  n’en  paflà  qu’à  trois  lieues  ,  & 
peu  éloigné  du  bord  de  la  Mer.  Cette  n’eut  aucune  connoifîance  d’autres 
eau  etoit  un  peu  rouffe  8c  fade  >  bon-  Terres ,  quoique  le  Ciel  fût  très-fe- 


—  ~ 


xxxiij  FASTES  CHRONOLOGIQUES. 

rein.  Ce  qui  prouve  quelles  font  fé-  de  Mars  171 6.  Dans  le  vrai  il  n’y  a 
parées  des  Ifies  Nouvelles ,  au  moins  qu’un  Thibet,  qu’on  appelle  auffi  Tou- 
defeptà  huit  lieues.  M.  de  Beauchê-  bet ,  Tangout ,  Barantola  ,  Boutan. 
ne  relâcha  en  1701 .  aux  Ifles  de  Se-  Lorfque  le  P.  de  Andrada  y  entra  en 
bald,  fans  avoir  connoiffiance  des  If-  162.4»  ce  Pays  obeilïoit  a  un  Roy  fort 
les  Nouvelles  ,  dont  la  partie  Occi-  puiffant,  &  qu  on  croit  etre  de  la  race 
dentale  eh  encore  inconnue.  du  fameux  Prete-Jan  ,  ou  du  moins 

fon  fucceiTeur.  Depuis  ,  le  Grand  La- 
I701,  ma  devint  comme  le  Souverain  du 

Califor-  Le  P.  Eufebe  François  Kino  ,  Je-  Thibet ,  & :  faifoit  fa  refidence  à  Laf- 
Hie-  fuite  Allemand ,  étant  parti  en  1 69  8 .  la  ,  ou  Lafa  ,  le  lieu  le  plus  facie  du 
des  Millions  de  Cinaloa  &c  de  Sonar* ,  Pays ,  a  caufe  de  la  grande  Pagode  , 
au  Nouveau  Mexique  ,  s’avança  au  qu’on  y  vient  vifiter  de  toutes  parts. 
Nord  le-lons  de  la  Mer ,  jufqu’à  la  Prefentement  le  Thibet  releye  de  la 
Montagne  de  Sainte  Claire ,  &  voyant  Chine.  Il  eh  auffi  quelquefois  nom- 
que  la  Côte  tournoit  de  l’Eft  à  l’Oueft,  mé  le  Royaume  des  Eluths . 
au  lieu  de  la  fuivre  ,  comme  il  avoit  IyI8. 

fait  jufques-là  ,  il  avança  dans  les  .  .  . 

Terres  ,  marchant  du  Sud-Eft  au  Voici  une  decouverte  ,  qui  a  bien 
Nord-Oueft.  En  1699.  il  découvrit  l’air  d  etre  imaginaire.  Un  Vailleau 
la  Riviere  bleue ,  ou  Rio  a^ul ,  qui,  Marchand  ,  dit-on  ,  commande  par 
après  avoir  reçu  les  eaux  de  la  Hila  ,  le  Sieur  Perrin  ,  étant  parti  cette 
va  porter  les  Rennes  de  l’Eft  à  l’Oueft  année  de  la  Rochelle  pour  aller  a 
dans  le  grand  Fleuve  du  Nord  ,  ou  Quebec  ,  fit  naufrage  *,  un  nomme 
Rio  Colorado.  Il  paffia  enfuite  ce  Fieu-  Jean  -  Baptifte  Loyfel  ,  de  Rennes 
ve  ,  &  en  1701.  il  fe  trouva  dans  la  en  Bretagne  ,  fe  fauva  dans  une  Ille 
Californie.  Il  y  apprit  qu’à  30,  lieues  inconnue,  ou  il  fut  bien  reçu  & 
de  l’endroit ,  où  il  étoit ,  Rio  colora-  bien  traité  des  Habitans  ,  &  y  mou- 
do  fe  décharge  dans  une  large  Baye  à  rut  vers  l’an  17  3 1.  IJn  Navire  An- 
la  Côte  Occidentale  de  la  Californie,  glois ,  ajoûte-t-on  ,  étant  parti  d  An- 
laquelle  n’eft  ainfi  féparée  du  Nou-  gleterre  au  mois  T  Août  173  3.  pour 
veau  Mexique,  que  par  ce  Fleuve.  la  Nouvelle  Géorgie ,  fut  auffi  jette 
La  même  année  le  Sieur  le  Moine  par  la  tempête  fur  la  même  Me.  Le 
Micifli-  Alberville,  Gentilhomme  Canadien,  Capitaine,  qui  fe  nommoit  Lew*  s 
PU  Capitaine  de  Vaiffieau, découvrit  l’em-  fut  conduit  dans  une  Cabane ,  où  une 
bouchure  du  Mtcijfipi  ,  que  le  Sieur  infeription  tracée  avec  un  couteau  , 
de  la  Salle  avoit  manquée  en  1684.  l’inftruifit  de  1  aventure  de  Loylel  , 

dont  on  lui  montra  les  habits  &  la  fe- 
1 7 1 pulture.  On  11e  nous  dit  rien  de  la  fi- 
Thibet.  Le  P.  Hippolyte  Defideri ,  Jefuite  tuation  de  cette  Me ,  à  laquelle  le  Ca- 
Florentin  ,  entre  dans  le  fécond  Thi-  pitaine  Lewis  donna  fon  nom  ,  apres 
bet.  Ce  Millionnaire  étoit  parti  le  1 7.  en  avoir  pris  pofleffion.  Loylel,  dans 
d’Août  1 7 1  s .  de  Ladak ,  où  refide  le  l’infcnption  ,  dont  ;  ai  parle  ,  dit 
Roy  du  Grand  Thibet ,  découvert  en  quelle  lui  paroit  avoir  10.  lieues  d  e- 
itf  14.  par  le  P.  de  Andrada  ,  &  arri-  tendue  ;  qu'il  croit  qu’on  y  trouvera 
va  à  Lafi,  Capitale  de  celui-ci,  le  18.  des  mines ,  quelle  produit  plulieurs 


Ifle  de 

Lewis. 


Ifîes  Ca¬ 
rdin  es. 


Nouvel¬ 
le  Geor- 


FASTES  CHRONOLOGIQUES.  xxxix 

plantes  précieufes ;  8c  que  le  terrein 
en  eft  fort  bon.  *73 2* 

i71Q,  Etabliffèment  de  la  Nouvelle  Geor- 

A  .  Sie  par  M.  O.glethorpe  ,  au  nom  du 

Deux  Batimens  remplis  de  Sauva-  Roy  d’Angleterre  ,  entre  la  Caroline  gie- 
ges  inconnus  ,  abordent  à  Fille  de  ôc  la  Floride  Efpagnole.  Tout  ce  Pays 
Guahan  la  plus  grande  des  Ides  Ma-  étoit  de  la  Floride  Françoife  ,  qui  s’é- 
nannes ,  en  deux  endroits  difFerens  ,  tendoit  vers  le  Nord  jufqu  a  Cbarles- 
lun  le  dix-neuf ,  &  l’autre  le  vingt-  ToWn  dans  la  Caroline.  Cette  Nou- 
unième  de  Juin.  Ils  étoient  partis  en-  velle  Colonie  eft  bornée  au  Septc'n- 
femble  d  une  Ifte ,  qu’ils  nommoient  trion  par  la  Riviere  de  Savanah ,  &  au 
sarrejlop  ,  pour  aller  à  une  autre.  Midi  par  celle  d ’Alatamaha,  &  n’a 
quils  appelloient  Vlee.  Après  qu’on  que  60.  a  70.  milles  d’Angleterre  de 
les  eut  interrogés  a  loifir,  on  reconnut  Longueur  fur  la  Côte  entre  les  3 1 .  dé- 
que  leur  Pays  étoit  un  alTez  grand  Ar-  grés  &  demi 3  &  les  3  2 .  4  5 .  minutes 
chipel ,  ou  etoit  compnfe  PMe  ,  qui  d’élévation  du  Pôle  :  mais  elle  s’élar- 
enM8  6.  avoit  été  nommée  l’Me  Ca-  git  à  mefure  qu’on  remonte  dans  les> 
rohne ,  &  l’Ifle  de  S.  Barnabe  3  &  que  Terres, 
cet  Archipel  eft  divifé  en  cinq  Pro¬ 
vinces.  Le  P.  de  Cantova,  Jefuite  Ef-  1 7 38.39. 

pagnol ,  en  a  dreffe  une  Carte ,  qui  fe  Au  mois  de  Juillet  de  l’année  1738  Terre* 
trouve  dans  le  xvme.  Recueil  des  deux  Vaifteaux  François  de  la  Corn-  Auftra- 
Lettres  édifiantes  &  curieufes  des  pagnie  des  Indes ,  commandés  par  le  ks* 
Millions  de  la  Compagnie  de  Jefus.  Sieur  Bouvet ,  partirent  du  Port  de 
Il  place  toutes  ces  Mes  entre  le  fixié-  l’Orient  pour  découvrir  les  Terres 
me ,  8c  Ponzieme  dégrés  de  latitude  Auftrales  ,  &  le  premier  de  Janvier 
Septentrionnale,  de  maniéré  quelles  1 7  3  9 .  ce  Capitaine  apperçut  par  les. 
courent  par  les  3  o.  dégrés  de  longitu-  5  4.  dégrés  de  latitude  Meridionnale* 
de  a  1  Eft  du  Cap  du  S.  Efpnt.  Il  y  a  &  les  a 7.  à  2  8.  dégrés  de  longitude , 
parmi  ces’  Infulaires  beaucoup  de  une  Terre  fort  haute  ,  couverte  de 
Noirs  ,  que  l’on  conjecture  y  être  ve-  neiges,  &  fort  embrumée,  qu’il  nom- 
nus  de  la  Nouvelle  Guinée  3  des  Me-  ma  le  Cap  de  Cotisation .  Les  brumes- 
Itices  ,  &  des  Blancs.  On  juge  que  &  les  glaces  Pempêcherent  d’y  abor- 
ceux-ci  font  defcendus  de  certains  Ef-  der,  &  de  la  ranger  même  alfez  près 
pagnols  ,  qui  allant  de  la  Nouvelle  pour  fçavoir  fi  c’étoit  une  Me ,  ou  un 
Efpagne  aux  Philippines  en  15  6 6  An-  Continent.  Il  remarqua  feulement 
rent  dégradés  dans  une  de  ces  Mes ,  quelle  s'étendait  huit  à  dix  lieues. 


pour  avoir  confpiré  contre  leur  Com 
mandant.  On  le  préparait  en  1722. 
aux  Mariannes  à  reconnaître  plus 
particulièrement  ces  Mes ,  aufquelles 
on  a  donné  le  nom  dTjles  Carolines  : 
mais  on  n’a  eu  aucune  nouvelle  du 


dans  l’Eft-Nord-Eft. 

J7  39* 

Au  commencement  de  l’année  1740. 
on  eut  avis  à  Petersbourg  que  le  Ca¬ 
pitaine  Spanberg  naviguant  au  Nord 


r  \  1  opaiiucrg  naviguant  au  iNorc! 

UCCjCS  A  cecjce  entreprife.  On  pré-  du  Japon  avoit  découvert  3  5 .  Mes,  de 

tend  qu  il  y  a  des  mines  d’argent  dans  differentes  grandeurs ,  dont  les  Ha- 

une  de  ces  Mes.  hirmc  i>«  -  «» 

Ditans,  des  quils  1  apperçurent,  ien- 


\ 


xi  FASTES  CHRONOLOGIQUES. 

voyerent  reconnoître  par  fix  Chalou-  montré  une  grande  quantité  d  or  &C 
pes.  Il  alla  lui-même  prendre  terre  à  de  cuivre.  Il  envoya  en  même  tems  a 
une  de  ces  Ifles ,  &  fut  reçu  des  Infu-  la  Czarine  quelques-unes  de  leurs 
laires  avec  de  grandes  demonftra-  monnoyes.  On  n’a  point  encore  mar¬ 
rions  de  joye.  Il  marque  dans  Tare-  qué  précifement  la  fituation  de  ces 
lation  que  ces  Peuples  relfemblent  Ifles. 
fort  aux  Japonnois ,  &c  qu’ils  lui  ont 


LISTE 


Le  grand 
Atlas  de 
Blaeu. 


LISTE  ET  EXAMEN 

DES  AUTEURS 

QUE  J’AI  CONSULTES  POUR  COMPOSER 
CET  OUVRAGE. 


Omme  nous  n’avons  point 
encore  d’Hiftoire  fuivie  8c 
complette  de  la  Nouvelle 
France ,  &  que  les  rela¬ 
tions  de  ce  grand  Pays ,  qui  ont  eu  le 
plus  de  cours  ,  ne  font  pas  les  plus 
exactes,  ni  les  plus  fidèles ,  il  n’eft  pas 
furprenant  que  les  Cofinographes  , 
les  Géographes,  8c  les  Dictionnaires 
Géographiques  8c  Hiftoriques  en 
ayent  parlé  peu  correctement.  Ce 
qu’il  y  a  de  fingulier  ,  c’eft  que  les 
plus  anciens  font  pour  l’ordinaire 
moins  remplis  de  fautes  ,  que  les  mo¬ 
dernes.  Il  eft  vrai  que  lorlqu’ils  ont 
paru,  les  Colonies  Françoifes  de  l’A¬ 
mérique  Septentrionnale  étoient  très- 
peu  de  chofe  ;  mais ,  toutes  propor¬ 
tions  gardées ,  ils  en  ont  plus  exacte¬ 
ment  parlé  que  ceux ,  qui  les  ont  fui- 
vis ,  &  qui  ont  voulu  les  corriger. 
C’eft  qu’ils  n’avoient  devant  les  yeux 
que  peu  de  Mémoires ,  dont  les  Au¬ 
teurs  fe  bornoient  prefque  à  rappor¬ 
ter  ce  qu’ils  avoient  vu ,  ou  appris  de 
témoins  oculaires ,  8c  ne  pouvoient 
guère  être  taxés  que  de  quelque  exag- 
geration. 

Ainfi  le  grand  Atlas  imprimé  à  Amf- 
terdam  chez  Jean  Blaeu  en  1(377. 
ayant  été  compofé  particulièrement 
fur  ï India  Occidentalis  de  Jean  de 
Laet ,  qui  n’avoit  guère  travaillé  lui- 
même  que  d’après  Jean  Verazani , 
Jacques  Carthier ,  Samuel  de  Cham- 


plain,  René  de  Laudonniere,  8c  Marc 
Lefcarbot ,  tous  Auteurs  ,  communé¬ 
ment  parlant ,  alfez  véridiques  ,  étoit 
pour  le  tems  ce  qu’on  pouvoir  avoir 
de  meilleur  en  ce  genre.  Il  eft  vrai 
que  ceux,  qui  l’avoient  précédé,  com¬ 
me  le  Theatre  du  Monde  de  Jean  8c 
Guillaume  Blaeu  ,  l'Arcano  del  Ma¬ 
re  de  Robert  Dudley  Duc  de  Nor- 
thumberland  8c  Comte  de  WarwicK, 
l'Atlas  de  Gérard  Mercator  \  le  Mon¬ 
de  de  Davity  8c  la  Géographie  de  The- 
vet ,  «Sec.  loit  que  ces  Auteurs  ayent 
voulu  trop  abréger,  foit  qu’ils  n’ayent 
pas  étudié  à  ce  fujet  toutes  les  fources, 
où  ilspou  voient  puifer,  font  beaucoup 
plus  imparfaits ,  tant  dans  les  Cartel, 
que  dans  les  difeours  j  mais  par  cela 
meme  quils  nous  apprenoient  très- 
peu  de  chofes ,  ils  ne  pouvoient  pas 
nous  jetter  dans  de  grandes  erreurs. 
M.  Corneille  dans  fon  Dictionnaire 
Géographique  ayant  voulu  ajouter  à 
ce  que  M.  l’Abbé  Baudrand  8c  Maty 
avoient  dit  de  l’Amérique  Françoife, 
s  eft  principalement  attaché  aux  Voya¬ 
ges  du  Baron  de  la  Hontan ,  mauvais 
guide  ,  comme  nous  le  verrons  bien¬ 
tôt  :  cependant  comme  il  s’eft  fur- 
tout  appliqué  à  faire  connoître  les 
differens  Peuples ,  qui  habitent  ce 
grand  Continent ,  8c  qu’il  a  beau¬ 
coup  abrégé  ce  qu’en  a  dit  la  Hon¬ 
tan,  il  eft  arrivé ,  par  une  efpéce  de 
hazard,  qu  il  11  en  a  tire  que  ce  que  ce 

£ 


Legrand 
Théâtre 
du  Mon¬ 
de.  Ar- 
cano  del 
Mare. 
Merca¬ 
tor.  The- 
vet.  Da- 
vity. 


Thomas 

Corneil¬ 

le. 


xlij  LISTE  DES 

Voyageur  a  écrit  de  plus  p affable  ,  8c 
fon  article  du  Canada  n’eft  pas  le  plus 
défe&ueux  de  fon  Didionnaire.  Il 
n’en  eft  pas  de  même  de  plufieurs  au¬ 
tres  articles  particuliers ,  où  il  n’a  pas 
bien  choifi  fes  garants.  On  ne  com¬ 
prend  pas  même  comment  il  a  pu  fe 
faire  que  le  Micifïipi  étant  à  la  Louy- 
fiane ,  ce  que  le  Nil  eft  à  l’Egypte , 
l’Auteur  en  parlant  de  la  Louyfiane , 
ne  fait  nulle  mention  du  Micilîipi ,  8c 
dans  l’article  de  ce  Fleuve  ne  nomme 
pas  même  la  Louyfiane. 

Dans  le  fixiéme  Tome  de  ï Atlas 
de  Geudreville ,  imprimé  en  1719.  a 
Amfterdam  chezl’Honnore  8c  Châte¬ 
lain  ,  on  trouve  d’abord  une  Difier- 
tation  générale  fur  V Amérique  ,  ou  il  y 
a  des  fautes  d’Hiftoire  8c  de  Géogra¬ 
phie  ,  qu’on  ne  pardonneroit  pas  a 
un  Ecolier.  Eft-il  permis ,  par  exem¬ 
ple  ,  a  un  homme  ,  qui  fait  imprimer 
a  ft  grands  frais  un  cours  entier  de 
Géographie ,  de  dire  que  la  Guade¬ 
loupe  ,  qu’il  appelle  Gardeloupe ,  eft 
environ  à  dix  lieues  des  Mes  Lu- 
cayes  ?  La  differtation,  qui  fuit  fur  le 
Canada  »  n’eft  pas  plus  exade  ;  ce 
n’eft  qu’un  abrégé  mal  digéré  des 
Mémoires  de  la  Hontan  ,  8c  on  y  re- 
conpoît  fans  peine  le  ftyle  informe , 
fouvent  barbare  ,  8c  les  termes  indé¬ 
cens  de  ce  Voyageur.  Auffi  palïe-t-il 
pour  confiant  que  c’eft  Geudreville 
lui-même ,  qui  a  retouché  la  dernier e 
Edition  de  fes  Voyages.  Enfin  une 
troifiéme  Differtation  ,  qui  traite  de 
la  Louyfiane  ,  eft  fi  fuperficielle ,  8c 
l’Auteur  y  confond  tellement  le  vrai 
&  le  faux ,  qu’il  n’y  a  que  ceux ,  qui 
connoiffent  bien  le  Pays ,  qui  puiffent 
entendre  ce  qu’il  veut  dire.  Les  noms 
propres  y  font  furtout  entièrement 
défigurés. 

;»  M.  Robbe  8r.  M.  la  Martiniere 
partagent  la  Nouvelle  France  en  deux 


AUTEURS. 

Provinces,  qui  font  le  Canada  parti¬ 
culier  ,  8c  la  Province  du  Saguenay. 
Ce  partage  eft  imaginaire  ,  8c  d’ail¬ 
leurs  fort  mal  imaginé.  i°.  En  ce  que 
la  Ville  de  Quebec  >  Capitale  du  Ca¬ 
nada  François  ,  y  eft  placée  dans  la 
Province  du  Saguenay.  20.  En  ce  que 
cette  prétendue  Province  de  Sague¬ 
nay  fe  trouve  enclavée  d<ms  celle  du 
Canada  particulier  ,  que  M.  Robbe 
étend  au-deffous  de  la  Riviere  de  Sa¬ 
guenay  ,  jufques  dans  le  Golphe  de  S. 
Laurent ,  8c  au-deffus  de  Quebec  juf¬ 
ques  par-delà  les  Lacs. 

M.  la  Martiniere  s  eft  beaucoup 
plus  étendu  que  M.  Corneille  dans 
tous  les  articles,  qui  ont  rapport  a  mon 
Hiftoire  ,  8c  cite  prefque  toujours  fes 
Auteurs ,  mais  pour  l’ordinaire  iln  eft 
pas  heureux  dans  le  choix,  M.  l’Abbe 
Lenglet  du  Frefnoy  l’a  jette  dans  1  er¬ 
reur  par  la  diviûon  du  Canada  en 
partie  Orientale  &  Occidentale  y  ou. 
Louyfiane .  Cette  divifion  fuppofe  que 
cette  derniere  Province  eft  à  l’Occi¬ 
dent  du  Canada ,  ce  qui  eft  faux  > 
puifqu’elle  eft  terminée  au  Nord  par¬ 
la  Riviere  des  Illinois  ,  qui  fe  jette 
dans  le  Micilîipi  vers  les  39.  degres 
de  latitude  Septentrionnale  ,  8c  que 
ce  qui  eft  au-delà  vers  le  Nord  eft  de 
la  Nouvelle  France  y  d’où  il  s’enfuit 
que  la  Louyfiane  eft  au  Sud  8c  au  Sud- 
Oueft  du  Canada.  Je  ne  fçai  pas  non 
plus  fur  quel  fondement  le  Géogra¬ 
phe  du  Roy  d’Efpagne  compte  parmi 
les  Provinces ,  qui  appartiennent  aux 
Anglois  dans  ce  Continent ,  les  No- 
rimbegue  :  ce  qu’on  nommoit  ainfi  au¬ 
trefois  eft  entre  l’Acadie  8c  la  Nou¬ 
velle  Angleterre  y  or  ce  grand  Pays 
n’a  point  été  cédé  à  la  Grande  Breta¬ 
gne,  comme  il  le  fuppofe,  par  le  T  rai- 
té  d’Utrecht. 

Il  nous  donne  enfuite  une  Table  des. 
Nations  Sauvages  de  la  partie  Orien- 


liste  des 

taie  du  Canada  ,  c’eft-à-dire  ,  de  rou¬ 
tes  celles  ,  que  nous  connoiftons  en 
deçà  du  Micilîîpi.  Cette  Table  eft 
copiée  des  Voyages  de  la  Hontan ,  8c 
auroit  befoin  d’un  bon  Errata ,  aullî- 
bien  que  ce  que  l’Auteur  a  tiré  de  la 
même  fource  par  rapport  à  l’Hiftoire 
naturelle  du  Pays  ,  aux  mœurs  8c  au 
caraétere  des  Peuples,  qui  l’habitent, 
a  l’Etat  de  la  Colonie  Françoife ,  aux 
revenus  8c  au  pouvoir  du  Gouver¬ 
neur  général  8c  de  l’Intendant.  Dans 
1  article  du  Cap  Breton  M.  la  Marti- 
niere  reprend  fort  bien  M.  l’Abbé 
Baudrand ,  qui  a  voit  avancé  que  Gaf 
pe  eft  le  véritable  nom  de  cette  Ifle. 
Mais  en  1 7 5  o.  qu’il  imprimoit  le  Vo¬ 
lume  de  fon  Dictionnaire ,  où  cet  ar¬ 
ticle  eft  contenu ,  il  devoit  Içavoir 
quelle  a  changé  fon  ancien  nom  en 
celui  d’IJle  Royale . 

M.  l’Abbé  Lengl  et  du  Frenoy , 
dans  la  première  édition  de  fa  Mé¬ 
thode  pour  etudier  la  Géographie ,  avoit 
dit  que  la  Caroline  doit  fon  nom  à 
Charles  II.  Roy  de  la  Grande  Breta¬ 
gne  ,  fous  le  régné  8c  avec  le  confen- 
tement  duquel  cette  Colonie  a  été 
fondée  par  quelques  Seigneurs  An- 
glois.  M.  la  Martiniere  lui  a  repro¬ 
che,  de  s  erre  trompé  ,  &  il  a  été  allez 
docile  pour  corriger  cette  prétendue 
faute,  en  marquant  dans  une  fécondé 
édition  que  c  etoit  en  l’honneur  de 
Charles  IX.  Roy  de  France ,  qu’on 
1  avoir  ainfi  nommée  :  mais  il  peut  en 
toute  fureterevenir  à  Ion  premier  fen- 
timent.  Excepté  la  partie  Meridion- 
nale  de  la  Caroline  ,  ce  Pays  n’a  ja¬ 
mais  appartenu  à  la  France.  L  équivo¬ 
que  vient  d’une  Fortereiïe  bâtie  dans 
la  Riviere  de  May  par  M.  de  Laudon- 
mere ,  &  qui  porte  aujourd’hui  le 
nom  de^  San  Mattheo.  La  Colonie 
Françoife  établie  fous  Charles  IX.  8c 
qui  comprenoit  la  partie  Meridion- 


AUTEURS.  xliii 

nale  de  la  Caroline  Angloife  ,  la 
Nouvelle  Géorgie  d’aujourd’hui  ;  San 
Mattheo  ,  S.  Auguftin  ,  8c  tout  ce  que 
les  Elpagnols  ont  lur  cette  côte  juf- 
qu  au  Cap  François ,  n’a  jamais  été 
appellee  ,  ni  par  Champlain  ,  quoi- 
qu  en  dile  M.  la  Martiniere ,  ni  par 
aucun  Auteur  François  ,  autrement 
que  la  Floride  Françoife ,  ou  la  Nou¬ 
velle  France ,  ou  la  France  Occidenta¬ 
le. 

M.  la  Martiniere  s’eft  encore  trom¬ 
pe  lorlqu ’il  a  dit  que  M.  de  Ribaut 
avoit  bâti  un  Fort  dans  la  Riviere  de 
Alay ,  8c  lui  avoit  donne  le  nom  de 
Charles  :  la  vérité  eft  que  Ribaut  étant 
entré  dans  la  Riviere  de  May ,  y  plan¬ 
ta  une  borne,  où  il  mit  les  armes  de 
France ,  mais  il  ne  s’y  arrêta  point.  Il 
remonta  au  Nord ,  8c  entra  dans  une 
autre  Riviere  ,  qu’il  nomma  le  Port 
Royal  ;  il  y  conftruifit  une  Forterelfe , 
à  laquelle  il  donna  le  nom  de  Charles- 
fort.  Cette  Riviere  eft  dans  la  Caroli¬ 
ne  Angloife.  Deux  ans  après  M.  de 
Laudonniere  bâtit  la  Caroline  dans  la 
Riviere  de  May ,  qui  n’a  jamais  été 
dans  la  Caroline  Angloife,  par  confé- 
quent  n  a  pu  lui  donner  Ion  nom. 

Je  luis  bien  aife  aullî  d’avertir  ici 
qu’aucun  Efpagnol ,  ni  même  aucun 
Européen, n’ayantparu  dans  ce  Pays, 
avant  les  François  ,  qu’y  mena  M. 
de  Ribaut  en  1 5  61 .  il  eft  lurpre- 
nant  que  le  fçavant  Géographe  du 
Roy  Catholique  ait  prétendu  que  les 
Elpagnols  avoient  droit  de  regarder 
ces  François  de  la  Floride,  qui  avoient 
commilïion  du  Roy  leur  Maître  , 
comme  des  Pirates,  8c  qu’on  n’au- 
roit  rien  eu  à  leur  reprocher ,  s’ils  les 
avoient  traités  en  prifonniers  de 
guerre.  Premièrement  il  y  a  ici  une 
contradi&ion ,  qui  faute  aux  yeux , 
car  fi  les  Efpagnols  avoient  eu  droit 
de  regarder  les  François  de  la  Floride 


xliv  LISTE  DI 

comme  des  Pirates ,  on  n  auroit  pu 
leur  reprocher  de  ne  les  avoir  pas 
traités  comme  tels.  En  fécond  lieu,  en 
vertu  de  quoi  auraient- ils  regardé 
comme  Pirates  des  Sujets  envoyés 
par  leur  propre  Souverain  dans  un 
Pays ,  que  des  François  avoient  re¬ 
connu  les  premiers ,  8c  ou  aucune 
mitre  Nation  ne  s’étoit  établie  avant 
eux?  Suffit-il  qu’il  leur  ait  plu  d: ap¬ 
pelle!-  Floride  prefque  toute  l’Ame- 
rique  Septentrionnale  ,  pour  traiter 
d’ufurpateurs&t  de  Pirates  tous  ceux, 
qui  le  lont  établis  dans  quelques  Can¬ 
tons  d’un  Pays  immenfe  ,  dont  ils.  ne 
connoifFoient  point  la  dixiéme  par¬ 
tie  ,  &  où  ils  n’av oient  jamais.eu  au¬ 
cun  établiffiement  l 

J’aurois  bien  d’autres  remarques  à 
faire  fur  quantité  d’articles  du  nou¬ 
veau  Dictionnaire  Géographique  , 
où  il  y  a  d’ailleurs  beaucoup  d  excel¬ 
lentes  chofes^En  général  1  Auteur  eft 
fort  mal  inftruit  des  Pays,  dont  j’écris 
lldiftoire.  La  feule  infpedion  des 
Cartes  auroit  cependant  du  1  empê¬ 
cher  de  dire,  par  exemple,  que  le  Lac 
du  S.  Sacrement  reçoit  les  eaux  du. 
Lac  Champlain  ,  puilque  c’eft  au  con¬ 
traire  le  Lac  Champlain  qui  reçoit 
celles  du  Lac  du  S.  Sacrement.  Il  ne 
paraît  guere  mieux  au  fait  des  grands 
Lacs  du  Canada ,  &  il  a  tort  de  placer 
le  Lac  Champlain  dans  le  Pays,  des 
Iroquois.  Ce  qui  l’a  trompe ,  c  eft  que 
ce  Lac  eft  formé  par  la  Riviere  de  So- 
rel,  qu’on  appelloit  autre  fois  la  Riviè¬ 
re  des  Iroquois  ;  mais  on  ne  l’avoitainfi 
nommée  ,  que  parce  que  les  Iroquois 
defeendoient  îouvent  par  cette  Ri¬ 
viere  dans  la  Colonie  Françoife.  J’ai 
auffi  été  fort  furpris  de  trouver  deux 
articles  fur  Alichtllimakimac  8c  Adif- 
filli  makinac  ,  lefquels  ne  lignifient 
que  la  même  chofe.  L’erreur  vient  de 
s e  que  quelques  faifeurs  de  Relation 


S  AUTEURS. 

ont  voulu  adoucir  le  mot  propre  quî 
eft  MichillimaKinac  ,  8c  on  écrit 
MiffillimaKinac. 

M.  de  Lille  a  fait  dans  fon  Atlas  Lj  J*-  * 
bien  des  recherches ,  8c  d’affiez  heu- 
reufes  découvertes  Ç  mais  fa  Carte  du 
Canada  eft  bien  défedueufe  :  celle  de 
la  Louyfiane  l’eft  un  peu  moins  j  ce¬ 
pendant  il  avoit  bien  raifon  de  n’ê- 
tre  content  ni  de  l’une  ni  de  l’autre , 

8c  je  fçai  que  quand  il  mourut,  il  pre^- 
no.it  de  très  -  bonnes  mefures  pour 
nous  en  donner  de  meilleures- 

L’article  du  Canada  dans  les  deux  Morîri* 
dernieres  éditions  du  Didionnaire 
Hiftorique  de  Moreri  ,  8c  celui  de  la 
Louyfiane  ,  approchent  beaucoup  du 
vrai ,  &  il  y  manquerait  peu  de  cho- 
fes,.  fi  les  Imprimeurs  avoient  mieux 
profité  des.  Mémoires  ,  qu’on  leur 
avoit  donnés.  L’article  de  la  Caroline, 

8c  quelques  autres  articles  particuliers: 

y  font  entièrement  défigurés..  chaiius 

Dte  Gallorum  expeditione  in  Flori -  Benzonii 

dam ,  &  clade  ab  Hijpanis  non  minus  - 

injufia ,  quam  immamter  ipfis  Mata  arm.  *  57^ 
1 5  (j  5  ^  brevis  H.i florin.  Cette  relation 
eft  tirée  en  bonne  partie  d’une  Hi- 
ftoire  Françoife ,  qui  paraît  être  d’un 
nommé  Nicolas.Challus..  On  la  trou¬ 
ve  imprimée  à  la  fuite  d’un  Ouvrage 
de  Jerôme  Benzoni ,  traduit  de  l’Ita¬ 
lien  en  Latin,  par  Urbain  Cauveton, 
fous  ce  titre  y  Nova,  novi  orbis  Hijîo- 
ru  ;  Généra ,  apud  Eufiachium  Yignon 
1578.  Elle  eft  fuivie  d’un  brief  dif- 
cours  de  la  Floride  ,  qui  dit  à  peu  près 
les  mêmes  chofes.  On  a  fait  en  1 6 oo. 
une  nouvelle  édition  de  ce  Livre  à. 
Genéve. 

Hifloire  de  la  Floride ,  contenant  les  Laudbî 

•J  .  ,  •  j  t  j  .  niere. 

trois  voyages  faits  en  icelle  par  des  Capi- _ 

raines  &  Pilotes  François  en  1 562.  158& 

1 5  64.  &  t  )  6  5 .  décritte  par  le  Capitai¬ 
ne  Laudonniere.  Plus  un  quatrième  fait 
par  le  Capitaine  Gourgues  :  mis  en  ln>~ 


Liste  des 

fe  par  Bazanier  :  oétavo.  Paris  1 580. 
On  peut  compter  fur  tout  ce  que  le 
Sieur  de  Laudonniere  a  vu  par  lui- 
même.  Je  dirai  dans  la  fuite  ce  quon 
doit  penfer  du  relie. 

De  Bry.  Dans  le  premier  Volume  de  I  India 

r'  D‘  Occident  alis  ,  imprimé  aux  frais  de 
~  Théodore  de  Bry  en  1  <90.  on  trou- 
ve  i°.  Brevts  narratio  eorumyqua  m  Flo¬ 
rida  America  Provincia  Gallis  accide- 
runt  fecundd  in  illam  navigatione  Duce 
Renato  de  Laudonniere  clajfis  Prœfe - 
ïïo ,  anno  1564.  Addita  figura  &  inco - 
larum  icônes  ibidem  ad  vivum  expref- 
fa.  Brevis  item  declaratio  Religionis,  ri- 
tuum  ,  vivendique  rationis  ip forum.  Au- 
tore  Jacobo  le  Moyne  de  Morgues  , 
Laudonierum  in  bac  navigatione  fccu- 
to  :  nuncpriniumgallico fermone  xThto- 
doro  de  Bry  Leodienfe  in  lucem  édita  v 
Latio  vero  donata  a  C  C  A - 

i°.  Libellas ,  five  Epifiola  fupplica- 
toria  Régi  Gallorum  Carolo  IX.  ablata 
per  viduas ,  orphanos ,  cognâtes  ,  affines , 
&  ipfi  Francia  Occident  alis  Régi  fubdi- 
tos  ,  quorum  confanguinei per  Hifpanos , 
in  ed  G  allia  Amarctica  parte  ,  qua  vul- 
go  Florida  nomen  invertit ,  crudeliter 
trucidatiperierunt.  Anno  1 5^5. 

30.  De  quand  Gallorum  in  Floridam 
navigatione  fub  Gourguejio  anno  1567- 
L’Auteur  n’en  efb  pas  connu. 

4°.  Parergon  continens  quadam ,  qua 
ad precedentis  narrationis  elucidationem 
non  erunt  for  fan  inutilia.  Tout  ce  qui 
regarde  ce  fujet  a  été  traité  avec  plus 
d’ordre,  &  alfez  aulong,  par  Marc  Lef- 
earbot ,  dont  je  parlerai  bientôt ,  3c 
plus  en  abrégé  par  Champlain  ,  fur 
les  mêmes  Mémoires.  Mais  ces  deux 
Auteurs  n’ont  eu  garde  de  donner  à  la 
Floride  Françoife  le  nom  de  France 
Antar étique  ,  comme  a  fait  l’Auteur 
de  la.  Supplique  adrelîee  à  Charles 
IX. 

’3°lis  is  çe  ^  regarde  la  funelte  cataftro- 


AUTEURS.  xlv 

phe  des  François  de  la  Caroline , 
après  que  cette  Place  eut  été  prife  par 
D.  Pedro  Menendez ,  a  été  conté  d’u¬ 
ne  maniéré  bien  differente  dans  les 
Ouvrages,  que  je  viens  de  citer,  3c  par 
le  Doéleur  Solis  de  las  Meras  ,  Beau- 
frere  de  Menendez  même ,  3c  qui 
l’accompagna  dans  fan  expédition. 
Sa  relation ,  qui  étoit  demeurée  ma- 
nufcritte  ,  a  été  inferée  toute  entière 
dans  /’ Enfayo  Chronologico  para  la  FU¬ 
JI or  i  a  de  la  Florida  ,  imprimé  à  Ma¬ 
drid  en  1723.  dont  je  parlerai  en  fon 
lieu- 

La  Florida  del  Ynca  ,  0  Hijloriadcl 
Adelantado  Hernando  de  Soto  Go- 
vernador  y  Capitan  General  del  Reyno 
de  la  Florida  ,  y  des  otros  beroicos  Ca¬ 
valier  os  ,  Efpafioles  e  Indios ,  efcrita  por 
el  Ynca  GarcilalTo  de  la  Vega ,  Capi¬ 
tan  de  Sa  Magefiad  ,  natural  de  la 
gran  Ciudad  del  Cuz.ce ,  Cabeça  de  los. 
Reynosy  Provincia  del  Peru ,  dirigida  al 
Serenijfimo  Principe  ,  Duque  de  Bra- 
gança  ,  en  Lisbona  emprejfa  por  Pedro 
CrasbeecK  1 605 .  in-oélavo. 

La  même  ,  traduite  en  François  par 
Pierre  Richelet  en  deux  volumes  hz- 
douze  à  Paris  chez  Cloufier  1 6jo.  Cet 
Ouvrage  eft  eltimé  par  la  maniéré  , 
dont  il  eft  écrit  en  Efpagnol ,  3c  mê¬ 
me  pour  le  fond  des  chofes  ;  c’eft-a- 
dire  ,  pour  la  fuite  3c  l’ordre  des  ex¬ 
péditions  de  Ferdinand  de  Soto ,  3c 
de  Louys  de  Mofcofo,  fon  fuccefleur  ”, 
mais  l’Auteur  y  a  vifiblement  exag- 
gere  les  richelïes  3c  la  puiflance  des 
Peuples  de  la  Floride.  Ils  font  aujour¬ 
d’hui  fort  connus  des  François  du  Ca¬ 
nada  3c  de  la  Louyfîane  ;  3c  quoique 
nous  convenions  que  du  tcms  de  -  So¬ 
to  ils  étoient  plus  nombreux,  qu’ils  ne 
le  font  aujourd’hui ,  comme  il  eft  ar¬ 
rivé  à  tous  ceux  de  ce  Continent, 
nous  fçavons  ,  a  n’en  point  douter., 
quils.nont  jamais  été  à  beaucoup 


Las  Me¬ 
ras.  . 


Gard*- 
lafïo  de 
la  Vega. 


I6o3>- 


Riche» 

let. 


rera 


xlvj  '  LISTE  DE 

près  aullî  riches  ,  ni  aulîi  puilfans  que 
l’Hiftorien  les  reprefente. 

Antonio  Hifioria  general  de  los  Hechos  delos 
de  Hcr-  Caflellanos  en  las  IJlas  y  Tierra  firme 

_ de l  Mar  Oceano  ,  éfcntaper  Antonio 

itfoi.  de  Herrera  ,  Cororitfta  major  de  Sa 
Magefiad  de  las  Indias  ,y  Coronifia  de 
Caftilia ,  folio  ,  Madrid  en  la  emprejfa 
real.  1(705.  Cet  Ouvrage  ell  en  qua¬ 
tre  volumes ,  qui  contiennent  huit 
décades ,  mais  il  n’y  a  que  les  deux 
premiers  volumes,  qui  forent  de  l’Im¬ 
primerie  Royale,  8c  de  1601.  Les 
deux  derniers  furent  imprimés  à  Ma¬ 
drid  en  161 5  .  par  Jean  de  la  Colle. 
On  en  a  fait  depuis  quelques  années 
une  nouvelle  édition  en  cinq  volu¬ 
mes  ,  mais  fans  y  ajouter  qu’un  index 
très-détaillé ,  qui  manquoit.  Les  deux 
premières  Décades  ont  été  traduites 
en  François  fans  nom  d’ Auteur.  L’Hi¬ 
ftorien  Efpagnol  eft  un  Annalifte 
exad  ,  cenfé ,  judicieux  8c  impartial. 
Son  Ouvrage  finit ,  par  rapport  à  la 
Floride,  à  la  Million  des  PP.  de  S.  Do¬ 
minique  en  1549.  fix  ans  après  la  re¬ 
traire  de  Louys  de  Molcofo. 

Ramu-  Dans  le  troifiéme  volume  du  grand 

_ _  Recueil  de  Jean-Baptille  Ramulio  , 

1 6o6  imprimé  à  V enife  en  1 60  6 .  in-folio , 
on  trouve  i°.  Difcorfo  fopr a  la  Terra 
ferma  de  II’  Indie  Oc  ci  dent  ali  dette  del 
Laborador  ,  de  los  Baccallaos ,  &  délia 
Nuova  Francia.  C’eft  très-peu  de  cho- 
fe. 

yeraza-  20.  Al  Chrifiianiftno  Ré  di  Francia 
nu  Francifco  Primo  Relatione  di  Giouan- 
ni  de  Verazzano  délia  Terra  da  lui  fco- 
parta  in  nome  di  fua  Maefia  ,  fcritta  in 
Dieppa  a  di  Ottavo  di  Luglio  1 5 1 4 .  On 
n’apprend  gitere  par  cette  lettre  que 
la  datte  du  premier  voyage  de  Vera- 
zani. 

50.  Difcorfo  d'un  gran  Capitano  di 
Mare ,  Francefe,  del  Luogo  di  Dieppa  , 
fopr  a  le  Navigations  fatte  alla  Terra 


fio 


S  AUTEURS. 

Nuova  dell’  Indie  Occidentali  ,  chia- 
mata  la  Nuova  Francia  ,  dagradi  qua- 
ranta  ,  fino  a  gradi  quaranta  fette  fotto 
il  Polo  Artico  ,  &  fopr  a  la  Terra  del 
Brajil ,  Gumea  ,  Ifola  di  San  Lorenz^o , 
aquella  di  Summatra  ,  fino  aile  quali 
banno  navigato  le  caravalle  &  navi 
Francefe.  Ramulio  fait  grand  cas  de 
cette  pièce ,  dont  il  regrette  de  n’a¬ 
voir  pu  connoître  l’Auteur. 

4°.  Prima  relatione  di  Jacques  Car- 
thier  délia  Terra  Nuova ,  detta  la  Nuo¬ 
va  Francia  ,  trovata  nell’  anno  1534. 
Cette  datte  n’ell  pas  jufte ,  puifqu’il 
ell  certain  que  le  premier  voyage  de 
Verazani  fut  en  1 5  2  3 .  &  que  dès  les 
premières  années  de  ce  liécle  -  là  les 
Bretons ,  les  Normands  8c  les  Baf- 
ques  faifoient  la  pêche  fur  les  Côtes 
de  Terre-Neuve  «Se  du  Golphe  de  S. 
Laurent.  Il  ell  pourtant  vrai  que  Car- 
thier  ell  le  premier  s  qui  ait  pénétré 
dans  ce  Fleuve. 

5  o.  Secunda  ,  breve  &  fuccinta  nar- 
ratione  dellanavigationefatta  per  ordine 
délia  Maefia  Chrifiianijfima  ail’  Ifole  di 
Canada,  Hoche laga,  Saguenay  &  altre , 
al prefente  dette  la  Nuova  Francia ,  cou 
particolari  cofiumi  &  cerimonie  degli 
habitanti.  Ce  dernier  article  fe  réduit 
à  très-peu  de  chofe.  Carthier  n’a  voit 
pas  eu  le  tems  de  bien  connoître  des 
Peuples ,  dont  il  ignorait  la  langue  , 
8c  avec  qui  il  avoir  eu  très  -  peu  de 
commerce.  Il  ell  aullî  très-furprenant 
que  ce  Navigateur  donne  le  nom 
d’ille  à  un  Pays ,  dans  lequel  il  avoit 
remonté  180.  lieues  un  Fleuve  tel 
que  celui  de  S.  Laurent.  On  avoit 
imprimé  à  Rouen  en  1 5  98.  un  de  fes 
Ouvrages  in-oiïavo  tous  ce  titre  :  D  if- 
cours  d’un  voyage  fait  par  le  Capitaine 
Jacques  Carthier  aux  Tertes  neuves  du 
Canada ,  ou  Nouvelle  France. 

Hifioria  natural  y  moral  de  las  In¬ 
dias  i  en  que  fe  tratan  las  cofas  notables 


Car. 

thier. 


De  Acof, 
fa. 

1608. 


LISTE  DE  A 

del  Cielo  y  Elementos  ,  Met  des..  Plan - 
tas,  y  Animales  délias  :  y  los  Ritosy 
Ceremonias ,  Leges,y  Govierno,y  Guet¬ 
tas  de  los  Indios.  Compuejla  pot  el  P  Or¬ 
dre  Jofeph  de  Acofta  Religiofo  delà 
Compania  di  Jefus  ,  dirigida  a  la  Sere- 
nijfima  Infante  Doua  Ifabela  -  Clara- 
Eugenia  de  Auftria ,  oftavo  1608.  Im- 
preffa  en  Madrid  en  cafa  de  Alonfo 
Martin.  Je  11  ai  parle  de  cet  Auteur  , 
qui  efttrès-eftimé  3  qu  a  l’occafion  de 
l’origine  des  Amériquains. 

Hijloite  de  la  ]\!ouvelle  France  ,  con - 
tenant  les  navigations ,  decouvertes  ,  çfi 
habitations  faites  par  les  François  es 
Indes  Occidentales  &  Nouvelle  France 
fous  l’aveu  &  aut otite  de  nos  Roix  Très- 
Chrétiens ,  &  les  nouvelles  fortunes  d'i- 
ceux  en  l  execution  de  ces  chofes  depuis 
cent  ans  jufqu  a  hui:  en  quoi  ejl  com- 
prife  l  Hijloite  morale  ,  naturelle  & 
géographique  de  ladite  Province,  avec 
les  Tables  &  figures  d’icelle ,  par  Marc 
Lefcarbot ,  Avocat  en  Parlement ,  té¬ 
moin  oculaire  d’une  partie  des  chofes  y 
recitées .  o&avo  ,  a  Paris  chez.  Jean 
Milet ,  fur  les  dégrés  de  la  grand’ S  de 
du  P alais  1 609.  Cet  Auteur  a  ramaiïe 
avec  beaucoup  de  foin  tout  ce  qui 
avoit  été  écrit  avant  lui  touchant  les 
premières  découvertes  des  François 
dans  l’Amerique  :  tout  ce  qui  s’eft 
pâlie  dans  la  Floride  Françoife  ,  l’ex- 
pedition  du  Chevalier  de  Viliegagnon 
au  Brelil ,  3c  le  premier  établilFement 
de^  l’Acadie  par  M.  de  Monts.  Il  pa- 
roît  fincere ,  bien  inftruit ,  cenfé*  & 
impartial. 

Les  vojages  de  la  Nouvelle  Fran¬ 
ce  Occidentale  ,  ditte  Canada  ,  faits 
par  le  Sieur  de  Champlain ,  Xainton- 
geois  ,  Capitaine  pour  le  Roy  en  la  Ma¬ 
rine  du  Ponent ,  &  toutes  les  découver¬ 
tes  ,  qu  il  a  faites  en  ce  Pays  depuis  l’an 
1603  .jufqu  a  l  an  1629.  ou  fe  voit  com¬ 
me  ce  Pays  a  été  premièrement  découvert 


UTEURS.  xlvij 

par  les  François  fous  l’ autorité  de  nos 
Roix  Tres-Chrétiens  jufqu  à  ce  régné  de 
Sa  Majeftéd  prefent  Régnante  Louys 
XIII.  Roy  de  France  &  de  Navarre , 
avec  un  traité  des  qualités  &  conditions 
requifes  a  un  bori  &  parfait  Navigateur, 
pour  connoitre  la  diverfité  des  eftimes  , 
qui  fe  font  en  la  navigation ,  les  marques 
&  enfetgnemens ,  que  la  Providence  de 
Dieu  a  mifes  dans  la  Mer  pour  redref- 
fer  les  Mariniers  en  leurs  routes ,  fans 
lefquelles  ils  tombercient  en  de  grands 
dangers  ,  &  la  maniéré  de  bien  deffwer 
les  Cartes  Marines  ,  avec  leurs  ports  , 
rades ,  Ifies ,  fondes  &  autres  chofes  né- 
cejfaires  a  la  navigation .  Enfemble  une 
Carte  generale  de  la  defeription  dudit 
Pays  en  fon  Méridien  ,  félon  la  déclinai - 
fon  de  la  Guide  Ayman ,  &  un  Catechi fi¬ 
nie  ou  Inftruttion  traduite  du  François 
en  langage,  des  Peuples  Sauvages  de  quel¬ 
que  contrée ,  avec  ce  qui  s’efi  pajfé  en  la¬ 
dite  Nouvelle  France  en  l’année  1631. 
a  Monfeigneur  lé  Cardinal  Duc  de  Ri¬ 
chelieu.  In-quarto.  A  Paris  chez  Pier¬ 
re  le  Mur  dans  la  Grand’ Sale  du  Pa¬ 
lais  1632. 

M.  de  Champlain  eft  proprement 
le  fondateur  de  la  Nouvelle  France  3 
c ’eft  lui ,  cjui  a  bâti  la  Ville  de  Que- 
bec.  Il  a  été  le  premier  Gouverneur 
de  cette  Colonie  ,  pour  letablilTe- 
ment  de  laquelle  il  s’eft  donné  des 
peines  infinies.  Il  étoit  habile  Navi¬ 
gateur  ,  homme  de  tête  3c  de  refolu- 
tion  ,  défin  ter  elFé ,  plein  de  zélé  pour 
la  Religion  3c  pour  l’Etat.  On  ne 
peut  lui  reprocher  qu’un  peu  trop  de 
crédulité  pour  des  contes ,  qu’on  lui 
faifoit  ;  ce  qui  ne  l’a  pourtant  jet¬ 
te  dans  aucune  erreur  importante. 
D’ailleurs  fes  Mémoires  font  excel- 
lens  pour  le  fond  des  chofes ,  3c  pour 
la  maniéré  fimple  3c  naturelle,  dont 
ils  font  écrits.  Il  n’a  prefque  rien  dit, 
qu’il  n’ait  vû  par  lui-même ,  ou  que 


— 


xlviij  LISTE  DES 

fur  des  relations  originales  de  perfon- 
nes  fûtes  ;  comme  ce  qu’il  a  rapporté, 
d’une  maniéré  plus  abrégée  que  Lef- 
carbot ,  des  expéditions  de  MM.  de 
Ribaut ,  de  Laudonniere ,  8c  du  Che¬ 
valier  de  Gourgues  dans  la  Floride 
Françoile. 

Dès  l’année  iûi  3.  il  publia  fes 
premiers  voyages  en  un  volume  in- 
quarto  ,  divifé  en  deux  livres  ,  8c  im¬ 
primé  à  Paris  chez  Jean  Berjon.  En 
1 610.  il  en  donna  la  continuation  en 


un  petit  volume  in-odtavo ,  imprime 
à  Paris  chez  C.  Collet.  Enfin  dans 


AUTEURS. 

polEeflion  la  même  année.  La  rela¬ 
tion  ,  dont  il  s’agit  contient  des  dé¬ 
tails  alTez  intéreilans. 

Dans  celui  de  1 6 3  3 .  on  trouve  une 
relation  de  ce  qui  s’eft  pajfe  en  la  Nouvel¬ 
le  France ,  ou  Canada  ;  8c  une  autre  re¬ 
lation  du  Sieur  de  Cbamplain  de  la  N ou * 
velle  France  ,  ou  Canada. 

Brieve  relation  du  voyage  de  la  Nou¬ 
velle  France  ,  fait  au  mois  d  Avril  der¬ 
nier  par  le  P.  Paul  de  Jeune  de  la  Com¬ 
pagnie  de  Jefus ,  brochure  in-octavo.  A 


Le  P.  ie 
Jeune. 


Fran¬ 

çois. 


l’édition,  dont  je  viens  de  donner  le 
titre ,  il  reprend  toute  l’Fliftoire  de¬ 
puis  les  premières  découvertes  deVe- 
razani ,  jufqu’à  l’an  1631.  Il  y  a  joint 
un  Traité  de  la  navigation  8c  du  de¬ 
voir  d’un  bon  Marinier  ,  8c  un  abré¬ 
gé  de  la  Doétrine  Chrétienne  du  P. 
Ledefma  Jefuite ,  traduit  en  Fiuron 
par  le  P.  Jean  de  Brebeuf,  avec  le 
François  à  côté. 

On  trouve  dans  le  Mercure  Fran- 
Mcrcure  ç0js  4e  pannée  1 616.  une  lettre  du 
P.  Charles  Lallemant  écritte  de  Que- 
bec  le  premier  d’Aout  de  cette  an¬ 
née  ,  dans  laquelle  ce  Millionnaire 
donne  une  notice  abrégée  8c  fort 
exaéte  de  ce  Pays ,  où  les  Jefuites  ne 
faifoient  que  de  s’établir. 

Dans  celui  de  1 61 8 .  1  eredion  d’u¬ 
ne  nouvelle  Compagnie  pour  le  com¬ 
merce  du  Canada ,  8c  la  révocation 
des  articles  accordés  au  Sieur  de  Caen. 
C’eft  ce  qu’on  a  appellé  la  Compa¬ 
gnie  de  cent  Aftociés  ,  qui  avoient 
a  leur  tête  le  Cardinal  de  Richelieu. 

Dans  celui  de  163 1.  il  y  a  une  rela¬ 
tion  du  voyage  fait  en  Canada  pour  la 
prife  de  pojfejfion  du  F ort  de  Quebec. 
Les  Anglois  s’étoient  rendus  maî¬ 
tres  de  Quebec  8c  de  tout  le  Canada 
en  1619.  Iis  le  reftituerent  en  1632. 
8c  les  François  en  furent  remis  en 


l 

Rcla- 

f  —  ---  .. - .  .  tiondes 

Paris  chez.  Sebaftien  Cramoifi ,  Impri-  Jefuites 
meurdu  Roy  16 31.  C’eft  la  première 
des  relations,  que  les  Jefuites  ne  dif-  jufqu’en 
continuèrent  point  d’imprimer  fur  la 
Nouvelle  France  depuis  cette  annee 
jufqu’en  1672.  Comme  ces  Peres 
étoient  répandus  dans  toutes  les  Na¬ 
tions  ,  avec  qui  les  François  etoient 
en  commerce  3  8c  que  leurs  Millions 
les  obligeoient  d’entrer  dans  toutes 
les  affaires  de  la  Colonie ,  on  peut  di¬ 
re  que  leurs  Mémoires  en  renfer- 
moient  une  Hiftoire  fort  detaillee.  Il 
n’y  a  pas  même  d’autre  fource ,  ou 
l’on  puilfe  puifer  pour  être  inftruit  des 
progrès  de  la  Religion  parmi  les  Sau¬ 
vages  ,  8c  pour  connoitre  ces  Peu¬ 
ples  ,  dont  ils  parloient  toutes  les 
langues.  Le  ftile  de  ces  relations  eft 
extrêmement  fimple  3  mais  cette  fim- 
plicité  même  n’a  pas  moins  contribue 
à  leur  donner  un  grand  cours ,  que 
les  chofes  curieufes  8c  édifiantes,  dont 
elles  font  remplies. 

Novus  or  bis ,  feu  deferiptionis  I ndia  De  La* 
Occidentalis  libri  XXIII •  Autore  Joan-  — 

ne  de  Laët  Antuerpienfi  ,  novis  tabulis  l65î* 
Geographicis  ,  &  vanis  animantium  , 
plantarum  ,  fruttuumque  iconibus  illuf- 
trati ,  folio  j  Lugdun.  Batavorum  apud 
Elzeverios.  1633.  Cet  Ouvrage,  qui 
fut  bientôt  traduit  en  François ,  8c 
imprimé  chez  les  mêmes  Elzevirs 
1640.  eft  rempli  d’excellentes  re¬ 
cherches; 


LISTE  DES  . 

cherches  ,  tant  par  rapport  aux  éta- 
bliflemens  des  Européens  dans  l’A¬ 
mérique  >  que  pour  i’Hiftoire  natu¬ 
relle  ,  le  caractère  8c  les  mœurs  des 
Amériquains.  L’Auteur  a  puifé  dans 
les  bonnes  fources.  Il  étoit  d’ailleurs 
habile  homme ,  8c  fait  paroître  par 
tout  un  grand  difcernement ,  8c  une 
très-bonne  critique  .5  excepté  en  quel- 
ues  endroits ,  où  il  n’a  confulté  que 
es  Auteurs  Proteftans ,  8c  s’eft  trop 
livré  aux  préjugés  de  fa  Religion. 

Il  traite  dans  le  fécond  Livre  de 
Tille  de  Terre-Neuve,  du  grand 
Banc  ,  de  i’Ifle  de  Sable  ,  de  Tille  de 
Cap  Breton  ,  aujourd’hui  l’Ifle  Roya¬ 
le  ,  8c  qu’il  appelle  l’Ifle  de  S.  Lau¬ 
rent  ,  ou  des  Bretons  :  des  autres  Mes 
du  Golphe  de  S,  Laurent,  8c  en  parti¬ 
culier  de  celle  d’Anticofty  ,  du  Port 
de  T adoulfac,  8c  de  la  Riviere  de  Sa- 
guenay  :  du  grand  Fleuve  du  Canada, 
ou  de  S.  Laurent ,  dont  il  donne  une 
delcription  allez  exaéte  pour  le  tems  : 
de  la  Ville  de  Quebec  ,  des  Sauvages 
les  plus  connus  alors  ;  de  l’Acadie  , 
de  toute  la  Côte  Méridionnale  de  la 
Nouvelle  France ,  8c  de  tout  ce  qui 
s  etoit  palfe  dans  ce  Pays-là  jufqu’à  Ion 
tems  entre  les  François  8c  les  Anglois. 
Dans  le  quatrième  Livre  il  fait  une 
allez  bonne  defcription  de  la  Floride, 
qu’il  a  tirée  principalement  des  Anna¬ 
les  d  Antoine  de  Herrera.  Il  nous  ap¬ 
prend  toutes  les  tentatives  des  Efpa- 
gnols ,  pour  s’y  établir  fous  la  condui¬ 
te  de  Jean  Ponce  de  Leon,  du  Licen¬ 
cie  Luc  V afquez  d’Ayllon,  de  Pamphi¬ 
le  de  Narvaez,  de  Ferdinand  de  So- 
to  5  ôc  de  Louys  de  Molcofo  :  les  ex¬ 
péditions  des  François  dans  cette  par¬ 
tie  de  la  Floride  ,  qui  eft  aujourd’hui 
partagée  entre  les  Anglois  &  les  Ef- 
pagnols  ;  Tétabliffement  de  S.  Augu- 
ftin  par  D.  Pedro  Menendez ,  après 
que  ce  Général  eut  chalTé  les  Fran- 


\  UT  EU  R.  S.  xlix 

çois  de  la  Floride ,  8c  la  guerre  qu’il 
eut  a  foutenir  contre  le  Chevalier 
François  DracK  ,  Anglois. 

Hiftoire  du  Canada  ,  &  Voyages,  que 
les  Freres  Mineurs  Recollets  y  ont  fait 
pour  la  converfwn  des  Infidèles  ;  ou  eft 
amplement  traité  des  chofes  principales 
arrivées  dans  ce  Pays  depuis  l’an  161 
jufqua  la  prifte ,  qui  en  a  été  faite  par  les 
Anglois  :  des  biens  &  commodités ,  qu’on 
en  peut  efperer  :  des  mœurs  ,  cérémonies , 
créances  ,  loix  &  coutumes  merveillcu- 
fes  de  fes  Habitans  :  des  converftons  & 
Bapteme  de  plufteurs ,  ch  des  moyens  né- 
cejftires pour  les  amener  d  la  connoijfan- 
ce  de  Dieu  :  l'entretien  ordinaire  de  nos 
Mariniers  ,  &  autres  particularités  , 
qui  fe  remarqu'ent  en  la  fuite  de  !  Hif¬ 
toire.  Fait  &  compofé  par  le  Frere  Ga¬ 
briel  Sagard  Théodat ,  Mineur  Recol¬ 
le  t  de  la  Province  de  Paris  ,  oétavo.  A 
Paris  chez.  Claude  Sonnier  1686. 

L’Auteur  de  cet  Ouvrage  avoir  de¬ 
meuré  quelque  tems  parmi  les  Hu- 
rons ,  8c  raconte  naïvement  tout  ce 
qu’il  a  vu  ,  8c  oui  dire  fur  les  lieux  , 
mais  il  n’a  pas  eu  le  tems  de  voir  af- 
fez  bien  les  chofes ,  encore  moins  de 
vérifier  tout  ce  qu’on  lui  avoir  dit.  Le 
Vocabulaire  Huron ,  qu’il  nous  a  laif- 
fe, prouve  que  ni  lui  ,  ni  aucun  de 
ceux  ,  qu’il  a  pu  confulter ,  ne  fça- 
voient  bien  cette  langue  ,  laquel¬ 
le  eft  très-difficile  ;  par  conféquent 
que  les  converfions  des  Sauvages 
n’ont  pas  été  en  grand  nombre  de 
fon  tems.  D’ailleurs  il  paroît  homme 
fort  judicieux  ,  8c  très-zélé  ,  non-feu¬ 
lement  pour  le  falut  des  âmes ,  mais 
encore  pour  le  progrès  d’une  Colo¬ 
nie  ,  qu’il  avoit  prefque  vu  naître ,  8c 
qu’il  a  vue  prefque  étouffée  dans  fon 
berceau,  par  l’invafion  des  Anglois. 
Du  refte  il  nous  apprend  peu  de  cho¬ 
fes  intérelfantes. 

Hugonis  G  rôti  i  de  origine  gentium 


Sagard. 


Grotius. 

1641. 

1643. 

Laët 

1^43. 

I644- 


Poiflon 


1*44. 


le  Blanc. 
1644. 


1  LISTE  DES 

Americanarum  differtatio.  In-quarto  , 

1 64a.  Le  fentiment  de  Grotius.ne  fut 
pas  approuvé  ,  8c  dès  l’année  fuiv an¬ 
te  on  en  vit  paraître  une  critique 
fous  ce  titre.  Joannis  de  Laët  Antuer- 
pienfis  nota  ad  differtationem  Hugonis 
Grotii  de  origine  gentium  Americana - 
mm ,  &  obfervationes  aliquot  ad  melio - 
rem  indaginem  dijfcillimœ  hujus  queftio - 
nis.  Parïfiis ,  apud  Viduam  Guillelmi 
Pelé  ,  via  Jacobeâ,  fub  figno  Crucisau- 
reœ  1  <3  4  3  •  Jean  de  Laët  ne  s’en  tient 
pas  àla’cenfure  de  l’opinion  de  Gro  * 
tius ,  il  rapporte  les  fenrimens  du  P. 
Jofeph  de  Acofta  ,  JeluiteEfpagnol  , 
de  Marc  Lefcarbot ,  8c  d’Edouard  de 
de  Brerevood  Anglois ,  fur  le  meme 
fujet ,  8c  les  réfuté  pareillement. 

Grotius  répliqua  avec  hauteur ,  8c 
dès  la  même  année  il  publia  fa  répli¬ 
qué  fous  ce  titre  ,  Elugonis  Grotii  de 
origine  gentium  Americanarum  dijjïr- 
tatio  altéra  adverfus  obireltatorem.  Pa- 
rifîis  apud  Sebaftianum  Cramoify  , 
Ârchitypographum  Regium ,  via  Jaco- 
baâ,fub  Ciconïis  1643.  Laët  répondit 
en  1644.  par  un  écrit  intitulé,  Joan¬ 
nis  de  Laët  Antuerpiani  refponjio  ad 
differtationem  fecundam  Hugonis  Gro¬ 
tii  de  origine  gentium  Americanarum  , 
curn  indice  ad  utrumque  libellant ,  Amp 
telrodami  apud  Ludovicum  Elzeve- 
rium  1643. 

La  même  année  on  imprima  à  Pa¬ 
ris  un  petit  Ouvrage  fous  ce  titre. 
Animadverfio  Joannis  B.  Poiffonis , 
Andegavi  ad  ea  ,  qua  celeberrimi  viri 
Hugo  Grotius  &  Joannes  Lahetius 
de  origine  gentium  Peruvianarum  & 
Mexicanarum  fcripferunt  :  five  Prodro- 
mus  Commentant  in  decimum-ottavum 
caput  Efau.  Parifüs  16  44.  Mais  c’eft 
très-peu  de  choie  ,  que  cet  écrit. 

Les  voyages  fameux  du  Sieur  Vin¬ 
cent  le  Blanc  ,  Marfeillois  ,  qu’il  a  fait 
depuis  l’age  de  douze  ans  jufquà  foixan- 


AU  T  EU  RS. 

te  aux  quatre  parties  du  Monde  :  a  fça- 
voir ,  aux  Indes  Orientales  &  Occiden¬ 
tales  ,  en  Perfe  &  Pegu  ;  aux  Royaumes 
de  Fez,  ,  de  Maroc  &  de  Guinée  ,  & 
dans  toute  l’Afrique  intérieure  ,  depuis 
le  Cap  de  Bonne  -  Efperance  jufques  en 
Alexandrie  ,  par  les  Terres  de  Mono - 
motapa  »  du  Prête- J  an  ,&  del  Egypte  ; 
aux  If  es  de  la  Méditerranée ,  &  aux 
principales  Provinces  de  l’Europe  ,  &c» 
rédigés  fidèlement  fur  fes  Mémoires  & 
Regifires ,  tirés  de  la  Bibliothèque  de  M* 
de  Peirefc  ,  Confeiller  au  Parlement 
de  Provence  ,  &  enrichis  de  três-curieu- 
fes  Obfervations  ,  par  Pierre  Bergeron 
Parifien  ,  in-quarto  ,  a  Paris  chez,  Ger- 
vais  Cloufer  ,  au  Palais ,  fur  les  dégres 
de  la  Sainte  Chapelle .  1 648.  Dans  la 
troifiéme  partie  de  cet  Ouvrage  il  eft 
parlé  de  prefque  tous  les  Pays ,  dont  je 
donne  l’Hiftoire  ,  mais  en  très -peu 
de  mots,  d’une  maniéré  confufe,  peu 
exaéte  ,  8c  fans  ordre. 

GeorgI  HornI  de  Originibus  Anu¬ 
rie  anis  Libri  quatuor .  Haga  Comitis  , 
fumptibus  Adriani  Ulacq.  165t.  Cet 
Auteur  réfuté  alTez  bien  les  opinions 
de  ceux ,  qui  avoient  traite  ce  fujet 
avant  lui ,  mais  pour  établir  fon  pro¬ 
pre  fiftême  il  donne  dans  des  conje¬ 
ctures  fi  frivoles ,  8c  fi  dénuées  de 
vraifemblance  ,  qu’on  eft  furj^ris 
quelles  ayent  pu  fortir  de  la  tête 
d’un  Homme ,  qui  fait  paraître  dans 
fon  Ouvrage  beaucoup  de  capacité. 

Breve  relatione  d’alcune  Miffioni  di 
Padri  délia  Compagnia  di  Giefu  nella 
Nuova  Francia  del  P •  Francifco  Giu- 
feppe  Breftani  délia  medefima  Compa¬ 
gnia  ,  ali  Eminentijfmo  &  Revcren- 
diffinio  Signor  Cardinale  de  Lugo.  In 
Macerata  ,  per  gli  heredi  d’Agoftino 
Grifci.  1653.  in-quarto.  Le  P.  Bref- 
fani,  Romain  de  naiftance,  fut  un  des 
plus  illuftres  Millionnaires  du  Cana¬ 
da  ,  où  il  a  fouffert  une  rude  captivi- 


Horniu! 


Bref!  an 


f 


LISTE  DES  AUTEURS.  Ij 

té,  &  des  tourmensinouis.il  parle  peu  Mabre  Cramoify  ,  Typographes  Re- 
de  lui  dans  fon  Hilloire  ,  qui  eft  bien  gios ,  via  Jacobaa  ,  fub  Ciconiis ,  anno 
eente ,  mais  qui  ne  traite  guère  que  1 66 4.  Cet  Ouvrage  extrêmement  dif- 

de  la  Million  des  Hurons ,  où  il  a  tra-  fus  a  été  compofé  prefqu  uniquement 
vaille  avec  beaucoup  de  zélé ,  tant  fur  les  relations  des  Jefuites.  Le  P. 
qu  elle  a  fubfifté.  Après  la  deftruéfcion  du  Creux  n’a  pas  fait  affez  d’atten- 
prefque  entière  de  cette  Nation ,  &  tion ,  que  des  détails ,  qu’on  voit  avec 

la  difperfion  de  ce  qui  reftoit ,  il  re-  plaifir  dans  une  Lettre ,  11e  font  point 

tourna  en  Italie  ,  où  il  a  prêché  juf-  fupportables  dans  une  Hiftoire  fui- 

qu  a  fa  mort ,  avec  d  autant  plus  de  vie  ,  furtout  quand  ils  ont  perdu  l’a- 
fruit ,  qu’il  portoit  dans  fes  mains  grément  de  la  nouveauté, 
mutilées  de  glorieufes  marques  de  Claros  Varones  de  la  Compania  de  Andra, 
ion  Apoftolat  parmi  les  Infidèles.  Jefii  en  Santitad  >  letras  zelo  de  las  t*a‘ 

jucher.  Hijioire  véritable  &  naturelle  des  aimas  ,por  el  Padre  Alonfo  de  Andra- 

664.  mœurs  Cf  productions  du  P ays  de  la  N ou-  da ,  de  la  mifma  Compatiia.  Folio  ,  Afa- 

velle  France ,  vulgairement  ditte  le  Ca-  drid.  1 666 .  Dans  les  deux  Volumes  de 

nada.  Petit  in  -  douane ,  a  Paris  ,  chez,  cet  Ouvrage  il  eft  parlé  de  prefque 

Florentin  Lambert  rue  S.  Jacques  a  tous  les  Jefuites  ,  qui  ont  facilité 

l’Image  S.  Paul  16S4.  L’Auteur  de  leurs  vies  pour  le  falut  des  Peuples 

ce  petit  Ouvrage  ,  neft  pas  le  P.  du  Canada  ;  mais  en  très-peu  de  mots, 

Pierre  Boucher  ,  Jefuite ,  comme  l’a  8c  fans  aucun  détail.  Il  n’en  eft  pas  de 

cru  M.  1  Abbe  Lenglet  du  Frefnoy  ,  même  de  l’Ouvrage  fuivant. 
mais  le  Sieur  Pierre  Boucher,  Gou-  Afortes  illujlres  &  gefia  eorum  ,  de  Afcr- 
verneur  des  Trois  Rivières ,  un  des  Societatc’jzûi  ,  qui  in  odium  Ftdei  ab  fadad,' 

premiers  Habitans  de  la  Nouvelle  Ethnicis,  Hareticis,  vel  aliis,  igné ,  fer-  - - — 

France ,  qu  imitateur  de  la  fimplicité  ro  ,  aut  morte  ali  a  necati  ,  arumnifve  l66y' 

&  de  la  pieté  des  Patriarches,  il  a  par-  confetti  funt  j  Autore  Philippo  Ale- 

ticipe  aux  bénédictions  ,  que  Dieu  a  gambe,  Bruxellenji  ;  exeadem  Societa- 

repandués  fur  eux ,  ayant  vû  fa  nom-  te  .*  extremos  aliquot  annos,  mortefque  il- 

4  breufe  &  flonflante  poftérité  jufqu’à  luftres ,  ufque  ad  annurn  1664.  adjecit 

?  la  cinquième  génération.  Il  eft  mort  Joannes  Nadafi  ,  eju/dem  Societaüs 

âge  de  près  de  cent  ans  ,  8c  fa  veuve ,  Jefu ,  Ronu  1 66 7.  Folio, 
qu^  lui  a  fut  vécu  de  quelques  années  ,  Toutes  ces  vies  font  écrites  avec 
a  vu  les  petits  Fils  de  fes  petits  Fils.  Il  beaucoup  d’ordre  ,  8c  fur  de  bons 
avoir  ete  député  à  la  Cour  pour  repre-  Mémoires  -,  piufieurs  mêmes  font  fort 
enter  les  befoins  fpirituels  8c  tempo-  détaillées.  On  y  trouve  prefque  tou- 
relsdela  Colonie,  8c  ce  fut  dans  ce  tes  celles  des  Jefuites,  qui  ont  péri 
voyage  ,  qu  il  fit  imprimer  la  petite  d’une  mort  violente  dans  l’exercice 
relation,  dont  il  s’agit  ,  &  qui  ne  de  leur  Miniftére  au  Canada, 
comprend  qu  une  notice  affez  fuper-  Description  géographique  &  hiflori-  Denys. 

naelle ,  mais  fort  fidèle  du  Canada,  que  des  Cotes  de  P  Amérique  Septen-  - - 

h,  Htjtoria  Canadenjîs ,  feu  nova  Fr  an-  monnaie ,  avec  P  Hiftoire  naturelle  du  l67U 
dX'  cu  *  Libri  decem  ad  annum  ufque  16  $6.  Pays  ;  par  M.  Denys,  Gouverneur  , 

é4.  y^utore  Creuxio  é  So-  Lieutenant  Général  pour  le  Roy  y  pf  pro - 

cietate  Jefu  ,  in-quarto,  Parijiis  ,  apud  prietaire  de  toutes  les  Terres  c ’f  Ijles , 

Sebajhantm  Cramoify,  &  Sehajlianum  qui  font  depuis  le  Cap  de  Campfeaux\ 

g  ij 


— 


Hudfon. 


1673. 


Tanner, 


**73. 


LISTE  DES  AUTEURS. 


üj. 

jufquaa  Cap  des  Rofiers.  Deux  Volumes 
in- douze  ,  à  Paris  chez  Claude  Bar- 
bin  1672.  L’Auteur  de  cet  Ouvrage 
étoit  un  homme  de  mérite ,  qui  eût 
fait  un  très-bon  établiffement  dans  la 
Nouvelle  France ,  s’il  n’eût  point  été 
traverfé  dans  fes  entreprifes  ,  8c  qui 
ne  dit  rien ,  qu’il  n’ait  vû  par  lui-mê¬ 
me.  Il  nous  donne  dans  fon  premier 
Volume  une  defeription  fort  exaéte 
de  tout  le  Pays  ,  qui  s’étend  depuis 
la  Riviere  de  Pentagoct ,  en  fuivant 
la  Côte,  jufqu’au  Cap  des  Rofiers,  qui 
eft  la  pointe  méridionnale  de  l’em¬ 
bouchure  du  Fleuve  S.  Laurent.  Le 
fécond  Volume  comprend  l’Hiftoire 
naturelle  du  même  Pays ,  8c  en  par¬ 
ticulier  tout  ce  qui  regarde  la  pêche 
de  la  morue.  L’Hiftorien  y  traite  en 
peu  de  mots  des  Sauvages  de  ces 
Cantons,  de  la  nature  8c  des  richefîes 
du  Pays ,  des  Animaux ,  des  Rivières, 
de  la  qualité  des  bois  :  8c  il  y  a  ajoûté 
quelques  traits  hiftoriques  touchant 
les  établiffemens  de  ceux  ,  qui  parta- 
geoient  avec  lui  la  propriété  &  le 
Gouvernement  de  l’Acadie  8c  des  en¬ 
virons. 

Defcriptio  ac  delineatio  geographica 
détection is  Freti  ,  fivetranfitûs  ad  Occa - 
funi  fupra  terras  Americanas  in  Chinam 
inventi  ab  Henrico  Fludfon.  Amfielo- 
dami  16  73 .  in  quarto.  L’Auteur,  com¬ 
me  il  paroît  par  le  titre  de  cet  Ouvra¬ 
ge  ,  fe  flattoit  que  le  paffage  à  la  Chi¬ 
ne  étoit  trouvé  par  le  Détroit  d’Hud- 
fon.  Mais  on  a  reconnu  dans  la  fuite 
qu’il  étoit  encore  bien  loin  de  fon 
compte. 

Societas  Jefu  ufque  ad  fanguinis  pro- 
fufionem  in  Europa  ,  A  fia ,  Africa  & 
America  militant ,  five  vit  a  &  mortes 
eorum  ,  qui  in  causa  Fidei  inter empti 
funt ,  cum  iconibus  fingulorum.  Autore 
Mathiâ  Tannero  S.  J.  Pragœ.  16 j 3. 
folio.  On  trouve  dans  cet  Ouvrage 


l’Hiftoire  plus  abrégée,  ou  plûtot  l’é¬ 
loge  de  quelques-uns  des  mêmes  Mil¬ 
lionnaires  du  Canada  ,  dont  les  PP. 
Alegambe  8c  Nadafi  ont  parlé  plus 
amplement  8c  plus  hiftoriquemenr. 

Motifs  de  la  Société  de  Montreal .  ^  Soci 
Brochure  in-quarto.  A  Paris ,  fans  nom  l(faL  0 

d’imprimeur.  1674.  Cette  brochure  - 

expofe  les  motifs ,  qui  ont  porté  plu-  l6n 
fleurs  perfonnes  de  pieté  à  faire  à 
Montreal  un  établiüement  ,  lequel 
avoit  pour  objet  principal  la  conver- 
fion  des  Sauvages,  8c  la  confervation 
de  ceux ,  qui  étoient  déjà  Chrétiens. 

La  Vie  de  la  vénérable  Mere  Marie 
de  l’Incarnation  ,  première  Supérieure  tin. 
des  Urfulines  de  la  Nouvelle  France ,  ti- 
rée  de  fes  lettres  &  de  fes  écrits  ,  in-  1671 
quarto ,  a  Paris ,  chez  Louys  Billaine 
1 677.  L’Auteur  eft  D.  Claude-Mar¬ 
tin  ,  fils  de  la  Mere  Marie  de  l’Incar¬ 
nation  *,  fon  Ouvrage  n’a  d’autre  dé¬ 
faut  ,  que  de  contenir  bien  des  cho- 
fes  étrangères  au  fujet.  C’eft  ce  qui 
m’a  engagé  en  1724.de  publier  une 
nouvelle  Vie  de .  cette  excellente  Re- 
ligieufe ,  qui  fut  nommée  la  Sainte 
Therefe  de  France  ,  8c  dont  nous 
avons  plufieurs  ouvrages.  Cette  nou¬ 
velle  Vie  fut  imprimée  à  Paris  chez 
Briaflon  in-ottavo.  Au  refte  dans  l’un 
8c  l’autre  Ouvrage  c’eft  prefque  tou¬ 
jours  la  Mere  de  l’Incarnation  ,  qui 
raconte  elle  -  même  tout  ce  qui  s’eft 
paffé  entre  Dieu  8c  elle  ,  8c  qui  rap¬ 
porte  les  divers  évenemens  de  fa  vie  , 
à  ppu  près  comme  a  fait  Sainte  The¬ 
refe. 

Lettres  de  la  Mere  Marie  de  Fin-  ,  f*3 
carnation  , première  Supérieure  des  IJr-  Carna- 
fulines  de  la  Nouvelle  France ,  in-quar-  tion’ 
to,  a  Paris ,  chez  Louys  Billaine  1 68 1 .  ' 

Ces  letttes ,  qui  font  bien  écrittes  &  1 

dignes  de  la  grande  réputation  de 
fainteté  ,  d’efpnt ,  8c  d’habileté  dans 
toutes  fortes  d’affaires  ,  8c  furtouc 


LISTE  DES 

dans  la  vie  fpirituelle  de  cette  Fem¬ 
me  admirable ,  contiennent  plufieurs 
faits  hiftoriques  ,  arrivés  pendant  les 
trente-deux  années ,  qu’elle  a  vécu  au 
Canada ,  où  elle  prit  terre  en  1640. 
Citry  ie  Hijloire  de  la  conquête  de  la  Floride 
^Gucc'  par  un  Gentilhomme  de  la  Fille  d’El- 

JL _ _  vas ,  traduite  en  François  par  M.  Citry 

168,-.  de  la  Guette ,  à  Paris  in-douz.e  1 6^ 5  5 . 
Cet  Ouvrage  contient  à  peu  près  les 
mêmes  choies,  que  celui  de  Garcilafib 
de  la  Vega ,  dont  j’ai  parlé  plus  haut , 
ôc  n’eil  pas  moins  eftimé.  La  tradu¬ 
ction  l’eit auiîi  beaucoup. 

Mar-  Découverte  de  quelques  Pays  &  Na- 
«juccre.  fions  de  P  Amérique  Septentrionnale. 
“  C’eft  le  Journal ,  que  fit  le  P.  Mar- 
7‘  quette,  Jefuite,  de  ion  voyage  du  Mi- 
cilîipi  ,  lorfqu’il  découvrit  ce  grand 
Fleuve  en  1673.  avec  le  Sieur  Joliet. 
On  le  trouve  dans  un  Recueil  des  voya¬ 
ges  de  M.  Thevenot  dédié  au  Roy  ,  & 
imprimé  a  Paris  chez.  Thomas  Moette , 
rue  de  la  Fie  Ole  Bouderie  à  S.  Michel. 
in-quarto  1687. 

Henn’.  Defcription  de  la  Louyfiane  nouvelle ? 
pin.  ment  découverte  au  S.  O.  de  la  N.  Fran- 
ce  par  ordre  du  Roy  ,  avec  la  Carte  du 
Pays  des  moeurs  &  la  maniéré  de  vivre 
des  Sauvages ,  dédiée  à  Sa  Majejlé par  le 
P.  Louys  Hennepin  Miflionnaire  Re¬ 
collet  &  Notaire  Apoftolique.  In-douze, 
a  Paris  chez,  Amable  Auroy  ,  rue  S. 
Jacques  a  P  Image  S.  Jerome  1683. 

Le  P.  Hennepin  avoir  été  fort  lié 
avec  M.  de  la  Sale  ,  &  l’avoit  fuivi 
aux  Illinois ,  d’où  ce  Voyageur  l’en¬ 
voya  avec  le  Sieur  Dacan  remonter  ie 
Micillipi.  C’eft  ce  voyage ,  qu’il  dé¬ 
crit  ici.  Le  titre,  que  porte  cet  Ouvra¬ 
ge  ,  n’elt  pas  jufte  ;  car  le  Pays ,  que 
le  P.  Recoller  ôc  le  Sieur  Dacan  décou¬ 
vrirent  en  remontant  ce  Fleuve,  de¬ 
puis  la  Riviere  des  Illinois  jufqu’au 
Sauit  Saint  Antoine  ,  n’eft  pas  de  la 
Louyfiane,  mais  de  la  Nouvelle  Fran- 


A  U  T  E  U  R  S.  lüj 

ce.  Celui  d’un  fécond  Ouvrage  du  P. 
Hennepin  ,  qui  fe  trouve  dans  le  V. 
Recueil  des  voyages  au  Nord,  ne  l’eft 
pas  davantage ,  il  porte  :  Foyage  en 
un  P  ays  plus  grand  que  P  Europe  entre  la 
Mer  glaciale  &  le  Nouveau  Mexique. 
Car  fi  loin  qu’on  ait  remonté  le  Mi- 
cifïîpi,  on  a  encore  été  bien  éloigné  de 
la  Mer  glaciale.  Lorfque  l’Auteur  pu¬ 
blia  cette  fécondé  relation ,  il  étoit 
brouillé  avec  M.  de  la  Sale.  Il  paroîc 
même  qu’il  avoit  défenfe  de  retour¬ 
ner  dans  l’Amérique ,  &  que  ce  fut  le 
chagrin  ,  qu’il  en  conçut ,  qui  le  porta 
à  s’en  aller  en  Hollande  ,  où  il  fit  im¬ 
primer  un  troifiéme  Ouvrage  inti¬ 
tulé  :  Nouvelle  defcription  d’un  très- 
grand  Pays  fitué  dans  l’Amérique  en¬ 
tre  le  Nouveau  Mexique  &  la  Mer 
glaciale  ,  depuis  Pan  1670.  jufquen 
1 682.  avec  des  Reflexions  fur  les  entre - 
prifes  de  M.  Cavelier  de  la  Sale  ,  & 
autres  chofes  concernant  la  defcription  & 
P  H ifloire  de  l’Amérique  Septentrionna¬ 
le.  In-douze,  d  JJtrecht  1 697.  L’année 
fuivante  on  le  réimprima  au  même 
endroit  en  deux  Volumes,  fous  le  ti¬ 
tre  ,•  F oyage  ,  ou  decouverte  d’un  très- 
grand  Pays ,  ôcc.  Au  relie  l’un  &  l’au¬ 
tre  ne  font  que  des  éditions  augmen¬ 
tées  du  fécond  Ouvrage  de  l’Auteur. 
Il  n’y  décharge  pas  feulement  fon 
chagrin  fur  le  Sieur  de  la-  Sale ,  il  le 
fait  encore  retomber  fur  la  France  , 
dont  il  fe  croyoit  maltraité ,  &  croit 
fauver  fon  honneur  en  déclarant  qu’il 
etoit  né  fujet  du  Roy  Catholique. 
Mais  il  devoit  fe  fouvenir  que  c’étoit 
aux  frais  de  la  France ,  qu’il  avoit 
voyagé  dans  l’Amérique ,  &  que  c’é¬ 
toit  au  nom  du  Roy  Très-Chrétien  , 
que  lui  &  le  Sieur  Dacan  avoient  pris 
poffellïon  des  Pays ,  qu’ils  avoient  dé¬ 
couverts.  Il  ne  craignit  pas  même  d’a¬ 
vancer  que  c’étoit  avec  l’agrément  du 
Roy  Catholique  ,  fon  premier  Sou- 


M.  de  S 
Valier. 


1688. 


liv  LISTE  DES  AUTEURS. 


verain,  qu’il  dédioit  ion  Livre  au  Roy 
d’Angleterre  Guillaume  III.  de  qu’il 
foliicitoit  ce  Monarque  à  faire  la  con¬ 
quête  de  ces  vaftes  Régions ,  à  y  en¬ 
voyer  des  Colonies ,  &  à  y  faire  prê¬ 
cher  l’Evangile  aux  Infidèles  -,  démar¬ 
che  ,  qui  fcandalifa  les  Catholiques , 
de  fit  rire  les  Proteftans  mêmes ,  fur- 
pris  de  voir  un  Religieux  ,  qui  fe  di- 
foit  Millionnaire  de  Notaire  Apofto- 
lique  ,  exhorter  un  Prince  Hérétique 
à  fonder  une  Eglife  dans  le  Nouveau 
Monde.  Du  refte  tous  ces  Ouvrages 
font  écrits  d’un  ftyle  de  déclamation  , 
qui  choque  par  fon  enflure,  de  ré¬ 
volté  par  les  libertés  ,  que  fe  donne 
l’Auteur  ,  de  par  fes  inventives  in¬ 
décentes.  Pour  ce  qui  efl  du  fond 
des  chofes ,  le  P.  Hennepin  a  cru  pou¬ 
voir  profiter  du  privilège  des  Voya¬ 
geurs  :  Aulli  eft-il  fort  décrié  en  Cana¬ 
da  ,  ceux  qui  l’avoient  accompagné  , 
ayant  fo uvent  protefté  qu’il  n’étoit 
rien  moins  que  véritable  dans  fes 
Hiftoires. 

j Etat  prefent  de  l’ Eglife  &  de  la  Co¬ 
lonie  Françoife  dans  la  Nouvelle  Fran¬ 
ce  ,  par  M .  l'Evêque  de  Québec ,  oéta- 
vo  ,  à  Paris  ,  chez,  Robert  Pepie ,  rué- 
S.  Jacques  à  S.  Bafile.  1688.  M.deS. 
Valier  ayant  été  nommé  à  l’Evêché  de 
Quebec  ,  vacant  par  la  démillion  de 
M.  de  Laval ,  voulut,  avant  que  dՐ 
tre  facré  ,  prendre  connoilfance  de 
fon  Diocéfe  ,  de  s’embarqua  en  1685. 
pour  le  Canada.  L’année  fuivante  il 
retourna  en  France  ,  de  compofa  en 
forme  de  lettre  une  relation  de  fon 
voyage,  où  il  expofoit  la  fituation  pre- 
fente  de  la  Nouvelle  France.  Ce  pe¬ 
tit  Ouvrage  eft  bien  écrit ,  de  digne 
de  fon  Auteur  ,  qui  a  gouverné  plus 
de  quarante  ans  cette  Eglife ,  de  y  a 
laide  d’illuftres  marques  de  fa  chari¬ 
té  ,  de  fa  pieté  ,  de  fon  défintéreffe- 
ment  de  de  fon  zélé. 


Premier  etablijfement  de  la  Foy  dans  te 
la  Nouvelle  France ,  contenant  la  pu -  Ciercq‘ 
blication  de  l’Evangile ,  l’HiJloire  des  l6?u 
Colonies  Françoifes ,  &  lesfameufes  dé¬ 
couvertes  depuis  le  Fleuve  S.  Laurent , 
la  Louyfiane  ,  &  le  Fleuve  Colbert ,  juf 
qu  au  Golphe  Mexique  ,  achevées  fous  la 
conduite  de  feu  M.  de  la  Sale,  par  or • 
dre  du  Roy  j  avec  les  victoires  remportées 
en  Canada  par  les  armes  de  Sa  Majefté 
fur  les  Anglois  &  les  Iroquois  en  1690. 
dédié  à  M.  le  Comte  de  Frontenac  , 
Gouverneur  &  Lieutenant  Général  de 
la  Nouvelle  France  s  par  le  P.  Chré¬ 
tien  le  Clercq ,  Mijfionnaire  Recollet 
de  la  Province  de  S.  Antoine  de  Pade  en 
Artois ,  Gardien  des  Re  collets  de  Lens , 
deux  volumes  in-douze  ,  a  Paris  ,  chez, 
Amable  Auroy ,  rue  S.  Jacques  à  S. 
Jerome .  1691.  Cet  Ouvrage,  où  l’on 
a  lieu  de  croire  que  le  Comte  de 
Frontenac  a  mis  la  main  ,  eft  com¬ 
munément  aflez  bien  écrit ,  quoiqu’il 
y  régné  un  goût  de  déclamation  ,  qui 
ne  prévient  pas  en  faveur  de  l’Au¬ 
teur.  Le  P.  le  Clercq  n’y  traite  guère 
des  affaires  de  la  Religion  ,  qu’autant 
que  les  Religieux  de  fon  Ordre  y  ont 
eu  part  \  de  l’Hiftoire  de  la  Colonie  , 
que  par  raport  au  Comte  de  Fronte¬ 
nac  ;  de  des  découvertes ,  que  de  cel¬ 
les  ,  où  fes  Confrères  avoient  accom¬ 
pagné  le  Sieur  de  la  Sale. 

Nouvelle  Relation  de  la  Gafpefie ,  qui 
contient  les  moeurs  &  la  Religion  des 
Sauvages  Gafpefiens  ,  porte  -  Croix  , 
adorateurs  du  Soleil ,  &  d’autres  Peu¬ 
ples  de  l’Amérique  Septentrionnale  , 
ditte  Canada  ,  dédiée  à  Madame  la 
Princefie  d’Epinoy  ,  par  le  P.  Chrétien 
le  Clercq,  Miffionnaire  Recollet  de  la 
Province  de  S.  Antoine  de  Pade  en  Ar¬ 
tois,  &  Gardien  du  Couvent  de  l,ens,  in- 
douze  ,  a  Paris ,  chez,  Amable  Auroy , 
rué  S.  Jacques  a  l’image  S.  Jerome.  1691. 

Une  Cote  déferte,  quelques  petites 


LISTE  DES 

Ifles ,  8c  des  Havres,  où  l’on  fait  la 
pêche  y  des  Sauvages ,  qui  vont  8c 
viennent  de  l’Acadie  8c  des  envi¬ 
rons  j  voilà  ce  que  c’eft  que  la  Gaf- 
pelîe  ,  8c  les  Gafpefiens  ,  que  l’Au¬ 
teur  appelle  Porte  -  Croix  ,  fur  une 
faulfe  tradition  ;  8c  ce  n’eft  pas  de 
quoi  remplir  un  Volume  de  600.  pa¬ 
ges  de  chofes  fort  intérelfantes. 

La  lion-  Voyages  du  Baron  de  la  Hontan 
ua-  dans  l’ Amérique  S eptentrionnale  ,  qui 
~  contiennent  une  relation  des  dijferens 
Peuples  ,  qui  y  habitent  ;  la  nature  de 
leur  Gouvernement ,  leur  commerce ,  leurs 
coutumes ,  leur  Religion ,  &  leur  maniè¬ 
re  défaire  la  guerre  :  P  intérêt  des  Fran¬ 
çois  &  des  Anglais  dans  le  commerce  , 
qu'ils  font  avec  ces  Nations  :  l’avantage , 
que  l’ Angleterre  peut  retirer  de  ce  Pays 
étant  en  guerre  avec  la  France.  Le  tout 
enrichi  de  Cartes  &  de  figures.  In-i  z. 

Mémoires  de  l'Amérique  Septen- 
trionnale  ,  ou  la  fuite  des  voyages  de  M. 
de  la  Hontan ,  qui  contiennent  la  def- 
cription  d'une  grande  étendue  de  Pays  de 
ce  Continent ,  l’intérêt  des  François  & 
des  Anglais ,  leur  commerce ,  leurs  navi¬ 
gations  ,  les  mœurs  &  les  Coutumes  des 
Sauvages ,  &c.  avec  un  petit  Diiïion- 
naire  de  la  Langue  du  Pays .  Seconde 
édition  augmentée  d'une  converfation  de 
l'Auteur  y  avec  un  Sauvage  diftingué  ; 
Volume  in-douze ,  a  Amjlerdam  ,par 
Jonas  l’Honnoré  a  la  Haye  1705. 

L’Auteur,  quoi  qu’homme  de  con¬ 
dition,  fut  d’abord  Soldat  en  Canada. 

Il  fut  fait  enfuite  Officier  ,  8c  ayant 
été  envoyé  en  Terre-Neuve  en  qua¬ 
lité  de  Lieutenant  de  Roy  de  Plai- 
fance ,  il  fe  brouilla  avec  le  Gouver¬ 
neur  ,  fut  cafte  ,  8c  fe  retira  d’abord 
en  Portugal,  enfuite  enDannemarcK. 

La  grande  liberté,  qu’il  a  donnée  à  fa 

fdume,  a  beaucoup  contribué  à  faire 
irefon  Livre  ,  8c  l’a  fait  rechercher 
avec  avidité  par  tout ,  où  l’on  n’étoit 


AUTEURS.  Iv 

pas  à  portée  de  fçavoir  que  le  vrai  y 
efl  tellement  confondu  avec  le  faux  , 
qu’il  eft  néceftàire  d’être  bien  inftruit 
del’Hiftoire  du  Canada,  pour  l’en 
demeler ,  8c  que  par  coniéquent  il 
n’apprend  rien  aux  uns ,  &  ne  peut 
que  jet  ter  les  autres  dans  l’erreur.  En 
effet  prefque  tous  les  noms  propres  y 
font  eftropiés  ,  la  plupart  des  faits  y 
font  défigurés ,  8c  l’on  y  trouve  des 
épifodes  entiers  ,  qui  font  des  pures 
fictions ,  tel  qu’eft  le  voyage  fur  la  Ri¬ 
vière  Longue ,  auffi  fabuleufe  que  l’If 
le  Barataria ,  dont  Sancho  Panfa  fut 
fait  Gouverneur.  Cependant  en  Fran¬ 
ce  8c  ailleurs  le  plus  grand  nombre  a 
regardé  ces  Mémoires  comme  le 
fruit  des  voyages  d’un  Cavalier ,  qui 
ecrivoit  mal ,  quoi  qu’aftez  legere- 
ment,  8c  qui  n’avoit  point  de  reli¬ 
gion  ,  mais  qui  racontoit  affez  fincé- 
rement  ce  qu’il  avoit  vu  >  d’où  il  eft 
arrivé  que  les  Auteurs  des  Diétion- 
naires  Hiftoriques  8c  Géographiques 
les  ont  prefque  toujours  fui  vis  &  cités 
preferablement  aux  autres  Mémoi¬ 
res  plus  fidèles ,  qu’ils  ne  fe  font  pas 
même  donné  la  peine  de  confulter. 
On  leur  a  rendu  plus  de  juftice  en  Ca¬ 
nada  ,  ou  l’Auteur  pafte  communé¬ 
ment  pour  un  Romancier. 

On  a  retranché  dans  cette  édition 
le  voyage  de  Portugal  8c  de  Danne- 
marcK  ,  où  le  Baron  de  la  Hontan  fe 
fait  voir  auffi  mauvais  François ,  que 
mauvais  Chrétien ,  8c  l’on  y  a  retou¬ 
che  fon  ftyle  embarrafte  8c  fouvent 
barbare.  Il  s’en  faut  pourtant  bien 
cjue  ce  foit  encore  un  Ouvrage  bien 
écrit.  C’eft  peut-être  la  conformité 
de  ftyle  ,  qu’on  y  remarque  avec  ce¬ 
lui  de  l’Atlas  de  Geudreville,  qui  a 
fait  juger  que  c’étoit  par  les  mains  de 
ce  Moine  Apoftat ,  qu’il  avoit  pafte. 

Le  Dictionnaire  de  la  Langue  du 
Pays ,  annonce  dans  le  titre ,  comme 


iyn- 

I7js. 


îvj  LISTE  DES  AUTEURS. 

s’il  n’y  avoit  qu’une  Langue  en  Ca-  fus.  Volumes  in-douze.  Dans  le  dixie-  “ 
nada  ,  n’eft  qu’un  alTez  méchant  vo-  me  volume  imprimé  à  Pans  chez 
tabulaire  de  la  Langue  Algonquine  3  Jean  Barbou ,  rue  S.  Jacques  aux  Ci- 
&les  converfations  avec  le  Sauvage  gognes  1712-  R  y  a  une  lettre  du  P, 
Adario  ,  n’eft  qu’une  fuppofttion  de  Gabriel  Marée ,  ou  il  décrit  le  voya- 
p Auteur  ,  qui  a  voulu  nous  appren-  ge ,  qu  il  avoit  fait  en  1694.  avec  M. 
dre  ce  qu’il  penfoit  fur  la  Religion.  d  Iberville  a  la  Baye  d  Hudfon  ,  <X 
jOUVen-  HiftorU  Societatis  Jefti  pars  quinta ,  cette  lettre  contient  plufieurs  parti  - 
1.  Tomus  pofterior  ab  anno  Chrifti  1591.  cularites  touchant  ces  quartiers  Sep- 
ad  annum  1616.  Autore  Jofepho  Ju-  tentrionnaux.  ^  ^ 

Î7I0‘  vencio  ,  Societatis  ejufdem  Sacerdote.  Dans  l’onzieme ,  imprime  a  Pans 
Folio  ,  Rom&  1710.  chez  Nicolas  le  Clerc ,  rue  S.  Jacques 

On  ne  trouve  dans  cet  Ouvrage ,  en  1 7 1 5 .  Il  y  a  une  autre  lettre  du 
par  rapport  à  mon  Hiftoire  ,  que  l’ex-  même  Millionnaire ,  dattée  du  neu- 
pédition  des  Jefuites  en  Acadie  8c  à  viéme  de  Novembre  1712.  du  Pays 
Pentagoet  en  i6n>  C’eft  au  livre  des  Illinois.  Elle  contient  diverfes 
XV.  à  k  fin  duquel  l’Auteur  donne  en  circonftances  de  l’établiflement  des 
abrégé  une  notice  du  Canada  8c  des  François,  8c  de  la  Religion  Chrétien- 
Sauvages ,  tirée  des  relations  des  Je-  ne  parmi  ces  Sauvages ,  dont  une  par¬ 
fîtes.  .  tie  étoit  deflois  fur  le  Miciftipi. 

joutei.  Journal  hiftorique  du  dernier  voyage ,  Dans  le  douzième ,  imprime  chez 

- - 1  que  feu  M..  de  la  Sale  fit  dans  le  Gol-  le  même  en  1717.  on  en  trouve  une 

171  **  phe  Mexique  pour  trouver  T  embouchure  du  P.  le  Cholenec,  Millionnaire  par- 
de  la  Riviere  de  Miciftipi  ,  nommée  d  mi  les  Iroquois  ,  fur  la  vie  8c  la  iain- 
prefent  la  Riviere  de  S.  Louys  ,  qui  tra-  teté  de  Catherine  Tegahkouita  ,  Vier- 
verfela  Louyfiane  ;  ou  l'on  voit  lJ Hiftoi-  ge  Iroquoife,  furnommée  la  Bonne 
re  tragique  défit  mort ,  ô*  plufeurs  cho-  Catherine  ,  8c  dont  le  tombeau  eft 
fes  curieufes  du  JVouveau  JUonde  par  devenu  célébré  par  un  grand  nom** 
M.  Joutei  ,  l’un  des  Compagnons  de  ce  bre  de  miracles. 
voyage  i  rédigé  &  mis  en  ordre  ,  par  AJ.  Dans  le  treizième,  imprime  chez 
de  Michel , petit  in-douze.  A  Taris ,  le  même  en  1720.  il  y  en  a  une  autre 
chez.  Etienne  Robinot ,  Quay  des  Au-  du  P.  le  Cholenec  ,  où  ce  Miflion- 
guftins ,  d  l’Ange  Gardien  171 3.  J’ai  naire  rapporte  la  mort  précieufe  de 
vu  M.  Joutei  à  Rouen  en  172  3 .  C’étoit  quelques  Néophytes  Iroquois.de  l’un 
un  fort  honnête  homme  ,  8c  le  feul  8c  de  l’autre  fexe ,  qui  ont  enduré  les 
de  la  Troupe  de  M.  de  la  Sale  ,  fur  fupplices  les  plus  affreux  ,  8c  donné 
qui  ce  célébré  Voyageur  pût  comp-  leur  fang  pour  J.  C. 
ter  j  auffi  Joutei  lui  a-t-il  rendu  d’im-  Dans  le  dix  -  feptieme  ,  imprime 
portans  fèrvices.  Il  fe  plaignoit  qu’en  chez  le  même  8c  chez  le  Mercier  Fils 
retouchant  fon  Ouvrage  ,  on  Pavoit  en  1736-  on  trouve  une  lettre  du  P. 

un  peu  altéré.  Mais  il  ne  paroît  pas  Sebaftien  Rafle,  écritte  de  la  Million 

qu’on  ait  fait  de  changemens  eflen-  de  NarantfoaK,  où  il  y  a  un  détail  cu- 

ûols,  rieux  de  ce  qui  s’eft  pafle  entre  les 

Lettres  édifiantes  &  curieufes  écritte  s  Anglois  8c  les  Sauvages  Abenaquis 

tdifian-*  ^es  Afifïons  étrangères  par  quelques  au  lujet  du  Traite  d  Utrecht  ,jufqu  a 

«s.  JWiJfionnaires  de  la  Compagnie  de  Je-  la  mort  de  ce  Miftionnaire ,  qui  avoit 

déjà 


:  ;  LISTE  DES 

déjà  été  tué  par  les  Anglais  ,  lorfque  la 
lettre  arriva  en  France.  Une  autre  let¬ 
tre  du  P.  de  la  Chafle,  Supérieur  gé- 
neral  des  Millions  de  la  Compagnie 
de  Jefus  dans  la  Nouvelle  France  , 
écritte  de  Quebec  le  29.  Oéfcobre 
1724.  &  qui  eft  inférée  dans  le  mê¬ 
me  Volume  ,  nous  apprend  les  cir- 
conftances  de  cette  mort. 

Le  vingtième  Volume ,  imprimé 
chez  les  mêmes  Libraires  en  1731. 
nous  inftruit  dans  l’Epitre  dédicatoi- 
re  du  P.  du  Halde ,  &  dans  une  lettre 
du  P.  le  Petit  Supérieur  des  Jefuires 
delà  Louyfiane,  delà  mort  de  deux 
Millionnaires  Jefuites ,  mafïacrés  par 
les  Yafous  &  les  Nathez  avec  un  très- 
grand  nombre  de  François.  Le  P.  le 
Petit  nous  y  donne  aulîi  une  notice 
alfez  détaillée  de  la  Nation  de  Na¬ 
thez. 

Dans  le  vingt-troifiéme,  imprimé 
chez  G.  le  Mercier  rue  S.  Jacques  au 
Livre  d’or  en  1738.  il  y  a  une  lettre 
du  P.  Rafles,  écritte  quelque  tems 
avant  fa^mort ,  ou  il  rapporte  plu- 
fieurs  coutumes  &  maniérés  de  diffe¬ 
rentes  Nations  Sauvages ,  parmi  lel- 
quelles  il  avoit  vécu. 

ZS.  Rccueil  des  voyages  au  Nord  ,  conte- 
—  nam  divers  Mémoires  nés  -  utiles  au 
f.  commerce  &  a  la  navigation.  Trois  Vo- 
lûmes  in-douze  a  Amjlerdam  chez,  Fré¬ 
déric  Bernard  1715.  réimprimé  chez 
les  memes  avec  une  augmentation  de 
cinq  autres  Volumes.  On  trouve  par 
rapport  aux  fujets,  que  je  traite  ;  dans 
le  troifiéme  Volume  ,  10.  une  relation 


de  Terre-Neuve  traduite  de  PAngloisde 
V'hite  ,  enrichie  Tune  très-belle  Carte 


de  Guillaume  de  l’Me  de  tout  l’hémif- 
pherc  Sypientrionnal.  Cette  relation  eft 
aflez  mftrudive  pour  la  pêche  des 
Moi  ucs  5  qui  fait  toute  la  richeflede 
1  Ifle  de  Terre-Neuve.  L’Auteur  parle 
enfuite  de  1  Ifle  Royale,  nommée  alors 
fuie  de  Cap  Breton  ,  mais  il  11’en  pa- 


A  U  T  EUR  S.  Jvij 

roît  pas  bien  inftruit.  2°.  Un  Mémoire 
touchant  Terre-Neuve  &  le  Golphe  de 
S.  Laurent ,  extrait  des  meilleurs  Jour¬ 
naux  de  Mer  par  r Auteur  de  la  Rela¬ 
tion  precedente.  Ce  Mémoire  eft:  pa¬ 
reillement  accompagné  d’une  Carte*, 
&  il  n’eft  proprement  lui-même  qu’un 
routier  ,  où  le  gifementàsts  Terres  pa¬ 
raît  aflez  exactement  marqué. 

Tout  le  cinquième  Volume  a  rap¬ 
port  à  mon  Hiftoire  ,  mais  je  n’en  ai 
pas  tire  beaucoup  de  fecours.  Il  com¬ 
prend  1  o.  une  relation  de  la  Louyfiane  > 
ou  Micijjipi ,  écritte  à  une  Dame  par 
un  Officier  de  Marine  ,  fçrt  honnête 
homme  ,  &  qui  ne  dit  guère  que  ce 
qu  il  a  vu  ,  ou  appris  fur  les  lieux  ÿ 
mais  il  n’a  pàs  eu  le  tems  de  s’inftrui- 
re  beaucoup  de  la  nature  du  Paysj 
encore  moins  de  l’hiftoire  de  la  Co¬ 
lonie. 

20.  Relation  de  la  Louyfiane ,  ou  du 
Micijfipi  par  le  Chevalier  deTonti, 
Gouverneur  du  Fort  de  S.  Louys  aux 
I llinois.  Cet  Officier  étoit  bien  capable 
de  nous  donner  de  fort  bons  Mémoi¬ 
res  touchant  cette  Colonie ,  à  1  eta- 
bliflèment  de  laquelle  il  a  travaillé 
plus  que  perfonne  ;  mais  il  a  défavouc 
cette  Relation  ,  qui  ne  lui  ferait  hon¬ 
neur  par  aucun  endroit. 

3  °-  V juge  en  un  Pays  plus  grand  que 
PEurope  ,  &c.  J’ai  parlé  ailleurs  de 
cet  Ouvrage  du  P.  Hennepin, 

4°.  Relation  des  voyages  de  Gofnol , 
Prince  &  Gilbert  a  la  Virginie  en  1602, 

&  1605.  Ce  n’eft  qu’un  Journal  de 
Marine  ,  qui  peut  être  de  quelque 
utilité  aux  Pilotes. 

5  °.  Relation  du  Détroit  &  de  la  Baye 
d  Hudfon  par  M,  Jeremie.  J’ai  con¬ 
nu  l’Auteur  ,  qui  étoit  un  fort  hon¬ 
nête  homme  ,  &  un  habile  voyageur. 

Ce  fut  lui ,  qui  après  la  paix  d’U- 
trecht  remit  aux  Anglois  le  Fort  Bour¬ 
bon  ,  ou  Port-Nelfon  ,  dans  la  Baye 
d  Hudfon  3  ou  il  commandoit  depuis 

h 


LaPo- 

thcrie. 


1711. 


Laffiiau 


17x3. 


Iviij  LISTE  DES 

fix  ans.  Sa  Relation  eft  fort  inftru&i- 
ve  ,  6c  judicieufement  écritte. 

6°.  Les  trois  navigations  du  Cheva¬ 
lier  Martin Frobisher.  Ce  Navigateur 
avoit  été  chargé  par  la  Reine  d’An¬ 
gleterre  Elizabeth  de  chercher  un 
chemin  au  Japon  &  à  la  Chine  par  le 
Nord  du  Canada  :  il  fit  pour  cela  à 
grands  frais  trois  tentatives  très-inu¬ 
tiles  ,  fi  ce  n’eft  qu’il  découvrit  plu- 
lieurs  Pays  au  Nord  de  la  Baye  d’Hud- 
fon. 

Hifioire  de  l’Amérique  Septentrion- 
nale  par  M .  de  Bacqueville  de  la  Po- 
therie  ,  né  à  la  Guadaloupe  dans  l  Amé¬ 
rique  Méridionnale ,  Aide-Major  dans 
ladite  Ijle.  Quatre  Volumes  in-douze 
enrichis  défigurés  :  a  Paris  chez,  Jean 
Luc  Nion  au  premier  Pavillon  des  qua¬ 
tre  Nations ,  a  Sainte  Monique  ,  & 
François  Didot ,  a  l’entrée  du  Quay  des 
Auguflins  a  la  Bible  d’or  1712.  Cet 
Ouvrage  ,  qui  eft  écrit  en  forme  de 
lettres,  excepté  le  fécond  Volume  , 
qui  eft  diftribué  par  Chapitres, renfer¬ 
me  des  Mémoires  alfez  peu  digérés  6c 
mal  écrits  fur  une  bonne  partie  de 
PHiftoire  du  Canada.  On  peut  comp¬ 
ter  fur  ce  que  l’Auteur  dit  comme  té¬ 
moin  oculaire  ;  il  paroît  fincere  6c 
fanspaftion  ,  mais  il  n’a  pas  toujours 
été  bien  inftruit  fur  le  refte. 

Mœurs  des  Sauvages  Amériquains 
comparées  aux  mœurs  des  premiers  tems , 
par  le  P.  Laffitau  de  la  Compagnie  de 
Jefus.  Ouvrage  enrichi  défigurés  en  tail¬ 
le  douce.  Deux  Volumes  in-quarto  :  a 
Paris  chez.  Saugrain  l’aîné ,  &  Charles - 
Eftienne  Hochereau  172}.  L’année 
fuivante  cet  Ouvrage  fut  réimprimé 
à  Rouen  alfez  mal  en  quatre  Volumes 
in-douze ,  au  nom  des  mêmes  Librai¬ 
res.  On  y  trouve  un  grand  détail  des 
mœurs,  des  coutumes  6c  de  la  religion 
des  Sauvages  de  l’Amérique ,  furtout 
de  ceux  du  Canada ,  que  l’Auteur 
avoit  vus  de  plus  près,  ayant  été  Mif- 


AUTEURS. 

fionnaire  parmi  les  Iroquois.  Auflî 
n’avions-nous  rien  de  fi  exaét  iur  ce 
fujet.  Le  parallèle  des  anciens  Peu¬ 
ples  avec  les  Amériquains  a  paru  fort 
ingénieux ,  6c  fuppofe  une  grande 
connoilfance  de  l’antiquité.  I 

Enfayo  cronologico  para  la  Hifioria 
general  de  la  Florida  defde  el  ado  de 
1512.  que  defcubrio  la  Florida  Juan 
Ponce  de  Leon ,  hafla  al  de  1722.  ef- 
critto por  D.  Gabriel  de  Cardenas  Z. 

Cano.  de  die  ado  al  Principe  nueftro  Se - 
nor.  En  Madrid  en  la  ojficina  Real  y  à- 
cofta  de  Nicolas  Rodriguez  Franco 
Imprefor  de  Libros.  Folio.  Ado  de 
1 7  2  3 .  Le  nom  de  l’Auteur,  que  porte 
ce  titre  ,  eft  un  nom  feint  *,  l’Ouvrage 
eft  de  D.  André  Gonzalez  de  Bar- 
cia  de  l’Academie  Efpagnole  ,  Audi¬ 
teur  du  Confeil  Suprême  de  la  guerre, 

6c  Préfident  de  la  Sale,  un  des  plus  fça- 
vans  hommes  d’Efpagne.  Comme  il 
comprend  fous  le  nom  de  Floride 
tout  le  Continent  6c  les  Mes  adja¬ 
centes  de  P  Amérique  Septentrion* 
nale  ,  depuis  la  Riviere  de  Panuco , 
qui  borne  le  Mexique  a  1  Orient  , 
il  rapporte  par  année  tout  ce  qui  eft 
arrivé  dans  ces  vaftes  Contrées  de¬ 
puis  1512.  jufqu’en  1722.  Ainfi  il 
parle  de  tous  les  Pays,  dont  je  donne 
l’hiftoire. 

Chryjîs  del  Enfayo  cronologico  para  la  sato 
hifioria  general  de  la  Florida ,  por  un  F 0-  ” 

rafiero.  In-quarto.  EnAlcala  de  Hena- 
rez  1725.  C’eft  une  critique  peu  me- 
furée  de  l’Ouvrage  précédent.  L’Au¬ 
teur  y  reprend  allez  bien  quelquefois, 
mais  il  paroît  picqué  6c  ne  ménagé 
point  les  termes  1  cet  Auteur ,  degui- 
fé  fous  le  nom  d’un  etranger ,  eft  D. 
Jofeph  de  Salazar  ,  Chevalier  de  S. 
Jacques ,  du  Conleil  des  Ordres  du 
Roy  ,  Hiftoriographe  d’Efpagne  ÔC 

des  Indes.  Garc 

Origen  de  los  Indios  de  el  Nuevo  Mon-  Barcia. 
do  ÿ  e  Indus  Occidentales  ,  ayeriguado 


17** 


LISTE  DES 

€ûH  difcurfo  de  opimones  ,  por  el  Pedro 
pre font  ado  Fr.  Gregono  Garcia  de  la 
Orden  de  Predàcadores.  Tratan  fe  en  efie 
Libro  varias  cofasy  puntos  curiofos  ,  to¬ 
cantes  à  diverfas  ciencias  ,  y  facultades  , 
conque  fe  varia  hiftoria  de  nrncho  gufto 
para  el  ingenio  y  entendimientodehom- 
bres  agudos y  curiofos.  Segunda  impre- 
fion  emendada ,  y  anadida  de  algunas 
opiniones  ,  o  cofas  notables  ,  en  mayor 
prueba  de  lo  que  contiene ,  con  très  ta¬ 
blas  mui  pontuales  de  los  capitulos ,  de 
las  materias  ,y  Autores ,  que  las  tra - 
ten  :  dirigido  al  Angelico  Dottor  S. 
Thomas  de  Aquino  ,  con  privilegio 
real.  En  Madrid,  en  la  imprefa  de 
Francifco  Martinez  Abad.  Folio. 
1729. 

L’Ouvrage  du  Pere  Garcia  impri¬ 
mé  en  1 6 07.  à  Valence  en  Efpagne  , 
en  un  volume  in-quarto,vcvtc  les  addi¬ 
tions  de  l’Editeur ,  qui  eft  l’Auteur  de 
l’Enfayo  Cronologico  para  la  Hijloria 
general  de  la  Florida  ,  eft  devenu  un 
Volume  in-folio  à  deux  colonnes.  Aufti 
tout  ce  qu’on  a  jamais  imaginé  fur 
l’origine  des  Amériquains ,  ôc  fur  la 
maniéré,  dont  ce  Nouveau  Monde  a 
été  peuplé  ,  s’y  trouve  ramafté  ,  &  ex- 
pôle  avec  une  érudition  infinie ,  mais 
qui  n’eft  pas  toujours  nécelfaire. 

'S-  Methode pour  étudier  I  Hijloire ,  avec 
y. K  un  catalogue  des  principaux  Hiftoriens  , 

■  '  &  des  remarques  fur  la  bonté  de  leurs 

Ouvrages  ,  &  fur  le  choix  des  meilleures 
éditions  ,  par  M.  l’Abbé  Lenglet  du 
Frefnoy ,  nouvelle  édition  ,  augmentée  & 
ornée  de  Cartes  géographiques.  A  Paris 
chez.  Pierre  Gandouin,  Quay  des  Au- 
guftins ,  a  la  Belle  Image.  Quatre  Vo- 
lumes  in-quarto.  Tout  ce  que  l’on  peut 
dire  de  cet  Ouvrage  par  rapport  à 
mon  fuiet ,  c  eft  que  l’Auteur  eft  bien 
peu  au  fait  de  l’Hiftoire  du  Nouveau 
Monde  ,  &  de  ceux ,  qui  en  ont  écrit 
efty.  julqu’a  prefent. 

3  ».  The  natural  Hiftori ,  ôcc.  Hijloire 


AUTEURS.  Jix 

naturelle  de  la  Caroline  ,’de  la  Floride  & 
des  IJle s  Bahama  ,  contenant  les  Dejfeins 
des  Oifeaux  ,  Animaux ,  Poijfons  ,  Ser- 
pens,  Infedes  &  Plantes  :  &  en  particu¬ 
lier  des  arbres  des  Forets ,  arbrijfeaux  & 
autres  Plantes  ,  qui  n  ont  point  été  décri¬ 
tes  jufqu  à  prefent  par  les  Auteurs ,  ou  peu 
exactement  dejfmés ,  avec  leur  defeription 
en  François  &  en  Anglois  ;  a  quoi  on  a 
ajouté  des  Obfervations  fur  l’Air ,  le  Sel 
&  les  Eaux  i  avec  des  Remarques  fur 
l' Agriculture ,  les  Grains  ,  les  Légumes, 
les  Racines ,  &c.  Le  tout  eft  précédé  d’une 
Carte  nouvelle  &  exacte  des  Pays,  dont  i! 
s’agit ,  par  M.  Catelby  ,  de  la  Société 
Royale.  T.  I.  Londres  1731.  &  fe  vend 
à  Paris  chez.  Hippolyte  -  Louis  Guérin  , 
rue  S.  J acques,  a  S.  Thomas.  Il  en  a  paru 
depuis  un  fécond  volume.  Les  Figu¬ 
res  font  toutes  avec  les  couleurs  natu¬ 
relles.  La  plupart  des  Animaux  &c  des 
Plantes ,  dont  il  y  eft  parlé ,  fe  trou¬ 
vent  dans  la  Nouvelle  France,ou  dans 
la  Louyfiane. 

Introduction  a  l’Hiftoire  de  l’Afte  ,  de 

l  Afrique  &  de  l’ Amérique ,  pour  fer vir  _ - 

de  fuite  a  l  Introduction  a  l’ Hijloire  du  »7$f« 
Baron  de  Pufendorf ,  par  M.  Bruzen  la 
Martiniere  ,  Géographe  de  Sa  Majefté 
Catholique.  A  Amfterdam  ,  chez.  Za¬ 
charie  Châtelain  ,  deux  volumes  in-dou- 
ze  1 7  5  5 .  Dans  le  fécond  volume  de 
cette  continuation  l’Auteur  parle 
avec  beaucoup  de  précifion  &  d  exa¬ 
ctitude  des  découvertes  8c  des  éta- 
blilfemens  des  François  ,  Anglois, 
Hollandois,  Suédois ,  &  Danois  dans 
les  Ifles  &  le  Confinent  de  l’Améri¬ 
que  Septentrionnale.  Il  tranche  néan¬ 
moins  un  peu  court  fur  l’Hiftoire  de 
la  Nouvelle  France.  Il  n’a  pas  non 
plus  fuivi  les  meilleurs  Mémoires  fur 
la  découverte  du  Miciftipi ,  non  plus 
que  fur  les  découvertes  ôc  les  établit- 
lemens  des  Anglois  dans  le  Nord  du 
Canada  ,  Sc  Spécialement  dans  la 
Baye  d’Hudlon. 

h  ij 


\ 


Lenglet 
du  F  ref- 
noy. 


J7J6. 


LeonPi 

nelo 

Barda. 


J737' 


Ix  LISTE  DES  AUTEURS. 

Aiétkode  pour  étudier  la  Géographie ,  critique  des  Auteurs ,  qu'il  ne  sftrft 
ou  l’on  donne  une  defcriptionexatte  de  IV-  pas  permife.  Il  eft  étonnant  que ,  cet 
nivers, formée  fur  lesobfervations  del’A-  article  retranché,  l’Ouvrage  ait  fi 
cadémie  Roiale  des  Sciences,  avecunDif-  prodigieufement  groffi  entre  fes 
cours  préliminaire  fur  l’étude  de  cette  mains  j  mais  il  auroit  pu  s’épargner 
fcience,  &  un  catalogue  des  Cartes  géo-  au  moins  les  trois  quarts  de  la  peine  > 
graphiques,  desrelations,  vdiages,  &  def  qu’il  a  prife  ,  en  fe  bornant  aux  Ou- 
criptions  les  plus  nécejfaires  pour  la  Géo-  vrages  imprimés  8c  manufcrits,  qu’on 
graphie. Par M. l’Abbé Lenglet  duFref-  doit  s’attendre  de  trouver  dans  une 
noy  ,  cinq  volumes  in-douz.e  ,  fécondé  pareille  Bibliothèque  ,  en  lui  otant 
édition.  A  Paris  chez.  Rollin  fils  &  de  même  le  titre  d’Ejaitome ,  qui  ne  con- 
Bure  l’aîné ,  Quay  des  Auguftins  173  6.  vient  nullement  a  celle  ci.  Au  relie 
Il  s’en  faut  bien  que  l’exécution  de  on  y  trouvera  beaucoup  d’ordre.  Les 
cet  Ouvrage  réponde  aux  promelfes  Auteurs  y  font  aifés  à  trouver  dans  les 
annoncées  dans  le  titre  ,  8c  aux  re-  Tables  ,  &  rangés  dans  le  corps  du 
flexions  judicieufes  de  l’Auteur  dans  Livre  fous  le  titre  des  Pays  ,  dont  ils 
fon  difcours  préliminaire.  M.  l’Abbé  ont  parlé  ;  mais  les  noms  propres  y 
Lenglet  du  Frefnoy  femble  n’avoir  pas  font  fouvent  défigurés, 
même  lu  les  Livres,  qu’il  cite  tou-  Principes  de  l’Hifloire  pour  V educ a- 
chant  l’Hiftoire  du  Nouveau  Mon-  tion  par  années  &  par  leçons ,  par  M.  noy. 

de,  8c  ne  choifit  pas  bien  toujours  l’Abbé  Lenglet  du  Frefnoy.  Six  volu - 

ceux  ,  qu’il  doit  citer.  mes  in-douze.  Première  année  a  Paris 

Epitome  delà  Bihliotheca  Oriental  y  chez.  Mufle  r  Pere  ,  Quay  des  Auguf  t 
Occidental ,  nauticay  geograpbica  de  I).  tins  à  l’Olivier  1736.  Seconde  &  trot- 
’  Antonio  de  Leon  Pinelo ,  del  Confejo  fiéme  année  ,  chez,  le  même  deux  volumes 
de  Su  Mageftad  en  la  Cafa  de  la  Con-  1757.  Quatrième  année  ,  chez.  Rollin 
tractation  de  Sevilla,y  Coronifla  May  or  Fils  ,  Quay  des  Auguf  ins  a  S .  Athana- 
de  las  Indtas  y  anadido y  enmendado  fe  1737.  Cinquième  année ,  chez,  de 
nuevamente  ,  &c.  trois  volumes  in-fo-  Bure  l'aîné  ,  Quay  des  Auguf  ms  a  S. 
lio  a  trois  colonnes  ,  a  Afadrid  de  Pim -  Paul  1737-  Sixième  année  ,  chez,  le  mê- 
primerie  de  François  Martinés  Abad.  me  1739.  Ce  font  des  abrégés  d’Hi- 
Rué del’  Olivo  baxo.  1737.  ftoire  aflez  bien  faits.  Mais  par  rap- 

L’épitome  de  D.  Antonio  de  Leon  port  à  mon  Ouvrage  ,  je  n’y  ai  rien 
Pinelo  fut  imprimé  à  Madrid  en  trouvé.  L’Auteur  y  a  fait  moins  de  fau-  • 

1 619.  in-quarto .  il  y  déclaroit  dans  fa  tes  au  fujet  du  Nouveau  Monde,  par- 
préface  que  ce  netoit  que  l’abregé  ce  qu’il  n’en  a  prefque  point  parlé 
d’un  plus  grand  Ouvrage,  qu’il  fe  pas  même  dans  le  dernier  volume,  qui 
promettoit  de  donner  au  Public  ,  8c  regarde  l’Hiftoire Ecclefiaftique ,  à  la- 
dans  lequel  il  fe  propofoit  de  dire  fon  quelle  le  Nouveau  Monde  fonrnifloit 
fentiment  fur  tous  les  Ecrivains  ,  qui  cependant  une  aflez  ample  matière, 
ont  écrit  fur  les  IndeS.  Les  grandes  J’ai  encore  profité  de  deux  manuf- 
affaires ,  dont  il  fut  toujours  occupé  crits  ,  dont  le  premier  m’a  été  com- 
dans  la  fuite  ,  ne  lui  ont  apparent-  muniqué  par  M.  Begon,  Intendant  du 
ment  pas  permis  d’exécuter  fon  pro-  Havre  ,  lorfqu’il  etoit  Intendant  de 
jet ,  8c  il  ne  l’a  été  qu’en  1737.  parle  la  Nouvelle  France.  Il  eft  d’un  voya- 
fçavant  8c  infatigable  D.  André  Gon-  geur  de  Canada ,  nommé  Nicolas  Pe- 
zalez  de  Bar  cia ,  à  l’exception  de  la  rot  ,  qui  a  parcouru  longtems  preC 


I 


\ 


LISTE  DES 

cjue  toute  la  Nouvelle  France,  qui  y 
a  été  fou  vent  employé  par  les  Gou¬ 
verneurs  Généraux ,  à  caufe  de  fon 
habileté  à  manier  l’elprit  des  Sauva¬ 
ges  ,  dont  il  parloit  toutes  les  lan¬ 
gues  ,  ôc  qui  s’étoit  inftruit  avec  foin 
de  leurs  ulages.  Il  étoit  d'ailleurs  hom¬ 
me  de  beaucoup  d’elprit. 

J'ai  reçu  l’autre  de  M.  d’Artaguet- 
te ,  qui  a  été  Commiflàire  Ordonna¬ 
teur  de  la  Louyhane ,  &  qui  le  tenoit 
d’un  nommé Penicaut  ,  lequel  a  de¬ 
meuré  20.  ans  dans  ce  Pays ,  &  y  a 
voyagé  pendant  tout  ce  tems-là.  Ce- 
toit  un  homme  de  bon  le  ns,  qui  s’étoit 
acquis  un  grand  crédit  fur  la  plupart 
des  Sauvages  de  ce  Continent ,  ôc  qui 
a  rendu  de  bons  fervices  à  la  Colonie. 
J’ai  trouvé  dans  ces  deux  manufcrits 
bien  des  éclairciftemens  ,  que  j’avois 
envain  cherché  dans  les  Livres  impri¬ 
més. 


Cependant  il  y  auroit  eu  de  grands 
vuides  dans  mon  Hiftoire  ,  lî  je  n’a- 
vois  trouve  de  quoi  les  remplir ,  dans 
les  pièces  originales ,  qui  fe  confer- 
vent  au  dépôt  de  la  Marine ,  dont 
la  garde  étoit  confiée  à  feu  M.  de  Cle- 
rambaut  Généalogifte  des  Ordres  du 
Roy-  J’en  ai  encore  tiré  une  grande 
utilité ,  c’eft  qu’elles  m  ont  fervi  de 
guides  pour  pouvoir  prendre  Pure¬ 
ment  une  vraye  route  ,  lorfque  les 
Auteurs  ,  que  je  confultois ,  me  met- 
toient  en  danger  de  m’égarer.  A  la 
vérité  toutes  ces  pièces  ne  font  pas 
egalement  autentiques  }  mais  outre 
qu’en  les  lifant  avec  attention  ,  Ôc 
confrontant  les  unes  avec  les  autres  , 
ontrouve  aifémentà  quoi  s’en  tenir, 
h  y  en  a  un  très-grand  nombre  ,  dont 
fi  n  eft  pas  poihble  de  révoquer  en 
doute  1  autorité.  Telles  font  en  parti¬ 
culier  les  lettres ,  que  M.  le  Cheva¬ 
lier  de  Callieres  écrivoit  régulière¬ 
ment  chaque  année  aux  Miniftres 
dans  le  tems ,  qu’il  étoit  Gouverneur 


AUTEURS.  kj 

de  Montreal ,  ôc  après  qu’il  eut  été 
charge  du  Gouvernement  générai  de 
la  Nouvelle  France.  On  y  voit  un 
Officier  intelligent ,  fincere ,  impar¬ 
tial  ,  allant  uniquement  au  bien ,  ôc 
l’on  y  trouve  ordinairement  l’éclair- 
ciflement  des  doutes  ,  qui  fiirvien— 
nent  en  lifant  les  dépêches  des  Gou¬ 
verneurs  Généraux  ôc  des  Intendans , 
prefque  toujours  peu  d’accord  entre 
eux.  Ces  mêmes  dépêches  ,  furtout 
celles  des  premiers  Gouverneurs ,  de 
MM.  de  Denonville  ,  de  Frontenac  , 
de  Vaudreuil  ,  de  Champigni,  de 
Beauharnois  ,  Raudot  ôc  Begon  font 
d’ailleurs  le  véritable  fond,  ou  j’ai 
puifé  tout  ce  qui  regarde  le  Gouver¬ 
nement  politique  ôc  militaire  de  la 
Nouvelle  France  ;  ôc  je  puis  dire  à 
proportion  la  même  choie  des  Com- 
mandans  particuliers,  ôc  de  ceux,  qui 
ont  gouverné  la  Louÿlîane  ,  depuis 
quelle  fait  un  Gouvernement  indé¬ 
pendant. 

Le  dépôt  des  Plans  delà  Marine 
ne  m  a  pas  ete  moins  utile,  pour  ce 
qui  regarde  la  partie  géographique 
de  mon  Ouvrage.  Il  m’étoit  même 
encoie  plus  neceftaire  ,  parceque  je 
n  aurois  pas  trouvé  ailleurs  dequoi  y 
fuppléer .  On  jugera  par  le  grand  nom- 
biede  Plans  ôc  de  Cartes,  dont  cet 
Ouvrage  eft  enrichi  ,  quel  thréfor 
renferme  ce  depot.  J  ai  obligation  de 
ce  que  j  ai  tire  de  1  un  ôc  de  l’autre  , 
premièrement  a  M.  le  Comte  de  Mau- 
repas  ,  qui  a  bien  voulu  m’en  permet¬ 
tre  l’entrée  ,  enfuite  à  M.  de  Cle- 
rambaut  pour  le  premier  ;  à  M.  le 
Chevalier  d  Albert,  qui  à  la  direétion 
du  fécond.  Le  Public  comprendra 
auffi-bien  que  moi  que  toutes  les  ri- 
cheftes  de  ce  dernier  avoient  befoin 
pour  êtte  mifes  en  ordre  d’une  auffi 
habile  main ,  que  celle  de  M.  Bellin 
Ingénieur  en  Chef  dans  ce  dépôt. 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  AUTEURS. 


ACofta.  xlvj 

Alegambe.  1] 
Andrada.  lj 

^  Arcia.  Iviij.  lix 
Bellin.  Ixj 
Benzoni.  xliv 
Blaeu.  xlj 
Le  Blanc.  1 
Boucher,  lj 
Brebœuf.  xlviij 
Breflani.  1 

Artier.  xlvj 
Caresby.  lix 
Challus.  xliv 
Champlain.  xlvij 
De  Charlevoix.  ij 
De  la  Chafle.  Ivij 
Le  Cholenec.  Ivj 
Citry  de  la  Guette,  liij 
Le  Clercq.  liv 
Corneille,  xlj 
Du  Creux,  lj 

£)Avity.  xlj 
De  Lille.  xliv 
Denys.  lj 
Dudley,  xlj 
Du  Halde.  Ivj  lvij 

f  Robisher.  Iviij 

G  Arcia.  ix 
Garcilaflo  de  la  Vega.  xlv 
Geudreville .  xlij 
Gilbert,  lvij 
Gofnol.  lvij 
Grotius.  xlix 

p^Ennepin.  mi 
Herrera.  xlv 
La  Hontan.  lv 
Hornius.  1 
Hudfon.  lij 

jEremie.  lvij 
Jefuites.  xlviij 


Le  Jeune,  xlviij  1 
Joutel.  Ivj 
Jouvenci.  Ivj 

La*.  xlviij 
Laffitau.  Iviij 
Laudonniere.  xliv 
Lenglet  du  Frefnoy.  xliij  Ix 
Lefcarbot.  xlvij 

M  Arets.  Ivj 

Marie  de  l’Incarnation.  lij 
Marquette,  liij 
Martin,  lij 
La  Martiniere.  xlij.  lix 
Maty.  xlj 
Mercator.  xlj 
Mercure  François,  xlviij 
Le  Moyne  de  Morgues,  xlv 
Moreri.  xliv 

N  Adafi.  lj 

Pe  nicaut.  Ix 
Le  Petit.  lvij 
Perrot.  Ix 
Pinelo.  Ix 
PoilTon.  1 
La  Potherie.  Iviij 
Prince,  lvij 

Amufio.  xlvj 
Rafle.  Ivj  lvij 
Richelet.  xlv 
Robbe.  xlij 

SAgard.  xlix 
S.  Vallier.  liv 
Salazar.  Iviij 
Société  de  Montreal,  lij 
Solis  de  las  Meras.  xlv. 

X  Anner.  lij 
Thevet.  xlj 
Tonti.  lvij 

*\^  Erazani.  xlvj 

De  Whire.  lvij 


# 


PERMISSION  DV  R.  P.  PROVINCIAL . 

JE  fo ufligné  Provincial  de  la  Compagnie  de  Jefus  en  la  Province  de  France 
iuivant  le  pouvoir,  que  j ai  reçu  de  notre  R.  P.  Général ,  permets  au  P 
Pierre-François-Xavier  de  Charlevoix ,  de  la  même  Compagnie  ,  de  faire  im* 
primer  un  Livre  intitulé  Hiftoire  &  D e fer ipt ion  générale  de  la  Nouvelle  France 
qu  il  a  compofe  &  qui  a  été  approuvé  par  trois  Théologiens  de  notre  Corn" 
pagine.  En  foi  de  quoi  j’ai  ligne  la  prélente.  A  Moulins  ce  1 3.  Juillet  1740. 

JEAN  LAVAUD 
de  la  Compagnie  de  Jésus. 


approbation . 

T  A  1  lu  par  ordre  de  Monfeigneur  le  Chancelier  un  Manufcrit,  qui  a 
J  poui  tme  ,  Hiftoire  &  Defcnption  de  la  Nouvelle  France  ,  par  le  P.  de 

If  & ]  ^  CrU  qU  °n  Cn  Pouvoit permettre l’impreffion.  A  Verfailles 

üe  revuer  1741.  .  HARDION. 


PRIVILEGE  D  V  ROT 


L 


,  rnYJ' n  Par  Z3  5raCC  de  Dieu  ’  Roi  de  France  &  de  Navarre  ,  à  nos  amez  &  féaux 
p  v  autres  nos  Jufitcters  qu  il  appartiendra,  Salut.  Notre  bien  amé 

fane  m  1  ?  neceilanes.  A  ces  Causes,  voulant  traiter  favorablement  ledit  expo- 

oTvrWe  cidela;rümiS&  ^  ces  Prefe™es  de  faire  imprimer  Tedk 

autantgde  fl  ou-  fcfÆf  ?  m°U  Plurfîeurs  volumes  conjointement  ou  fepLément ,  & 
impiimt  &  at,«hfc  Dôür  m“î^rar’  Çap‘Cr 31  caraûcres  conformes  à  ladite  feuille 
faiL  vYndY  ÏIk  P°Urmodele  fousIc  Contre-Scel  des  Préfentes,  &  de  le  vendre 
tives  à  ImnYYî  par  tout  notre  Roiaume  pendant  le  tems  de  neuf  années  confecu- 
perfonnY  deP  \  U,Cmr  r*'  3  date  deldices  Pfeiêntes  ifaifons  defenfes  à  toutes  fortes  de 
£  e &  d’en  introduire  d’impreiliot  tan! 

IStres  f  ^ -C  °l’ClfranCC  1  C°mme  anflIà  tolls  Libraires  ,  Imprimeurs  & 

Ouvrage  ci -«E  !  ’  impUmer>  venirf  faire  vendre  ,  débiter  ni  contrefaire  ledit 

pretexfe  que  ce  fnir!î>P°  C°  tOUt  "l  60  Fame  J  ni  d  en  faire  aucuns  extraits,  fous  quelque 

fa  permiflion  exor  <T  a“gme?tatl°n  \ corrcftion  ,  changement  de  titre  ,  ou  autrement,  fans 

deconfîfcation  &  pa.r  ?cm dudlt  FxPofant> ou  de  ceuxJ  4U1  auront  droit  de  lui,  à  peine 
deconfîfcation des  Exemplaires  contrefaits,  de  trots  mille  livres  d’amende  contre  chacun 


des  Contrevenais  ,  dont  un  tiers  à  nous ,  un  tiers  à  THôtei-Dieu  de  Paris  ,  l'autre  tiers  au¬ 
dit  Expoifant,  &  de  tous  dépens,  dommages  &  interets,  à  la  charge  que  ces  Prefentes  feront 
en  régi  urées  tout  au  long  fur  le  Regiftre  de  la  Communauté  des  Libraires  5c  Imprimeurs  de 
Paris  dans  trois  mois  de  la  date  d’icelles-,  que  l’impreflion  de  cec  Ouvrage  fera  faire 
dans  notre  Iloiaume  8c  non  ailleurs ,  5c  que  l’Impétrant  fe  conformera  en  tour  aux  Regle- 
mens  delà  Librairie  ,&  notamment  à  celui  du  dix  Avril  mil  fept  cens  vingt  cinq  ,  & 
qu’avant  que  de  l’expofer  en  vente,  le  Manufcrit  ou  Imprimé  ,  qui  aura  fervi  de  copie 
a  l’impreflion  dudic  Ouvrage  ,  fera  remis  dans  le  même  état  où  l’Approbation  y  aura  été 
donnée  ,  ès  mains  de  notre  très-cher  &  féal  Chevalier  ,  le  Sieur  DaguefTeau  ,  Chancelier  de 
France  ,  Commandeur  de  nos  Ordres ,  &  qu’il  en  fera  enfuite  remis  deux  Exemplaires  dans 
notre  Bibliothèque  publique  ,  un  dans  celle  de  notre  Château  du  Louvre  ,  Sc  un  dans  celle 
de  notre  très-cher  8c  féal  Chevalier  le  Sieur  DaguefTeau  ,  Chancelierde  France,  Comman¬ 
deur  de  nos  Ordres  ,  le  tout  à  peine  de  nullité  des  Prefentes  ;  du  contenu  defquelles  vous 
mandons  5c  enjoignons  de  faire  jouir  l’Expofanc  ou  fes  aiant-caufe  ,  pleinement  5c  paifi- 
blement ,  fans  fouffrir  qu’il  leur  foit  fait  aucun  trouble  on  empêchement:  vou  ons  que  la 
copie  defdites  Prefentes, qui  fera  imprimée  tout  au  long  au  commencement  ou  a  la  fin  dudit 
Ouvrage,  foit  tenue  pour  duëmenc  fignifiée  ,  5c  qu’aux  copies  collationnées  par  l’un  de 
nos  amez’ 8c  féaux  Confeillers  &  Secrétaires  foi  foit  ajoutée  comme  à  l’original.  Cora- 
mandons au  premier  notre  Huiffier  ,  ou  Sergent  de  faire  ,  pour  l’execution  d’icelles,  tous 
aéfes  requis  5c  neceflaires ,  fans  demander  autre  permiflion  ,  5c  nonobltant  clameur  de 
Haro  ,  Chartre  Normande  ,  5c  Lettres  à  ce  contraires  ,  Car  tel  efl:  notre  plaifir.  Donne’  à 
Paris  le  trentième  jour  de  Mars  l’an  de  grâce  mil  fept  cens  quarante-un,  5c  de  notre  Règne 
le  vingt-fixiéme.  Par  le  Roi ,  en  fon  Confeil.  S  A  I  N  S  O  N. 

Regifiré  furie  R  egiflre  dix  de  la  Chambre  Royale  des  libraires  &  Imprimeurs  de 
4Î>J.  fol.  49 1.  conformément  aux  anciens  Reglemens  confirmés  par  celui  du  18  février  lyt)- 
y{  Paris  ce  8  May  X741.  SAUGRA1N,  Syndic. 


TABLE 


/y» 

HISTOIRE  ABRÉGÉE, 

ou 

TABLE  DES  SOMMAIRES 

DU  PREMIER  TOME. 


LIVRE  PREMIER. 


]T\  E  s  s  E  i  N  de  cet  Ouvrage,  Découverte  de  Terre- Neu- 
ve*  Première  navigation  des  François  en  Amérique,  P re- 
n ùer  voyage  de  Veraqani .  Son  fécond  voyage.  Son  pre¬ 
mier  debarquement .  Aventure  fmguliere  F  un  de  fis  Matelots.  Ve- 
r^am périt  dans  un  troifiéme  voyage  ,  fans  quonfiache  comment . 
premier  voyage  de  Jacques  Cartier.  Il  retourne  en  France.  Son 
J econd  voyage.  Defcription  du  Port  de  S.  Nicolas.  Origine  du 
nom  de  S.  Laurent  3  que  portent  le  Golphe  &  le  Fleuve  de  Ca¬ 
nada.  De  rifle  dé Anticofly  &  du  Saguenay.  De  rifle  dOr- 

jnns\  ^  RlVLere  de  Sainte  Croix  ,  ou  de  Jacques  Cartier, 
fie  de  Montreal.  Du  Vfillage  d Ho chelaga.  Réception  ,  quon  y 
If  J  François.  Cartier  vifite  la  Montagne  3  qui  e  fl  dans  cette 

J  e.  O/igine  du  nom  de  Montreal.  Le  fiorbut  fait  périr  une  par¬ 
tie  des  François.  Idée  3  que  Cartier  donne  à  François  1 .  duCa- 
nada.  Jugement  fur  fis  Mémoires.  On  néglige  en  France  le  Ca¬ 
nada.  Remarques  fur  quelques  endroits  des  Mémoires  de  Car¬ 
tier.  hommes  noirs  dans  le  Nord  du  Canada.  Des  Pygmées  de 
lerre-Neuve.  Des  Habitans  du  Notd  de  la  Baye  dHudfon  ; 
de  leur  manière  de  naviguer  ajfil  femblahle  d  celle  des  Eskimaux. 
çî  adl  une  Efilave  de  la  N ztion  de  ceux  -  ci  raporte  de  quelques 
Hommes  monftrueux.  M.  de  Roberval  eft  nommé  Viceroy  du 
Umada.  Son  premier  voyage  en  ce  Pays.  Son  fécond  voyage, 
yn  dernier  voyage  où  lui  &  fin  Frere  périffent.  Expédition  °au 
jyu1 1  f.  ^  ce  T11  faR  zdiouer , .  L  Amiral  de  Coligni  entreprend 
d  établir  une  Colonie  Franc oifi  &  Calvinifte  en  Floride.  Eten- 

/r /r  **  fa?S’J¥'^e  Rlhaut  CIief  de  VEntreprifi.  Il  prend 
pojfijfiofi  de  la  Floride  Françoifi .  Ses  découvertes .  Il  bâtit  un 
lome  I.  c  i 


j 


x  T’AB  L  E 

Fort .  Defcription  de  la  Floride  Franco ife.  D’où  venoient  les  ri¬ 
che  (Tes  des  Floridiens.  Caractère  de  ces  Peuples .  Leur  Religion 
&  leurs  mœurs .  Honneurs  ,  qu’ils  rendent  a  leurs  Chefs.  Des  Mi¬ 
nières  de  la  Religion.  Des  Animaux  3  qifo on  trouve  dans  le  1  ays „ 
Des  Arbres  ,  qui  lui  font  particuliers.  DuSaffafras.  Des  Sim¬ 
ples.  M.  de  Ribaut  retourne  en  France.  Fete  (inguhere  des  rlo- 
ridiens,  Mauvaife  conduite  du  Capitaine  Aloert  s  qui  comman¬ 
dait  en  Floride  à  la  place  de  M.  de  Ribaut.il  eft  tue  par  fes  Gens . 
Extrémité  ,  où  la  Colonie  eft  réduite.  Les  François  s  embarquent 
pour  retourner  en  France.  Ils  mangent  un  demreux.  Ce  qu  ils 
deviennent.  Nouvel  armement  pour  la  Floride.  M.  de  Laudonme- 
re  arrive  en  Floride.  Vénération  des  Sauvages  pour  les  Ar¬ 
mes  de  France.  M.  de  Laudonniere  fait  reconnaître  les  environs 
de  la  Riviere  de  May.  Beauté  du  Pays.  Les  François  Je  laijjent 
perfuader  qu’il  y  a  des  Mines  en  Floride.  Ils  s’engagent  mal  a 
propos  dans  une  guerre.  Ils  continuent  a  découvrir  le  Pays.  Ils 
délibèrent  Curie  lieu  de  leur  Etabliffement.  Fort  de  la  Caroline. 
Erreur  des  Hiftoriens  &  des  Géographes^  a  cefiujet.  Defcription 
de  la  Caroline.  Conduite  des  Sauvages  a  l  egard  des  François. 


livre  second. 

AT  OuVELLES  découvertes  dans  la  Floride  Françoifte.  Biqarre 
i  V  coutume  des  Sauvages.  M.  de  Laudonniere  refufe  d’ accom¬ 
pagner  un  Chef  Sauvage  a  la  guerre.  Cérémonie  des  Floridiens 
pour  Ce  difoofor  a  entrer  en  Campagne.  Vicloire  de  Saturiova.  Ce 
qui  Je  paffe  entre  lui  &  M.  de  Laudonniere  au  fiujet  des  Pri- 
fonniers  de  ce  dernier.  Tonnerre  extraordinaire  &  fis  effets .  Idee 
des  Sauvages  for  cela.  Comment  Mi.  de  Laudonniere  en  pioftte. 
M.  d’Erlach  avec  dix  François  fait  gagner  une  grande  vicloire 
a  un  Chej  Sauvage.  Sédition  a  la  Caroline.  Fermete  de  JM.  de 
Laudonniere.  P lufteurs  François  difparoiffent.  Les  Mutins  veu¬ 
lent  aller  en  courfe.  Ils  forcent  M.  de  Laudonniere  a  leur  ftgner 
une  Commijfton.  Ils  fe  divifent  ;  une  partie  fe  perd.  Les  autres 
font  quelques  prifes.  Ce  qui  leur  arrive  a  la  Jamaïque.  Retour  de 
quelques-uns  a  la  Caroline.  Punition  des  plus  Coupables.  Nou¬ 
velles  découvertes .  Aventure  de  deux  Efpagnols.  Diverfes  notices 
fur  les  Habitans  du  Cap  de  la  Floride.  M.  de  Laudonniere  f  ait 
'la  paix  entre  les  Sauvages  :  il  fe  précautionne  &  fe fortifie.  Nou¬ 
velles  découvertes.  La  guerre  recommence  entre  les  Sauvages.  M. 


DES  SOMMAIRES.  xf 

de  Laudonniere  envoyé  du  fecours  à  un  Chef  Allié.  Victoire  de 

Cdufrhîl la’]k  moXm rde.s  n9°f-.  Extrémité,  oà  la  famine  ré¬ 
duit  la  Colonie.  Confeil  violent  donné  à  M.  de  Laudonniere.  Les 

faites  ,  qu  il  eut  Des  Anglois  arrivent  en  Floride:  ce  qui  Ce 
paiïe  entr  eux  f  ies  François.  Arrivée  de  M.  de  Ribauten  Flo¬ 
ride.  Motifs  de  fan  voyage.  Chefs  d’accufation  contre  M.  de 
Laudonmere.  Rangers,  que  courut  la  Flotte  ,  avant  que  d' ar¬ 
river  en  Floride.  M.  de  Laudonniere  veut  repaffier  ,  en  France 

ïau7tlUn/  F /y0!*1?15  ’  Ve  Es  Sauvages  font  à  M.deRi’. 
haut.  Une  Efcadre  Efpagnole  arrive  a  la  vue  de  celle  de  Fran- 

ce  Caractère  de  celui  ,  qui  la  commandait.  Occafion  de  fan  voïage, 
h$e!t-S  fndmon.s,  lL.  trram  ave<s  le  Roy  fan  Maître.  On  reçoit 

Fhridc" RénnVtde  dufi,C0UrS  >  UfapFparoît  en  France  pour  la 
1 ,  fit  ReJiUUo"  >  quony  prend  â  ce  fui  et.  Départ  du  Gé¬ 
néral  Menendeq  ;  état  de  fis  forces.  Sa  Flotte  eft  dijperfée  II  dé¬ 
libéré  far  ce  qu'il  doit  faire.  Il  découvre  la  AorJ.Ilale, nd 
des  nouvelles  des  François  II  donne  à  la  Riviere  des  Dmphins 

François  C  Auëfia'nfaJ/fi,  «  attaquer  les  Vaijfeaux 

tfifi  C  qmfe  pafte  entr  eux  &  M.  Il  attaque  les  Navi¬ 
res  François,  qui  lui  echapent ,  &fa  retire  dans  la  Riviere  de 

MdWh"  Confed  der  faerre  t^uà  la  Caroline,  &  [on  avis. 
M.  de  Ribauten  propofe  un  autre.  Il  s'entête  ,  quoiqu'il  fait  feul 
de  fan  avis.  Il  s  embarque  pour  aller  chercher  les  Espagnols.  Me- 
nender  prend  pojfeffion  de  la  Riviere  de  S.  Augu/in  Les  Fran¬ 
çois  font  furpns  d  un  furieux  ouragan  dans  le  moment ,  que  les 
Efaagnots  ne  pouvaient  leur  échaper.  Difcours  de  Menendt  à  [es 
Officiers.  Son  plan  pour  l  attaque  de  ta  Caroline.  Ses  Troupes 
J  mutinent  ; fa  réfaction.  Conduite  feditieufe  d’un  de  fis  Capi- 
taines  Menendeq  marche  vers  la  Caroline.  Ce  que  fan  Annie  a 

adMhLPeKantlraTrC  le;  11  confulte  fis  Officiers  fur  ce  qu'il 
doit  faire.  Reponfe  de  quelques-uns.  Il  eft  d’avis  d’attaquer  la 

dTïaPl  S°nfiT  fraPProfvég  11  fi  difpofe  à  l’attaquer.  Etat 
de  la  Place.  Elle  eft  farpnfe.  Ce  qui  fcpaffe  au  fa  et  de  trois 

Navires  François  ,  mouillés  devant  il  Caroline.  U  qui  arrive 

diftèd,  Iaudo"nlere  aP>.es  iaprife  de  fan  Fort.  Maïvaife  con- 
Les  Fr  UW]  ^^aut‘  M.  de  Laudonniere  arrive  en  France. 

Pendffi  Plufleurs  François.  La  Caroline  efa 
mee  San  Mattheo.  Menendeq  retourne  à  S.  Augutlin  II  y 
eft  reçu  en  triomphe.  Incendies  à  San  Mattheo.  Le  Navire  le  S 
Pelage  enlevé  cardes  François.  Menendeq  apprend deZuvliPe's 
nouvelles  de /a  Flotte.  Naufrage  de  M.  VLatu.  uIZÉl 

b»  *  • 

IJ 


xij  '  T  AB  LE 

clion  entre  les  Hiftoriens  des  deux  Nations .  Aventure  finguliere 
d’un  Matelot .  Verfion  des  Espagnols  fur  ce  qu’il  arriva  après  le 
naufrage  de  M.  de  Ribaut.  Indifférence  de  la  Cour  fur  ce  qui 
étoit  arrivé  en  Floride .  Qui  étoitle  Chevalier  de  Gourgues  ?  Ses 
premières  aventures .  Il  Je  dijpofe  à  chaffer  les  Ejpagnols  de  la 
Floride .  Son  départ  de  France.  Il  arrive  a  l  Ifle  de  Cuba..  DiJ- 
cours  ,  qu  il  tient  à  fes  Gens.  Il  ainve  en  Floride.  En  quelle 
difpofition  il  trouve  les  Sauvages.  Ligue  conclue  entreux  &  les 
François.  Difpofition  pour  l’attaque  de  San  Mattheo .  On  mar¬ 
che  au  premier  Fort.  Sa  prife.  Relie  aéhon  d  un  Sauvage .  Le 
fécond  Fort  efi  abandonne  à  l’approche  des  Sauvages.  Prépara- 
3 tifs  pour  l’attaque  de  San  Mattheo.  On  marche  vers  la  Place.. 
Sa  prife.  Butin,  qu’on  y  fit.  Les  Prisonniers  fontpendus.  Ecri¬ 
teau  mis  au  lieu  de  leur  Jupplice.  Réfléxions  fur  cette  conduite. 
La  Floride  efi  évacuée  par  les  François. >  Le  Chevalier  de  Gour¬ 
gues  arrive  en  France.  Il  court  rifque  d  être  enleve  par  les  EJpa— 
gnols.  Il  efi  oblige  de  Je  tenir  cache.  Sa  moit% 


LIVRE  TROISIEME. 

TENTATIVE  du  Marquis  de  la  Roche  pour  établir  le  Cana¬ 
da  ,  dont  il  avait  été  nommé  Nice-Roy.  Sa  Commijfion.  Son 
Entreprife  échoue \  D efcnption  de  l  Ifie  de  Sable  ,  ou  il  aboi da. 
Fautes ,  qu’il  fit.  M.  Chauvin  lui  fuccéde.  Ses,  voyages.  Fautes  , 
qu’il  fit.  Le  Commandeur  de  Chatte  lui  fuccéde  ,  &  forme  une 
Compagnie.  Il  meurt  peu  de  tems  après.  Premier  voyage  de  M. 
de  Champlain  en  Canada,  M.  de  Monts  entre  dans  les  droits  du 
Commandeur  de  Chatte.  Il  pafiè  en  Acadie.  Defcription  de  ce 
Pays.  Mauvais  Etabliffement  à  l’ Ifle  de  Sainte  Croix .  Incom¬ 
modités  ,  qu’on  y  fouffre.  M.  de  Monts  tranfporte  fa  Colonie  au 
Port  Royal.  Defcription  de  ce  Port,  de  la  Baye  Françoife  # 
de  la  Riviere  de  S.  Jean.  Arbre  fingulier.  Le  Port  royal  concédé 
à  M.  de  P outrincourt.  M.  de  Monts  perd  fin  Privilège  exclufif 
Extrémité  ,  ou  la  Colonie  efi  réduite.  Elle  efi  fecourué  à  pro¬ 
pos.  Fautes  &  malheurs  de  M.  de  Monts.  Defcription  du  Port 
de  Camceaux.  M.  de  Monts  Je  relève  un  peu.  Fondation  de  Que- 
bec.  Le  Roy  Henry  IN.  veut  qu’on  envoyé  des  Jefuites  en  Aca¬ 
die.  Oppofitions  à  l’exécution  de  cet  ordre.  Deux  Jejiiites  arri¬ 
vent  au  Port  Royal.  Caractère ,  mœurs  &  coutumes  des  Sauva- 
oes  de  l’Acadie.  Mauvaife  conduite  de  quelques  François  à  leur 


DES  SOMMAIRES. 


XUJ 


\  fe  trouvent  les  Mifiionnaires  à  fo >; 
fujet .  Sa  mort  édifiante.  Le  P.  B  i  art  vfite  les  Canibas ,  ou  Abé- 


fionnaires  quittent  le  Port  Boy  al ,  &  font  uu  nouvel  Etablif- 
fement nommé  S.  Sauveur.  Defcripdon  de  Pentago'ét.  Obfirva- 
tions  fur  les  Bois  de  ce  Pays.  Situation  de  S.  Sauveur.  Coutu¬ 
mes  extravagantes  des  Sauvages  de  ce  Canton  ,  nommés  Malecites. 
Un  Enfant  moribond  guéri  par  la  vertu  du  Baptême.  Onqe  Na¬ 
vires  Anglais  à  Pentago'ét.  Ils  fe  rendent  les  Maîtres  de  S.  Sau¬ 
veur.  Friponnerie  du  Commandant.  Ce  que  devinrent  les  Fran¬ 
çois  de  S.  Sauveur  apres  laprife  de  ce  Pojle.  Le  Commandant  An- 
glois  avoué  fa  friponnerie  pour  fauver  la  vie  aux  François.  Il 
s’empare  du  Port  Royal.  Diverfes  aventures  des  François  de  A. 
Sauveur .  Belle  action  de  trois  Je  fuites.  Comment  ils  font  reçus 
en  Angleterre.  Fautes  ,  que  firent  tous  ceux  3  qui  avaient  eu  part 
à  V Etabli ffement  de  I Acadie. 


LIVRE  QUATRIEME, 


Belgique.  Suite  de  I Expédition  ...  _ 

de  Champlain.  Peu  de  précaution  des  Sauvages  pendant  la  guer¬ 
re.  Fourberie  des  Jongleurs.  Réfléxion  à  ce  fujet.  Découverte 
d’un  Lac  ,  auquel  M.  de  Champlain  donne  fon  nom.  Lac  du  S. 
Sacrement.  Les  Alliés  &  les  Iroquois  fe  rencontrent  y  &  fi  recon- 
noifiént.  Ils  en  viennent  aux  mains.  Victoire  des  Alliés  ,  &  la 
part ,  qu  y  eut  M.  de  Champlain.  Cruautés  des  Vainqueurs.  Ré¬ 
ception  des  Montagneq  dans  leur  Village  après  leur  victoire .  M. 
de  Champlain  retourne  en  France.  Le  nom  de  Nouvelle  France 
donné  au  Canada.  Seconde  Expédition  de  M.  âe  Champlain  & 
de  fis  Alliés  contre  les  Iroquois.  Ceux-ci  fe  défendent  bien  ,  & 
font  défaits.  Le  Comte  de  Solfions  fe  met  A  la  tête  des  affaires  du 
Canada.  Sa  mort.  M ,  le  Prince  lui  fuccéde  ,  &  prend  la  qua¬ 
lité  de  Vice-Roy  de  la  Nouvelle  France.  Arrivée  des  PP.  Re¬ 
collets  à  Quebec.  Troifiéme  Expédition  de  Champlain  contre  les 
Iroquois.  Maniéré  3  dont  il  faut  je  conduire  avec  les  Sauvages. 


XIV 


TABLE  /T 

Attaque  du  Fort  des  Iroquois  ;  M.  de  Champlain  y  efl  blefle  9 

1  7  9  t  \  ^  A  n  M-  .J*  «4-/1  "F  /  -«4  /*  /T/»  /  ^  A  //•  >  /I  «4  /■  -«A  /I  / /»  Ê}  ^  ^  —  /. 

4? 

s^oLuruc.  j-.u  x^uu-vc^  jl  , u,,^  ejl  fort  négligée.  Le  Maréchal  de 
Montmorency  Vice-Roy  de  la  Nouvelle  France .  Les  Iroquois 

'  7  ncoife .  La  ^ 

’£<?c.  Ze  L 
Cinq  Jefu 

en  Canada.  Un  Pere  Recollet  fe  noyé  3  &  on  foupçonne  les 
Hurons  ,  qui  le  conduiraient  s  F  être  les  Auteurs  de  fa  mort.  Les 
Jefuites  effuyent  de  grandes  contradictions  en  Canada.  Mauvais 
état  de  la  Colonie.  Compagnie  de  cent  AJfociés  pour  I  Etablijfe- 
ment  de  la  Nouvelle  France  ;  à  quoi  elle  s'engage  &  fes  Pri¬ 
vilèges.  Hoflilités  des  Anglois.  Quebec  ejl  Jommé  de  fe  rendre 
à  eux  ;  Réponfe  de  M.  de  Champlain.  Les  Anglois  fe  rendent 
Maîtres  d'une  Ef cadre  Françoife.  Embarras  ,  ou  fe  trouve  M.  de 
Champlain.  Quebec  efl  Jommé  de  nouveau  par  les  Anglois.  A 
quelles  conditions  la  Place  leur  ef  rendue.  Ils  en  ufent  bien . 
La  plupart  des  Habitans  demeurent  dans  le  Pays.  Emery  de 
Caén  ,  qui  venoit  au  fecours  de  Quebec  3  efl  pris  par  les  An¬ 
glois.  Calvinifle  François  Auteur  de  ! Entrepnfe  des  Anglois  y  & 
fur  Guide.  Il  meurt  P hrén  étique.  Mauvaife foy  de  I  Amiral  An¬ 
glois.  Quelques-uns  font  Lavis  de  ne  point  redemander  la  refli- 
tution  du  Canada.  Réponfe  s  à  leurs  raifons.  Sentiment  de  M . 
de  Champlain.  Le  Canada  efl  rendu  à  la  France.  En  quel  état 
il  étoit  alors.  Pourquoi  les  Anglois  avoient  négligé  I  Acadie. 

LIVRE  CINQUIEME. 

71 MONSIEUR  de  Champlain  efl  nommé  Gouverneur  Gêné- 
jL  Y  A.  rnl  si p  In  Nnn-vpHe  France.  Caractère  des  Ur/rnnç.  T. a.  Cnm - 


pagnie  des  cent  AJJociés  ne  veut  point  permettre  que  les  PP* 
Recollets  retournent  en  Canada.  La  conduite  des  Anglois  avec 
les  Sauvages  avait  fait  regretter  a  ceux-ci  les  François.  Plu- 
flieurs  Jefuites  arrivent  à  Quebec  :  fuccès  de  leurs  premiers  tra¬ 
vaux.  Les  Religionnaires  font  exclus  de  la  Nouvelle  France . 
Choix  judicieux  des  premiers  Colons.  Caractère  des  premiers  Mif- 
flonnaires.  Projet  d'un  Etabliffement  au  Pays  des  Hurons.  M. 
de  Champlain  veut  obliger  les  Sauvages  de  mener  cheq  eux  des 
Mijflonnaires.  Ils  le  ref  ufent  ;  caufe  de  ce  refus .  Défauts  &  bon - 


-  ,  DES  SOMMAIRES,  xv 

nés  qualités  des  Hurons.  Origine  de  cette  Nation.  Etendue  & 
nature  de  leur  Pays  Raifons  ,  qui  engageaient  M.  de  Cham- 
plain  a  vouloir  établir  une  Colonie  parmi  eux,  &  celles  des  Mit 
Jionnaires  pour  en  faire  le  centre  de  leurs  Méfions.  Deux  Je 
J f  tes  s  y  transportent.  Un  troifiéme  les  fuit  :  ce  qu’ils  eurent  à 
foufnrdans  le  voyage.  Première  Mifion  fixe  parmi  les  Hu- 
rons.  Difficultés  ,  qu  on  rencontre  à  la  converfion  de  ces  Sauva 
ges.  Conduite  des  Hurons  à  V égard  des  MijJionnaires.  Efforts  des 
Jongleurs  pour  empêcher  le  progrès  de  la  Foy.  Autre f  difficul¬ 
tés.  Merveilles  opérées  &  leurs  effets.  Conduite  des  Miffiwnnai- 
tes.  Ce  quije  pajje  dans  un  Confeil.  Nouvelle  perfécution  .  qui 
s  appaifi  d  abord.  La  parole  de  Dieu  commence  à  fructifier  par¬ 
mi  les  Hurons.  Pourquoi  on  diffère  le  Baptême  de  quelques  Chefs 
Ce  qui  rend  ce  Peuple  plus  docile.  Caractère  des  autres  Nations 
Sauvages.  Progrès  de  la  Religion.  Fondation  du  College  de  Que- 
bec.  Premier  effet  de  cette  fondation.  Monde  M.  de  Ôiamplain. 
Son  caractère  &  fin  eloge.  Le  Chevalier  de  Montmagni  lui  fuc- 
cede.  Projet  dun  Séminaire  pour  les  Enfans  des  Sauvages. 
Grand  nombre  de  Mifionnaires  cheq  les  Hurons.  La  Co&nie 
languit  par  la  faute  de  la  Compagnie  des  cent  .A ffociés.  Les  Iro- 
quois  trompent  les  Hurons  par  une  paix  fimulfe.  La  guerre  re¬ 
commence. Diver Ces  courfes  des  Mifionnaires.  Les  lroquois  in- 
Ju  lent  les  Trois  Rivières.  Maladie  umve, fille  parmi  les  Hurons. 
On  s  mtereffe  en  France  a  la,  converfion  des  Sauvages.  Etablif- 
fement  de  Syllen.  Conduite  édifiante  des  Habitans  de  Quebec. 
Etabhffement  des  Hofpitaheres  &  des  Urfulines.  Receftion 
qu  on  leur  fait.  Leur  ferveur.  Courage  de  Madame  de  ta  Pei¬ 
nte  fondatrice  des  Urfulines.  Premiers  travaux  des  Religieu- 
Jes.  La  Compagnie  de  la  Nouvelle  France  continué  à  négliger  la 
Colonie.  Continuation  de  la  guerre  entre  les  Hurons  &  leî  Iro- 
quois.  Hiftotre  du  premier  lroquois  Chrétien.  Situation  de  la 

Mifion  Huronne.  Aventure finguhere  du  P .  Jerome  Lallemant. 

Souffrances  desMijfionnaires  :  leurs  occupations  :  leur  maniéré 

lN*T'  Rjeflefilons  fur  Us  conventions  des  Sauvages.  Etat  de 

C  //,n  deS  Jrois  ,Rlvlms ,  de  Tadouffac ,  des  environs  du 
vrolphe.  Du  culte  nretendn  ^  ^ 


.  table 

TJ  J un  Etablifi'ement  à  Montreal.  On  commence  à  I exécuter: 
Tradition  fur  les  Anciens  Habitans  de  cette  IJle. 


LIVRE  SIXIEME. 

TORT  de  Richelieu.  Converfions  en  grand  nombre  parmi  les 

pHurons.  Hifioire  d'un  fameux  Capitaine  de  cette  Nation 

<■  vacation  au  Chri (liant (me.  Son  Baptême  &Ja  ffreur.  Re- 

IxJX  leTHaralgues J des  Sauvages  Excur/on  des  Miffion- 

•1  lires  'cher  les  Saulteurs.  Les  Hollandois  fournirent  des  armes 

'&  des  munitions  aux  Iroquois  Indolence  des 

l'ont  furpris  parles  Iroquois.  P lufieurs  font  pris  ,  &  avec  eux 

T JoLsl  deux  autres  François,  qui  fi  la  fnt  prendre  De 

miidlernaniere  ils  font  traités.  Rencontre  d’un Parti ,  alajureur 

df  ;  /  1  sJnrtrtp  T  P  P  J O  °~UCS  tcfllfc  de  TLOUVCdU  de  S  C- 
duquel  on  les  abandonne.  Le  .  ^  •  Villages  fuc- 

vnLr  Les  P  Pionniers  font  tourmentes  dans  trois  V  Mages  juc 

r#„  iL#*  fetefc  «j. 

fato  «Jif.  M?yr,  * 
T)  >  r*  7  T  ?  P  Tnpues  profite  de  fa  captivité  pour  faire  con- 

ces  Sauvages ,  fuivie  de  plufieurs  autres.  Nation  Neutre  détruite 
parles  Iroquois.  Fruits  de  la  Grâce  dans  cette  Nation.  Juflice 
he  Dieu  fur  un  Village  Huron.  Beüe  adion  dé  un  Chrétien  de  la 
même  Nation  ■  les  fuites ,  quelle  eut.  Avis ,  que  kP.  Jogi 
2 Z  au  Gouverneur  GénérLl.  On  fait  £ inutiles  fg  P^a 
délivrance.  Il  apprend  que Ja  mort  eft  refolue.  Un  Officier  iiol 
landois  lui  offre  de  kfluver.  Il  accepte  I offre.  Son  evafion.il  ar- 
fd  Ândterre  &  y  e/l  dépouillé  par  des  Vokurs.  Il  paffe  en 
France. ltdemandfaNapeTlaperJjfionde  dire  la  Méfié  avec 
fes  mains  mutilées.  Réponfe  du  Pape.  Son 

Tourne  en  Canada.  Nouvelles  ,  qu  il  y  apprend  de  fa  Mifiion. 
Ferveur  &  fainteté  des  Hurons.  Converfion  miraculeufe  d  un  Chef 
Alsonquin.  Faveur  des  Mtfiions  Algonquines.  Calomnies  Juf 
fiZ  en  France  aux  Jefuitcs.  La  Compagnie  de  la  Nouvelle 
France  les  juflifie.  Le  P.  Breffam  s’expofe  aun  grand  danger.  I 
efl  pris  par  les  Iroquois.  Ce  qu’il  eut  a  jouffnr  pendant  fa  capti¬ 
vité  IU  fl  délivré,  &  paffe  en  France.  Tri  fie fituation  de  la  Co¬ 
lonie.  LJe  Gouverneur  Général  tâche  de  faire  la  paix 
pois.  Ce  qui  fe paffe  à  cefujet  entre  lut  F  quelques  Hurons  a Ceux-ci^ 


DES  SOMMAIRES.  xvij 

s  engagent  a.  traiter  de  la  paix.  Les  Iroquois  femblent  s’y  prêter 
de  bonne  grâce.  Audience  publique  donnée  à  leurs  Députés  ,  &  ce 
qui  sy  pajje.  La  paix  eft  ratifiée  par  les  Cantons,  Le  P? Bref- 
fini  retourne  aux  Durons,  Mort  des  PP,  Ennemond  Mafie  & 
ylnne  de  Noue .  Les  Soh.ok.is  tachent  de  rompre  la  paix ,  Les  Iro- 
quois  la  ratifient  de  nouveau.  Le  P,  J o gués  fait  deux  volages 
aux  Iroquois,  Les  hofiilités  recommencent  entre  les  Iroquois  & 
les  Hurons.  Etendue  &  fituation  du  Pays  des  Iroquois.  Origine 
de  leur  nom.  Ce  que  chaque  Canton  a  de  particulier.  Des  Arbres 
fruitiers.  Des  Animaux  &  des  Diamans.  Les  Iroquois  attaquent 
un  Village  Huron.  Belle  action  de  trois  Hurons.  Progrès  de  la 
Religion  pendant  la  paix .  Le  P .  Jogues  retournant  aux  Iroquois 
ejt  abandonne  de  fes  Conducteurs.  Il  eft  reçu  des  Agniers  3  comme 
s  il  eut  ete  Prifonnier  de  guerre.  Ce  qui  avoit  indijpofé  ces  Sau¬ 
vages  contre  lui.  Sa  mort.  Son  Meurtrier fè  convertit.  Les  Ag¬ 
niers  recommencent  la  guerre.  Hiftoire  finguliere  Lune  Algonqui - 
ne  Chrétienne  .  &  fon  évafion  des  mains  des  Iroquois.  Qui  étoient  les 
Abenaquis.  Ils  demandent  &  obtiennent  un  JVLiJJionnaire.  Leur  ca- 
îactere.  Accueil  y  que  les  PP.  Capucins  font  au  P .  D reuillettes . 
Les  premiers  travaux  de  ce  Mijfjionnaire .  M.  de  Montmagni  eft 
rappelle.  M.  d  Aillebout  luifuccéde.  Caractère  de  lun  &  de  Vautre. 


LIVRE  SEPTIEME. 

JI^Tat  de  la  Colonie  en  1648.  Mauvafie  manœuvre  des  Hu- 
rons.  La  Bourgade  Huronne  de  S.  Jofeph  détruite  par  les 
Eoquois.  Mort  héroïque  du  P.  Antoine  Daniel  5  Je  fuite.  Projet 
Alliance '  entre  les  Colonies  Angloifes  &  franco  fies  de 
l Amérique.  Députation  du  P .  Dreuillettes  3  Je  fuite  &  du  Sieur 
Godefroi  3  Confeiller  au  Confeil  de  Québec  a  Bafion.  Indolence 
des  Hurons.  Deux  Bourgades  Huronnes  font  détruites  par  les  Iro¬ 
quois.  Les  PP.  de  Brebeuf  &  Lallemant font  pris.  Divers  com- 
nats  entre  les  Hurons  &  les  Iroquois.  Les  PP.  de  Brebeuf  & 
Lallemant  font  brûles.  Difperfion  des  Hurons.  La  plupart  fe  re¬ 
tirent  al  IJle  de  S.  Jofeph.  Ce  quils  y  ont  a  fouffrir.  Leur  fer- 
vffr'  Témérité  des  Hurons  de  la  Bourgade  de  S.  Jean.  Une 
Bourgade  eft  détruite  par  les  Iroquois.  Mort  héroïque  du  Pere 
Garnier,  qui  en  étoit  le  Pafleur.  Mort  du  P.  Chabanel.  Des 
Huions  confpirent  contre  tous  les  Mifiionnaires.  La  fermeté  de 
deux  de  ces  Peres  déconcerte  leurs  méfures.  Traits  finguliers  de 
la  Providence  en  faveur  des  Chrétiens.  Nouveaux  malheurs  ar- 
lome  I.  ' 


xvm  —  - 

rivés  aux  Hurons .  Plufieurs  defcendent  à  Québec.  De  quelle  ma¬ 
niéré  ils  y  font  reçus.  Ce  que  devinrent  les  autres .  Abandon  3  ou 
fe  trouvent  les  Premiers.  Leur  peu  de  conduite .  Expédition  mal- 
heureufe 3  où  périrent  quantité  de  Sauvages  Chrétiens.  Hiftoire 
d’un  Algonquin  brûlé  par  les  Iroquois .  Ferveur  des  Chrétiens. 
La  Traite  de  l’Eau-de-vie  commence  à  caufer  de  grands  défor- 
dres  dans  quelques  Misions.  M.  de  Laufon  ejl  nommé  Gouver¬ 
neur  Général  de  la  Nouvelle  France.  Le  Gouverneur  des  Trots 
Rivières  efl  tué  par  les  Iroquois .  Ravages  de  ces  Barbares  dans 
le  Nord.  Progrès  de  la  Foi  parmi  les  Nations  Ab énaquifes.  Le 
P  Buteux part  pour  le  Nord  avec  un  preffentiment  qu’il  n’en 
reviendra  point.  Il  efl  tué  par  les  Iroquois.  P  lufieurs  Mijfionnai- 
res  repafjent  en  Europe.  Progrès  de  la  Colonie  de  MontreaL 
Nouvelles  négociations  de  paix.  Prife  du  P.  Poncet  par  les  Ag- 
niers  3  &  ce  qu’ils  lui  firent  fouffrir.  Il  efl  délivré .  Dangers  , 
qu’il  court  en  retournant  à  Quebec.  La  paix  efl  conclue.  Le  r . 
le  Moyne  va  à  Onnontagué  pour  en  ratifier  le  Traité.  Ferveur 
des  Hurons  Captifs  parmi  les  Iroquois.  Aventure  du  P.  le  Moy¬ 
ne  par  la  perfidie  des  Agniers.  Piete  des  Hurons  dans  l  IJle 
dû  Orléans.  Les  Agniers  cherchent  à  rompre  la  paix .  Ils  recom¬ 
mencent  leurs  hoflilités  3  &  afjajfinent  un  Frere  Jefuite.  Belle 
action  Tune  Algonquine.  Les  Agniers  renouvellent  la  paix  3  è* 
on  leur  donne  un  Miffionnaire.  Deux  autres  Miflionnaires  vont 
à  Onnontagué.  Ils  s’y  établiffent  ;  fruits  de  leurs  premier  s  tra¬ 
vaux.  Defiruchon  de  la  Nation  des  Ene’qpar  les  Iroquois.  Pio- 
jet  Tune  Colonie  Françoife  à  Onnontagué.  Hoflilités  des  Ag¬ 
niers.  Ils  enlèvent  une  partie  des  Hurons  del’Ifle  d’Orléans .  Aven¬ 
tures  des  Outaouais  après  la  defiruction  des  Hurons.  On  donne  a 
quelques-uns  Tenu  eux.  des  Miffionnaire  s.  Ils  font  attaques  par 
les  Agniers.  Le  P.  Garreau  bleffe  a  mort.  Les  François  ai  ri¬ 
vent  à  Onnontagué.  Réception  3  qu  on  leur  fait.  Une  partie  des 
Hurons  de  l’Iffe  d’Orléans  offre  de  fe  donner  aux  Agniers  3  & 
s’en  répent.  Fierté  de  ceux-ci.  Embarras  des  Hurons.  Toute  une 
Tribu  fe  livre  à  eux.  Les  Onnontagués  arrivent  a  Quebec  dans  le 
même  deffein  ;  réponfe  3  qu’on  leur  fait* 

LIVRE  H  U  I  T  I  F  M  E. 


TABLE 


DES  SOMMAIRES.  xix 

Ladoption  des  Sauvages.  Retraite  des  François  d’Onnontagué. 
Les  Iroquois  recommencent  leurs  hojlilités .  M.  le  Vicomte  dAr- 
genfon  Gouverneur  Général  Arrivée  du  premier  Evêque  de  la  Nou¬ 
velle  France .  Changement  dans  le  Gouvernement  Ecole fia  flique  du 
Canada .  Des  Cures  de  la  Nouvelle  France.  L’IJle  de  Montreal  cé¬ 
dée  au  Séminaire  de  S .  Sulpice.  Etablissement  du  Séminaire  de 

dhJPnPF  TJrvprc  r? PorJpmpn?  fi/r  lac  7”  .  Yh  t 


.  j  ~  M,* o  jl jl  L'LcvL  ll  j.v-LUfï ireaù  • 

Injtitution  des  F dles  de  la  Congrégation.  On  découvre  plufieurs 
Nattons  Converfion  de  quelques  Eskimaux.  Plufieurs  découvertes 
CequtJepaJJi  entre  les  S  toux  &  les  Hurons.  Particularités  tou¬ 
chant  les  S  toux  Extrémité  ,  où  eft  réduite  la  Colonie.  Hoflilités 
des  Itoquots.  Maladies  &  Phénomènes.  On  apprend  de  bonnes 
nouvelles  du  Pats  des  Iroquois.  Députés  Iroquois  à  Montreal.  Le 
F .  le  Moyne  confent  a  les  accompagner  dans  leur  Pais.  Le  Ba¬ 
ron  d  Avaugour fuccéde  au  Vicomte  d’Argenfon.  Volage  de  deux 
Jejuites  dans  le  Nord.  Defcription  du  Lac  de  S.  Jean.  Maladie 

P  'Ve  tf/J  Te  /$/*/>  -m  f- 1  s\  -v*  D  /  7f  Æ~  \ 


- - IV  II- 

cours  du  P  le  Moyne  dans  un  Confeil de  trois  Cantons.  Réfolution 
de  ce  Confeil.  Eloge  du  Sieur  Hertel.  Garakonthié  arrive  à  Mont- 
rea  Réception  qu  on  lui  fait.  La  paix  paroît  s  éloigner.  Nou¬ 
velles  hofttlites  des  Iroquois.  Aventures  du  P.  Mefnard.  Sa  mort 
Idee  qu  on  avait  par  tout  de  fa fainteté.  Mort  tragique  de  Ion  Do- 
me  (tique.  Le  P  .le  Moyne  retourne  à  Montreal  avec  tous  les  P  ri- 
Jonnters  François.  Conduite  de  Garakonthié.  M.  Boucher  va  en 
Cour  reprefenter  les  befotns  de  la  Nouvelle  France.  Le  Roy  y  en¬ 
voie  dufecours.  Abus  de  la  Traite  de  l’Eau-de-vie.  Conduite  irre- 
df  Baron  d  Avaugour.  Calomnies  intentées  à  ce  fujet  con¬ 
tre  l  ±L  veque  &  les  Mtfjïonnaires.  Scandales  arrivés  parmi  les  Sau¬ 
vages.  L’Evêque  de  Petrée  en  porte fes plaintes  au  Roy .  Phéno- 
menes  Jurprenans.  Prédictions  d  un  Tremblement  de  Terre.  Il  com¬ 
mence  ;  fes  effets.  Perfonne  ne  périt  y  &  tous fe  convertirent.  Nou¬ 
velles  proportions  des  Iroquois.  Arrivée  déun  nouveau  Gouver- 
neur  General  &  dun  Commiffatre  à  Quebec.  De  quelle  maniéré  la 
Juffiee  avait  ete  admtnijlrêe  jufques-là  dans  la  Nouvelle  France. 
r°rme  prefente  du  Confeil  Supérieur  ;  fur  quels  principes  on  y  juge. 
Des  Juflices  Jubaltemes.  Eloge  &  mort  du  Baron  d’ Avaugour 
Nouvelles  courfes  des  Iroquois  dans  le  Nord.  Contretems  fâcheux. 
CottiMite  de  Garakonthié.  Nouvelles  proportions  de  paix.  Réponfe 
de  NI.  de  Mejy.  Les  Anglois  s’emparent  de  la  Nouvelle  Belgique. 

c  ij 


X 


XX 


TABLE 


\ 


Nouveaux  troubles  en  Canada.  Conduite  violente  de  Al",  de  NIefy . 
Jl Je  défend  mai  II  ejl  révoqué . 

LIVRE  NEUVIEME. 

LE  Roy  cède  le  Canada  ,  que  la  Compagnie  des  cent  Affociés 
lui  avait  remis,  à  une  nouvelle  Compagnie .  Le  Marquis  de  Tra- 
cy  ejl  nommé  Viceroy  de  l  Amérique  par  Commijjion.  M.  de  Cour - 
celles  eft  nommé  Gouverneur  Général  de  la  Nouvelle  France  ,  &  M. 
Talon  Intendant .  Grand fecours  arrivé  en  Canada .  Les  Iroquoisfe 
retirent.  Forts  conjlruits  fur  la  Riviere  des  Iroquois.  Mémoire  de 
M.  Talon  envoyé  à  M.  Colbert.  Garakonthie  a  Quebec.  La  gueire 
ef  refoluè  contre  les  Agniers  &  les  Onneyouts.  Ceux-ci  Je  foumet- 
tent.  Brutalité  d'un  Chef  A gnier  punie  fur  le  champ.  Expédition 
de  M.  de  Courcelles  contre  les  Agniers.  M.  de  Tracy  marche  contre 
le  même  Canton .  Succès  de  fon  Expédition.  Pourquoi  il  ne  suf¬ 
fire  point  du  Pais.  La  Cour  ne  veut  pas  quon  étende  trop  la  Co¬ 
lonie.  M.  de  Tracy  retourne  en  France .  Changement  dans  les  af¬ 
faires  par  raport  a  la  Religion.  En  quel  état  elle  fe  trouvait  alors 
parmi  les  Sauvages  <S*  les  François.  On  veut  fra.nci£cr  les  Sau¬ 
vages.  P ourquoi  ce  projet  ne  reufjit  point.  Des  Mines^  de  fer. 
Liberté  du  commerce  publiée  en  Canada.  N ouveau  v  otage  a  l  Ouef 
&  au  Nord.  Superf  irions  des  Outaouais.  Dangers  &  fatigues  , 
queffuia  le  P.  Alloueq  dans  ce  volage.  Croïance  des  Outaouais. 


_ _  _  ri fi 

Diverfes  cou f es  du  P.  Alloue q.  MiJJionnaires  parmi  fs  Iro¬ 
quois.  Ce  qui  a  empêché  la  converfion  de  cette  Nation.  Progrès  de 
la  Colonie.  Tremblement  de  Terre .  Maladies.  Religieufe  Hofpi- 
taliere  morte  en  odeur  de  fainteté.  Occupation  des  Mijfionnaires 
parmi  les  Iroquois.  Eloge  du  P.  de  Carheil.  Plufieurs  Miffions 
établies  parmi  les  Nations  Algonquines.  M.  Talon  retourne  en 
France .  Caractère  de  M.  de  Courcelles.  Erection  de  lEglife  de 
Quebec  en  Evêché .  Le  Gouverneur  de  Montreal  obtient  des  Pro¬ 
vif  ons  du  Roy.  Volage  de  M.  de  Courcelles  aux  Iroquois ,  & 
quel  en  fut  le  motif.  Affaires  de  l'Acadie.  Belle  action  du  Sieur 
de  la  Tour.  Partage  des  Provinces  ,  qui  compofent  le  Gouverne¬ 
ment  de  l'Acadie.  Guerres  civiles  entre  les  François.  Action  in¬ 
digne  de  M.  de  Charnijè.  Suite  des  divifions  de  l'Acadie.  Les 
Anglois  s'en  emparent  de  nouveau.  Leur  mauvaife  foi.  Aventures 


DES  S  O  M  M  A  I  R  E  S.  xxj 

du  Sieur  Denys.  Toutes  ces  Provinces  font  reflituèes  à  la  France 
par  le  Traité  de  Breda .  Affaires  de  Terre-Neuve .  Description!  de 
la  Baie  de  P  laifance.  Du  petit  Nord .  Du  climat  de  cette  Ifle  3 
&  de  la  nature  du  Pais .  De  fes  Habitans.  De  la  grande  Baie. 
Premier  Gouverneur  de  P  laifance.  M.  Talon  retourne  en  Cana¬ 
da.  Il  y  mene  des  Recollets.  Il  fait  naufrage  avec  eux.  Son  arri¬ 
vée  à  Quebec  avec  des  Recollets.  Sauvages  nffaffinés  par  des 
François.  Ce  qui  en  arrive.  On  en  fait  jujtice  3  Çf  on  appaife  les 
Sauvages.  M.  de  Courcelles  oblige  toutes  les  Nations  à  demeurer 
enpaix.  Baptême  de  Garakonthié.  Mortalité  dans  le  Nord.  Eta- 
bliffement  de  la  Bourgade  Huronne  de  Lorette.  Ce  quife paffe  en¬ 
tre  des  Hollandois  &  des  Iroquoifes  Chrétiennes.  Inctuftrie  dé  un 
Miffonnaire  s  &  quel  en  fut  le  fuccês.  Le  Chriflianifme  fait  de 
grands  progrès  dans  le  Canton  T  A gnier.  Etat  de  la  Religion  dans 
les  autres  Cantons  3  &  dans  les  Nations  Algonquines. 


LIVRE  DIXIEME. 

f~PllERRE  entre  les  Sauvages.  Conduite  de  M.  de  Courcelles 
en  cette  occafi on.  B dptême  du  Grand  Chef  des  Goyogouins.  Les 
Iroquois  Chrétiens  fongent  à  fortir  de  leur  Pais.  Converfion fingu- 
liere  Tune  Iroquoife.  Commencement  de  la  Miffion  du  Sault  S. 
Louis.  Mefures  3  que  prend  M .  Talon  pour  affûrer  à  la  France 
tout  le  N ord  du  Canada .  Du  grand  Chef  des  Miamis  ;  récep¬ 
tion  j  qu  il  fait  à  un  Envoié  du  Général.  Prife  de poffeffion  de  tous 
les  environs  des  Lacs.  Des  Anglois  sétabliffent  fur  les  Terres  des 
François  &  quoiqu'ils  vécuffent  en  bonne  intelligence  avec  eux  , 
on  engage  le  Roy  dé  Angleterre  à  les  en  rappeller.  Les  Hurons  à 
Michillimak  inac.  Phénomènes  Jinguliers  ;  obfervations  fur  les 
Marees  &  fur  les  Courants  des  Lacs.  Projet  dé  un  Fort  a  Cataro - 
coui.  M.  de  Courcelles  retourne  en  France.  Son  Succeffeur  b⬠
tit  le  Fort  de  Cataro  coui.  M.  Talon  demande  fon  rapel  en 
France  &  pourquoi  /  Caractère  de  M.  de  Courcelles.  Caractère 
du  Comte  de  Frontenac  3  fon  Succeffeur.  Découverte  du  Miciffipi. 
Defcription  du  Pais  des  Outagamis  ,  &  de  celui  des  Mafcoutins. 
Erreur  des  Géographes  fur  ces  derniers.  Réception  3  que  les  Maf¬ 
coutins  font  a  deux  Mifjionnaires .  Excurfon  du  P.  Alloue %  che% 
les  Outagamis.  Mort  du  P.  Marquette.  Affaires  de  !  Acadie.  Les 
Anglois  s  emparent  de  Pentago  'et  &  du  Fon  de  la  Riviere  de  S. 
Jean.  Violences  du  Comte  de  Frontenac.  Les  Hollandois  inquiet - 
tent  les  Miffonnaires  des  Iroquois.  Prétention  de  M.  de  Frontenac 


XXII 

au  fui  et  de  la  fonction  de  Préfident  du  Confeil Supérieur.  Lettres 
du  Roy  à  F  Intendant  &  au  Gouverneur  Général .  La  Traite  de 
F  Eau-de-vie  recommence  en  Canada.  On  prévient  la  Cour  en  faveur 
de  ce  commerce.  Edit  du  Roy  a,  ce  fujet.  Arrivée  de  M..  dt  la  Suie 
en  Canada  ;  fon  caractère.  Il  entreprend  dé  achever  la  découverte  du 
Micijfipi.  Iipajfe  en  France  ,  &  ce  quil  obtient  de  la  Cour.  Le 
Chevalier  de  Tontife  joint  à  lui.  Diverfes  aventures  de  M.  de  la 
Sale.  Il  fait  une  perte  confiderable.  Les  Illinois  font  défaits  par 
les  Iroquois.  Fermeté  de  M.  de  la  Sale  dans  fes  malheurs.  On  veut 
F  empoifonner.  Il  fait  remonter  le  Micijfipi  par  le  P .  Hennepin  & 
le  Sieur  Dacan.  Il  bâtit  un  nouveau  Fort.  Nouvelle  ho ftilité  des 
Iroquois  contre  les  Illinois.  Les  Andois  font foupçonnès  dé  animer 
les  Sauvages  contre  nous  &  nos  Allies .  L  Acadie  tejlituee  a  la 
France,  fées  Anglois  s  en  emparent  de  nouveau.  Le  Chevalier  de 
Tond  efl  obligé  cF abandonner  la  Riviere  des  Illinois.  Un  P ere  Re¬ 
collet  efl  tué  par  les  Kicapous .  M,  de  la  Sale  defcend  le  Micijfipi 
jufauâ  la  Mer.  Il  repajjè  en  France.  MM.  de  Frontenac  &  du 
Chefneau  J  ont  rappelles.  Leurs  Succejfeurs  3  &  les  infruclwns  , 
qu  on  leur  donne.  Origine  de  la  guerre  des  Iroquois.  Propofmons 
indolentes  de  ces  Barbares  àM.de  Frontenac.  Réponfe  de  ce  Géné¬ 
ral.  Le  parti  3  quil  prend.  Expédient ,  que lui fuggére  l'Intendant, 
&  pourquoi  il  le  refuje.  D eputes  Iroquois  a  JAontreal.  Lé) eputes  des 
autres  Nations.  Arrivée  de  MM.  de  la  Barre  &  de  Meules.  M.  de 
la  Barre  écrit  en  Cour  contre  M.  de  la  Sale.  Effet ,  que  produifnt 
fes  Lettres.  Affemblèe  des  Notables  de  la  Colonie.  Elle  injlruit 
le  nouveau  Gouverneur  de  la  fituadon  des  affaires. >  Le  Roy  envoie 
des  Troupes  en  Canada.  D efcription  de  la  Baie  d  Hudfon.  Obfer- 
vations  fur  les  glaces  de  ces  Mers.  Phénomènes  dans  F  air.  Manié¬ 
ré  de  voiager fur  les  glaces.  Prétentions  des  Anglois  &  des  Fran¬ 
çois  fur  la  Baie  d' Hudfon.  Deux  Transfuges  François  y  condui - 
fent  les  Anglois.  Volage  du  P.  Albanel  &  de  M.  de  S.  Simon  à  la 
Baie  dé  Hudfon  parle  Saguenai.  Quatrième  prife  depoffejfion  de  la 
Baie  dé  Hudfon.  Les  deux  Transjuges  François  retournent  en  Ca- - 
nada.  Ils  entreprennent  de  chaffer  les  Anglois  de  la  Baie.  Ce  qui 
fe  paffe  entreux  &  les  Anglois.  Ils  livrent  de  nouveau  la  Baie 
aux  Anglois . 


TABLE 


des  sommaires. 


XX LL  J 


LIVRE  ONZIEME. 

JYJAufaise  foi  des  Iroquois .  M.  de  la  Barre  demande  du  fe- 
cours  au  Roy  Fierte  des  Iroquois.  Intrigues  du  Gouverneur 
de  la  Nouvelle  York .  Conduite  étrange  de  M.  de  la  Barre.  Les  Iro¬ 
quois  pillent  des  François  Voiageurs .  Ils  font  repou  (les  du  Fort  de 
S.  Louis.  M*  de  la  Barre fe  refout  à  la  guerre.  U  engage  avec  peine 
nos  Allies  afe  joindre  a  lui .  Ces  Sauvages  ne  rencontrent  point 
l  Armee^  au  rendez-vous  ,  qu  on  leur  avoit  marqué.  Leur  méconten¬ 
tement  a  la  nouvelle  de  lapaix.  M.  de  la  Barre  traite  avec  le  Gou¬ 
verneur  de  la  Nouvelle  Y ?rk.  Ses  préparatifs.  Etat  de  I Armée 
rrançoije.  Avis  ,  que  M.  de  la  Barre  reçoit  dans  fa  marche.  Une 
mauyaife  manoeuvre  du  Colonel  Dongan  fauve  la  Colonie.  Extré¬ 
mité  j  ou  fe  trouve  M.de  la  Barre.  Il  fait  la  paix  à  des  conditions 
peu  honorables.  Ze  Roy  envoie  des  Troupes  en  Canada.  M.  de 
L  ailier  es  ejt  nomme  Gouverneur  de  Montreal ,  &  M.  Perrot  pa(fe 
au  Gouvernement  de  l  Acadie.  On  compte  peu  fur  la  paix  en  Ca¬ 
nada.  Divers  avis  3  quon  reçoit  au  fujet  des  Iroquois.  M.  de  Dé- 
nonville  arrive  en  Canada  en  qualité  de  Gouverneur  Général.  Il 
croit  la  guerre  necejfaire  avec  les  Iroquois.  En  quel  état  il  trouve  la 

Aiir  Fort  â  Niagara.  Lettre  du  Gouverneur  de  la 

Nouvelle  York  a  M.  de  Dénonville.  Réponfe  de  ce  Général.  En- 
tîeprije  du  Colonel  Dongan.  Les  Anglais  font  récusa  Michilli- 
rnaktnac.  Forces  de  la  Colonie.  Le  P.  de  Lamhetiille  empêche  les 
Iroquois  de  commencer  les  hoftilités.  Difpofition,  où  [toit  cette 
Nation.  Affaires  de  la  Baie  dHudfon.On  fe  difpofe  eu  Canada 
a  en  chaffer  les  Anglais.  Succès  de  cette  Expédition.  Projet  d'un 
accord  pour  le  Port  Nelfon jugé  impratiquable.  Traité  de  Neu¬ 
tralité  entre  les  François  &  les  Anglais  dans  l' Amérique.  Les  An¬ 
glais  y  contreviennent.  LeGouvemeur  Général  fe  difpofe  à  marcher 
contre  les  Iroquois.  Onfefaifit  par  furprife  des  principaux  Chefs 
iroquois  G  onles  envoie  aux  Galères.  Mauvais  effets  de  cette  dé- 
marene.  Captivité  du  P .  Milet.  Conduite  noble  &  genereufe  des 
Onnontagues  a  legard  du  P.  de  Lamberville.  Plan  de  la  Cam- 
Pfgne  contre  les  Tfonnonthouans.  Les  Mifjionnaires  empêchent  les 
urons  les  Outaouais  de  fe  joindre  aux  Iroquois.  Ceux-ci  s en- 
ormentJaT  nos  préparatifs.  Le  Colonel  Dongan  les  reveille  de  cet 
ajjouyiffement.  L  Armée  Françoife fe  met  en  marche.  Lettre  du  Co¬ 
lonel  Dongan  à  M.  de  Dénonville .  Réponfe  de  ce  Général  Des 


XXtV  —  —  ... 

Anglais  . font  défaits  dans  le  Lac  Huron.  Fort  des  Sables. ^  Combat 
contre  les  Tfonnonthouans.  Suites  de  ce  combat.  Fort  ban  a  Niaga¬ 
ra  &  peu  de  tems  après  abandonné.  Nouvelles  intrigues  du U  to¬ 
nd  Dongan.  Un  Iroquois  Chrétien  travaille  utilement  pour  la  Ke- 
ligion  & pour  la  Colonie.  Belle  adion  de  deux  François  ajisla. 
Baie  d’Hudfon.  Entreprifi  des  Angloisfur  l  Acadie.  Avis  de  M. 
de  Meules  fur  ce  qu'il  convenait  de  faire  pour  ce  P  aïs.  U  qui 
empêche  M.  de  Dénonville  démarcher  une  fécondé  fois  contre  les 
Tfonnonthouans.  Reflexions  fur  la  conduite  de  ce  General,  bon 
éloge.  Fautes  ,  qu'il  a  faites.  Diverfis  holhlites  des  Iroquois. 
Proportions  du  Colonel  Dongan  a  M.  de  Denonvdle.  Celui- 
ci  lui  envoie  le  P.  Vaillant.  Le  Gouverneur  Anglais  s  explique 
avec  ce  Pere  ,  &  lui  donne  un  Guide  pour  l  empecher  de  page 
dans  le  Canton  d'Agnier.  Avis ,  qu'il  donne  aux  Iroquois.  Les 
Sauvages  recommencent  leurs  hoflilités  ,  &  attaquent  le  Convoi. 
Négociations  avec  les  Onnontagués.  Ils  propofent  la  paix  avec 
hauteur.  Confternadon  de  la  Colonie.  Les  iroquois  bloquent  Ca- 
tarocouy  ,  & fi  retirent ,  après  avoir  fait  beaucoup  de  depat.  Nou¬ 
velles  proportions  de  paix.  Elles  font  acceptées.  M.  de  Denon- 
yille  écrit  en  Cour  pour  faire  revenir  les  Chefs  des  Iroquois  ,  qui 
étoientà  Marfiille.  Mauvaife  foi  du  Colonel  Dongan. ,  A  quoi  M. 
de  Dénonville  attribuait  lefalut  du  Canada.  Il  fait  rétablir  les  Je- 
fuites  dans  les  Mijfions  Abenaquifes  ,  maigre  la  Compagnie  des 
Pêches  fèdentaires.  Le  Colonel  Dongan  efl révoqué.  Lettre  de  M. 
de  Dénonville  fur  les  défordres  de  la  Colonie.  Reflexions  fur  cette 
Lettre .  Nos  Alliés  font  mécontens  de  la  paix  ,  &  en  ont  honte, 
pour  nous. 


TABLE 


LIVRE  DOUZIEME, 

/N  I/elques-uns  de  nos  Alliés  attaquent  les  Iroquois .  Ac- 

dation  hardie  &  perfide  d’un  Chef  Huron  pour  rompre  la  paix  3 

&  brouiller  plus  que  jamais  les  François  avec  les  Iroquois.  lljait 
retomber  furM.de  Dénonville  ce  qui  était  le  fruit  de  J a yrahi- 
fon.  Le  'Gouverneur  de  la  Nouvelle  York  empêche  les  Cantons 
d’envoler  des  Députés  à  ce  Général.  Etat  du  commerce  dans  la  Nou¬ 
velle  France.  On  reprend  le  deffein  d  établir  des  Péchés  f  den¬ 
taires  le  long  du  Fleuve  S .  Laurent.  Abondance  de  Morues  e 
Baleines  dans  ce  Fleuve.  Ce  qui  empeche  les  François  de  prof  - 

ter  de  ces  Pêches  fur  les  Cotes  de  l  Acadie.  Les  Anglois  jont  de 

grands 


DES  SOMMAIRES.  xxv 

•grands  efforts  pour  détacher  les  Nations  Abenaquifes  de  nos  inté¬ 
rêts .  Le  Chevalier  de  Callieres  paffe  en  France  ,  &  pourquoi .  Il 
prefente  à  la  Cour  un  Mémoire  y  &  ce  qu'il  contient.  Le  Roy 
Jonge  à  rappeller  en  France  le  Marquis  de  Dénonville  3  &  pour¬ 
quoi  ?  Ce  qui  détermine  Sa  Majejté  a  rétablir  le  Comte  de  Fron¬ 
tenac  dans  le  Gouvernement  général  de  la  Nouvelle  France.  Les 
infimclions  ,  quelle  lui  donne  au  fujetdela  Baie  F  Hudfon.  Ce 
quelle  lui  recommande  pour  I  Acadie.  Ce  quelle  lui  ordonne  tou¬ 
chant  TE  ntreprife  fur  la  Nouvelle  York  ,  propofée  par  le  Cheva¬ 
lier  de  Callieres.  Plan  de  cette  Entreprise .  Mefures  prifes  pour  y 
réujjir.  Ce  qui  devoir  fe  faire  apres  la  conquête  de  cette  Province. 
Ce  qui  la  fit  échouer.  Inflruàions  données  par  M.  le  Comte  de 
Frontenac  à  M.  de  la  Caffiniere  ,  Capitaine  de  Naiffeaux  ,  & 
qui  devoit  ajjieger  Manhatte  par  Mer.  Ce  Capitaine  ne  peut  ra¬ 
vitailler  y  ni  fournir  de  munitions  de  guerre  le  Port  Roial.  M. 
de  Frontenac  &  le  Chevalier  de  Callieres  arrivent  à  Montreal  3  & 
en  quel  état  ils  trouvent  cette  Lfle.  Les  Iroquois  y  font  une  ir¬ 
ruption  y  y  exercent  des  cruautés  inouïe s  &  font  un  grand  nom¬ 
bre  de  Prifonniers.  Ils  attaquent  un  Fort ,  &  prennent  le  Com¬ 
mandant  ,  apres  avoir  tué  toute  la  Garnifon.  Ils  font  battus.  Pro¬ 
jet  de  ces  Sauvages  en  faifant  cette  irruption.  MM. J  de  Dénon- 
ville  &  de  Champigny font  F  avis  F  abandonner  &  de  ruiner  le 
Fort  de  Cataro„couy  :  Leurs  raifons.  Celles  de  M.  de  Frontenac 
pour  le  conferver.  Il  fait  de  grands  préparatifs  pour  le  ravitailler 
&  en  renfoncer  la  Garnifon  :  autres  vûés ,  quil  avoit  en  cela.  Il 
s  y  prend  trop  tard  :  il  apprend  que  Catarocouy  eft  évacué  dans  le 
tems  ,  que  fon  Convoi  étoit  fur  ie  point  de  partir.  Nouvelles pro- 
pofitions  du  Chevalier  de  Callieres  pour  la  conquête  de  la  Nou¬ 
velle  York.  Ce  qui  empêche  la  Cour  de  les  accepter.  Expédition 
de  M.  d  Iberville  dans  la  Baie  d  Hudfon  &  ce  qui  y  donne  lieu . 
Succès ,  quelle  eut.  Les  Canibas  entreprennent  F  enlever  aux  An- 
glois  le  Fort  de  Pemkuit.  Avec  quelle  pieté  ils  fe  préparent  à 
cette  Entreprife.  Ils  s  en  rendent  les  Maîtres.  D'aunes  Abena- 
quis  chaffent  les  Anglais  de  quatorze  autres  Forts.  P lufieur s  de 
ces  Sauvages  fongent  a  fe  tranfporter  dans  la  Colonie.  Mémoire 
de  M.  de  Denonville  fur  la  fituation  où  fe  trouvoit  la  Nouvelle 
France  y  &  fur  les  remedes,  qu il fallait  apporter  aux  déj ordres  y 
qui  s  y  etoient  introduits.  Le  Roy  veut  qu'on  s'y  tienne  fur  la  dé¬ 
fensive  3  &  qu  on  réunifie  les  Habitations  en  Bourgades.  AI.  de 
Frontenac  travaille  à  gagner  les  Iroquois.  Réponfè  des  Cantons 
aux propofitions  y  qu'il  leur  avoit  faites.  Il  refufe  de  donner  au- 
Tome  I. 


xxvj  TABLE  DES  SOMMAIRES. 

dience  à  leur  Député  s  parce  que  le  Chef  de  la  Députation  lui 
avoit  manqué  derejpecl.  Un  Chef  Goyogouin  leur  répond  en  fin 
propre  nom  „  mais  de  concert  avec  lui »  Ce  qui  autonfoit  le  Gou¬ 
verneur  Général  à  le  prendre  avec  eux  fur  un  ton  fi  haut.  Les  Ou - 
taouais  traitent  avec  les  Iroquois  fans  la  participation  des  Fran¬ 
çois.  Ce  qui  les  y  engage.  Diligences  de  M.  de  la  Durantaye  & 
des  Mijjionnaires  à  ce  fujet.  Lettre  du  P.  de  Carheil  au  Comte 
de  Frontenac  fur  le  même  fujet.  Effet  3  quelle  produifit  dans  Fefi 
prit  de  ce  General.  Hifloire  de  Catherine  Tegahkouita  3  Uierge 
Iroquoife  morte  en  odeur  de  fiainteté.  Hifloire  de  quelques  Iro¬ 
quois  Chrétiens  5  de  F  un  &  de  F  autre  fixe  ,  brûlés  par  les  Infidè¬ 
les  en  haine  de  leur  Religion.  Action  héroïque  de  toute  une  Fa¬ 
mille  Iroquoife  du  Sault  S.  Louis .  Quelques  exemples  de  la  fer¬ 
veur  &  de  la  pieté  de  divers  autres  Sauvages  dans  les  MiJ/ions 
Algonquines. 


Fin  de  la  Table  des  Sommaires. 


HISTOIRE 


r 


HISTOIRE 


i  fi  «  'ET 

DESCRIPTION  GENERALE 

DELA 

NOUVELLE  FRANCE; 

OU  L’ON  TROUVERA  TOUT  CE  QUI  REGARDE 

les  Découvertes  &  les  Conquêtes  des  François 
dans  l’Amerique  Septentrionnale. 

LIVRE  PREMIER. 


N  parle  fl  diverfement  parmi  nous  des  Eta- 
bliffemens,  que  nous  avons  faits  en  divers  tems 
dans  FAmerique  Septentrionale  ,  que  j’ai  cru 
faire  plaifir  au  Public  ,  de  rendre  même  quel¬ 
que  lervice  à  ma  Patrie ,  fi  aux  obfervations , 
que  j’ai  faites  en  parcourant  ces  vaftes  Pays  , 
où  la  France  poflede  plus  de  terrein  ,  qu’il  n’y 
en  a  dans  le  Continent  de  l’Europe  ,  je  joignois  une  Hiftoire 
exa£le  &  fuivie  de  tout  ce  qui  s’y  eft  pâlie  de  mémorable  depuis 
plus  de  deuxfiécles. 

Tome  I. 


BdTèîn  de 
cet  Ouvrage» 


A 


2 


histoire  generale 

Mais  ce  motif  n’eft  pas  le  feul ,  qui  m’a  engagé  dans  ce  travail; 
Perfuadé  ,  que  fi  je  me  dois  à  la  République  comme  citoyen  * 
ma  profefiion  m’oblige  aufii  à  fervir  l’Egîife ,  &  à  lui  confa- 
crer  du  moins  une  partie  de  mes  veilles  ;  je  me  fuis  encore 
déterminé  à  entreprendre  cet  Ouvrage  ,  par  le  defir  de  faire 
connoître  les  mifericordes  du  Seigneur ,  &  le  triomphe  de  la 
Religion  fur  ce  petit  nombre  d’Elus  ,  prédeftinés  avant  tous 
les  hecles ,  parmi  tant  de  Nations  fauvages  ,  qui  jufqu’à  l’en¬ 
trée  des  François  dans  leur  pays  ,  étoient  demeurées  enfevelies 
dans  les  plus  épaiffes  ténèbres  de  l’infidélité.  Enfin  j’ai  aufii  eu 
en  vûë  de  tirer  de  l’oubli  plufieurs  perfonnes  illuftres  ,  dont 
les  noms  meritoient  bien  de  paffer  à  la  pofterité  ,  &  de  faire 
comprendre  que  l’obfcurité  ,  où  ils  font  refiés  jufqu’à  prefent  * 
ne  vient  point  de  la  médiocrité  de  leur  mérité. 

J’accorderai  fans  peine  aux  Efpagnols  que  nous  n’avons 
point  eu  dans  le  Nouveau  Monde  de  Voyageurs  ,  de  Conque- 
rans  ,  de  Fondateurs  de  Colonies ,  qu’on  puiffe  mettre  en  pa¬ 
rallèle  avec  ceux  de  leur  Nation  ,  qui  ont  paru  avec  le  plus 
d’éclat  fur  le  théâtre  du  Nouveau  Monde  ,  fi  avec  leur  mérité 
perfonnel  on  met  dans  la  balance  la  grandeur  de  leurs  conquê¬ 
tes  ,  &  la  richeffe  des  Provinces ,  dont  ils  ont  augmenté  leur 
Monarchie.  Mais  fi  on  les  dépouille  de  tout  ce  qui  leur  efi  étran¬ 
ger  ,  &  dè  ce  qu’ils  doivent  aux  conjonctures  favorables ,  où 
ils  fe  font  trouvés  ;  fi  l’on  fçait  difiinguer  dans  ces  Hommes  cé¬ 
lébrés  ce  qui  leur  appartient  en  propre  ,  je  veux  dire  ,  leurs 
vertus ,  leurs  talens  ,  leur  valeur  ,  leur  bonne  conduite  ,  nous 
pourrons  peut-être  produire  des  Navigateurs  aufii  habiles  ,  aufii 
hardis  ,  aufii  confians  que  les  Colombs  ,  les  Americs  Vefpu- 
ces  &  les  Magellans  ;  &  des  Conquerans  ,  qui  avec  toute  la 
bravoure  &  l’intrépidité  des  Balboas  ,  des  Cortez  ,  des  Alma- 
grès  ,  des  Pizarres  &  des  Valdivias  ,  n’en  ont  point  eu  les  vi¬ 
ces.  Je  ne  poufferai  pas  ce  parallèle  plus  loin  ,  c’eff  au  Public 
à  juger  du  mérite  de  ceux, dont  on  lui  rapporte  les  aftions  ;  le  de¬ 
voir  d’un  Hifforien  efi  de  lui  faire  un  récit  fidele  ,  &  de  lui  four¬ 
nir  avec  exactitude  &  fans  préjugé  les  pièces ,  fur  lefquelles  il 
peut  porter  fon  jugement  ;  &  c’eft  ce  que  je  vais  tâcher  de 
faire  avec  tout  le  foin  &  toute  la  fincerité  ,  dont  je  fuis  capable.. 

On  a  toujours  regardé  en  France  comme  une  des  vifions  de 
Guillaume  Poffel ,  qu’une  bonne  partie  des  Côtes  de  l’ Améri¬ 
que  Septentrionnale  ait  été  fréquentée  ,  même  avant  J.  C.  par 
les  Peuples  des  Gaules ,  qui  ne  les  avoient  abandonnées  %  difoit- 


Découve -rc 
de  Terre  neu- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lir.  I.  3 

il  ,  que  parce  qu’ils  n’y  trouvèrent  que  des  terres  incultes ,  8c  de 
vaftes  régions  ,  fans  aucune  ville  ,  8c  prefque  fans  habitans  ; 
comme  fi  la  pêche  ,  dont  il  affûte  au  même  endroit  que  les 
Gaulois  tiroient  un  profit  immenfe  ,  n’auroit  pas  dû  fuffire  pour 
les  engager  à  continuer  ce  commerce.  ( a ) 

Quelques  Auteurs  ont  avancé  qu’en  1477.  Jean  Scalve,Polo- 
nois  ,  reconnut  XEftodland ,  8c  une  partie  des  Terres  de  Labra¬ 
dor  ou  Laborador  ;  mais  outre  que  l’Effotiland  eft  aujourd’hui 
regardé  comme  un  pays  fabuleux  ,  8c  qui  n’a  jamais  exifté  que 
dans  l’imagination  des  deux  frétés  Zani ,  nobles  Vénitiens  ,  on 
ne  fçait  rien  de  particulier  de  l’expedition  du  Voyageur  Polo¬ 
nais  5  qui  n’a  eu  aucune  fuite  ,  8c  qui  n’a  pas  fait  beaucoup  de 
bruit  dans  le  Monde.  Il  eftplus  certain  que  vers  l’an  1497.  un 
Vénitien,  nommé  Jean  Gahot  ,  8c  les  trois  fils  (b)  ,  qui 
avoient  armé  aux  frais  ,  ou  du  moins  fous  l’autorité  de  Hen¬ 
ry  VIL  Roy  d’Angleterre  ,  reconnurent  Fille  de  Terre-Neuve  8c 
une  partie  du  Continent  voifin.  On  ajoûte  même  qu’ils  rame¬ 
nèrent  a  Londres  quatre  Sauvages  de  ces  contrées  ;  mais  de  bons 
Auteurs  ont  écrit  qu’ils  n’avoient  débarqué  en  aucun  endroit ,  ni 
de  l’Ifle  ,  ni  du  Continent.  . 

Il  en  eft  à  peu  près  de  même  du  voyage  d’un  Gentilhomme 
Portugais  ,  nomme  Gafpar  de  Cortereal ,  qui  en  ifoo.  vifita 
toute  la  Cote  orientale  de  Terre-neuve  ,  8c  parcourut  enfuite 
une  bonne  partie  de  celles  de  Labrador.  A  la  vérité  on  ne  fçau- 
roit  nier  qu  il  n’ait  mis  pied  à  terre  en  plufteurs  endroits  ,  8c  im- 
pofe  des  noms  ,  dont  quelques-uns  fubfiftent  encore  ;  mais  il 
ny  a  nulle  preuve  que  ce  Navigateur  ait  fait  aucun  Etabliffe- 
ment.  Les  Portugais  accoutumes  à  des  climats  plus  doux  ,  8c 
bientôt  après  tout  occupés  à  recueillir  les  tréfors  de  l’Afrique, des 
Indes  Orientales  8c  du  Brefil ,  mépriferent  fans  doute  un  Pays 
couvert  de  neiges  plus  de  la  moitié  de  l’année  ,  où  il  n’y  avoit 
crue  du  poiffon  ,  dont  on  ne  connoiffoit  point  encore  le  prix  ,  8c 
dont  les  habitans  peu  fociables,  8c  mal  aifés  à  dompter,  n’avoient 
pour  toute  richeffe  ,  que  les  peaux  ,  dont  ils  fe  couvroient. 

Quoiqu  il  en  foit,  dès  l’année  1 504.  des  Pêcheurs  Bafques  , 

Hormands  8c  Bretons ,  faifoient  la  pêche  de  la  Morue  lur  le  p.  . 
jrand  Banc  de  Terre-neuve  ,  &  le  long  de  la  Côte  maritime  du  vigatTon^d» 
Ganada;  8c  je  trouve  dans  de  bons  Mémoires  qu’en  i<o6.  un  François  en  a- 

'  mericjuc. 


I  504-08. 

Premières  na- 


(  a  )  Terra  ilia :  ob  lucratiffimam  fifeationis 
Wilttatem  fummâ  litteramm  memortà  a  Gal- 
Lis  adirt  fo Itt a  ,  &  a*te  mille  jexcemei  antuu 


frequermri  caepta  eft  ,  fed  eo  quod  urbibus  ta. 
c  ali  a  ,  &  vafta  ,  /prêta  eft. 

[_b)  Cabot ,  on  Gabato. 


\ 


4  HISTOIRE  GENERALE 

habitant  de  Honfïeur  ,  appelle  Jean  Denys  ,  avoit  trace  une 
carte  du  Golphe ,  qui  porte  aujourd’hui  le  nom  de  S.  Laurent. 
Vincent  le  Blanc  raconte  dans  fes  Voyages  que  vers  le  même 
tems  un  Capitaine  Efpagnol ,  nommé  Velafco ,  remonta  deux 
cent  lieues  le  Fleuve  ,  qui  fe  décharge  dans  le  Golphe  ,  &  au¬ 
quel  on  a  donné  le  même  nom  ;  qu’il  s’éleva  enfuite  le  long  de 
la  terre  de  Labrador  jufqu’à  la  riviere Nevado }  découverte  ,  dit- 
on  ,  par  Cortereal ,  &  qu’on  ne  connoït  plus  prefentement. 

Mais  les  récits  de  cet  Auteur  font  fi  confus  ,  fi  embarraffés  y 
fi  dénués  de  dattes ,  &  de  tout  ce  qui  peut  donner  du  jour  à 
une  Relation  ,  que  fouvent  on  n  y  trouve  pas  même  de  quoi 
apuyer  une  conjeélure  ,  qui  ait  de  la  vraifemblance.  Il  y  a 
d’ailleurs  mêlé  des  chofes  fi  évidemment  fabuleufes  ,  comme  ce 
qu’il  dit  de  la  taille  gigantefque  des  naturels  du  pays  ,  qu’on  efi 
étonné  de  voir  de  pareils  contes  dans  un  Ouvrage  ,  qui  a  d’ail¬ 
leurs  quelque  réputation.  Ce  n’efl  pas  affez  pour  un  Voyageur 
d’être  hncere  ,  s’il  juge  à  propos  de  fuppléer  par  d’autres  Mé¬ 
moires  à  ce  qu’il  n’a  point  vû  par  lui-même  ,  il  ne  fç  aurait  trop 
s’étudier  à  en  faire  le  difcernement. 

En  1508.  un  Pilote  de  Dieppe,  nommé  Thomas  Aubert, 
amena  en  France  des  Sauvages  de  Canada  ;  mais  il  paroît  qu’on 
a  avancé  fans  fondement  que  ce  Navigateur  avoit  fait  la  decou¬ 
verte  de  ce  pays  par  l’ordre  de  Loiiis  XII.  il  paffe  pour  confiant 
dans  notre  Hifloire ,  que  nos  Rois  n’ont  fait  nulle  attention  à 
l’Amerique  avant  l’année  1523.  Alors  François  I.  voulant  exci¬ 
ter  l’émulation  de  fes  Sujets  par  rapport  à  la  Navigation  ,  &  le 
Commerce ,  comme  il  avoit  déjà  fait  avec  tant  de  fuccès  pour 
les  Sciences  &  les  beaux  Arts  ,  donna  ordre  à  Jean  Verazani , 
qui  étoit  à  fon  fervic'e  ,  d’aller  reconnoître  les  Nouvelles  Terres, 
dont  on  commençoit  à  parler  beaucoup  en  France.  Sur  quoi  je 
ne  puis  me  difpenfer  de  faire  en  paffant  une  remarque  ;  c’efl  qu’il 
efl  bien  glorieux  à  l’Italie  ,  que  les  trois  Panïances  ,  qui  parta¬ 
gent  aujourd’hui  prefque  toute  l’Amerique,  doivent  leurs  pre¬ 
mières  découvertes  à  des  Italiens  ;  à  fç avoir ,  les  Caflillans  à  un. 
Génois  (a)  ,  les  Anglois  à  des  Vénitiens  (b)  ,  &  les  François 
à  un  Florentin  (c)  ;  je  joindrais  à  ces  hommes  illuftres  un  au¬ 
tre  Morentin  (d)  ,  qui  a  rendu  de  grands  fervices  aux  Caflillans 
&  aux  Portugais  dans  le  nouveau  Monde  ,  s’il  devoit  à  fon  mé¬ 
rité  ,  &  non  à  une  fupercherie  indigne  d’un  honnête-homme  ? 

(a)  Chriftophe  Colomb..  j  (  e  )  Verazani. 

4^)  Jean  Gaboc  &  tes  fils.  j  (d)  Amexie  Velpuçej 


voia- 


1 5  23 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  I.  5 

la  gloire  qu’il  a  eue, de  donner  fon  nom  à  la  plus  grande  des  qua¬ 
tre  parties  du  Monde  connu.  Premier 

Yerazani  fut  donc  envoyé  en  1523.  avec  quatre  vaiffe aux  ,  Yctaza 

pour  découvrir  l’Amerique  feptentnonnale  ;  mais  nos  Hiftonens  ni. 

n’ont  point  parlé  de  cette  première  expédition  ,  &  on  1  ignore-  - - - - 

roit  encore  aujourd’hui  (a)  ,  fi  nous  n’avions  ças  une  Lettre  de 
Verazani  même ,  que  Ramufio  nous  a  confervee  dans  Ion  grand 
Recüeil  Elle  eft  adreffée  à  François  I.  &  dattee  de  Dieppe  du 
huitième  de  Juillet  de  l’année  1524.  L’Auteur  y  fuppofe  que  Sa 
Majefté  étoit  déjà  inftruite  du  fuccès  &  des  particularitez  de  fon- 
voyage  ;  de  forte  qu’il  fe  contente  de  dire  qu’il  etoit  parti  de 
Dieppe  avec  quatre  vaiffeaux,  qu’il  avoir  heureufement  ramenés 
dans  ce  Port.  Il  en  fortit  au  mois  de  Janvier  1 5  24.  avec  deux 
bâtimens ,  la  Dauphine  &  la  Normande  3  pour  aller  en  courte 

contre  les  Efpagnols. 

Vers  la  fin  de  la  même  année  ,  ou  au  commencement  de  la 
fuivante  ,  il  arma  de  nouveau  la  Dauphine ,  fur  laquelle  il  em¬ 
barqua  cinquante  hommes  ,  avec  des  provifions  pour  huit  mois, 

&  fe  rendit  d’abord  à  l’Ifle  de  Madere.  Il  en  partit  le  dîx-feptieme 
de  Janvier  152-5*  avec  un  petit  vent  d  Eft ,  qui  dura  jufqu  au 
vingtième  de  Février ,  &  lui  fit  faire  ,  fuivant  fon  eftime  ,  cinq 
cent  lieues  au  Couchant.  Une  tempete  violente  le  mit  enfuite 
à  deux  doigts  du  naufrage  ;  mais  le  calme  étant  revenu  ,  il  con¬ 
tinua  fa  route  fans  aucun  accident ,  &  fe  trouva  vis-à-vis  d’une 
terre  baffe.  Il  s’en  approcha ,  mais  ayant  reconnu  qu  elle  etoit 
fort  peuplée  ,  il  n’ofa  y  débarquer  avec  fi  peu  de  monde.  Il  tour¬ 
na  au  Sud  ,  &  fit  cinquante  lieues,  fans  apercevoir  aucun  havre, 
où  il  pût  mettre  fon  navire  en  sûreté  ,  ce  qui  l’obligea  de  rebrouf 
fer  chemin.  Il  11e  fut  pas  plus  heureux  du  côté  du  Nord  ,  de  for^ 
te  qu’il  fut  contraint  de  mobilier  au  large  ,  &  d’envoyer  fa  cha¬ 
loupe  pour  examiner  la  Côte  de  plus  près. 

A  l’arrivée  de  cette  chaloupe,  le  rivage  fe  trouva  bordé  de  ^  _ 
Sauvages  ,  en  qui  l’on  voyoit  tout  à  la  fois  des  effets  de  la  fur-  quemens 
prife  ,°de  l’admiration  ,  de  la  joye  &  de  la  crainte  ;  mais  il  n’eft 
pas  aifé  de  juger  fur  la  Lettre  ,  que  Yerazani  écrivit  au  Roi  de 


Son  fécond1 
voyage. 

1525. 


Son  prc-î 
mier  débar« 


(a)  L’Auteur  moderne  de  YEnJayo  Chrono¬ 
logie 0  p  tra  la  Hijlorta  de  la  Florida  ,  place  ce 
premier  voyage  de  Verazani  ,  qu’il  traite  de 
Corfaire  ,  en  i  j  14.  mais  il  fe  trompe.  Il  pré¬ 
tend  auiïi  mal-à-propos  qu’ayant  été  pris  cecte 
meme  année  par  des  Bizcayens ,  il  fut  mene 
juifonnier  à  Scville  ,  6c  de- là  à  Madrid ,  où  ri 


Rit  pendu.  Il  eft  d’ailleurs  certain  queYera- 
zani  fit  plufieurs  années  la  courfe  contre  les 
Efpagnols  ,  avec  com. ni  filon  du  Roi  de  Fran¬ 
ce  ,  qui  étoit  alors  en  guerre  contre  Charles- 
Quint.  De  quel  droit,  s’il  avoir  été  pris  ,  l’au- 
roit-on  traité  en  voleui' ,  ôe  non  en  prilonnier 
de  guerre  l 

A  iij 


I  5  25* 

Aventure  fin 

guliere  d'un 
Matelot. 


6  HISTOIRE  GENERALE 

francê  aU  retour  de  fon  voyage  ,  par  quelle  hauteur  il  décou¬ 
vrit  d  abord  la  terre  ,  ni  precifement  jufqu’où  il  s’éleva  au  Nord. 
Lefcarbot  dit  qu  il  découvrit  tout  le  pays ,  qui  eft  entre  les  tren- 
te  &  les  quarante  degres  de  latitude  feptemrionnale  ,  mais  il  ne 
cite  point  fes  Auteurs.  Verazani  nous  apprend  feulement  que 
de  1  endroit ,  ou  il  apperçut  la  terre  pour  la  première  fois ,  il  la 
rangea  a  vue  pendant  cinquante  lieues  ,  allant  toujours  au  Midi, 
ce  qu  il  n  aurait  pu  faire ,  vu  le  gifement  de  la  Côte  ,  ff  ce  nre- 
niier  atterage  avoit  été  plus  au  Nord  que  les  trente-trois  degrés. 

dit  meme  en  termes  formels ,  qu’après  avoir  navigué  quelques 
tems  il  fe  trouva  par  les  trente-quatre  degrés.  De  là  ,  ajoûte- 
til,  la  Cote  tourne  a  l  Onent;  quoiqu’il  en  foit ,  ayant  repris 
fa  route  au  Nord  ,  &  n  aperçevant  point  de  Port ,  parce  qu’ap- 
paremment  il  n  aprochoit  point  alfez  de  terre  ,  pour  diftinguer 
es  embouchures  des  nvieres  ,  le  befoin,  où  il  Lit  de  faire  de 
eau  ,  1  obligea  d  armer  fa  chaloupe ,  pour  en  chercher  ;  mais 

mais  aforder. trouverent  >  «T*  la  chaloupe  ne  pût  ja- 

Cependant  les  Sauvages  invitoient  par  toutes  fortes  de  dé- 
.  mor-ftratlons  les  François  à  s’approcher  ;  &  un  jeune  Matelot, 
qui  fçavoit  fort  bien  nager ,  fe  hazarda  enfin  à  fe  jetter  à  l’eau, 
apres  s  être  charge  de  quelques  préfens  pour  ces  Barbares  II 
n  etoit  plus  qua  une  portée  de  moufquet  de  terre ,  &  il  n’avoit 
plus  de  1  eau  ,  que  jufqu  a  la  ceinture  ,  lorfque  la  peur  le  prit  • 
il  jetta  aux  Sauvages  tout  ce  qu’il  avoit,  &  fe  remit  à  la  na’ 
ge  ,  pour  regagner  fa  chaloupe.  Mais  dans  ce  moment  une  va¬ 
gue  ,  qui  venoit  du  large  ,  le  jetta  fur  la  côte  avec  tant  de  fu¬ 
rie  ,  qu  il  relia  étendu  lur  le  rivage  fans  connoiffance.  Vera¬ 
zani  dit  qu  ayant  perdu  terre  ,  &  les  forces  lui  manquant  il 
courait  nfque  de  fe  noyer,  lorfque  des  Sauvages  coururent  à 
fon  fecours ,  &  le  portèrent  à  terre. 

Il  paraît  qu’il  fut  quelque  tems  entre  leurs  bras  fans  s’en  ap¬ 
ercevoir.  Lorfqu  il  eut  repris  fes  fens  ,  il  fut  faifi  de  frayeur 
&  fe  mit  a  crier  de  toute  fa  force.  Les  Sauvages  ,  pour  le 
raturer  ,  crièrent:  encore  plus  fort  ,  ce  qui  produifù  un  effet 
tout  contraire  a  celui  qu  ils  pretendoient.  Ils  le  firent  enfin  a f- 
feoff  au  pied  dune  colline  ,  &  lui  tournèrent  le  vifage  vers 
e  Soleil  ;  puis  ayant  allumé  un  grand  feu  auprès  de  lui ,  ils 
le  depouillerent  tout  nud.  Il  ne  douta  plus  alors  qu’ils  neuf 
fent  deffein  de  le  brûler  &  il  s’imagina  qu’ils  alloie^it  le  facri- 
fier  au  Soleil.  On  eut  la  même  penfée  dans  le  navire ,  doit 


I 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  T.  7 

Ton  voyoit  tout  ce  manège  ,  mais  où  l’on  ne  pouvoit  que 
plaindre  fon  fort. 

Il  commença  néanmoins  à  mieux  efperer  ,  quand  il  vit  que 
Ion  faifoit  fécher  fes  hardes  ,  &  qu’on  ne  l’aprochoit  lui-mê¬ 
me  du  feu  ,  qu’autant  qu’il  étoit  néceffaire  pour  l’échauffer. 
Il  trembloit  à  la  vérité  de  tout  fon  corps  ,  mais  c’étoit  affûré- 
ment  plus  de  peur,  que  de  froid.  Les  Sauvages  de  leur  côté  lui 
faifoient  des  careffes  ,  qui  ne  le  raffûroient  qu  a  demi ,  &  ne  fe 
laffoient  point  d’admirer  la  blancheur  de  fa  peau  ;  fa  barbe 
&  le  poil ,  qu’ils  lui  voyaient  en  plufieurs  endroits  du  corps’ 
où  ils  n’en  ont  pas  eux-mêmes  ,  les  étonnoient  encore  davan¬ 
tage.  A  la  fin  ils  lui  rendirent  fes  habits  ,  lui  donnèrent  à  man¬ 
ger  ;  &  comme  il  marquoit  une  grande  impatience  d’aller  re¬ 
joindre  fes  Compagnons ,  ils  le  conduifîrent  jufqu’au  bord  de 
la  Mer  ,  le  tinrent  quelque  tems  embraffé  ,  témoignant  par-là 
d’une  maniéré  ,  qui  n’avoit  rien  d’équivoque  ,  le  regret  qu’ils 
avoient  de  le  quitter.  Ils  s’éloignèrent  enfuite  un  peu  pour  le 
laiifer  en  liberté  ;  &  quand  ils  le  virent  à  la  nage ,  ils  montè¬ 
rent  fur  une  emmence  ,  d  ôu  ils  ne  c efferent  point  de  le  re¬ 
garder  ,  qu’il  ne  fût  rentré  dans  le  navire. 

Le  refie  du  détail  de  ce  voyage  n’a  rien  de  fort  intereffant, 
&  n’efl  pas  même  trop  intelligible.  Nous  connoiffons  beau- 
coup  mieux  les  pays ,  que  V erazani  parcourut ,  qu’il  ne  les  con— • 
noiffoit  lui-même  ,  lorfqu’il  rendit  compte  au  Roi  fon  Maître 
de  cette  fécondé  expédition ,  &  les  endroits  ,  où  il  débarqua* 
ne  portent  plus  aujourd’-hui  les  noms  ,  qu’il  leur  avoit  donnés. 
Il  finit  le  Mémoire  ,  qu’il  préfenta  à  François  L  en  difant ,  qu’il 
s  etoit  avancé  jufques  fort  près  d’une  Ifle  ,  que  les  Bretons 
avoient  découverte ,  &  qui  eû  fituée  par  les  cinquante  degrés 
d  élévation  du  Pôle.  S  il  ne  s’efl  point  trompé  dans  fon  effi- 
me  ,  il  eft  hors  de  doute  que  fille ,  dont  il  parle  ,  efl  celle  de 
I  erre-neuve  ,  où  les  Bretons  faifoient  la  Pêche  depuis  lon^- 
tems  .  d  ailleurs  il  affûre  ,  qu’avant  que  d’arriver  à  cette  Ifle>, 

YY™  c°toye  Continent  fefpace  de  fept  cens  lieues  ,  ce  qui 
elt  bien  loin  du  compte  de  Lefcarbot. 

Peu  de  tems  après  fon  arrivée  en  France  ,  il  fît  un  nouvel 
armement  a  deflein  d  établir  une  Colonie  dans  l’Amerique.  n 
1  out  ce  qu  on  fçait  de  cette  entreprife  ,  c’eft  que  s’étant  em-  g 
barque ,  il  n’a  point  paru  depuis  ,  &  qu’on  n’a  jamais  bien  fçû 
ce  qu  il  etoit  devenu  :  car  je  ne  trouve  aucun  fondement  à  ce 
que  quelques-uns  ont  publié  ,  qu’ayant  mis  pied  à  terre  dans 


1525 


:  YOia 


g  histoire  generale 

- -  un  endroit ,  où  il  vouloit  bâtir  un  fort ,  les  Sauvages  fe  jette* 

1 J 2  ^  *  rent  fur  lui ,  le  maflacrerent  avec  tous  fes  gens  ,  &  le  man¬ 
gèrent  (a)  Ce  quil  y  a  de  plus  certain  ,  c’eft  que  le  malheureux 
tort  de  Verazani  fut  caufe  que  pendant  pluueurs  années,  ni  le 
Roi ,  ni  la  Nation  ne  fongerent  plus  à  l’Amerique. 

Premier voïa-  Enfin  dix  ans  après  Philippes  Chabot,  Amiral  de  France,  en- 

ge  de  Jacques  gagea  le  Roi  à  reprendre  le  deffein  d’établir  une  Colonie  Fran- 
Cartîer.  ç0ife  dans  le  Nouveau  Monde  ,  d’où  les  Efpagnols  tiroient  tous 
^77777"  les  jours  de  fi  grandes  richeffes  ;  &  il  lui  prefenta  un  Capitaine 
)  *  ’  Maloin  ,  nommé  Jacques  Cartier  ,  dont  il  connoiffoit  le  méri¬ 
té  ,  &  que  ce  Prince  agréa.  Cartier  ayant  reçu  fes  inftru&ions, 
partit  de  S.  Malo  le  vingtième  d’ Avril  1534.  avec  deux  bâti- 
mens  de  foixante  tonneaux ,  &  cent  vingt-deux  hommes  d’équi¬ 
page.  Il  prit  fa  route  à  l’Ouefl ,  tirant  un  peu  fur  le  Nord  ,  oc  il 
eut  les  vents  fi  favorables,  que  le  dixiéme  de  Mai  il  aborda  au  cap 
de  Bonne  Vifie  en  Fille  de  Terre-neuve.  Ce  Cap  eft  fitué  par  les 
quarante-fix  degrés  de  latitude  ;  Cartier  y  trouva  la  terre  encore 
couverte  de  neiges  ,  &  le  rivage  bordé  de  glaces  ,  deforte  qu’il 
11e  put ,  ou  qu’il  n’ofa  s’y  arrêter.  Il  defcendit  fix  degrés  au  Sud- 
Sud-Eft ,  &  entra  dans  un  Port ,  auquel  il  donna  le  nom  de 
Sainte-  Catherine. 

De-là  il  remonta  au  Nord  ,  &  gagna  des  Mes  ,  qu’il  appelle 
dans  fes  Mémoires  les  Ijles  aux  Oijèaux.  Elles  font ,  dit-il,  éloi¬ 
gnées  de  Terre-neuve  de  quatorze  lieues  ,  &  il  fut  bien  furpris 
d’y  voir  un  Ours  blanc  de  la  groffeur  d’une  Vache, qui  avoit  fait 
ce  trajet  à  la  nage.  Dès  que  cet  animal  eut  aperçu  les  chaloupes, 
qui  alloient  à  terre  ,  il  le  jetta  à  la  mer  ,  &  le  lendemain  Car¬ 
tier  l’ayant  rencontré  allez  près  de  Terre-neuve  ,  le  tua  &  le  prit. 
Il  côtoya  enfuite  toute  la  partie  du  Nord  de  cette  grande  Me  ,  8c 
il  dit  qu’on  11e  voit  point  ailleurs  ni  de  meilleurs  ports ,  ni  de 
plus  mauvais  pays  ;  que  ce  ne  font  par-tout  que  des  rochers  af¬ 
freux  ,  que  des  terres  fteriles  ,  couvertes  d’un  peu  de  moufle  ; 
point  d’arbres  ,  mais  feulement  quelques  buiffons  à  moitié  def- 
fechés  ;  qu’il  y  trouva  néanmoins  des  hommes  bien  faits  ,  qui 
avoient  les  cheveux  liés  au-deflùs  de  la  tête  ,  comme  un  paquet 
de  foin  ,  c’eft  fon  expreflion  ,  avec  quelques  plumes  d’oileaux  , 
entrelaffées  fans  ordre ,  ce  qui  faifoit  un  effet  aflez  bizarre. 

Après  avoir  fait  prefque  tout  le  tour  de  Terre-neuve  ,  fans 
pouvoir  néanmoins  encore  s’aflùrer  que  ce  fût  une  Me  ,  il  prit 

(a)  Voyez  les  Faftes  Chronologiques  dç  la  Découverte  du  nouveau  Monde  fous  l’année 

cpj.  .. 

fa 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  I.  9 

fa  route  au  Sud  ,  traverfa  le  Golphe  ,  s’aprocha  du  Continent,  “7^77^ 
&  entra  dans  une  Baye  fort  profonde  ,  où  il  fouffrit  beaucoup 
de  chaud  ,  ce  qui  la  lui  fit  nommer  la  Baye  des  Chaleurs .  Il  fut 
charmé  de  la  beauté  du  pays,  &  fort  content  des  Sauvages,  quil 
y  rencontra  ,  &  avec  lefquels  il  troqua  quelques  marchandifes 
pour  des  Pelleteries.  Cette  Baye  efl  la  même,  que  Ton  trouve 
marquée  dans  quelques  cartes  fous  le  nom  de  Baye  dès  E/pa- 
gnols ,  &  une  ancienne  tradition  porte  que  des  Cafiillans  y 
étoient  entrés  avant  Cartier  ,  &  que  n’y  ayant  aperçu  aucune 
apparence  de  Mines,  ils  avoient  prononcé  plufieurs  fois  ces  deux 
mots  Aea  Nada  ici  rien  ,  que  les  Sauvages  avoient  répétés  de¬ 
puis  ce  tems-la  aux  François ,  ce  qui  avoit  fait  croire  à  ceux-ci 
que  Canada  etoit  le  nom  du  pays  (æ).  Nous  avons  déjà  vû  que 
Vincent  le  Blanc  a  parlé  d’un  voyage  des  Efpagnols  en  ces  quar¬ 
tiers-là  ;  le  refie  efi  fort  incertain.  Quoiqu’il  en  foit ,  la  Baye  des 
Chaleurs  efi  un  allez  bon  Havre  ,  &  depuis  la  mi-Mai  jufqu  a  la 
fin  de  Juillet  on  y  pêche  une  quantité  prodigieufe  de  loups 
marins. 

Au  fortir  de  cette  Baye  ,  Cartier  vifita  une  bonne  partie  des  Il  retourne 
Côtes  ,  qui  environnent  le  Golphe  ,  &  prit  pofleflion  du  Pays  cn  Frauce' 
au  nom  du  Roi  Très-Chrétien  ,  comme  avoit  fait  Verazani  dans 
tous  les  endroits  ,  ou  il  avoit  débarqué.  11  remit  à  la  voile  le 
quinziéme  d’Août ,  pour  retourner  en  France  ,  &  il  arriva  heu- 
reufement  à  S.  Malo  le  cinquième  de  Septembre  ,  plein  d’efpe- 
rance  que  les  Peuples  ,  avec  qui  il  avoit  traité  ,  s’aprivoife- 
roient  fans  peine  ,  qu  on  pourroit  aifément  les  gagner  à  J.  C.  & 
par  ce  moyen  établir  un  commerce  avantageux  avec  un  grand 
nombre  de  Nations  diverfes. 

Sur  le  raport  qu’il  fit^  de  fon  voyage  ,  la  Cour  jugea  qu’il  fe-  Son  fécond 
*7^1, a  France  d  avoir  un  EtablifTement  dans  cette  partie  vo^aBe* 
de  1  Amérique  ;  mais  perfonne  ne  prit  plus  à  cœur  cette  a  flaire  kk  " 
que  le  Vice-Amiral  Charles  de  Mouy  ,  Sieur  de  la  Mailleraye. 

Ce  Seigneur  obtint  pour  Cartier  une  nouvelle  Commiflion  plus 
ample  que  la  première  ,  8c  lui  fit  donner  trois  navires  &  de  bons 
équipages.  Cet  armement  fut  prêt  vers  la  mi-May  ,  &  Cartier  , 
qui  avoit  beaucoup  de  religion  ,  fit  avertir  tout  fon  monde  de 
le  trouver  le  feizieme  ,  jour  de  la  Pentecôte  ,  dans  l’Eglife  Ca¬ 
thédrale  ,  pour  y  faire  fes  dévotions.  Perfonne  n’y  manqua, 
oc  au  fortir  de  1  Autel ,  le  Capitaine  ,  fuivi  de  toute  fa  troupe  , 


(a)  Quelques  -  uns  dérivent  ce  nom  du  mot  Iroquois  K  annata  , 
ca  ,  &  lignine  un  amas  de  Cabarjnes. 

Tome  /. 


qui  fe  prononce  Canna» 


v- 


B 


ÎO 


*535 


Defcription 
du  porc  de  S. 
Nicolas. 


Origine  du 
nom  de  Saint 
Laurent  ,  que 
portent  leGol- 
phe  &  le  Fleu¬ 
ve  du  Canada. 


De  l’ïfled’An- 
ticofty  &  du 
Saguenay. 


histoire  generale 

entra  dans  le  Chœur ,  où  l’Evêque  les  attendoit  revêtu  de  fe£; 
habits  Pontificaux  ,  &  leur  donna  fa  bénédi&ion. 

Le  Mercredy  dix-neuf  ils  s’embarquèrent,  Cartier  montoit  un 
navire  de  fix  vingt  tonneaux  ,  nommé  la  grande  Hermine  3  8c 
avoit  avec  lui  plufieurs  jeunes  Gentilshommes  ,  qui  voulurent 
le  fuivre  en  qualité  de  Volontaires.  Ils  mirent  à  la  voile  par  un 
très-beau  tems  ,  mais  dès  le  lendemain  le  vent  devint  contraire, 
le  Ciel  fe  couvrit ,  8c  pendant  plus  d’un  mois  toute  l’habileté 
des  Pilotes  fut  prefque  toujours  à  bout.  Les  trois  navires  ,  qui 
s’étoient  d’abord  perdus  de  vûë  ,  elfuyerent  chacun  de  leur  côté 
les  plus  violentes  tempêtes  ,  &  ne  pouvant  plus  gouverner  ,  fe 
virent  enfin  forcés  de  s’abandonner  au  gré  des  vents  8c  de  la  mer. 

La  grande  Hermine  fut  portée  au  Nord  de  Terre-neuve  ,  8c 
le  dix-neuf  de  Juillet  Cartier  fit  voiles  pour  le  Golphe  ,  où  il 
avoit  marqué  le  rendez-vous  ,  en  cas  de  léparation.  Il  y  arriva  le 
vingt-cinq  ,  8c  le  jour  fuivant  fes  deux  autres  bâtimens  le  rejoi¬ 
gnirent,  Le  premier  d’Août  un  gros  tems  le  contraignit  de  fe 
réfugier  dans  le  Port  de  S .  Nicolas ,  fitué  à  l’entrée  du  Fleuve  du 
côté  du  Nord.  Cartier  y  planta  une  croix  ,  où  il  mit  les  armes 
de  France  ,  8c  il  y  demeura  jufqu’au  fept. 

Ce  Port  eft  prefque  le  feul  endroit  du  Canada  ,  qui  ait  con- 
fervé  le  nom  ,  que  Cartier  lui  donna  :  la  plûpart  des  autres  en 
ont  changé  depuis,  ce  qui  a  répandu  beaucoup  d’obfcurité  dans 
les  Mémoires  de  ce  Navigateur,  Le  Port  de  S.  Nicolas  efi:  par 
les  quarante-neuf  degrés  vingt-cinq  minutes  de  latitude  Nord  : 
il  efi  allez  sûr  ,  8c  on  y  mouille  par  quatre  brades  d’eau  ,  mais 
l’entrée  en  efi  difficile  ,  parce  quelle  efi  embarraffée  de  récifs. 

Le  dixiéme  les  trois  vaille  aux  rentrèrent  dans  le  Golphe  ,  8c 
en  l’honneur  du  Saint  dont  on  célébré  la  Fête  en  ce  jour  ,  Car¬ 
tier  donna  au  Golphe  le  nom  de  Saint  Laurent ,  ou  plutôt  il  le 
donna  à  une  Baye  ,  qui  efi  entre  fille  d’Anticofty  8c  la  côte  fep- 
tentrionnale  ,  d’où  ce  nom  s’efi  étendu  à  tout  le  Golphe  ,  dont 
cette  Baye  fait  partie  ;  8c  parce  que  le  Fleuve  ,  qu’on  appelloit 
auparavant  la  Riviere  de  Canada ,  fe  décharge  dans  ce  même 
Golphe ,  il  a  infenfiblement  pris  le  nom  de  Fleuve  de  S .  Laurent , 
qu’il  porte  aujourd’hui. 

Le  quinziéme  ,  Cartier  s’approcha  de  fille  d yAnticoJly  ,  pour 
la  mieux  reconnoître  ,  &  à  caufe  de  la  célébrité  du  jour ,  il  la 
nomma  f IJle  de  T Affomption  3  ( a ).  Mais  le  nom  d’Anticofiy  a 


(a)  Des  Sauvages  l’a^pelloient  Natifcotec.  Le 
nom  d’ Anticofty  paroit  lui  avoir  été  donne  par 


des  Anglois.  Jean  Alphonfe  s’eft  trompé  en  lz 
nommant  Ylfie  de  l'AJeenfion, 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  I.  , 

prévalu  dans  l’ufage  ordinaire.  Enfuiteles  trois  Navires  remon  - 
terent  le  Fleuve ,  &  le  premier  de  SenfemKr»  ;i.,  _  ,  n~  i 


f  rvr,  *  &  canuiteies  trois  IN  avires  remon  — 

terent  le  Fleuve ,  &  le  premier  de  Septembre  ils  entrèrent  dans'  1  ï  3  ï- 
le  S  aguenay  .Cartier  ne  Ht  que  reconnoïtre  l’embouchure  de  cet- 
te  Riviere  ,  &  apres  avoir  encore  rangé  la  Côte  pendant  quinze 
lieues  ,  il  mouilla  auprès  d  une  Ifle  ,  qu’il  nomma  X I(leaux  Cou- 
in’j  >  Parce qu 'ly  trouva  beaucoup  de  Coudriers.  Ainfi  ceux 
la  fe  font  trompes  qui  ont  cru  que  cette  Me  avoit  été  formée 
par  le  erand^  Tremblement  de  Terre,  dont  je  parlerai  en  fon 
lieu  ,  &  qui  a  la  vente  1  augmenta  confidéraMement. 

Cartier  le  voyant  alors,  engagé  bien  avant  Hanc  un  D 

z:z  •/'  t  z  ch“,î“  ”  p“  •  »” & s sjss;  ar 

e  re  en  furete  pendant  l’hyver.  Huit  lieues  rlus  loin  que  rifle 
aux  Coudres ,  il  en  trouva  une  beaucoup  plus  belle  &  plus  gran 
cL  ,  toute  couverte  de  Bois  &  de  Vignes  :  il  l’appelFa  l 'A  l 

CAuÎu/dTlaR^n?maité  Changé  en  celul  J  O  Jeans. 

I.  Auteur  de  la  Relation  de  ce  voyage,  imprimée  fous  le  nom 

de  Cartier  ,  prétend  que  le  Pais  ne  commence  qu’en  cet  endroit 

a  s  appeller  Canada,  mais  il  fe  trompe  affûrément  ;  car  il  eft  eer 

tout?eUpSvseameft  fe  I  tems,les  Sauvages  donnoientee  nom  à 
CDeél’Meede  B^h  fon  embouchure lufq^’au  Saguenay.  Pan'' 

^Lma6!' ^"em  duPNoer?7  Hk- 

me  de  Septembre  Jûx^à^ZJZ  TomiiémFm  k 

i  Ja?KSf ^  Le  lenAerin  de  arrivée  il  y  reçut 
teurdeh  R , ■  f  Sauvage  nommé  Donnacona  ,  qui  VA u- 
teur  de  la  Relation  de  ce  voïage  qualifie  Seigneur  du  Canada 

en  France  Ane  i  7?mer.  »  ^  d  ne  vouloir  pas  retourner  aga* 
nâr  r?nn^  :  la  VO,r-  Ce  1U1  de  la  peine  5  Donnacona 

ItoInlT  1  Ce  VÏPge  ’  c’eft  <îue  les  Habitans  d’Hochelaea 
filer  feuf  Z  *ati°n  Ve la  «enne  ,  &  qu’il  vouloit  pro-  ' 
ripe  F  es  avantages  ,  quil  fe  promettoit  de  tirer  du  féinnr 

Tome  I  q  U‘  re“OK  afalfe  Pour  gagner  cette  Bourga-. 

*  B  ij 


M35 


Réception , 
■qu’on  y  fait  à 
Cartier» 


histoire  generale 

\Z  ,  .  ,  »  „  ...ni  ne  nenfoit ,  &  qu’il  y  rencontreroit 

de  èrandesPdTfficulfés  ;  mais  Cartier  ,  qui  pénétra  fans  doute  le 
motif,  'qui  le  faifoit parler  ,  ne  changea  point  de  refolutmri. 
Tlramtde  Sainte  Croix  le  dix  -  neuvième  avec  la  grande  Hcr- 
“Suie  ,  &  deux  Chaloupes ,  laiffant  les  deux  autres  Navi¬ 
res  dans  la  Riviere  de  Sainte  Croix ,  ou  la  grande  Hermine  n  a 

Vl?vintnneuf  fffût  arrêté  au  Lac  S.  Pierre .  que  fon  Navire 
jLe  vint  neui  ’  nnarPmment  il  n  avoit  pas  bien  enfile 

ne  put  paffer ,  parce  ÆhS  Pdeux  Chalou- 

pef  3&  de  s’yembàrquer.îl  arriva  enfin  à  Hochelaga  le  deux.e- 

PoMMERAYE  &  de  Goyelle  UjOisoe  encemtes  de  Pa- 
cmre  rie  cette  Bourgade  etoit  ronde  ,  &  trois  enceintes 
fiffades  y  renfermofent  environ  cinquante  Cabannes  ,  longues 
de  plusse  cinquante  pas  chacune  ,  larges  de  quatorze  ou 
miinze  &  faites  en  forme  de  Tonnelles.  On  y  entrait  par 

Sne  fetde  porte,  au  deffus  de  laquelle , auffi-bien  que  le  long 
une  leuie  porte,  ^  resmoitune  efpéce  de  Galerie  ,  ou 

de  la  première  enceinte  Ol  regn0  -Pétoit  abondamment 

l’on  montoit  avec  des  ech  Ue  &  qu^ 

P°reI  Hab.unsTeÏeue  BourgadePparloient  la  Langue  Hu- 

ron.  Ils  reçurent  très-bien  les  François  ,  ils  leur  donnèrent 
des  Fêtes  à  leur  maniéré  ,  &  on  fe  fit  réciproquement  des  pre- 
fens  L’é  onnement  de  ces  Sauvages  fut  extreme  a  la  vue  des 
Européens"”  leurs  armes  à  feu ,  leurs  trompettes G &£uaa£ 
très  inftrumens  de  guerre  leurs  iongues  ba  bes  leu  haM 
lement  furent  lontems  le  fujet  de  1  admiration  oc  aes  e 
tieTs  de  ces  Barbares ,  qui  ne  fe  laffoient  pomt  de  queftionner 

leurs  Hôtes  ;  «>ais  comme  de  part  &  d’autre  on  ne  pouvoir  fe 
parler  que  par  fignes ,  les  Nôtres  ne  donnèrent  &  ne  reçurent 
Îue  bien  peu  de  fumieres  fur  ce  qu’on  fe  demandoit  mutuelle- 

01  Un  jour  Cartier  fut  fortfurpris  de  voir  venir  i à .  lui  le  Chef 

de  la  Bourgade ,  qui  lui  montrant  fes  jambes  &  fes  bras ,  u 

fit  entendre  au’il  V  fouffroit  quelque  incommodité ,  &  qud  ui 
ht  entendre  qun  y  l’aftion  de  cet  Homme  fut  auffitot 

feroit  plaifir  de  le  guérir.  L.  action  t 

imitée  de  tous  ceux ,  qui  etoient  prefens ,  iL  peu  de  tems 

M  Champlain  prétend  que  cette  Riviere 

«fl  celle  de  s.  Charles  ;  mais  d  le  tiorapc  ,  mmnir  les  dix  lieues  du  bas  de  l'IHc. 

«uifque  des  ISâtimens  beaucoup  plus  grands  ,  <pu  il  comptoir  les  dix  lieues  au 


'Poitiie  daNord 


'ascjuembec 


Cocagne 


[quil"n&at 

rt  Cl'""*"' 

'rccaàtf 


uifte  .  . 

-  S.T'erT 

n  j'rattchemvnty™ 

jgT^^^~  APointe  de  L'E&t 


\tZes  3 .  Rivières 


c  «ï  . 

Tonriaemn^ 

r  ribnvu)<”,u' 


'de  Malm 
i  q- ru  tau 
u?  D  as  sin 


tdlt  I  desRemedeu 
— — .  .  ’fCTii  ta  tnegotich  c 

•7  arf  «-  « 

%JyFî71/?t;e  d  (uwai/e 


ufe  Jfan  rc  Mol  mars 
Cap  jRoÿimijue 


1 ■  Pictou 


.Peaula.rsûi 


e  es  Porte 


S  .  Louis 


Prrn/,,^ 


S'ouït  Mr 

f  —■  Cf^  J  /faute 

'*&**^j&roi/ttc  de  A  fie /h ifo, jui ■  Ç 
7 ■  ausr  Perd»  ~i.v 


palan1' 


\i/>  Ç  fupuùnt 


'Maure  a  l'avocat 
\  I  Penser 


^  n  j  ’£,  cite 

JF%£*Poisf/r  de  Mapt'ea/ur 

j^L  a u sr  Ois  cause  \ 

ÜJtce  a  la.  Corvette  ' 


Mabita/ioiu 


Z  J^  SL  £\ 

£i L 

Cliedabouctou  j 
ait/  Mau.  de Mïltord' 


Cap  de  17  Pcnser%Â 
Cap  des  Jfi/ie^ 


rMalntatùrne 


£ ïjjlissnrn  de  CJielc/uicaj ■ 


^^HavFe  ttlaçe 
Roc^j  des  HJ  a  t/es 


Lac  S? Jfajie 


/  du  Grand MTena/n 


les  Aline! 


Pu/u/uit 

'l'i/ltitje  Sainuuje 


lePaspie 


artin 


à  ° Mal’i&i/tons 


•  P  oï't  Royal 
7  -hi/utPo/is 


v*  Grand  Lac  LP  ./ 
du  Port  Ro  s siejtioi^, 

<i>  *-4- 


;fMane 

^VOssam/^ 

1?°'" 

K  n 


tient 


trre  "S» 

Bayre  de  toutes  les  Is 


O-  ji 

Port 

Mouton 


I.  Jf ou  Mites  fjp  ■ 
r<i/»  FourcluR 
I.  des  Mamvs 


ruspu 


J-  ans-  Loups  mam/u'jÇ^  \ 
I-  du  bon  potiipe  4 
I.  aiuc  Cannes 


C  ARTE 

DE  EAcCADIE 


P.  ■  Rùehibouetou 


Dressee  sur  les  Manuscrits  du  Depost 
des  Cartes  et  Plans  de  la  Marine. 


Par  N.  j B.  lmp  et  H  i/o.  de  la  Marine. 

x744- 


a p  F  oqe  ci 


C ap  Canceau. 

ointe  P  la,  tel  te 


3  ^BtSsfGresse  Jsle 

L  ure  Lu  P  art 

Kporute  Verte 
Passe  Sourde 


eér*!  '''U,e„/,. 

Jgflâce  Mes  Fournaises 
<Tp  fi  cn-c' 


-ir. 


ILfSfrs  „ 

''S'oS.V1*  0„... 


Echelles 

Lieues)  Communes  de  Fra/icc  de  2,2.81.  T cts es 


Uis 


'e 


'.r. 


■/, 


Lieues  Marine d  8e  France  et  d’Anq/efrrre  de  2.853 -Ibis cd 


Longitude  Occidentale  du  Méridien  de  Paris 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  I.  13 

après  d’un  plus  grand  nombre  encore,  qui  accoururent  de  toutes 
parts  ,  &  parmi  lefquels  il  y  en  avoit  ,^qui  paroiffoient  véritable¬ 
ment  fort  malades  ,  &  quelques-uns  dune  extrême  vieillefîe.  La 
{implicite  de  ce  peuple  toucha  le  Capitaine  ,  qui  s’armant  d’une 
foi  vive  ,  récita  le  plus  dévotement  qu’il  put  le  commencement 
de  l’Evangile  de  Saint  Jean.  Il  fit  enfuite  le  figue  de  la  croix 
fur  les  malades ,  leur  difiribua  des  chapelets  &  des  Agnus  Del  ; 
&  leur  fit  entendre  que  ces  chofes  avoient  une  grande  vertu 
pour  guérir  toutes  fortes  d’infirmités.  Cela  fait ,  il  fe  mit  en 
prières  ,  &  conjura  infiamment  le  Seigneur  de^  ne  pas  laifier 
plus  long-tems  ces  pauvres  Idolâtres  dans  les  ténèbres  de  l’in¬ 
fidélité  ;  puis  il  récita  à  haute  voix  toute  la  Faffion  de  J .  C. 
Cette  le&ure  fut  écoutée  avec  beaucoup  d’attention  &  de  ref- 
pecl  de  toute  l’afliftance ,  &  cette  pieufe  cérémonie  fut  termi¬ 
née  par  une  fanfare  de  trompettes  ,  qui  mit  ces  Sauvages  hors 
d’eux-mêmes  de  joie  &  d’admiration. 

Le  même  jour  Cartier  vifita  la  Montagne  ,  au  pied  de  la¬ 
quelle  étoit  la  Bourgade  ,  &  lui  donna  le  nom  de  Mont-Royal , 
qui  efi  devenu  celui  de  toute  l’Ifle  (u).  Il  découvrit  de-là  une 
grande  étendue  de  pays  ,  dont  la  vûë  le  charma  ,  &  avec  rai- 
fon ,  car  il  en.  efi:  peu  au  monde  de  plus  beau  &  de  meilleur. 
Il  comprit  que  difficilement  il  auroit  pû  trouver  un  lieu  plus 
propre  à  faire  un  établiffement  folide  ,  &  Feiprit  rempli  de 
cette  idée  ,  il  partit  d’Hochelaga  le  cinquième  d’Oelobre  ,  & 
arriva  l’onzième  à  Sainte  Croix. 

Ses  gens  s’étoient  fait  autour  de  leurs  barraques  une  ma¬ 
niéré  de  retranchement  ,  capable  de  les  garantir  au  moins 
d’une  furprife  :  précaution  fouvent  néceffaire  avec  les  Sauva^ 
ges  ,  &  dont  on  ne  doit  jamais  fe  repentir  ,  lors  même  qu’on 
n’a  pas  eu  occafion  d’en  reconnoître  la  néceffité.  Il  y  auroit 
même  eu  ici  de  l’imprudence  à  11e  pas  prendre  ces  mefures  , 
parce  qu’il  s’agifîoit  de  palier  l’hyver  dans  le  voifinage  d’une 
Bourgade  fort  peuplée  ,  &  où  commandait  un  Chef,  dont  on 
avoit  plus  d’une  raifon  de  fe  défier.  Je  trouve  dans  quelques 
Mémoires ,  &  c’eft  une  tradition  confiante  en  Canada  ,  qu’un 
des  trois  navires  fut  brifé  contre  un  rocher  ,  qui  efi  dans  le 
fleuve  S.  Laurent ,  vis-à-vis  de  la  riviere  de  Sainte  Croix ,  tk 
que  la  marée  couvre  entièrement ,  lôrfqu’elle  efi  haute  ( b )  ;  mais 
la  Relation  ,  d’ou  j’ai  tiré  ce  récit ,  ne  dit  rien  de  cet  accident. 

(  a  )  On  l’appelle  aujourd’hui  Montreal. 

.  \b)  On  l’appelle  encore  préfentement  la  Roche  de  Jacques  Cartier. 

B  ii) 


1  5  3  5  * 


U  vifite  la 
montagne  ,  &C- 
lui  donne-  le 
nom  de  Mont- 
royal. 


i53<5. 

Le  fcorbut 
fait  périr  une 
partie  des 
François. 


Idée, que  Car¬ 
tier  donne  au 
Roi  du  Cana¬ 
da. 


Son  retour 
en  France. 


1536. 


M  HISTOIRE  GENERALE 

Un  plus  grand  malheur  fit  bientôt  oublier  celui-ci ,  &  cela 
d autant  plus  alternent ,  que  ce  bâtiment  perdu,  il  aurait  fallu 
labandonner  ,  faute  de  Matelots  pour  le  reconduire  en  France. 

e  ut  une  efpece  de  Scorbut ,  dont  perfonne  ne  fut  exempt, 
&  qui  aurait  peut-etre  fait  périr  jufqu’au  dernier  des  François , 
s  ils  nyeuflent,  quoiqu’un  peu  tard,  trouvé  un  remede  ,  qui 
opéra  jur  j  champ.  C  etoit  une  ptifanne  faite  avec  la  feuille 
,  .  1  ecorce  de  1  epinette  blanche  pilée  enfemble.  Cartier  étoit 
lui-meme  attaque  du  mal  ,  quand  les  Sauvages  lui  enfeigne- 
ent  ce  fecret  ;  il  avoir  déjà  perdu  vngt-cinq  hommes  ,  &  à 
peine  lui  en  reftoit-il  deux  ou  trois  en  état  d’agir.  Mais  huit 
jours  apres  quil  eut  commencé  de  faire  ufage  de  ce  remede 
tout  le  monde  etoit  fur  pied.  Quelques-uns  mêmes ,  dit-on  ! 
qui  avoient  eu  le  mal  de  Naples  ,  &  qui  n’en  étoient  pas  bien 
guens ,  recouvrèrent  en  peu  de  tems  une  parfaite  fanté.  C’eft 

bkimdu  Canada/1111  F°dUlt  k  Teteba^  ’  ™  k  Baume 

Cartier  ,  dans  le  Mémoire,  qu’il  préfenta  à  François  I.  fur  fon 
lecond  Voyage  ,  n  attribue  point  à  la  fréquentation  avec  les 
auvages ,  comme  plusieurs  des  liens  avoient  fait  d’abord  le 
ma  ,  qui  avoit  ete  fur  le  point  de  le  faire  périr  avec  tout  fon 
monde  ;  mais  a  la  faine antife  de  fes  gens  ,  &  à  la  mifere  ,  où 
elle  les  avoir  réduits.  En  effet  les  Sauvages  du  Canada  n’ont 
jamais  ete  fujets  au  fcorbut.  Auffi  ce  Capitaine  ,  malgré  fes 
pertes  &  la  rigueur  du  froid  ,  dont  il  avoit  eu  d’autant  plus 
a  louftrir ,  qu  il  avoir  moins  fongé  à  fe  précautionner  contre 
un  inconvénient ,  qu’il  ne  prévoyoit  pas ,  ne  craignit  point  d’af- 

furer  a  Sa  Majefte  qu  on  pouvoir  tirer  de  grands  avantages  des 
pays  ,  qu  il  venoit  de  parcourir.  6 

Il  lui  dit ,  que  la  plûpart  des  Terres  y  étoient  très-fertiles  * 
que  le  climat  y  etoit  fam ,  les  habitans  fociables  ,  &  fort  aifés 
a  tenir  en  refpea  ;  il  lui  parla  fur  tout  des  Pelleteries  ,  com¬ 
me  d  un  objet  confiderable.  Mais  fur  quoi  il  infifta  davanta¬ 
ge ,  celt  qu  il  etoit  bien  digne  d’un  grand  Prince  comme  lui, 
qm  portoit  la  qualité  de  Roi  Très-Chrétien  ,  &  de  Fils  aîné  de 
i  ligule  de  procurer  la  connoiffance  de  J.  C.  à  tant  de  Na- 

tIOnAun-/r  -r  ’  ne  Par°iff°ient  pas  difficiles  à  convertir 
au  Chrffiiamfme. 

#  Quelques  Auteurs  ont  prétendu  néanmoins  que  Cartier , 
degoute  du  Canada  ,  diffiiada  le  Roi  fon  Maître  d’y  penfer 
davantage ,  &  Champlain  femble  avoir  été  de  ce  fentiment. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.L  i5 

Mais  cela  ne  s’accorde  nullement  avec  la  maniéré  ,  dont  Car-  - 

tier  lui-même  s’exprime  dans  fes  Mémoires ,  ni  avec  ce  qu’on  1  ^6’ 
lit  dans  les  autres  Relations  de  fes  Voyages.  On  ajoûte  qu’en 
partant  de  Sainte  Croix  pour  retourner  en  France  ,  ce  qu’il  fit, 
dès  que  la  navigation  du  Fleuve  fut  libre  ,  il  avoit  embarqué 
par  lurprife  Donnacona ,  qu’il  le  préfenta  au  Roi ,  &  qu’il  lui 
fit  répéter  devant  ce  Prince  tout  ce  qu’il  avoit  dit  lui-même 
de  la  bonté  du  Pays  ;  mais  ce  fait  n’efi  point  certain. 

Si  les  Mémoires  de  Carti  er  ont  long-tems  fervi  de  guide  à  Jugement  far 
ceux  ,  qui  ont  navigué  après  lui  dans  le  Golphe  &  fur  le  Pes  Mémoires* 
Fleuve  de  Saint  Laurent ,  il  efi  certain  qu’aujourd’hui  ils  ne 
font  prefque  pas  intelligibles  ,  parce  qu’outre  que  la  plûpart 
des  noms ,  qu  i!  avoit  donnés  aux  Mes  ,  Rivières  ,  Caps  ,  &c. 
ont  ete  changes  depuis  ,  on  ne  trouve  dans  aucune  des  Lan¬ 
gues  du  Canada  les  termes  ,  qu’il  en  cite  ,  foit  qu’il  les  ait  lui- 
même  efiropiés  ,  pour  les  avoir  mal  entendus ,  ou  parce  qu’ils 
ont  vieilli  avec  le  tems  ,  comme  il  arrive  à  toutes  les  Lan¬ 
ges  vivantes  :  beaucoup  moins  cependant ,  à  ce  qu’on  m’a 
allure  fur  les  lieux  ,  parmi  les  Sauvages  ,  que  parmi  nous.  Dans 
la  vente ,  la  plûpart  des  noms ,  que  les  Voyageurs  nous  don¬ 
nent  comme  des  noms  propres  ,  quand  ils  ne  font  pas  tout-à- 
rait  de  leur  invention  ,  n’ont  pour  l’ordinaire  d’autre  fonde¬ 
ment  que  des  mots  mal  compris  ,  ou  entendus  dans  un  fens 
tout -different  de  celui ,  qui  leur  efi:  propre. 

Cependant  Cartier  eut  beau  vanter  le  Pays  ,  qu’il  avoit  dé-  On  néglige 
couvert ,  le  peu  qu’il  en  raporta ,  &  le  triffe  état ,  où  fes  gens  en  pjrance  Ic 
y  avoient  été  réduits  par  le  froid  &  par  le  feorbut ,  perfuade- 
rent  a  la  plupart  ,  qu’il  ne  ferait  jamais  d’aucune  utilité  à  la 
b  rance.  On  mfifta  principalement  fur  ce  qu’il  n’y  avoit  vû  au¬ 
cune  apparence  de  Mines  ,  &  alors  ,  plus  encore  qu’aujour- 
d  hiu  ,  une  Terre  étrangère  ,  qui  ne  produifoit  ni  or  ni  argent, 
lierait  comptée  pour  rien.  Peut-être  auffi  Cartier  décria -t’il 
la  Relation  par  les  contes  ,  dont  il  s’avifa  de  l’embellir  ;  mais  le 
moyen  de  revenir  d’un  pays  inconnu  ,  &  de  n’en  rien  raconter 
d  extraordinaire  .  Ce  n’efi:  pas  ,  dit-on  ,  la  peine  d’aller  fi  loin 
pour  n  y  voir  que  ce  que  l’on  voit  par-tout. 

entablement  la  condition  d’un  Voyageur  eft  bien  triffe  , 
quand  il  n  a  point  rapporté  de  quoi  fe  dédommager  par  quelqu’a- 
vantage  folide  ,  de  les  fatigues  ,  &  des  rifques  qu’il  a  courus!  S’il 
s  a  vile  de  faire  une  Relation  de  fon  voyage  ,  il  trouve  tous  fes 
Lecteurs  en  garde  contre  lui  3  pour  peu  qu’il  dife  des  chofes  extra- 


1536. 


Remarques 
fur  quelques 
endroits  des 
Mémoires  de 
Cartier. 


16  histoire  generale 

ordinaires  ,  il  ne  trouve  aucune  croyance.  D’autre  part ,  fi  une 
Relation  eft  entièrement  dénuée  de  merveilleux ,  on  ne  la  lit 
point  ;  c ’eft-à-dire  ,  qu’on  exige  d’un  Voyageur  qu’il  nous  amu- 
fe  ,  même  aux  dépens  de  fa  réputation  ;  on  veut  le  lire  avec 
plaifîr  ,  &  avoir  le  droit  de  fe  mocquer  de  lui. 

Je  ne  fçai  fi  Jacques  Cartier  fit  toutes  ces  réfléxions  ,  en  écri¬ 
vant  fes  Mémoires  ,  mais  il  y  a  mis  du  merveilleux  ,  &  de  plus 
d’une  forte  ,  tout  n’en  eft  pourtant  pas  tellement  fabuleux  , 
qu’on  11’y  entrevoye  quelque  chofe  de  réel ,  que  fon  ignoran¬ 
ce  ,  ou  fon  peu  d’attention  ont  défiguré  ;  &  ce  qu’il  rap¬ 
porte  fur  le  témoignage  d’autrui ,  n’eft  pas  toujours  fans  quel¬ 
que  fondement.  C’eft  ce  qui  m’a  fait  juger  qu’on  me  pardonne- 
roit  de  m’y  être  un  peu  arrêté  ,  pour  avoir  lieu  d’examiner  quel¬ 
ques  points  d’Hiftoire ,  qui  ne  font  pas  tout-à-fait  indignes  de 
l’attention  des  perfonnes  curieufes. 

Notre  Auteur  nous  allure  donc  qu’étant  un  jour  à  la  chaffe  , 
il  pourfuivit  une  bête  fauve  à  deux  pieds  ,  &  qui  couroit  avec 
une  viteffe  extrême.  Il  aura  vû  fans  doute  à  travers  les  broffail- 
les  un  Sauvage  couvert  d’une  peau  ,  dont  le  poil  etoit  en  de¬ 
hors  ,  &  peut-être  l’aura-fil  entendu  contrefaifant  le  cri  de  quel¬ 
que  animal ,  pour  l’attirer  dans  fes  pièges  félon  l’ufage  ordi¬ 
naire  de  ces  Peuples.  Le  Sauvage  de  fon  côte  ,  qui  pouvoit  bien 
n’avoir  jamais  vû  d’Européen  ,  apercevant  un  homme  extraordi¬ 
naire,  aura  pris  la  fuite  :  Cartier,  qui  ignoroit  que  ces  Barbarès  ne 
le  cedent  point  en  vîteffe  aux  Daims  mêmes  &  aux  Cerfs  ,  fort 
étonné  de  voir  fa  prétendue  bête  fauve  courir  aufîi  vite  fur  fes 
deux  pieds  ,  que  s’il  en  avoit  eu  quatre  ,  fe  fera  perfuadé  que 
c’étoit  un  animal  d’une  efpece  particulière.  Et  c’en  peut-être  de 
la  même  fource  que  vient  tout  ce  qu’on  a  débite  des  Faunes  & 
des  Satyres.  Mais  voici  quelque  chofe  de  plus  admirable. 

Donnacona ,  fi  nous  en  croyons  la  Relation  du  Capitaine 
Maloin  ,  lui  raconta  que  dans  un  voyage  ,  qu’il  avoit  fait  dans 
un  pays  fort  éloigné  du  fieu  ,  il  avoit  vû  des  hommes  ,  qui  ne 
mangeoient  point ,  &  n’avoient  au  corps  aucune  iffuë  pour  les 
excrémens  ,  mais  qui  buvoient  &  urinoient.  Que  dans  une 
autre  Région  il  y  en  a  qui  n’ont  qu’une  jambe  ,  une  cuiffe  & 
un  pied  fort  grand ,  deux  mains  au  même  bras  ,  la  taille  extrê¬ 
mement  quarrée  ,  la  poitrine  &  la  tête  piattes  ,  &  une  très -pe¬ 
tite  bouche  :  que  plus  loin  encore  il  avoit  vû  des  Pigmées  ,  & 
une  Mer ,  dont  l’eau  eft  douce  :  enfin  qu’en  remontant  le  Sague- 
nay  ,  on  arrive  dans  un  Pays  ,  où  il  y  a  des  hommes  habillés 

comme 


DE  LA  NOUELLE  FRANCE.  Liv.  L  t7 

Comme  nous  ,  lefquels  demeurent  dans  des  Villes  ,  8c  ont  beau¬ 
coup  d’or  ,  de  rubis  8c  de  cuivre. 

Il  efl  certain  que  nos  Millionnaires  ont  voyagé  avec  des  Sau¬ 
vages  aulîi  loin  qu’il  efl  poffible  en  remontant  le  Saguenay  ,  8c 
la  plûpart  des  Rivières  ,  qui  s’y  déchargent  ;  qu’ils  n’y  ont  vû 
eue  des  Pays  affreux  8c  impratiquables  pour  tout  autre  que 
des  Sauvages  errans ,  dont  plulieurs  mêmes  y  périment  de  faim 
&  de  mifere  :  mais  il  efl  bon  d’obferver  qu’un  Sauvage  ,  pour 
qui  fept  ou  huit  cent  lieues  de  marche  ne  font  pas  une  grande 
affaire  ,  peut  bien  ,  en  prenant  fa  route  par  le  Saguenay  ,  tour¬ 
ner  enfuite  à  l’Oiiefl  ,  pénétrer  jufqu’au  Lac  des  Affiniboils  , 
qui  a,  dit-on ,  lix  cent  lieues  de  circuit,  &  de -là  paffer  au 
Nouveau  Mexique  ,  où  les  Efpagnols  commençoient  en  ce 
tems-là  à  s’établir. 

^  Il  efl  d  ailleurs  affez  fingulier  que  le  conte  des  Hommes,  qui 
îi  ont  qu  une  jambe  ,  ait  ete  renouvelle  depuis  peu  par  une  jeu¬ 
ne  Efclave  de  la  Nation  des  Eskimaux  ,  qui  fut  prife  en  iyiy. 

&  menée  chez  M.  de  Courtemanche  à  la  Côte  de  Labrador  * 
où  elle  étoit  encore  en  1720.  lorfque  j’arrivai  à  Quebec.  Cette 
Fille  voyant  un  jour  des  Pêcheurs  fur  le  bord  de  la  Mer  ,  de¬ 
manda  s  il  n  y  avoit  parmi  nous  que  des  Hommes  faits  comme 
ceux-là  ?  On  fut  furpris  de  fa  demande  ,  mais  on  le  fut  encore 
bien  davantage  ,  quand  elle  eut  ajoûté  quelle  avoit  vû  dans 
fon  Pays  deux  Hommes  d’une  grandeur  &  d’une  groffeur  mon- 
flrueufes ,  qui  rendoient  leurs  excremens  par  la  bouche  ,  &  uri- 
noient  par-deffous  l’epaule.  Elle  dit  encore  que  parmi  fes  Com¬ 
patriotes  il  y  avoit  une  autre  forte  d  Hommes  ,  qui  n’ont  qu’une 
jambe  ,  une  cuiffe  ,  8c  un  pied  fort  grand  ,  deux  mains  au  mê¬ 
me  bras  ,  le  corps  large  ,  la  tête  platte  ,  de  petits  yeux  ,  pres¬ 
que  point  de  nez  ,  8c  une  très-petite  bouche  ;  qu’ils  étoient  tou¬ 
jours  de  mauvaife  humeur  ;  qu’ils  pouvoient  refier  fous  l’eau 
trois  quarts  d  heure  de  fuite  ,  8c  que  les  Eskimaux  s’en  fer  voient 

pour  pêcher  les  débris  des  navires  ,  qui  faifoient  naufrage  à  la 
Côte.  & 

Enfin  elle  affûra  qu’à  l’extrémité  feptentrionnale  de  Labra¬ 
dor  ,  il  y  avoit  un  Peuple  tout  noir  ,  qui  avoit  de  greffes  lé-  Nord, 
vres ,  un  nez  large  ,  des  cheveux  droits  8c  blancs  ;  que  cette 
Nation  etoit  très-mauvaife  ,  8c  qu’encore  qu’elle  fût  mai  armée  , 
n’ayant  que  des  couteaux  &  des  haches  de  pierre  ,  fans  aucun 
ufage  du  fer  ,  elle  s’étoit  rendue  redoutable  aux  Eskimaux  ,  8c 
gu  elle  fe  fert  de  raquettes  pour  courir  fur  la  neige  ce  qui  n’eft 
Tome  I,  C 


5  3  <>- 


Hommes 
noirs  dans  le 


ts  HISTOIRE  generale 

-  point  en  uiage  parmi  ceux-ci.  Il  faut  avouer  que  ce  feroit  une 

1  5  3  6-  chofe  affez  étrange  que  des  Hommes  noirs  fi  près  du  Pôle  ,  & 
fous  un  climat ,  où  les  Ours  mêmes  font  blancs  :  cependant  la 
jeune  Efclave  de  M.  de  Courtemanche  n’eff  pas  la  feule  ,  qui 
ait  avancé  ce  fait, 

♦  L’Auteur  de  la  Relation  du  Groenland,  înleree  dans  les  voya-* 
ges  au  Nord  ,  après  avoir  parlé  des  Naturels  du  Pays  ,  qu’il  re- 
prefente  comme  affez  femblables  aux  Eskimaux ,  grands  &  mai¬ 
gres  comme  eux  ,  vêtus  de  la  même  façon  ,  ayant  des  canots 
comme  les  leurs  ;  ajoûte  qu’on  voit  auffî  parmi  eux  des  Hommes 
noirs  comme  les  Ethiopiens.  Après  tout  il  n’y  a  rien  là  d’im- 
poffible  ,  des  Nègres  peuvent  avoir  été  tranfportés  par  hafard  , 
ou  autrement  dans  le  Groenland ,  s’y  être  multipliés  ,  &  leurs 
cheveux  blancs  être  un  effet  du  froid  ,  qui  en  produit  de  fem¬ 
biables  fur  la  plûpart  des  animaux  du  Canada. 

Des  Pygmées.  L’Efclave  parla  encore  des  Pygmees ,  qui  font ,  dit-elle  ,  uns 
Nation  particulière  ,  n’ont  pas  plus  de  trois  pieds  de  haut ,  & 
font  d’une  extrême  groffeur.  Leurs  Femmes  ,  ajoûta-t’elle ,  font 
encore  plus  petites  ,  &  il  neft  point  au  Monde  de  Peuple  plus 
malheureux  :  les  Eskimaux  ,  dont  ils  font  Efclaves  ,  les  trait- 
tent  fort  durement,  &  prétendent  leur  faire  une  grâce  fort  ligna- 
lée  ,  quand  ils  leur  donnent  un  peu  d’eau  douce  à  boire.  La  Re¬ 
lation  ,  que  j’ai  déjà  citée  ,  dit  la  même  chofe  ,  &  affaire  qu’en 
bien  des  endroits  de  ce  Pays-là  on  n’a  point  d’aütre  eau  dou¬ 
ce  ,  que  de  la  neige  fondue  :  en  quoi  il  n’y  a  rien  que  de  fort 
croyable  ,  le  froid  pouvant  refferrer  de  telle  forte  les  veines  de 
la  terre  ,  qu’il  n’y  ait  point  de  paffage  pour  les  fources  ,  qu’à  une 
certaine  profondeur. 

Cette  conjecture  fe  confirme  par  ce  que  des  Voyageurs  ont 
éprouvé  dans  le  Nord  ,  où  ils  ont  vû  fur  le  rivage  même  de  la 
Mer  des  glaçons  énormes  d’une  eau  très-douce.  Onlitauffi  dans 
quelques  Mémoires  que  les  Eskimaux  font  accoutumés  à  boire 
de  l’eau  falée  ,  &  que  fouvent  ils  n’en  ont  point  d’autre.  Cette 
eau  n’eff  pourtant  pas  celle  de  la  Mer ,  mais  de  quelques  Etangs 
fâumatres  ,  tels  qu’il  s’en  rencontre  quelquefois  affez  avant  dans 
les  terres. 

Nous  apprenons  encore  par  les  Voyages  au  Nord  ,  que  des 
vaiffeaux  Danois,  qui  en  1605 .  s’élevèrent  fort  haut  au-deffus  de 
la  Baye  d’Hudfon  ,  y  rencontrèrent  de  petits  Hommes  ,  qui 
avoient  la  tête  quarrée  ,  la  couleur  bazannée  ,  les  lèvres  groffes 
&  relevées ,  qui  mangeoient  la  chair  &  le  poiffon  tous  cruds  3 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  I.  i9 

.qui  ne  purent  jamais  s’accoûtumer ,  ni  au  pain  ,  ni  aux  viandes  — — — - 
cuites  ,  encore  moins  au  vin  ;  qui  avaloient  l’huile  de  Baleine  ,  1  5  6. 3* 

comme  nous  ferions  l’eau,  &  en  mangeoient  la  chair  par  délices; 
qui  fe  faifoient  des  chemifes  des  inteffins  de  Poiffons  ,  &  des  fur- 
touts  de  cuirs  de  Chiens  ou  de  Veaux  marins.  L’Auteur  ajoute 
qu’on  amena  plufieurs  de  ces  Pygmées  en  Dannemarc  ,  qu’ils 
moururent  tous  de  chagrin  d’avoir  quitté  leur  Pays  ,  mais  qu’il 
en  reftoit  encore  cinq  ,  lorfqu’un  Ambaffadeur  d’Efpagne  étant 
arrivé  à  Coppenhague  ,  on  lui  donna  le  divertiffemenr  de  voir 
cespetits  Hommes  naviguer  fur  la  Mer  avec  leurs  batteaux. 

Ces  batteaux  avoient  la  figure  d’une  navette  de  TilTerand  ,  & 
dix  ou  douze  pieds  de  longueur.  Ils  étoient  fabriqués  de  barbes 
de  Baleines ,  de  lepaiffeur  d’un  doigt ,  couverts  par-deffus  & 
par-deffous  de  peaux  de  Chiens  ou  de  Veaux  marins  ,  coufuës 
avec  des  nerfs  ;  deux  autres  peaux  couvroient  le  deffus  du  bat¬ 
te  au  ,  de  maniéré  qu’il  n’y  reftoit  qu’une  ouverture  au  milieu  , 
par  laquelle  le  Batelier  entroit ,  &  qu’il  refermoit  comme  une 
bourbe  autour  de  fes  reins  ;  qu’étant  affis  ,  &  ainft  refferrés  par 
le  milieu  du  corps,  ils  ne  recevoient  pas  une  goutte  d’eau  dans 
leur  batteau  ,  quoique  les  vagues  leur  paffaffent  par-deffus  la 
tête  ,  &  qu  ils  en  fanent  quelquefois  environnés  de  toutes  parts. 

La  force  de  ces  machines  confifte  dans  les  deux  bouts  ,  où  les 
baleines  font  bien  liees  enfemble  par  les  extrémités  ;  le  tout 
eft  b  bien  joint ,  fi  bien  coufu  ,  que  ces  petites  voitures  peuvent 
réfifter  aux  plus  violens  orages  ,  &  qu’au  milieu  même  du  nau¬ 
frage  leurs  condu&eurs  fe  rient  de  la  tempête. 

Ilny  a  jamais  qu’un  Homme  dans  chacun  de  ces  batteaux, 

&  il  y  eff  affis  ,  les  jambes  étendues  ,  les  poignets  des  mânehes 
bien  ferres ,  &  la  tête  enveloppee  dune  efpece  de  capuce  ,  qui 
tient  au  fur-tout ,  de  forte  que  quoiqu  il  arrive  ,  l’eau  n’y  péné¬ 
tré  point.  Ils  tiennent  des  deux  mains  un  aviron  à  deux  palettes, 
long  de  cinq  à  ftx  pieds  ,  qui  leur  fert  en  même  rems  de  rame  , 
de  gouvernail  S v  de  balancier  ,  ou  de  contrepoids.  Les  Pygmées 
de  Coppenhague  divertirent  beaucoup  l’Ambaffadeur  Efpagnol  ; 
ils  fe  croifoient ,  &  faifoient  toutes  leurs  autres  évolutions  avec 
tant  d’adreffe  ,  qu’ils  demeuraient  toujours  à  la  même  diffance 
les  uns  des  autres  ,  &  ils  paffoient  fi  rapidement ,  que  les  yeux 
en  etoient  éblouis.  Ils  joutèrent  enfuite  contre  une  chalouppe 
legere  ,  ou  1  on  avoit  mis  feize  bons  Rameurs ,  &  en  moins  de 
rien  ils  la  laifferent  bien  loin  derrière  eux.  Les  Eskimiux  ,  qui 
fervent  des  mêmes  batteaux  ,  ont  encore  d’autres  bâtimens , 

Cij 


i  3  6- 


M.  deRober- 
val  eft  nommé 
Vice  Roy  du 
Canada. 


i  540. 


ÎO  histoire  generale 

plus  grands  ,  &  à  peu  près  de  la  même  forme  que  nos  chaloupé 
pes  pontées  ;  le  gabari  en  eft  de  bois  ,  mais  ils  font  couverts  des 
mêmes  peaux  que  les  autres  ;  ils  portent  jufqu’à  cent  cinquante 
perfonnes  ,  &  vont  également  à  la  voile  &  à  la  rame. 

Mais  pour  mettre  fin  à  cette  digreftion  ,  qui  n’eft  pourtant 
pas  étrangère  à  mon  fujet ,  ces  Pigmées  du  Nord  de  F  Améri¬ 
que  me  paroiffent  être  de  la  même  race  que  les  Lappons  &  les 
Samojedes  ,  &  prouvent  alfez  bien  ,  ce  me  femble  ,  un  p ada¬ 
ge  facile  de  l’Europe  en  Amérique  par  le  Groenland.  Pour  ce 
qui  eft  des  Hommes  monftrueux,  dont  l’Efclave  de  M.  de  Cour- 
temanche  &  Donnacona  ont  parlé,  &  de  F  Acéphale, qu’on  pré¬ 
tend  qu’un  Iroquois  tua  il  y  a  quelques  années  ,  étant  à  la  cliaf- 
fe  ;  il  eft  naturel  de  croire  qu’il  y  a  en  cela  de  Fexageration  , 
mais  il  eft  plus  aifé  de  nier  les  faits  extraordinaires  ,  que  de  les 
expliquer  ;  d’ailleurs  eft-il  permis  de  rejetter  tout  ce  dont  on  ne 
fçauroit  rendre  raifon  ?  Qui  peut  s’affûrer  de  connoître  tous 
les  caprices  &  tous  les  myfteres  de  la  Nature  ?  On  fçait  com¬ 
bien  l’imagination  des  Meres  a  de  pouvoir  fur  le  fruit  quelles 
portent.  L’experience ,  le  témoignage  même  de  l’Ecriture  ,  en 
font  des  preuves  fans  réplique  :  ajoûtons  à  cela  les  figures  bizar¬ 
res  ,  où  certaines  Nations  trouvent  une  beauté  ,  dont  elles  font 
fi  jaloufes  ,  qu’on  y  met  les  corps  des  Enfans  à  la  torture  pour 
achever  ce  que  l’imagination  des  Meres  n’a  pû  finir  ,  &  l’on 
comprendra  fans  peine  qu’il  peut  y  avoir  des  Hommes  aiïez  dif- 
ferens  des  autres  pour  donner  lieu  à  certaines  gens ,  quLfaififient 
vivement  les  objets  ,  &  ne  fe  dorment  pas  le  tems  d’examiner 
les  chofes ,  de  faire  des  contes  abfurdes ,  qui  ne  font  pourtant 
pas  faits  quelque  réalité.  Je  reviens  à  mon  Hiftoire. 

J’ai  dit  que  Cartier  avoit  par  fon  rapport  prévenu  ,  fans  le 
vouloir  ,  bien  des  gens  contre  le  Canada  ;  mais  quelques  per¬ 
fonnes  de  la  Cour  penfoient  autrement  que  le  Commun  ,  &  fu¬ 
rent  d’avis  qu’on  ne  fe  rebutât  point  fi-tôt  d’une  entreprife  ,  dont 
le  fuccès  ne  devoit  pas  dépendre  d’une  ou  deux  tentatives.  Ce¬ 
lui  qui  parut  entrer  davantage  dans  cette  penfée  ,  fut  un  Gen¬ 
tilhomme  de  Picardie  ,  nommé  François  delà  Roque  ,  Seigneur 
de  Roberval ,  fort  accrédité  dans  fa  Province  ,  &  que  Fran¬ 
çois  I.  appeüoit  quelquefois  le  Petit  Roy  du  Vimeu.  Il  deman¬ 
da  pour  lui-même  la  Commiftion  de  pouriuivre  les  découvertes, 
&  il  l’obtint  ;  mais  une  fimple  Commiftion  étoit  trop  peu  de 
chofe  pour  une  perfonne  de  cette  confidération  ,  &  le  Roy  par 
fes  Lettres  Patentes  ?  qui  font  inférées  dans  l’Etat  ordinaire  de# 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  L  u 

Guerres  en  la  Chambre  des  Comptes  de  Paris  ,  dattées  du  1 5  e 
Janvier  1540.  le  déclare  Seigneur  de  Norimbegue ,  fon  Vice- 
Roy  &  Lieutenant  General  en  Canada ,  Hochelaga ,  Sague- 
nay  ,  Terre-neuve  5  Belle-Me  ,  Carpon  ,  Labrador  ,  la  Grande 
Baye  &  Baccalaos ,  &  lui  donne  dans  tous  ces  lieux  les  mê¬ 
mes  pouvoirs  &  la  même  autorité,  qu’il  y  avoit  lui-même. 

Ce  n’étoit  pas  beaucoup  dire  ,  car  tout  étoit  encore  à  faire 
pour  affiner  à  la  France  la  poffeffion  de  tous  ces  lieux.  M.  de 
Roberval  partit  l’année  fuivante  avec  cinq  vaiffeaux  ,  ayant 
fous  lui  Jacques  Cartier  en  qualité  de  premier  Pilote.  Quel¬ 
ques  Auteurs  ont  avancé  que  Cartier  avoit  eu  bien  de  la  peine 
à  fe  déterminer  à  ce  nouveau  voyage ,  mais  qu’on  lui  fit  des 
offres  fi  avantageufes  ,  quelles  le  tentèrent.  La  navigation  fut 
heureufe  ;  M.  de  Roberval  bâtit  un  Fort ,  les  uns  dilent  fur  le 
Fleuve  Saint  Laurent ,  d’autres  dans  l’Me  de  Cap-Breton  ,  & 
y  laiffa  Cartier  en  qualité  de  Commandant ,  avec  une  Garnifon 
nombreufe  ,  des  provifions  fuffifantes ,  &  un  de  fes  vaiffeaux  ; 
après  quoi  il  retourna  en  France  ,  pour  y  chercher  de  plus 
grands  fecours. 

Il  y  a  bien  de  l’apparence  qu’il  avoit  mal  choifi  fon  polie  , 
8c  peut-être  auffi  que  le  choix  de  ceux,  qu’il  y  avoit  laiflés  ,  ne 
fut  pas  fait  avec  affez  de  difeernement  ;  ce  qui  efl  certain  ,  c’efl 
que  le  froid  &  les  autres  incommoditez  du  Pays  rebutèrent  bien¬ 
tôt  la  Garnifon  du  nouveau  Fort  ;  les  Sauvages  de  leur  côté  pri¬ 
rent  ombrage  de  ces  Etrangers  ,  &  commencèrent  à  les  molef- 
ter  ,  &  tout  cela  joint  enfemble  ,  outre  que  M.  de  Roberval 
tarda  peut-être  un  peu  trop  à  revenir  ,  obligea  Cartier  à  s’em¬ 
barquer  avec  tout  fon  monde  ,  pour  retourner  en  France  :  mais 
ils  rencontrèrent  près  de  Terre-neuve  le  Vice-Roy  ,  qui  leur 
amenoit  un  grand  convoi ,  &  qui  partie  par  fes  bonnes  maniè¬ 
res  ,  partie  en  les  menaçant  de  l’indignation  du  Roy  ,  les  obli¬ 
gea  de  le  fuivre. 

Dès  qu’il  eut  rétabli  toutes  chofes  dans  fon  Fort,  il  y  laiffa 
encore  Jacques  Cartier,  avec  la  meilleure  partie  de  fes  gens  ; 
puis  il  remonta  le  Fleuve  S.  Laurent ,  entra  même  dans  le  Sa- 
guenay  ,  &  envoya  un  de  fes  Pilotes  ,  nommé  Alphonfe  ,  né  en 
Portugal ,  félon  les  uns  ,  &  en  Galice  ,  félon  les  autres  ,  cher¬ 
cher  au-deffus  de  Terre-neuve  un  chemin  aux  Indes  Orienta¬ 
les.  Alphonfe  s’éleva  jufqu’aux  cinquante-deux  degrés  de  Lati¬ 
tude  ,  &  n’alla  pas  plus  loin.  On  ne  dit  point  combien  de  tems 
R  employa  dans  ce  voyage  ,  mais  il  y  a  bien  de  l’apparence  qu’il 

C  iij 


I  5  42. 

Son  dernier 
voyage. 


i  5  49* 


Expédition 
auBrefil,  &  ce 
qui  la  fait  é- 
chéoir. 


1  5  5  5- 


îî  HISTOIRE  GENERALE 

ne  retrouva  plus  M.  de  Roberval  en  Canada  ,  puifque  ce  fut  à 
Jacques  Cartier  ,  qu’il  rendit  compte  de  fes  découvertes. 

Il  paroît  que  M.  de  Roberval  fit  encore  quelques  autres  voya¬ 
ges  en  Canada ,  mais  de  bons  Mémoires  affûrent  que  la  guerre 
déclarée  entre  François  I.  &  l’Empereur  Charles-Quint  l’arrê¬ 
ta  pendant  quelques  années  en  France  ,  &  qu’il  fe  diftingua 
même  dans  cette  guerre  ,  comme  il  avoit  déjà  fait  en  plufieurs 
autres  occafions.  Tous  conviennent  au  moins  qu’il  fit  un  nou¬ 
vel  embarquement  en  1549.  avec  fon  Frere,  qui  pafloit  pour  un 
des  plus  braves  hommes  de  France  ,  &  que  François  I.  avoit 
furnommé  le  Gendarme  d’ Annibal.  Ils  périrent  dans  ce  voyage  , 
avec  tous  ceux,  qui  les  accompa^noient ,  &  on  n’a  jamais  bien 
fçu  par  quel  accident  ce  malheur  étoit  arrivé.  Avec  eux  tombè¬ 
rent  toutes  les  efperances  ,  qu’on  avoit  conçûës  de  faire  un  Eta- 
bliflement  en  Amérique  ,  perfonne  n’ofant  fe  flatter  d’être  plus 
habile  ,  ou  plus  heureux  que  ces  deux  braves  Hommes. 

Au  refie  ,  je  ne  vois  pas  à  qui  l’on  puifle  attribuer  une  Rela¬ 
tion  fans  datte  &  fans  nom  d’ Auteur ,  qui  fe  trouve  dans  le 
troifiéme  volume  du  Recueil  de  Ramufio ,  &  qui  porte  ce  titre. 
Difcours  F  un  grand  Capitaine  de  Mer ,  François  ,  de  Dieppe  }fur 
les  Navigations  faites  d  la  Terre-neuve  des  Indes  Occidentales 
appellée  la  Nouvelle  France  ,  depuis  les  quarante jujqu  aux 
quarante  - fept  degrés  ,  vers  le  Pôle  Arctique  ;  &  Jur  la  Terre  du 
B  refil  y  la  Guinée  ,  ITfie  de  Saint  Laurent ,  &  celle  de  Summa - 
tra ,  jufquoà  les  navires  &  les  caravelles  François  ont  navigué . 
R  amufio  ,  dans  la  Préface  ,  qu’il  a  mife  à  la  tête  de  ce  Difcours, 
diftingue  deux  voyages  de  ce  Capitaine  ;  le  premier  en  1539. 
en  Canada  ,  en  Afrique  &  au  Brefil  ;  le  fécond  aux  Indes 
Orientales  ,  mais  fans  marquer  en  quelle  année.  Ce  Difcours  > 
ajoûte-t’il  ,  nous  a  paru  véritablement  très-beau  ,  &  digne  dé  être 
lû  F  un  chacun  ,  &  ?ious  regrettons  beaucoup  de  ne  pas  Jçavoir  le 
nom  de  fon  Auteur ,  parce  que  fi  nous  le  connoijfions  >  nous  Sau¬ 
rions  pu  manquer  à  le  nommer  ^  fans  faire  injure  d  la  mémoire  F  un 
fi  brave  Homme  ,  &  F  un  Cavalier fi  accompli . 

François  I.  ne  parut  donc  plus  s’interefler  à  l’Amerique  après 
la  mort  de  MM.  de  Roberval.  Sous  le  Régné  fuivant  les  voya¬ 
ges  de  quelques  François  au  Brefil  ayant  donné  en  France  une 
grande  idée  des  richefles  de  ce  Pays-là  ,  l’Amiral  de  Coligni 
propofa  au  Roy  Henry  IL  de  les  partager  avec  le  Roy  de  Por¬ 
tugal.  Son  deflein  fut  approuvé  ,  aufli-bien  que  le  choix  qu’il 
fit  pour  l’exécution ,  de  Nicolas  Durand  de  Villegagnon  ,  Che-* 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  I.  25 

vaiier  de  S.  Jean  de  Jerufalem  ,  &  Vice- Amiral  de  Bretagne. 
C  etoit  un  homme  de  mente  ,  mais  qui  ayant  eu  le  malheur  de 
s’engager  dans  les  nouvelles  erreurs ,  n’eut  point  de  honte  de 
fe  prêter  à  un  projet ,  dont  le  but  était  bien  moins  d’acquérir 
à  la  France  une  partie  du  Brefil ,  que  d’y  affûter  une  reffource 
au  Calvinifme  ,  profcrit  &  perfécuté  par  le  Souverain.  Heureu¬ 
sement  pour  la  Religion  ,  il  ouvrit  enfin  les  yeux,  mais  ne  sՎ 
tant  pas  trouvé,  après  fa  converfion ,  en  état  de  foûtenir  fon  en¬ 
treprise  avec  les  feuls  Catholiques ,  toute  cette  expédition  s’en 
alla  en  fumee.  Les  Portugais  allarmes  de  la  préférence  marquée 
des  Brafiliens  pour  les  François ,  profitèrent  de  la  divifion ,  que 
le  retour  de  Villegagnon  à  FEglife  avoit  caufée  parmi  les  fiens  ; 
&  pour  fe  mettre  une  bonne  fois  l’efprit  en  repos  de  ce  côté-là  , 
ils  egoi  gerent,  comme  Corfaires  &  gens  fans  aveu,  tous  les  Fran¬ 
çois,  qui  étaient  refiés  au  Brefil  après  le  départ  du  Vice-Amiral. 

La  France  fous  les  Régnés  de  François  IL  &  de  Charles  IX. 
ebianlee  jufques  dans  les  fondemens  par  des  guerres  domefii- 
ques  ,  fembla  d’abord  avoir  entièrement  perdu  F  Amérique  de 
vue.  Toutefois  au  milieu  de  tant  d’orages  il  y  eut  quelques 
jours  de  calme  ,  ex  1  Amiral  de  Coligni  en  profita  encore  ,  pour 
eilayer  de  faire  ailleurs  ce  qu’il  ne  pouvoit  plus  efperer  d’exé¬ 
cuter  au  Brefil.  Il  jettà  les  yeux  fur  cette  partie  de  la  Floride  , 
que  Verazani  avoit  decouverte  ,  &  ce  Pays  lui  fembla  d’au¬ 
tant  plus  propre  à  recevoir  une  Colonie  ,  telle  qu’il  la  projet¬ 
ât  ,  qu’outre  la  bonté  du  climat ,  &  la  fertilité  de  la  terre  ,  il  fe 

atj°Jf  filie  \es  François  11’y  trouveraient  perfonne  ,  qui  pût  leur 
en  dnputer  la  pofielfion  ,  ni  meme  les  inquiéter. 

La  Floride  efi  toute  cette  partie  du  Continent  de  l’Amerique 
qui  efi  renfermee  entre  l’un  &  l’autre  Mexique  ,  la  Nouvelle 
r  rance ,  &  la  Caroline  Septentrionnale.  Selon  les  Efpagnols  ,  ' 
elle  comprend  tout  ce  qui  efi  à  l’Efi  de  la  Province  de  Panuco  ; 

Lema1ire’  e^C  na  P°*nt  bornes  au  Nord,  à  l’Orient  &  au 
Midi ,  &  que  tout  ce  que  les  François  &  les  Anglois  poffedent 
dans  1  Amérique  Septentrionnale,  efi  de  la  Floride  ,  &  a  été 
envahi  fur  la  Couronne  d’Efpagne.  Un  Auteur  moderne  (a) 
appuyé  cette  prétention  fur  un  fondement  bien  ruineux  ,  puif- 
qu  il  1  établit  fur  les  découvertes  de  Ponce  de  Leon  ,  de  Luc 
V  ai  que  z  d  Ayllon  ;  &  fur  les  expéditions  de  Pamphile  de  Nar- 
vaez  &  de  f  erdinand  de  Soto.  Or  Ponce  de  Leon  ne  décou¬ 
vrit  la  floride  qu  en  l’année  1512.  &  plufieurs  années  aupara- 

(a)  D.  André  Gonzalez  de  Barda,  Enfayo  Chronologie  o  para  U  Hi/toria  de  la  Florida,  ' 


1555. 


L’Amiral  de 
Coligni  entre¬ 
prend  d’établir 
une  Colonie 
en  Floride. 


I562, 


Etendue  dç 
la  Floride.- 


24  HISTOIRE  GENERALE 

— - -  yant  des  François ,  des  Anglois  ,  &  Cortereal  Portugais  avoienf 

1  ^  2*  £a|t  Jes  découvertes  dans  l’Amerique  Septentrionnaie  :  Ponce 

de  Leon  non-feulement  ne  fit  aucun  Etabliffement  en  Floride  , 
mais  toutes  les  deux  fois  qu’il  y  débarqua,  il  fut  obligé  de  fe  rem¬ 
barquer  fur  le  champ  ,  &  les  François  dès  l’année  1504.  étoient 
en  commerce  avec  les  Peuples  du  Canada.  Si  donc  le  Canada 
efl  de  la  Floride  ,  la  France  efl  la  première  en  datte  pour  la  pof- 
fefîion  de  la  Floride  ,  &  il  feroit  ridicule  que  l’impofition  de  ce 
nom  faite  par  Ponce  de  Leon  à  un  Pays,fitué  fur  le  Golphe  Me¬ 
xique  ,  donnât  à  fa  Nation  un  droit  fur  les  trois  quarts  au  moins 
de  f  Amérique  Septentrionnaie  ,  à  l’exclufion  des  François ,  qui 
y  faifoient  le  commerce  ,  &  qui  avoient  fait  alliance  avec  des 
Peuples  éloignés  de  cinq  ou  fix.  cent  lieues  de  fa  découverte. 

Luc  V  afquez  d’ A  y  lion  découvrit  en  1 5  20.  les  environs  du 
Jourdain  ,  qui  font  aujourd’hui  partie  de  la  Caroline  ;  fon  ex¬ 
pédition  11e  fut  pas  plus  heureufe  ,  &  n’eut  pas  plus  de  fuite  que 
celle  de  Jean  Ponce  de  Leon.  Quelques  années  après  Pamphile 
de  Narvaez  obtint  de  l’Empereur  Charles-Quint  le  Gouverne¬ 
ment  de  la  Floride  :  il  parcourut  prefque  toute  la  Côte  Septen- 
trionnale  du  Golphe  Mexique ,  eut  plufieurs  rencontres  avec 
des  Sauvages ,  qui  lui  tuerent  bien  du  monde ,  &  il  périt  mife- 
rablement ,  fans  avoir  feulement  bâti  un  Fort. 

Enfin  Ferdinand  de  Soto  fit  pendant  trois  ou  quatre  ans  bien 
des  courfes  dans  la  Floride  ,  dont  il  avoit  été  fait  Capitaine 
Général  ;  mais  il  n’avança  guéres  plus  vers  le  Nord  ,  que  juf- 
qu’à  la  hauteur  de  la  Caroline  ,  &  mourut  fur  les  bords  du  Mi- 
cifîipi ,  fans  s’être  feulement  mis  en  devoir  de  fe  fixer  en  un  feul 
endroit.  Louis  de  Mofcofo  fon  fucceffeur ,  ramena  bientôt  après 
au  Mexique  les  trilles  débris  de  fon  armée ,  &  dès-lors  il  ne 
'  refia  pas  un  feul  Efpagnol  dans  la  Floride  ,  qui  fe  trouva  par 

conféquent  à  peu  près  dans  le  même  état,  où  elle  avoit  été  avant 
que  Ponce  de  Leon  en  fît  la  première  découverte. 

Elle  y  étoit  encore  vingt  ans  après  ,  lorfque  l’Amiral  de  Co- 
ligni  forma  le  deffein  d’y  établir  une  Colonie  toute  compofée 
de  gens  de  fa  Religion  ;  deffein  que  ,  félon  toutes  les  apparen¬ 
ces  ,  il  ne  découvrit  pas  au  Roy  Charles  IX.  à  qui  il  ne  fit 
envifager  fon  projet,  que  comme  une  entreprife  extrêmement 
avantageufe  à  la  France.  Ce  Prince  le  laiffa  maître  de  tout , 
&  lui  permit  d’ufer  de  toute  l’étendue  du  pouvoir,  que  lui  don- 
noit  fa  Charge.  Il  parut  même  dans  la  fuite  qu’il  n’ignoroit  point, 
&  qu’il  fut  fort  aife  de  vôir  que  M«  de  Coligni  n’employoit  à 

cette 


CARTE  DES  COSTES  DE  LA  FLORIDE 

FRANÇOISE 

Suitrttnf/espremieres  decouverte, 


35 


Eclellede  Lieues  communes  de  France  de  aSauBeg. 

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R+faduaitotin  au,.  K. S.  Jean 
'  ‘‘  etoit’a.  R  .des  Dauphins 


Cl  deveite-tre,  le 

^ajP  François 

jviiudc  Occidentale  duMendien  de  Paris  . 


35 


h. 


33 


3  2 


S 


8 


3o 


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au- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lrv.  I. 

Cette  expédition  que  des  Calvinihes  ,  parce  que  c  eto 
tant  d’Ennemis  ,  dont  il  purgeoit  l’Etat. 
i  La  Pr,incipale  attention  de  l’Amiral  fut  à  choifir  un  Chef,  fur 
lequel  il  pût  compter  pour  l’exécution  de  fon  projet ,  &ce  choix 
tomba  fur  un  ancien  Officier  de  Marine ,  nommé  Jean  de  Ri- 
haut,  natif  de  Dieppe,  Homme  d’expérience,  &  zélé  Huguenot 
il  partit  de  Dieppe  le  même  dix-huitiéme  de  Février  de  l’année 
i  5Û2.  avec  deux  Bâtimens  ,  de  ceux,  qu’on  appelloit  alors 
Ko  berges  ,  &  qui  differoient  peu  des  Caravelles  Efpagnoles  •  il 
avoit  des  Equipages  choifis  ,  &  plufieurs  Volontaires  ,  parmi 
leiquels  il  y  avoit  quelques  Gentilshommes.  1 

La  première  Terre  ,  qu’il  reconnut ,  fut  une  pointe  allez  baffie , 
bieiiboifee  ,  &  fituee  par  les  trente  degrés  Nord  ,  à  laquelle  il 
donna  le  nom  de  Cap  François  ;  mais  il  ne  s’y  arrêta  point  & 
ayant  tourne  à  droite ,  il  aperçut  quelque  tems  après  une  Ri- 
viere  ,  qu  il  appella  la  Riviere  des  Dauphins ,  mais  où  il  n’entra 
point,  rourfuivant  toujours  la  même  route  ,  il  en  découvrit 
une  autre  eioignée  d’environ  1 5 .  lieues  de  la  première  ,  &  qui 
lui  parut  beaucoup  plus  grande  ;  il  y  entra  le  premier  de  Mai,  & 
la  nomma  la  Riviere  de  Mai.  Il  y  rencontra  des  Sauvages  en  grand 
nombre  ,  &  s  étant  aperçû  que  fon  arrivée  leur  faifoit  plaifir  ,  il 
mit  pied  a  terre  ,  &  commença  par  dreffer  fur  une  butte  de  fa- 
e  une  petite  colonne  de  pierre  ,  fur  laquelle  il  ht  graver  les 
Armes  de  France.  Il  alla  enfuite  vifiterle  Chef  des  Sauvages  ; 
ü  lui  ht  quelques  prefens  ,  &  en  reçut  de  lui. 
llavoit  en  tête  le  Jourdain,  découvertpar  Luc  Vafquez  d’Ayl- 
3n  5  c  elt  pourçruoi ,  acres  avoir  nri«  /tu  d-t.™  _ ^ _ 


5  6  2, 


Jean  de  Ri-» 
bauc  Chef  de 


cette  entrepri» 

fc. 


II  prend  poft 
feflion  de  la 
Floride  Fran. 
çoiLc. 


VmR’ c  e“  P5g?.uo'.’  aPfès  avoir  Pris  poÎTeffion  du  Pays  au  nom 
A™°.y.&  1  ^miral  de  France  ,  il  fe rembarqua,  &  continua 

î  ~  „  A  •  •  A  t*  •• 


Ses  décote 
vertes. 


r  “  xt  i  iu“vw  î  ,  oc.  continua 

dpi  R^aU  <K^eant  la  côte  à  la  vûë.  A  quatorze  lieues 

o  n!fre  1  en  trouvaune  troihéme  ,  qu’il  nomma  la 

eine,  11  donna  enfuite  à  toutes  celles,  qu’il  aperçut  dans  l’ef- 

pace  e  oixante  lieues ,  les  noms  des  principales  Rivières  de 
rance  ,  mais  on  reconnut  dans  la  fuite  qu’il  avoit  pris  pluheurs 
es  pour  des  embouchures  de  Riviere.  Enfin  il  crut  avoit  ren- 
6  <?urc^n  5  ma^s  il  fe  trompoit ,  le  Jourdain  lui  reftoit 

h  n?/UkSeiïenï011 5  &  la  Riviere  »  où  11  entra ,  &  où  il  moiiil- 
1  •  iX  Jafeesdeau  ,  a  depuis  été  appellée  par  les  Efpagnols 

bordsla  Vi Mais,les  Anglois  »  qui  ont  bâti  fur  les 
;  Ê  de  S.  Georges }  ou  le  Nouveau  Londres ,  ont  encore 
change  ce  nom  en  celui  d’Edifcow,  &  elle  eh  marquée  dans  quel- 
ques-mies^de^nos  Cartes  fous  celui  de  Riviere  des  Chaouanom* 


i  j  6i. 

Il  bâtit  un 
Tort. 


Defcription 
«le  la  Floride 
Françoife. 


Dou  ve- 
noient  les  ri 
che fies  des 
Fioridiens. 


i6  HISTOIRE  generale 

M.  de  Ribaut,  qui  ne  doutoit  point  que  ce  ne  fût  le  Jour¬ 
dain,  donna  le  nom  de  Port  Royal  à  l’endroit  ou  il  avoit  mouille 
l’ancre  *  il  y  fit  enfuite  arborer  les  Armes  de  France ,  puis  il  tra- 
ça  dans  une  Ifle  un  petit  Fort ,  qui  fut  bientôt  en  état  de  loger 
fout  le  monde  ,  &  qu’il  appelia  Charles-Fort.  Il  ne  pouvoit  gue- 
res  le  placer  mieux  ;  les  Campagnes  des  environs  font  belles ,  le 
Terrein  fertile,  la  Riviere  abondante  en  Poiffons,  les  Bois  rem¬ 
plis  de  Gibier  ,  les  Lauriers  &  les  Lentifques  y  répandent  une 
odeur  très-fuave  &  les  Sauvages  de  ce  Canton  ne  firent  pas 
moins  d’amitié  aux  François ,  que  ne  leur  en  avoient  fait  ceux 
de  la  Riviere  de  Mai.  Cependant  M.  de  Ribaut  en  ayant  voulu 
engager  quelques-uns  à  le  fuivre  en  France  ,  periuade  qu  ü  ne 
pouvoir  pas  faire  un  prefent  plus  agréable  a  1  Amiral  &  a  la 
Reine  Mere  du  Roy  ,  il  ne  put  jamais  en  gagner  un  feu!.  . 

Ce  que  nous  avons  dit  des  environs  du  Port  Royal ,  convient 
affez  à  tout  le  Pays  ,  qui  a  depuis  porté  le  nom  de  Floride  tran- 
coife  ,  &  qui  eftfitué  entre  les  trente  &  les  trente-cinq  degres  de 
Latitude-Nord,  depuis  le  Cap  François  jufqu  a  Charles-Fort.  Plu- 
fieurs  Relations  lui  donnent  même  le  nom  de  Nouvelle  France. 
Le  Terroir  y  efi  communément  fertile  ,  bien  arrole  ,  coupe  Ncie 
plufieurs  Rivières  ,  dont  quelques-unes  font  allez  coniidera- 
bles  ,  &  toutes  fort  poiffonneufes.  On  a  cru  long-tems  qui  Y 
avoit  des  mines  d’or  ,  d’argent  &  de  cuivre  ,  des  perles  &  des 
pierres  précieufes  ;  mais  à  mefure  qu’on  a  vu  les  choies  de  près  , 
on  a  reconnu  qu’à  la  vérité  il  y  a  du  cuivre  en  quelques  endroits, 
&  dallez  méchantes  perles  dans  deux  ou  trois^  Rivières  ,  mais 
que  le  peu  d’or  &  d’argent ,  qu’on  avoit  aperçû  entre  les  mains 
des  Sauvages  ,  venoit  des  Efpagnols  ,  dont  un  affez  grand  nom¬ 
bre  avoient  fait  naufrage  à  l’entrée  du  Canal  de  Bahame  ,  oc  e 

long  des  Côtes  voifines  de  la  Floride.  .  .  VA 

Leurs  navires  prefque  toujours  chargés  des  nchelles  de  i  A- 
merique  demeuroient  fouvent  échoués  fur  des  bancs  de  la¬ 
bié  ,  dont  tout  ce  parage  efi;  femé  ,  &  les  Sauvages  etoient  ort 
attentifs  à  profiter  de  leur  malheur  ;  aufîi  a-t-on  remarque  que 
les  plus  voifins  de  la  Mer,  étoient  beaucoup  mieux  foui  ms  , 
que  les  autres ,  de  leurs  dépouilles.  Ces  Barbares  ont  la  cou  eur 
plus  foncée  &  plus  tirant  fur  le  rouge  ,  que  les  Sauvages  du  Ca¬ 
nada  ;  ce  qui  efi:  l’effet  d’une  huile  ,  dont  ils  fe  frottent  le  corps  , 
&  dont  on  n’a  jamais  pu  connoître  la  nature.  La  ctifierence  pour 
le  refte  entr’eux  &  les  autres  Peuples  de  l’Amerique  Septentnon- 
n&le  n’eff  prefque  pa$  fenfible.  Ils  fe  couvrent  moins ,  parcQ 


DELA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  I.  27 

lTursSrtUn^ayRPl|USChaï!;iJs  fontPlus  dépendans  de 
leurs  Chefs ,  que  les  Relations  Françoifes  nomment  Pamoufïis 

n 'l™\aTC°r^l-S  ’  &..aur<ïue1^ les  Caftillans  donnent  le  titre gé- 
neial  de  Caciques.  Mais  quelque  idée  ,  que  les  Hiftoriens  Ffna 

gnols  ayent  voulu  nous  donner  de  la  nuance  ,  &  des  ricÆ 
chofè.  CaCIqUêS  ’  dles  fe  redulfent  dans  le  fond  à  très-peu  de 

Du  relie  ^  les  Floridiens  font  bien  faits  ,  braves  ,  fiers  ,  allez  J 

aita£ ês  n®anm°lns ,  quand  on  fçait  les  prendre  par  la  dou-  df 
ceur  &  par  la  raifon.  Ils  ne  font  pas  auffi  cruels  envers  leurs  prl  P'' 
fomners  ,  que  les  Canaaois  ,  &  quoiqu’ils  foient  Anthropopha- 
ges  comme  ceux-ci ,  ils  ne  pouffent  pas  l’inhumanité  iulnu’à  fe 
tore  un  plaifir  de  voir  fouffnr  un  Malheureux  ,  ni  ™  ait  de  le 

SrF  f  fe  cont,e"tent  de  retenir  dans  l’efclavage  les  Fem- 
Hommés  au  Soleil’ Çre"n“  guerre  ;  ils  immolent  les 
ger  la  chair  de  ces  vilnîes!  ““  “  deV°‘r  d®  reI'gl°n  de  man' 

iou«aà  ktêm  deC!leS&TanS  1CS  C°mbatS  Ies  Pafa°uft«  font  tou- 
3  "  .  latet®  de  leurs  Troupes  ,  tenant  un  caffetête  ,  ou  uneef- 

E  eaee  eftnorf  arme/Tmain,’  &  de  3  W  une’flêch  “  le 
nombre  dans  «  Hermaphrodites,  dont  il  y  a  un  grand 

/  ,  ns,ce  Pays  » on  en  croit  un  Auteur  ,  qui  a  été  lonu- 

cher  huïcaul  p6  l'Xf Pf  PeuPles  fo«t  auffi  dans^’ufage  d’arrl- 

1  la  peau  cie  la  tete  de  leurs  ennemis,  après  les  avoir  tu»’  fie 

dans  les  rejouiffances,  quifuiventla  viftoire  ce  font les^ied- 

Jes  prendront  bande>  Parées  de  ces  chevelures.  On 

pf  ^  /i r0  t  a  ors  Pour  vrayes  Meqeres  ,  ou  des  Furies  I  es 

diem  T  qUfkP'e  faÇ°n  Punique  Divinité  des  Flori- 

t «s,1 "S1 s;  nSirn6"^“i  '•  “>«.  Æ 

mal  honteux  quefeTifT  tOUte  la  Flor,de  »  &Ve  le 
que  ,  vert  très  lll  Pies  de  1  Amérique  nous  ont  communi- 

proche  de  la  Fln-T  '  1  eft  certam  du  moins  que  plus  on  ap- 

Dii 


i  j  6z, 


Du  caraderc 

de  ce s  Peu- 


Leur  Reli¬ 
gion  &  leurs 
mœurs. 


1 5  <5  2, 


i«  histoire  generale 

?rm!3 

droit  à  la  focceffion  de  leur  Père.  pendant  leur  vie  , 

Honneurs ,  On  rend  de  grands  h°nneursa^  jjpeu  de  leur  fépul- 

font  eit  brulee ,  avec  tour.  i  ^  .  après  lui.  Enfuite 

comme  fi  perfonne  n  eto> tfcJs^1^feBLt  fur  le  tern¬ 
ies  Femmes  fe  coupent  les  che  ,  nenHant  fix  mois  pleurer 

beau ,  où  plufieurs  vony°Up*  ftis  des  Bourgades  voifines 

©t-  *-  ïrÆïïc“f. .  «  «  fâgizfiiïz 

adonnés  aux  fortileges  :  auffi  ont-ik  a  faire  a  g 

perftkieux.  Prefque  toute  1  éducation  qu  on  de ^  ^ 

ils  fe  fervent  â  la  guerre  avec  fucces.  Enfin  ils  «g"  de  leurs 

extrême  viteffe ,  les  femmes  me  ,  ■  9  g-  ®  de  grandes 

Enfans ,  quelles  portent  entre  leurs  bras ,  parlent  ue  g 

RLes  Animaux  à  quatre  pieds  les  plus  communs  cejlte(P^'_ 
Léopard,  tePau  >  ft/lpRatde  bois  ;  mais  tous  ne  fe 

le  Lapin  ,  le  Chat  (auvage  &le  Ratde  b  ^  ^  utk 

trouvent  pas  dans  les  memes  ^  <■  .  y  /r;  Kien  aue 

nlûnart  de  nos  Oifeaux  de  proye,  &  de  Rrneres;  auffi-bien  que 


•  Des  AnI- 
jmaux. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  I.  ±9 

les  Perdrix ,  les  Tourtes  ,  les  Ramiers  ,  les  Cigognes  ,  les  Pou¬ 
les  dinde  9  les  Grands  Gofiers  9  cjuantite  de  Perrocruets  9  di¬ 
vers  petits  Oifeaux.  L’Oifeau-Mouche  du  Canada  n’y  paroît 
point  en  Eté  ,  mais  il  s’y  retire  pendant  l’hyver ,  ce  petit  Ani¬ 
mal  ne  pouvant  fouffrir  apparemment  ni  le  grand  chaud  ,  ni  le 
moindre  froid.  Les  Rivières  y  font  remplies  de  Caïmans  ,  les 
Campagnes  &  les  Bois  9  de  Serpents  5  furtout  de  ceux  5  qu’on 
appelle  Serpents  à  fonnetes.  '  ~ 

Les  Forêts  font  pleines  de  Pins  ,  mais  qui  ne  portent  point  de 
fruits ,  de  Chênes  ,  de  Noyers  ,  de  Merifiers  ,  de  Mûriers  ,  de 
Lentifques  9  de  Latamers  ?  de  Châtaigniers  9  de  Cedres  de  Cy- 
çres  ?  de  Lauriers  ,  de  Palmiers  &  de  Vignes.  On  y  voit  suffi  des 
Mefhers  ,  dont  les  fruits  font  plus  gros  &  meilleurs  qu’en  Fran¬ 
ce  ,  &  des  Pruniers  ,  dont  les  prunes  font  fort  délicates  :  il  fe 
pourroit  bien  faire  que  ces  prunes  ne  fu/fent  autre  chofe  que  les 
riakimines  ,  dont  j’ai  parlé  dans  mon  Journal.  Mais  l’arbre  le 
plus  eftinjé  dans  ce  Pays  eff  le  SafFafras  ,  que  les  Floridiens  ap¬ 
pellent  Palamé  ou  Pavama.  r 

Il  ne  vient  jamais  plus  grand  qu’un  Pin  médiocre  ,  il  ne  jette 
point  de  branches ,  fon  tronc  eft  tout  uni ,  &  fa  tête  touffue 
forme  une  efpece  de  coupe.  Ses  feuilles  font  à  trois  pointes  ! 
comme  celles  du  Figuier ,  d’un  verd ,  obfcur  ,  &  d’une  bonne 
odeur  ,  furtout  quand  elles  fontféches  :  lorfqu’elles  ne  font  que 
de  naître  ,  elles  ont  la  figure  de  celles  du  Poirier.  Son  écorce 

a  F°  'e  ’  "J1  Pe"  r?u§eâtre  ’ &  a  un  petit  goût  d’anis.  Son  bois 
eft  leger ,  a  le  goût  &  l’odeur  aromatique,  aprochant  du  fenoüil. 
Sa  racine  eft  plus  dure  &  plus  pefante  ,  &  ne  s’étend  qu’en  fu- 
perficie.  Cet  arbre  croit  fur  le  bord  de  la  Mer  &  fur  les  monta¬ 
gnes,  mais  toujours  dans  unterrein,  qui  n’eft  ni  tropfec  ,  ni 
trop  humide.  Son  bois  eft  chaud  au  fécond  degré ,  fon  écorce 
1  eft  prefque  au  troifieme.  Lorfqu’ily  a  plufieurs  de  ces  arbres 

de  kCaTeîie611’1  S)e“ent  °dêUr’  qui  dlffere  Peu  de  celle 

Des  Efpagnols  de  San-Matheo  &  de  S.  Auguftin ,  c’eft-à-dire, 
de  la  Riviere  Dauphine  &  de  la  Riviere  de  May  ,  étant  prefque 
tous  attaques  de  fievres  caufées  par  la  mauvaife  nouriture ,  & 
es  eaux  crues  &  troubles  ,  qu’ils  bûvoient ,  des  François  leur 
apprirent  a  ufer  du  Saffafras  ,  comme  ils  l’avoient  vû  pratiquer 
aux  Sauvages  ;  ils ;  en  coupoient  la  racine  en  petits  morceaux  . 
<ju  i  s  faifoient  bouillir  dans  l’eau  ,  ils  bûvoient  de  cette  eau  à 
feun  &  a  leurs  repas ,  &  elle  les  guérit  parfaitement.  Ils  en 


5  6  z. 


Des  Arbres 


Du  Saffafras 


I  5  6  2. 


Des  Simple: 


,o  histoire  generale 

ont  depuis  fait  bien  d’autres  expériences  ;  &  fi  on  les  en  croit , 
il  n’y  a'prefque  point  de  maladie  ,  qui  réfifte  a  cette  boiffon  : 
elle  etoit  leur  remede  &  leur  préfervatif  uniques  &  univerlels 
dans  la  Floride.  Mais  quand  les  vivres  leur  manquaient ,  ils  n  en 
ufoient  point ,  parce  quelle  leur  caufoitune  faim  plus  mfuppor- 
table  encore  que  quelque  maladie  que  ce  fut.  On  ajoute  que  le 
Saffafras  eft  un  fpécifique  admirable  contre  les  maux  venenens  ; 
mais  il  paroit  que  les  Sauvages  ont  plus  fouvent  recours  al  - 
quine  ,  non-feulement  contre  ce  terrible  mal ,  mais  encore  con¬ 
tre  tous  ceux ,  qui  font  contagieux.  _  . 

Dans  plufieurs  maladies  on  coupe  en  petits  morceaux  les  rac  - 
nés  les^petites  branches  &  des  feuilles  du  Saffafras,  &  on  en  fait 
une  déco&ion  en  cette  maniéré.  On  en  laiffe  tremper  une  once 
toute  une  nuit  dans  douze  livres  d’eau ,  puis  on  fait  cuire  tout 
cela  à  petit  feu  ,  jufqu’à  ce  que  l’eau  foit  diminuée  d un  tiers. 
Mais  en  cela  il  faut  avoir  égard  au  temperamment  du  Malade , 
qui  doit  garder  un  grand  régime  pendant  tout  le  term,  quffuje 
de  ce  remede.  On  affaire  même  qu’il  eft  fort  nuifible  .quand  la 
maladie  eft  invétérée ,  ou  le  Malade  trop  foible.  Quelques- 
uns  ,  avant  que  d’uferde  ce  remede  ,  fe  font  beaucoup  Purg®r  » 
&  c’eft  le  plus  sûr  ;  mais  d’autres  fe  contentent  dufer  de  cette 
déco&ion  pour  leur  breuvage  ordinaire  ,  en  y  mêlant  un  peu  de 
vin  ,  &  ne  fe  purgent  point  auparavant. 

Il  eft  certain  que  le  Saffafras  a  toujours  paffe  pour  être  un  ex¬ 
cellent  remede  contre  les  maux d’eftomac  &  de  poitrine  ,  gé¬ 
néralement  contre  tous  ceux,  qui  proviennent  du  froid.  Fran¬ 
çois  Ximenez  dit  que  s  étant  rencontre  auprès  de  la  Baye  de 
Ponce  de  Leon  dans  une  grande  difette  d’eau  ,  il  s  avifa  de  cou¬ 
per  du  Saffafras  en  petits  morceaux ,  de  le  tremper  dans  une 
eau  prefque  auffi  fallée  que  celle  de  la  Mer  ;  qu  au  bout  de  huit 
iours  il  but  de  cette  eau  ,  &  la  trouva  fort  douce. 

Parmi  les  arbriffeaux  de  ce  Pays  le  plus  remarquable  eit  la 
Caffine  ,  ou  Apalachine  ,  dont  j’ai  parlé  ailleurs  ;  &  parmi  les 
Simples  ,  on  vante  furtout  l’Apoyomatfi ,  ou  Pfllfiran“a  ->  Hue 
François  Ximenez  décrit  en  cette  manière.  Ses  feuilles  font  sem¬ 
blables  à  celles  des  Poireaux  ,  mais  plus  longues  &  plus  deliees. 
Son  tuyau  eft  une  efpece  de  jonc  ,  plein  de  pulpes ,  noueux  , 
d’une  coudée  &  demie  de  haut.  Sa  fleur  eft  petite  &  étroite  ,  fa 
racine  déliée,  fort  longue  ,  femée  de  nœuds,  ou  boffettes,  ron  a 
&  velue.  C’eft  ce  que  les  Éfpagnols  appellent  Chapelets  de  ,  atn •- 
te  Helene  &  les  François  ,  Patenotes .  Ces  boulettes  coupees  Gt 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.I.  „ 

expoféesau  Soleil ,  deviennent  très-dures ,  noires  au  dehors 
&  blanches  en-dedans.  Elles  ont  une  odeur  aromatioue  7™ 
chante  du  Galanga.  Elles  font  féches  &  chaudes  au  troVifme 
degie  &  plus ,  un  peu  aftrmgen tes  &  réfineufes  ;  cependant  elles 
ne  le  tiouvent  que  dans  les  lieux  humides  &  aquatiques 

Les  Sauvages  ,  après  avoir  broyé  les  feüilles  de  cette  niante 
entre  deux  pierres  en  tirent  un  foc ,  dont  ils  fe  frottem  tout 
le  corps  ,  quand  ils  fe  font  baignés  ,  perfoadés  qu’il  fortifie  la 
peau  ,&  lui  communique  une  odeur  agréable.  Les  Efpa<mols 
ont  aulîî  apris  d  eux  a  réduire  ce  Simple  en  poudre ,  qu’iÇs  pren¬ 
nent  dans  du  vin  ,  lorfqu’ils  font  attaqués  de  la  Pierre  ,  ^  des 
maux  de  reins  caufes  par  quelque  obftruaion.  Ils  le  broyent  & 
le  prennent  en  bouillon  pourles  maux  de  poitrine.  iH’a’fo 

S TZr?  -’pr/rfer  kH  ’  P°ur  fortifier  l’£- 

Enfi  ôr,S  ‘nr  CS  d°U  £UrS  ’  ^  lurv*enil£nt  à  la  matrice. 
£.nnn  on  prétend  que  fur  toute  cette  Côte  de  la  Floride  on  ra- 
maife  quelquefois  de  l’ambre  gris.  ’ 

M.  de  Ribaut  fort  fatisfait  de  fon  établiffement ,  ne  penfaplus 
J  a  retourner  en  France.  nn„,  „■  .  ’  Pema  pms 


1  5  6  2, 


qu’à  retourner  en  France  nmrvrl,  u  e ment  ’  ne  Penla  Pius  Ribaut  re- 

Ï1  donna  nnnr  Tl  f  '  f  P° chercher  un  nouveau  renfort.  tourne  en 

èmméTBEÎi  l  rTTm  C°lonie  un  de  fes  Capitaines, 
lbert  ,  &  il  lui  laiffa  autant  d’Hommes  au  il  lui  en 

fio!"ePn°^e mr  kS SaUV3geS-  6,1  11  ’fo  données  pZ- 

au  plutôt  unZaPetl^e  'P11111111®  >  mais  il  lui  promit  de  lui  amener 

quoi  U  mit  4  lf 111 1  C°’f 01  de  vivres  &  de  munitions  ,  après 
?  ,  a  la  v°l!®  >  &  arriva  à  Dieppe  le  vingtième  de  Juil- 

ouvrage?qTlu"lftode  f°fCÔté  eu£  à  Peine  aievé  quelques 
f„h  g  V?  reftoient  a  faire  pour  mettre  fa  Place  hors  d’in- 

folte  ,  qu  .1  partit  pour  aller  découvrir  le  Pays  ,  foivant  l’ordre 

a  ,!r 

es  Loixdu  P™*? “!MeUr d UnC Dlvln«e,  nomméeToYA. 


T  pc  T  ‘  j  n  “limeur  a  une  Uivn 

tre  &  H  £&  ^Permettent  point  aux  Etrangers  d’y  paroi! 

»Ôii  "  tzss+  p>ï V  f,i« 


j&s&s*  ■  r*n!  v'i’  «- çszzsz,  r 

Femmes  netfn^anS  UnG  ëranc^e  Place  de  figure  ronde,  que  les 

du  jour  quanVrédeV^  Un  grand  ^  ’  le  lencIemain  au  point 
ornés  de^nlnm  Sauvages  5  peints  de  differentes  couleurs,  & 
oin^s  ae  plumages  «  forurent  dU  U  - r» _  n-  ’ 


Fête  /întru- 
liere  des  Flo- 
ridiens. 


ornés  de  ni™  ^UVd&c:>  >  Peints  ditterentes  cou  eurs,  & 

don noi fur  la  pTS  ’  fortlrent  de,la  Cabanne  du  Paraoufi,  ,  qui 
noitiur  la  Place  ,  autour  de  ]aquellells  fe  rangeren£  en  bqon 


histoire  generale 


HST 

dit  fur  le  meme  ton.  ,  .  f  •  •„  1es  uns  &  les  autres 

Cela  recommenîa  >.ufqu  comme  fi  quelque  terreur  pa- 

prenanttom  àcoup  ^  e^nJ  àcourir  déboutés  leurs  forces 

mque  les  eut  fa  "s  ’  1  vinrent  alors  prendre  la  place  de  leurs 
vers  le  Bois.  Les  *  e™»^vi>  b  lafflenter.  De  tems  en 

Maris ,  &  ne  firent  le  re J  J*  en  fureur  ,  fe  jettoient 

T leur  Falfoifnt  des  incifions  aux  bras  avec  des 
^Ur  -fw  i  Moules  rempliffoient  leurs  mains  du  fang ,  gui  for- 
eCal£  îves  &  îeTe'ttoient  en  1  air  en  s’écriant  par  trois  fois , 

rn  fcfft*.  .  i»  ““  «K* 

avoit  placés  dans  un  petit  réduit ,  ouo  ks  ape  cev  £  ^ 

fouffroit  beaucoup,  quand  il  les  voyoït  rire ,  mais  n 

témoigna  rien  pour  lors.  .  ^  deux  nuits  dans  le 

Les  Hommes  demeurèrent  deux  jours  «  is  ils  dan. 

Bois,  &  en  étant  revenus  au  lieu,  dou^e  lu  ai.  Us 

ferent  de  nouveau  ,  &  chanteren ,  j;vertiffans  le  tout  fe 

firent  enfuite  quantité  de  tours  a  avec  excès .  auflj 

termina  par  un  grand  feftin  ,  .  .  Commencement  de  la 

les  Afteurs  n’avoient  rien  pris  depui  e  “"em  ^ 

Fête.  Un d’entr’eux raconta  deptns  aux  tra  ç  q 

1  i’  ip  nplir He  s’attirer  l’indignation  des  lonas. 
entendu ,  de  peur  de  s  att  .  p  Albert ,  pouvoient  avoir 

Mawalfe  Les  courfes  ,  que  faifoit  le  Caprine  A  n  ffé  à  fai. 

conduite  du  leur  utilité  »  mais  il  y  avoit  quelque  f  P  b  Terres  * 
capitaine  AU  à  oi  p  ne  penlbit  point.  C  etoit  d  enfemen 

pour  avoir  de  tjuoi  remplir  fes  magafit,.  L  Amiral  de  Co^gm 
n’avoit  rien  tant  recommande  ,  mai  P 

cher  des  Mmes  &  on  ne  pouvo,  ^^^^ïonit.  Tant 
feul  Canton  de  1  Amérique  ,  mn  apportéesPde  France 

que  durèrent  les  provnipns  »  quoi  unnne  chere  ;  la 

%  qu’on  eut  de  la  poudre  &  du  plomb  ,  on .&  bonne  chère  ,  • 

Pêche  fol  suffi  pendant  quelque  tems  dune  grande  r^ourc^ 


i 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  I  ,, 

mais  tout  cela  manqua  prefqu’à  la  fois  ,  parceque  lePoiffôn  ne 
donne  dans  ces  Rivières  que  dans  certaines  faifons 

Un  eut  recours  enfuite  aux  Naturels  du  Pavs  m.i  «««*  j 
leur  mieux  parcequ’on  en  ufoit  bien  avec  eux7  mais  cet  e  four® 
cetantaufli  bientôt.  Le  fuperflu  des  Sauvages  efl  bien  peu  dè 

ô  Cflk  f  "°^t  P0"  des  gens,  qui  ne  font  pas  accoutumés 
a  la  fobriete  de  ces  Peuples  ,  encore  moins  a  fe  paffer  Cmn 

me  eux  ,  de  manger  plufieurs  jours  de  fuite.  Pou/comble 
malheur,  après  qu’on  eut  fait  un  aflW  . comble  de 


1563. 


malheur ,  après  qu’on  eut  fait  un  affez  grand  amas  de^Maiz 
ou  on  avoitete  othgé  d’aller  chercher  fort  loin ,  le  feu  prit  an 

Fort,  qui  fut confumé  en  peu  d’heures  avec  les  maeafins  Per 
e  perte  fut  néanmoins  affez  oronmrrm™,™  maga|ms.  Cet- 

~unac- 

qui 


te  perte  fut  néanmoins  affez" 

. 

Le  Commandant  de  Charles-Fort  étoit  un  homme  de  main  Rr 

ÏÏ'Æ ™TZ£  *S**r de  “"J"“  ■  «*  * 

féancel  Tant  mi’il  ’  ■  ,n?  fÇav'OIt  Pas  m^me  garder  les  bien- 
leances.  1  ant  qu  il  avoit  ete  fubalterne  ,  ce  défaut  n’avoit  mW 

que  point  paru  '  ;  l’autorité  le  mit  dans  tout  fon  jour  ou  Ka 
point  mérité  la  mort ,  fl  en  dégrad^unauTe SÜe^veî^ffi 

e  Si  - 

siilg ttë&tg&ïfe 

ne  devoit  l’attendre  de  Gens  *  JL  *  i  n  •  ^ut.P  us  ’  qu’on 

S"  y'1'  “  p'“ de  “»  '* 

i  i?Æ‘ lvt““ z  r * -°w , 

à  la  difrrptirt  J  c  t0utes  *es  horreurs  de  la  Famine  :  on  était  ou  la  Colonie 
veau  CoTumf  des  Sauvages  pour  avoir  des  vivres  ,  &  °"“u 

b“»  *1“  «*■»  ponviii  pi 

E 


France. 


histoire  generale 

V  “  fans  que  Ton  courût  rifque  d’effuyer  de  la  part  de 
- - p -  lontems  ,  lans  que  «inc  fâcheux  encore  que  la  di- 

M  <5  3  •  ces  Barbares  quelquechofcde  plus^ach^ux  ^ 

fette.  Plein  de  ces  afflige  P  bientôt  réduit,  &  ce  qu’on 
y expofa l'extrémite, °V ^^s^ce  te  repréfentat.on  A  n’y 
avoir  à'cramdre  pour  1  fJ  differer  d-un  feul 

€Ut  conduire  un  Bâtiment ,  &  fitôt  qu’il  feroit  ache- 

IT^tn  Êvir  pour  retourner  en  France  ,  fi  on  n  en  avoit  pas 

reçu  de  fecours.  .  •  t  pans  Confirufteurs ,  fans 

Tou!  *m-  Mais  comment  ex  PJ  Agrez  ?  la  néceffité  ,  quand 

SCC  ÆT“”*ful.éS  ,  &  rend  facile  ,out 

elle  eft  e«remf ’.f  ^oîtroit  impoffible.  Chacun  mit  la  mam  a 
ce  qui ,  hors  ’  P  -  i  ^eur  vje  navoient  manie  la  hache  * 
l’œuvre  ;  des  Gens  ,  fi  tr‘ouverent  devenus  Charpentiers  & 
ni  aucune  forte  douu  ,  de  fliaffe  ,  •  croît  (ur  ies 

Forgerons.  La  mou  1^  ^  pionde  5  fervirent  d’étou- 

Arbres  dans  une  gra  P  .  chacun  donna  fes  chemifes  & 

pes  nour  S  des  Voiles  ;  on  fit  des  cordages 

les  draps  de  fon  1  p  &  n  de  tems  le  Navire  lut 

T  oL  induftrie  &  de  c„e 

achevé  ex  lanc  ,  fait  trouver  les  moyens  de  fubhf- 

deur,  mieux  appliquées,  «»«>*»»  dé  -  deyIa  Fioride,  & 

ter  encore  quelque  tems  ma  rec|voirle  fecours  ,  après 

l’onauroit peut^etre ete^ alors  det^^  ^  ^ 

pou  ^ reveiller  ce  fond  d’fffeâion ,  qu’il  confeîrve  pour  fa  Patrie , 

61TNqavi  œ éqîipé’ 'Sne  XTpas  d’un  feul  jour  à  s’embar- 
nuer  &  avec  il  même  confiance ,  qui  avoir  fait  entreprendre 
kcoÂftruaion  de  ce  Bâtiment  fans  Ouvriers  &  fans  matériaux , 

fnrto  &  manœuvre  par  des  bornais.  v>e  qu  yt  _  y 

iorte  ,  Cv  m  y  qu’on  vouloit  éviter  ,  fut  le 

Us  mangent  Cette  modique  îation  ne  ciuia  [  . 

n  recours  aux  fouliers ,  &  tout  ce  qu  il  y  avoit  de  eu 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCF  Lrv  T 

Vaiffeau  ,  fut  dévoré.  L’eau  douce  manqua  auffi  to ?'  à  f  3  3  _ 

quelques-uns  voulurent  boire  de  l’eau  de  la  Mer  Rr  ’  i  e  6  5 

r«».  Outre  c.l,  le  Bâtiment  ÉuTot.  «*£•  -g**  ’ 

tjuipage  extenue  par  la  diette,  n’étoit  gueres  en  étaf  He  fr-i  u 

Dans  ce  defefpoir  quelqu’un  s’avifa  de  dire  qu’un  feul  non 
voitfauverlaviea  tous  les  autres  aux  dépens  <?e  hûennl  t 
une  fi  étrange  propofition ,  non-feulement  ne  fut  pas  reiettée 
avec  horreur  mats  fut  extrêmement  applaudie.  OnloiS! 

que  convenu  de  tirer  au  fort  pour  fçavoir  Quelle  fernir  I  Pq.- 

me ,  qu’on  immolerait  au  Falut  des  amres  orlo'  Vu  " 
nommé  Lachau  celui  là  m*L 1  ,  5es  ».  loriquun  Soldat 

jSst  ■<«  “se; 

s**»  üsjar  s? 

»c  - 

=#a=sa=? 

SBüsssïr&'s? 

ssssgs&i  I  f?  fi^asass 

cœur.  ’  otablilfement  lui  tenoit  toujours  fort  au 

Roy  ,  lorfqu’if  hrUrQ  cll°fe  «  dont  l’Amiral  parla  au  Nouvel  3r_ 

lesfX.  luilccorda  troK  N  15  de  1,ePar?ltre  k,  h  Co «r  ,  &  Char-  P«« 


Eij 


5  6  4* 


Les  François 
arrivent  en 
Tîoxide. 


Vénération 
des  Sauvages 
pour  les  Ar¬ 
mes  de  Fran¬ 


ce» 


Laudonniere 
fe.it  reconnoî- 
tre  les  envi¬ 
ron^  de  la  Ri- 
•viere  de  May. 


(j  histoire  generale 

avoit  même  fervi  fur  Terre  avec  diftinRion.  D’ailleurs  âco& 
noiffoit  déia  la  Floride ,  où  il  avoir  accompagne  M.  de  Kibaut 
deus  ans  auparavant.  On  lui  donna  des  Ouvriers  habiles  dans 
tous  les  Ans ,  qui  peuvent  être  de  quelque  utihte  c  ans  une  Co¬ 
lonie  naiffante.  Quantité  de  jeunes  Gens  de  VT®’ 
fleurs  Gentilshommes  voulurent  faire  ce  voyage  a  leurs  dépens, 

&  on  y  joignit  des  Détachemens  de  Soldats  choifis  dans  de- 
vieux  ^Corps.  L’Amiral  eut  foin  furtout  qu  il  n  y  eut  aucun  Ca¬ 
tholique  dans  cet  Armement.  Le  Roy  fit  compter  cinquante 
milleqécus  à  Laudonniere ,  &  il  y  a  bien  de  1  apparence  Qie  Jac¬ 
ques  le  Moyne  de  Morgues,  qui  fut  de  cette 
tromne  quand  il  fait  monter  ce  prefent  de  Charles  1  A.  a  cent 
millePécùsq.  Ce  n’eft  pas  le  feul  article  de  la  Relation  de  ce  Voya¬ 
geur  où  il  n’eft  pas  d’accord  avecM.de  Laudonniere. 

ë  Les  trois  Navires  firent  voiles  du  Havre-de-Grace  le  vingt- 
deuxd’ Avril  1 564.  les  deux  premiers  ayant  pour  Pilote  deux 
Freres ,  Michel  &  Thomas  le  Vaffeur ,  deux  des  plus  habiles 
dansTeùr  Art ,  qui  fuffent  alors  en  France.  Laudonniere  prit  fa 
route  par  les  Canaries  ,  côtoya  la  plupart  des  petites  Antilles, 
&  le  vingt-deux  de  Juin  il  aborda  en  Floride  :  quelques  jours 
après  il  jetta  les  Anchres  à  l’entrée  de  la  Riviere  des  Dauphins , 
dans  laquelle  il  entra  avec  fa  Chaloupe  ,  mais  il  en  fomt  d  abord 
an  grand  regret  des  Sauvages  ,  qui  firent  tous  leurs  efforts  pour 
le" retenir.  Êe-là  il  paffa  à  fa  Riviere  de  May  ,  &  y  trouva  s  fou 

débarquement  le  Paraoufti  SatuRiova  ,  avec  un  grand  nom- 

^LatffûpartVe  reconnurent,  &  tous ,  après  lui  avoir  fait  bien  des 
amitiés  ,1e  conduifirent  à  l’endroit  ,  011  M.  de  Ribaut  av°'t  ar¬ 
boré  les  Armes  de  France  fur  une  Colonne  de  pieire.  Ces  B“" 
bares  s’étoient  imaginé  qu’il  v  avoit  quelque  chofe  de  myfte- 
rieux  dans  ce  Monument,  &  dans  cette  penfee  ils  y,alloient 
faire  des  Offrandes ,  dont  il  étoit  encore  tout  environne  ,  ils  lui 
rendirent  même  en  préfence  des  François  des  refpeRs  ,  qui 
avoient  tout  l’air  d’un  culte  religieux .  Il  y  a  bien  de  1  aPP^re^e 
que  Laudonniere  fut  alors  mftruit  de  1  abandon  de  Lhar  es- 
Fort  puifqu’il  s’arrêta  dans  la  Riviere  de  May  ;  car  il  paroit  qu  il 

ravoir  ignoré  à  fon  départ  de  France»  .  ,  .. 

Quoiqu’il  en  foit ,  le  lendemain  de  fon  arrivée  il  rendit  une 

vifite  à  Saturiova  ,  &  lui  témoigna  qu’il  ferait  bien  aife  de  con- 
noître  le  Pays ,  qu’arrofoit  la  Riviere.  Le  Paraoufti  y  confen- 
tit ,  à  condition  qu’il  ne  feroit  pas  lontems  dans  ce  voyage. 


i  5  <54. 


Beauté  du 


DË  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  I.  37 

Une  Troupe  de  Sauvages  accompagna  même  les  François  pen- 
dant  quelque  te  ms  ,  marchant  le  long  des  deux  bords  du  Fleu¬ 
ve  9  &  répétant  fans  ceffe  le  mot  à9 Ami.  Laudonniere  n’alla  pas 
fort  loin  ,  &  ayant  fait  dreffer  fa  tente  au  pied  d’une  petite  Col¬ 
line  ,  il  ordonna  au  Sieur  d’Ottigny ,  fon  Lieutenant  &  an 
Chevalier  d’Erlach  (  a)  fon  Enfeigne  ,  de  remonter  la  Riviere 
pendant  quelques  jours. 

Ces  deux  Officiers  rencontrèrent  bientôt  des  Sauvages  '  qui  b« 
ne  dependoient  point  de  Saturiova  ,  &  qui ,  après  s’être  un  peu  Pays' 
remts  delà  frayeur  ,  que  leur  avoit  caufée  la  première  vûë  des 
François  ,  les  menèrent  chez  un  vieux  Paraoufti ,  qu’ils  difoient 
etre  âge  de  deux -cent  cinquante  ans,  &  Pere  de  fix  généra- 
fions ,  ce  qui  étoit  bien  peu  pour  un  fi  grand  âge.  Cet  Homme 
etoit  en  effet  fort  decrepite  &  aveugle ,  &  n’avoit  plus  qu’une 
peau  hvide  collee  fur  les  os  ,  mais  celui ,  qu’on  difoit  être  fon 
xils  ,  paroiiloit  un  Homme  de  foixante  ans  au  plus. 

D  Ottigny  &  d  Erlach  ne  pouffèrent  pas  plus  avant  leurs  dé¬ 
couvertes  &  retournèrent  au  lieu,  où  ils  avoient  laiffé  leur 
Commandant.  Dès  qu’ils  l’eurent  rejoint ,  ils  montèrent  tous 
enlemble  fur  la  Colline  ,  au  bas  de  laquelle  M,  de  Laudonnie- 
re  etoit  campe,  &  ils  découvrirent  de-là  un  Pays  fort  agréa¬ 
ble.  La  Riviere  toujours  d’une  belle  largeur ,  autant  que  la  vûë 
pouvoit  porter ,  arrofoit  de  grandes  Plaines ,  qui  avoient  toutes 
les  apparences  detre  fertiles.  Ces  Plaines  étoient  bordées  de 
forets  ,  dont  les  Arbres  extrêmement  hauts  étoient  entremêlés 
S  ’  dS  LaUrlerSC  de  Lentifques  ,  dont  l’odeur  embau- 
f  Âa  «  c,ett,f  vue  Amante etoit  terminée  d’un  côté  par 

la  Mer  ,  &  de  1  autre  par  une  chaîne  de  Montagnes ,  où  des 

de^Mmes  "rênt  °ntems  accroire  aux  François  qu’il  y  avoit 

•  P”  Perffiade  aifément  ce  qu’on  fouhaite  ,  &  les  moindres  i«  r 
imhces  deviennent  des  affûrances.  Tous  ceux  qui  dévoient 
compofer  la  nouvelle  Colonie,  n’étoient  venus  en  Floride  que  Pcrf“a*r 

f,berrtiLge  &  d6'  f"  ^  T  f*  1  ' ^  &  tandis  «P*  hefpn^e  L'j&ÏT 
libertinage  &  de  faineantife  leur  rendoit  infupportable  le  tra¬ 
vail  de  la  culture  d’une  Terre,  qui  leur  auroit  bientôt  rendu 
au  centuple  ce  qu  ils  y  auroient  femé,  ils  comptoient  pour  rien 
les  fatigues  &  les  dangers  ,  qu’il  falloit  devorer  pour  aSer  cher¬ 
cher  bien  loin  ce  qu’ils  n’étoient  nullement  affûrés  de  trouve^ 

.J"CS  ReIatlot\s  écriVent  d’Arîach  ,  c'eft  tilhomme étoit  Suiflè  &ilnV,««;  u  • 

1  eff«  d  UüCimttvaife  ptononemion.  Ce  Gen.  fon  de  Smile  plus  $  S 


5  6  4* 


Ils  s’enga¬ 
gent  mal  à 
propos  dans 
une  guerre. 


Ils  conti¬ 
nuent  à  décou 
vrir  le  Pays. 


Ils  délibèrent 
furie  lieu  d’un 
Etablillement. 


g  histoire  generale 

Ce  qu’il  y  eut  encore  de  plus  fâcheux  ,  c’eft  que  par  ce  frivole 
armas  ils  fe  laifferent  fottement  engager  dans  une  aftaire  ,  qui 
feule  étoit  capable  d’étouffer  la  Colonie  naiffante  dans  fonber- 

C@  Laudonniere  de  retour  chez  Saturiova  ,  lui  demanda  d’où 
venoit  un  morceau  d’ Argent ,  dont  ce  Chef  lui  avoit  fait  pre- 
fent  àfon  arrivée.  Celui-ci ,  qui  avoir  fes  deffeins  ,  &  qui  avoir 
déia  reconnu  le  foible  des  François ,  lui  répondit  qu  on  le  tiroir 
d’un  Pays  affez  éloigné  ,  &  que  le  Paraoufti  ,  a  qui  ce  Pays  ap- 
partenoit ,  &  qui  fe  nommoit  Timogoa,  etoit  fon  ennemi  mor¬ 
tel.  Laudonniere  donna  dans  le  piege  ,  que  lui  tendoit  le  rufe 
Paraoufti  &  lui  dit  que  s’il  vouloit  faire  la  guerre  a  Ion  En¬ 
nemi  ,  il  s’offroit  de  l’accompagner  avec  une  partie  de  fes  Gens. 
Santuriova  le  prit  au  mot,  &  lalTura  de  fon  cote. qu  apres  la 
défaite  de  Timogoa  ,  dont  il  ne  doutoit  point  ,  s  il  etoit  fécon¬ 
dé  des  François ,  il  lui  feroit  trouver  autant  d  or  &  d  argent , 

Malgré  ces  promeffes  réciproques ,  Laudonniere  ,  foit  qu  i 
fe  repentît  de  s’être  trop  legerement  engage ,  ou  qu  il  voulut 
voir,  s’il  ne  pouvoir  pas  fe  rendre  maître  des  Mmes,  fans  en 
avoir  obligation  aux  Sauvages ,  fe  rembarqua  des  le  lendemain 
avec  tout  fon  Monde  ,  &  fortit  de  la  Riviere  de  May  ,  entra 
d’abord  dans  la  Seine  ,  puis  dans  le  Somme  ,  ou  il  rencontra 
le  Paraoufti  de  ce  Canton  avec  fa  Femme ,  &  quatre  grandes 
Filles,  qui  ne  lui  parurent  pas  trop  mal  faites  pour  des  Flo- 
ridiennes.  Le  Paraoufti  le  reçut  parfaitement  bien ,  &  parmi 
les  prefens ,  qu’il  lui  fit ,  il  y  avoit  une  petite  Boule  d  Argent.  11 
invita  enfuite  les  François  à  paffer  quelques  jours  avec  lui  , 
mais  M.  de  Laudonniere  s’en  exeufa  ,  &  ie  rembarqua  fur  le 

ClTtint  enfuite  Confeilpour  délibérer  fur  le  parti,  cju’il  avoit 
à  prendre  ;  il  commença  par  expofer  les  ordres  précis ,  ^u  il 
avoit  de  faire  un  Etabliffement  folide  ,  &  il  ajouta  qu  il  n  etoit 
oueftion  que  du  choix  d’un  Emplacement.  Il  reprefenta  enfuite 
que  le  Cap  François  lui  paroiffoit  un  Pays  trop  bas  &  trop 
mouillé  ;  que  Charles -Fort  avoit  été  bâti  dans  un  Port  tres- 
commode  ,  mais  qu’il  n’en  croyoït  pas  le  Terrein  auffi  fertile  , 
que  celui  de  la  Riviere  de  May  ;  &  que  d  ailleurs ,  autant  qu  il 
en  pouvoit  juger  ,  cette  Riviere  etoit  la  route  la  plus  facile  & 
la  plus  courte,  pour  pénétrer  jufqu’aux  Mines ,  dont  on  leur 

avoit  parlé.  Dans  les  difpofitions,  où  etoittout  le  Monde,  cette 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  I.  J9 

•dermere  raifon  étoit  concluante  ,  chacun  fut  de  l’avis  du  Com¬ 
mandant.  On  reyira  de  bord  fur  le  champ  ,  &  le  lendemain 
vingt-neuvieme  de  Juin  les  trois  Navires  fe  trouvèrent  de  bon 
matin  à  l’embouchure  de  la  Riviere  de  May. 

Le  jour  fuivant  le  Fort  fut  dreffé  dans  un  lieu  très-avanta¬ 
geux  ,  environ  à  deux  lieues  de  la  Mer  :  on  y  travailla  avec  une 
diligence  extrême  ,  &  il  fut  nommé  la  Caroline  (a).  Ce  nom  a 
trompé  bien  des  Auteurs,  qui  fe  font  perfuadés  que  c’étoit  là 
lorigine  de  celui  ,  que  porte  aujourd’hui  une  des  plus  belles 
Colonies  Anglolfes  de  1  Amérique.  Quelques-uns  ont  même 
cru  que  des  ce  moment-là  on  avoit  communément  appellé  Ca¬ 
roline^  ce  qu  auparavant  on  appelloit  la  Floride  Francoife ,  ce 
qui  n  elt  pas  vrai.  La  Caroline  d’aujourd’hui  doit  même  fi  peu 
l'on  nom  à  Charles  IX.  Roi  de  France,  quelle  ne  comprend 
pas  tout  ce  que  nous  appelions  la  Floride  Francoife  ,  ou  la 
ouvelle  France ,  ainfi  que  je  l’ai  déjà  remarqué ,  &  que  le  Fort 
de  la  Caroline  de  Laudonmere  ell  prefentement  de  la  Floride 
Hipagnole ,  comme  nous  le  verrons  bientôt. 

Cette  Forterefle  étoit  de  figure  triangulaire  :  le  côté  de  l’Oc- 

îj'-yr  ®t01t  celui  de  la  Terre,  fut  fermé  d’une  tranchée , 
boi  dee  d  un  Parapet  de  gazon  de  la  hauteur  de  neuf  pieds  •  les 
deux  autres  avoientune  Paliffade  gabionnée  ;  &  à  l’angle  ,  qui 
regardent  la  Mer ,  il  y  avoit  un  Baftion,  dans  lequel  étoit  le  Ala- 
ga  m.  Le  tout  étoit  confiant  de  fafeines  revêtues  de  gazon,  le 
milieu  etoit  une  Place  de  d.x-hu.t  pas  en  quatre  ,  fj  laquelle 
n  y  avoit  vers  le  Nord  une  Maifon  afl'ez  haute  ,  que  les  Lnts 
abatn  eut  bientôt  ;  &  vers  le  Midi ,  un  Corps  de  garde.  Le  Four 
uit  place  hors  de  1  enceinte  de  la  Citadelle  ,  pour  éviter  les  in¬ 
cendies,  que  les  Vents  ,  qui  font  frequents  &  impétueux  fur  ces 
Cotes,  auraient  rendu  d’autant  plus  difficiles  à  arrêter  ,  qu’on 
n  avoit  pu  couvrir  ks  Barraques ,  où  tout  le  Monde  étoit  Lé 
q  LL  r  HeS  de  Palmiers  &  de  Lataniers.  S  ’ 

oui  s’eftLir'ld° r7‘er! ’  s' lm)eS  Relations ,  qu’il  a  écrites  de  ce 

font  Sf  !"  F  0nt  f°US  (f -îeux  > *  fort  de  Satunova, 
v,yue  -  f.s  Sujets  1  aidèrent  beaucoup  dans  les  tra- 

reprefent!ceUp  °b  'S®  ,de  faire’  ?e  Morgues  au  contraire  nous 
reLr.  J®  f  Paraoi;fo  prenant  de  grands  ombrages  d’une  For- 
tereffe  bâtie  fur  fon  Terrein ,  &  fort  choqué  de  la  maniéré  haute 


564. 


On  bâtit  îc 
Fort  de  la  Oï- 
roline.  Er¬ 
reur  des  Hî- 
ftoriens  &  des 
Géographes 
fur  ce  fujet» 


Defcription 
de  la  Caroline. 


(  *)  Un  Auteur  Efpagnol  moderne  con¬ 
fond  la  Caroline  avec  Charles-Fort,  ou  plu- 
tor  prétend  que  le  Fort  de  Ribaut  fut  nommé 


Caroline  ,  &  celui  de  Laudoniyere ,  Charles- 
Fort. 


i  5  6  4- 


Conduite  des 
Sauvages  à  l’é¬ 
gard  des  Fran¬ 
çois. 


40  HISTOIRE  generale 

&  indépendante ,  dont  le  Commandant  des  François  fe  com- . 
portoit  à  fon  égard.  II  n’y  a  rien  dans  cette  diverfite  de  ienti- 
mens  ,  qui  doive  nous  étonner  :  ne  voit  -  on  pas  tous  les  jours 
des  Perfonnes  ,  qui  vivent  enfemble  ,  penfer  diversement  iur  le 
chapitre  de  ceux,  avec  qui  ils  ont  à  traiter  ;  les  uns  s  en  defier,  OC 
les  autres  leur  donner  toute  leur  confiance  ?  Tout  ce  qu’on  peut 
conduire  ici  du  récit  de  ces  deux  Hiftoriens  ,  c  eft  que  le  Cher 
des  Sauvages  gardoit  avec  celui  des  François  des  mefures ,  que 
ce  dernier  prenoit  pour  des  marques  d’une  amitié  iincere  ,  oc 
que  ceux  ,  qui  examinoient  de  plus  près  les  choies  ,  attribuoient 

à  la  crainte ,  ou  à  la  politique. 

Ce  qui  paraît  certain  ,  c’eft  que  les  Sauvages  ne  difconti- 
nuoient  point  d’apporter  à  la  Caroline  des  Farines  de  Man ,  des 
Viandes  boucanees  ,  d’une  efpece  de  Lézard ,  que  ces  Peuples 
mangent  par  délices  ;  des  Racines  ,  dont  plufieurs  etoient 
médicinales ,  &  d’autres  fort  nourriffantes  :  quelquefois  de 
l’Or  de  l’Argent ,  des  Perles ,  des  Pierres  precieules  ;  Oc  que 
M  de  Laudonniere  fut  obligé  d’ordonner  à  fes  Gens  ,  fous  çei- 
ne  de  mort ,  de  porter  dans  le  Magafin  public  tout  ce  qu  on 
recevrait  des  Naturels  du  Pays  en  Métaux ,  en  Perles ,  Oc  en 
Pierreries.  Mais  la  fource  de  tous  ces  Threfors  tarit  bientôt. 


HISTOIRE 


t 


mm 'smmmm 

histoire 

E  T 

description  generale 

DELA 

NOUVELLE  FRANCE. 

livre  second. 

j]  FS  que  la  ForterefTe  fut  achevée,  M.  de 
|  Laudonmere  renvoya  en  France  un  de  fes 
V  aille  aux  ,  pour  y  demander  du  renfort  & 
ht  travailler  en  diligence  à  deux  grands  Bat- 
teaux  ,  dans  le  deffein  de  s’en  fervir  ,  pour 
allei  chercher  des  vivres  dans  les  Rivières 

- 1  p  ~  V0,  1?es<  rePrit  enfuite  le  deffein  de  faire 

remonter  la  Riyiere  de  May  par  d’Ottigny  ,  auquel  il  recom 

Panda  penetrer  dans  le  Pays  le  plus^  avant  qu’il  pourroit 
Ltrtout  de  bien  reconnoître  celui ,  où  commandoit  fimayoa  ’ 

IturiôtaT1  negllgf  P°Ucr  S'affL!rer  de  la  ^rité  de  tout  cf  que’ 
Satunova  lm  avoit  dit  aufujet  des  Mines.  1 

dans  de  fa  :  il  entra  /« 

dans  le  J  îmogoa  ,  car  dans  cette  partie  de  la  Floride  chaoue  dccouv 

dueTftKhefmêmen°mAU?  !ejChef  O)  ,  &  apparÜm 

va  n.  or  ni  CH  f  ’  qUI  Prend,celui  de  fon  petit  Etat.  Il  n’y  trou- 

à  la  découverf11  l’  maiS  Un  d®  feS  S°idatS  ’  ClU’il  aVO,t  ^VOyé 
a  la  decouverte  ,  lui  raporta  environ  lix  livres  d’argent ,  &  de 

Sot o/  Ga‘cllairo<,'la  Vcga  dit  la  meme  chofe  des  Quartiers ,  où  aborda  Ferdinand  de 

Tome  /.  t-, 


1  5  6  4, 


Nouvelles 


’ertes. 


HISTOIRE  generale 

— —  grandes  efparences  d’en  tirer  beaucoup  davantage  d’un  Pays- 

4'  foC’eftIinfi  que  les  Mines  fembloient  s’éloigner  à  mefure  qu’on, 
crovoit  s:ën  approcher  ,  femblables  à  ces  prétendus  Efpn*  fol¬ 
lets  oui  aprèEvoir  bien  fatigué  ceux  ,  qui  courent  pour  le* 
joindre  ,  difparoiffent  au  moment  qu’on  s  imagine  ^«nir.  Ce¬ 
pendant  nos  Aventuriers  ne  fe  rebutotent  point , &  le 

I procurées  précieux que  les  Mines.,. 

!PquXr  auraient  ilins Es 

;;r  t  àgPeU  de 

Ces  Barbares  n’étoient  pas  meme  d  accord  entr  eux  u 
lieux,  où  il  falloir  aller  chercher  ces  Mines. Toutefois  la  ph  par 
affûroient  que  dans  les  Montagnes  d  Apalack r 1  * 

Fer  tanne»  On  avoir  dit  la  meme  chofe  aux  Efpagn  ? 
prétend  qu’en  effet  on  y  a  trouvé  du  Cuivre  5  & 
grains  d’Or  parmi  les  fables  ,  qu  entraînent  les  1  5  ^ 

cendent  de  ces  Montagnes.  t  .  w  U  arriva  ur>e 

Bizarre coû-  A  l’occafion  du Voyage, dont  ,e  viens  de  parler  fl 
mmedcs  Sau-  hore  affeZj  finguliere  a  un  des  deux  Freres  le 

il  revenoit  deïimagoa  ,  .1  paffa  chez  un  Paraoufti  qui  etoit 
en  guerre  contre  cette  Nation ,  &  qui  lu,  demanda  s  i  avoir  dé¬ 
truit  fes  Ennemis  ?  Le  Pilote  répondit  <ju al  en  m 

ques-uns  ,  &  que  fi  le  Chef  n’avoit  pas  ete  averti  delamarche, 

&  ne  s’étoit  pas  mis  en  sûrete  dans  les  Lois ,  1  i  P 

échapé  un  feul.  Il  n’y  avoir  Ças  un  mot  de  vrai  dans  ce  qu  U 
difoit  ;  mais  il  s  etoit  imaginé  nues,  avoir  pat rleautr. 

Paraoufti  l’auroit  pris  pour  un  Allie  de  Timagoa  ,  &  lu  auro 
feit  immauvais  parti.  Le  Paraoufti  lui  demanda  enfuîte  s  il  avoir, 
levé  quelques  chevelures  ?  Non ,  reparut  le  \  affeur  ,  ce  n  ejtpas. 
la  coutume  parmi  les  François.  F]A  ,  oui  émit 

Alors  un  des  Gens  du  Paraoufti  prend  une  ec  ,  q 

plantée  en  Terre  ,  &  en  va  frapper  un  de  fes  Camarades  qui. 
etoit  affis  un  peu  plus  loin  ,  en  criant  Hwu  ,  remet  en  u  te 
Flèche  ,  où  il  l’a  prife  ,  la  reprend  un  moment  apres  ,  e  P 
de  nouveau  le  même  Sauvage  ,  en  réitérant  le  meme  cri  Auffi- 
tôt  le  Bleffé  s’étend  à  Terre  tout  de  fon  long ,  paraît  fans  mou 
vement  &  fans  vie  ,  les  jambes  &  le  corps  roides ,  &  dans  l["' 
ftantfes  Freres  ,  fes  Sœurs,  &  fa  Mere  viennent  Ple"rer 
lui.  Pendant  toute  cette  Corne  die  le  Paraoufti  3  &  la  p  up 


vages 


DE  LÀ  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  II.  43 

ceux  de  fa  fuite  beuvoient  force  Apalachine  ,  fans  fe  dire  un 
leul  mot  &  fembloient  même  ne  faire  aucune  attention  à  ce 
qui  lepafloit.  Le  Vaffeur  étonné  de  tout  ce  qu’il  voyoit ,  s’aoro- 
cha  du  Chef,  &  lui  demanda  ce  que  tout  cela  fignifioit ,  &ACe- 

lui-d  pour  toute  réponfe  répéta  d’un  ton  allez  languiffant  Tima^ 
go  a ,  Timagoa.  ° 

Le  Pilote  s’adrefla  à  un  autre  Sauvage  ,  pour  être  mieux  inf- 
truit  ;  mais  ce  Barbare  ,  après  lui  avoir  fait  la  même  réponfe 
le  pria  de  ne  lui  en  pas  demander  davantage.  On  avoit  c’epen- 
dant  tranfporté  ailleurs  le  Blelfé  ,  &  le  Valfeur  fut  curieux  de 
voir  ce  qu  on  en  faifoit.  Il  le  trouva  environné  d’une  foule  de 
Sauvages  des  deux  Sexes ,  qui  pleuraient ,  &  il  aperçut  de  jeu- 
nes  billes ,  qui  faifoient  chauffer  une  efpece  de  mouffe  ,  dont 
elles  frottoient  le  corps  du  Malade.  Enfin  au  bout  de  quelque 
tems  il  parut  revivre ,  &  dans  le  vrai  il  n’avoit  pas  eu  beaucoup 
e  mal.  Le  Paraouffi  dit  alors  au  Pilote.,  que  quand  un  Parti  de 
Guerre  reven  oit  fans  rapporter  des  Chevelures,  le  plus  chéri 
des  Enfans  du  Chef  devoit  être  ainfi  frappé  avec  des  armes  pa¬ 
reilles  a  celles  ,  dont  l’Ennemi  fe  fervoit ,  afin  de  renouveller  & 
de  mieux  imprimer  la  mémoire  des  maux,  qu’on  en  avoit  recûs, 
de  s  animer  de  plus  en  plus  à  la  vengeance. 

ces  entrefaites  Saturiova  fit  demander  à  Laudonniere  , 


5  64. 


- -  .u  miiiojiun  rt  i^auuunmere  ,  twilonnîere 

sillefouvenoitdelaparole,  qu’il  lui  avoit  donnée,  d’être  Ami  rcfl,fi:  d'ac' 
de  fes  Amis ,  &  Ennemi  de  fesfnnemis ,  &  s’il  étoit  difpofé  à  SÏÏK&Tà  ü 
I  accompagner  dans  une  expédition  ,  où  il  venoit  de  s'engager  Guclrc- 
avec  fes  Vaffaux  contre  Timagoa?  Le  Commandant  lui  fît  ré- 

çonle  qu  il  n  avoit  pas  oublié  fa  promelfe  ,  mais  que  fa  prefence 
etoit  encore  neceffaire  dans  fon  Fort  ;  d’ailleurs  qu’il  n’avok  pas 
allez  de  proviens  pour  un  pareil  voyage  ,  &  que  s’il  vouloir 
encore  attendre  deux  Lunes  ,  il  marcherait  avec  li 


r  çii  -  , 77””  ; - “  9  “  lierait  avec  lui  à  la  tête  de 

les  ooldats.  Ce  delai  n  accommodoit  point  le  Paraouffi,  dont  les 

roupes  etoient  dejaaffemblées  ;  il  fe  douta  même  que  les  Fran¬ 
çois  ne  cherchoient  à  gagner  du  tems  ,  que  pour  fui  manquer 
impunément  de  parole  ;  mais  il  n’en  témoigna  rien  pour  lors  ; 

1  partit  avec  foiiArmée,  qui  étoit  de  cinq  cent  Hommes  au  plus, 
y  compris  les  Troupes  auxiliaires  ,  ce  qui  ne  donne  pas  une 
grande  idee  de  ce  prétendu  Souverain,  que  quelques-unes  de  nos 
Relations  appellent  le  grand  Roy  Saturiova. 

Avant  que  de  fe  mettre  en  campagne  ,  il  rangea  tout  fon  Mon-  Cérémonie 
£.e.en  or“re  Bataille  ,  &  s’étant  avancé  au  bord  de  la  Riviere  £ou<  fe  dlfpo" 
il  fît  alte  pour  s’acquitter  d’une  Cérémonie  ,  dont  la  Religion  de  lia 

F  ij 


aa  histoire  generale 

- 7 —  ces  Peuples  ne  leur  permet  pas  de  fe  difpenfer.  Il  commença  par 

1  5  6  4‘  s’affeoir  a  Terre ,  &  les  V afl'aux  fe  placèrent  autour  de  lui  dans 
la  même  pofture  II  demanda  enfuite  de  l’Eau  ,  qu  on  lui  aporta 
dans  mi  Vafe ,  &  à  peine  l’eut-il  à  la  main  ,  qu’il  parut  entrer 
dans  des  agitations  allez,  femblables  à  celles ,  où  les  Poetes  nous 
reprefentent  les  Pithoniffes  &  les  Sybilles.  Les  yeux  lui  rou- 
lofent  dans  la  tête  d’une  maniéré  afreufe  ,  &  il  les  tournoitfans 
celle  vers  le  Soleil ,  ce  qui  dura  une  demie  heure  avec  une  vio- 

friant  de  toute  fa  force.  Hé  Timagoa.T  oute  lÂrmee  répéta  au - 
fitôt  le  même  cri ,  &  à  ce  lignai  les  Chefs  fe leye  enf  ?  '  L,  cé_ 
s’embarquèrent  furie  champ.  On  expliqua  ans  , 

rémonial  aux  François  :  on  leur  dit  que  Saturiova ,  pend 
tout  le  tems  de  fon  enthoufiafme  ,  n  avoit  ceffe  de  demandei  au 
Soleil  la  Viâoire  fur  fes  Ennemis  ,  &  que  c  etoit  la  ferveur  me¬ 
me  de  fa  Priere  ,  qui  l’avoit  mis  dans  1  état ,  ou  °n  1  ajoit  vu. 
O  u  en  verfant  de  l’eau  fur  la  tête  de  fes  V  affaux  ,  faifoit 
Vœux  pour  obtenir  qu’ils  revinffent  avec  les  Cheve.ures  de 
Ennemis ,  &  qu’en  jettant  le  relie  de  lEau  dans  lf  Feu  ,  il 
moignoit  le  defir ,  qu’il  avoit  de  répandre  jufqua  la  dermere 

goûte  du  fang  de  Timagoa.  # 

Les  Guerriers  arrivèrent  en  deux  jours  de  navigation  a  dix 
lieues  du  Village  ,  qu’ils  voulaient  attaquer.  La  ils  tinrent  Con- 
feil  ,  &  il  fut  refolu  que  la  moitié  de  i’Armee  continuerait  le 
Voyage  par  Eau  ,  que  l’autre  iroit  par  Terre  ,  &  que  les  deux 
Troupes  entreroient  au  point  du  jour  par  deux  endroits  dans  la 
Bourgade  Ennemie;  qu’on  ferait  main  oade  fur  tous  les  Hom¬ 
mes  ,  mais  qu’on  épargnerait  les  Femmes  &  les  Enfans ,  pour  en 
faire  des  Efclaves.  Tout  cela  fut  exécute  ponâuellement ,  1  En¬ 
nemi  fut  furpns  ,  &  tout  ce  qui  étoit  capable  de  faire  reliftance, 
fut  taillé  en  pièces  ;  mais  on  ne  fit  que  vingt-quatre  Prisonniers. 
Les  Vainqueurs  craignant  qu’on  ne  leur  coupât  la  retraite  ,  e 
donnèrent  à  peine  le  ioifir  de  lever  les  Chevelures  des  Morts 
&  de  rendre  grâces  au  Soleil  pour  un  fi  heureux  fucces.  Ils  re¬ 
gagnèrent  en  diligence  leurs  Pirogues ,  &  le  rembarquèrent  * 
après  avoir  fait  le  partage  des  Captifs  ;  car  pour  e  utin  5  ces 
Peuples  ne  font  pas  accoutumes  a  s  en  chargei  ,  &  i  y  a  ien 
peu  de  chofes  à  gagner  avec  des  Gens  ?  qui  combattent  tou 


Vidloîre  de 
Saruriova. 


DE  LA  NOUELLE  FRANCE.  Liv.  II.  45 

nuds ,  &  qui  ont  toujours  un  grand  foin  de  cacher  leurs  Dro-  - -r - 

vidons.  1  M<M. 

Saturiova ,  qui  avoiteu  pour  fa  part  treize  Prifonniers,  arri-  qui  fe  paf- 
va  chez  lui  le  lendemain  de  l’aèlion  ,  &  dès  que  les  Chevelures  ? e  jtre  !ui  & 
qu  il  avoir  apportées  ,  parurent  a  fa  porte  ,  ornées  de  Lauriers  ,  au  fujet  des 
fui  vaut  la  ooûtume  ,  toute  la  Bourgade  fut  en  pleurs  jufqu’au  Prir°nnicrs, 
foir.  Alors  la  Scene  changea ,  &  toute  la  nuit  fe  paffa  en  ré- 
jouiflances.  Le  jour  fui  van  t  Laudonniere  envoya  complimen¬ 
ter  le  Paraoufii  fur  fa  Victoire  ,  &  le  fit  prier  de  lui  ceder  deux 
de  fes  Prifonniers.  Son  deffein.  étoit  de  les  renvoyer  à  Timagoa , 
afin  de  s’affeftionner  cette  Nation  :  car,  toutes  reflexionf  fai¬ 
tes  ,  il  avoit  très-fagement  jugé  qu’il  étoit  de  l’intérêt  de  la  Co¬ 
lonie  de  bien  vivre  avec  tous  ces  Peuples  ,  &  de  les  réconcilier 
même  entr’eux  ,  s  il  étoit  poffible.  Heureux  ,  s’il  s’en  étoit  tou¬ 
jours  tenu  à  cette  refolution. 

La  reponfe  de  Saturiova  fut  un  refus  ,  accompagné  de  quel¬ 
ques  reproches.  Le  Commandant  crut  qu  il  y  alloit  de  fon  hon¬ 
neur  de  ne  pas  mollir  avec  ces  Barbares.  Il  partit  fur  le  champ 
avec  quarante  Maîtres  armés  de  toutes  pièces  ,  &  alla  chez  le 
ParaOufh.  Il  entra  feul  dans  fa  Cabanne  ,  après  l’avoir  fait  en-  • 

vironner  par  fes  Soldats ,  s’affit  à  côté  de  lui  fans  le  faluer ,  de¬ 
meura  quelque  temsdans  cette  fituation ,  fans  lui  dire  un  feul 
mot ,  puis  demanda  ou  etoient  fes  Prifonniers  ?  Saturiova  fur- 
pris  de  fe  voir  ainfi  brave  jufques  dans  fon  Logis  ,  demeura  auffi. 
quelque  tems  fans  répondre  ,  puis  il  dit  d’un  ton  allez  fier,  qu’à 
la  vue  nés  François  les  Captifs  effrayés  s’en  étoient  enfuis  dans. 

Je  bois  ,  &  qu  il  ne  fçavoit  où  les  aller  chercher.. 

Laudonniere  fit  femblant  de  n’avoir  pas  entendu  ,  &  haufiant 
la  voix  ,  il  dit  qu’il  voulait  voir  ces  Prifonniers ,  &  qu’on  les  fît 
venu  a  1  heure  meme.  Alors  Saturiova  ordonna  à  un  de  fes  Gens 
de  les  aller  chercher  ,  &  un  moment  après  ils  parurent.  Ces 
Infortunes  comprirent  d’abord  à  l’air  du  Chef  des  François  , 
que  ion  deflem  n  etoit  pas  de  leur  faire  du  mal ,  &  ils  voulurent 
le  jetter  a  fes  pieds  ;  mais  il  ne  leur  en  donna  pas  le  tems  ;  il  fe  • 
ieva  ,  lortit  de  la  Cabanne  ,  &  leur  commanda  de  le  fuivre.  Il  les 
mena  dans  fon  Fort ,  où  il  les  regala  bien  ;  puis  les  mit  entre 
les  mains  de  M.  d’Erlach  ,  &  d’un  des  deux  le  Valfeur ,  qu’il 
chargea  de  les  reconduire  dans  leur  Pays.  Il  donna  en  même 
tems  avis  a  Saturiova  de  ce  qu’il  venoit  de  faire  ,  ajoûtant  qu’il 
en  uloit  ainfi  pour  rétablir  la  Paix  entre  lui  &  Timagoa.  Les  in- 
Itruttions  de  ces  deux  Envoyés  portoient  auffi  de  ne  rien  omet- 


I  5  6  4- 


Tonnerre 
extraordinaire 
Se  les  effets. 


Comment 
Laudonniere 
en  profite. 


46  histoire  generale 

tre  pour  s’affûrer  de  la  fidélité  de  Timagoa,  d  aller  enfuite  trou¬ 
ver  un  grand  Chef,  nommé  Outina,  dont  il  paroît  que  Tima- 
goa  relevoit ,  &  dont  on  lui  avoit  fort  exagéré  la  puifiance  ,  de 
le  faluer  de  fa  part ,  &  de  faire  alliance  avec  lui. 

Cependant  Satufiova  ne  pouvoit  digerer  la  maniéré,  dont  il  ve- 
noit  d’être  traité  ,  mais  il  fut  affez  maître  de  lui  pour*  diffimuler 
fon  reffentiment  jufqifà  ce  qu’il  eût  trouve  une  occafion  favora¬ 
ble  de  fe  venger.  Il  fit  même  dire  au  Commandant  de  la  Caroline 
qu’il  pouvoit  négocier  avec  Timagoa  ,  comme  il  le  jugermt  a 
propos,  &  qu’il  en  pafferoit  par  tout  ce  qu’il  auroit  réglé.  Il  anec- 
ta  de  lui  donner  plus  de  marques  de  confiance  que  jamais  ,  &  il 
lui  fit  plufieurs  prefens.  Son  deffein  étoit  d  ecarter  de  lui  toute 
défiance,  afin  de  le  furprendre  plus  aifément  ;  mais  un  accident 
des  plus  étranges  ,  que  je  ne  raporte  meme  que  fous  la  garantie 
de  ceux ,  qui  prétendent  en  avoir  été  témoins  ,  fit  juger  au  ra- 
raoufti  que  le  plus  sûr  &  le  plus  avantageux  pour  lui  etoit  de 
bien  vivre  avec  les  François. 

Le  vingt-uniéme  d’Août  il  tonna  d’une  maniéré  fi  lui  prenan¬ 
te  à  une  demie  lieue  de  la  Caroline  ,  que  non  feulement  1  Air  , 
mais  les  Campagnes  mêmes  parurent  en  feu.  Ce  premiei  orage 
fut  fuivi  de  plufieurs  autres  ,  qui  fe  fuccederent  de  fort  près  pen¬ 
dant  trois  jours  ,  &  ce  qu’il  y  eut  de  particulier  ,  c  eft  que  la  Ri¬ 
vière  en  fut  tellement  embrafée  ,  qu’on  la  voyoit  bouillonner , 
&  qu’une  quantité  prodigieufe  de  Poiffons  en  moururent.  Les 
Forêts  prirent  aufii  feu  en  plufieurs  endroits  ,  &  fi  fubitement , 
que  tous  les  Oifeaux  n’eurent  pas  le  tems  de  fe  fauver  ,  &  qu  1 
1  périt  un  grand  nombre. 

Les  François  ne  fçavoient  que  penfer  de  ce  qu’ils  voyoïent , 
quelques-uns  s’imaginoient  que  les  Sauvages  pour  les  contrain¬ 
dre  de  fortir  de  leur  Pays  ,  avoient  mis  le  feu  à  leurs  Campa¬ 
gnes  &  à  leurs  Forêts  ,  afin  de  leur  ôter  toute  reffource  ,  &  de 
les  faire  périr  de  faim ,  s’ils  s’obftinoient  à  refier  chez  eifx.  Mais 
ces  Barbares  fe  mirent  bien  d’autres  imaginations  dans  la  tête  , 
&  Laudonniere  ,  qui  s’en  aperçut ,  n’eut  garde  de  les  defabuier. 
Ils  ne  doutèrent  point  que  tout  ce  fracas  ne  fût  un  effet  du  Ca¬ 
non  des  François ,  &  ils  envoyèrent  prier  le  Commandant  de 
le  faire  ceffer  au-plûtôt ,  afin  d’arrêter  l’embrafement  general , 

dont  ils  fe  croy oient  menacés.  _  ,  .  _  .  ,,  , 

Ceux  qui  vinrent  lui  faire  cette  priere  ,  etoient  Sujets  d  un  des 
Yaffaux  de  Saturiova  ,  auquel  Laudonniere  avoit  aulh  deman¬ 
dé  fes  Prifonniers  ?  &  qui  s’obftinoit  a  les  refufer  :  ce  Gommait» 


en 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  47 

dant  répondit  à  fes  Envoyés  que  les  malheurs  ,  dont  ils  crai-  - - 

gnoient  les  fuites  avec  tant  de  fondement,  étoient  le  jufte  châti-  1  ^4* 
ment  du  mauvais  procédé  de  leur  Maître  ,  &  que  fon  deffein 
étoit  de  l’aller  brûler  lui-même  dans  fa  Cabanne  ,  s’il  perfiftoit 
dans  fon  refus.  Ce  firatageme  eut  tout  le  fuccès  ,  que  Laudon- 
niere  s’en  étoit  promis  :  leParaouffi ,  fans  différer  d  un  moment 
lui  envoya  fes  Prifonniers  ,  &  peu  de  tems  après  le  Feu  s  étei¬ 
gnit.  Les  François  l’avoient  bien  prevû  ,  mais  le  Chef  Sauvage 
étoit  encore  fi  effrayé ,  qu’il  s’enfuit  à  vingt-cinq  lieues  de-la  , 

&  fut  deux  mois ,  fans  reparoître.  Cependant  l’Air  étoit  fi 
échauffé ,  &  1  Eau  de  la  Riviere  fî  infeéfée  de  la  prodigieufe 
quantité  de  Poiffons  morts ,  dont  elle  étoit  couverte  ,  que  la 
plupart  de  ceux  ,  qui  en  burent  alors  ,  tombèrent  malade  ;  mais 
aucun  François  n’en  mourut. 

Le  dixiéme  de  Septembre  M.  d’Erlach  &  le  Vaffeur  partirent  m.  cfÊrfad, 
fvcF  ul?  Argent  &  dix  Soldats  ,  pour  remener  à  Timagoa  tous  fec  cinci 
les  Prifonniers,  dont  nous  avons  parlé.  Après  sëtre  acquitté  gZT’mf 
e  leui  commimon  ,  ils  allèrent  jufques  chez  Outina  ,  qui  de-  grande  vidoi- 
meuroit  à  quatre-vingt  dix  lieues  de  la  Caroline  ,  &  ils  furent  <c  à  un  cw 
reçus  de  ce  Paraoufti  avec  de  grandes  demonftrations  de  joye.  ^ 

e  préparait  a  marcher  contre  un  de  fes  Ennemis,  nommé  Po- 
Tanou,  &  il  engagea  M,  d  Erlach  a  1  accompagner  dans  cette 
expédition  ;  mais  cet  Officier  ne  fe  fit  fuivre  ,  que  de  la  moitié 
de  Ion  Elcorte  ,  &  renvoya  le  refte  au  Fort  avec  le  Vaffeur.  Il 
ciaigea  celui-ci  dune  Lettre  pour  le  Commandant ,  à  qui  il 

demanda  fes  ordres ,  par  raport  au  féjour ,  qu’il  devoit  faire 
auprès  d  Outina.  1 

Ce,  P^aOU,ftl  fe  mit  Peu  de  j°llrs  aPrès  en  campagne  avec 
peu  de  Monde  ,  parce  qu’il  croyoit  furprendre  fon  Ennemi  : 

mais  il  fut  fort  déconcerté  de  le  voir  venir  à  fa  rencontre  avec 
toutes  fes  Forces.  O  Erlach  le  raffûra ,  &  ayant  du  premier 
coup  de  Fufil  jette  par  Terre  Potanou  lui -même,  toute  cette 
grande  Armee  perdit  coeur  &  tourna  le  dos  ,  quoiqu’un  Fran- 
çois  eut  auffi  ete  tue  dune  Flèche  à  la  première  décharge.  Ileft 
vrai  qu  il  fut  bien  vengé  ;  d’Erlach  &  Outina  firent  un  grand 
carnage  des  Fuyards  ,  8e  emmenerent  quantité  de  Prifonniers. 

A  peine  etoient  -  ils  de  retour  chez  Outina  ,  qu’un  Batteau  en- 
voye  par  Laudonniere  vint  chercher  d’Erlach,  auquel  le  Paraou- 
i  t  de  tort  beaux  prefens ,  il  en  envoya  auffi  au  Commandant 
oes  rrançois ,  &  parmi  ceux-ci  il  y  avoit  des  morceaux  d’Or  & 
d  Argent.  Enfin  il  donna  fa  parole  à  d’Erlach  ,  que  fi  les  Fran- 


s  64- 


Scdition  à  la 
Caroline. 


48  histoire  generale 

cois  avoient  befoin  de  fes  Sujets ,  ils  en  trouveroient  toujours 
fix-cent  difpofés  à  les  fervir  envers  &  contre  tous. 

Ce  qui  avoir  obligé  M.  de  Laudonmere  a  rappeller  d  Lr- 
lach ,  c’eft  qu’il  avoit  été  averti  d’une  intrigue  ,  qui  fe  tramoit 
fourdement  contre  lui.  Les  Volontaires ,  dont]  ai  dit  que  plu¬ 
sieurs  étoient  Gentilshommes  ,  trouvoient  fort  mauvais  que  e 
Commandant  les  employât  aux  mêmes  travaux ,  que  les  plus 
vils  Manœuvres ,  &  tout  le  Monde  fe  plaignent  de  ce  qu 
voit  pas  amené  en  Floride  un  feul  Mmiftre  de  forte  quil  nefie 
faifoit  aucun  exercice  public  de  Religion.  Mais  ce  Su‘ 
furtout  le  mécontentement  du  grand  nombre  ,  tell  quonle 
vovoità  la  veille  de  manquer  tout-a-faitde  Vivres.  A  quoi  il 
faut  ajouter  qu’un  Aventurier  avoir  perfuade  a  k  PluPartÆJl 
avoit  un  fecret  pour  trouver  des  Mines  dOr,  &  que  le  Cou 
mandant  ne  lui  avoit  pas  voulu  permettre  d  en  faire  leflay. 

Cette  conduite  de  Laudonmere ,  toute  fage  qu  elle  e  oit ,  av  o.t 
été  regardée  comme  une  vraye  tyrannie  :  on  difoit  hautement 
que  intention  du  Roy  &  de  l’Amiral  étoit  qu  on  ne  négligeât 
rien  pour  découvrir  tout  ce  que  le  Pays  pouvoir  renfermer 
de  richeffes ,  &  on  ne  çeffoit  de  repeterque  ,  ni  M.  de  Coligni , 
ni  Sa  Majefté  n’avoient  pas  prétendu  envoyer  tant  d  honnêtes 
Gens  en  Amérique  ,  pour  y  etre  traites  en  Efclaves  ,  &  pou  y 
mourir  de  faim.  Ces  difeours  pafferent  bientôt  des  Entretiens 
particuliers  dans  les  Affemblées  publiques  &  des  murmures 
on  en  vint  jufques  à  confpirer  contre  la  vie  du  Commandant 
qui  n  eut  pas  peu  à  faire  pour  fe  garantir  des  piégés,  quon  lui 

tendit  à  diverfes  reprifes.  .  „„„„ 

Sa  fermeté  en  II  jugea  néanmoins  que  le  plus  mauvais  parti ,  qu  il  put  pren- 
cette  oeçafion,  dre  dans  une  conjon&ure  fi  délicate  ,  feroit  de  mollir.  I 

mença  par  faire  juftice  d’un  Malheureux  ,  qui  abufoit  de  fa  con¬ 
fiance  pour  le  trahir.  Il  renvoya  enfuite  en  France  ceux  des  Mu¬ 
tins  ,  dont  il  croyoit  avoir  le  plus  à  craindre  ,  &  il  profita  pour 
cela  d’un  Navire ,  qui  étoit  arrive  en  Floride  au  mois  de  Septem¬ 
bre  &  qui  remit  à  la  voile  le  dixiéme  de  Novembre.  Il  crut 
alors  qu’il  lui  ferait  plus  aifé  d’être  le  Maître  mais  il  fe  trom¬ 
pa  :  le  feu  de  la  fédition ,  non-feulement  ne  s  éteignit  point  , 
mais  fit  au  contraire  d’autant  plus  de  progrès  ,  que  le  Comman¬ 
dant  fe  perfuada  trop  tôt  que  les  Faftieux  n  avoient  plus  de 
Chefs.  Il  ne  tarda  pas  à  reconnoître  fon  erreur ,  &  il  put  d  au¬ 
tres  mefures  pour  faire  avorter  tous  ces  complots.  U  choilit 
tous  ceux  ,  dont  il  jugeoit  devoir  fe  défier  davantage  >  1  es 

w  VOY4 


U  6  4- 


Plufieurs 


Les  Mutins 
veulent  aller 
en  courfe. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  49 

yoya  fous  la  conduite  d’un  Gentilhomme,  nommé  la  Rochefer- 
riere  ,  à  Outina,  avec  ordre  d’achever  la  découverte  de  ce  Can¬ 
ton  ,&  retint  auprès  de  lui  MM.  d’Ottigny  &  d’Erlach  Tes 
deux  premiers  Officiers  ,  &  qu’il  fçavoit  être  très-affe&ionnés 
à  fa  perfonne. 

,  Ces  précautions  étoient  fagement  prifes ,  mais  Laudonniere 
n  avoit  pas  connu  tous  les  Mécontens.  Peu  de  jours  après  le  Fran?ois  dif 
départ  de  la  Rocheferriere  ,  treize  Matelots  enlevèrent  une  des  paroiîIcm' 
deux  Barques  ,  dont  on  fe  fervoitpour  aller  chercher  des  Vi¬ 
vres  ,  &  difparurent.  Deux  Charpentiers  ,  nouvellement  arri¬ 
ves  de  France  ,,  fe  faifirent  de  1  autre  ,  &  on  n’a  jamais  pu  fca- 
voir  ce  qu’ils  étoient  devenus.  Comme  on  ne  pouvoit  le  paf- 
fer  de  femblabies  Bâtimens  ,  Laudonniere  en  fit  conflruire  deux 
autres  ,  mais  ils  n  etoient  pas  achevés  ,  lorfqu’une  révolte 
déclarée  priva  encore  le  Commandant  de  cette  reffiource  ,  & 

£t  perdre  à  la  Colonie  la  moitié  de  fes  Habitans. 

Un  Genevois  nommé  Etienne,  &r  deux  François,  qui  avoient 
nom  des  Fourneaux  &  la  Croix  ,  mirent  en  tête  à  quelques  Vo¬ 
lontaires  ,  &  à  un  grand  nombre  de  Soldats ,  d’aller  faire  la 
coude  fur  les  Efpagnols  ,  en  leur  perfuadant  que  la  prife  d’un 
Vaffieaude  cette  Nation  ,  ou  le  pillage  de  la  moindre  Bicoque, 
iuffiroient  pour  les  enrichir  à  jamais.  La  partie  fut  bientôt  liée , 

&  le  nombre  de  ces  nouveaux  Corfaires  fut  de  foixante-fix 
parmi  lefquels  il  y  en  eut  quelques-uns  ,  qui  s’enrôlèrent  plu¬ 
tôt  par  la  crainte  des  mauvais  traitemens,  dont  les  Séditieux  les 
avoient  menacés ,  que  par  ledefir  &  l’efperance  d’une  meilleure 
fortune.  Les  préparatifs  fe  firent  avec  beaucoup  de  fecret  ;  & 
un  jour  que  le  Commandant  étoit  au  lit  malade  ,  cinq  des  plus 
détermines  entrèrent  dans  fa  Chambre  bien  armés  ;  quatre  s’ar- 
reterent  a  la  porte  ,  &  un  feul  s’aprochant  de  fon  lit ,  lui  déclara 
qu  ils  etoient  refolus  d’aller  croifer  le- long  desIflesEfpagnoles. 

leur  répondit  qu  avant  que  d’exécuter  un  pareil  projet ,  il 
y  avoit  bien  des  reflexions  à  faire  ,  &  qu’ils  ne  pouvaient  igno¬ 
rer  les  defenfes  expreffes  ,  qu’il  avoit  du  Roy  &  de  la  Reine 
Kegente ,  de  fouffnr  qu’aucun  de  ceux ,  qui  étoient  fous  fes 
ordres,  entreprît  rien  fur  les  Colonies  Caftillanes.  Tout  eft 
con  i  ere,  Moniteur,  répliqua  le  Séditieux ,  c’eft  un  parti  pris 
lans  retour ,  &  vous  vous  y  oppoferiez  envain.  Desjuremens 
exécrables  fuivirent  cette  infolente  répliqué,  &  les  quatre  au¬ 
tres  s  étant  avancés  en  jurant  auffi  ,  ils  fe  mirent  à  fureter  dans 
tous  les  coins  &  recoins  de  la  Chambre ,  op  ils  ne  laifferent 


Ils  forcent  le 
Commandant 
à  leur  ligner 
une  Commit-, 
fion. 


« 


« 


« 


c 


î 


tQ  histoire  generale 

- -  rien  ,  qui  pût  leur  être  de  quelque  utilité.  Ils  blefferent .même? 

1  5  6  4-  un  Gentilhomme  ,  qui  étoit  accouru  au  bruit ,  &  qui  le  met- 
toit  en  devoir  de  reprimer  ces  violences. 

Ils  firent  plus  ,  ils  fe  faifirent  de  la  perfonne  de  leur  Comman¬ 
dant  Sc  le  transportèrent  dans  un  Bâtiment ,  qui  etoit  a  1  An- 
cre  vis-à-vis  du  Fort ,  où  ils  le  gardèrent  à  yûë  pendant  quinze 
ours ,  avec  un  Valet,  qu’ils  lui  avoient  laiffe  pour  e  fervir. 
Ils  en  vouloient  furtout  à  un  Sergent  nomme  la  Caille  ,  &  ils. 
avoient  réfolude  s’en  défaire;  mais  il  leurechapa,  &  sa  a 
cacher  dans  le  Bois.  Enfin  ils  drefferent  une  Commiffion,  telle 
qu’ils  la  vouloient ,  pour  aller  croifer  dans  le  Golphe  Mexi¬ 
que  ,  &  ils  la  portèrent  au  Commandant ,  qu  ils  forcèrent ,  le 
Poignard  fur  fa  gorge  ,  de  la  ligner.  Ils  contraignirent  de  la 
même  maniéré  un  des  deux  le  V affeur  a  leur  livrer  fon  pavil¬ 
lon  ,  &  un  autre  Pilote ,  appellé  Trenchant ,  a  les  accompa- 

iisfe  divi-  ^  Ils  avoient  armé  les  deux  nouveaux  B  atteaux  ,  &  ils  mirent 
feiu ,  une  par-  àla  Voile  le  huitième  de  Décembre.  Leur  deffein  etoit  daller 
“ k  Pcrd-  droit  à  l’Ifle  Espagnole  ,  &  de  piller  Yaguana ,  Ville  alors  con- 
fidérable  ,  dont  on  voit  encore  quelques  ruines  à  deux  lieues  de 
Leosane  &  ils  comptoient  de  prendre  fi  bien  leurs  melures  , 
qu’ils  y  arriveroient  la  nuit  de  Noël  pour  faire  leur  attaque, 
tandis  que  tout  le  Monde  feroit  àl’Eglife.  Mais  ils  etoient  en¬ 
core  dans  la  Riviere  de  May  ,  que  la  divifion  fe  mit  parmi  eux  , 
comme  il  arrive  prefque  toujours  à  ceux  ,  qui  ont  fecoue  le  joug 
de  l’autorité  légitimé.  Après  de  grandes  conteftations  les  deux 
Batteaux  fe  feparerent  ;  l’un  fuivit  la  Côte,  pourtraverfer  a  llfle 
de  Cuba  ,  l’autre  tira  droit  au  large  pour  ranger  les  Ailes  Lu- 
cayes  &  il  y  a  bien  de  l’apparence  que  ce  dernier  pent  en 
Mer  ,  du  moins  on  n’en  a  jamais  eu  la  moindre  nouvelle. 

Le  premier ,  où  étoit  le  Pilote  Trenchant ,  &  qui  etoit  com- 
tc!  ,utres  mandé  par  un  nommé  d’Oranger ,  rencontra  au  bout  de  quel- 
font  quelques  ques  jours  un  Brigantm  Efpagnol ,  charge  de  Vin  &  de  Caffa- 
ptifo.  ve  dont  il  fe  rendit  Maître  ,  &  dans  lequel  d  Oranger  fit  palier 
tous  ceux,  qui  lembarraffoient  dans  fon  Batteau,  avec  une  par¬ 
tie  des  Vivres.  Enfuite  nos  Aventuriers  gagnèrent  la  Cote  Oc¬ 
cidentale  de  l’Ifle  Efpagnole  ,  s’y  rafraîchirent  dans  un  Havre 
proche  d’Yaguana,  y  radoubèrent  leur  prife,  quifailoit  eau  , 
pafferent  à  Baracoa  ,  dans  l’Ifle  de  Cuba.  Ils  trouvèrent  dans  ce 
Port  une  Caravelle  de  cinquante  à  foixante  Tonneaux  ,  ou  il 
n’y  avoir  perfonne  ,  s’en  emparerent ,  &  laiHerent  leur  Batteau 


& 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  II.  ,, 

a  fa  place.  De-la  ils  rabbatirent  fur  l’Me  Eïpagnole  ,  &  enleve-  . . . 

rent  près  du  Cap  Tiburon  ,  une  Patache  richement  chargée  ,  où  1  5  ^  5  • 
étoit  le  Gouverneur  de  la  Jamaïque  avec  fes  deux  Fils  ,  qu/de- 
meurerent  leurs  Prifonniers.  5  4 

Ils  comptoient  bien  d’en  tirer  une  bonne  rançon  ,  mais  com¬ 
me  ils  fe  furent  aprochés  de  la  Jamaïque,  le  Gouverneur  s’avifa,  Ce  qui  leur 
pour  le  tirer  de  leurs  mains  ,  d’un  ilratagéme  ,  qui  lui  réuffit.  Il  anive  *  la  Va¬ 
leur  propofa  d’envoyer  à  fa  Femme  un  de  fes  Fils  ,  avec  une  Let-  maKÎUC, 
tre ,  qui  lui  apprendrait  fa  captivité  ,  &  rapporterait  la  fom- 
me  ,  dont  il  étoit  convenu  avec  eux  pour  fa  rançon.  Ils  donne- 

rarr* 3115  Un  ^  gtoffier  ,  &  le  Gouverneur  ayant  montré 
a  d  Oranger  une  Lettre ,  qui  ne  contenoit  que  ce  que  je  viens  de 
dire  ,  donna  au  P orteur  des  ordres  fecrets  ,  dont  l’exécution 
fut  promp te.  Quelque  tems  après  ,  à  la  petite  pointe  du  jour , 
nos^Corfaires  furent  bien  étonnés  de  fe  voir  inveïHs  par  trois 
Jiatimens  bien  armés  ,  &  où  il  y  avoit  beaucoup  de  Monde.  La 
partie  etoittrop  inégale  pour  tenter  un  combat":  la  Caravelle 
ou  etoit  d  Oranger  avec  le  Gouverneur  Caffillan,  fit  obligée  de 
le  rendre  ;  le  Brigantin  ,  qui  portoit  vingt-cinq  Hommes  ,  eut 
le  tems  de  couper  fon  Cable  ,  &  de  prendre  le  large  ;  il  fut  pour- 
luivi ,  mais  un  peu  tard,  &  il  ne  put  être  joint.  Il  doubla  le  Cap 
de  b.  Antoine,  qui  eh  la  pointe  Occidentale  de  Cuba;  puis  il 
langea  toute  la  Côte  Septentrionnale  de  cette  Me. 

Alors  le  Pilote  Trenchant ,  qui  le  commandoit ,  s  étant  con¬ 
certe  avec  quelques  Matelots  ,  du  nombre  de  ceux  ,  qu’on  avoit  Rc 
embarques  par  force  ,  auffi-bien  que  lui ,  prit  le  tems  de  la  Nuit  ?ucIci 
pour  traverfer  au  Canal  de  Bahame  ,  dans  lequel  il  entra  avant  a  kC 
que  les  autres  s  en  aperçurent.  Ils  furent  bien  étonnés  ,  lorf- 
quils  reconnurent  les  Terres  de  la  Floride,  mais  il  n’y  avoit  plus 
moyen  de  s  en  dedire.  Ils  manquoient  de  Vivres  ,  &  ne  fça- 
voient  ou  en  aller  chercher  ;  ce  fut  donc  une  nécefïïté  pour 
eux  de  fe  ladfer  conduire  ,  &  ils  lieraient  plus  qu’à  quelques 
heues  de  la  Riviere  de  May  ,  lorfque  M.  de  Laudonniere  fut 
averti  par  des  Sauvages,  qu’il paroiffoit  un  Bâtiment ,  fur  lequel 
il  y  avoit  des  François.  4 

Peu  de  tems  après  le  Brigantin  mouilla  l’Ancre  à  l’entrée  du 
fleuve  ,  &  la  nouvelle  en  étant  venue  à  la  Caroline  ,  le  Gou- 
verneur  envoya  ordre  à  Trenchant  de  s’aprocher  du  Fort.  Les 
editieux  voulurent  s’y  oppofer ,  mais  un  Détachement  de  tren- 
e  soldats  étant  venu  faiïir  les  quatre  plus  mutins  ,  les  autres  fe 
iaiflerent  prendre,  &  on  leur  mit  les  fers  aux  pieds  &  aux  mains. 

G  ij 


Retour  de 
ues-uns 
Caroline. 


52  HISTOIRE  GENERALE 

- 771 —  Le  Procès  des  premiers  étôit  déjà  inftruit,  &  le  Confeil  de  guerre 

*  5  5  ‘  ^s  avoir  condamnés  à  être  pendus.  Dès  que  le  Brigantin  eut  jetté 

l’Ancre  devant  le  Fort ,  on  fit  débarquer  tout  le  Monde  ,  &  M. 
de  Laudonniere  parut  à  la  tête  des  Troupes  ,  pour  faire  exécuter 
la  Sentence  portée  contre  les  quatre  Chefs  de  la  révolte. 

Ces  Malheureux  ne  voyant  plus  d’efperance  d’éviter  le  fup* 
Punition  des  püce  ?  qU’ils  avoient  fi  bien  mérité  ,  fe  mirent  à  prier  Dieu.  Il  y 
plus  coupa-  eut  p0urtant  un ■  qui  fe  tournant  vers  les  Soldats  ,  leur  tendit 
bcs*  les  bras  en  s’écriant,  Hé  quoi  ,  mes  Camarades  3fouffrireq-vous 

que  nous périjjions  de  la- forte  ?  Le  Commandant  lui  répondit  que 
les  Soldats  du  Roy  ne  reconnoiffoient  point  de  rebelles  pour 
leurs  Compagnons.  Il  ne  laiffa  pourtant  pas  de  fe  faire  un  petit 
mouvement  parmi  les  Trouppes  ,  &  plusieurs  demandèrent  que 
la  peine  des  Criminels  fut  commuée.  Laudonniere  fe  fit  beau¬ 
coup  prier ,  avant  que  d’y  confentir  :  enfin  il  accorda  qu’ils  fuf- 
fent  paffés  par  les  Armes,  à  condition  néanmoins  qu’après  leur 
mort  leurs  cadavres  feroient  attachés  à  un  -gibet.  L’exécution  fe 
fit  fur  le  champ.  Le  Genevois  Etienne  ,  la  Croix  &  des  Four¬ 
neaux  étoient  du  nombre  de  ces  quatre  \  je  n  ai  point  trouve  le 

nom  du  quatrième.  .  „  r 

Tandis  que  la  Floride  Françoife  fe  depeuploit  ainii ,  elle  le 
découvroit  de  plus  en  plus.  La  Rochefernere  avoit  pénétré  juf 
qu’à  des  Nations  voifines  des  Montagnes  d  Apalache  ,  avoit  fait 
alliance  avec  plufieurs  Paraouftis  ,  &  fans  Vembarraffer  beau-* 
coup  d’Outina  ,  à  qui  ces  négociations  ne  faifoient  point  de 
plaifir  ,  il  étoit  revenu  à  la  Caroline  avec  de  fort  beaux  préfens 
pour  M.  de  Laudonniere,  de  la  part  defes  nouveaux  Alliés.  Ce 
Commandant  conçut  de  grandes  efperarices  de  ces  découver¬ 
tes  ,  d’autant  plus  que  parmi  les  préfens  ,  qu’il  jenoit  de  rece¬ 
voir  ,  il  y  avoit  des  chofes  allez  précieufes.^  C’étoit  de  petites 
Plaques  d’Or  &  d’ Argent ,  des  morceaux  prétendus  des  Mines  , 
des  Carquois  bien  travaillés ,  des  Peaux  fines  ,  des  Flèches  ar¬ 
mées  d’Or  ,  des  Tapis  d’un  tiffu  de  plumes  d’Oifeaux  ,  dont  le 
travail  étoit  allez  délicat ,  des  Pierres  bleues  &  vertes  figurées  , 
des  Haches  faites  de  ces  Pierres  ,  &  d’autres  raretés  dans  le  mê¬ 
me  goût.  Un  Soldat ,  nommé  Pierre  Gambie  ,  étoit  aufli  aile 
avec  la  permiffion  du  Commandant,  découvrir  le  Pays  d’un 
autre  côté  ,  mais  comme  il  s’en  revenoit  allez  bien  fourni  de 
Marchandifes  ,  qu’il  avoit  troquées  avec  des  curiofités  d’Euro¬ 
pe,  il  fut  affafîiné  dans  fa  Piroque  par  deux  Sauvages,  qui  se- 
toient  offerts  à  lui  pour  le  conduite*. 


Nouvelles 

découvertes. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Livffï.  53 

On  apprit  en  même  tems  qu’affez  loin  de  la  Caroline  vers  le 
Sud  ,  il  y  avoir  deux  Européens  chez  un  Paraoufti ,  appelle 
O  N  a  T  H  A  c  A  ,  &  Laudonniere  les  lui  envoya  demander  en 
payant  leur  rançon.  Le  Paraoufti  ne  fit  nulle  difficulté  de  les  lui 
remettre  à  cette  condition  ,  &  ils  furent  amenés  au  Fort.  Ce- 
toit  deux  Efpagnols ,  qu’on  prefenta  au  Commandant  tout  nuds, 
ayant  des  cheveux  ,  qui  les  couvraient  affez  bien  jufqu’aux  ge¬ 
noux.  On  commença  par  les  habiller ,  on  leur  coupa  enfuite  les 
cheveux  ,  qui  étoient  fort  fales,  &  mal  en  ordre  ;  un  des  deux 
avoir  caché  fous  les  ftens  un  morceau  d’Or  ,  qui  valoit  environ 
vingt-cinq  écus  ,  &  ni  lui,  ni  fon  Compagnon  ne  voulurent  pas 
fouffrir  qu’on  jettât  les  cheveux  ,  qu’on  leur  avoit  coupés  :  ils 
les  confèrverent  précieufement ,  pour  les  envoyer  à  leurs  Fa¬ 
milles  ,  comme  un  monument  de  la  longue  captivité ,  qu’ils 
a  voient  foufferte. 


Ces  deux  Hommes  racontèrent  qu’outre  Onathaca  ,  qui  fai- 
foit  fa  réfidence  fur  la  Côte  Orientale  de  la  prefqu’Ille  de  la  Flo¬ 
ride  ,  il  y  avoit  à  la  Côte  Occidentale  un  autre  Cacique  ,  nom¬ 
mé  Calos  O),  lequel  n ’étoit  pas  moins  puiffant  que  le  premier, 
&  le  furpafloit  beaucoup  en  richeffes.  Auffi  étoit-il  à  la  fource 
des  Mines  ,  d’où  fortoient  tout  l’Ôr  ,  l’Argent  &  les  Pierreries  , 
qu’on  avoit  trouvés  dans  la  Floride  ;  la  plûpart  des  Vaiffeaux  , 
qui  avoient  fait  naufrage  en  revenant  de  l’Amerique  ,  ayant 
échoué  près  de  fon  Canton.  Les  deux  Efpagnols  affûrerent  que 
ce  Sauvage  avoit  creufé  une  foffe  de  fix  pieds  de  profondeur 
fur  trois  de  large  ,  qu’il  avoit  remplie  de  toutes  fortes  de  richef¬ 
fes  :  qu’il  y  avoit  aâuellement  dans  fa  Bourgade  quatre  ou  cinq 
Femmes  de  condition  avec  leurs  Enfans  ,  qui  avoient  fait  nau¬ 
frage  avec  eux  ,  il  y  avoit  environ  quinze  ans  ;  que  ce  Barbare 
avoit  trouvé  le  moyen  de  perfuader  à  fes  Sujets  que  toutes  fes 
richeffes  étoient  le  fruit  du  pouvoir ,  qu’il  avoir  de  les  faire  pro¬ 
duire  à  la  Terre,  &  que  tous  les  ans  ,  au  tems  de  la  récolté,  il  fa- 
crifioit  un  Homme  ,  qui  étoit  ordinairement  un  de  ceux  ,  que 
quelque  tempête  avoit  livrés  entre  fes  mains. 

Ils  avertirent  enfuite  les  François  de  ne  fe  point  fier  aux  Flo- 
ridiens  ,  que  ces  Sauvages  n’étoient  jamais  plus  à  craindre  ,  que 
quand  ils  faifoient  plus  de  careffes.  Ils  ajoûterent  qui' s  répon- 
doient  bien  de  fe  rendre  Maîtres  de  tous  les  thréfors  de  Calos ,  fi 
on  vouloit  leur  donner  cent  Hommes  bien  armés.  Un  des  deux 


(a)  Ces  Calos  ou  Carlos  font  Antropopha- 
ges  ,  &  fort  cruels ,  ils  demeurent  dans  une 


Baye ,  qui  porte  également  leur  nom  ,  &  celui 
de  Ponce  de  Leon. 


1565. 

Aventure  de 
deux  Efpa¬ 
gnols. 


Diverfes  no¬ 
tices  fur  le  Cap 
de  la  Floride. 


5  65. 


Laudonniere 
fait  la  paix  en¬ 
tre  les  Sauva¬ 
ges. 


Il  fe  précau¬ 
tionne  6c  fe 
fortifie. 


Nouvelles 

découvertes. 


54  histoire  generale 

dit  encore  qu’ayant  fouventété  envoyé  par  Onathaca ,  fon  Maî¬ 
tre,  à  ce  Cacique  ,  il  avoit  découvert  fur  la  route  ,  à  peu  près  à 
moitié  chemin,  un  grand  Lac  d’Eau  douce,  appellé  Serropé , 
au  milieu  duquel  il  y  avoit  une  Ifle  ,  dont  les^  Habitans  faifoient 
un  très-grand  commerce  des  Dattes  de  leurs  Palmiers  ,  &  plus 
encore  d’une  certaine  racine  ,  dont  on  faifoit  du  Pain  ,  &  dont 
il  ne  fçavoit  pas  le  nom. 

Peu  de  tems  après  l’arrivée  de  ces  Efpagnols  Saturiova  ht  fol- 
liciter  de  nouveau  M.  de  Laudonniere  de  fe  joindre  à  lui  pour 
aller  combattre  Outilla  &  Timagoa  ,  ou  dumoins  de  rappeller 
les  François,  qui  étoient  demeurés  chès  le  premier  ,  &  dont  la 
feule  confideration  ,  difoit-il ,  l’empêchoit  depuis  quelque  tems 
de  porter  fes  Armes  de  ce  côté-là.  Plufieurs  autres  Paraouftis 
apuyerent  fa  demande  ;  mais  le  Commandant  jugea  plus  con¬ 
venable  à  la  fituation  ,  où  il  fe  trouvoit ,  de  travailler  à  reconci¬ 
lier  ces  Nations  entr’elles ,  que  de  prendre  parti  pour  les  unes 
contre  les  autres,  &  il  vint  enfin  à  bout  de  leur  faire  conclurre 
un  Traité  ,  dont  il  fongea  aufii-tôt  à  profiter  pour  fe  fortifier 
contre  ceux,  qui  voudraient  entreprendre  quelque  chofe  contre 
les  intérêts  de  fa  Colonie. 

Son  premier  foin  enfuite  ,  &  c’étoitpar  où  il  aurait  dû  com¬ 
mencer  en  arrivant  dans  la  Floride  ,  fut  de  remplir  fes  Maga- 
fins ,  perfuadé  par  une  trop  fâcbeufe  expérience  ,  que  le  plus  sûr 
moyen  de  prévenir  les  mutineries  parmi  de  nouveaux  Co¬ 
lons  ,  eft  de  les  entretenir  toujours  dans  l’abondance  ,  &  de  les 
occuper  à  des  exercices  ,  qui  tournent  à  leur  profit.  Il  fit  en  mê¬ 
me  tems  ajoûter  de  nouveaux  Ouvrages  à  fon  Fort ,  &  il  le 
mit  entièrement  hors  d’infulte  de  la  part  des  Sauvages  ,  les  feuls 
Ennemis  ,  contre  lefquels  il  croyoit  devoir  fe  précautionner. 
Après  quoi  il  envoya  de  nouveau  le  Sieur  d’Ottigiry,  fon  Lieu¬ 
tenant  ,  à  la  découverte  du  Pays. 

Cet  Officier  pénétra  jufqu’au  bord  d’un  Lac ,  dont  on  ne 
voyoit  point  l’extremité  ,  même  de  la  cime  des  plus  grands  Ar¬ 
bres  ,  &  que  Lefcarbot  s’eft  imaginé  avoir  communication  avec 
4a  Mer  du  Sud.  Erreur  pardonnable  dans  un  tems  ,  où  l’on  ne 
connoiffoit  encore  que  les  Côtes  de  l’Amerique  Septentrionna- 
le.Le  Lac,  que  découvrit  d’Ottigny,  eft  apparemment  le  même, 
que  Ferdinand  de  Soto  aperçut  en  approchant  des  Montagnes 
d’Apalache  ,  &  qui  n’eft  pas  encore  aujourd’hui  bien  connu , 
non  plus  qu’un  autre  plus  petit,  qui  fe  trouve  ,  dit-on,  entre 
ces  Montagnes  mêmes ,  affez  loin  au  Nord-Eft  du  premier & 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL 

où  l’on  prétend  que  le  Sable  eft  mêlé  de  quelques  grains  d’Ar- 
gent  :  fi  cependant  l’un  &  l’autre  n’eft  point  fabuleux.  D’Otti- 
gn y  en  retournant  à  la  Caroline  ,  fit  plufieurs  détours  dans  un 
très-beau  Pays  ,  puis  fe  rendit  chez  Outina  ,  à  qui  fon  arrivée  fit 
beaucoup  de  plaifir ,  &  à  qui  il  ne  put  fe  défendre  de  laiffer  quel¬ 
ques-uns  de  ceux  ,  qui  l’accompagnoient. 

.  Deux  mois  après  un  de  ces  François  ,  nommé  Groutaut,  ar¬ 
riva  au  Fort  &  fit  à  M.  de  Laudonniere ,  de  la  part  d’un  Paraou- 
fti  voifin  d’Outina  ,  une  proportion  fort  fpécieufe.  Ce  fut  de 
rendre  les  François  Maîtres  des  Montagnes  d’Apalache ,  s’ils 
vouloient  l’aider  à  en  chaffer  un  de  fes  Ennemis  ,  qui  en  étoit  en 
polfefiion.  Le  Commandant  eut  bien  voulu  profiter  de  cette  of¬ 
fre  ,  car  il  avoit  toujours  dans  l’efprit  que  ces  Montagnes  renfer- 
moient  des  Mines  ;  mais  comme  il  ne  lüireffoit  guéres  de  Mon¬ 
de  ,  que  ce  qu  il  lui  en  falloit  pour  garder  fa  Place  ,  il  crut  devoir 
attendre  le  fecours ,  qu’on  lui  avoit  fait  efperer  de  France  3  avant 
que  de  répondre  à  ce  Paraoufti  ;  il  ne  fongeoit  donc  plus  à  fe  mê¬ 
ler  des  affaires  des  Sauvages  ,  lorfque  des  Envoyés  d’Outina 
vinrent  lui  demander  de  la  part  de  leur  Maître  douze  ou  quinze 
de  fes  Gens ,  pour  les  mener  contre  Potanou  (a)  ,  avec  qui  il 
venoit  de  rompre  de  nouveau. 

Il  ne  voulut  rien  décider  fur  cette  demande  ,  fans  avoir  con- 
fulté  fes  principaux  Officiers,  dont  le  plus  grand  nombre  fut 
d  avis  qu  il  falloit  contenter  Outina.  Ceux  qui  parloient  de  la 
forte,  s’apuïoient  de  l’exemple  des  Efpagnols,  qui  n’avoient  fait, 
difoient-ils ,  de  fi  grandes  conquêtes  dans  le  nouveau  Monde  , 
qu’en  affoibliffant  les  Naturels  du  Pays  les  uns  par  les  autres.  Ils 
ajoutei  ent  même  qu  au  lieu  de  douze  Hommes  ,  que  demandoit 
Outina  ,  il  falloit  lui  en  envoyer  trente ,  afin  qu’ils  fuffent  en  état 
de  feloûtenir  par  eux-mêmes  au  milieu  des  Sauvages  ;  ajoûtant 
qu’il  ne  falloir  jamais  compter  fur  l’amitié  &  la  bonne  foi  de  ces 
barbares,  lors  meme  qu  on  leur  rendoitfervice,  qu’autant  qu’on 
etoit  affez  fort ,  pour  ne  rien  craindre.  1 

Laudonniere  goûta  cet  avis  ,  &  d’Ottigny  fut  commandé  avec 
trente  Hommes  ,  pour  aller  joindre  Outina  ,  lequel  n’eut  pas 
plutôt  reçu  ce  renfort ,  qu’il  fe  mit  en  campagne  avec  trois  cent 
de  tes  Sujets.  Après  que  cette  petite  Armée  eût  marché  deux 
jours  ,  Outina  eut  avis  qu’il  étoit  découvert ,  ce  qui  l’inquieta 
beaucoup.  Il  confulta  fon  lonas ,  pour  fçavoir  s’il  devoit  aller 

(a)  Nous  avons  vûque  Potanou  avoit  été  I  qu’en  Floride  le  nom  du  Chefeû  toujours  ce¬ 
rne  dans  un  combat ,  mais  il  faut  fe  fouvenir  1  lui  de  la  Nation. 


1 565- 


La  guerre  re¬ 
commence  en¬ 
tre  les  Sauva¬ 
ges. 


Laudonniere 
envoyé  du  fe¬ 
cours  à  Outi¬ 


na. 


Viéloire 
d’Outina  par 
le  moyen  des 
François. 


1  5  6  5  • 


J  (J  histoire  generale 

plus  loin,  ou  retourner  fur  fes  pas.  Le  Jongleur  après  bien  des 
grimaces  &  des  contorfions  ,  lui  dit  que  Potanou  l’attendoit  avec 
deux  mille  Hommes  ,&  des  cordes  pour  le  lier  ,  lui  &  tous  fes 
Gens  ;  fur  quoi  il  ne  balança  point  a  ordonner  la  retraite. 

D’Ottigny  au  défefpoir  de  manquer  une  fi  belle  occafion  de 
faire  connoitre  aux  Floridiens  la  différence  ,  qu’il  y  a  entr’eux 
&  les  François  ,  après  avoir  inutilement  épuifé  toute  fon  élo¬ 
quence  pour  faire  reprendre  cœur  à  ces  Barbares  ,  leur^  dit  , 
que  puifqu’ils  l’abandonnoient  amfi  dans  une  occafion ,  ou  il  ne 
tenoit  qu’à  eux  d’acquérir  beaucoup  de  gloire  ,  il  alloit  avec  fa 
feule  Trouppe  attaquer  Potanou  ,  &  quil  ne  de  mandoit  qu  un 
Guide  pour  le  conduire  à  l’Ennemi.  Ce  difcours  produifittout 
l’effet,  que  d’Ottigny  en  avoit  efperé  ;  Outina  eut  honte  de  fa 
lâcheté  ;  on  marcha  à  l’Ennemi ,  &  on  le  rencontra  precifement 
à  l’endroit ,  &  avec  le  même  nombre  de  Trouppes ,  que  le  Jon¬ 
gleur  avoit  marqué.  On  ne  balança  pourtant  point  a  charger 
d’abord  ,  &  la  Moufqueterie  des  François  fit  une  fi  terrible  exe¬ 
cution  fur  les  premiers  rangs  de  Potanou,  que  toute  fon  Àrmee  fe 
débanda  en  un inflant.  Outina,  maigre  un  fuccès  fi  peu  efpe¬ 
ré  ,  n’ofa  pourfuivre  les  Fuyards  ,  &  d’Ottigny  voyant  qu  il  n  y 
avoit  ,  ni  honneur ,  ni  profit  à  efperer  avec  de  tels  Guerriers  , 
laiffa  douze  Hommes  à  fon  Allié  ,  &  regagna  en  diligence  la 
Caroline. 

extrémité ,  Il  trouva  M.  de  Laudônniere  dans  un  grand  embarras  .  ce 
ù  la  famine  Commandant  avoit  compté  de  recevoir  des  fecours  de  r  rance 
Mait  les  au  plus  tard  dans  le  mois  d’ Avril,  &  n  avoit  de  Provilîons ,  que 
ce  qu’il  lui  en  falloit  pour  attendre  ce  terme.  Pour  furcroit  de 
difgrace  les  Sauvages  commençoient  a  ne  plus  faire  tant  de  cas 
des  curiofités  d’Europe  ,  &  vendoient  fort  cher  tout  ce  qu  on 
étoit  obligé  d’acheter  d’eux.  Cependant  le  mois  de  May  fe  paf- 
fa  ,  fans  qu’il  vînt  aucune  nouvelle  de  France  ;  alors  la  famine 
fut  extrême  dans  la  Caroline  ,  le  Gland  y  etoit  devenu  la  nour¬ 
riture  ordinaire  ,  il  manqua  même  bientôt ,  &  l’on  fut  réduit  à 
chercher  dans  la  Terre  des  Racines ,  qui  fuffifoient  à  peine  pour 
traîner  une  vie  languiffante.  Il  fembloit  que  tous  les  Elemens 
euffent  çonfpiré  contre  ces  infortunés  Colons ,  le  Poiffon  difpa- 
rut  de  la  Riviere  ,  &  le  Gibier  des  Forêts  &  .des  Marais. 

Les  Sauvages  ,  à  qui  l’on  ne  pouvoit  cacher  cette  extrémité  , 
&  qui  n’avoient  guéres  eux-memes  que  le  neceffaire  9  mirent  a 
un  prix  exorbitant  le  peu  ,  dont  ils  voulurent  bien  fe  priver  , 
&  quand  ils  n’eurent  plus  rien  à  vendre  p  ils  s  éloignèrent.  On 


Extrémité , 
où 

réduit 
François 


j<55 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  II.  57 

alla  les  chercher  dans  les  Bois,  on  fe  mit  à  leur  difcretion  ,  &  on 
en  effuya  plus  d’une  fois  des  rebuts  &  des  infultes.  Il  arriva  mê- 
me  qu  un  Paraoufti  ayant  feu  qu’un  François  avoit  de  l’Or ,  le  fit 
aliailmer ,  &  enleva  fa  dépouillé.  Laudonniere  ne  crut  pas  de¬ 
voir  laiffer  impuni  cet  attentat ,  &  il  envoya  brûler  le  Villaee 
où  demeuroit  ce  Barbare  :  celui-ci  s’y  étoii  bien  attendu  &  on 
ne  trouva  que  des  Cabannes  vuides  ,  fort  aifées  à  réparer. 

Dans  le  defefpoir  ,  où  tant  de  malheurs  mirent  tout  le  Mon-  r  r.f  . 
(le  ,  il  fin  propofe  par  quelqu’un  d’aller  fe  faifir  d’Outina  ,  pour  i=n?£?à 
le  contraindre  a  donner  des  vivres.  Le  Commandant  s’oppofa  Laudonaisre‘ 
autant  quille  put ,  aune  réfolution,  dont  il  prevoyoit  les  fui- 
tes  ;  mais  des  Gens ,  que  la  faim  gourmande  ,  n’écoutent  rien. 
Laudonniere  voyant  donc  qu’une  plus  longue  réfiftance  ne  fer- 
viroit  qu  a  compromettre  fon  autorité  ;  faifant  d’ailleurs’  refle¬ 
xion  que  fes  meilleurs  Soldats  étoient  tombés  dans  une  lan- 
gueui  ,  qui  les  rendoit  incapables  du  moindre  fervice  ;  que  les 
maladies ,  caufees  par  les  mauvaifes  nourritures ,  augmentoient 
chaque  jour  &  que  plufieurs  en  étoient  déjà  morts ,  fe  vit  com- 

me  force  de  fe  charger  lui-même  de  l’exécution  d’un  projet  ou’il 

deteftoit ,  &  dont  il  n’auguroit  rien  de  bon.  ^ 

Ses  preffentimens  fe  trouvèrent  juftes  :  Outina  fut  enlevé 
mais  on  n  y  gagna  rien  ,  toute  fa  Nation  prit  les  armes  &  on  fê  ^ £Ut’ 
vit  au  moment  d’avoir  fur  les  bras  une  guerre ,  qu’on  n’étoit  nul! 
ement  en  état  de  foûtenir  II  fallut  négocier  ,  l  rendre  la  liber¬ 
té  a  Ouuna  pour  tres-peu  de  chofe,  &  l’on  ne  tarda  point  à  ref- 
fentir  les  mauvais  effets  d  une  démarche,  fur  Tin juffice  &  le  dan 
ger  de  laquelle  le  défefpoir  avoit  fermé  ks  yeux^'une  muSe' 
affamee.  Laudonniere  fut  attaqué  dans  fa  retraite  on  lui  tua 
deux  Hommes ,  on  lui  en  bleffa  plus  de  vingt ,  &  k  peu  dé  vk 
vres,  qu  on  lui  avoit  donné  pour  la  rançon  d’Outina,  fut  repris 

deejudkta£&ksPsrefqUe t0UtiÊ }°Ur ’  <*ui fut  le  vingt-feptieme 
de  J  uukt ,  &  les  Sauvages  y  firent  paroitre  une  conduite  &  une 

réfolution  ,  dont  on  ne  les  avoit  pas  encore  cru  capables  Dè! 

?ur ïe  vent™!°S  Mouf(îuetaire,s Pr«s  à  tirer,  ils feœuchoient 
îur  le  ventre  avec  une  promptitude  fans  pareille,  &  ils  nerHi- 

rent  en  effet  peu  de  Monde  ,  MM.  d’Ottigny  &  d’Erlacffirent 

p.usSnXr°re  deS/a;°nS  di8n“  d’une  pbis'jufte  &  d’une 
p  us  noble  expédition  ,  &  fans  eux  Laudonniere,  qui  de  fon 

nrer  ,  eut  eu  bien  de  la  peine  à  fe 

Vne£ïnne  pr0vifion  de  Mil  »  qu’un  des  deux  le  Vaffeur 

H 


Les  Anglois 


I 


5  é5- 


arrivent 

floride. 


en 


Cequi  fepaf- 
{e  entr’eux  &c 
les  François. 


eg  histoire  generale 

lui  amena  peu  detems  après  fon  retour  à  la  Caroline ,  de  la  Rr- 
viere  de  Somme  ,  le  confola  un  peu  de  fon  malheur  ;  mais  co  - 
me  il  n’ofoit  pas  le  flatter  de  recevoir  fouvent  de  pareils  fecour » 
il  refolut  de  profiter  de  celui-ci  pour  repaffer  en  France.  Il  co 
mençoit  déjà  à  difpofer  toutes  chofespour  ce  voyage  ,  lorfque 
le  troifiéme  d’Août  quatre  V oiles  parurent  a  la  vue  de  la  Ca 
line  La  oye  fut  grande  à  cette  vûë,  parce  qu’on  ne  douta  point 
que  ces  Bâtimensne  vinffent  de  France  -.  mais  on  ne  fut  pas  lo 
mms  dans  une  fi  agréable  erreur  ;  c’etoient  des  Anglois ,  qui 

cherchoient  à  faire° de  l’eau ,  dont  ils  avoient  un  extreme  befoin. 

Ils  étoient  commandés  par  un  Officier  nomme :  Jea 
fort  honnête  Homme  ,  &  qui  bien  loin  d  abufei  du  irrite  état  o 
il  trouva  les  François ,  fit  au  contraire  tout  ce  qu  il  put  pour  les 
foulager  furtout  quand  il  reconnut  qu’ils  etoient  Proteftans. 

I ^^^ommenca  par  envoyer  demander  au  Commandant  de  la 

Caroline^  la  penniffion  de  faire  de  l’eau  ,  &  l’ayant  obtenue 
fans  nefoe  il  vint  feul  &  fans  armes  lui  rendre  vifite.  Laudon- 
niere  le  reçut ,  comme  le  demandoient  de  fi  bonnes  maniérés 
l  rèeaîa  fonHôtede  quelques  Volailles  ,  qu’il  avoit .referyees 
pour  le  plus  preffant  befoin  ;  &  Hawkins  de  ion  cote  fourmi 
Pain  &  le  Vin  ,  dont  aucun  des  nôtres  ,  pas  meme  le  Coi 
dant ,  n’avoit  goûté  depuis  fix  ou  feptmo.s.  Cene  bonne  int  - 
licence  entre  des  Gens,  qui  parurent  aux  Sauvage  etre  de  la 
mime  Nation,  rendirent  ces  Barbares  plus  ht=  &  fo  t 
crainte  ,  foit  intérêt ,  ils  fe  rapprochèrent ,  &-  apportèrent  des. 

K»  dtj.  acheté  de.  A.tgloh  .«en 
des  Munitions  &  des  Hardes  &  non-feulemen  Hawl uns  ut 
en  avoit  fait  un  bon  prix  ,  mais  il  y  avoir  ajoute  quantité  de  pie 
feus  II  lui  avoit  offert  de  plus  delepaffer  en  France  avec  tout 
fon  Monde.  Un  peu  de  défiance  peut-etre  ,  ou  quelque  autre 

lïïo,!??.  je  nef,.,  point  r.mp'éch.r.». 
fre  mais  comme  il  étoit  perfuade  que  ,  ni  la  Cour  ,  ni  M.  ïAm 
ral  ’  ne  s’intéreffoient  plus  guéres  à  la  Floride  ,  il  continua  de  tra¬ 
vailler  à  mettre  le  Brigantm  Efpagnol ,  dont  nous  avons  par 
en  état  de  tenir  la  Mer  ,  réfolu  de  s  embarquer  au  plu  ot. 

Hawkins  ,  «qui  il  ne  diffimula  point  ce  deffem ,  vifita  ce  B& 
tintent ,  &  le  trouva  tort  mauvais  ;  il  renouvella  fes  o  , 
Laudonniere  perfiftant  dans  fon  refus ,  il  le  .preffa  d  acheter  t 
defes  Vaiffeaux.  Le  Commandant  fit  d’autant  moins  de  difficd- 
té  d’y  confentir ,  que  fa  Garnifon  lui  déclara  nettement  qu  elle 


I 


i  5  ^5 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  59 

ne  vouloir  pas  différer  davantage  à  fortir  d’un  Pays  ,  où  elle  fe- 
roit  toujours  en  danger  de  mourir  de  faim.  Chofe  étonnante 
que  parmi  tant  de  moyens  de  fubfiffer,  que  la  difette  extrême 
des  vivres  avoit  fait  imaginer ,  il  ne  fût  venu  en  penfée  à  perfon- 
ne  de  s  aflurer  de  ne  jamais  retomber  dans  ce  fâcheux  état  en 
cultivant  la  Terre!  Tant  la  fainéantife  ,  quand  elle  eff  paffée  en 
habitude  ,  eff  difficile  a  furmonter.  D’ailleurs  on  avoit  perdu 
toute  elperance  de  découvrir  des  Mines  dans  la  Floride  &  on 
s  etoit  dégoûté  d  un  Pays  ,  où  l’on  ne  pouvoit  compter  de  vi- 

travail  nai^  ?  autant  qu’on  le  feroit  valoir  par  un  pénible 

Cependant  les  Anglois  mirent  à  la  voile  peu  de  jours  après  Arrivés  de 
que  leur  Général  eut  livré  un  de  fes  Vailîêaux  à  M  de  Lan  M'dc  Ribant 
donniere  ,  &  les  François  ne  fongerent  plus  qu’à  fe  difpofo  à  “  F‘°ndC' 
leur  voyage.  Tout  fut  en  état  le  quinziéme  d’Août ,  &  lonn’at- 
tendoit  plus  que  le  vent  pour  apareiller  ;  mais  par  malheur  ce 
vent  fi  defire  ne  vint  que  le  vingt-huit.  On  fe  hâta  d’en  profiter , 

n  V011  etv  nCCT  a  Iever  les  Ancres  ’  lorfqu’on  découvrit 
plufieurs  Voiles.  Laudonmere  envoya  auffitôt  une  Barque  pour 

les  reconnoitre  ;  mais  la  Barque  ayant' abordé  le  Commandant 
ne  revint  point ,  ce  qui  donna  à  penfer  à  tout  le  Monde.  Lau- 
donniere  rentra  ,  fans  différer  ,  dans  fon  Fort ,  &  fit  travailler 
avec  une  extreme  diligence  à  fe  mettre  en  état  de  pouvoir  s’y  dé- 
rendre  ,  au  moins  quelque  tems.  ^ 

Ce  n  etoit  pas  une  chofe  aifée ,  car  avant  que  d’évacuer  cette 
Place  ,  on  en  avoit  ruine  prefque  toutes  les  défenfes  ,  dans  la 
amte que  les  Efpagnols ,  ouïes  Anglois  ne  vinffent  s’y  établir 
ou  que  les  Sauvages  mêmes  ne  s  y  cantonnalTent  poû  empê- 

F7TS  dy  re!nrer‘  Le  lendemain  matin  on  aperçut 
alentree  deia  Rivierefept  Barques,  toutes  pleines  deTens 

armes ,  le  Monon  en  tête  &  l’Arquebufe  en  état.  Elles  remom 

ViIS'a‘VJS  de  la  Carollne  ,  voguant  en  ordre  de 
’ &  quelque  demande ,  que  fifléntles  Sentinelles*,  per- 
fonne  ne  répondit  On  leur  tira  quelques  coups  de  Fufils  ,  m  js 

cinons01Torf  °rS  ^  ’.?n  alloit  Ieur  lâcPher  “ne  volée  de 

Ribaut!  ’  ^  qU£  q“  un  S  etant  levé  ’  cria  que  c’ étoit  M.  de 

que  cramte.^Laufon1*'6  111113  16  ^0IV  la  î°y e,  mêlée  de  quel-  Motifs* 

•  .j  ,  ‘  onniere  croyoït  n  avoir  rien  à  fe  reprocher  *°n  voyage, 
ma  s  ,1  „  y  a  qu’au  Tribunal  de  Dieu  ,  que  t<tmoi  Pa  ^  ’ 

c onfcience  raffure  parfaitement ,  &  cette  façon  d’agif  d’unHom- 

Hij 


i  5  6  5 


Chefs  d’ac 
cufation  con 
tre  Laudon- 
aiere» 


Dangers,  que 
courut  la  Flot¬ 
te  ,  avant  que 
d’arriver  en 
ïloride. 


.  histoire  generale 

60  il  avoit  toujours  été  en  bonne  intelligence  ,  ne 

me  ,  avec  qui  n  avolt  J  »  pei\t  ddTervi  auprès  de 

lu,  permettoit  pas  de  douter  qu on  ne  la  Wche 

M.  l’Amiral ,  ou  du  Roy  meme.  PP  f  car  Payant 

de  M.  de  Ribaut  .  que  fa  J  fan&  déguifement , 

prié  en  particulier  de  s exP1KqU®n  I  tout  ce  qui  avoit  été  dit 
ce  Général  lui  fit  un  grand  detail  de  tout  ce  qv 

&  mandé  à  la  Cour  à  ion  de-  avap[?g  a'  cboit  tellement  du  Sou- 

■  *•?  v 

dres  ;  qu  il  regardoit  ce  Pa>  s ,  ,  perdre  fion  vouloit  le 

maine  ;  qu’il  n’y  ^aitpasun^^  *  c|ffai.re  pour  cela  d’avoir 
conferver  au  Roy  ;  qu  il  etoit  meme  wce  £  craindye  ,  fi.  Sa 

la  force  en  main  ; &  que  e  m  .  % .  J  ^ Qjt  que  les  François 
Majefté  differoit  de  prendre  ces  melures  ,  et°  q 

de  la  Floride  ,  nefe  fiffenteux-n  e  ; I  A[bert  ?  &  ne  cher- 

rivé  à  Charles-Fort  au  fujet  u  P  .  dans  ja  révolte  ,  en  fe 

S*  ““  — 

Sjüür&Ribra.  U  réputation  ,où  JJSÏSÎ 

France  ;  le  bruit  d’un  Armement  :fi  véritable  em- 

ce ,  que  l’on  avoit  au  Généra  ,  ja  pa;x  laiffoit 

preffement  ày  prendre  paru ,  d  autant X hol?lffles  &  d’Officiers, 
fans  employ  un  grand  nombre  de  Gentib  ^  perdre  le 

qui  furent  charmes  de  tr^verd®“e  °a  ^ême  dans^a  Fuite  que 
fruit  de  leurs  fervices  paffes.  _  fois  ci  la  même  attention 

l’Amiral  de  Coligny  n  avoit  pas  eu  cet  Armemens. ,  au- 

à  exclurre  les  Catholiques ,  que  dans  les  autres  ai 
moins  parmi  les  Soldats  &  les  Matelots-  ^  furent  as  heu. 
Les  commencemens  de  cette  exped  ,  ,  RadedeDiep- 

reux  :  la  Flotte  étant  encore  mornUee  ^f^igée  L 

ne  effuva  un  coup  de  vent  il  runeux  ,  q  .  ~  nGnViit 

&  :^rre  Quelle Fald 

de  la  tempête.  Elle  en  partit  fp^smornh  Elle 

conde  tourmente  la  contraign  Floride  &  M.  de  Ri~ 

fut  enfuite  plus  de  deux  mois  a  gagner  ’  endroits  de 

haut  s’amufa  encore  plus  de  deux  mois  en  ditierens 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  II.  61 

la  Côte  ,  avant  que  d’entrer  dans  la  Riviere  de  May.  Peut- 
être  vouloir  -  il  s’aflurer  des  Sauvages  de  ces  Cantons  ,  au  cas 
qu’il  trouvât  de  la  réfiftance  de  la  part  du  Commandant  de  la 
Caroline. 

Quoiqu’il  en  foit ,  dès  qu’il  fe  fut  ouvert  à  celui-ci  des  foup- 
çons  de  la  Cour  ,  il  demeura  convaincu  par  fes  réponfes  ,  & 
par  le  témoignage  des  principaux  Officiers  ,  qu’on  en  avoir im- 
pofé  au  Roy  &  a  M.  l’Amiral .  Il  n’oublia  rien  enfuit e  pour  en¬ 
gager  Laudonniere  à  demeurer  avec  lui  en  Floride  ,  jufqu’à  lui 
ofeir  de  lui  laiffer  le  commandement  de  la  Caroline  ,  &  d’al¬ 
ler  fe  placer  ailleurs  :  mais  il  le  trouva  ferme  dans  la  réfolution 
de  palier  en  France  ,  pour  s’y  juffifier  ,  &  il  n’infifta  pas  davan¬ 
tage  ;  il  lui  rendit  même  une  Lettre  de  M.  de  Coligni ,  par  la¬ 
quelle  ce  Seigneur  ,  fans  lui  rien  témoigner  des  accufations  , 
qu’on  a  voit  faites  contre  lui ,  l’invitoit  à  venir  informer  le  Roy 
&  fon  Confeil  des  moyens  ,  qu’il  jugeoit  les  plus  propres  pour 
établir  folidement  la  nouvelle  Colonie. 

Cependant  au  premier  avis  ,  qu’avoient  eu  les  Sauvages  de 
l’arrivée  de  la  Flotte  Françoife  ,  ils  s’étoient  rendus  en  grand 
nombre  à  la  Caroline.  Quelques-uns  ayant  reconnu  M.  de  Ri- 
baut  à  fa  barbe  ,  qu’il  portoit  toujours  fort  longue  ,  lui  témoi¬ 
gnèrent  une  grande  joye  de  fon  retour  ,  &  lui  firent  quantité 
de  préfens  ,  parmi  lefquels  il  y  avoit  un  très-gros  morceau  de 
Mine  ,  qui  fe  trouva  d’un  bon  Or.  Ils  ajoûterent  que  ,  s’il  vou- 
loit  j  ils  le  meneroient  à  des  Montagnes  ,  oiiil  y  avoit  de  ce  mé¬ 
tal  en  abondance.  Le  Général  étoit  bien  réfolu  de  s’affûrer  une 
bonne  fois  de  la  vérité  fur  des  points  de  cette  importance  ,  mais 
il  eut  bientôt  d’autres  occupations  ,  que  celle  d’aller  vifiter  les 
Montagnes  d’Apalache.  Il  avoit  fait  fonder  la  Riviere  ,  &  il  ne 
s’y  étoit  pas  trouvé  affez  d’eau  pour  fes  quatre  plus  gros  Na¬ 
vires  ,  qu’il  fut  obligé  de  laiffer  dans  la  Rade  ,  &  il  fallut  fe  fer- 
vir  des  Chaloupes  pour  en  tirer  les  provifions  ,  dont  on  avoit 
befoin  dans  la  Caroline.  Cela  fait  il  fongea  à  reparer  le  Fort  > 
&  comme  il  mit  prefque  tout  fon  Monde  en  œuvre  ,  les  travaux 
avancèrent  beaucoup  en  peu  de  jours. 

Ils  n’etoient  point  encore  achevés  ,  lorfque  le  quatrième  de 
Septembre  ,  vers  les  quatre  heures  du  foir,  fix  Navires  Efpa- 
gnols  vinrent  mouiller  dans  la  Rade  ,  affez  près  des  quatre  Vaif- 
feaux  François ,  qui  y  étoient  reliés.  Cette  Efcadre  étoit  com¬ 
mandée  par  D.  Pedro  Menendez  de  Avilez,  Chevalier  de  S. 
Jacques ,  Commandeur  de  Santa  Cruz  de  la  Carça  :  mais  pour 


1565. 


Laudonniere 
veut  repayer 
en  France. 


Réception  3 
&  propofi- 
tions ,  que  les 
Sauvages  fonc 
à  M.  de  Ri- 
baut. 


/ 


Une  Efcadre 
Efpagnole  ar¬ 
rive  à  la  vûg 
de  la  Flotte 
Françoife» 


1 565. 

Quel  étok  le 
Général. 


Occafion  de 
fon  voyage. 


6i  histoire  generale 

entendre  ce  que  j’ai  à  dire  dans  la  fuite  ,  il  faut  reprendre  les 

chofes  de  plus  haut.  .  ,r 

Cet  Officier  ,  que  les  Hiftoriens  de  fa  Nation  nous  repreien- 

tent  comme  un  des  plus  grands  Hommes ,  qu’elle  ait  eus  dans  le 
nouveau  Monde  ,  fe  trouvant  à  la  Cour  d  Efpagne  embarraffe 
dans  des  affaires  fâcheufes ,  que  fes  Ennemis  lui  avoient  lulci- 
tées  ,  fut  affez  étonné  de  recevoir  de  la  bouche  meme  du  Roy 
Philippe  1 1.  fon  Maître  ,  un  ordre  de  fe  tranfporter  en  b  londe  , 
d’en  viffter  exa&ement  toutes  les  Côtes,  &  d  en  dreffer  une  Carte 
exafte  ,  pour  être  mife  entre  les  mains  de  tous  les  Pilotes  ,  qui 
iroient  déformais  en  Amérique  ,  pareeque  les  frequens  naufra¬ 
ges  ,  qui  fe  faifoient  au  Canal  de  Bahame  ,  &  fur  les  Cotes  voi¬ 
lures  ,  étoient  uniquement  caufés  par  le  peu  de  connoiffance  , 
cru’on  avoiteu  foin  de  prendre  des  atterrages. 

1  1  r  • _ A  C.4. 


de  z. 


L  un  cL v  un  tu  AWJ.AX  va-v»  ma  ’  o  ^ 

Un  commandement  fi  imprevû  fft  reprendre  cœur  a  Menen- 
qui  fe  croyoit  difgracié  ;  mais  la  Commiffion ,  que  le  Roy 


» 

» 

» 

A  quelles 
conditions  il 
traite  avec  le 
Roy. 


lui  donnoit ,  lui  parut  trop  limitée  ,  &  pour  en  étendre  les  bor¬ 
nes  ,  il  dit  à  Sa  Majefté  ,  qu’il  ne  connoiffoit  rien  de  plus  impor¬ 
tant  pour  fon  fervice  ,  que  la  conquête  &  letabliffement  de  la 
Floride  ;  qu’il  feavoit  que  ces  immenfes  Régions  jouilioient 
d’un  climat  fort  fain ,  &  que  les  Terres  en  etoient  extrême¬ 
ment  fertiles  ;  mais  que  quand  bien  même  îlny  auroit  aucun 
avantage  folide  à  tirer  pour  l’Etat  de  la  poffeffion  de  ce  beau 
Pays ,  il  étoit  habité  par  des  Peuples  enfeve  is  dans  es  plus 
épaiffes  ténèbres  de  l’Infidélité  ;  que  Sa  Majefte  etoit  obligée  en 
confcience ,  comme  légitimé  Souverain  de  toute  la  Floride,  de 
leur  procurer  la  connoiffance  du  vrai  Dieu  ,  panique  c  etoit  a 
cette  condition  que  les  Souverains  Pontifes  avoient  donne  a  les 
Ancêtres  le  Domaine  du  nouveau  Monde .  Pour  moi ,  Sire  , 
»  aioûta-t’il ,  l’aveuglement  de  tant  de  milliers  d  Idolâtres  ma 
»  touché  àun  point ,  que  de  tous  les  Emplois ,  dont  \  otre  Maje¬ 
fté  peut  m’honorer  ,  il  n’y  en  a  pas  un  feul,  auquel  je  ne  prere- 
rafle  celui  de  conquérir  &  de  peupler  la  Floride  de  véritables 

Le  Roy  loua  fon  zélé  ,  &  agréa  fes  offres;  il  fut  réglé  qu  il 
conduirait  cinq-cent  Hommes  en  Floride  avec  des  vivres  pour 
un  an  le  tout  à  fes  frais  ,  &  fans  que  Sa  Majefte  ,  ni  fes  Succe  - 
feurs  fuffent  tenus  à  fon  égard  à  aucun  dedommagement:  que 
dans  l’efpace  de  trois  ans  il  auroit  conquis  la  Floride  ,  &  auroit 
fait  une  Carte  exacte  de  toutes  les  Côtes  :  qu  outre  les  cinq-cent 
Hommes  deftinés  à  peupler  la  Floride  ?  &  parmi  lefquels  1  y  au 


DELANOUVELLEFKANCE.Liv.il.  <?3 

roit  cent  Laboureurs  ,  &  quatre  Prêtres  Jefuites ,  il  y  porterait  _ 

des  Chevaux  &  des  Cavalles ,  &  de  toutes  les  efpeces  de  'gros  1  5  ^  5  • 
&  de  menu  Bétail  ;  qu’il  y  établiroit  une  Audience  Royale  , 

'  dont  il  feroit  Alguafil  May  or  :  qu’il  formeroit  deux  ou  trois 
Bourgades ,  chacune  de  cent  Habitans,  &  qui  feroient  défendues 
par  de  bons  Forts  ;  qu’il  pourrait  aller  ,  quand  il  le  jugerait  à 
propos ,  à  FHle  Efpagnole  ,  à  Portoric  ,  à  Cuba  ,  &  venir  même 
en  Efpagne ,  fans  payer  de  droits  ,  ni  pour  les  vivres  ,  ni  pour 
les  provifions  ,  ni  pour  les  marchandées  ,  excepté  l’or  ,  l’argent 
&  les  pierres  précieufes  :  que  pendant  fix  ans  il  pourrait  armer 
deux  Galions  de  cinq  à  fîx-cent  Tonneaux,  &  deux  Pataches 
de  cent  cinquante  ou  de  deux-cent  :  que  toutes  les  prifes  ,  qu’il 
feroit  avec  ces  Batimens  ,  feroient  à  lui  :  qu’il  aurait  le  titre  per¬ 
pétuel  &  héréditaire  d’Adelantade  de  la  Floride,  avec  les  mêmes 
prééminences  &  prérogatives  ,  dont  joüiffent  ceux  de  Caffille  , 

&  deux  mille  Ducats  d’honoraire  ,  à  prendre  fur  le  revenu  de 
la  Province  ;  &  que  celui  de  fes  Enfans  ,  ou  de  fes  Gendres  , 
qu’il  nommerait  pour  fon  Succeffeur,  jouirait  des  mêmes  pri¬ 
vilèges  :  quil  auroit  un  quinziéme  de  tout  ce  qui  appartiendrait 
à  Sa  Majeffé ,  des  revenus ,  des  Mines ,  de  l’Or  ,  de  l’Argent , 
des  Perles  ,  &  des  fruits  de  la  Terre  dans  toutes  fes  conquêtes» 

Enfin  le  vingt-deux  de  Mars  de  cette  année  le  Roy  lui  fit  déli¬ 
vrer  des  Provifions  de  Capitaine  Général  de  l’Armement  deffi- 
né  pour  la  Floride. 

Sur  ces  entrefaites  on  eut  avis  pour  la  première  fois  en  Ef¬ 
pagne  que  les  Huguenots  de  France  seraient  établis  depuis  trois 
ans  dans  la  Floride  ,  qu’ils  y  avoient  confirait  des  Forts  ,  & 
quon  etoit  fur  le  point  de  leur  envoyer  un  grand  fecours 
d’Hommes  ,  de  Vivres  ,  &  de  Munitions.  L’Adelantade  étoit 
allé  faire  un  tour  en  Bifcaye ,  &  dans  les  Afiuries  fa  Patrie  , 
afin  d’engager  fes  Parens  &  fes  Amis  à  lui  fournir  l’Argent ,  & 
les  Cautions  néceffaires  pour  les  frais  de  fon  entreprife  ;  il  fut 
mande  a  la  Cour  ,  &  il  s  y  rendit  en  diligence  ,  laiffant  le  foin 
de  fes  affaires  entre  les  mains  d’Effevan  de  las  Alas  ,  &  après 
avoir  nomme  D.  Pedro  Menendez  Marquez,  fon  neveu  ,  Ami¬ 
ral  de  fa  Flotte  ,  avec  ordre  de  faire  voiles  inceffamment  pour 
les  Canaries  ,  &  de  l’y  attendre. 

Il  apprit  en  arrivant  à  la  Cour  les  nouvelles  ,  qu’on  venoit  de  On  reçoit 
recevoir  de  France  ,  &  le  Roy  lui  dit,  qu’ayant  befoin  de  plus  nouve!ies  à 
grandes  forces ,  pour  chaffer  les  Hérétiques  de  la  Floride  il  Madrit  du  ,fe~ 
Il  etoit  pas  julte  que  cette  augmentation  de  dépenfes  fût  fur  fon  préparoit  ça 


1  5  6  5  •  vât  prêts  dans  les  Indes  aeux-tein  n - 

France  pour  la  &  trols  Navires  de  fa  Flotte  ,  dont  la  paye  pour  qua 

"TnéçeZïrel  feraiem  fournies’  fur  fon  Thréfor -Menendez 

£  f^dS-cIplme fî "qu’l llu .  paroiffo^plu"  expédient  au  jervtce 
de  Sa  Maiefté  quelle  lui  donnât  deux  Galeies  ,  &  deux  a 
Ss  de  ceTlef^ui  étoient  fous  les  ordres  de  Dom  W  Baça„  à 
qu'avec  ce  renfort  il  partirait  au  premier  bon  vent  »  &  Pr£v‘® 
aroit  lefecours  de  France  ;  qu’il  entrerait  dans  le  Port  k p£s 

proche  de  celui ,  qu’occupoient  les  François,  qu  d  s  y  torntie 

irS;  s-,,..*™ . ?  z*$ 

2m“«tm™rcS!pïme  ,  &  d'attaquer  l'Ennemi  avec  avenu- 
ge  ,  ou  de  l’obliger  à  abandonner  le  Pays. 

Départ  de  Son 

Menendez.  E-  gjQps  ]_’ 

rat  de  khi-  d.affoiblir  lon  Armee  navaie  ,  or  -  e  o-..- ■ -  Gé  é. 

pour  fuppléer  d’ailleurs  à  ce  que  demandoit  le  Capitaine  ute 
Fal.  Ces  ordres ,  quoique  précis  ,  ne  fu«nt  pour  p  ffi 
tés  en  entier  ;  Menendez  effuyameme  de  la  part  des  w 
du  Confeil  des  Indes  ,  plufieirs  contretems  acheux  £  n  put 
mettre  à  la  voile  que  le  vingt-neuf  de  Juin.  Sa  Flotte  re.yingt 
nofée  du  Galion  le  S.  Peteduportde  neuf-cent  quatre  vi  g 
Feize  Tonneaux,  &  de  dix  Navires  ,  dont  équipages  inon- 

toient  à  neuf-cent  quatre-vingt-quinze  Hommes  ,  y  ■  P  . 

Gens  de  guerre  &  les  Mari“Q  ^  une  très-nombreufe 

t^X^O&SSi.  poulies  Forts,  que  ton 
devoit  conftruire  en  Floride.  Tout  cela  étoit  aux  frais  de  ^A- 
delantade  ,  à  l’exception  de  deux-cent  quatre- vingt -dx- neuf 
Soldats ,  de  quatre-vingt-quinze  Mariniers  ,  &  du  ™  en 
rVief  C’étoit  auffi  le  Roy  ,  qui  avoit  trette  le  S.  relage.  _ 
Cette  Flotte  fortit  du  Port  de  Cadix  le  vingt-neuf  de  Juin , 
mais  une  grande  tourmente  1  obligea  tento  a  y  ’  c  puc| 

affligea  beaucoup  le  Capitaine  General,  qui  td  £^s 


6a  HISTOIRE  general  e 

romnte  •  ainfi  qu’il  feroit  expédier  des  ordres ,  pour  qu  il  trou- 

r  £êrs  dansées  Indes  deux-cent  Chevaux,  quatre-cent  Fan- 
vat  prêts  dans  if  lunes  acu  quatre 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL 

cès  de  fon  entreprife  dans  la  diligence ,  mais  il  en  fut  un  peu  con- 
lole  par  un  renfort  d’Hommes  ,  que  ce  retardement  lui  procura, 
de  orte  qu  étant  arrive  aux  Canaries  ,  fon  Armement  fe  trouva 
compote  de  quinze-cent  quatre  Perfonnes ,  parmi  lefquelles  il  y 
avoit  pluueurs  Gentilshommes  des  meilleures  Maifons  de  Bii- 
caye  ,  de  Galice  &  des  Afturies.  Deux  jours  après  fon  départ 
de  Gadiz  le  Capitaine  Luna  y  arriva  avec  quatre  -  vingt  -  dix 
Hommes  ,  &  s  embarqua  fur  une  Caravelle  ,  qu’on  lui  fournit 
toute  équipée.  D’autre  part  Dom  Eftevan  de  las  Alas  i” 
nant  de  Menendez  Ht  auffi  embarquer  dans  les  Ports  d’Avilez 
&  de  Gijon  deux-cent  cinquante-ièpt  tant  Matelots  que  Sol¬ 
dats  fur  trois  Navires ,  fous  les  ordres  de  l’Amiral  Dom  Pedro 
Menendez  Marquez,  lequel  fut  encore  pourvu  de  la  Charge  de 
I  hreloner  General  du  Roy  dans  la  Floride. 

Enfin  ,  comme  on  avoit  donné  à  cette  expédition  tout  l’air 
d  une  guerre  famte ,  entreprife  contre  les  Hérétiques  -,  de  con- 
cert  avec  le  Roy  de  France ,  qui  défavoüoit ,  difoit-on ,  l’éta- 
blilfement  de  fes  Sujets  de  la  Religion  Prétendue  Reformée 
dans  la  Floride  ,  tant  de  Gens  fe  préfenterent  pour  avoir  part  à 
cette  efpece  de  Croifade ,  que  toutes  les  forces  réunies  du  Ca¬ 
pitaine  General  ,  fe  trouvèrent  monter  à  deux  mille  fix-cent 
Hommes  ,  parmi  lefquels  il  y  avoit  douze  Religieux  de  S.  Fran- 
çcus ,  onze  Pretres  &  un  Laïc  ,  un  Religieux  de  la  Merci ,  cinq 
Ecclefiaïhques ,  &  huit  Jefuites.  De  forte  qu’avec  ce  que  ul 
nendez  avoir  reçu  du  Roy  fon  Maître  ,  en  moins  de  quatorze 
mois  il  fe  trouva  avoir  depenfé  du  fien  un  million  de  Ducats. 

II  ne  s  arrêta  point  aux  Canaries  ,  mais  il  s’étoit  à  peine  remis 
en  Mer  ,  quune  tempete  diffipafa  Flotte.  La  Capitane  &  une 

f,nraChddlfpa,rUDnt’  Une  Srande  Chaloupe  fut  contrainte  de 
rentrer  dans  le  Port,  parcequ’elle  faifoit  eau  de  toutes  parts; 

les  Navires ,  qui  etoient  fous  les  ordres  d’Eftevan  de  las  Alas 
avoientpns  une  autre  route  ,&  il  n’en  demeura  avec  le  Capi¬ 
taine  General  que  cinq  ,  qu’une  fécondé  tourmente ,  qui  furvint 
le  vingtième  de  Juillet ,  obligea  de  jetter  à  la  Mer  une  parue 

de  Porronr86'  ^  neuvlé?le  d’Août  Menendez  prit  terre  àP l’Ifle 
à  l’Ifle  Ff^V  afresT,avoirfa“  en  paffant  de  nouvelles  provifions 
a  Hile  Efpagnole.il  y  enrôla  quarante-trois  Hommes  ,  &  il  y 

appntque  M.  de  RiÉaut  avoit  pris  les  devants  fur  lui/ma* 
3amnn|aI°^  rfmar<ïué.  ^  ce  Capitaine  s’étoit  amufé  pen- 
Flonde  de  deUX  m°1S  en  dlfférens  endroits  de  la  Côte  de  la 
Tome  L  t 


5 


Sa  Fîottc  efl 
difpcrféc. 


I  5  6  5  - 

II  délibéré 
fur  ce  qu'il 
doit  faire. 


Il  découvre 
la  I  lande. 


,,  HISTOIRE  GE  N.E  RALE 

6  Menendez  fe  trouvoit  alors  réduit  à  la  troifiéme  partie  de  fo» 

Monde6,  &  1.  P'Y’offiSrf : 

ss,;  U  iu. 

J^S*a»ÏSSSA*  b  Mr  inrci: 

li  j  r„n  uras  &  que  fon  avis  étoit  que  fans  délibérer  davan 

taee  on  fîï  vode  poqur  la  Floride  ,  où  il  efperoit  furprendre  les 

Hérétiques  avant  que  le  fecours  qu’ils  attendoient,  les  eut 

ioint  •  q&  remporter  fur  eux  une  viftoire  complette. 

V  iTnrS néanmoins  le  Confeil  de  lui  dire  ce  qui  penfoit  de  fa 
Il  pria  n^ ai  p  pedro  de  Valdez  ,  qui  etoit 

& P “f.p»"«rî.  parole  ,  &  fur  de  fon  ™  ;  Uplù; 

rvartdes  autres  opinèrent  de  même;  mais  quelques-uns,  qui 

avoient  S  leur  ,ê,«  uu  Cg»m. , 

B„J“'lS  «SreX  que  de  vouloir  airf,  bn.f,»«r  feurre- 
onde  avec  Leu  de  Monde,  c’étoit  fe  mettre  en  un  péril  évi¬ 
dent  delà  faire  échoüer.  A  la  fin  cependant ,  comme  ils  virent 
que  le  plus  grand  nombre  perfiftoit  Sans  l’avis  contraire ,  ils  fi¬ 
rent  au  moins  femblant  de  s’y  rendre. 

L’Adelantade  au  comble  de  fa  }oye  fe  remit  en  _  , 

vinst-huit  d’ Août  découvrit  la  Terre  delà  Floride.  La  difficulté 
étoft  de  fçavoir,  fi  l’on  étoit  au  Nord  ,  ou  au  Sud  des  François  , 
cette  incertitude  ,  on  ne  fit  autre  chofe  pendant  quatre 
jours  que  de  courir  des  bordées  au  large  &a  Terre.  Le  cin- 
tmiémeLur  l’Adelantade  aperçut  quelques  Sauvages  a  la  Cote  , 
%  envoya  fon  Meftre  de  Camp ,  avec  vingt  Arquebufieis,  pour 
orendxe^angue.  Dès  que  ces  Barbares  virent  approcher  les  Cha¬ 
loupes  ilsfe  mirent  ‘en  devoir  .de  s’oppofer  a  leur  debarque¬ 
ment  puis  fe  retirèrent  au  petit  pas ,  ayant  toujours  leurs  Arcs 
bandéslv  aidez  n’ofa  les  pourfuivre ,  appréhendant  quelque  em- 
bufeade  mais  comme  il  ne  vouloit  pas  s  en  retourner  ,  fai 
avoir  eu  quelques  nouvelles  des  François ,  il  appeUa  un  de  fes 
Gens  oïl  avoir  mérité  la  mort ,  &  qu’on  avoir  referve  dans  le 
deffein  <?e  s’en  fervir  pour  de  pareilles  occafions  ^^îordon 
de  quitter  fes  Armes ,  il  lui  mit  en  main  quelques  Marchand!- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  fi7 
fes ,  lui  dit  de  fuivre  les  Sauvages  ,  &  lui  promit  fa  grâce  ,  s’il 
pouvoit  tirer  de  ces  Barbares  quelques  lumières  fur  ce  qu’on 
vouloit  fçavoir.  a 

Le  Soldat  s’acquitta  parfaitement  de  fa  commiffion  ,  &  ap¬ 
prit  que  les  François  étoient  à  vingt  lieues  de-là  ,  en  tirant  au 
Nord.  Il  engagea  même  quelques  Sauvages  à  le  fuivre  iufqu’au 
lieu  ,  ou  le  Mettre  de  Camp  s’étoit  arrête ,  &  ils  en  furent  bien 
reçus.  Ils  lui  demandèrent  où  étoit  le  Général,  &  Valdez  leur 
répondit  qu’il  étoit  relié  fur  fon  bord  ;  il  les  invita  à  l’y  aller  trou¬ 
ver  ,  mais  ils  s’en  excuferent ,  ils  ajoûterent  que  s’il  vouloit  dé¬ 
barquer ,  &  fe  repofer  chez  eux  ,  il  n’auroit  pas  lieu  de  s’en  re¬ 
pentir.  Sur  cette  réponfe  Valdez  leur  lit  amitié  ,  &fe  rembar¬ 
qua.  Le  Capitaine  Général  fur  fon  raport  ne  balança  point  à 
mettre  pied  a  Terre ,  il  prit  cinquante  Maîtres  ,  &  s’embarqua 
avec  eux  dans  fes  Chaloupes.  Les  Sauvages  ne  l’eurent  pas  plu¬ 
tôt  aperçu,  qui  s  avançoit  vers  le  rivage,  qu’ils  ietterent  leurs  ar- 
mes ,  &  s  approchèrent  en  chantant ,  &  levant  les  mains  au  Ciel. 
Menendez  les  carelfa  beaucoup  ,  il  leur  diltribua  de  petits  pré- 
lens ,  qu  us  reçurent  avec  reconnoiffance  ,  &leur  fit  donner  à 
manger  ;  niais  il  ne  put  rien  tirer  d’eux  ,  que  ce  qu’ils  avoient 
déjà  dit  au  Meftre  de  Camp. 

Il  retourna  donc  à  fon  bord  ,  remit  à  la  voile  ,  &  après  avoir 

u C e"'i 'r,°noUlt  1,e“es  i'1  fe  trouva  le  28.  d’Août  à  l’embou¬ 
chure  de  la  Riviere  des  Dauphins.  Elle  lui  parut  fort  belle,  &  il 

6  nc01"  ce‘^  Av-euftin  ,  parceque  ce  jour  on  célébrait 
a  ete  de  ce  S.  Docteur.  Ibne  s’y  arrêta  pourtant  point ,  il  con¬ 
tinua  fa  route ,  &  le  lendemain  il  aperçut  quatre  Navires  à  l’An¬ 
cre ,  ce  qui  lui  fit  juger  que  les  François  avoient  reçu  le  fecours, 
qu  ils  attendoient.  iTaffembla  auffitôt  fon  Confeil  ,  qui  fut  d’a- 
vis  de  retourner  a  1  Me  Efpagnole  ,  &  d’y  attendre  que  toute  fa 
Flotte  s  y  fut  reunie.  Cette  refolution  le  chagrina  d’autant  plus, 
qu  il  avait  ete  découvert ,  qu’il  ne  faifoit  point  de  vent ,  que  fes 

ùr!1ll!pref!ntxrd°?cqu  illui  Paroiffoit  plus  à  propos  defurpren- 
RaH®  q“; ltre , Y aiffeaux  François  ,  qui  étoient  mouillés  dans  la 
’• 011  d  n  etoient  apparemment  reliés  ,  que  parce  qu’ils  ne 

K3E  K  Sûr  ■  •*  *•  A  r 

,  le 


1565. 


Il  apprend 
des  nouvelles 
des  François, 


Il  donne  à  la 
Riviere  des 
Dauphins  le 
nom  de  S.  Au, 
guftin. 


Il  Ce  rélout  à 
attaquer  les 
VaiHeaux 
François, 


(58  HISTOIRE  generale 
*,Wnit  dus  d’entrer  dans  la  Riviere  de  S.  Auguftin  ,  ou  il  fe 

(Fortifieroit ,  tandis  que  quelques-uns  de ceux"^ 
l’Me  Efoaanole  ,  pour  y  donner  avis  de  la  lituation  a  ceux  ae 

fa  Flotte  ,  qui  s’yLoient  rendus ,  &  pour  y  prendre  les  vivres. 

&  les  munkions,  dont  on  aurait  befoin  :  que  quand  toutes  fes 
forces  fërôlênt  réunies  dans  la  Riviere  de  S.  Auguftin ,  .1  pour- 
roit  attaquer  les  François  par  Mer  &  par  Terre ,  &  que  ceux-ci , 
après  k  perte  de  leurs  grands  Vaiffeaux ,  ne  pourroient  mrefi, 
fier  à  de  fi  puiffans  efforts ,  ni  même  retourner  en  France. 

Ces  raifons  parurent  convainquantes  a  tout  le  Confeil , 

^  iugeflë  projeté.  Capitaine  Général  digne  de  fon  courage  &  de 
£  nrudence  ;  on  éventa  fur  l’heure  toutes  les  voiles ,  &  1  Elca- 
dreP  Vétok  plus  qu’à  trois  lieues  des  Navires  François  ,  lorfqu  un 
cdme  profond  ?u.vi  de  pluyes  &  de  tonnerre  ,  empecha  les  Ef- 

couvrit  ^kvent  devte  bô«!  maTf  Adelanwdë  fit  reflexion 

ft-  ,  ÆaSHdrÆ^;^:  “RfeVrot 

voient ërop  foibles  pour  le  combattre  ,  fe  laifferoient  peut-etre 
accrocher  pour  brûler  les  Navires  Efpagnols,  duflent  ils  per¬ 
dre  les  leurs  &fefauver  à  Terre  dans  leurs  Chaloupes.  Il  avoit 
remarqué  d’ailleurs  que  tous  les  matins  ,  &  jufqu  a  midi ,  la  Mer 
.  •  >,  ia  Côte  &  à  l’entrée  des  Rivières ,  qui  ont  toutes 

d «'barres  ;  &  fur  cene  obfervation  il  forma  le  deffem  de  mouil¬ 
ler  les  Ancres  le  plus  près  qu’il  feroit  poffible  des  Ennemis  , 
nuis  de  filer  du  cable  ,  afin  de  fe  trouver  au  milieu  deux  a 
no'inte  duiour,  lorfqu’ils  ne  pourroient ,  ni  manœuvrer ,  ni  «ce- 
?dr  du  fecours  de  ceux  de  leurs  Yaiffeaux ,  qui  etoieut  mou.l- 

^  donnés  enconféquence ,  l’Ade- 

lantadë  vogua  à  petites  voiles  J 

demie  •  alors  il  letta  fes  Ancres  ,  &  «la  tous  les  cames ,  en 
forte  qu’il  fe  trouva  hientôt  par  le  travers  de  la  Capitane  Fran¬ 
co^  Nos  Hiftoriens  difent  qu’il  demanda  des  nouvelles  de  M. 
rie  Ribaut  &  de  fes  principaux  Officiers,  qu’il  nomma  tous  r 
Ju’il  affina  enfuite  que  fon  arrivée  dans  cette  Rade  ne  devoir 
point  inquietter  les  François ,  &  qu  il  n  avoit  pas  meme  deffem 
5e “y  arrêter  ;  qu’en  effet  ilapareillaà  la  pointe  du jour  ma  s. 
qu’au  lieu  de  prendre  le  large  ,  .1  arriva  tout  court  fur  les  Navi¬ 
res  François  f  qui  n’eurent  que  le  tems  de  couper  leurs  Cables  » 
&  de  faire  voile  au  plus  vite». 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  69 

Un  Auteur  Efpagnol  {a)  ,  &  lefeul ,  que  je  fâche  ,  qui  ait  " l  g” 
écrit  le  détail  de  cette  expédition  ,  affine  au  contraire  que  les  ;  1  * 

François  voyant  les  Navires  des  Efpagnols  s’aprocher  dans 
l’obfcurité  de  la  nuit ,  firent  un  feu  continuel  fur  eux  ;  mais 
fans  aucun  effet  ;  que  Menendez  ne  tira  pas  un  feul  coup  ,•  & 
fit  mettre  tous  fes  Gens  ventre  à  Terre  :  qu’au  point  du  jour 
fon  Vaiffeau  fe  trouvant  engagé  entre  les  deux  plus  grands  Na¬ 
vires  ennemis ,  il  fit  fonner  les  Trompetes  ,  comme  pour  faluer 
la  Capitane  Françoife  ,  qui  lui  rendit  le  falut  :  qu’enfuite  il  pa¬ 
rut  &  demanda  d’où  étoient  ces  Navires  ,  &  ce  qu’ils  venoient 
faire  dans  la  Floride  ?  Qu’on  lui  répondit  qu’ils  étoient  de  Fran¬ 
ce  ,  &  qu’ils  étoient  venus  porter  des  munitions  &  des  Hom¬ 
mes  pour  un  Fort ,  que  le  Roy  Très-Chrétien  avoit  dans  la  Ri¬ 
vière  de  May  ,  &  pour  quelques  autres  ,  qu’on  avoit  deffein  de 
conftruire  dans  le  Pays  :  que  Menendez  leur  demanda  ,  s’ils 
étoient  Catholiques  ou  Luthériens  (b) ,  qu’ils  répondirent  qu’ils 
étoient  Luthériens  ;  qu’ils  demandèrent  enfuite  à  celui ,  qui  leur 
parloir ,  qui  il  étoit ,  &  quel  était  fon  deffein  ;  &  qu’il  leur  dit  : 

Je  fuis  Pedro  Menendez  Général  de  cette  Flotte  du  Roy  Ca-  <<r 
tholique  Dom  Philippe  1 1.  Je  fuis  venu  dans  ce  Pays  ,  pour  y 
faire  pendre,,  ou  égorger  tous  les  Luthériens  ,  que  j’y  trouverai, 
ou  que  je  rencontrerai  en  Mer  ,  fuivant  les  ordres  ,  que  j’ai  re-  <v 
çus  du  Roy  mon  Maître  ;  &  ces  ordres  font  fi  précis ,  qu’il  ne  * 
m’efi:  pas  permis  de  faire  grâce  à  qui  que  ce  foit  :  je  les  exécute- 
rai  donc  à  la  lettre  ,  mais  lorfque  je  me  ferai  rendu  Maître  de  44 
vos  Navires ,  fi  j’y  rencontre  quelque  Catholique  ,  je  le  traite-  “ 
rai  avec  bonté  :  pour  les  Hérétiques ,  ils  mourront  tous.  " 

A  ces  mots ,  continue  l’Auteur  Efpagnol ,  l’Adelantade  fut  11  artriCltie  î‘-*3’ 
interrompu  par  des  huées  accompagnées  d’injures  atroces ,  &  £”^15 
indécentes  contre  lui  &  contre  le  Roy  Catholique.  Outré  de  co-  échapent,  &  f&- 
1ère  il  fit  prendre  fur  l’heure  les  armes  à  fes  Gens  ,  acheva  de  fi-  j^Terf  de  s* 
1er  fes  Cables  ,  &  donna  ordre  d’aborder  ;  mais  les  Cables  s’é-  A^uftin/ 
tant  embarraffes  dans  les  Ancres  ,  les  François  eurent  le  tems 
de  prendre  le  large  ;  les  Efpagnols  les  pourfuivirent ,  &  leur  ti¬ 
rèrent  quelques  volées  de  Canon  ,  mais  de  trop  loin  pour  les 
atteindre.  Alors  Menendez  defefperant  de  les  pouvoir  joindre  , 
le  rapprocha  vers  les  dix  heures  du  matin  de  la  Riviere  de  May , 
à  deffein  d’y  entrer.  Il  changea  bientôt  de  réfolution  ;  car  ayant 


(a)  D.  André  Gonzalez  de  Barcia,  Enfayo 
Ç.hronologico  para  la  Hijtona  de  la  Elorida. 
G  )  Les  Efpagnols  appelaient  communé¬ 


ment  Luthériens  tous  les  nouveaux  Héréti¬ 
ques. 


"Mi 


1565. 


M.  de  Ri 

haut  en 


70  HISTOIRE  GENERALE 

aperçu  cinq  Bât.mens  à  l’ancre  ,  &  deux  Bataillons  rangés  en 
bon  ordre  lür  la  pointe  de  la  barre  ,  qui  firent  feu  fur  fes  ^  aif- 
feaux  lorfqu’ils  parurent ,  il  comprit  que  s’il  s  opmiatroit  a  vou-  - 
loir  forcer  le  paffage,  les  autres  Vaiffeaux  François  pourraient 
revenir  fur  lui ,  &  le  mettre  entre  deux  feux.  Ainfi  il  jugea  plus 
à  propos  de  reprendre  la  route  de  la  Riviere  de  S.  Auguitin. 
Confeil  de  les  quatre  Navires  François  ,  qui  ne  l’avoient  point  perdu  de 
guerre  tenu  à  ^  le  voyant  s’éloigner  ,  revirerent  auintot  de  bord  ,  oc  re 
£  fon'av'is"'  ’  tournèrent  à  leur  premier  mouillage  ,  les  vents  contraires  ne 
'  leur  ayant  pas  permis  de  s’approcher  davantage  de  la  Riviere 
de  Mav  Dès  qu’ils  eurent  mouilles  les  ancres  ,  Collet ,  qui  les 
commandoit ,  écrivit  à  M.  de  Ribaut  pour  l’mftruire  de  ce  qu. 
s’étoit  paiïe  ,  &  fur  cet  avis  ce  General  affembla  le  Conleil  de 
euerre.  Tous  jugèrent  qu’il  falloir  travailler  fans  relâche  a  forti¬ 
fier  la  Caroline ,  &  envoyer  par  Terre  un  gros  Détachement 
dans  la  Riviere  des  Dauphins ,  pour  tomber  fur  les  Lfpagnols , 
avant  qu’ils  euffent  eu  le  loifir  de  fe  retrancher, 
le  ri-  M.  de  Ribaut ,  après  avoir  écoute  tout  le  monde ,  tira  de  fa 

rropc  poche  une  Lettre,  qu’il  avoit  reçue  de  l’Amiral  de  Coligm  peu 

Ic  un  autre.  jje  jours  avant  fon  départ  de  France ,  par  laquelle  ce  Seigneur 
lui mandoit  qu’un  Officier  Efpagnol ,  nomme  D.  Pedro  Menen- 
dez  fe  difpofoit  à  aller  attaquer  la  Nouvelle  France ,  &  lui  recom- 
mandoit  expreffément  de  ne  pas  fouffrir  qu’il  entreprit  rien ,  qui 
pût  préjudicier. aux  droits  de  Sa  Majefte.  Il  n  y  avoir  rien  en 
cela  ,  qui  dût  obliger  le  Général  de  s’éloigner  de  1  avis  ,  qu  011 
venoit  de  propofer  d’une  maniéré  fi  unanime;  il  en  conclut 
néanmoins  qu’il  devoit  aller  avec  fes  quatre  plus  grands  Navi¬ 
res  fondre  fur  trois  de  ceux  d’Efpagne  ,  que  Collet  lui  avoit 
mandé  être  reliés  au  large  ,  difant  que  quand  il  les  auroit  en 
fa  puiffance  ,  il  lui  feroit  facile  de  faire  des  autres  ce  quilvou- 

11  s’entête  M.  de  Laudonniere  ,  &  un  Capitaine  ,  nomme  la  Grange , 
qui  avoit  beaucoup  de  part  à  la  confidence  de  M.  1  Amiral, 
feui  de  fon  ^efuterent  fans  peine  ce  raifonnement ,  &  le  premier  ajouta  que 
cette  Côte  étoit  fujette  â  des  ouragans ,  qui  duraient  quelque¬ 
fois  plufieurs  jours ,  &  que  fi  par  malheur  il  en  furvenoit  un  , 
tandis  que  prefque  toutes  les  forces  delà  Colonie  ferment  en 
Mer  rien  n'empêcherait  les  Efpagnols ,  qui  etoient  dans  la  Ri¬ 
viere  des  Dauphins ,  de  venir  s’emparer  de  la  Caroline.  Ils  eu¬ 
rent  beau  dire  ,  Ribaut  perfifta  dans  fon  deffein  ,  quoique  per- 
fonne  ne  l’approuvât  ;  il  obligea  même  Laudonniere  ,  a  qui  U 


avis. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  71 

avoit  laiffé  le  Commandement  de  la  Caroline,  de  lui  donner 
toute  fa  Garnifon  ,  &  prefque  tous  fes  vivres.  La  Grange  ne 
vouloir  pas  s’embarquer  ,  &  fut  deux  jours  à  fe  rendre  ;  à  la  fin 
ilfe  laiffa  gagner. 

Il  ne  relia  dans  le  Fort  avec  M.  de  Laudonniere  ,  qui  étoit 
malade  ,  que  le  Sieur  du  Lys  Ingénieur ,  deux  Gentilshommes , 
nommés  la  Vigne  ,  &  S.  Cler,  &  cinquante  perfonnes  ,  d’autres 
difent  quatre-vingt-cinq  ,  quelques  autres  en  font  même  monter 
le  nombre  jufqu’à  deux-cent  quarante  ;  mais  tous  conviennent 
qu’il  n’y  en  avoit  pas  vingt  en  état  de  tirer  un  coup  de  Mouf- 
quet  :  les  autres  étoient  des  Soldats ,  qui  avoient  être  bielles 
dans  l’expédition  contre  Outina ,  de  vieux  Artifans  ,  des  Vivan¬ 
diers  9  des  Femmes  &  des  Enfans.  Ce  fut  le  fixiéme  de  Septem¬ 
bre  ,  que  le  Général  s’embarqua  pour  aller  chercher  les  Efpa- 
gnols  ;  mais  les  vents  contraires  l’arrêterent  en  Rade  jufqu’au 
dix  ,  qu’il  mit  à  la  voile. 

Le  fept  D.  Pedro  Menendez  étoit  entré  dans  la  Riviere  des 
Dauphins ,  à  laquelle  nous  avons  vû  qu’il  avoit  donné  le  nom 
de  S.  Auguftin  ,  &  que  je  nommerai  toujours  ainfi  dans  la  fuite. 
Il  fit  aulfitôt  débarquer  trente  Hommes  fous  la  conduite  d’André 
Lopez  Patino  ,  &  de  Jean  de  S.  Vincent ,  tous  deux  Capitai¬ 
nes  ,  à  qui  il  donna  ordre  de  choilîr  un  lieu  avantageux  ,  &  d’y 
faire  quelques  retranchemens  ,  en  attendant  qu’on  y  pût  con- 
ftruire  un  Fort.  Le  lendemain  à  midi  il  mit  lui-même  pied  à  ter¬ 
re  ,  troiiva  àfon  débarquement  quantité  de  Sauvages  ,  à  qui  il 
fit  amitié  ,  &  qui  lui  confirmèrent  tout  ce  qu’il  avoit  appris  de 
la  fituation  de  la  Caroline.  Le  neuf  il  fit  celebrer  les  divins  my- 
fleres  ,  &  prit  de  nouveau  poffefiîon  du  Pays  avec  toutes  les 
formalités  requifes  ,  &  obligea  fes  Officiers  de  jurer  qu’ils  lui  fe- 
roient  fidèles  jufqu’à  la  fin  de  fon  expédition. 

Il  alla  enfuite  vifiter  remplacement ,  que  fes  deux  Capitaines 
avoient  choifi  ,  il  1  approuva  ,  puis  il  fe  rembarqua  ,  &  faifant 
réflexion  qu’il  étoit  à  craindre  que  ,  quand  toutes  fes  Trouppes 
feroient  a  terre  ,  les  François  ne  vinfient  attaquer  fes  Varde  aux, 
qui  etoient  mouilles  à  une  lieue  &  demie  au  large  ;  il  fit  travail¬ 
ler  en  diligence  à  en  tirer  toutes  les  chofes ,  dont  il  avoit  befoin 
pour  1  etabhffement ,  qu il  méditoit ,  &  les  Trouppes,  dont  il 
vouloit  fe fervir  pour  prendre  la  Caroline.  Le  jour  fuivantil  eut 
avis  que  M.  de  Ribauts’approchoit  pour  le  combattre  ,  fur  quoi 
il  donna  ordre  à  celui  ,  qui  commandoit  le  S.  Pelage ,  &  à  un 
autre  VaiiTe au  ,  d’appareiller  à  minuit  pour  l’Ifle  Efpagnole  ;  il 


1565. 


U  s’embar¬ 
que  pour  aller 
chercher  les 
Efpagnols. 


Menendez 
prend  poflef- 
fion  de  la  Ri¬ 
viere  de  S. 
Auguftin, 


ï  ï  <5  5- 


Les  François 
fontfurpris 
d'un  furieux 
ouragan ,  loi'f- 
qu  ils  fe  difpo- 
foient  à  atta¬ 
quer  les  Elpa- 
gnols. 


Difcours  de 
Menendez,  à 
fçs  Officiers. 


histoire  generale 

s’embarqua  lui-même  dans  un  grand  Batteau ,  mit  cent  cin¬ 
quante  Soldats  fur  un  Navire  de  cent  Tonneaux  ,&  avec  ces 
deux  Bâtimens  il  alla  mouiller  fur  la  Barre  a  deux  braffesd  eau. 

A  la  pointe  du  jour  les  Navires  François  parurent  a  1  endroit 
même  ,  d’où  les  deux  Efpagnols  étoient  partis ,  &  un  moment 
après  il  y  en  eut  un  ,  qui  s’avança  vers  a  Barre  avec  trois  Cha- 
louppes.  L’Adelantade  comprit  toute  la  grandeur  du  péril ,  ou 
il  fePtProuvoit ,  mais  par  bonheur  pour  lui  il  fallut  que  les  I  ran-  - 
çois  attendiffent  deux  heures  entières  le  retour  de  la  maree  , 
nour  entrer  fur  la  Barre.  Il  faifoit un  très-beau  tems ,  &  la  Mer 
etoit  fort  belle  ,  lorfque  tout  à  coup  il  s’éleva  un  vent  de  N  ord 
fi  violent ,  &  la  Mer  devint  fi  orageufe ,  que  M.  de  Ribaut  fut 
contraint  de  s’éloigner  de  la  Côte,  &  d’abandonner  fa  proye  , 

au  moment  que ,  félon  toutes  les  apparences ,  elle  ne  pouvoir 

1U] 'Menendez  ne  douta  point  que  cet  orage ,  qui  le  fauvoh t ,  ne 
Çut  un  effet  des  Prières ,  qu’il  avoit  faites  au  fort  du  danger  , 

aô.r3  fcv  oy«  r,  “ °  «Kfil 

mi’à  Drofiter  de  l’éloignement  des  François.  Il  fat  dire  une  Melle 
du  SPEfprit ,  au  fortir  de  laquelle  il  affembla  le  Confeil  de  guer¬ 
re.  Il  y  déclara  que  s’il  ne  s’agiffoit  que  du  fervice  du  Roy  ,  per¬ 
fore  ne  devoit  être  furpris  qu’ils  renonçaffent  a  une  entrepnfe, 
où  ilfe  rencontroit  tant  d’obitacles  ;  mais  que  c  etoit  la  caufe  de 
Dieu  &  qu’on  ne  pouvoir  l’abandonner ,  fans  encourir  la  ma- 
lediffion  du  Tout-Puiffant.  „  Nous  fournies,  ajouta-t  il,  environ¬ 
nés  d’Ennemis ,  les  vivres  commencent  à  nous  manquer ,  mais 
c’eft  dans  ces  grandes  extrémités ,  que  paroit  le  véritable  cou- 

ragA  ces  mots  l’Affemblée  l’interrompit,  en  l’affûrant  qu’ils 
étoient  tous  difpofés  à  le  féconder  de  leur  mieux  :  alors  plein 
d’une  nouvelle  confiance  ,  il  reprit  la  parole  ,  &  dit  que  le  Ciel 
fe  déçlaroit  fi  vifiblementpour  eux  ,  que  le  fucces  de  leur  expé¬ 
dition  étoit  sûr ,  s’ils  ne  fe  manquoient  pas  a  eux-memes ,  qu  af- 
sûrément  l’Efcadre  Françoife ,  qui  trois  jours  auparavant  fuyoït 
devant  eux  ,  n’avoit  ofé  les  venir  attaquer,  que  parce  quelle 
avoh  renforcé  fes  Equipages  de  tout  ce  qu’il  y  avoit  de  meil¬ 
leurs  Hommes  dans  le  Fort  de  la  Caroline  ;  que  la  tourmente  , 
qui  venoit  de  l’écarter  ,  ne  lui  permettoit  pas  de  fe  refug'erdans 
fon  Port  &  que  ,  félon  toutes  les  apparences ,  elle  ny  pour- 
roit  rentrer  de  plufieurs  jours.  ,,  D’ailleurs  ce  fontdesHereti- 
ques ,  &  nous  gavions ,  ayant  que  de  pamr  dE  pag 


» 

» 

» 


DE  LANOUVELLE  FRANCE.  Liv.  II.  73 

leur  General  Ribaut  avoit  défendu  fous  peine  de  la  vie  à  tout  «  i  e  (5  c 
Catholique  de  s’embarquer  avec  lui  (a  ) .  Eux-mêmes  nous  ont  «  ) 

déclaré  qu’ils  étoient  tous  Luthériens.  Nous  fommes  donc  obligés  « 
de  leur  faire  la  guerre  à  toute  outrance,  non-feulement  parceque  « 
nous  en  avons  des  ordres  exprès  ;  mais  encore  parcequ’ils  font  « 
refolus  de  leur  côté  à  ne  nous  faire  aucun  quartier  ,.pour  empê-  « 
cher  que  nous  ne  plantions  la  FoyCatholique  dans  un  Pays  ,  « 
où  ils  veulent  faire  regner  leur  abominable  Se&e.  Ainfi  nous  « 
devons  également  à  Dieu  &  au  Roy  notre  Maître  ,  de  périr  * 
plutôt ,  que  de  ne  pas  achever  ce  qu’avec  le  fecours  vifible  du  « 

Ciel ,  nous  venons  de  commencer  fi  heureufement.  « 

Il  leur  expliqua  enfuite  fon  projet ,  qui  confifloit  à  choifir  Son  plan 
cinq-cent  Soldats  ,  Arquebufiers  &  Picquiers  ,  de  leur  faire  Çou,r  lan:acîuc 
prendre  des  vivres  pour  huit  jours  ,  de  les  divifer  en  dix  Corn-  ne  CaroIi' 
pagmes ,  chacune  avec  fon  Capitaine  &  fon  Drapeau  ,  de  les 
faire  marcher  vers  la  Caroline  ,  &  de  les  précéder  lui-même  de 
deux  lieues  ,  avec  une  Bouffola,  un  François ,  qui  étoit  tombé 
entre  les  mains  ,  &  quelques  Soldats  armés  de  Haches  ,  pour 
?u v^ ü  un  paffage  a  travers  le  Bois.  Il  ajoûtaque  ,  s’il  avoit  le 
onheur  d  arriver  ,  avant  que  d’avoir  été  découvert,  il  feroit 
ur  le  champ  donner  l’Efcalade  ,  qu’il  porterait  pour  cela  des 
échelles ,  &  qu  il  comptoit  qu’il  ne  lui  en  coûterait  pas  cin¬ 
quante  Soldats  pour  fe  rendre  Maître  de  la  Place  :  que  fi  par 
malheur  il  etoit  aperçu  ,  avant  que  de  fortir  du  Bois  ,  il  s’y  re¬ 
trancherait  le  plus  près  du  Fort  qu’il  pourrait';  que  de-là  il  en¬ 
verrait  fommer  le  Commandant ,  avec  offre  de  lui  fournir  un 
.Batiment  des  vivres  ,  pour  retourner  en  France  ;  que  ce  Com¬ 
mandant  peut-être,  le  croyant  plus  fort ,  qu’il  n’étoit ,  accepte¬ 
rait  fes  offres  ,  que  dumoins  il  n’oferoit  le  venir  attaquer  dans 
un  heu  couvert ,  &  qu’au  printems  prochain  ,  après  qu’il  aurait 
reçu  les  fecours  ,  qu  il  attendoit  de  Fille  Efpagnole ,  il  feroit  en 
état  de  réduire  les  François  par  la  force. 

f  1  t?  discours  ne  fut  pas  reçu  avec  un  applaudiffement  univer- 
iel.  11  y  eut  meme  de  grandes  conteftations  parmi  les  Officiers  ; 
mais  ie  pius  grand  nombre  s  étant  déclaré  pour  le  Capitaine 
era  J,  a^air<?  fut  refoluë.  Menendez  fit  auffitôt  tout  prépa- 

û afpe nrà  l^iu  1  orcionna  que  le  troifiéme  jour  tous  affi- 

A  i  ’  avant  que  de  fe  mettre  en  marche  ;  que  ce- 

pendant  le  Mettre  de  Camp  &  le  Sergent  Major  fiffent  le  choix 

d  cinq-cent  Hommes  ,  qui  dévoient  compofer  le  Détache- 

(  O.  \  Mmif  Lî _ A  <  > 


(  d  )  î^ous  verrons  bientôt  que  cela  n’étoit  pas  vrai. 

lo/ne 


K 


1 5  6  ï  • 


Mutineries 
parmi  les 
Trouppes  ;ré- 
folution  de 
Menendez. 


74  histoire  generale 

ment ,  &  euffent  foin  de  les  fournir  de  tout  ce  qui  feroit  necef- 
faire  •  &  comme  on  travailloit  à  conftruire  un  Fort ,  qui  eft  - 
venu’une  Ville  célébré  ,  fous  le  nom  de  S- Augufon  ,  î  V  éta¬ 
blit  pour  Commandant  D.  Barthélémy  Menendez  ,  fon  Frere, 
&  donna  à  fon  Amiral  le  commandement  de  1  Aru  lene  q 
y  laiffoit  ,  outre  celui  des  trois  Batimens  ,  qui  bi  rdlo  • 

^  Tout  étant  ainlî  réglé  ,  le  Confeilfe  fepara ,  &  le  biurt  de  ce 
qu’on  y  venoit  de  réfoudre  ,  s’étant  répandu  parmi  les  Troup¬ 
es  y  excita  de  grands  murmures.  (5e  fut  bien  pis  encore  te 
Fendemain  :  lafédition  s’échauffa  de  telle  forte  que  les  Capi- 
t^ines  Tean  de  S.  Vincent,  François  Recalde,  &  Diego  de  Maya 
fe  crurent  autorifés  à  prier  l’Adelantade  de  fe  défifter  de  fon  en- 
treorife  Pour  toute  réponfe  il  invita  à  dîner  tous  les  Capitaine 
&  Sur”  Gentilshommes ,  &  après  les  avoir  traites  fplendi- 

KL  .«ta,  témoigna  6  ta**  * 

fecret  du  Confeil  de  guerre  ;  il  ajouta  quil  leroit  peut  etre  oe 
fon  devoir  de  châtier  les  Auteurs  d’une  h  grande  infidélité,  qu  il 
leur  pardonnoit  néanmoins  ;  mais  qu’il  etoit  bien  aife  qu  on  lçut 

que  Séformais  les  plus  legeres  fautes  feraient \  Solda«” 

nies  •  que  le  découragement ,  qui  paroiffoit  dans  les  bolclats , 
venoit  uniquement  de  leurs  Officiers  ;  que  tous  neanmoins na- 
voient  pas  perdu  cœur-,  &  qu’il  voyoït  avec  plaifir  e  p  u  g 
nombre  fe  clifpofer  de  bonne  grâce  à  partir  au ^premier  fignal  , 
mreeque  leurs  Capitaines  leur  en  montroient  1  exemple  .  cepen 
Faut  que  chacun  pouvoit  encore  lui  faire  fes  repréfentations  ; 
dai5f,iU  :  “  fe is .  fi  on  lui  faifoit  voir  que  c  eton 


il  auelqu un  etoit  auez,  xidi ui  poui  ^ 

xécuter,  il  le  cafferoit  fur  le  chamm  Tous  repondirent  qu  i 
ne  falloir  rien  changer  à  ce  qui  avoit  été  arrête  ,  &  ceux-meme 
qui  perfiftoient  à  défaprouver  le  parti ,  qu  on  avoit  pris ,  prom 
rent  de  faire  leur  devoir. 


Conduite  fé- 
ditieufe  d’un 
Capitaine. 


la  marche,  lonque  jean  uc  o. 
commodé,  &  qu’il  ne  partirait  point.  Comme  fes  amis  vou 
loient  lui  perfuader  que  cette  conduite  lui  ferait  tort ,  il  leur  r 
pondit  quil  comptoit  bien  d’apprendre  dans  quelques  jour ;  ^ 
tout  le  Parti  auroit  été  égorgé  par  les  François  ,  &  qu 
il  étoitrefolu  de  s’embarquer  avec  tous  ceux  ,  T 

roient  à  S.  Augufon  ,  &  de  prendre  la  route  des  Mes- 
fil  de  la  raifon,  ajouta -fil,  à  s’aller  faire  affommer  comir 


Le  jfour  du  départ  venu  ,  onétoit  fur  le  point  de  commence 
marche  ,  lonque  Jean  de  S.  Vincent  déclara  _qu  il  etoitm 

%  r  a  VI _ _ «Ami-  I 


» 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  75 

des  bêtes  ,  en  fuivant  un  projet  fi  mal  concerté  ?  •  «  - p - 

L’Adelantade  ne  fit  pas  femblant  d’être  infiruit  de  ce  dif-  1  ]  ^  ‘ 

cours ,  &  s’alla  mettre  à  la  tête  de  fon  avant-garde  avec  Mar-  Mandez**2 
tin  de  Ochoa  ,  accompagné  de  vingt  Bifcayens&  Afiuriens  ,  pomTa  Caro- 
à  qui  il  avoit  fait  donner  des  Haches  ,  pour  frayer  les  routes  :  Iinc* 
le  relie  de  la  Trouppe  fuivit  fous  les  ordres  du  M ellre  de  Camp 
&  du  Sergent  Major.  Le  quatrième  jour  de  marche  ,  ils  arrivè¬ 
rent  à  une  demie  -  lieue  de  la  Caroline  ,  &  quoi  qu’il  fît  un 
grand  vent  ,  &  qu’il  plût  à  verfe  ,  Menendez  avança  encore 
un  quart  de  lieue  ,  &  s’arrêta  fur  un  terrein  extrêmement  maré¬ 
cageux  ,  derrière  une  Piniere  ,  qui  le  couvroit.  Il  retourna  en- 
fuite  vers  fes  Gens  ,  pour  leur  fervir  de  guide  ,  dans  la  crainte 
qu’ils  ne  segaraffent. 

A  dix  heures  du  foir  toute  l’Armée  fe  réunit ,  mais  extrême-  Ce  que  r Ar¬ 
ment  fatiguée  ,  &  pénétrée  de  la  pluye  ,  qui  n’avoit  pas  difcon-  méecutàfouf- 
tinué  depuis  fon  départ  de  S.  Augullin  :  outre  quelle  avoit  été  dantla 
obligée  de  paffer  dans  des  Marais  ,  où  elle  avoit  de  l’eau  juf- 
qu  a  la  ceinture.  La  pluye  redoubla  alors  avec  tant  de  violen¬ 
ce  ,  qu’on  eut  bien  de  la  peine  à  en  garantir  les  armes  ,  la  pou¬ 
dre  &  les  mèches.  Tant  d’incommodités  achevèrent  de  faire  per¬ 
dre  patience  aux  Soldats  :  on  11’entendoit  par  tout  que  des  ma- 
lediaions  ,  que  l’on  donnoit  au  Général ,  &  Fernand  Perez , 

Enfeigne  de  la  Compagnie  de  S.  Vincent,  ofa  bien  dire  tout 
haut ,  qu’il  ne  comprenoit  pas  comment  tant  de  braves  Gens  fe 
laiffoient  ainfi  vendre  par  un  Montagnard  d’Aflurie ,  qui  ne 
fçavoit  pas  mieux  faire  la  guerre  fur  Terre  ,  qu’un  Cheval  ;  que 
pour  lui ,  s’il  en  avoit  été  le  Maître  ,  il  l’auroit  traité  ,  le  jour 
qu  on  partit  de  S.  Augullin  pour  ce  maudit  exploit ,  comme  il 
l’alloit  être  dans  peu  par  les  mains  des  François. 

L’Adelantade  n’ignoroit  rien  de  ce  qui  fe  difoit  contre  lui  ;  Menendez 
mais  il  difiimula  fagement ,  &  ferme  dans  fa  réfolution  ,  deux  “£fuIte  fcs 
heures  avant  le  jour  il  appella  le  Meflre  de  Camp  &  tous  les  Ca- 
pitaines  :  il  leur  dit  que  toute  la  nuit  il  n’avoit  ceffé  de  confulter 
le  Ciel ,  &  de  prier  le  Seigneur  de  lui  infpirer  ce  qui  convenoit 
a  ion  lervice  ;  qu  il  etoit  perfuadé  qu’ils  en  avoient  fait  autant , 
chacun  en  particulier  ;  qu’il  étoit  enfin  tems  de  fe  déterminer  fur 
ce  qu  il  y  avoit  à  faire  dans  la  fàcheufe  extrémité  ,  où  l’on  fe 
trouvoit ,  harraffes  ,  fans  forces  ,  fans  pain  ,  fans  munitions  & 

(ans  aucune  reffource  humaine.  ^ 

Quêlmies-iins  lui  répondirent  qu’il  étoit  inutile  de  perdre  le  Réponfe* 
tems  a  délibérer  ,  qu’il  falloit  reprendre  à  l’heure  même  la  route  ^  ues-uns. 

Kij 


y6 


H  I 


STOIRE  generale 


565 


Il  eft  d’a- 
■vis  d’atta¬ 
quer  la  Ca¬ 
roline. 


» 

Son  avis  eft 
fuivi.  Il  fedif- 
pofe  àl’atta- 
qae. 


Etat  de  la 
Place. 


c  a  i  mie  les  Palmiers  fuppléeroient  au  pain  ,  qui 

de  S.  ft'n ’X  differant  davantage ,  on  ne  feroit  que  s’ex- 

manqu  ’  .  5  ^  yent  „erlT,  Menendez  convint  que  cet 

dire  encore  un  mot ,  qu  ils  feroien  P  n  avoit  fuivi  que  fes  pro 
ce  qu’ils  voudroient  ;  quefiîufque* -la. P 

Esfcï^^E^iS 

»  taquer,  fe  rendront-ils,  fans  attendre  Reliera  de 

i  pr  ,  *  sr imom 

L’ïdtltt  de  Œranfport  de  fa  jove  fit  auffi- -tôt  mettre  tout 
le  monde  à  genoux  pour  implorer  le  fecotirs  de ^  Dieu  des  Ar 
.nées  ;  puis  îl  rangea  les  Compagnies  ^ ,  avec 

voient  garder  pour  1  »taqu-  Hiftoriens  varient 

fon  François  fugitif,  ou ,  Menendez  lui  avoir 

fur  ce  point  ;  ce  qui  eft  ceu  ,  la  nuit  étoit  fort 

obfcure  quTle^m  &  la  pluye 

qUCe^XuM.  de  Laudonniere  é^alement  inquiet  IbHe  fort 

de  M.‘  de  Ribaut ,  àçaufe  &  pareeque 

Sne  hors  d’infulte ,  .1  y  reftoit  encore  trois  grandes  breches , 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  77 

ne  croyoit  pas  l’Ennemi  fi  près  de  lui.  Il  arriva  même  que  le  tems  — 
affreux  ,  qu’il  fit  cette  nuit-là  ,  &  qui  avoit  fi  fort  découragé  les  >  ^  * 

Efpagnols  ,  fut  ce  qui  contribua  le  plus  au  fuccès  de  leur  entre- 
prife  ;  car  le  Sieur  de  la  Vigne  ,  qui  étoit  de  garde  ,  voyant  fes 
Soldats  tout  trempés  de  la  pluye  ,  en  eut  compaffion  &  leur 

{>ermit  de  s’aller  repofer  ,  avant  que  d’autres  fuffent  venus  pour 
es  relever:  la  continuation  du  mauvais  tems  lui  ayant  ôté  ju£ 
qu’à  la  penfée  qu’il  y  eût  rien  à  craindre  de  la  part  des  Enne¬ 
mis. 

Menendez  de  fon  côté  s’étoit  remis  en  marche  au  point  du  Elle  eft  fut- 
jour  5  après  avoir  ordonné  fous  peine  de  la  vie  à  tous  les  fiens  pnre* 
de  le  fuivre.  Il  fe  trouva  bientôt  au  pied  d’une  Colline  ,  derrière 
laquelle  le  François  ,  dont  il  étoit  toujours  accompagné  ,  lui  af- 
sûra  qu’étoit  la  Caroline  ,  environ  à  trois  portées  d’Arquebufe. 

Il  monta  deffus  ,  &  ne  vit  que  quelques  maifons ,  qui  lui  ca- 
choient  la  Place  ,  il  vouloit  aller  la  reconnoître  ,  mais  le  Meftre 
de  Camp  ne  le  voulut  pas  permettre  ,  &  y  alla  lui  -  même  avec 
Ochoa.  Ces  deux  Officiers  examinèrent  la  Place  à  leur  aife  , 
mais  comme  ils  s’en  retournoient  pour  rendre  compte  au  Géné¬ 
ral  de  ce  qu’ils  avoient  vû  ,  ils  prirent  un  chemin  pour  un  au¬ 
tre  ,  &  un  François ,  qui  les  découvrit ,  leur  demanda  Qui  vive . 

Ochoa  répondit  Francç  ,  &  cet  Homme  perfuadé  que  c’étoit  des 
Gens  de  fa  Nation  ,  s’aprocha  de  lui. 

Ochoa  allant  à  fa  rencontre  ,  &  le  Soldat  s’apercevant  de  fou 
erreur  ,  s’arrêta.  Ochoa  courut  fur  lui ,  &  avec  fon  épée  ,  qu’il 
n’avoit  pas  eu  l’attention,  ou  le  loifir  de  tirer  de  fon  fourreau,  il 
lui  donna  un  grand  coup  fur  la  tête  ;  il  ne  lui  fit  pourtant  pas 
grand  mal ,  parceque  le  Soldat  rompit  le  coup  avec  fon  épée  ; 
mais  le  Meflre  de  Camp  lui  en  donna  un  fécond ,  qui  l’étourdit , 

&  le  jetta  par  terre  :  il  lui  mit  enfuite  la  pointe  de  fon  épée  fur 
la  poitrine  ,  parcequ’il  commençoit  à  crier  ,  &  lui  dit  que  s’il  ne 
fe  taifoit ,  il  etoit  mort ,  puis  il  le  lia  &  le  mena  à  fon  Général  > 
lequel  au  cri  de  cet  Homme  avoit  cru  que  le  Meflre  de  Camp 
étoit  tué.  Menendez  fe  tournant  alors  vers  fon  Sergent  Major  r 
François  Recaldé  ,  &  André  Lopez  Patino  ,  qui  fe  trouvè¬ 
rent  les  plus  proches  de  fa  perfonne  avec  leurs  Compagnies , 
leur  dit  :  Mes  amis  Dieu  ejt  pour  nous  ,  le  Mejlre  de  Camp  ejl 
dans  le  Fort . 

A  ces  mots  tous  partirent  ,  &  coururent  à  toutes  jambes  : 
les  premiers  rencontrèrent  Ochoa  &  le  Meflr.e  de  Camp ,  lequel 
ne  pouvant  garder  fon  prifonnier ,  l’avoit  tué ,  &  crioit  de  toutes 


yS  histoire  generale 

- T -  fes  forces.  Compagnons  ,fuivq-moi  ,  Dieu ejl pour nous.  Il  sa- 

1  5  6  5  •  vaiça  enfuite  vers  le  Fort ,  &  ayant  trouve  deux  François  en 
chemife  ,  il  en  tua  un  ,  &  Patino  l’autre.  Dans  ce  moment  un 
Soldat  de  la  Garnifon  étant  monté  par  hazard  fur  le  rempart , 
aperçut  les  Efpagnols ,  qui  defcendoient  la  Colline  ,  dont  j  ai 
parlé  ,  &  marchoient  en  ordre  de  bataille:  il  cria  aux  armes , 
&  à  ce  cri  M.  de  Laudonniere  accourut  avec  les  plus  braves , 
mais  il  avoit  eu  à  peine  le  tems  de  fe  reconnoître ,  que  nnemi 
entra  par  les  trois  brèches ,  &  par  le  guichet  ,  que  quelqu  un 
avoit  ouvert  ,  pour  fçavoir  ce  qui  fe  paffoit  :  &  dans  infta 
tout  retentit  des  gémiffemens  des  Femmes ,  des  Enfans  ,  &  des 

Malades ,  quon  égorgeoit.  .  ,  .  j  -i 

Laudonniere  vola  à  leur  fecours  ,  mais  île  toit  trop  tard  :  il 
vouloit  fe  cantonner  pour  faire  tête  aux  Affaillans ,  en  attendait 
le  fecours ,  que  pouvoient  lui  donner  les  trois  Vaiffeaux  ,  qui 
étoient  mouillés  vis-à-vis  du  Fort  ;  il  fe  montra  par  tout ,  il  com¬ 
battit  avec  une  valeur,  que  fes  Ennemis  mêmes  admirèrent,  mais 
le  François  ,  que  Menendez  avoit  toujours  eu  a  fes  cotes,  1  ayant 

fait  connoître  ,  le  fort  du  combat  tomba  fur  lui  feul  ,  &  d  vit 

bien  qu’il  ne  devoit  plus  fonger  qu’à  la  retraitte.  Il  la  fit  en  com¬ 
battant  toujours  ,  ce  qui  donna  moyen  au  peu  ,  qui  reltoit  de 
François ,  de  fe  fauver  dans  le  Bois.  Il  y  entra  le  dernier  ^re¬ 
cédé  de  fa  Servante  ,  qui  étoit  fortbleffée  ,  &  du  Sieur  de  Mor- 

gl  II  n’y  avoit  pourtant  encore  dans  la  Place  que  les  deux  Com¬ 
pagnies ,  que  commandoient  le  Sergent  Major  ,  &  Diego  de 
Maya  ,  dont  les  Enfeignes  furent  arborées  fur  le  Rempart  en 
même  «ms  par  Rodrigo  Troché  ,  &  Pedro  Yaldez  Herrera  ; 
mais  le  bruit  des  Trompettes  y  fit  bientôt  accourir  toute  1  Ar¬ 
mée  ,  &  l’Adelantade  voyant  que  les  François  ne  fedefend  oient 
plus ,  fit  publier  un  ordre  d’épargner  les  Femmes  ,&  les  Enfans 
au-dèlfous  de  quinze  ans.  L’Auteur  Efpagnol  affure  qu  on  en 
fauva  foixante  &  dix.  Menendez  pofa  enfuite  des  Sentinelles  au 
Magafin  ,  que  fon  François  lui  montra  ,  &  qui  etoit  très  r  bien 
fourni  de  munitions  &  de  marchandées  de  traitte  :  apres  quoi  il 
s’approcha  de  la  Riviere  ,  &  fit  inviter  les  Equipages  des  trois 
Navires  ,  qui  y  étoient  mouillés ,  à  fe  rendre.  , 

Ccquifcpaf-  Ils  le  refuferent ,  &  il  fe  mit  en  devoir  de  les  couler  a  fond 
faauqfujctr  Je  Dés  que  fa  batterie  fut  dreffée ,  il  envoya  faire  dans  les  formes 
trois  Navires  une  fommatioii  aux  Commandans  ,  qui  repondirent  que  h  le 
moiiillés  de-  Général  vouloit  traiter  avec  eux  ,  ils  lui  enverroient  une  Cha- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  ÎI.  79 

îoupe  ,  pour  leur  amener  quelqu’un  de  fa  part.  L’Adelantade 
leur  envoya  fon  Prifonnier ,  avec  ordre  de  leur  dire  que  des 
trois  Navires  ,  qui  leur  reftoient ,  ils  pourroient  en  choifir  un  , 
y  embarquer  des  provisions  pour  tout  ce  qu’ils  étoient  de  Mon¬ 
de  ,  8c  pour  ceux  de  la  Garnifon  de  la  Caroline  ,  aufquels  il 
avoit  fauve  la  vie,  qu’il  leur  donneroit  un  Paffeport ,  pour  aller 
par  tout  où  ils  voudroient  ;  mais  à  condition  qu’ils  n’auroient 
ni  Artillerie  ,  ni  autres  munitions  de  guerre  :  qu’au  refie ,  s’ils 
n’acceptoient  point  ce  parti ,  il  alloit  les  couler  à  fond ,  8c  ne  fe¬ 
rait  quartier  à  perfonne. 

.Son  Envoyé  ne  tarda  pas  à  revenir ,  8c  lui  rapporta  que  le 
Commandant  en  Chef  de  ces  trois  Navires  étoit  le  Fils  du  Gé¬ 
néral  Ribaut ,  (  d’autres  Mémoires  difent  qu’il  n’étoit  que  fou 
Neveu  )  8c  qu’il  lui  avoit  répondu  qu’il  ne  voyoit  pas  pourquoi 
les  Efpagnols  lui  faifoient  la  guerre  ,  puifqu’il  étoit  muni  d’une 
Commmion  du  Roy  fon  Maître  ,  avec  qui  le  Roy  Catholique 
étoit  en  paix.  Qu’au  furplus  ,  il  fe  défendrait ,  fi  on  l’attaquoit, 
8c  qu’il  efperoitle  faire  avec  fuccès.  Sur  cette  réponfe  Diego  de 
Maya  fit  tirer  un  coup  de  Canon  ,  qui  perça  un  des  trois  Navi¬ 
res  à  fleur  d’eau.  L’Equipage  n’y  pouvant  remedier  ,  qu’en  s’ex- 
pofant  au  feu  des  Ennemis ,  s’embarqua  dans  les  Chalouppes  , 
8c  paffa  dans  les  deux  autres  Navires  ,  qui  coupèrent  fur  le 
champ  leur  cable  ,  8c  allèrent  mouiller  hors  de  la  portée  du  Ca¬ 
non. 

Les  Mémoires  des  François  raportent  les  chofes  autrement , 
mais  il  en  faut  reprendre  de  plus  haut  le  récit,  qui  étant  de  M.  de 
Laudonnieremême ,  paraît  beaucoup  plus  certain.  Ce  Comman¬ 
dant  s’étant  fauvé  de  la  maniéré,  que  nous  avons  vû  ,  trouva  en¬ 
viron  une  douzaine  de  fes  Gens  dans  le  Bois.  Il  leur  propofa  de 
s’aprocher  de  la  Riviere  ,  pour  s’embarquer  dans  les  Navires  , 
dont  j’ai  parlé  ;  mais  quelques-uns  aimèrent  mieux  fe  réfugier 
chez  les  Sauvages ,  8c  le  quittèrent.  Il  fe  mit  en  chemin  avec  les 
autres ,  8c  ils  marchèrent  jufqu’au  foir  ,  ayant  prefque  toujours 
de  l’eau  jufqua  la  ceinture.  Vers  le  coucher  du  Soleil  ils  perdi¬ 
rent  terre  ,  8c  furent  contraints  de  s’arrêter ,  parcequ’ils  étoient 
trop  fatigues  ,  pour  fe  mettre  a  la  nage.  Deux  des  plus  vigou¬ 
reux  voulurent  bien  néanmoins  fe  rifquer  3  pour  donner  de  leurs 
nouvelles  aux  Navires  ,  &  en  amener  des  Chaloupes. 

En  effet ,  le  lendemain  de  grand  matin  les  Chaloupes  paru¬ 
rent.  Il  étoit  tems  quelles  arrivaffent  ;  M.  de  Laudonniere  fe 
mourait ,  8c  la  plupart  des  autres  n’étoient  guère  en  meilleur 


1565. 

vant  la  Caro¬ 
line. 


Ce  qui  arrive 
à  M.  de  Lau-t 
donniere  après 
la  prifc  de  Ton 

Fort. 


8o 


5^5 


Mauvaife 
conduite  du 
jeune  Ribaut. 


HISTOIRE  (GENERALE 

état  '  on  les  fit  revenir  avec  de  l’Eau-de-vie  ,  dont  on  avoit  eula 
précaution  de  fe  fournir  ;  &  dès  que  le  Commandant  eut  un  peu 
repris  fes  forces  ,  il  voulut ,  avant  que  de  s’embarquer ,  faire  un 
tour  dans  le  Bois ,  pour  voir  s’il  n’y  trouverait  pas  quelques-uns 
de  fes  Gens ,  qui  s’y  fuffent  égarés.  Ceux  qui  s  etoient  d  abord 
féparés  de  lui ,  l’avoient  prefque  tous  rejoint ,  quantité  d  autres 
s’etoient  aufli  rendus  au  bord  de  la  Riviere  par  differentes  rou¬ 
tes  ,  &  il  eut  encore  la  confolation  d’en  fauver  environ  vingt. 

Cependant  des  trois  Navires  François  il  netoit  refte  vis- 
à-vis  du  Fort ,  que  le  plus  grand  commande  par  Jacques  de  Ki- 
baut.  Cet  Officier  avoit  vû  les  Efpagnols  entrer  dans  la  Caro¬ 
line  ,  fans  tirer  un  feul  coup  de  Canon  fur  eux  quoiqu  il  fut  a 
portée  de  les  incommoder  beaucoup  ,  &  qu  il  eut  fur  fon  bord 
Soixante  Soldats  &  un  très-bon  équipage.  Il  eft  vrai  que  la  Pla¬ 
ce  avoit  été  prife  fi  brufquement ,  que  Ribaut  n  avoit  apparent 
ment  appris  la  nouvelle  de  l’attaque  ,  qu’au  moment  que  1  En¬ 
nemi  étoit  dedans ,  &  qu’en  tirant  fur  lui ,  il  pouvoit  craindre 
que  fes  coups  neportaffent  fur  les  François  ;  mais  il  n  eft  pas 
auffi  facile  de  l’excufer  fur  la  maniéré  ,  dont  il  le  comporta  avec 
M.  de  Laudonniere  ,  après  que  celui-ci  fe  fut  embarque  fur  fon 

Vü  commença  par  lever  les  ancres,  pour  rejoindre  les  deux 
-  autres  Navires ,  qui  étoient  mouillés  allez  proche  de  1  embou¬ 
chure  du  Fleuve .  Alors  Laudonniere  lui  propofa  d  aller  chercher 
M.  de  Ribaut,  dont  on  ignorait  encore  la  deftinee  ;  mais  il  dé¬ 
clara  que  fa  réfolution  étoit  prife  de  paffer  en  France  ,  fans  s  ar¬ 
rêter  en  aucun  endroit.  Ce  qui  choqua  tellement  Laudonniere  , 
qu’il  paffa  dans  un  autre  Navire.  Par  malheur  ce  Batiment  n  a- 
voit  point  de  Pilote  ,  qui  ofât  rifquer  de  naviguer  feul  :  Ribaut 
en  avoit  quatre  ,  &  ne  voulut  en  çeder  aucun.  Le  troifieme  Na¬ 
vire  ,  &  un  autre  Bâtiment ,  qui  étoit  refte  a  la  Cote  ,  n  avaient 
point  affez  de  Matelots  pour  manœuvrer ,  &  il  fallut  les  aban-* 
donner  :  Laudonniere  avertit  Ribaut  qu  il  fer  oit  bon  d  y  mettre 
le  feu  ,  de  peur  que  les  Efpagnols  ne  s’en  ferviftent ,  ou  contre 
lui-même  ,  ou  contre  FEfcadre  ,  fi  elle  reparoiffoit  ;  mais  il  n  en 
voulut  rien  faire  ,  deforte  que  M.  de  Laudonniere  ,  qui  jugeoit 
cette  précaution  d  une  néceffité  abfolue  ,  fut  oblige  d  envoyer 
fecrettement  fon  Charpentier  pour  les  bnfer  ,  &  les  couler  a 

T  i  nicrc  J’ignore  ce  que  devint  enfuite  le  jeune  Ribaut.  Pour  M.  de 
suive  en  Laudonniere  ,  après  avoir  été  fort  contrarie  des  vents ,  &  ou  - 


DELANOUVELLEFRANCE.Liv.il  *i 

fert  beaucoup  de  la  faim  ;  ilfe  trouva  dégradé  dans  le  Canal  de 
S.  Georges  ,  &  fut  contraint  de  prendre  terre  à  Briftol.  Il  refia 
lontems  malade  en  Angleterre  ,  &  dès  qu’il  fut  guéri ,  il  paffa  en 
France  ,  où  les  Efpagnols  prétendent  qu’il  fut  mal  reçu  du  Roy. 
Ce  ne  feroit  pourtant  pas  une  preuve  de  ce  que  les  mêmes  Efpa¬ 
gnols  tâchent  de  perfuader  ?  que  ce  Prince  étoit  de  concert  avec 
le  Roy  fon  Beaufrere  ,  pour  exterminer  les  Huguenots  de  la 
Floride.  Mais  l’Amiral  de  Coligni  étoit  plus  que  jamais  brouillé 
avec  la  Cour ,  &  l’on  y  regardoit  de  mauvais  œil  tous  ceux 
qui  lui  étoient  attachés.  5 

Malgré  les  diligences  de  M.  de  Laudonniere ,  tous  les  Fran¬ 
çois  n’avoient  pu  ,  ou  n’avoient  pas  voulu  le  fuivre.  Quel¬ 
ques-uns  s  etoient  retires  parmi  les  Sauvages  7  d’autres  en  petit 
nombre  fe  rendirent  aux  Efpagnols ,  qui  les  joignirent  aux  Pri- 
fonmers  ,  qu’ils  avoient  faits  àlaprifedela  Caroline.  Les  Hifio- 
riens  François  s’accordent  tous  à  dire  que  les  uns  &  les  autres 
furent  pendus  à  un  Arbre ,  auquel  on  attacha  un  Ecriteau  avec 
cette  infcnption  :  Ceux  -  ci  n’ont  pas  été  traités  de  la 

SORTE  EN  QUALITE  DE  FRANÇOIS  ,  MAIS  COMME  HE¬ 
RETIQUES  ,  et  Ennemis  de  Dieu.  Ils  ajoûtent  que  dans  la 
iuite  les  Efpagnols  étant  informés  queplufieurs  François  avoient 
ete  bien  reçûs  des  Sauvages ,  firent  par  tout  de  fi  grandes  recher¬ 
ches  ,  &  intimidèrent  de  telle  forte  les  Barbares  ,  que  la  plûpart 
de  ces  pauvres  Fugitifs  furent  obligés  de  fe  livrer  eux  -  mêmes  à 
leurs  Ennemis  ,  qui  ne  leur  firent  pas  plus  de  grâce  5  qu’à  leurs 
Compagnons.  D’autres  au  nombre  de  vingt ,  fe  voyant  pour¬ 
suivis  par  les  Efpagnols  prirent  la  fuite  à  travers  les  Bois  & 
furent  tous  tires  a  coup  de  fufil. 

Ceft  ainfique  D.  Pedro  Menendez  fe  rendit  Maître  de  la 
Monde  F rançoife.  Il  donna  fur  le  champ  à  la  Caroline  le  nom  de 
ian  Matheo  ,  qu  elle  porte  encore  aujourd’hui  ,  parce  qu’il  y 
etoit  entre  le  jour ,  qu’on  célébré  la  Fête  de  cet  Apôtre.  Ilfiten 
meme  tems  ôter  les  Armes  de  France ,  &  celles  de  l’Amiral  de 
Congru,  qui  etoientfur  la  principale  porte  ,  &  y  mit  celles  d’Ef- 
pagne.  Le  lendemain  vint -deux  il  marqua  un  emplacement 
pour  bâtir  une  Eglife  ;  puis  ayant  fait  la  revûë  de  fes  Troupes  , 

H  le  trouva  qu  il  n’avoitpas  quatre-cent  Hommes  effeûifs ,  quoi 

OU  il  II  611  lf  nprrlm  m  na  fvXn  _ _  a  .  A  *  /* 


*  5  d  5  • 

France* 


PI  u  fie  n  rs 
François  font 
pendus  par  les 
Efpaguols. 


La  Caçolîne 
eft  nommée 
San  Matheo* 


mi  il  n’en  eût  perdu  que  très-peu  ,  &  peut-être  pas  même  un  feul 
a  a  furpnfe  de  la  Caroline.  Mais  pendant  la  marche  plulîeurs 


etoient  retournés  à  S.  Auguftin  ,  parce  qu’ils  défefperoient  du 
luccesjde  1  entreprife  :  quelques-uns  s’étoient  égarés  ,  &  les  au- 

’  #  L 


1565. 

L’Adelantade 
retourne  à  S. 
Auguftin. 


Il  y  eft  reçu 
en  triomphe. 


Incendie  à 
San  Matheo  : 
ie  S. 

pnlevé  par  les 
François. 


82  HISTOIRE  generale 

très  étoient  reliés  en  arriéré  par  lâcheté ,  ou  par  pure  laffitude. 

L’Adelantade  nomma  enfuite  Gouverneur  de  San  Mat 
Gonzalo  de  Yillarroël ,  fon  Sergent  Major  ,  &  lui  laiffa  trois- 
rent  Hommes  de  earnifon.  Il  vouloit  partir  avec  le  relie  es 
jour  fuivant ,  pour  retourner  à  S.  Auguftin  ;  mais  fes  Offiaers 
lui  déclarèrent  qu’ils  netoient  pas  en  etat.de  marcher  ,  &  nleur 
nërmTt  de  fe  repofer  autant  de  tems  qu’ils  voudront.  Il  ajouta 
que  pour  lui  il  ne  pouvoir  pas  différer  fon  voyage,  pi« ^ 

rraivnoitciue  M.  de  Ribaut  ne  fe  dédommageai  de  la  peue  de 

la  Caroline  ,  en  lui  enlevant  S.  Auguftin  ,  <x  que  ,  fi  queiqu  un 
étoit  d’affez  bonne  volonté  pour  le  fuivre ,  A  lui  en  fçaur 
eré  maisqu’il  ne  vouloir  gêner  Perfonne,  Il  y  en  eut  trente- 
8rc  ’  ■  ivffi-irpnr  &  il  oartit  le  vint -trois  avec  eux,  tx 

cinq,  qui  S  offrirent  P  des  Gardes  ,  ayant 

François  «k  tCafbneda ,  ion  P  Alyarado  de  k  fulvre 

Î3S  ,  &  «  autres  Officiers  le  ne  pc.n. 

s’éloigner  du  Fort  fans  fon  ordre. 

Comme  les  KS. 

fe  ^fotenoit.  ifarriva enfin  à  S.  Auguftin ,  où  on  1  avoir  de- 
Spleuré  comme  mort ,  parce  que  les  Ôéferteurs  pour  cacher 
L  honte  de  leur  fuite  ,  avouait  publie  quil  avoir  péri  avec 
toute  fon  Armée.  Deux  Soldats  ,  qui  «voient _pr.s  ks  c levai  , 
avant  affûré  le  contraire ,  &  annonce  fon  prochain  retour , 
y  n-  n ....  moment  de  la  plus  extrême  confternation  a  lex 
cèVde  la  joye  •  tout  le  Monde  alla  au  devant  du  Vainqueur  des 
Hérétiques^  avec  la  Croix  &  le  Clergé  ,  en  chantant  le  Te 
Yitirm  &  il  fut  reçu  comme  en  triomphe.  .  r  ,, 
Son  premier  foin  fut  enfuite  d’envoyer  des  vivres  a  San  Ma- 
i  “  „Pui  en  avoit  un  plus  grand  befoin  encore,  qu  il  ne  croioit , 
parce’  qu’un  incendie  ,  qu’on  foupçonnoit  n’être  p^s  leffet  d  u 
nnr  ha/ard  v  avoit  réduit  prefque  tous  les  batimens  en  ce 
5  Il  anD’rit  même  peu  de  tems  après  que  la  Garnifon  de  cette 
fcSn  mmmée loutre  les  Chefs,  tes  malheurs  ne-furent 

S&SfcXORi  kle.  pic».»  *-**£• 

SS  étoient  que  del’Ifle  Efpagnole,  où  on  devoir  les 
ri,  on  les  envoyât  à  Flnquifition  d  Efpagne  ;  mais 

peine  furent-ils  en  Mer  ,  qu’avec  le  fecours  de  quelques  autres 


DELANOUVELLEFRANCE.Liy.il.  S3 

Etrangers ,  &  de  quelques  Matelots  ,  qu’ils  gagnèrent ,  ils  firent 
main  baffe  fur  les  Officiers  ,  s  aiîurerent  du  refle  de  l’Equipape  , 
&  conduiffrent  le  Galion  en  Dannemarc.  °  ’ 

L’Efcadre  de  M.  de  Ribaut ,  dont  on  n’avoit  point  encore  de 
nouvelles  ,  caufoit  auffi  quelque  inquiétude  au  Général  Efpa- 
gnol ,  qui  n’avoit  plus  de  Vaiffeau  en  état  de  lui  réfifter  ,  fi  elle 
venoit  l’attaquer  avant  l’arrivée  du  reffe  de  fa  Flotte  ,  qu’il  atten- 
doit  avec  impatience.  Mais  fes  craintes  &  fes  efperances  s’éva¬ 
nouirent  prefqu’en  même  tems  ,  &  le  trifte  fort  de  l’Efcadre 
Françoife  lui  fft  fupporter  plus  aifément  la  perte  de  fon  Galion 
&  la  diffipation  de  fa  Flotte ,  dont  il  fut  bientôt  informé. 

La  Tourmente  ,  qui  avoit  contraint  M.  de  Ribaut  de  s’éloi- 

fier  de  la  Riviere  de  S.  Auguffin  ,  au  moment  qu’il  y  tenoit  les 
fpagnols  hors  d  état  de  lui  refiffer ,  dura  jufqu’au  vinvt- trois 
de  Septembre  ,  le  jetta  a  plus  de  cinquante  lieues  de-là,  du  côté 
du  Canal  de  Bahame  ,  &  brifa  enfin  tous  fes  Vaiffeaux  fur  des 
Rochers.  Tous  les  Hommes  fe  fauverent  à  la  nage  ,  excepté  le 
Sieur  de  la  Grange  ,  quife  noya ,  mais  tout  ce  qui  étoit  fur  ces 
Batimens  ;  fut  perdu.  La  fuite  de  cette  malheureufe  aventure 
elt  racontée  fi  diverfement  par  les  François  &  les  Efpagnols  • 
qu  il  eft  abfolument  impoffible  de  les  concilier.  Ce  qu’un  Ecri¬ 
vain  impartial  doit  à  la  fidélité  de  l’Hiffoire  en  ces  occafions 
ou  la  vente  lui  échape  ,  malgré  qu’il  en  ait ,  eft  de  raporter  les 
deux  Venions ,  qui  fe  contredifent,  d’ajoûter  les  raifons  &les 
autorités,  fur  quoi  les  uns  &  les  autres  fe  fondent ,  &  d’en  laif- 
ler  le  jugement  au  Public. 

M.  de  Ribaut,  difent  les  Hiftoriens  François  ,  fe  trouvant 
dégradé  fur  une  Côte ,  qu’il  ne  connoiffoit  point ,  fans  armes  , 
&  fans  provifions  ,  voulut  eflayer  de  regagner  la  Riviere  de 
May.  Il  eft  plus  aife  de  concevoir,  que  de  dire,  combien  de  con- 
tretems  fâcheux  ,  de  miferes ,  de  fatigues  cette  Trouppe  infor¬ 
tunée  eut  a  effuyer,  en  marchant  dans  un  Pays  inconnu  ,  inha¬ 
bité  ,  &  fouvent  impratiquable.  Enfin  ce  Général  ayant  aperçu 
par  hazard  a  la  Cote  une  Chaloupe  abandonnée  ,  il  y  fit  em¬ 
barquer  Michel  le  Vaffeur  ,  pour  aller  obferver  en  quelle  fi- 
tuation  etoit  la  Caroline. 

I  V  y  a^eur  s’approcha  du  Fort  allez  près  pour  y  remarquer 
les  Enfeignes  Espagnoles  :  fon  retour  avec  une  fi  trifte  nouvelle 
confterna  tout  le  Monde ,  &  on  fut  affez  lontems ,  fans  pou¬ 
voir  prendre  aucune  réfolution  :  enfin  M.  de  Ribaut  fe  déter¬ 
mina  a  envoyer  Nicolas  Verdier  ,  Capitaine  d’un  de  fes  Navi- 

Lij 


1565. 


Menendcz 
apprend  de 
mauvaifes 
nouvelles  de 
fa  Flotte. 


Naufrage  de 
M.  de  Ribaut: 
contradiction 
entre  les  Hif- 
toriens  à  ce  fîx- 
jet. 


Ce  qui  arrive 
aux  François 
après  leur 
naufrage  fé¬ 
lon  nos  Hiilo- 
riens. 


■■■ 


1 565 


„  histoire  generale 

*  &  le  Sergent  la  Caille  ,  pour  fçavoir  du  Commandant  Es¬ 

pagnol  quel  iaittement  on  pouvoir  efperer  de  lui  .  ces  deux 
Sommes  étant  arrivés  au  bord  de  la  Riviere  ,  vis  a-vis  la  Fo  . 
tereffe  firent  un  lignai ,  qui  ne  fut  pas  plûtot  aperçu  ,  qu  on 
leur  envoya  une  Chaloupe  :  on  les  mena  enfuite  auComman- 
dant  à  qui  ils  demandèrent  ce  qu’étoient  devenus  M.  de  Lau- 
donniere^ &  fa  Garnifon  ?  Le  Commandant  leur  répondit  qu  a- 
nrès  la  nrife  de  la  Caroline  on  leur  avoit  donne  un  Navire  bien 
l?r£S  Pq  r  lenUel  Us  étoient  repaffés  en  France  ,  &  que  fi  M.de 
Rjb'au t  voulon fe mettre  à  la  Jifcretion,  il éprouveroit  les  me- 

S2S&  Envoyés  crurent  fec.re  ,  les  «f- 

sûra  &  ils  fe  hâtèrent  d’en  aller  faire  part  a  leur  General.  Le 

av^s  furent  néanmoins  partagés  entre  les  François  ,  les  uns  fou- 
avis  turent  ^  Gens ,  qu’on  fçavoit  avoir  pour 

priirc  pî  qu  “  ohlt  une  chofe  àgïéable  à  Dieu  que  d’ex- 
rermmer  ceux  ,  qui  ne  profeffoient  pas  la  Religion  Romaine  ? 
&  les  autres  difant  qu’une  prompte  mort  etoit  prefeiable  a 
la  trifte  Situation  ,  où  ils  fe  trouvoient.  Ribaut  penfoit  comme 
ce  ern  e  s ,  &  entraîna  tout  le  Monde  dans  fon  fentiment.  La 
Caille  fut  renvoyé  à  San  Matheo  ,  &  ne  demanda  que  ce  que  le 
co  i  x.  j p  cette  Place  avoit  offert  lui-meme  ,  a  fçavoir  y 

repaffer  enFrance  ,&,*»  leur 
fourniroit  un  Vaiffeau  avec  tous  fes  agrez  ,  &  les  provifions  ne- 
cXe°  Le  Commandant  le  promit  de  nouveau ,  &  en  jura 

VeYécution  fur  ce  qu’il  y  a  de  plus  iacre. 

Aprè  des  affûrafices  fi  formelles ,  il  n’y  eut  perfonne  parrnt 
lesYrançois  ,  qui  fît  aucune  difficulté  de  fe  livrer  entre  les  mains 
des  Efpagnols;  ceux-ci  leur  envoyèrent  des  Chaloupes  ,  mais 
à  peineeurent-ils  paffé  la  Riviere,  qu’ils  comprirent  qu  ils  etoient 
trahis.  A  melure  qu’ils  fortirent  des  Chaloupes ,  on  les  lia  qua¬ 
tre  à  quatre  :  Meffieurs  de  Ribaut  &  d’Ottigm  furent  menes  ieuls 
dans^a  Place  du  Fort ,  où  ayant  demande  a  parler  au  Com¬ 
mandant  pour  fçavoir  de  lui  la  raifon  d  un  traitement  fi  con¬ 
traire  à  ce  qu’on  leur  avoit  promis,  on  leur  répondit  que  le  Corn 

Soldat  vint  trouver  M.  d.  Ri; 
baut  &  lui  demanda  s’il  n’étoit  point  le  General  des  François  ! 
Il  répondit  qu’il  l’étoit.  „  N’avez-vous  pas  toujours  prétendu,  re- 
„  parut  le  Soldat ,  que  ceux  ,  qui  étoient  fous  vos  ordres  ,  von 
obéiffent  ponauellement  ?  Sans  doute  ,  répliqua  Ribaut ,  qui  n< 


Xt 


- 

"J. * 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL 

comprenoit  pas  bien  où  tendoit  ce  difcours.  Ne  trouvez  donc  «  1565. 
pas  étrange ,  reprit  le  Soldat ,  que  j’exécute  auffi  l’ordre  que  j’ai  «  y 
reçu  de  mon  Commandant  “  ,  &  en  achevant  ces  mots ,  il  lui 
enfonça  un  poignard  dans  le  cœur.  Un  autre  Soldat  fit  les  mê¬ 
mes  queflions  9  &  le  même  traitement  à  d’Ottigni ,  qui  prenoit 
le  Ciel  à  témoin  de  la  perfidie  des  Efpagnols. 

Cette  première  exécution  fut  un  lignai  pour  la  Garnifon  ,  qui 
fe  jettaàl’mftant  furies  François  9  &  tous  furent  égorgés  en  un 
moment.  Suivant  un  Mémoire  ,  qui  ne  paroi t  pas  fufpecl  en  ce 
point  j  huit  cent  François  périrent  parles  mains  des  Efpagnols  ; 
mais  il  7  a  bien  de  l’apparence  qu’il  faut  comprendre  dans  ce 
nombre  tous  ceux  ,  qui  avoient  été  tués  à  la  prife  de  la  Caroli¬ 
ne.  Il  eft  certain  d  ailleurs  que  Menendez  referva  plufteurs  Ar- 
tifans ,  &  autres  Gens  de  travail  pour  les  ouvrages  ,  qu’il  vou- 
loit  faire  à  San  Matheo  &  à  S.  Auguftin. 

Quelques-uns  ont  écrit  que  M.  de  Ribaut  fut  écorché  vif, 

&:  que  fa  peau  fut  envoyée  en  Efpagne  ;  mais  je  ne  trouve  point 
ce  fait  allez  fonde  en  autorités.  Une  pièce  allez  curieufe  9  qui 
fut  préfentée  l’année  fuivante  au  Roy  Charles  IX.  fous  le  titre 
de  Supplique  des  J$duves  &  des  Enfans  de  ceux  }  qui  avoient  été 
maffacres  en  Floride  ,  dit  feulement  qu’après  qu’un  Soldat  eut 
frappe  le  General  par  derrière  ,  il  tomba  fans  connoilïance  ; 
qu  il  fut  achevé  fur  le  champ  ,  &  qu’enfuite  on  lui  coupa  la  bar¬ 
be  ,  que  D.  Pedro  Menendez  envoya  à  Seville  ,  comme  un  tro¬ 
phée  de  fa  viéloire  ;  que  fa  tete  partagée  en  quatre  fut  expofée 
fur  autant  de  picquets  ;  que  les  cadavres  de  ceux  ,  qui  avoient 
ete  tues  a  la  prife  ae  la  Caroline ,  furent  aportés  dans  le  lieu ,  où 
les  derniers  venoient  d’être  malfacrés  ;  qu’on  traita  avec  une  in¬ 
dignité  fans  pareille  les  relies  affreux  de  ces  miferables,  &  qu’en¬ 
fuite  on  les  brûla  tous  enfemble. 

Le  détail ,  que  je  viens  de  rapporter  ,  d’après  M.  de  Laudon- 
niere  ,  qui  1  a  ajoûte  à  fa  Relation ,  ell  principalement  fondé  fur 
le  récit  d  un  Matelot  de  M.  de  Ribaut ,  dont  l’avanture  a  quel- 
(|ue  chofe  de  fort  furprenant.  Cet  Homme  avoit  été  lié  comme 
les  autres ,  &  avoit  reçu  plulieurs  coups  de  poignard  ,  qui  le  fi¬ 
rent  tomber  évanoui  fous  les  quatre  autres  3  avec  lefquels  il  étoit 
attache  .  On  ne  dqutoit  point  qu’il  11e  fût  mort ,  mais  la  nuit  fui¬ 
vante  il  revint  à  lui ,  &  le  fouvint  qu’il  avoit  un  couteau  dans  fa 
poche  ,  il  s’en  fervit  pour  couper  fes  liens  9  fe  leva ,  &  gagna  Le 
Pois.  11  banda  enfuite  fes  play  es  le  mieux  qu’il  put  ,  &  ne  fe 
croy  ant  pas  en  sûreté  fi  près  des  Efpagnols  9  il  s’éloigna ,  &  mar¬ 
cha  trois  jours ,  fe  réglant  fur  le  Soleil. 


Aventure  fin 
guliere  d'un- 

«D 

Matelot. 


5  6  5 


8(î  HISTOIRE  generale 

Il  arriva  enfin  dans  un  Village ,  dont  le  Chef  voulut  bien  le  re¬ 
cevoir  :  on  le  panfa  ,  &  on  le  traita  bien  .1  guérit  parfaitement, 
££  au  bout  de  huit  mois  le  Paraouft.  lui  déclara  qu  il  ne  pou- 
“oit  plus  le  garder  ,  &  qu’il  falloir  qu’il  s’allât  rendre  aux  Espa¬ 
gnols,  ou  qu’il  le  leur  livreroit.  Etourdi  de  cette  déclaration  , 
le  ne  fçaehant  à  quoi  fe  réfoudre ,  il  prit  enfin  le  parti  de  s  eva- 
der  &  après  avoir  lontems  erré  à  l’aventure  ,  il  fe  trouva  a  deux 
lieu’ës  de^ San  Matheo.  Alors  il  lui  prit  un  redoublement  de 
frayeur  ,  qui  le  mit  hors  de  lui-même  ,  &  ne  pouvant  gagner  fur 
foi^de  fe  remettre  entre  les  mains  de  fes  Bourreaux  ,  il  relolut  de 
demeurer  où  il  étoit ,  &  de  s’y  laiffer  mourir  de  faim. 

Il  avoit  déjà  paffé  quatre  ou  cinq  jours  ,  fans  lien  prendie  , 
&  il  n’avoit  prefque  plus  la  figure  d’Homme,  loriqu  il  fut  ren¬ 
contré  par  un  Chaffeur  Efpagnol ,  leque  fut  d  abord  faifi  d  hor¬ 
reur  à  la  vûë  de  ce  Malheureux  ,  qui  lui  demandoit  la  vie  a 
mains  jointes.  Il  lui  promit  d’employer  toutfon  crédit  auprès 
du  Gouverneur ,  pour  lui  obtenir  fa  grâce  ,  &  il  ne  voulut  pas 
même  le  conduire  au  Fort,  quonne  la  lui  eut  accordée.  Le 
Matelot  fut  mis  enfuite  parmi  les  Efclaves  ,&  demeura  une  an¬ 
née  entière  dans  le  Fort  en  cette  qualité.  About  de  ce  tems-la 
on  l’envoya  à  la  Havane  ,  où- on  le  joignit  a  un  Gentilhomme 
François  ,  nommé  Pompierre ,  qui  etoit  pnfonmei  dans  ce  Port 
depuis  la  malheureufe  équipée  des  Séditieux  de  la  Caroline ,  ou 
Havoit  étéengagé  malgré  lui.  On  les  attacha  enfemble  avec  une 
chaîne  de  fer  &  on  les  vendit  à  des  Portugais  ,  qui  alloient  au 
Brefil.  Par  bonheur  le  Vaiffeau  ,  qui  les  portott ,  fut  pris  par 
un  Capitaine  François ,  nommé-Bontems  ,  &  ils  recouvrèrent 
ainfi  leur  liberté  ,  dans  le  tems  qu’ils  avoient  tout  lieu  de  croire 
que  leur  efclavage  ne  finiroit  qu  avec  leur  vie.  ^ 

J’ai  dit  que  cette  Relation  eft  la  fource  ,  ou  ont  puile  tous 
ceux  ,  qui  ont  écrit  la  tragique  cataftrophe  des  François  dans  la 
Floride  ;  mais  il  y  a  une  fi  grande  diverfite  de  circonftances 
dans  le  narré  ,  qu’ils  en  font ,  qu’on  a  bien  de  la  peine  a  y  dé¬ 
mêler  l’exacle  vérité.  Cependant  tous  conviennent  allez  de  ce 
qu’il  y  a  de  plus  effentiel ,  &  furtout  de  la  parole  donnée  avec 
ferment  à  M.  de  Ribaut ,  de  lui  fournir  un  Vaiffeau  pour  repaf- 
fer  en  France  avec  tout  fon  Monde.  M.  de  Thou  ajoute  queD. 
Pedro  Menendez  ne  fe  comporta  ,  comme  i  fit  a  1  egard  des 
François  de  la  Floride  ,  que  par  1  impreffion  des  principaux  Mi¬ 
nutes  de  la  Cour  de  France  ,  qui  lui  donnèrent  avis,  du  départ 
de  M.  de  Ribaut,  afin  qu’il  les  pourfuivit  &  les  combattit.  L  Hi- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  87 

ftorien  moderne  de  la  Floride  prouve  affez  bien  la  fauffeté  de 
cette  prétention  ;  mais  fi  les  François  de  la  Floride  n’ont  point 
été  defavoüés  par  leur  Souverain  ,  fi  Meilleurs  de  Ribaut  8c 
de  Laudonniere  ont  eu  des  Commifîions  de  ce  Prince  pour  b⬠
tir  des  Forts  ,  &pour  faire  des  établiffemens  dans  cette  par¬ 
tie  de  l’ Amérique  ,  où  l’Efpagne  n’en  a  voit  jamais  eu  aucun  , 

maniéré  ,  dont  ils  furent  traités  en  plei- 


5  ^  5 


comment 


iqi 

_ t  juffiner  la  maniéré  ,  dont  ils  furent 

ne  paix ,  félon  le  récit  même  ,  qu’en  a  fait  le  Do&eur  Solis  de 
LasMeras  ,  dont  la  Sœur  avoit  épouféD.  Pedro  Menendez, 
8c  qui  accompagna  ce  Général  dans  fon  expédition  ?  C’eft  fur  le 
témoignage  de  ce  Dotfeur  ,  qui  parle  comme  témoin  oculaire  , 
&  qui  a  été  copié  par  D.  André  Gonzalez  de  Barcia  ,  que  je  vais 


opte  par  u.  /inare  vronzaiez  üe  rsarcia  ,  qi; 
rapporter  la  fécondé  verfion  de  la  fin  de  cette  Tragédie  ,  dont 
on  va  voir  la  fcéne  tranfportée  de  San  Matheo  à  S.  Auguftin. 

Tandis  que  D.  Pedro  Menendez  s’occupoit  à  fortifier  ce 
dernier  Polie,  dans  la  crainte  que  M.  de  Ribaut  ne  vînt  l’y  atta-  Verfion  des 
quer  ,  quelques  Sauvages  lui  donnèrent  avis  qu’à  quatre  lieues  Efpagnois. 
de-là  il  y  avoit  beaucoup  de  Chrétiens  fort  embarraffés  à  palier 
une  Baye  ,  qui  n’étoit  pourtant  que  l’embouchure  affez  étroite 
d’une  petite  Riviere.  Sur  cette  nouvelle  l’Adelantade  prit  avec 
lui  quarante  Soldats  ,  pour  reconnoître  par  lui-même  de  quelle 
Nation  étoient  ces  Chrétiens  ;  mais  comme  il  étoit  parti  fort 
tard  ,  il  étoit  nuit  lorfqu’il  arriva  au  lieu  ,  qui  lui  avoit  été  mar¬ 
qué  ,  &  il  campa  un  peu  en-deçà  de  la  Riviere. 

Le  lendemain  matin  il  pofta  fon  Détachement  de  maniéré  , 
qu’il  ne  pouvoit  pas  être  aperçu  ;  il  monta  enfuite  fur  un  Arbre , 
d’où  il  découvrit  beaucoup  de  monde  de  l’autre  côté  de  la  Baye, 

&  il  remarqua  même  qu’ils  avoient  des  Bannières.  Il  defcenclit , 

&  s’approcha,  &  au  moment  qu’il  parut,  unGafcon,  de  S.  Jean 
de  Luz,  paffala  Riviere  à  la  nage  ,  &  l’ayant  abordé,  lui  dit  que 
tous  ceux  ,  qu’il  voyoit ,  étoient  des  François ,  qui  avoient  fait 
naufrage.  Menendez  lui  demanda  d’où  ils  venoient ,  &  il  ré¬ 
pondit  que  c  etoit  les  Gens  de  M.  de  Ribaut ,  Capitaine  Géné¬ 
ral  de  la  Floride  pour  le  Roy  de  France.  L’Adelantade  lui  de¬ 
manda  s  ils  etoient  Catholiques  ,  &  il  dit  que  non.  »  Vous  pou¬ 
vez  apprendre  a  votre  Général ,  reprit  l’Adelantade  ,  que  je  fuis 
Pedro  Menendez  Vice-Roy  &  Capitaine  Général  de  la  Floride 
pour  le  Roy  Catholique  Philippe  II.  que  je  fuis  venu  ici  avec 
des  Soldats  ,  parceque  j’ai  fçu  que  vous  y  étiez. 

Le  François  s’en  retourna  avec  cette  réponfe ,  &  revint  peu 
de  tems  après  demander  au  Général  Efpagnol  un  Sauf-Conduit 


« 


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i  5  6* 


HISTOIRE  GENERALE 

Menendez  répondit  qu’il  vouloit  bien  l’accorder,  &  que  leCom 
“X'puvoi.  vâi,  fur  6  paroi.  On  lui  envoya  un  Officier 
S'auelaues  Soldats,  qui  furent  affez  bien  reçus.  LAdelantad 
Savoit  Près  de  fa  personne  que  dix  Hommes ,  le  refte  de  fon  Dé¬ 
tachement  étoit  un  peu  plus  loin  ,  derrière  des  Butffons  difpo- 
fés  de  telle  forte,  qu’ils  paroiffoient  être  en  beaucoup  plus  grand 
nombre  qtfils  n’étoient  en  effet.  L’Officier  en  abordant  ce  Gé¬ 
néral  lui  ât  qu’ils  avoient  fait  naufrage  pendant  la  dermere  te 

Üupes  qu’il  le  prio.t  de  leur  prêter  fon  Batteau  pour  paffer  une 
Rave  &  un  bras  de  Mer  plus  éloigné  de  quatre  lieues,  pour 
(Prendre  à  un  Fort ,  que  leP Roy  leur  Maître  avoit  a  vingt  lieues 

de’L’Adelantade  lui  demanda  ,  s’ils Rét°k" nCRaft“  ai0^ 
l’Officier  répondit  qu’ils  étoientde  la  Religion  Reformee  .  alo  s 
■il  ;  ffif-  Cieur  ie  me  fuis  rendu  Maître  de  votre  Fort, 
&  fai  fait  main  baffe  fur  la  Garnifon  ,  mais  ,’ai  epar£e  les 
Femmes  &  les  Enfans  au-deffous  de  quinze  ans  ;  &  afin  que 
F  onWoutiezpoint,  parmi  les  Soldats,  que  ,’ai  ici  avec 
v°-  il  v  en  a  deux  de  votre  Nation  ,  à  qui  j’ai  fait  grâce  ,  parce 

iire^aporKr  à^mange^^vous^verre^w^dêux^Cornpitrimie^ 

lui-même  prendre  quel- 

^Aubout  d’une  heure  ii  revint  où  étoient  les  François ,  &  leur 
demanda  s’ils  étoient  bien  convaincus  de  ce  qu  il  leur  a™>t  dit 
L’Officier  lui  répondit  qu’il  n’en  pouvoit  plus  douter ,  &  qu  il  le 
coniuroit  de  leur  donner  un  Navire  pour  retourner  en  France. 
Je  le  ferois  volontiers ,  repartit  l’Adelantade ,  fi  vous  etiez  - 
*  holiques ,  &  que  j’euffe  des  Bâtimens ,  dont  je  puffe  me  paffer 

"  S"ec  vous  ,  jufqu’àce  qu’il  fe  préfente  une  occafion  pour 
»  reiter  ,  „ .  •]  ’i-  a  noint  de  guerre  entre  nos  deux  Na- 

»  nous  em  arque  ?  fom  Freres  &  Amis.  Il  eft  vrai ,  répliqua  Me- 

'  Sz  ™  ^es  François  *Carholiques  fon,  no.  Allié,  &  ». 
”  a  •  ,  ’  il  n’en  eft  pas  de  même  des  Heretiques  ,  a  qui  je  fai 

:  a  i  6«,“  5  sr2,»cé ,  &  a  s»  I»  pi- 


» 

» 

» 

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» 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  II.  89 

poiirrai  (  a  )  à  tous  ceux  de  cette  Sefte  ,  que  je  rencontrerai  fur  « 
Mer  &  fur  Terre  ,  &  en  cela  je  prétens  fervir  les  deux  Rois.  Je  « 
luis  venu  en  Floride  pour  y  établir  la  Foy  Catholique  &  Ro-  « 
maine.  Si  vous  voulez  vous  abandonner  à  ma  mifericorde  &  « 
me  livrer  vos  Armes  &  vos  Enfeignes ,  je  ferai  de  vous  ce’oue  « 
Dieu  m’infoirera  ;  finon ,  prenez  le  parti ,  qu’il  vous  plaira ,  mai.  * 
n  eiperez  de  moi  ,  ni  amitié  ,  ni  trêve.  " 

En  achevant  ces  mots  il  les  quitta ,  leur  difant  qu’ils  fe  conful- 
taffent.  Le  Gafcon  ,  dont  nous  avons  parlé  ,  s’offrit  alors  pour 
aller  rendre  compte  à  toute  la  Trouppe  de  ce  qu’il  venoit  d’em 
tendre  ^on  le  lui  permit ,  &  il  revint  au  bout  de  deux  heures. 
Alors  1  Officier ,  &  ceux  ,*  qui  l’accompagnoient ,  allèrent  re¬ 
trouver  1  Adelantade,  &  lui  offrirent  vingt  mille  Ducats,  s’il  vou- 
Imt  leur  affurer  la  vie.  Menendez  leur  répondit ,  qu’encore  qu’il  / 
ne  fut  qu  un  pauvre  Soldat ,  il  n’étoit  point  capable  de  fe  con¬ 
duire  par  des  vues  d’intérêt  ;  que  s’il  avoit  à  faire  une  grâce  ,  il 
la  voudrait  faire  par  pure  générofité  ;  &  comme  l’Officier  infi- 
itoK ,  il  lui  proteffa  qu’on  verrait  plûtôt  le  Ciel  fe  joindre  à  la 
I  erre  ,  quon  ne  le  verrait  changer  de  réfolution. 

1  tïU1  cett®  rép°nfe  ^  Officier  &  les  Gentilshommes  ren afferent- 


Tome  I. 


Vte  e fia  la  h  aria  con  toda  crueldad. 

M 


histoire  generale  ^ 

90 a-  Tons  les  autres  déclarèrent  qu’ils  étoient  bons  Chré- 
guftin.  Tous  les  ai  ^  nouvelie  Reforme  :  ils  furent  auffi- 

*»4  s»u"s««-  tfisraajsi &3it 


mêmes  Sauvages ,  qui  miav^u  ‘  olffolt  au  même  en- 

sfSiïiÉasf 

iSsiSsi 

COniîlûtôtPclécouvert^ fqu’ Sonnèrent  l’allarme  ,  déployèrent 

f  étendart  Royal  &  deux  Bannières  de  campagne  ,  firent  jouer 

Ses  &  S  Tambours  &  fe  muent  en  «j-jg-jf** 

A  cette  vûë  l’Adelantade  commanda  a  les  Soldats  d~ 

r  A  L  a ':Pimer  &  de  ne  donner  aucune  marque  d  émotion, 
feoir,  de  dejeuner  ,  oe  uc  avec  fou 

pniir  i,-.i  Ü  fe  oromena  tranquillement  lur  & 

sÊéssmi su 

SSS'ÏSftiKSËS 

qu’un  L’Adelantade  fit  répondre  que  puifou.ls  avment  un  Ka 
T  .,,,  rutoit  à  eux  à  le  venir  trouver  ,  s  ds  avoient  betoin  as 

leur  envoyé  Ain^Pirogue  ,  qui  étoit  fur  le  nvage  ,  quelquun 

s^sssît-iîSrÆŒ  <-*  *■*» 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  ç>i 

de  M.  de  Ribaut ,  Vice-Roy  &  Capitaine  Général  de  la  Floride 
pour  le  Roy  de  France  ;  que  la  derniere  tourmente  avoit  brifé 
les  Vameaux  ,  qu’d  avoit  avec  lui  trois-cent  cinquante  Fran¬ 
çois  ,  avec  lefquels  il  deiîroit  fe  rendre  à  une  Fortereife  qu’il 
avoit  à  vingt  lieues  de-là  ;  qu’il  leprioitde  lui  prêter  des’ Cha- 
iouppes  pourpaffer  cette  Rivière,  &  une  autre,  éloignée  de  qua¬ 
tre  lieues  de  celle-ci ,  &  qu’il  fouhaiteroit  fçavoir  à  qui  il  avoit 
a  faire. 

L’Adelantade  lui  fit  la  même  réponfe  ,  qu’il  avoit  déjà  faite 
aux  premiers  François  ,  ajoutant  qu’il  avoit  déjà  puni  de  mort 
une  autre  Trouppe  echapée  du  même  naufrage  ,  parcequ’elle 
s  était  mal  comportée  II  le  condmf.t  même  ,  où  étoient  encore 
les  cadavres  de  ces  Malheureux,  &  lui  ajoûta  qu’il  n’avoit 
point  de  Chalouppe*  a  leur  prêter.  L’Officier  ,  fans  faire  paroî- 
tre  la  moindre  alteration  ,  lui  demanda  ,  s’il  ne  vouloit  pas  bien 
envoyer  afon  General  un  de  fes  Gentilshommes ,  ou  palfer  lui- 
merne  la  Riviere,  pour  lui  déclarer  fes  intentions  ?  »  Mon  Frere,  « 
reprit  lAdelantade  portez  ma  réponfe  à  votre  Commandant ,  « 
&  dites  lui  que,  s  il  veut  me  parler,  il  peut  me  venir  trouver  « 
avec  quatre  ou  fix  des  fiens  ,  pour  délibérer  avec  eux  fur  le  par¬ 
ti ,  qu  il  lui  conviendra  de  prendre ,  &  que  je  lui  donne  pour 
cela  toute  surete.  «  r 

Le  Gentilhomme  partit  avec  cette  réponfe  :  il  revint  au  bout 
dune  demie-heure  ,  &  affina  l’Adelantade  que  M.  de  Ribaut 
etoit  dnpofe  a  fe  rendre  auprès  de  lui  fur  la  parole  :  qu’il  le 
prioit  de  lui  envoyer  fon  Batteau.  Menendez  le  refufa  ,  &  dit 
que  le  General  François  pouvoir  palfer  dans  la  Pirogue  fans  au¬ 
cun  rifque.  Ce  fut  donc  une  néceffité  pour  M.  de  Ribaut  de 
s  embarquer  dans  la  Pirogue  avec  huit  Gentilshommes  :  il  fut 
ien  reçu  de  1  Adelantade  ,  qui  lui  fit  auffitôt  fervir  la  collation  : 
il  lui  montra  enfuite  les  corps  morts  de  fes  Gens  :  il  lui  reneta 
tout  ce  qu  il  lui  avoir  fait  dire  de  la  prife  de  la  Caroline  ,  &  s’a¬ 
percevant  qu  il  ne  le  perfuadoit  pas ,  il  fit  venir  deux  François , 

etoit'vraye.tOUt  VÛ’ &  ^  affûrerent  à  leur  Général  <P*  ^  chofê 
Alors  M.  de  Ribaut  dit  au  Général  Efpagnol  que  les  évene- 

ver  auteFmVnc  ’ ét01ent  ™  ,  que  touï  fe  qu?veno,t  d’arri¬ 
ver  aux  François  ,  pourrait  bien  lui  arriver  un  jour  à  lui-même  ■ 

que  leurs  Rois  étaient  Frères  &  Amis  ,  &  qu’au  nom  de  cetté 

îance  il  le  conjurait  de  lui  fournir  un  Bâtiment  &  des  vivres 
pour  retourner  en  France  ;  mais  il  n’en  put  tirer  d’autre  répon- 

M  ij 


1565 


« 


« 


I  s6  5‘ 


92 

fe 


HISTOIRE  generale 

eue  celle  ,  qui  .voit  été  faite  à  la  première  Trouppe.  Sur 

l’onl  dit  qu’il  alloit  délibérer  avec  fon  Confeil , 
toi  iian-H  _ 1  r^filcliommes  .  il  nepoui 


"  '  '  Au  rm’il  alloit  délibérer  avec  îuu  ^umv»  5  parce  qn  aïant 

RiÜ” «p"E'Cà™«  » &  »  “>™  d'  “oi!  1*u'“  d” 

retour.  ,  fec  Gens  confentoient  à 

U  dit  à  FAdelantadequunepame.  de  te i  plus  grand 

fe  livrer  à  fadifcretion ,  mais ique  ce  jP  maîtPs  df  faire 

nombre.  Menendez  rebondit  qu  ^  ^  indifferente.  M. 


» 


» 


*> 


$> 


CcUa  ,  'lu'‘l 

plus  de  cent  mille ;  Uucats 1  pour  kur d’entr’eux 

neroient  encore  davan  g,  P  S  pasmême  trop  éloignés 
étoient  fort  riches  ,  &  V  s  «  «oient^p  fauftir^rauroii 

de  refter  dans  le  Pays,  ^  Menendez.  pour  exécuter 

bien  beynde^coms  re^a  ^  Maitre  ,  qui  font  decon- 

Æ «-il Flor.de  W abUr  l’Evangile  ;  H  - 

fâche  beaucoup  de  ne  pouvoir  en  profiter  GénéralEfpa_ 

Cette  réponfe  fit  juger  a  M.  vouloir  bien  lui 

gnol  fe  laideron  à  la  fin  tenter  ,  ^  Obérer  avec  fa 

accorder  demiere  réponfe.  Il  obtint  ce 

SEndoit  ,  S’v.nt 

tenter  à  l’ Adelantade  deux  Etendatts  lundu 

&  l’autre  de  1  Amiral  de  o  ign  .  .  ^or  tr^s_bien  travail- 

gnies  ,  une  Epee ,  une  Dagu  ,  ?Jachet  que  l’Amiral  de 

fé  ,  un  Bouclier  un  P.ftolc  ’fc5kr  en  fon  nomïes  Provifions. 
Coligm  lui  avoir  donne 1,  pour  foi ci  ante  per. 

Lues ,  auffi-bien  que  à ,  à  fe 

livrer  enne^éTmains^qu’il  pouvoir  envoyer  fon  Barreau  pour 
leSZ’aAdeeia„tade  en  donna  fur  le  champ 

avoit  fait  la  première  fois.  M.  d ^  >,  ^  dema„. 
avec  lui ,  furent  auüi  lies ,  apr  q  >  u  rénondit 

da  s’ils  étoient  Catholiques  ou  R  &  commenta 

pour  tous ,  qu’ils  étoient  de  la  nouvelle  Reforme  ,  ôc  co  y 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  95 

à  réciter  le  Pfeaume  Domine  ,  memento  mei  3  &c.  (a)  Puis  il 
dit  :  »  Nous  fommes  fortis  de  la  terre  ,  &  nous  devons  tous  y 
retourner  ,  vingt  ans  plûtôt,  ou  plus  tard,  c’eft  tout  un  ,  qu’on 
faffe  de  moi  ce  que  l’on  voudra.  »  L’Adelantade  donna  aum-tot 
le  lignai  pour  les  expédier  ,  &  il  fut  obéi.  Il  fe  trouva  encore 
dans  cette  bande  quatre  Catholiques  ,  aufquels  011  lit  grâce. 

Menendez  retourna  enluite  à  S.  Augudin  ,  où  quelques-uns  le 
taxèrent  de  cruauté  :  les  autres  ,  non-feulement  aprouverent 
fa  conduite  ,  mais  ajoutèrent^  que  quand  bien  même  tous  les 
François  auroient  été  Catholiques  ,  on  eût  dû  les  exterminer, 
par  la  raifon  ,  qu’y  ayant  peu  de  vivres  à  S-  Auguftin  ,  tant  de 
Frifonniers  y  auroient  bientôt  mis  la  famine  ;  outre  qu’étant  en 
plus  grand  nombre  que  les  Efpagnols  ,  ils  auroient  pu  fe  rendre 
maîtres  du  Fort  ,  &  malfacrer  la  Garnifon  en  reprefailles  de  ce 
qui  avoit  été  fait  à  la  Caroline- 

Environ  trois  femaines  après  cette  expédition ,  FAdelantade 
fut  averti  par  des  Sauvages  ,  qu  a  huit  journées  de  S.  Auguftin 
vers  le  Sud,  à  la  Côte  de  Canaveral,  qui  borde  le  Canal  de  Baha- 
me  ,  il  y  avoit  encore  des  François  ,  qui  bâtilfoient  un  Fort ,  & 
conftruifoient  un  Navire..  Il  ne  douta  point  que  ce  ne  fulfent  les 
deux-cent  Hommes  ,  qui  avoient  quitté  M-  de  Ribaut ,  &  dé¬ 
pêcha  fur  le  champ  un  Courier  au  Gouverneur  de  San  Matheo  , 
avec  ordre  de  lui  envoyer  cent  cinquante  Hommes.  Ce  Déta¬ 
chement  arriva  à  S.  Auguftin  le  vingt-trois  d’Octobre ,  fous  la 
conduite  d’André  Lopez  Patiho  ,  &  de  Jean  Velez  de  Medra- 
no  ,  Menendez  le  renforça  d’un  pareil  nombre  de  Soldats  de  fa 
Garnifon  ,  &  partit  le  vingt-fix  avec  cette  Trouppe  ,  marchant 
à  pied ,  &  faifant  fuivre  les  armes  ,  &  les  vivres  fur  deux  Bat- 
teaux  ,  qui  moüilloient  tous  les  foirs  vis-à-vis  de  fon  camp. 

Le  premier  de  Novembre  il  découvrit  les  François  ,  qui  fort 
furpris  de  voir  arriver  les  Efpagnols ,  fe  fauverent  fur  une  Mon¬ 
tagne.  Menendez  leur  envoya  dire  qu’ils  pouvoient  venir  fans 
crainte ,  &  que  non-feulement  il  leur  donnoit  sûreté  pour  la 
vie,  mais  qu’il  les  traitteroit  même  comme  fes  propres  Soldats .  La 
plûpart  fe  fièrent  à  fa  parole  ,  &  il  la  leur  tint  exactement  ;  il  s’en 
fervit  même  dans  la  fuite  de  fes  expéditions  ,  &  il  en  gagna  plu- 
fieurs  a  la  Religion  Catholique  ;  mais  leur  Commandant ,  & 
une  vintaine  d’autres  répondirent  à  fon  Envoyé  qu’ils  aimeroient 
mieux  être  mangés  par  les  Sauvages  ,  que  de  fe  livrer  entre  fes. 
mains.  Il  méprifa  leur  petit  nombre  ,  &  il  les  laiffa  en  repos ^  IL 

D]  Il  n’y  a  point  de  Pfeaume  ,  qui  commence  par  ces  mots. 


\ 


94  histoire  generale 

“7 -  fit  mettre  le  feu  au  Fort  &  au  Vaiffeau  ,  qui  étoient  déjà  bien 

1  5  6  5  •  avallcés  ,  &  il  s’en  retourna  à  S.  Auguftin  ,  fort  content  de  s  e- 
tre  défait  de  tant  de  François  ,  qui  auroient  pu  lui  faire  un  mau¬ 
vais  parti ,  fi  M.  de  Ribaut  eût  voulu  fuivre  le  Confeil  de  M. 
de  Laudonniere  ;  ou  fi  la  tempête  ,  qui  fit  périr  fes  Navires  ,  eut 

feulement  commencé  deux  heures  plus  tard. 

Il  eft  affez  inutile  que  j’ajoûte  ici  mes  reflexions  fur  la  ditieren- 
ce  &  les  contradictions  ,  qui  fe  rencontrent  dans  les  deux  Rela¬ 
tions  ,  que  je  viens  de  rapporter  .:  mes  Lecteurs  les  feront  aulii- 
bienque  moi  ;  mais  je  ne  puis  me  difpenfer  de  reconnoître  beau¬ 
coup  plus  de  vraifemblance  dans  la  dermere  ,  que  dans  la  pre¬ 
mière  ,  &  j’avoue  que  j’aurois  bien  de  la  peine  à  taxer  un  Hom¬ 
me  d’honneur  d’une  perfidie  aufli  noire  ,  que  1  auroit  ete  celle  du 
Gouverneur  de  San  Matheo  ,  fur  la  foi  d’un  feul  Homme ,  qui , 
dans  les  circonftances  ,  où  il  fe  trouvoit ,  aigri  par  une  longue 
&  dure  captivité  ,  animé  par  la  haine  ,  que  fa  Religion  lui  in  - 
piroit  contre  les  Catholiques  ,  n  auroit  pas  même  dû  être  admis 
en  Juftice  à  accufer  un  Particulier  ;  &  il  efl:  affez  furprenant 
qu’on  n’ait  pas  même  fongé  alors  à  révoquer  en  doute  un  fait  de 
cette  nature  ,  &  qui  n’étoit  apuyé  que  fur  un  témoignage  li  jul- 

tement  fufpeêt.  . 

indifférence  Après  tout  ,  le  fait ,  tel  que  les  Efpagnols  memes  le  raportent, 
de  u  Cour  fut  'toitrDjus  que  fuffifant  pour  exciter  en  France  l’indignation  pu- 

“Teu ‘S:  blique  :  auffi  ne  fut-elle  pas  bornée  à  ceux  ,  que  intérêt  de  la 
Religion  devoit  rendre  plus  fenfibles  au  traitement  tait  a  leurs 
Confrères  de  la  Floride.  Neanmoins  la  haine  ,  que  la  Cour  por 
toit  aux  Huguenots,  &  furtout  à  l’Amiral  de  Coligni  leur  Cher, 
lequel  avoit  prefque  toujours  les  armes  a  la  main  contre  fon  Roy, 
&  contre  la  Religion  de  fes  Peres  ,  contribua  beaucoup  a  1  indif¬ 
férence  ,  qui  fuccéda  bientôt  à  ces  premiers  mouvemens,  infpi- 
rés  par  la  nature  &  par  l’amour  de  la  Patrie.  Ainfi  par  un  effet 
bien  trifle  des  malheureufes  conjpn&ures  ,  où  fe  trouvoit  le 
Royaume,  les  Sujets  du  Roy  ,  qui  venoient  de  périr  en  Amé¬ 
rique  par  la  main  des  Efpagnols,  furent  bien  moins  regardes 
comme  tels  par  laplûpart  de  ceux ,  qui  gouvernoient  alors  ,  que 
comme  les  Créatures  du  plus  mortel  Ennemi ,  qualifient  alors 
la  Religion  &  le  Prince.  Outre  que  la  fituation  de  Charles  IA. 
ne  lui  permettoit  pas  de  fe  brouiller  avec  le  Roy  Catholique. 
L’honneur  du  nom  François  n’auroit  donc  point  été  venge,  fi  un 
Particulier  n’eût  entrepris  de  le  faire  à  fes  frais  ,  &  a  fes  raques. 
Qui  étoit  le  Ce  zélé  Citoyen  fut  le  Chevalier  Dominique  de  Gourgues , 

Chevalier  de 


de. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  95 

Gentilhomme  Gafcon ,  né  au  Mont  de  Marfan  ,  dans  la  Comté 
de  Comminges  ,  d’une  Famille  diffinguée  de  tout  tems  par  un 
attachement  inviolable  à  l’ancienne  Religion  :  lui-même  ne  s’en 
éloigna  jamais ,  quoique  le  dernier  Hifforien  Efpagnol  de  la  Flo¬ 
ride  l’ait  accufé  d’avoir  été  Hérétique  furieux,  {a)  Il  y  avoit  alors 
peu  d’Officiers  Subalternes  en  France  ,  &  peut-être  dans  toute 
l’Europe  ,  qui  fe  fût  acquis  une  réputation  plus  brillante  à  la 
guerre  ,  &  qui  eût  effuyé  plus  de  revers  de  la  Fortune.  Il  avoit 
fervi  fort  jeune  en  Italie  ,  &  un  jour  ,  qu’il  commandoit  un  Dé¬ 
tachement  de  trente  Hommes  près  de  Sienne  en  Tofcane  ,  il 
foûtint  allez  lontems  tous  les  efforts  d’une  partie  de  l’Armée  Es¬ 
pagnole  :  à  la  fin,  tous  fes  Gens  ayant  été  tués  autour  de  lui, 
il  fut  pris  ,  envoyé  aux  Galeres  ,  &  mis  à  la  chaîne  en  qualité  de 
Forçat  ;  l’acharnement,  avec  lequel  les  Efpagnols  faifoient 
alors  la  guerre  à  la  France  ,  leur  faifant  oublier  leur  ancienne 
générofité  au  point  de  violer  ainfi  les  Loix  de  la  guerre  ,  &  de 
punir  d’un  honteux  efclavage  des  avions  ,  que  dans  le  fond  du 
cœur  ils  ne  pouvoient  manquer  d’admirer. 

La  Galere  ,  fur  laquelle  le  Chevalier  de  Gourgues  ramoit ,  fut 
prife  par  les  Turcs  fur  les  Côtes  de  Sicile ,  conduite  à  Rho¬ 
des  ,  &  de-là  à  Conffantinople  :  mais  ayant  été  remife  en  Mer  , 
elle  fut  reprife  par  les  Galeres  de  Malthe  ,  &  M.  de  Gourgues 
recouvra  ainfi  fa  liberté.  De  retour  chez  lui ,  il  fe  mit  en  tê¬ 
te  de  voyager  fur  Mer  ;  il  paffa  d’abord  en  Afrique ,  puis  au  Bre- 
fil ,  &  de-la  a  la  Mer  du  Sud  ,  dit  Lefcarbot  ;  mais  cet  Auteur  a 
pris  fans  doute  la  Mer  du  Sud  pour  la  Mer  des  Indes ,  puifqu’il 

certain  que  dans  le  XVI.  fiécle  aucun  François  n’avoit  enco¬ 
re  été  fur  la  Mer  du  Sud. 

On  ne  dit  point  combien  de  tems  le  Chevalier  de  Gourgues 
employa  dans  ces  voyages  ,  ni  ce  qu’il  y  fit  ;  mais  il  eft  certain 
qu  il  ne  faifoit  que  d  arriver  en  France,  avec  la  réputation  d’être 
un  des  plus  haûiles  ,  &  des  plus  hardis  Navigateurs  de  fon  fié- 
cle  ,  lorfqu  on  y  apprit  la  prife  de  la  Caroline  par  les  Efpagnols, 
&  le  maffacre  des  François.  Il  en  fut  vivement  touché  ,  &  pour 
1  honneur  de  la  F  rance  ,  &  pour  l’intérêt ,  qu’il  effimoit  qu’on 
de  voit  prendre  a  la  confervation  d’un  fi  beau  Pays  ;  d’ailleurs 
1  krûioit  du  defir  de  venger  les  propres  injures.  Tant  de  motifs 
prelians  lui  firent  former  le  deffein  de  châtier  les  Ufurpateurs  de 
la  F loride ,  ou  de  mourir  à  la  peine. 

Pourfe  mettre  en  état  d’executer  un  deffein  fi  hardi ,  &  quipa- 

(  *  )  Herege  terrible. 


1  5  6  5- 

Gourgues  ;  fes 

premières 

aventures. 

I  5  67. 


Il  fe  difpofe 
à  chaffer  les 
Efpagnols  de 
la  Floride. 


Son  déparÿ 
de  France, 


c  histoire  generale 

Liffoit  au-deffus  du  pouvoir  d’un  Particulier  il  vendit  tout  fou 
bien ,  fit  de  gros  emprunts ,  &  arma  deux  Roberges ,  &  une  Pa- 
tache  en  forme  de  Fregate  du  Levant.  Ces  trois  Batimens  pou- 
voient  aller  à  la  rame  pendant  le  calme  ,  &  uroient  fort  peu 
d’eau  en  forte  qu’il  leur  étoit  facile  d’entrer  dans  la  plupai  t  d 
Rivières  de  la  Floride.  Quatre-vingt  Matelots  choifo  foirent 
leur  équipage  ;  mais  ils  portoient  cent  cinquante  Soldats  6. 
CtaTs^cfon’t  centrent  Arbalétriers  ,  &  U .plupart  Gen¬ 
tilshommes.  L’armement  fe  fit  a  Bourdeaux  ,  dou  lEfcadre 
étant  partie  le  fécond  jour  du  mois  d  Août  de  1  annee  1567.  fut 
arrêtée  huit  jours  de  fuite  à.Royan  par  les  vents  col]“îqes  ’  P“1S 
obligée  par  une  violente  tempête  de  fe  jetter  dans  la  Charente  , 

où  elle  refta  jufqu’au  vingt-deux.  Cnur 

Elle  avoit  des  provifions  pour  un  an  ,  &  le  Chevalier  de  Gou  * 
gués  s’étoit  muni  d’une  Commiffion  de  M.  de  Montluc  ,  Lieute¬ 
nant  pour  le  Roy  en  Guyenne  ;  mais  elle  n’eto.t  point  pour  la 
Floride,  elle  lui  donnoit  feulement  pouvoir  d  aller  fur  la,V°  e  “ 
Bénin  en  Afrique  ,  &  d’y  enlever  des  Nègres  ;  car  il  ne  s  etoit  en 
core  expliqué  à  perfonne  furie  fujet  de  fon  entreprise.  A  pe 
étoit-ilen  pleine  Mer  ,  qu’il  fut  furprts  dune  fécondé  tempete , 
qui  fit  difparoître  un  de  fes  Navires.  Il  avoit  pourvu  a  cet  acci¬ 
dent  ,  &  avoit  donné  à  tous  fes  Pilotes  le  rendez^ous  al  em¬ 
bouchure  de  Rio  delOro  fur  la  Cote  d  Afrique  ,  &  fon 1  N  avire 
l’y  rejoignit  en  effet.  De-là  il  rangea  la  Cote  jufqu  au  Çap  blanc , 

où  trois  petits  Princes  Negres  vinrent  1  attaquer  a  1  inftipnon 

des  Portugais  ;  il  les  battit  par  deux  fois  ,  puis  continua  a  fa 
la  même  rSute  jufqu’au  Cap  Verd,  d’où  il  tourna  tout  court  vers 

ïi  arrive  à  la  La  première  Terre ,  où  il  aborda  ,  fut  la  Dominique  ,  une  des 
m=  de  Cuba.  H  Antffles ,  il  alla  enfuite  à  Portonco ,  puisa  la  Mona 

dont  le  Cacique  lui  donna  quantité  de  rafraichiffemens.  Apres 

quoi ,  voulant  gagner  le  Continent  de  la  Flor.de  ,  une  nouvelle 
tempête  le  contraignit  d’entrer  dans  le  Port  de  S.  Nico.a  ,  _ 

Côte  Occidentale  de  l’Ifle  Efpagnole  :  il  y  radouba  un  de  les 
Vaiffeaux,  que  la  tourmente  avoit  beaucoup  endommage  ,  a v 
perte  d’une  bonne  partie  de  fa  provifion  de  Bifcuit.  Pour  co  - 
ble  de  difgrace  les  Efpagnols  ne  voulurent  jamais  lui  vendie  des 
Farines  ,&  il  ne  faifoit  que  de  fortir  du  Port  de  S.  Nicolas  , 
qu’un  ouragan  furieux  ,  qui  le  portoit  à  la  Cote  ,  le  mit  en  un 
danger  éminent  de  périr.  Enfin  il  gagna  avec  bien  e  ape 

Cap  de  S,  Antoine  y  qui  fait  la  pointe  Occidentale  de  Çu  a.  ^ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  97 

Ce  fut  là  qu’ayant  affemblé  tous  fes  Gens ,  il  commença  par  - — 

leur  peindre  avec  les  couleurs  les  plus  vives  les  cruautés ,  que  les  1  *  ^ 
Efpagnols  avoient  exercées  contre  les  François  dans  la  Floride. 

»  Voilà ,  ajoûta-il  5  mes  Camarades ,  le  crime  de  nos  Ennemis.  « 

Et  quel  ferait  le  nôtre  ,  fi  nous  différions  plus  lontems  à  venger  « 
l’affront ,  qui  a  été  fait  à  la  Nation  Françoife  ?  C’eff  ce  qui  m’a  « 
engagé  à  vendre  tout  mon  bien ,  c’eff  ce  qui  m’a  ouvert  la  bour-  « 
fe  de  mes  Amis  ;  j’ai  compté  fur  vous  ,  je  vous  ai  cru  affez  ja-  “ 
loux  de  la  gloire  de  votre  Patrie  ,  pour  lui  facrifîer  jufqu’à  votre  « 
vie  en  une  occafîon  de  cette  importance  ;  me  fuis-je  trompé  ?  « 

J  efpere  vous  donner  l’exemple  ,  être  par  tout  à  votre  tête  <f 

prendre  pour  moi  les  plus  grands  périls  ;  refuferez  -  vous  de  me 
fuivre  ?  « 


Le  commencement  de  ce  difcours  caufa  quelque  étonnement 
dans  l’efprit de  plufieurs  ;  mais  à  la  fin  les  Gens  de  guerre  se- 
tant  déclarés  avec  des  grands  cris  de  joye  ,  tous  protefler ent 
qu  iis  eto lent  prêts  d’aller  où  on  voudrait  les  mener.  De  Gour- 
gues  eût  bien  voulu  profiter  de  cette  ardeur  ,  &  mettre  fur  le 
champ  à  la  voile  ,  mais  il  crut  devoir  attendre  la  pleine  Lune 
pour  paffer  le  Canal  de  Bahame.  Il  le  paffa  enfin ,  &  découvrit 
bientôt  les  Terres  de  la  Floride.  Les  Efpagnols  étoient  fi  éloi¬ 
gnes  de  croire  qu  on  fongeât  en  France  à  reconquérir  ce  Pays 
qu  ayant  aperçu  les  trois  Navires,  ils  ne  firent  aucun  doute  qu’ils 
ne  fuffent  de  leur  Nation  ,  &  les  faluerent,  comme  tels,  de  deux 
coups  de  Canon ,  quand  ils  les  virent  paffer  devant  la  Riviè¬ 
re  de  May.  Le  Chevalier  de  Gourgues  leur  répondit  coup 
pour  coup  ,  paffa  outre ,  en  tirant  un  peu  au  large  ,  &  la  nuit 

heil&de  celle  de R *Viere  Seine  5  (a)  éloignée  de  quinze 

E 


Il  arrive  e« 
I  loride. 


11 7  f  ja/-qUrntité  ^Sauvages,  qui  le  prenant  pour  un  Ef-  En  q„t„e diC 

lgn°l  ?  fe  difpofoient  a  s  oppofer  à  fon  débarquement;  mais  il  pofîtion  il 

Ur  envova  Inn  T rntnnôt-a  r - :  _  i—i  •  i  r-  ■»  »■  trouveles  San* 


“  i  rr — **•  vr^i>a.i  quCiiiciiL,  ma 

;ur  envoya  fon  Trompête  ,  qui  avoit  fervi  en  Floride  fous  M. 
de  Laudonmere  ,  &  fçavoit  affez  bien  la  Langue  du  Pays.  Cet 
Homme  reconnut  Satunova ,  qui  fe  rencontra  par  Lazard  avec 
le  Paraouffi  du  Lieu ,  &  lui  adrefTant  la  parole  ,  il  lui  dit  que  les 
rançois  venoiem  renouveller  l’alliance  ,  qu’ils  avoient  eue 
avec  lui  les  années  précédentes  ;  &  la  maniéré  ,  dont  fut  reçu 
-on  compliment ,  lui  donna  lieu  de  juger  que  ces  Peuples  lie¬ 
raient  nas  contens  des  Efpagnols.  F  6 

Le  lendemain  Saturiova  fuivi  d’un  grand  nombre  de  Sau- 

(  4  }  Tomff°n  manufcrittc  de  CetCe  exPédition  »  V*  &  garde  à  la  Bibliothèque  du 


vages. 


i  5  6  7' 


Ligue  con 
clue  entr’eux 
&  les  Fran¬ 
çois. 


» 

» 

» 


s  histoire  generale 

Jer ,  que  le  rarauui  ^  r  ^  plus  fouffrir 

trfir 'S ^d».  .v«  ;« 

fujets  de  plai  ■  J  ‘j pour  venger  leurs  injures  commu- 

nesS,n&  qùe'te  fon  côté  il  ne  manquerait  à  rien  de  ce  qui  pouvoir 
affûrer  fa  vengeance.  venu  à  ce  deffein  ;  mais 

'  r m  i  q  ue  m  eit  ^  P  ou  r  "r  e  n  o  ti  e  r  les  anciennes  alliances  des  François 

érSm 

“*SffiîSSEii 

I  CIsTous  ioindrezraus  moi  ,  &  que  je  puis  me  promettre 

*  t0' Samriovaefm  charmf  deVes  dffcom^'  &  la  ligue  fut  bientôt 
conclue.  On  fe  fit  des  préfens  de  part  &  d  autre  ;  ^.s  e  Paraom 
fti  en  fit  un  au  Chevalier  de  Gourgues ,  _  qui  lui  tut Rb‘e" ... 

^-■•^r^iriSSsssîs^îS^SîW  «J* 

nu°faire  pour  l'obliger  à  le  leur  livrer ,  &  qu’il  avoir  toujours 
pu  taire  pour  S  .  p  ivans  tous  les  Paraouftis , 

‘fXux  ouÆ  déhber,  de 

la  maniéré ,  dont  on  attaquerait  les  Eipagnols  cW  f  ut  réglé 
qu’un  Gentilhomme  de  Commmge  nomme  c *  ES™E  ^  avec 

rpofitlon  Mais  le  Général ,  avant  cjuede  M.  dEft .  ^  ^ 

StfFi’  V&  celleTfoFemmes  qu’il  aimoit  le  plus.  Les  En- 
Ws  rêvinrÏmau  bout  de  trais  jour?,  ils  rapportèrent  que  1  Em 

Roy  .  nomme  ce«e  Rivlae  Ta,—  .  *  &<f*  >=  **  *  “  Ca“,°n, 

porcoit  aufli  le  même  nom. 


D 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lrv.  IL  99 

de  la  Riviere  ,  étoient  en  fort  bon  état  ;  de  B  ray  affûra  en  même  - T — - 

tems  que  la  Garnifon  de  ces  trois  Forts  étoit  de  quatre  cent  1  ^ 
Hommes.  Ce  raport  lit  juger  à  M.  de  Gourgues  ,  qu’il  ne  devoir 
compter  pour  le  fuccès  de  fon  expédition  ,  que  fur  la  furprife  Sc 
le  fecret ,  &  ayant  marqué  le  rendez  -  vous  général  de  toutes 
les  Trouppes  à  la  Riviere  de  Somme  (a  )  ,  elles  s’y  trouvèrent 
au  jourprefcrit. 

Les  Sauvages  ,  après  avoir  bu  ,  félon  la  coûtume  ,  leur  Apa- 
lachine  ,  firent  ferment ,  à  leur  maniéré  ,  de  ne  point  abandon¬ 
ner  les  François  ,  &  on  fe  mit  auffi-tôt  en  marche.  On  y  fouffrit 
beaucoup  ,  parceque  c’étoit  la  faifon  des  pluyes  ,  &  quoiqu’on 
n’eût  fait  le  premier  jour  que  deux  lieues  ,  les  François  fe  trou¬ 
vèrent  extrêmement  fatigués.  Il  y  avoit  encore  deux  lieues  à  fai¬ 
re  ,  pour  arriver  au  premier  des  deux  Forts  ,  qui  couvraient  San 
Matheo  ,  &  le  Chevalier  de  Gourgues  n’avoit  rien  pris  de  tout 
le  jour  ;  cependant  comme  tout  dépendoit  de  la  diligence  ,  il 
prit  avec  lui  un  Guide  &  dix  Arquebufiers  ,  &  partit  pour  aller 
reconnoître  le  Fort ,  qu’il  étoit  réfolu  d’attaquer  le  lendemain; 
mais  une  petite  Riviere  ,  qu’il  falloit  paffer  ,  fe  trouva  tellement 
gonflée  par  les  pluyes  ,  &  par  la  marée  ,  qui  montoit  encore  , 
qu’il  ne  lui  fut  pas  poffible  d’aller  plus  loin. 

Il  s’en  retourna  donc  au  Camp  fort  triffe  „  mais  un  Sauvage  On  marcha 
lui  ayant  promis  de  le  conduire  par  un  chemin  plus  aifé  ,  il  fe  re-  au  piemieE 
mit  fur  le  champ  en  marche  avec  tous  les  François  ,  &  donna  F°ft* 
ordre  aux  Sauvages  de  prendre  par  les  Bois  ,  8c  de  fe  trouver  au 
point  du  jour  au  paffage  de  la  Riviere.  Cet  ordre  fut  pon&uelle- 
ment  exécuté  ;  mais  la  Riviere  ne  fe  trouva  encore  guéable  en 
aucun  endroit ,  &  il  furvint  une  pluye  fi  abondante  ,  qu’on  eut 
bien  de  la  peine  à  en  garantir  les  Armes.  Le  tems  s’éclaircit  en¬ 
fin,  &  M.  de  Gourgues  ,  à  la  faveur  d’un  petit  Bois  ,  décou¬ 
vrit  le  Fort  tout  à  fon  aife.  Il  obferva  que  tout  le  Monde  y  étoit 
en  mouvement ,  &  il  ne  douta  point  qu’il  n’eût  été  découvert  ; 
mais  ilfe  trompoit,  il  fçut  depuis  que  c’étoit  une  Fontaine,  qu’on 
raccommodoit. 

Vers  les  dix  heures ,  la  Marée  étant  toute  baffe,  on  paffa  la  Ri¬ 
viere  ,  non  fans  beaucoup  de  difficulté  ;  car  outre  qu’on  y  avoit 
de  1  eau  jufqu  a  la  ceinture,  le  fond  en  étoit  femé  de  grandes  Huî¬ 
tres  tranchantes ,  qui  coupoientles  fouliers  ,  &  bleffoient  même 
les  pieds  des  Soldats  ;  pour  ce  qui  efi:  des  Sauvages,  qui  étoient 
nuds  pieds ,  ils  fçavoient  le  moyen  de  les  éviter  ;  d’ailleurs  il  y 
(  4  )  Le  Manufcat  déjà  cité  la  nomme  Samba, 

N  ij 


i  $  6  7. 


Sa  prîfe;  bel¬ 
le  adlion  d’un 
Sauyage. 


Le  fécond 
Tort  eft  aban¬ 
donné  à  l’ap¬ 
proche  des 
Sauvages. 


100  HISTOIRE  GENERALE  -. 

en  avoit  fort  peu  à  ce  paffage  ,  la  plupart  ayant  traverfe  la  Ri¬ 
vière  à  fon  embouchure  dam»  des  Pirogues.  „ 

Jufques-là  les  Efpagnols  ne  fçavoient  pas  qu  il  y  eut  des 
François  dans  la  Floride ,  &  rien  ne  fit  mieux  fentir  au  Cheva¬ 
lier  de  Gourgues  combien  les  naturels  du  Pays  haiiioient  leurs 
nouveaux  voifins,  que  le  fecret,  qu’ils  gardèrent  en  cette  occa- 
fion.  Enfin  toutes  les  Trouppes  étant  au- delà  de  la  Riviere  ,  & 
pleines  d’ardeur  d’en  venir  aux  mains  ;  le  General  ne  crut  pas 

devoir  perdre  un  tems  fi  précieux  à  haranguer  les  Soldats  ,  il  e 

contenta  de  leur  reprefenter  en  deux  mots  la  juftice  de  leur  cau- 
fe  ,  que  Dieu  ne  manquerait  pas  de  favonler  ,  &  il  ht  former  la 
charge.  Il  avoit  divifé  fa  petite  Trouppe  en  deux  bandes  ;  il  en 
donna  une  à  commander  au  Sieur  de  Casenove  fon  Lieute¬ 
nant  ,  il  fe  mit  à  la  tête  des  autres ,  &  s’avança  lentement  en 

ordre  de  bataille^  .  .  , 

Du  moment  qu’il  eut  paffé  le  Bois ,  qui  le  couvrait ,  on  tira 

fur  lui  avec  deux  Coulevrines,  que  M.  de  Laudonmere  avoit 
laiffées  dans  la  Caroline.  Les  premiers  coups  furent  tires  de  trop 
loin  ;  mais  on  alloit  recharger  ,  &  les  premiers  rangs  commen 
coient  à  fe  débander,  lorfque  le  brave  Olocotora ,  qui  ne  quit- 
toit  point  le  Général ,  fe  ghffa ,  fans  être  aperçu  ,  jufqu  au  pie 
de  la  Plate  forme ,  où  les  deux  Coulevrines  etoient  dreffees , 
fauta  deffus  ,  &  paffa  une  Picque  ,  dont  il  s  etoit  arme  ,  au  tra¬ 
vers  du  corps  du  Canonier.  La  hardieffe  de  ce  Sauvage  fit  croire 
aux  Efpagnols  qu’il  n’étoit  pas  feul ,  ou  plutôt  leur  ôta  le  juge¬ 
ment.  L’épouvante  les  faifit ,  ils  fortirent  du  Foit ,  &  fe  mirent 
à  courir  confirment  du  côté,  où  étoit  Cafenove,  qui  en  avertit 
fon  Général  par  de  grands  cris.  De  Gourgues  y  courut ,  mules 
Ennemis  entre  lui  &  fon  Lieutenant ,  &  tomba  fi  brufquement 
fur  eux,  que  defoixante  qu’ils  étoient,  il  n  en  refta,  apres  le  pre¬ 
mier  choc  ,  que  quelques-uns ,  qui  furent  pris ,  &  referves  a  une 

Cependant  le  Canon  du  fécond  Fort  droit  fans  ceffe  ,  &  m- 
commodoit  les  nôtres.  Pour  faire  ceÛer  ce  feu  ,  le  General  fit 
placer  fur  le  bord  du  Fleuve  les  deux  Coulevrines  (a)  deux 
autres  pièces  d’ Artillerie  ,  qu’on  avoit  trouvées  dans  le  premier 
Fort,  &  cela  eut  fon  effet.  Il  paffa  enfuite  avec  quatre-vingt 
Hommes  dans  une  Barque  ,  qu’il  avoit  fait  venir  a  ce  deüein  * 


(  d  )  La  Relation  manufcrkte  ,  qui  fe  garde 
dans  la  Famille  de  MM.  de  Gourgues  »  ne 
parle  que  d’une  Coulevrine  aux  Armes  de 


France  ,  avec  le  nom  d’Henry  1 1.  &  de  trois 
pièces  de  Canon. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IL  ici 


&  il  avoit  promis  aux  Sauvages  de  la  leur  renvoyer ,  dès  qu’il 
feroit  débarqué  ;  mais  ils  n’eurent  point  la  patience  de  l’attendre, 
ils  fe  jetterentàla  nage  ,  en  pouffant  des  cris  affreux  :  les  Efpa- 
gnols  en  furent  effrayés  ,  &  ne  fe  crurent  pas  en  sûreté  derrière 
leurs  retranchemens ,  iis  fefauverent  dans  le  Bois  ,  où  M.  de 
Gourgues ,  qui  s’y  étoit  mis  en  embufcade  ,  les  envelopa  ,  &  les 
tailla  en  pièces.  De  foixante  quils  etoient  ,  il  n’en  épargna  que 
quinze  ,  qu’il  retint  Prifonniers.  Il  entra  enfuite  dans  le  Fort ,  où 
il  ne  rencontra  perfonne  ;  il  le  fit  démolir ,  &  emporter  les  vi¬ 
vres  &  les  munitions  dans  le  premier  ,  dont  il  fit  fa  Place  d’Ar 
mes.  Tout  ceci  fe  paffa  la  veille  de  Quafimodo. 

La  Caroline  avoit  encore  plus  de  deux-cent  Hommes  de  Gar- 
nifon ,  mais  la  conffernation  y  étoit  grande  ;  le  Chevalier  de 
Gourgues  avoit  parmi  fes  Prifonniers  un  vieux  Sergent  de  ban¬ 
de  ,  il  tira  de  lui  par  ménaces  l’état  &  le  plan  de  la  Place  ;  l’ayant 
examiné  avec  foin ,  il  comprit  que  le  moyen  le  plus  sûr  de  s’en 
rendre  le  Maître  ,  étoit  l’efcalade  ,  &  il  la  refolut.  Il  employa  le 
Dimanche  &  le  Lundi  à  faire  fes  préparatifs  ,  &  il  lui  vint  pen¬ 
dant  cet  intervalle  un  fi  grand  nombre  de  Sauvages ,  que  com¬ 
me  ils  rempliffoient  tous  les  environs  de  la  Caroline  ,  il  ne  fut  ja¬ 
mais  poffible  aux  Efpagnols  d’en  fortir,  pour  reconnoître  les  for¬ 
ces  des  Affaillans.  Il  y  en  eut  pourtant  un  ,  qui  s’avifa  de  fe  dé- 
guiferen  Sauvage  ,  mais  Olocotora  l’ayant  découvert ,  l’amena 
au  Général. 

Cet  Homme  affûta  qu’il  étoit  de  la  Garnifon  du  fécond  Fort , 
&  dit  qu’il  s’étoit  travefli  de  la  forte  ,  pour  fe  fauver  plus  aifé- 
ment ,  n’efperant  point  de  quartier  de  la  part  des  Sauvages  ,  s’il 
tomboit  entre  leurs  mains  ;  que  fon  deffein  étoit  de  fe  jetter  en¬ 
tre  les  bras  des  François  ,  &  qu’il. croy oit  fa  vie  en  sûreté  ,  puif- 
qu’il  étoit  Prifonnier  d’une  Nation  renommée  par  toute  la  Terre 
pour  fon  humanité.  Par  malheur  pour  lui  ,  le  Sergent,  dont 
nous  avons  parlé  ,  le  trahit ,  fans  le  vouloir  ,  ayant  déclaré  qu’il 
étoit  de  la  Garnifon  de  San  Matheo  ,  fur  quoi  il  fut  mis  parmi 
ceux  ,  qu’on  refervoitau  fupplice.  On  apprit  de  cet  Efpion,  que 
ce  qui  avoit  fait  perdre  courage  à  la  G  arnifon  de  San  Matheo  , 
c’efï  qu’on  n’y  doutoit  point  que  les  François  ne  fuifent  aumoins 
deux  mille  ;  &  le  Général  ne  crut  pas  devoir  donner  à  l’Ennemi 
le  tems  de  fe  défabufer ,  ni  de  revenir  de  fa  frayeur. 

Il  difpofa  donc  tout  en  diligence  pour  commencer  l’attaque 
dès  le  lendemain  Mardi ,  à  la  pointe  du  jour.  Il  envoya  le  Sieur 
de  Mesmes  j  fon  Enfeigne,  avec  vingt  Arquebufiers,  pour  gar- 


1  5 


Préparatifs 
pour  la  prife 
de  la  Caroline. 


On  marciic 
vers  la  Place., 


i  5  6  7- 


Prife  de  San 
Matheo. 


,02  HISTOIRE  generale 

-  der  l’embouchure  du  Fleuve  :  il  fit  partir  les  Sauvages  pour 
s’aller  mettre  en  embufeade  dans  le  Bois  des  deux  cotes  de  la  Ri 
viere  •  enfin  il  marcha  lui-même  avant  l’Aurore  ,  menant  avec 
lui  le  Sergent  &  l’Efpion  ,  pour  lui  fervir  de  guides.  Olocotoia 
étoit  avec  lui ,  &  ce  Sauvage  s’étoit  mis  dans  la  tete  qu  il  ne  re- 
viendroit  point  de  cette  expédition  :  fon  preffentiment  etoit  ap¬ 
paremment  fondé  fur  un  fonge.  Il  s’en  ouvrit  au  Chevalier.»  Je 
«  feai  lui  dit-il ,  mon  Capitaine  ,  que  je  ferai  tue  a  1  attaque  du 
»  Fort  Me  ne  veux  pourtant  pas  te  quitter ,  ,e  compte  ma  vie  pour 
»  rien  j’aurai  aumoins  la  confolation  de  mourir  en  brave.  Mais 
»  je  te  prie  de  donner  à  ma  Femme  ce  qui  doit  me  revenir  du  bu- 
»  tin  afin  quelle  le  mette  avec  mon  corps  dans  le  tombeau  ,  & 

»  crue  i’en  fois  mieux  reçu  dans  le  Pay  s  des  Ames.  » 

q  M.  de  Gourgues  lui  répondit  qu’il  efperoit  bien  le  rendre  fain 
&  fauf  à  fa  Famille  ,  mais  que  vif  ou  mort ,  fou  fou  venir  lui  fe- 
roit  toujours  bien  cher ,  &  qu’il  reconnoîtroit  par toutes  fortes 
de  moyens  ce  qu’il  devoit  à  fa  valeur  ,  &  a  fon  zele.  On  m 
choit  f  découvert  le  long  du  Fleuve  ;  mais  comme  on  fe  vit  fort 
SSSSl 1=  *> Çoulevrines , placée, 
de  Boulevart ,  qui  commandoit  le  rivage  ,  onfe  mit  a  couvert 
derrière  la  Colline ,  au  pied  de  laquelle  nous  avons  vu  qu yoit 
fitué  le  Fort.  Le  Général  eut  ainti  la  commodité  de  bien  exami¬ 
ner  la  Place  &  avec  le  fecours  de  fes  deux  Pnfonmers  ,  il  en 
conmit  parfaitement  le  fort  &  lefoible.  Enfin  ,1  comprit  que  ce- 
toit  par  fa  Colline,  qu’il  falloir  l’attaquer,  ainfi  que  les  Efpagnols 

l’avoient  fait  deux  ans  auparavant.  ,  r  /* 

Il  étoit  un  peu  tard  ,  quand  tout  le  Monde  eut  occupe  fon  pof- 
te  &  le  Chevalier  vouloir  remettre  l’affaire  au  jour  fuivant  ; 
mais  les  Affiegés  ayant  fait  une  fortie  au  nombre  de  quatre-ving 
Arquebufiers ,  ils  hâtèrent  leur  perte.  Cafenove  fut  détaché  con- 

tr’eux  avec  vingt  Maîtres  pour  les  attirer  ,  tandis  que  le  General 
leur  couperoit  llretraitte  >  fondrait  enfuite  fur  eux ,  avec  des 
forces  fuperieures.  Les  Efpagnols  avançant  toujours  furent 
bien  étonnés  de  fe  trouver  entre  deux  feux  ;  ils  fe  battirent^ 
tant  fort  bien  ,  &  fe  firent  tous  tuer  jufqu  au  dernier.  La  Garni 
fon  témoin  de  cette  défaite  ,  perdit  cœur  abfolument ,  & .  tous  , 
fans  écouter  le  commandement ,  s  enfuirent  dans  le  Bois  ,  ou 
les  Sauvages ,  qui  les  attendoient ,  ne  firent  quartier  a  Perfo"- 
ne.  Quelques-uns  avoient  tourne  par  un  autre  cote  ,  mais  J 
rencontrèrent  M.  de  Gourgues  ,  qui  en  coucha  par  terre  «U 
bord  la  plus  erande  partie,  &  qui  eut  bien  de  la  peine  a  arracher 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  II.  103 

les  autres  des  mains  des  Sauvages  ,  pour  les  faire  paffer  en  celles  TTéT. 
des  Bourreaux.  '  * 

San  Matheo  n’ayant  plus  de  défenfeurs  ,  le  Général  y  entra  Butin,  qu’on 
avec  toutes  fes  Trouppes  ,  qui  y  firent  un  butin  confiderable.  Il  y  fît. 
s’y  trouva  cinq  doubles  Coule  vrines,  quatre  moyennes,  &  quel¬ 
ques  petites  pièces  de  Canons  de  Fer&  de  Fonte  :  dix-huit  Ca¬ 
ques  de  poudre  ,  &  une  très-grande  quantité  d’ Armes  de  toutes 
les  fortes ,  qui  furent  tranfportés  dans  la  Barque ,  dont  on  s’étoit 
fervipour  le  palfage  des  Trouppes.  La  poudre  fut  néanmoins 
çerduë  par  un  de  ces  accidens ,  qu’il  eft  difficile  de  parer.  Un 
Sauvage  faifant  cuire  du  Poiffon  affez  loin  du  Magafin  ,  laiffa 
tomber  du  feu  fur  une  traînée  de  poudre  ,  qui  n’avoit  point  été 
aperçue,  &  parle  moyen  de  laquelle  les  Efpagnols  prétendoient 
faire  fauter  les  François  en  l’air  ,  fuppofé  qu’ils  forçaffent  la  brè¬ 
che.  Par  bonheur  perfonne  n’étoit  à  portée  d’en  être  incommo¬ 
dé  ,  quoique  le  Magafin  eût  fauté. 

.  Le  Général  donna  à  fes  Gens  &  aux  Sauvages  tout  le  loifir  de  Les  Prifon 
piller  ,  &  il  fit  encore  de  grandes  largeffes  à  ceux-ci,  qui  pa-  niers  fom  pa¬ 
rurent  beaucoup  plus  charmés  de  fes  maniérés  ,  que  de  fes  li-  dus  5  Ecrkeau 
beralites.  Il  fit  venir  enfuite  tous  les  Prifonniers  au  même  lieu,  leur  fupdke^ 
où  les  F rançois  avoient  été  maffacrés  ,  &  où  Menendez  avoit 
fait  graver  fur  une  pierre  ,  ces  mots  :  Je  ne  fais  ceci  comme  à  des 
François  mais  comme  à  des  Luthériens .  Il  leur  reprocha  leur 
cruauté,  leur  perfidie ,  leur  ferment  violé  (a)  ,  puis  il  les  fit  tous 
pendre  à  un  Arbre  ,  &  à  la  place  de  l’ancienne  Infcription  ,  il  fit 
mettre  celle-ci  fur  une  planche  de  Sapin  :  Je  ne  fais  ceci 
comme  a  Espagnols  ,  ni  comme  a  Maranes  ;  mais 
comme  a  Traîtres  ,  Voleurs  ,  et  Meurtriers. 

Quelques  Hiftoriens  ont  paru  approuver  cette  aélion  ,  com-  Réflexion 
me  jufte  &  légitimé  ,  &  elle  pouvoit  avoir  véritablement  quel  -  Eur  cette  con¬ 
que  apparence  de  jufiice ,  furtout  en  fuppofant ,  ce  dont  on  ne  duite' 
doutoit  point ,  le  ferment  violé  par  les  Efpagnols.  Mais  outre 
que  dans  lé  vrai  les  reprefailles  font  rarement  exemptes  d’injufti- 
ces  ,  par  la  raifon  qu’elles  tombent  plus  fouvent  fur  les  Inno- 
cens,  quefiir  les  Coupables  ;  je  ne  crains  pas  de  dire  que  l’expé¬ 
dition  du  Chevalier  de  Gourgues  ,  jufques-là  fi  glorieufe  pour 
ui ,  &  h  honnorable  pour  la  Nation  ,  auroit  été  infiniment  plus 
relevee  par  une  conduite  ,  où  fa  modération  ,  &  la  générofité 
rrançoife  eût  fait  un  beau  contrafle  avec  l’inhumanité  des  Ef- 

doucc  r°UVenii:  de  la  ReJation  de  cc  Matelot ,  dont  on  ne  revoquoit  point  en 


1 5  67. 


La  Floride  eft 
évacuée  par  les 
français. 


Le  Chevalier 
de  Gourgues 
arrive  en 
France. 


104  histoire  generale 

pagnols ,  qu’en  la  terminant  avec  la  même  fureur ,  qu’il  déteff  oit 
en  eux.  Neft-il  pas  honteux  pour  des  Chrétiens  de  n’avoir  pas 
penfé ,  comme  ht  autrefois  un  Pri;ice  Idolâtre  (a)  dans  une 
occahon  toute  femblable  ? 

Au  rehe  ,  les  applaudiflemens  „  que  reçut  par  tout  ce  Gentil¬ 
homme  ,  &  qu’il  n’etoit  pas  poffible  de  refufei  a  une  atlion, 
qu’on  peut  compter  parmi  les  plus  mémorables  ,  qui  fe  foient 
jamais  faites  en  ce  genre  ,  furent  tout  le  fruit  ,  qui  lui  relia  de  fa 
viéfoire.  Iln’avoitpas  affez  de  Monde  pour  fe  foûtenir  dans  la 
Floride  contre  les  Efpagnols  de  S.  Auguftin  ;  il  ne  devoit  pas 
s’attendre  à  recevoir  ,  aumoins  de  quelques  années  ,  des  lecours 
de  France ,  &  il  comprenoit  affez  que  l’amitié  intéreffée  des  Sau¬ 
vages  ne  dureroit  qu  autant  qu’il  feroit  en  état  de  leur  faire  du 
bien  ,  &  de  les  garantir  de  la  vengeance  d’une  Nation ,  contre 
laquelle  ils  venoient  de  fe  déclarer  h  hautement.  Il  y  a  cependant 
affez  d’apparence  qu’il  ignoroit  que  les  Efpagnols  biffent  h  près  de 
lui  ;  &  je  trouve  que  nos  Hiftonens  de  ce  tems-là  fuppofent  que 
la  Riviere  des  Dauphins  ne  fut  habitée  fous  le  nom  de  S.  Augu- 
ftin  ,  que  quelques  années  après. 

Mais  le  Chevalier  de  Gourgues  navoit  plus  de  provmons , 
que  ce  qu’il  lui  en  falloitpour  retourner  en  France ,  &  ce  fut  feu¬ 
lement  cette  demie re  c onhder ation  ,  qui  lui  ht  prendie  le  parti 
de  rafer  les  trois  Forts  ,  qu’il  venoit  de  conquérir.  Il  envoya  par 
Mer  dans  fes  V aiffeaux  ,  qu  il  avoit  laiffes  dans  la  Seine  ,  toute 
l’Artillerie  de  ces  trois  Places,  &  il  s’y  rendit  par  Terre  avec  tout 
fon  Monde  ,  après  avoir  pris  congé  des  Sauvages  ,  qui  paroif- 
foient  le  voir  partir  avec  regret ,  &  qu  il  tacha  de  confolei  en 
leur  faifant  efperer  fon  retour.  Tous  ceux ,  qu’il  rencontra  fur  fa 
route  lui  donnèrent  les  plus  grandes  marques  d  eftime  &  d  ami¬ 
tié  ;  pluheurs  Paraouftis  ,  parmi  lefquels  Saturiova  fut  celui,  qui 
fe  diffi ngua  le  plus ,  lui  jurèrent  un  attachement  eternel  ,  &  le 
brave  Olocotora  ,  dont  les  preffentimens  ne  s’étoient  pas  trou¬ 
vés  juftes  ,  11e  le  quitta  point ,  tandis  qu’il  fut  en  Floride  ,  &  fon¬ 
dit  en  larmes  en  lui  difant  le  dernier  adieu. 

Le  troihéme  de  May  les  trois  Navires  mirent  à  la  voile  ,  &  le 
hxiéme  de  Juin ,  jour  de  la  Pentecôte  ,  le  Chevalier  de  Gour¬ 
gues  mouilla  dans  le  Port  de  la  Rochelle  ,  après  avoir  effuyé  de 


un 


(a)  Après  la  défaite  de  Mardonius 
des  Généraux  de  Xercés quelques-uns  ayant 
propofé  à  Paufanias ,  Roy  de  Sparte  ,  de  trai¬ 
ter  le  cadavre  de  ce  Satrape  ,  comme  Xercés 
avoit  traité  celui  de  Leonide,  tué  à  la  journée 


des  Termopyles,  que  ce  Prince  avoit  fait 
pendre  à  un  Gibet.  Vous  connoiffez  bien 
33  peu  la  gloire  ,  répondit  Paufanias ,  fi  yous 
33  croyez  que  je  doive  en  acquérir  beaucoup 
>3  en  imitant  des  Barbares. 

rudes 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lïv.  IL  105 


rudes  tempêtes  ,  &  foufert  beaucoup  de  la  faim  ,  parceque  fes  1  567. 
vivres  avoient  été  gâtés .  Il  perdit  même  fa  Patache ,  où  il  y  avoit 
huit  Hommes  ;  &  un  de  fes  Navires  ,  qui  s’étoit  feparé  de  lui 
à  la  hauteur  de  la  Vermude,  n’arriva  qu’un  mois  après.  Son  ex¬ 
pédition  ne  lui  avoit  coûté  que  quelques  Soldats  ,  &  cinq 
Gentilshommes ,  qu’il  regretta  beaucoup.  L’un  étoit  de  Sainton- 
ge ,  &  fe  nommoit  Pons  ,  les  quatre  autres  étoient  Gafcons  ,  & 
avoient  nom  Antony  de  Limosni  ,  Bxerre  ,  Garreau  ,  & 

Gachie  ;  mais  il  s  en  fallut  peu  que  lui-même  ne  trouvât  dans 
le  Port  quelque  chofe  de  plus  fâcheux,  que  le  naufrage,  qu’il  ve- 
noit  d’éviter. 

On  ne  conçoit  pas  comment  le  bruit  de  fon  entreprife  ,  dont  «  court  rîf- 
il  croy oit  aporter  la  première  nouvelle  en  Françe  ,  avoit  déjà  iTvé^îesEÏ 
pu  parvenir  à  la  Cour  d’Efpagne  :  cependant  à  peine  étoit-il  parti  pagnoîL** 
de  la  Rochelle,  pour  aller  à  Bourdeaux,  qu’on  vit  entrer  dans  la 
Rade  ,  qu’il  venoit  de  quitter  ,  dix-neuf  Pataches  Efpagnoles  , 
avec  un  autre  Bâtiment  de  deux-cent  Tonneaux  ,  à  deflein  de 
l’enlever  ,  &  il  en  fut  même  pourfuivi  jufqu’à  Blaye.  11  ne  relia 
guère  plus  de  tems  à  Bourdeaux  ,  qu’il  n’avoit  fait  à  la  Rochelle. 

Il  fe  rendit  d’abord  auprès  de  M.  de  Montluc  ,  fous  lequel  il 
avoit  fervien  Tofcane  ,  &  qui  lui  donna  de  grandes  louanges. 

Ce  General  lui  confeilla  d’aller  à  la  Cour ,  mais  il  y  fut  mal  re¬ 
çu.  On  1  avertit  même  fous  main  de  difparoître  ,  s’il  ne  vouloit 
pas  être  facrifié  au  reffentiment  du  Roy  Catholique  ,  qui  dé¬ 
ni  andoit  avec  hauteur  fa  tête  ,  qui  l’avoit  mife  à  prix  ,  &  qu’on 

menageoit  alors  beaucoup  ,  parcequ’on  en  attendoit  du  fecours 
contre  les  Rebelles. 


contre  lui ,  &  l’on  propofa  de  lui  faire  fon  procès ,  de  dIfParoît^* 


P™  *?°ir  entrepris  fon  expédition  fans  ordre.  Ilfut  lontems  ca- 
c  u  a  uen  C^ez  Préfident  de  Marigny ,  &  comme  il  s’en 
a  oit  beaucoup  qu  il  eût  rapporté  de  la  Floride  dequoi  acquit- 

t^r  itei  ’  <IU  ^  ayoh  contrariées  pour  fe  mettre  en  état  d’en 
c  aller ^les^Efp agnols  ,  il  eût  eu  bien  de  la  peine  à  trouver  de- 


TqtîK  /, 


O 


■%rt. 


i  5  6  7- 

Sa  mort. 


.  hhtoire  generale,  &c. 

10  v  fi  n  Antoine  lui  offrit  le  Commandement  de  laFlotte’, 

Enfin  D.  Antoine  im  o  Couronne  de  Portugal , 

regrette ,  &  avec  la  reputa  i  t  ig  de  comman- 

ags£«sr«« 

nom  François* 


HISTOIRE 


E  T 

DESCRIPTION  GENERALE 

DELA 


NOUVELLE  FRANCE. 


LIVRE  TROISIEME. 

U  O  I  Q  U  E  par  l’évacuation  de  la  Floride, 

^ /T  O  Î  E  ■»  u  »  J .  — —  ._  /  1  .  1  Tl  JT  t 


après  rheureufe  expédition  de  M.  de  Gour- 
gues,  la  France  eût  paru  renoncer  à  tout  Eta- 
bliffement  dans  le  Continent  de  T  Amérique , 
les  Normands ,  les  Bafques  &  les  Bretons  con- 
tinuoient  toujours  à  faire  la  Pêche  des  Balei- 

A  —TE - — ~  nes  «Sc  des  Morues  fur  le  grand  Banc,  &  le  long 

des  Cotes  de  Terre-Neuve  ,  dans  tout  le  Golphe  S.  Laurent, 

!&  dans  le  grand  F  eu ve  ,  qui  s’y  décharge.  Quelques-uns  mê¬ 
me  üereçt  infenfiblement  commerce  avec  les  Naturels  du  Pays 
.  la  trai,tte  ^es  Pelleteries  commença  bientôt  à  devenir  un  ob¬ 
jet,  que  1  amour  de  la  nouveauté,  &  la  facilité,  avec  laquelle  fe 
tadoit  ce  trafic ,  firent  préférer  à  la  Pêche  ,  &  qui  métamorphofa 
pinceurs  de  nos  Matelots  en  Marchands. 

|  En  n  en  1 5  9§ .  la  France,  après  cinquante  ans  de  troubles  do-  Tentatîv 
mefhques  ,  ayant  recouvré  fa  première  tranquillité  ,  par  la  va 
eur  ,  activité  ,  &  la  clémence  de  Henry  le  Grand  ,  &  fe  trou-  r6.1?  iloch 
vaut  en  état  de  tout  entreprendre  fous  le  plus  habiles  de  fes  Rois  ^  *  '3naC 
■e  goût  des  Colonies  revint  aux  François  ,  &  le  Marquis  de  la 
ioc he  Gentilhomme  Breton  ,  obtint  de  Sa  Majefté  la  même 
conimiliion,  &  les  mêmes  pouvoirs,  qu’avoiteus  M.  de  Rober- 

Oij 


i  598, 


M98' 


histoire  generale 

lui-même,  mais  dont  il  ne  s  etott  pas  trouve^  ^  douziéme  de 

ufage.  Ses  Lettres  1 Patentes ,  q  conformément  à  la  volonté  du 

Janvier  1598-  (O  ^“Xidié  l’a  créé  fon Lieutenant  General 
feu  Roy  Henry  I  I  L  .J  ,  Terres  N euves ,  Labrador , 

&  T"re”d1*' 

centes,  aux  conditions  .  ^ 


centes  9  aux  conditions  5  tjui  iuiv  rl’pi-aKIAr  ^  Foy  Catholi- 

&  guerre  , 

*  que  ;  que  fon  autot  _  ,n  choifira  les  Capital! 


quelque  fon  les  Capitaines ,  Mai- 

rant  de  Mer,  que  ÿ  les  commander  en  tout 

très  de  Navires  &  Pilotes ,  qun  p  ^  aucun  prétexte  ,  ils 

ce  qu’il  jugera  a  propos  ,  la  d  ’  dj{p0fer  des  Navires  & 
puiîfent  retufer  de  lui  obéir  .Qu  P  P  d  p  en  état 

aes  Equipages  qu’il  rrouyera  dam  ksFort  ,  ^  f?L. 

de  mettre  en  Mer ,  leve  q,  des  Villes  leur  donner  des  Loix, 
re  la  guerre,  bâtir  des  Forts  &  ^  ^J^^ncéder  aux  Gen- 

en punir les Violateurs  ouleut  -faire J  ^  ^  châteiienies  , 
tilshommes  des  Terres  en  b  ^lgnités  relevantes 

Comtés ,  Vicomtés  Baronnies ^  du  s  ice  , 
du  Roy  ,  félon  qu  il  le  c  ,  teqe  charge  &  redevan- 

&  aux  autres  de  moindre  condir  ,  ^  |ont  ils  fer0|t 

ce  annuelle  ,  qu’il  lui  plaira  e  J3  ,  ’  >d  peff  jme  néceffaire  : 

exempts  les  fix  premières  années,  & q>lus,  siU. ^  ^ 
Qu’au  retour  de  fon  expedi  1  ,  ^  tous  les  gams  & 

qui  auront  fait  le  voyage  avec  >  Qur  lui  ?  &.  employer 

profits  mobiliaires  ,  en  retei  Fortifications  &  autres  dé- 

le  troifiéme  aux  f^isoe  ^  guerr  ^ * ntilshommes,  Marchands , 
penfes  communes  :  Que  tous  les  frajs  ^  qu  autre_ 

&  autres ,  qui  voudront  1  acc  P  g  >d  ne  jeur  fera  pas 

ment ,  le  pourront  en  toute  liber  ®  ,  en^jfli0n  ,  &  cela  fous 
permis  de  faire  le  commerce,  ^marchandées  &  autres 

peine  de  confifcation  de  leurs  Navires,  m  1  Tefta- 

effets  :  Qu’en  cas  de  maladie  ou  de  ,  p0ur 

^ d- -  leR°yaU* 

*  .  .  ..  i  n- _ Ur  «Heur  de  la  R°‘ 


M  M.  de  la  Roche  y  eft  nommé  Traitas  j  die  ,  Quermoulec  ,  de  Gor- 

de  Mefaouet ,  Chevalier  de  1  Ordre,  Co  flr>nteeui<mo  ,  8c  Lifcuit.  » 

feiller  d’Etat Capitaine  de  cinquante  Hom-  n  1  ,  |  ainfi  qu’on  appelloit  commun  - 

_ a*  a — «.c  dfc  Ordonnances  de  ba  Maje-  \  \  j  -  —  1  ^  1 


leiller  dbtat — i-  _  .  {b)  UeU  ainu  qu  u»  «rr'**~ 

mes  d’Armesdes  Ordonnances  de  1  I  alors  le  Eleuve  de  S.  Laurent* 

lié ,  Marquis  de  Cotemmeal ,  Baron  de  Las ,  ment  alors 

Vicomte  de  Carentan  8c  de  S*  Lo  en  Norman-  J 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  III.  109 

ime  la  levée  des  Ouvriers  ,  &  autres  Gens  néceffaires  pour  lefuc- 
cès  de  fon  entreprife  :  En  un  mot,  qu’il  jouira  des  mêmes  pou¬ 
voirs  ,  privilèges,  puiffance ,  &  autorités ,  dont  le  Sieur  deRo- 
berval  avoit  été  gratifié  par  le  Roy  François  L 

Le  Marquis  de  la  Roche  revêtu  d’une  Commifïion  ,  qui  le 
mettoit  en  état  de  tout  entreprendre  ,  voulut  aller  reconnoître 
lui-même  le  Pays  :  il  arma  un  Vaille  au  ,  fur  lequel  il  s’embarqua 
la  même  année  avec  un  habile  Pilote  Normand  ,  nommé  Che- 
DOTEL.  La  première  Terre,  qu’il  aborda, fut  Vlfle de Sable^  éloi¬ 
gnée  d’environ  vingt-cinq  lieuè's  au  Sud-Eft  de  rifle  Royale  ,  & 
où  l’on  affûre  que  dès  l’année  1 508.  le  Baron  de  Lery  avoit  vou¬ 
lu  établir  une  Colonie.  Il  avoit  bien  mal  choifi  :  à  peine  l’Ifle  de 
Sable  produit-elle  quelques  herbes  &  quelques  broffailles,  &  ja¬ 
mais  Terre  ne  fut  moins  propre  pour  être  la  demeure  des  Hom¬ 
mes  ,  outre  quelle  eft  très-petite ,  &  n’a  point  de  Port.  Cette  Ifle 
eft  parles  quarante-quatre  dégrés  douze  minutes  Nord.  La  va¬ 
riation  obfervée  y  eft  de  treize  dégrés  Nord-Eft.  Elle  eft  fort 
étroitte  ,  &  a  la  figure  d’un  Arc.  On  trouve  dans  fon  milieu  un 
Lac  d’environ  cinc[  lieues  de  circuit ,  &  Rifle  en  a  environ  dix. 
Ses  deux  extrémités  font  des  écueils  de  bancs  de  fable  ,  dont  l’un 
court  Nord-Eft-Quart-d’Eft,  &  l’autre  Sud-Eft.  Elle  eft  à  trente- 
cinq  lieues  Nord  &  Sud  de  Camceaux  ,  &  a  des  Montagnes  de 
fable  ,  qu’on  découvre  de  fept  ou  huit  lieues.  M.  de  la  Roche 
y  débarqua  quarante  Miferables  ,  qu’il  avoit  tirés  des  prifons  de 
France  ,  &  qui  s’y  trouvèrent  bientôt  plus  mal  à  leur  aife  ,  que 
dans  leurs  cachots  mêmes. 

Il  alla  enfuite  reconnoître  les  Côtes  du  Continent  le  plus  pro¬ 
che  ,  qui  font  celles  de  l’Acadie  ,  &  après  y  avoir  pris  toutes  les 
connoiffances  ,  dont  il  crut  avoir  befom  ,  il  appareilla  pour  re¬ 
tourner  en  France  :  Son  deffein  étoit  de  repafîèr  par  l’Ifle  de  Sa¬ 
ble  ,  pour  y  embarquer  ceux,  qu’il  y  avoit  laiffés  ;  mais  les  vents 
contraires  ne  lui  permirent  pas  d’y  aborder.  Divers  contretems 
1  arrêtèrent  en  France  les  années  fuivantes  ,  &  l’empêcherent  de 
fuivre  fon  entreprife.  Il  fut  plus  d’un  an  Prifonnier  du  Duc  de 
Mercœur  ,  qui  etoit  encore  le  Maître  en  Bretagne  ;  &  des  Per- 
fonnes  puiffantes  ,  à  qui  fon  zélé  pour  la  Religion  Catholique , 
ne  plaifoit  pas,  trouvèrent  moyen  d’arrêter  les  effets  de  la  bonne 
volonté  du  Roy  à  fon  égard.  Deforte  que  ,  comme  il  avoit  fait 
de  grandes  avances  ,  qui  ne  lui  avoient  rien  produit ,  il  ne  fe 
trouva  plus  en  état  de  les  continuer  ,  &  l’on  affûre  qu’il  en  mou¬ 
rut  de  chagrin.  *  v 


1  598. 


Son  entre- 
prife  échoue. 

Defcription 
d  tl'IJle  de  Sa¬ 
ble. 


i  5 

Paute  ,  qu’il 

fie. 


I I  o  histoire  generale 

I I I  a  faute  qu’il  fit ,  fut  de  n’avoir  pas  commencé  un  Etabliffe- 
ment  à fAcaLie  ,  où  une  feule  pêche  fedentaire  ,  qui  ne  lut  au, 
roit  pas  coûté  beaucoup  ,  lui  auroit  produit  des  «tours  affures 
&  préfens.  Les  quarante  Malheureux  ,  qui]  avoit/f  al ffeS,da" 
l’Ifle  de  Sable  y  rencontrèrent  fur  le  bord  de  la  Mer  que  q 

.  *m  m  f»b,i,u«n, J,  fc«pou, 

fe  mettre  à  couvert  des  injures  du  teins  ,  Ftablif 

Navires  Efpagnols  ,  qui  étoient  partis  pour  faire  un  Etablit 

fement à l’IÜe  iloyale  (a).  De  ces  mêmes  Navires  il  etoit  for  i 

moques  Moutom  &  quelques  Bœufs ,-  qui  avoient  multiplie 

Hans^l’Ifle  de  Sable  ,  &  ce  fut  pendant  quelque  tems  une  reffou 
dans  Hile  ae  oau  ,  £  p0ilTon  fut  enfuite  leur  unique 

nourritureS,1& quand  leurs  habits  furent  ufés  ,  ils  s’en  firent  des 
peauxde  Loups  marins.  Enfin  au  bout  de  fept  ans,  le  Roy  ayant 
oiü'parler  de  leur  aventure  ,  obligea  le  Pilote  Chedotel  a  les  al¬ 
ler  chercher  mais  il  n’en  trouva  plus  que  douze,  le 
étant  mort  de  mifere.  Sa  Majefté  voulut  voir  ceux  qui  etoien 
revenus  ,  dans  le  même  équipage  ,  ou  Chedotel  les  avoit 
trouvés  couverts  de  peaux  de  Loups  marins ,  les  cheveu  , 
la  barbe  d’une  longueur ,  &  dans  un  défordre ,  ‘F1  revoie 
affez  femblables  aux  prétendus  Dieux  des  Fleuves ,  &  ^figures 
à  faue  horreur  Ce  Prince  leur  fit  donner  à  chacun  cinquante 
Lus  "Ses  renvoya  chez  eux  déchargés  de  toutes  pourfuites 

i  ^  Le  mwvais  fuccès  de  la  tentative  du  Marquis  de  la  Roche  , 
Æit  rfiSpohMuSp*  &  morton  .«  fomcio.  v.ve«n.  k 

h  ,n  ffait  ollfieurs Voyages  à  Tadouffac  ,  &  avoit  compris  que 
la  traitte  des  Pelleteries ,  fi  elle  étoit  dans  une  feule  main  ^pour- 
mit  être  le  fond  d’un  grand  commerce  :  il  propofa  a  M.  Chau 
VIN  “capitaine  de  V  aiffeaux  ,  d’en  demander  au  Roy  le  Prm- 
lese  exclufif ,  avec  toutes  les  prérogatives  attachées  a  la  Co  - 
mfffion  de  M.  de  la  Roche.  M.  Chauvin  goûta  cet  avis ,  ht ;ag 
les  Amis Ê  qu’il  avoit  en  Cour  ,  &  obtint  ce  qu’il  demandou.il 
équipa  auflnôt  quelques  Bâtimens  de  fort  peu  de  port  ,  & 

ronduifit  lui-même  à  Tadouffac.  .  .  c  w 

Pontgravé  ,  qui  étoit  de  ce  voyage ,  voulait  monter  jufquaux 

Trois  R8iviere’s?parceque  ce  Lieu,  qu'il  vfeavec  fom , 

lui  paroiffoit  plus  propre  qu  aucun  autre  ,  a  un 

[et  ) Nommée  alors  l’Iflc  de  Cap  Breton. 


M 


! 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  III.  m 

mais  le  deffein  de  M.  Chauvin  n’étoit  pas  d’en  faire  aucun  ,  en¬ 
core  moins  de  remplir  l’article  de  fa  Commiffion  ,  qui  regardoit 
la  Religion  Catholique  ,  parcequ’il  étoit  Calvinifte  ;  il  ne  vou- 
loit  que  troquer  des  Marchandises  contre  des  Pelleteries  dont 
il  eut  bientôt  rempli  fes  Navires.  Il  laiffa  néanmoins  à  TadoufTac 
quelques-uns  de  fes  Gens,  qui  y  auraient  péri  de  faim,  ou  de  ma¬ 
ladie  pendant  l’hyver ,  fi  les  Sauvages  n’en  avoient  eu  compaf- 
fion.  L’année  fuivante  il  retourna  de  bonne  heure  à  fa  traitte 
&  ce  fécond  voyage  ne  lui  produifît  pas  moins  que  le  premier  ; 
il  fe  préparait  à  un  troifiéme ,  lorfque  la  mort  mit  fin  à  fes  pro- 


1600-02. 


jets 


Le  Commandeur  de  Chatte  ,  Gouverneur  de  Dieppe  ,  lui 
fuccéda  ,  forma  une  Compagnie  de  Marchands  de  Rouen , 
avec  lefquels  plufîeurs  Perfonnes  de  condition  entrèrent  en  fo- 
cieté  ,  &  fît  un  Armement  „  dont  il  confia  la  conduite  à  Pont- 
gravé  ,  à  qui  le  Roy  avoit  donné  des  Lettres  Patentes  ,  pour 
continuer  les  découvertes  dans  le  Fleuve  du  Canada  ,  &  pour 
y  faire  des  Etabhfïemens .  Dans  le  même  tems  Samuel  de  Cham- 
PLAIN,  Gentilhomme  Saintongeois,  Capitaine  de  VaifTeaux,  & 
en  réputation  d’Officier  brave  ,  habile  &  expérimenté,  arriva 
des  Indes  Occidentales  ,  où  il  avoit  pâlie  deux  ans  &  demi.  Le 
Commandeur  de  Chatte  lui  propofa  de  faire  le  voyage  de  Ca¬ 
nada  ,  &  il  y  confentit  avec  l’agrément  du  Roy. 

Il  partit  avec  Pontgravé  en  1603. Ils  s’arrêtèrent  peu  à  Ta- 
douffac  ,  où  ils  laifferent  leurs  VaifTeaux ,  &  s’étant  mis  dans  un 
xJatteau  leger  avec  cinq  Matelots  ,  ils  remontèrent  le  Fleuve  juf- 

W/au  ’  c  e^-à-dire,  jufqu’où  Jacques  Cartier  étoit 

aile;  mais  il  paraît  que  la  Bourgade  d’Hochelaga  ne  fubfiftoit 
plus  des  lors ,  ou  étoit  réduite  à  très-peu  de  chofe  ,  puifque  M. 
de  Champlain  ,  dont  les  Mémoires  font  extrêmement  détaillés 
n  en  dit  pas  un  feul  mot.  A  leur  retour  en  France ,  ils  trouvèrent 
le  Commandeur  de  Chatte  mort ,  &  fa  Commiffion  donnée  à 
Fierre  duGuaft  Sieur  de  Monts,  Saintongeois,  Gentilhomme 
Ordinaire  de  la  Chambre,  &  Gouverneur  de  Pons,  lequel  avoit 
encore  obtenu  le  commerce  exclufif  des  Pelleteries  ,  depuis  les 
quarante  degres  de  Latitude-Nord,  jufqu’aux  cinquante-quatre 
e  droit  de  concéder  des  Terres  jufqu’aux  quarante-fix ,  &  des 
Lettres  Patentes  de  Vice-Amiral ,  &  de  Lieutenant  Général 
dans  toute  cette  etenduè  de  Pays. 

M.  de  Monts  étoit  Calvinifte ,  &  le  Roy  lui  avoit  permis  l’e- 
iercice  de  fa  Religion  en  Amérique  ,  pour  lui  &  pour  k-s  Tiens  , 


Entreprîfe  du 
Commandeur 
de  Chatte. 


I  603, 


Premier 
Voyage  de 
Champlain. 


M.  de  Monts 
en  Acadie, 


i  6 04» 


,n  HISTOIRE  GEN  ^ 

ainfi  qu’il  fe  P?  -  y  Jabllr  la  Religion  Catholique 

engage  a  peupler  le  P|i  d’aj{leUrs  un  fort  honnête  Homme , 
parmi  les  Sauvages.  C  etoit  d  ailleurs  ut  1  pEtat ,  & 

Sont  les  vûës  étoieiit  droittes  ,  qui >  ,  l’entreprifé ,  dont 

toute  la  capacité  neceffaire  Pol|  ^  nrefque  toujours 

mal  fervi.  Son  rrivüege  Y  •  t  à  bout  de  le  ruiner, 

teries  lui  fufcita  des  Envieux  ,  qu  oar  fon  Prédéceffeur  ,  & 

Il  avoit  confervé  la  f  ,  ?  des  principaux  Ports 

il  l’augmenta  meme  de  P1“lie,uJs]f£god.elle.  Tant  de  forces  réu- 

de  France ,  furtout  de  ce  ui  Armement  plus  confiderable , 

nies  le  mirent  en  état  de  faire  un  "memœ^u  &  ^ 

nue  n’en  avoit  fait  aucun  de  ceux  ,  a  qui  Trace  au’il 

futen  partie  à  Dieppe  ,  &  en  partie  au  Havre-de-Grace  ,  qu  il 

16  î[  droit  compofé  de  S^latre.  Vai^auXj  dont  Pun  éKjit  deftiné 

à  faire  la  traitte  de: *  PeUetenes  : couriXlà  tout  le 
dre  de  conduire  le  fécond  a  Camceau^  ^  §  Jean  ^  pour 

Canal ,  que  forment  llûe  R  y  >  rnmmerce  avec  les  Sauva- 

écarter  ceux,  qui  voudraient  ai  îyfonts  lequel  conduifit 

ges ,  au  préjudice  des  droits  de  M  de  Mon  ,  de  plu. 

les  deux  autres  Navires  en  Acadie.  11 -  &  d,u/autre  Gentil- 

fieurs  Volontaires,  du  Sieur  P  *  Pqutrin  COURT, 

homme,  nomme  Jean  de  Bienc  ?  '  .  t  (îue  d’entamer 


Defcrîptlou 
de  ce  Pays. 


cru  qu’il  étoit  à  propos  de  donner  fuite  de  cet 

-.c  les  Province. 

"SK* ,  félon  tous  les  Auteurs ,  qui  fe  font  “P™fa 
Sentent ,  d  une 

1  Amérique  au  Sud  E  .  r  •  tionde  l’Inde  Occidentale  («)• 
m  ^  1 _ 1  I  1  fl .>  t  t .  .A  ipç  Géographes  parlent  de  même ,  û  of 


en  excepte  Meilleurs  de  cnampiam  .  J  L eApremier  ,  au 

l’Acadie  des  bornes  beaucoup  PlusneXnne  le  nom  d’Acadie 
Chapitre  huitième  defes  Voyages  ,  ne  donne  le  nom  a 


c .  )  c** .  *«<**-* .  '■ hmc  *"**"**  "t 

larisefi  forma  , , . .  4ho  jintts  exquo  terra  l  lm  tffieimU  qu  à 


DELANOUVELLEFRANCE.Liv.III.  uj 

u’Ifle  (a)  ,  &  M.  Denys  ,  ~T7~~ 
La  ,  qui  nous  en  a  donne 
une  defcripiion  très-exa£le  ,  qui  en  a  poffedé  en  propre  ,  &  gou¬ 
verné  au  nom  du  Roy  la  Côte  Orientale  ,  efl  du  même  fenti- 
ment. 

Celui-ci  divife  en  quatre  Provinces  toute  la  partie  Orientale  & 
Méridionnale  du  Canada,  laquelle  avoitde  Ton  tems  quatre  Pro¬ 
prietaires,  Lieutenans  Généraux  pour  le  Roy.  La  première,  de¬ 
puis  Pentagoët ,  jufqu’à  la  Riviere  de  S.  Jean  ,  il  la  nomme  la 
Province  des  Etechemins  ,  &  c’eft  ce  quon  appelloit  aupara¬ 
vant  la  Norimbegue  :  la  fécondé  ,  depuis  la  Riviere  de  S.  Jean  , 
jufqu’au  Cap  de  Sable  ,  il  lui  donne  le  nom  de  Baye  Françoife  : 
latroifiéme  ,  félon  lui ,  eft  l’Acadie  ,  depuis  le  Cap  de  Sable  juf- 
qu’à  Camceaux ,  &  c’efi  ce  que  les  Anglois  ont  d’abord  nommé 
Nouvelle  Ecoffe  ,  à  l’occafion  ,  que  je  dirai'bientôt.  La  quatriè¬ 
me,  qui  étoit  fon  Domaine  &  fon  Gouvernement,  depuis  Cam¬ 
ceaux  jufqu’au  Cap  des  Rofiers  :  il  l’appelle  la  Baye  de  S.  Lau¬ 
rent ;  d’autres  l’ont  nommée  Gafpejie. 

Ne  diroit-011  pas  même  qu’on  a  eu  en  vûë  cette  façon  de  pen¬ 
ser  de  nos  deux  plus  anciens  Auteurs  fur  l’Acadie  ,  lorfqu’on  a 
déclaré  dans  le  Traité  d’Utrecht ,  que  le  Roy  Très-Chrétien  ce- 
doit  à  la  Reine  d’Angleterre ,  &  à  fes  Succefïeurs  ,  à  perpétuité , 

/  Acadie  5  ou  Nouvelle  EcoJJe  ,  conformement  à  fes  anciennes  limi¬ 
tes  ,  comme  aujji  la  Ville  de  Port  Royal ,  ou  Annapohs  Royale  , 
avec  fa  Banlieue  ?  car  puifque  ce  Traité  ajoûte  le  Port  Royal  à 
1  Acadie,  ou  Nouvelle  Ecoffe  ,  il  s’enfuit,  ce  femble,  qu’elle  ne 
comprenoit  pas  toute  la  prefqu’Ifle  ,  fous  le  nom  d’Acadie  pro¬ 
pre  ,  ou  de  Nouvelle  Ecoffe. 

Jefçai  que  dans  plusieurs  Traités,  qui  fe  font  faits  entre  les 
deux  Couronnes  ,  on  trouve  le  nom  de  Nouvelle  Ecoffe  ,  attri¬ 
bue,  tantôt  à  la  Peninfule  exclufivement  à  la  Côte  Méridionna¬ 
le  du  Canada  ,  &  tantôt  à  cette  Côte  exclufivement  à  la  Penin¬ 
fule  ;  mais  on  ne  prouvera  par  aucun  Mémoire  ,  qui  puiffe  faire 
foi,  quel  une  &  l’autre  l’aient  porté  en  même  tems.  Outre  que  ces 
changemens  de  noms  font  modernes,  &  qu’il  s’agit  entre  les  An- 

flois  &  nous  des  anciennes  limites  de  l’Acadie  ,  ou  Nouvelle 
icoffe. 

11  eft  fi  vrai  qu’en  Angleterre  même,  le  nom  de  Nouvelle  Ecoffe 

(a)  Le  Sieur  duPont  »  avec  laCommif- 
lion  du  Sieur  de  Monts  va  à  Camceaux,  Sc 
n  le  le ng  de  la  Côte  du  Cap  Breton.  Le  Sieur 

Tome  L 


«  de  Monts  prend  la  route  plus  à  val  ,  vers. 
»  les  Côtes  de  l’Acadic.  <* 

P 


qu’à  la  Côte  Méridionnale  de  la  prefq 
qui  a  lontems  demeuré  dans  ce  Pays-^ 


i  6  04* 


0 


HISTOIRE  generale 

IT4  .  .  t  '  la  nrefaulfle  ,  que  Guillaume  -  Ale- 

fe  donnoitumqi  été  gratifié  par  le  Roy  Jac- 

Xal  f  tout  ce  qui  avolt  lté  enlev?  à  la  France  dans  cette 
partie  du  Canada!  fous  le  régné  de  ce  Prince  ,  il  fépara  cette 
conceffion  en  deux  Provinces  ,  nomma  la  PenmMe  Nouvelle 
r  f T  Rr  rlonna  au  refte  le  nom  de  Nouvelle  Alexandrie .  C  eft 

cequ  P  •  4éïacité.  Plusieurs  années  apres,  Char- 

rêïîe  e”  an°t  ôXnné  en  vertu  du  Traité  de  Breda ,  la  reftitu- 
tioiVde^  Acadie  aux  François ,  le  Chevalier  Temple  prétendit 
être  en  droit  de  garder  Pentagoet,  difant  que  ce  porte  netoit 
nîfint  compris  dits  l’Acadie  ,  mais  dans  la  Nouvelle  Ecoffe  ; 
on  lui  fit  pourtant  voir  que  fa  prétention  etoit  fans  fondement. 

Après  cette  courte  digreflion,  qui  ne  doit  point  etre  regar¬ 
dée  comme  étrangère  à  mon  Hiftoire  ,  puifqu  il  s  agit  deregler 
un  ooii«  important  de  Géographie ,  qui  concerne  directement 
Ke  quePi  y  traite,  je  vais  âire  deux  mots  de  ces  Provinces 
Méndfonnalesyde  la  Nouvelle  France  ,  qui  furent  alors  decou- 
vertès  par  MM.  de  Monts  &  de  Champlain.  Il  ny  en  a  peut- 
être  pas  au  Monde ,  où  l’on  rencontre  de  plus  beaux  Ports  ,  ni 
•  ^  -/r  Prmrnir  nlus  abondamment  toutes  les  commodités  de 
nrÊ  Xat  affezloux  &  fort  faut  &  l’on  n’y  a  en¬ 

core  trouvé  que  les  Terres  d’une  fécondité  furprenante.  On  a 
vu  auprès  delà  Haive  un  feul  grain  de  Froment ,  qui  avoit  pro¬ 
duisent  cinquante  épis  fort  longs  ,  &  tellement  charges ,  qu  il 
avoir  fallu  y  lettre  un  cercle  de  fer ,  pour  les  foutemr.  Le  Sieur 
Denvs  qui  rapporte  ce  fait ,  dont  il  avoit  ete  témoin  ,  ajoute 
cnf  au  même  endroit  il  vit  un  champ  de  Bled  ,  où  les  grains ,  qui 
avoient  le  moins  produit ,  portoient  huit  tiges  ,  toutes  fournies 
S  dont  le  moindre  avo.tun  dem.-p.ed  de  long.  Enfin  on  ne 
von  nulle  part  de  plus  belles  Forêts ,  ni  dont  les  Bois  foient  plu 

propres  à  la  conftruRion  ,  &  a  la  mature.  p 
P  rfv  a  en  quelques  endroits  des  mines  de  Cuivre  ,  &  en  d  au¬ 
tres  Su  Charbon  de  terre  :  on  affûre  même  qu  a  trois  -quarts 
de  lieues  au  large  de  l’Ifle  Menane  ,  qui  fert  de  reconno.ffeme.it 
aux  Yaiffeaux  pour  entrer  dans  la  Riviere  S.  Jean  ’  ^7  * 
cher  orefaue  toujours  couvert  par  la  Mer  ,  lequel  eit  de  Lapis 
îatraXûteVe  le  Commandeur  de  Razi  h  en  avoir J 
ché  un  morceau  ,  qu’il  envoya  en  France  ,  &  le  ^ur  Ueny  , 
qui  l’avoit  vû ,  dit  qu’il  fut  eftimé  dix  ecusl  once.  Les  Poiflons  , 
qu’on  pêche  plus  communément  fur  ces  Cotes ,  font  > 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  ÎIL  u5 

le  Saulmon  ,  le  Maquereau  ,  leHaranc  ,  la  Sardine  ,  l’Alofe  ,  la  ~77 - 

Truitte  *  le  Gatte  ,  le  Gaparot ,  le  Bar  ,  l’Efturgeon  ,  la  Gober-  °°4* 
ge  ;  tous  Poiffons  ,  qui  fe  peuvent  faler  &  tranfporter.  Le  Loup 
marin ,  la  Vache  marine  ,  &  la  Baleine  y  font  en  très  -  grande 
quantité.  On  affûre  que  dans  le  feul  Port  de  Moucouadi  on  pour- 
roit  pêcher  en  une  feule  faifon  affez  de  Baleines  ,  pour  la  Car- 
guaifon  deplufieurs  Navires.  D’ailleurs  les  Rivières  font  rem¬ 
plies  de  Poiffons  d’eau  douce  ,  &  leurs  bords  ,  d’un  Gibier  in- 
fini. 

La  fituationde  l’Acadie  eû  admirable  pour  le  commerce,  c’efl 
la  tête  de  l’Amérique  Septentrionnale  ,  &  l’entrepôt  le  plus  pro¬ 
che  ,  le  plus  sûr  ,  &  le  plus  commode  pour  le  commerce  des  In¬ 
des  Occidentales.  Son  etenduë  efl  de  deux -cent  cinquante 
lieues  de  circuit,  entre  les  quarante- trois  &  les  quarante-fix  dé- 
grés  de  Latitude-Nord  ;  les  courants  n’y  font  point  fâcheux  ,  & 
l’on  y  navigue  de  tous  vents.  On  peut  voir  le  détail  &  la  preuve 
de  tout  ceci  dans  l’excellent  Ouvrage  de  M.  Denys  ,  qui  n’a 
rien  eciit ,  que  ce  qu  il  a  vu  par  lui-meme ,  &  qui  étoit  connoif- 
Rui  •  Outit  que  tous  ceux ,  qui  ont  fait  quelque  fejour  dans  le 
Pays  ,  ont  parlé  le  même  langage.  Je  reviens  àM.  de  Monts. 

Il  etoit  parti  du  Havre-de  Grâce  le  feptiéme  de  Mars  1604.  EtaWîflê 
&  le  lixieme  de  May  il  entra  dans  un  Port  de  l’Acadie  ,  où  il  ment  à  Sainte 
rencontra  un  Navire ,  qui  y  faifoit  la  traite ,  malgré  les  défenfes.  Croix* 

Il  le  confifqua  en  wtu  de  fon  Privilège  exclufif,  &  le  Port  fut 
nomme  le  Port  Rojfîgnol ,  du  nom  du  Capitaine  ,  à  qui  appar- 
tenoit  le  Navire  confifqué  ;  comme  fi  M.  de  Monts  eût  voulu 
dédommager  cet  Homme  de  la  perte ,  qu’il  lui  faifoit  fouffrir ,  en 
immortalisant  fon  nom.  Au  fortir  de  ce  Port ,  il  entra  dans  un 
autre  ,  qui  fut  appelle  le  Port  au  Mouton  ,  pareequ’un  Mouton 
s  y  noya.  Il  y  débarqua  tout  fon  Monde  ,  &ypalfa  plus  d’un 
mms,  tandis  que  M.  de  Champlain  vifitoit  toute  la  Côte  dans 
une  Chalouppe  ,  pour  chercher  un  endroit  propre  à  l’Etablilfe- 
ment ,  qu’on  avoit  projette.  Y 

Il  auroit  bien  pu  s’épargner  la  peine  d’aller  fi  loin ,  &  même  de 
venir  julques-la;  car  îlfe  trouvoit  entre  Camceaux,  &  la  Haive 
qui  font  lans  contredits  ,  les  deux  meilleurs  Ports  de  l’Acadie  * 

&  les  mieux  fitués  pour  le  commerce  ;  mais  il  ne  daigna  pas  mê¬ 
me  s  y  arrêter.  I  n’entra  ni  dans  le  Port  Royal ,  ni  dans  la  Baye 
rançoife  ,  111  dans  la  RiviereS.  Jean  ,  &  il  pouffa  vingt  lieues 
plus  loin  ,  jufqu  a  une  petite  Ifle  *  où  M.  de  Monts  étant  arrivé 
peu  de  tems  après  lui réfolut  de  s’établir.  Il  lui  donna  le  nom 

Pij 


E  N  E  R  A  L  E 


1605. 


Incommo¬ 


dités  de  ce 
Port, 


,  HISTOIRE  g 

110  J  .  „  ■  o~  mmme  elle  n’a  au’une  demie-lieuë  de 

Sut &  bientôt  toute  défrichée.  On  sV  logea  affe,  bien, 

sSIS|ï^”r*,  r'00  avo;‘  t 

■  .1 _ T  ’Kvvpi-  venu  .  onfe  trouva  fans  eau  douce ,  & 


°„  ne  tarda  pourra-  p«a .  .  trouvJans  eau  douce ,  & 
que  pluûeurs ,  p  cMvifjrent  de  boire  de  la  neige  fonduë  le 

“'«rftfe  cf  attWÊÿrr* 

a^Oueft  Fefpace  de  80.  lieues ,  depuis  la  Riviere  de  S.  Jean  , 
Champlain  9<mv  /  e  pa  Barque  y  avoir  couru  rif- 

poS.  «..pi/hé  1«  Anglois  de  t'y  établi,  peu  Je  «m 


M.  de  Monts 


Colonie  au 
Port  Royal. 


qui  h  <*■  w**-.r  w 

aP  Environ  à  moitié  chemin  de  Sainte  Croix  à  la  Riviere  de  Qui- 

**  ^assitsicis 

bdleT P3m.e  Province.»  où  il 

”  al?nt  P“’  fvfeèr  retourna  à  Sainte  Croix ,  oh  Pontgravé  le 
vint  bientôt ^ oindre  ’  en  arrivant  de  France.  Ils  trouvèrent  cette 
Habitattôn  en  fort  mauvais  état  ;  &  M-  de  Monts  convaincu  , 
S  falloir  la  placer  ailleurs ,  réfolut  de  retourner  en  Acadie.  U 
s’embarqua  donc  avec  Pontgravé ,  & ,  chemin  faifant  ,  il  en  ^ 
d  ans  le  Port  Royal.  11  le  trouva  tellement  a  fcm  gre,  qu  p 
?e  champ  la  résolution  d’y  tranfporter  fa  Colonie  ,  chargea 
Ponteravé  le  ce  foin  ,  &  le  déclara  ton  Lieutenant. 

stESlrfis® 

„’a  prefque  rien  épargné  pour  en  faire  un  des  plus  beaux  Po 


Defcription 
se  ce  Port. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  III.  117 

du  Monde.  Il  a  deux  lieues  de  long  fur  une  grande  lieue  de  lar-  l  6  0  # 
ge  ;  une  petite  Ifle,  qu’on  a  nommée  rifle  aux  Chevres ,  ed  pref- 
que  au  milieu  du  Badin  ,  &  les  Vaiffeaux  peuvent  en  approcher 
de  fort  près.  On  n’y  trouve  nulle  part  moins  de  quatre  à  cinq 
brades  d’eau  ,  &  l’entrée  en  a  dix-huit.  Le  fonds  ed  par  tout  très- 
bon  ,  &  les  Navires  peuvent  y  être  à  l’abry  de  tous  les  vents.  A 
l’extrémité  du  Port  il  y  a  une  pointe  ,  qui  avance  entre  deux  Ri¬ 
vières,  où  il  y  aadez  d’eau  pour  les  Chaloupes.  Le  Climat  y  ed: 
tempéré ,  l’hyver  moins  rude  ,  qu’en  beaucoup  d’autres  endroits 
de  la  Côte  ,  la  chade  abondante  ,  le  Pays  charmant ,  de  vades 
Prairies  ,  environnées  de  grandes  Forêts  ,  &  par  tout ,  des  Ter¬ 
res  fertiles. 

Du  Port  Royal  à  la  Riviere  de  S.  Jean  ,  la  traverfe  ed  de  deux  De  h  Baye 
lieues  ,  &  c’edla  largeur  de  la  Baye  Françoife ,  qui  en  a  autant 
de  profondeur.  On  prétend  que  dans  la  plûpart  des  Bayes  ,  qui  des.jean" 
font  de  ce  côté-là ,  il  y  a  des  Mines  de  Cuivre.  L’entrée  de  la  Ri¬ 
viere  de  S.  Jean,  ed  encore  plus  difficile  ,  que  celle  du  Port 
Royal.  Il  faut  prendre  fur  la  droite  ,  fans  trop  approcher  des 
Terres.  A  une  petite  portée  de  Canon  ,  il  y  a  un  rapide  ,  fur  le¬ 
quel  les  Chalouppes  &  les  Barques  mêmes  peuvent  paifer, 
quand  la  Marée  ed  haute.  A  la  chute  de  ce  rapide  ,  il  y  aune 
foffe  d’environ  quatre  -  cent  pas  de  circuit ,  dans  laquelle  on 
voyoit  autrefois  un  grand  Arbre  debout ,  qui  fembloit  flotter  , 

&  ne  quittoit  jamais  fa  place  ,  malgré  la  violence  du  courant. 

Il  paroiflbît  de  la  groffeur  d’une  barrique  ,  mais  il  étoit  quel-  u£bre  fin§u* 
quefois  tout  couvert  par  la  Mer  pendant  plufieurs  jours.  Il  fem¬ 
bloit  aufli  tourner  comme  fur  un  pivot ,  car  on  ne  le  voyoit  pas 
toujours  d’un  même  côté.  Les  Sauvages  lui  rendoient  une  forte 
de  culte ,  en  y  attachant  des  Peaux  de  Cadors  ,  ou  d’autres  Ani¬ 
maux;  &  quand  ils  étoient  en  route,  &  qu’ils  ne  l’appercevoient 
point ,  ils  auguroient  mal  de  leur  voyage.  On  prétend  que  M. 
de  la  Tour  ,  dont  nous  parlerons  dans  la  fuite,  y  fit  un  jour  atta¬ 
cher  un  cable  ,  &  que  dix  Rameurs  ,  qu’il  avoit  mis  dans  une 
Chaloupe  ,  ne  purent  jamais  venir  à  bout  de  le  tirer  ,  quoi  qu  ils 
fuiTent  favorifes  du  courant.  Pour  revenir  à  la  Riviere  de  S. 

Jean;  c’edune  des  plus  grandes  de  la  Nouvelle  France.  Ses  bords 
font  couverts  de  très-beaux  Chênes  ,  de  plufieurs  autres  fortes 
d’ Arbres  ,  dont  le  bois  ed  d’une  bonne  qualité  ;  &  furtout  de 
Noyers  ,  dont  le  fruit  ed  de  figure  triangulaire  ,  &  difficile  à  ou¬ 
vrir  ;  mais  quand  il  ed  prefenté  au  feu ,  il  s’ouvre  de  lui-meme  , 

&  il  a  un  très  -  bon  goût.  On  y  trouve  aufli  des  Vignes ,  dont 


i  6o  5. 

Le  Port  Roïal 
concédé  à  M. 
de  Poutrin- 
court. 


118  histoire  generale 

le  raifin  eft  fort  gros ,  la  peau  épaifîe  &  dure  ,  &  le  goût  déli- 


cieux. 


M.  de  Monts 
perd  Ton  Pri¬ 
vilège  exclu- 
fif. 


Extrémité  , 
où  la  Colonie 
cft  réduite. 

16  06. 


Le  Sieur  de  Pontgravé  ne  penfoit  pas  tout-à-fait  du  Port  Roïal , 
comme  M.  de  Monts ,  les  avantages  ,  que  Ton  y  rencontrent  , 
le  touchèrent  moins ,  que  les  inconveniens  ,  dont  j’ai  parlé  ,  ne 
le  rebutèrent  ;  mais  M.  de  Poutrincourt  n’en  porta  pas  le  même 
jugement  ,  &  comme  en  s  affociant  avec  Mi .  de  Mionts  ,  il  avoit 
formé  le  deffein  de  s’établir  en  Amérique  avec  fa  Famille  ,  il  lui 
demanda  ce  Port ,  &  n’eut  aucune  peine  à  l’obtenir.  Cette  Con- 
ceffion,  faite  en  vertu  du  pouvoir,  que  M.  de  Monts  avoir  reçu 
du  Roy  ,  fut  encore  confirmée  par  des  Lettres  Patentes  de  Sa 
Majefte  ;  mais  ce  Gentilhomme  plus  occupé  de  la  Traitte  avec 
les  Sauvages  ,  que  de  la  culture  des  Terres  ,  n’eut  pas  autant  de 
foin  de  donner  de  la  folidité  à  fon  nouvel  Etablnfement ,  qu’il 

avoir  montré  d’ardeur  ,  pour  acquérir  un  fi  beau  Domaine,  & 

nous  l’enverrons  bientôt  chaffé  par  les  Anglois  ,  contre  iefquels 
il  auroit  pu  fe  défendre,  s’il  avoir  pu  feulement  leur  oppofer  tren¬ 
te  Hommes  bien  retranchés. 

L’automne  aprochant ,  M.  de  Monts  paffa  en  France ,  ùc  a 
fon  arrivée  à  la  Cour  ,  il  trouvâmes  chofes  bien  changées  à  fon 
égard.  Les  Pêcheurs  de  tous  tes  Ports  du  Royaume  avoient  re- 
prefenté  au  Roy  que  ,  fous  prétexte  de  tes  empêcher  de  traitter 
avec  tes  Sauvages  ,  011  tes  privoit  des  chofes  tes  plus  néceffaires 
pour  leur  Pêche  ,  &  qu’ils  feroient  contraints  d’y  renoncer  ,  fi 
Ton  ne  faifoit  ceffer  ces  vexations.  Ils  furent  écoutés  ,  le  Con- 
feil  comprit  1e  tort ,  que  feroit  au  Commerce  l’interruption  de 
la  Pêche  ,  qui  dès  lors  en  faifoit  une  des  plus  confiderables  bran¬ 
ches  ,  &  1e  Privilège  exclufif  de  M.  de  Monts  ,  qui  devoir  en¬ 
core  durer  deux  ans ,  fut  révoqué.  Il  ne  perdit  pourtant  pas  cou¬ 
rage  ;  il  fit  un  nouveau  Traitté  avec  M.  de  Poutrincourt ,  qui 
l’avoit  fuivi  en  France  ,  &  lui  fit  armer  à  la  Rochelle  un  V aif- 
feau  ,  qui  mit  à  la  voile  1e  treiziéme  de  May  1606. 

Le  voyage  fut  long ,  ce  qui  donna  lieu  aux  Habitans  du  Port 
Royal  de  croire  qu’on  tes  abandonnoit.  Pontgravé  fit  bien  tout 
ce  qu’il  put,  pour  tes  raffiner  ;  mais  à  la  fin,  comme  on  man¬ 
quent  abfolument  de  tout ,  il  fut  contraint  de  s’embarquer  avec 
tout  fon  Monde  ,  &  de  reprendre  la  route  de  France  :  il  ne  laiffa 
dans  1e  Fort  que  deux  Hommes  ,  qui  voulurent  bien  demeurer 
feuls  à  la  merci  des  Sauvages  ,  pour  garder  tes  effets  ,  qu’on  ne 
pouvoit  pas  tranfporter.  Il  étoit  encore  prefqu’à  la  vûe  de  la 
Baye  Françoife  ?  lorfqu’il  apprit  par  une  Barque  1  arrivée  de  M* 


I 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  III.  n9 
de  Poutrincourt  à  Camceaux.  Sur  cette  nouvelle  il  rebroufla 
chemin  ,  &  rentra  dans  le  Port  Royal ,  où  Poutrincourt  s’étoit 
déjà  rendu  ,  fans  qu’ils  fe  fuffent  rencontrés.  C’eft  que  pour  aller 
de  Port  Royal  à  Camceaux  ,  on  paffe  entre  le  Continent  &  L’IJle 
Longue  ;  au  lieu  que  pour  aller  de  Camceaux  au  Port  Royal ,  il 
faut  prendre  la  pleine  Mer ,  à  caufe  des  courants. 

M.  de  Poutrincourt  ayant  ramené  l’abondance  dans  fon  Ha¬ 
bitation  ,  il  ne  fongea  plus  qu’à  fe  fortifier  ,  &  Pontgravé  s’y  li¬ 
vra  tout  entier.  C  etoit  un  Homme  fage  ,  habile  ,  infatiguable  , 
&  d’une  grande  expérience.  Il  avoit  le  fecret  de  tenir  fes  Gens 
toujours  occupés,  ce  qui  contribuoità  les  garantir  des  maladies, 
qui  avoient  défo'lé  l’Etabliffement  de  Sainte  Croix.  M.  de  Cham- 
nlain  voulut  auffi  pourfuivre  fes  découvertes ,  mais  comme  la 
aifon  étoit  déjà  trop  avancée  ,  il  ne  put  aller  que  dix  ou  douze 
lieues  au-delà  de  Malebarre ,  &  fon  voyage  fut  allez  inutile.  La 
culture  des  Terres  eut  plus  de  fuccès  :  le  Froment ,  &  les  autres 
Grains  ,  qu’on  avoit  fémés  ,  fruftifierent  au-delà  de  ce  qu’on  en 
avoit  efperé  ;  les  autres  travaux  fe  faifoient  avec  joye  ,  pareeque 
^les  vivres  ne  manquoient  point ,  &  que  la  fertilité  du  Pays  fem- 
*bloit  répondre  que  la  fource  de  cette  abondance  ne  tariroit  ja¬ 
mais.  Les  maladies,  dont  on  avoit  retranché  la  caufe  ,  dimi- 
nuoient.  Enfin  les  Sauvages  commençoient  à  s’apprivoifer. 

Un  Avocat  de  Paris  ,  nommé  Marc  Les  carbot,  Hom¬ 
me  d’efprit,  &  fort  attaché  à  M.  de  Poutrincourt ,  avoit  eu 
la  curiofité  ,  peu  ordinaire  aux  Perfonnes  de  fa  Profefiion ,  de 
voir  le  Nouveau  Monde,'  &  fervit  beaucoup  à  mettre,  &  à  main¬ 
tenir  les  chofes  dans  cet  heureux  état.  Il  animoit  les  uns ,  il  pic- 
quoit  les  autres  d’honneur  ,  il  fe  faifoit  aimer  de  tous  ,  &  ne  s’é- 
pargnoit  lui-même  en  rien.  Il  inventoit  tous  les  jours  quelque 
choie  de  nouveau  pour  1  utilité  publique  ,  &  jamais  on  ne  com¬ 
prit  mieux  de  quelle  reffource  peut  être  dans  un  nouvel  Etablif- 
fement ,  un  efpnt  cultive  par  1  etude  ,  que  le  zélé  de  l’Etat  enga¬ 
ge  a  fe  fervir  de  fes  connoiffances  ,  &  de  fes  réfléxions.  C’efi:  à 
cet  Avocat ,  que  nous  fournies  redevables  des  meilleurs  Mémoi¬ 
res  ,  que  nous  ayons  de  ce  qui  s’efi:  paffé  fous  fes  yeux  ,  &  d’une 
Hiftoire  de  la  Floride  Françoife.  On  y  voit  un  Auteur  exaR  ,  & 
judicieux  ,  un  Homme  ,  qui  a  des  vûës  ,  &  qui  eût  été  auffi  ca¬ 
pable  d  établir  une  Colonie  *  que  d’en  écrire  l’Hiftoire. 

Tandis  que  le  Port  Royal  donnait  de  fi  belles  efperances  ,  les 
Ennemis  de  M.  de  Monts  achevoient  de  le  perdre  en  France.  Ils 
parvinrent  enfin  à  lui  faire  ôter  fa  Commiffion ,  &  il  ne  put  mê- 


i  6  06. 


Elle  eft  fè- 
couru'e  à  pio- 
pos. 


Fautes  & 
malheurs  de 
M.  de  Mcms» 


i  6  o  6. 


Defcrîptloft 
du  Port  de 
Camceaux. 


M.  de  Monts 
le  releve  un 
peu. 


1  607. 


,zo  HISTOIRE  generale 

me  obtenir  d’autre  dédommagement  pour  les  avances ,  qu  il 
ci  voir  faites  auune  fomme  de  6000.  liv.  a  prendre  fui  les  Y  au- 
féaux  ^qui  iraient  faire  le  commerce  des  Pelleteries.  On  lut  fit 
beaucoup  valoir  cette  gratification,  qui  dans  le  tond  n  etoitrien» 
puddue  les  frais ,  qu’.lauroit  fallu  faire  pour  lever  cet  argent 
euffent  excédé  la  fomme  ;  outre  que  a  chofe  eto.t  tmpratiqua- 

ble  ,  vû  la  nature  de  ce  Commerce  ;  les  lieux  ,  ou  il  fe  failoit : , 

&  kpeu  de  recours  ,  qu.1  devoir  s’attendre  d  avoir  contre  fes 
Débiteurs.  Au  relie ,  ce  Gentilhomme  avoitfait  a  peu  près  les 
mêmes  fautes ,  que  fes  Prédéceffeurs  ;  avec  une  depenfe  de  qua¬ 
tre  ou  cinq  mille  livres  ,  dit  M.  de  Champlain ,  il  aurait  al 
recônnoitre  un  Polie  avantageux ,  pour  y  jetter  les  fondemens 
de  la  Colonie  ,  &  rien  dans  la  fuite  ne  1  eut  empeche  de  fe  main- 
tenir  &  de  s’aggrandir  ,  fans  être  obligé  d’avoir  recours  a  un 
Privilège  odieux  ,  qu’il  ne  devoir  pas  fe  flatter  de  conferver  Ion- 

teiîfe‘mble  que  l’endroit,  où  il  devoir  s’arrêter  ,  étoit  Camceaux. 
C’efllatête  de  l’Acadie ,  &  le  lieu  le  plus  propre  pour  recevoir 
dans  toutes  lesfaifons  desfecoursde  France.  Camceaux  elt  tm 
Havre  qui  a  environ  trois  lieues  de  profondeur,  compofe  de 
plulieursTlles ,  dont  la  plus  grande ,  &  qui  efl  au  m'beu  des  au- 
très  a  près  de  quatre  lieues  de  circuit.  Le  terrein  en  elt  ferti  e  > 
bien  arrofé  &  Lmboifé.  Elle  forme  deux  anfes  ,  ou  le  mouilla- 
ce  efl  bien  sûr  ;  &  dans  le  Continent ,  qui  en  efl  tort  proche  ,  d 
y  a  une  Riviere  ,  qu’on  appell e  la  Riviere  aux  Sports,  ou^  on 
pêche  une  quantité  prodig.eufe  de  ces  Poiffons.  M.  de :  Monts 
manqua  encore  d’une  précaution  neceffaire  ;  ce  fut  d  avo.i  de 
quoi  femer  en  arrivant ,  &  quelques  Belhaux  ,  qui  auraient  au 
férnent  multiplié  dans  un  Pays  extrêmement  gras.  De  cette  forte 
le  fuccès  de  Ion  entreprife  n’auroit  pas  dépendu  des  Naviies  de 
France  dont  il  devoir  prévoir  les  retardemens  &  il  aurait  pu 
établir  une  Pêche  fedentaire ,  qui  feule  auroit  fuffi  pour  1  enri¬ 
chir  Mais  l’avidité  de  tout  avoir ,  fait  fouvent  tout  perdre. 

L’année  fuivante  il  eut  le  crédit  de  fe  faire  rétablir  poui  un  a 
dans  fon  Privilège  ;  mais  ce  fut  a  condition  ,  qu  il  ferait  unbta- 
bhffëmént  dans  fe  Fleuve  S.  Laurent.  Sa  Compagnie  ne  l  avon 
nas  abandonné  dans  fa  difgrace  ;  mais  il  paroit  qu  elle  n  avoit  en 
vûë  ,  que  le  commerce  des  Pelleteries ,  &  cet  objet  lui  t  pfe  - 
dre  le  change ,  &  abandonner  Acadie.  Ses  Affoc.es 
deux  Navires  à  Honfleur  ,  &  les  confièrent  a  MM.  de  Cham 
plain  &  de  Pontgravé  ,  qui  furent  charges  d  aller  faire  la  tra  ^ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  III.  n, 

kTadoufpic,  tandis  que  M.  de  Monts  folliciteroit  une  proroga-  ^  — * 
tion  de  l'on  Privilège.  Il  n’y  réuffit  point ,  ce  qui  ne  l’empêcha 
pourtant  pas  d’envoyer  encore  au  printems  de  1608.  des  Vaif- 
ieaux  dans  le  Fleuve  S.  Laurent. 

Sa  Compagnie  fe  multiplioit  à  mefure  que  le  commerce  des  Fondation 
Pelleteries  devenoit  plus  confiderable  ;  les  Maloins  furtout  y  deQuebec. 
étoient  entrés  en  grand  nombre,  &  avoient  augmenté  fes  fonds  :  1608, 

mais  il  s’aperçut  bientôt  que  fon  nom  nuifoit  à  fes  Affociés ,  &  il 
fe  retira.  En  effet,  dès  que  la  Compagnie  ne  l’eut  plus  à  fa  tête  , 
le  Privilège  lui  fut  rendu  ;  mais  ces  Marchands  n’avoient  point 
d’autre  objet ,  que  de  remplir  leurs  coffres  :  ainfî  ils  ne  faifôient 
rien  pour  la  Colonie  ,  qui  dépériffoit  en  Acadie  ,  &  ne  s’établif- 
foit  point  ailleurs.  Cependant  cette  même  année  1608.  M.  de 
Champlain  ,  qui  s’embarraffoit  peu  du  commerce  ,  &  qui  peu- 
foiten  Citoyen  ,  après  avoir  mûrement  examiné  en  quel  lieu  on 
pourroit  fixer  l’Etabliffement ,  que  la  Cour  vouloit  qu’on  fit  fur 
le  Fleuve  ,  s’arrêta  enfin  à  Quebec  (  a  ) .  11  y  arriva  le  troifiéme 
de  Juillet,  il  y  conflruifit  quelques  Barraques  pour  lui  &  pour 
les  liens  ,  &  commença  d’y  faire  défricher  des  Terres  ,  qui  fe 
trouvèrent  bonnes. 

Dès  l’année  précédente ,  le  Roy  ayant  confirmé  la  concef-  te  Roy  veut 
lion ,  que  M.  de  Monts  avoit  faite  du  Port  Royal  à  M.  de  Pou-  <ju’on  envoyé 
trincourt ,  avertit  ce  Gentilhomme  ,  qu’il  étoit  tems  de  travail-  Cn 

1er  à  la  converfion  des  Sauvages  ,  &  que  fon  intention  étoit , 
qu’il  y  menât  des  Jefuites.  Sa  Majefté  donna  en  même  tems  or¬ 
dre  au  P.  Cotton  ,  fon  Confeffeur  ,  de  choifir  des  Millionnaires 
pour  l’Acadie  ,  &  ce  Pere  donna  avis  à  fes  Supérieurs  de  la  vo¬ 
lonté  du  Roy.  Plufieurs  Sujets  fe  préfenterent  ,  mais  on  n’en 
accepta  que  deux ,  qui  furent  le  P.  Pierre  Biard  ,  qui  profeffoit 
la  Théologie  à  Lyon  ,  &  le  P.  Enemond  Maffe  ,  Compagnon 
du  P.  Cotton.  Ils  furent  bientôt  prêts  à  partir  ;  mais  ils  11e  furent 
pas  lontems  à  s’appercevoir  qu’on  ne  les  vouloit  point  en  Amé¬ 
rique. 

M.  de  Poutrincourt  étoit  un  fort  honnête  Homme  ,  &  fincé-  Ce  y/  ^ 
renient  attaché  à  la  Religion  Catholique  ;  mais  les  calomnies  cesPeres!Ute 
des  Prétendus  Reformés  contre  les  Jefuites  avoient  fait  impref- 
fion  fur  Ion  efprit ,  &  il  étoit  bien  refolu  de  ne  les  point  mener 
au  Port  Royal.  Il  n’en  témoigna  pourtant  rien  au  Roy  ,  &  ce 
Prince  ayant  donné  fes  ordres,  ne  douta  point  qu’ils  ne  s’exé- 


(  a)  Voyez  la  fituatioa 

logiques ,  année  1608. 

Tome  L 


de  Quebcc  ,  &  1  étymologie  de  ce  nom  dans  les  Faites  Chrono- 

Q 


\ 


i  6  o  8. 


i  6  ï  o. 


histoire  generale 

11  rr  m tnt  Les  Jefuites  le  crurent  auffi ,  &  le  P.  Biart 

cutaffent  au  pj^;  de  rannée  à  Bourdeaux  ,  où  on  l’a- 

fe  rendit  au  ce  ,  (  devoit  faire.  11  fut  bien  fur- 

vo.t  affure  que  1  Lmb^Te"latifs  &  a  attendit  envain  une 
pris  de  ny  voir  aucuns  préparât  ,  j  reproches 

année  entière.  Le  Roy  en  fut  informe,  &  fit  de  grands  renrocMs 

à  M.  de Poutrincourt  ,  lequel  engagea  a  par  II  ledit 

qu  il  ne  cUMerero f  ”me  ;1  ne  parloir  point  d  embar- 

KEEiÆ=.  •srJfsr le  Pon 

maï  I  ne  tasea  pas  à  propos  d'iuffler ,  ni  de  potier  fe.  plan- 

,  faire  entendre  S 1.  Co»r,»e 

K„,C des  Jefuites  dé»,  pas  néceffaire  pour  1»  couver- 

lion  des  Infidèles ,  il  envoya  au  Roy  une  lift' e  «  g  * 

Sauvages ,  qu’on  avoir  , 

^  qU'‘rer 

»  p-'; 

de  fon  Pere  &  ne  partirait  pas  fans  les  Millionnaires  ;  ma  s 
Henry  le  Gr’and  n’étok  plus,  &  il  parut  que  B.encourt  fe  «omit, 
par  lamort  de  ce  Prince  ,  quitte  cfe  tout 

rapT  ^ 

i  c  I„„r  Vêla  eut  fon  effet  ;  M.  de  Biencourt  offrit  d  em- 

CuttiSut.es ,  & 

SS»™  ;~“S  ÜS.  *  y«-j  «:  ttap‘1; 

k  Madame  de  Sourdis  leurfournitle  linge ,  Madame  de  Gu er- 
Si.  chargea  du  refle ,  &  feu  acuuura  avec  e  ,.= 

„„,„a  pour  &&£?,  ÎSSZi 

deux  Huguenots  ,  Allocies  ae  i  .  ,  r  :  envoya 

leur  donner  paffage.  Ils  le  firent  fç  avoir  a  5  e! 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  III.  123 

fur  le  champ  ordre  à  M.  de  Sigogne  ,  Gouverneur  de  Dieppe  ,  1610. 

de  déclarer  à  ces  Marchands  la  volonté  de  la  Reine  Regente. 

Ils  s’en  mocquerent ,  &  ces  deux  PP.  voyant  que  M.  de  Sigo¬ 
gne  ne  fe  faifoit  point  obéir ,  fe  retirèrent  à  leur  College  de  la 
Ville  d’Eu. 

Madame  de  Guercheville  picquée  de  cette  conduite ,  s’avifa 
de  faire  à  la  Cour  une  quête  ,  du  produit  de  laquelle  les  deux 
Calvinifles  furent  rembourfés  &  remerciés.  Elle  voulut  enfuite 
traitter  avec  M.  de  Biencourt ,  mais  ne  trouvant  pas  fes  sûretés 
avec  lui,  elle  acheta  de  M.  de  Monts ,  tous  les  droits  ,  qu’il  avoit 
obtenus  du  feu  Roy  ,  &  qu  elle  fe  promettoit  de  faire  revivre  ; 
après  quoi  elle  fit  avec  M.  de  Biencourt  un  Traitté  de  Société , 
par  lequel  la  fubfiftance  des  Millionnaires  devoit  être  prife  fur  le 
produit  de  la  Pêche  ,  &  du  Commerce  des  Pelleteries.  L’Au¬ 
teur  ( a )  de  la  vie  du  P.  Cotton  prétend  que  ce  S.  Homme  laiiTa 
un  peu  trop  en  cette  occafion  Madame  de  Guercheville  ,  fuivre 
les  mouvemens  de  fa  généralité  ;  mais  M.  de  Champlain  ,  qui 
avoit  alors  plus  de  part  que  perfonne  aux  affaires  de  l’Acadie  , 
p’eft  pas  de  même  avis  ;  car  après  avoir  juftifié  cette  Dame  au  fu- 
jet  de  fon  Traitté ,  qu’il  explique  fort  au  long  ,  il  ajoûte  :  »  c’eft  u 
ce  Contrat  d  Alfociation,qui  a  fait  tant  femer  de  bruits, de  plain-  <4 
tes  &  de  crieries  contre  les  PP.  Jefuites,  qui  en  cela  &  en  toutes  H 
autres  chofes  fe  font  équitablement  gouvernés  félon  Dieu  &  la 
raifon,  a  la  honte  &  confufion  de  leurs  Envieux  &  Médifans.  “ 

Enfin  les  deux  Millionnaires  partirent  avec  M.  de  Biencourt,  n  T  r . 
&  prirent  terre  au  Port  Royal  le  1 2.  de  Juin  1 61 1 .  Les  couver-  arrivent  au 
lions  précoces  celferent  à  leur  arrivée,  &  ils  eurent  bientôt  à  ef-  Von  RcyaI* 
fiiyer  tous  les  effets  de  la  mauvaile  humeur  de  ceux  ,  qui  s’é-  1  6  1  1  » 
toient  oppofes  a  leur  venue.  Ils  ne  firent  pas  femblant  d’y  être 
fenfibles  ,  &  ne  parurent  occupés  ,  que  de  leurs  fondions  ;  ils 
tneme  par  leurs  bonnes  maniérés  ceux  ,  en  qui  les 
préjugés  n’avoient  pas  altéré  la  droiture  de  cœur.  M.  de  Pou- 
trincourt  en  ufa  toujours  honnêtement  avec  eux.  Ce  Gentil- 
Homme  avoit  de  la  Religion ,  &  on  ne  peut  lire  ,  fans  être  édi¬ 
fie,  la  Lettre  (b)  ,  qu  il  écrivit  en  1608.  au  Pape  Paul  V.  pour  lui 
marquei  le  zele  fincere  ,  qui  l’engageoit  à  s’exiler  avec  fa  Fa¬ 
mille,  dans  un  Pays  étranger  ,  afin  de  procurer  aux  Infidèles 
n  CO'jll?îffanCe  de  Jesus-Christ  5  &  pour  lui  demander  la 
Bénédiction  Apoflolique.  Mais  quand  la  prévention  efi:  fortifiée 

(a)  Le  P.  d’Orléans. 

(  b  )  Oa  la  trouve  daas  Lefi^rbot ,  qui  en  a  été  le  Secretairç, 


Qij 


i  6  i  i. 


Des  Sauvages 
àe  l’Acadie. 


histoire  generale 

A ..  i,.  /  a  eqe  £ajt  Jes  imprefïions ,  qui  ne  s  effacent 

par  des  vue^d  mtert  ,  des  démarches ,  dont  on  ne 

prefque  jamais ,  cv  i|  Jh  al  vinifies  de  France  ne  ceffoient  de 
prévoit  pas  les  fuites.  Le  ,  j  Nouveau  Monde  ,  que 

publier  que  les  Jefmtes i  n  a  lo, encans  kg  ^  perfuadé 

pour  y  dominer  ,  &  poui  y.  ^  •  i  trouver  dans  ces 

des  Catholiques  mêmes ,  qui A;  p  ;1  ny  eut  jamais 

d  Ye"  Enous  a  donné  «„«  R*tion  je  fa «» fj‘ 

ce  qui  s'eftpafle  Ions  tes  yeux  en  ‘Mémoires  ,  dont  s'eil 

qu’on  peut  ajoûter  plus  de  fov  ,  qu  a  .  uand  même  ces 

fervi  Jean  de  Laët ,  pour  décrier  les  Jefmtes ,  - 

des  Ætureis  fu. 

Pays^  qu’on  appelîoit  alors  reMrfentrco^eTerHoA- 

puis  appelle  Ml‘m^  avantageufe.  Lefcarbot  dit  la  mê¬ 
mes  bien  faits ,  &  d  t  communément  plus  petits  ,  que  la 

me  chofe  ;  cependant  ils  lo  r  q  n’en  eft  point 

plupart  des  autres  Sauvages  u  îls  ont  fait  lontems  une 

5e  plus  braves  dans  tout  ce  Gontment.  Iis  on  ■ 

™“f  So"J2r“  fa  &n  ,  ils’ns  cU 

ques  dans  leurs  Caverne  y  lte  lieues,  en  Mer ,  dans 

poient  point  de  faire  tren  q y  dans  la  fuite  de  cette 

leurs  Canots  decorce.  ^ous  tes  v  de  Natlons  AU- 

Eiffoire  ,  unis  avec  leurs  Yoiims  ,  tous  Terre-Neuve , 

naquifes ,  fe  joindre  aux  François  an ^  ^  ^  Anglois  de 

&  V. k  NoUVe  le  A/8  et  uuils  conservent  encore  ,  quoique 
l’Amérique  un  afcendant ,  qu  ils  comervc  i 

réduits  à  un  petit  nombre  de  GayfArS\rODOpwes,  mais  on 
Non-feulement  ils  n’ont  jamais  ete  Antliropopnag  »  . 

leur  a  toujours  remarqué  beaucoup  de  douceur  &  de  doabœ, 
suffi  n’ont-ils  pas  eu  beaucoup  de  peine  a  yÇÇomu 
maniérés  ;  ce  qui  leur  eft  œmmun  avec  ks  autrc,  Petip^ 

cette  Côte  Méridionnale  du  Canada.  La  ro  yg  çjtcra- 

mife  parmi  les  Acadiens  ;  mais  il  n  y^oit  de  cs?tte 

mes  ,  c’eft ainfi  qu’on  nommo.tleurs  Chefs  qurulallent  de 
liberté.  La  Dignité  de  Sagamo  étoit  eleG.ve ,  &  kchoat 
boit  ordinairement  fur  celui ,  qui  fe  trouvoi 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  III.  nj 

ïiombreufe  Famille.  Toute  la  jeuneffe  étoit  fous  les  ordres  de  ce 
Chef,  &  tous  ,  avant  que  d’être  mariés  ,  ne  pouvoient  travail¬ 
ler  que  pour  lui.  Ceux  mêmes  , qui  letoient ,  &  qui  avoient 
beaucoup  d’Enfans ,  lui  payoient  une  efpéce  de  tribut ,  qui  fe 
levoit  à  la  rigueur.  Chaque  Bourgade  avoitfon  Sagamo,  indé¬ 
pendant  des  autres  ;  mais  tous  entretenoient  entr’eux  une  efpece 
de  correfpondance  ,  qui  uniffoit  étroittement  toute  la  Nation 
entr’elle.  Ils  employoient  une  bonne  partie  de  la  belle  faifon  à 
fe  vifiter  ,  &  à  tenir  des  Confeils  ,  où  l’on  traitoit  des  affaires 
générales.  S’il  s’élevoit  quelque  different  entre  les  Familles ,  ou 
entre  les  Particuliers  ,  c’étoit  au  Chef  de  la  Bourgade  à  ména¬ 
ger  l’accommodement  ;  s’il  ne  pouvoit  pas  y  réufîir ,  l’Offenfé 
étoit  en  droit  de  fe  faire  juftice  ,  &  la  Loy  du  Talion  étoit  exa- 
Hement  obfervée; 

Les  petites  querelles  fe  terminoient  furie  champ;  onfepre- 
noit  aux  cheveux  ,  on  fe  donnoit  quelques  gourmades  ,  &  pour 
l’ordinaire  ,  on  fe  féparoit ,  fans  fe  faire  beaucoup  de  mal.  Les 
Maris  traittoient  fort  durement  leurs  Femmes  :  un  François  fai- 
fant  un  jour  quelques  reproches  à  un  de  ces  Sauvages ,  qui  frap- 
poit  rudement  la  fienne  ;  ce  Barbare  lui  répondit  qu’il  étoit  le 
Maître  chez  lui ,  &  que  perfonne  ne  de  voit  trouver  à  redire,  s’il 
battoit  fon  Chien.  Une  Femme  furprife  en  adultéré  couroit 
rifque  de  la  vie  ,  &  quoiqu’on  fît  moins  d’attention  à  la  conduite 
des  Filles  ,  celles  ,  dont  le  défordre  jéclattoit ,  étoient  déshon- 
norées.  Les  François  ne  furent  pas  lontems  dans  le  Pays  ,  fans 
s’appercevoir  qu’on  ne  trou  voit  pas  bon  qu’ils  s’amufaffent  avec 
les  Perfonnes  du  Sexe ,  qui  de  leur  côté  faifoient  paroître  beau¬ 
coup  de  pudeur  &  de  retenue. 

Si  on  en  croit  Lefcarbot ,  de  qui  je  tiens  prefque  tout  ce  dé¬ 
tail  ,  dès  qu’un  Enfant  étoit  né  ,  avant  qu’on  lui  laiffât  prendre 
la  mamelle  ,  on  lui  faifoit  avaler  de  la  Graiffe  &  de  l’Huile.  L’Aî¬ 
né  des  Fils  portoit  toujours  le  nom  du  Pere ,  avec  l’addition 
d’une'  Syllabe  ;  on  en  donnoit  un  autre  au  fécond ,  qu’on  au- 
gmentoit  auffi  d’une  Syllabe  pour  le  troifiéme  ,  &  ainfi  des  au¬ 
tres  ;  mais  ces  noms  fe  changeoient  apparemment ,  quand  on 
étoit  marié.  On  embaumoit  les  Corps  morts  ,  ou  plûtôt ,  après 
quon  les  avoit  déchiquetés  ,  &  vuidés  ,  on  les  faifoit  fécher  , 
pour  empêcher  la  corruption.  Le  deuil  confifloit  à  fe  peindre  de 
noir  ,&  en  de  grandes  lamentations. 

Dès  qu’un  Pere  de  Famille  étoit  expiré  ,  on  le  droit  de  fa  Ca¬ 
ban  ne  ,  à  laquelle  on  mettoit  le  feu  ,  fans  en  rien  emporter.  En- 


1  6 1  i. 


i  6  1 1 


histoire  generale  - 

r.Le  chacun  préfentoit  à  ce  Cadavre  ce  qu’il  avoir  de  meil- 
fëur  &  fonrambeau  étoit  fort  orné  en  dedans  &  en  dehors 
1“  Guerriers ,  avant  que  d’aller  en  campagne  ,  fe  barraient 
contre  leurs  Femmes ,  &  s’ils  avoient  du  deitous ,  ils  ne  dou- 
toient  pas  du  fuccès  de  leur  expédition:  au  contraire,  fi  leu 
Femmes  étoient  les  plus  foibles ,  ils  en  tiraient  un  mauvais  au¬ 
gure.  A  la  naiffancc  d’un  Garçon  , 

n  mi 'à  la  oremiere  dent ,  qui  lui  poufioit ,  &  a  la  première  ne 
te  qu'il  mo  t  à  la  chaffe.  Si  quelqu’un  entrant  dans  une  Caban- 

ne’v  caXit  lesEnfans,  on  lui  faifoit  un  prefent  :  les  Freres 

&  les  Sœurs  fe  traittoient  entr  eux  avec  beaucoup  de  civili  e  , 

&  Ces'sauvages  avoient  une  maniéré  aiTez  finguhere  de  faire 

mient  dans  le  fondement  du  Malade ,  puis  en  preffant  le  boyau, 

1  aOIp  ils  faifoient  entrer  la  fumée  dans  fon  corps.  Ils  le 

o Înt  mësXs  la  tête7,  que  notreWion  les  détruirait.  En  effe£ 
dès  1-  tems  de  M.  de  Monts  ils  diminuoient  de, a  BeaucouP  ’ 
peu  de  tems  après  on  montrait  un  affez  grand  nombre  de  lieux 

Séferts  où  l’on  affûroit  qu’il  y  avoir  eu  de  &r„offes  BourPa^.  ' 
mie  nos  Pêcheurs  fréquentaffent  leurs  Cotes.Ils  ajouraient 
ou’on  les  avoir  empoifonnés,  &  ce  reproche  n’étoit  pas  fans  quel¬ 
que  fondement.  On  a  trouvé  plus  d’une  fois  entre :  leurs :  mm 
3n  Snhlimé  &  autres  femblables  drogues ,  que  des  tranço 
leur  avoient  données,  &  dont  ils  leur  avoient  enfeigne,  difoit  on, 
i  p  :re  ufage  pour  fe  défaire  de  leurs  Ennemis.  Je  crois  que  ce 
nvÀ  nas  amvëfouvent  ;  mais  ce  qui  n’a  été  que  trop  ordinaire, 
c’eft  que  parmi  les  marchandifes  comeftibles  ,  qu  on  eur  a 
portées  ,  il  s’en  eft  trouvé  de  gâtées  qui  leur  «ufoient  des  ma- 

Fadies  d’autant  plus  dangereufes ,  qu’ils  en  ignoraient  egalement 

les  caufes ,  la  nature ,  &  les  moyens  de  les  guérir.  ,  n> 

Abondance  Ils  en  avoient  peu  ,  avant  que  de  nous  conn  î  p -p  jgjK 

henTcadit  appliquoient  que  des  remedes  Amples  &  naturels.  Ils  faifoien 


Mauvaîfe 
conduite  de 
quelques 
ïrançois  à 
leur  egard. 


! 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  III.  127 

.  beaucoup  d’exercice  ,  les  fueurs  &  les  bains  étoient  fort  en  ufa-  - 

ge  parmi  eux ,  comme  parmi  tous  les  autres  Sauvages  du  Ca-  1  ^  1  1  • 
nada.  Du  relie  ils  vivoient  miferablement ,  &  leur  par  elfe  leur 
faifoit  fouvent  fouffrir  de  grandes  difettes  ,  au  milieu  de  la  plus 
grande  abondance  des  chofes  néceffaires  à  la  vie.  Chaque 
faifon,  dans  ce  Pays -là,  peut  fournir  à fes  Habitans,  fufïent- 
ils  en  auffi  grand  nombre  ,  que  dans  les  Régions  les  plus  peu¬ 
plées  de  l’Europe  ,  de  quoi  vivre  avec  peu  de  fatigue  ;  &  rien 
n’ed  plus  facile  ,  que  de  garder  d’une  faifon  à  l’autre  ,  de  quoi  fe 
prémunir  contre  les  accidens  ,  qui  pourroient  furvenir. 

En  Oélobre  &  en  Novembre  on  commence  la  chalfe  des  Ca- 
Hors  &  des  Elans ,  qui  dure  une  partie  de  l’hyver.  En  Décem¬ 
bre  ,  ou  ,  pour  parler  plus  julle ,  pendant  les  deux  dernieres  Lu¬ 
nes  ,  un  Poiffon  appellé  Ponamo  ,  vient  frayer  fur  les  glaces ,  8t 
011  en  prend  autant  qu’on  veut  ;  je  crois  que  c’eft  une  efpece  de 
Chien  de  Mer.  C’ell  aulîile  tems  ,  auquel  les  Tortues  font  leur 
ponte.  Les  Ours ,  les  Lièvres  ,  &  les  Loutres  font  encore  une 
des  richeffes  de  cette  faifon  ,  auffi-hien  que  le  Gibier  ,  c’effià-di- 
re  ,  les  Perdrix  ,  les  Canards  ,  les  Sarcelles  ,  les  Outardes  ,  & 
quantité  d’Oifeaux  de  Riviere  ,  qu’on  trouve  par  tout  à  foifon. 

En  Janvier  ,  on  fait  la  Pêche  du  Loup  Marin  ,  dont  la  chair 
parut  d’abord  à  nos  Matelots  auffi  bonne ,  que  celle  du  Veau , 

&  qui  dans  le  vrai  n’elt  ni  défagreable  ,  ni  malfaifante. 

?  Depuis  le  commencement  de  Février  ,  jufqua  la  mi-Mars  , 
e’eft  le  fort  de  la  Chaffe  des  Cariboux  ,  &  des  autres  Animaux , 
dont  j  ai  parlé  d’abord.  Vers  la  En  de  Mars ,  les  Poilfons  com¬ 
mencent  a  frayer  ,  &  entrent  dans  les  Rivières  en  fi  grande 
quantité  ,  qu’on  ne  peut  le  croire  ,  quand  on  ne  l’a  point  vû.  Le 
premier,  quiparoît  ,  efU’Eplan,  lequel  eff  trois  fois  plus  grand 
en  ce  Pays-là. ,  qu’en  Europe.  A  la  nn  d’Avril  le  Hareng  donne, 

&  dans  le  meme  tems  toutes  les  Ifles  ,  &  les  bords  des  Rivières 
font  couverts  d  Outardes,  qui  viennent  faire  leurs  nids.  Les  feuls 
ceuls  de  ces  Oifeaux  fuffiroient  prefque  pour  nourrir  les  Habi¬ 
tans  pendant  ce  tems-là  ,  fans  faire  trop  de  tort  à  la  multiplica¬ 
tion  de  1  efpece.  L’Eflurgeon  &  le  Saumon  viennent  enfuite ,  & 

Ion  ne  voit  alors  dans  tous  les  creux  des  Rochers  ,  &  dans  les 

autres  lieux  découverts  ,  que  des  nids  d’Oifeaux  de  toutes  les 
fortes. 

Je  ne  parle  point  de  la  Pêche  de  la  Morue  ,  qui  efl  très-abon¬ 
dante  fur  toutes  les  Côtes  de  l’Acadie  ,  parceque  les  Sauvagesne 
la  connoilloient  point  ;  mais  indépendemment  de  tout  ce  qu’on 


/ 


q  HISTOIRE  GEN  ER  A  L  E  ^ 

i  .  .  ip(;  Ararliens  euffent  voulu  sappli** 

- vient  de  voir  ,  pour  peu  q  ;r  des  ge{Haux  ,  &  à  élever 

1  6  1  1  •  quer  à  cultiver  leurs  terres  ,  a  -  pêche  &  de 

des  Volailles ,  il  leur  eût  ete  fac1!®  Au tems ,  dont 

la  Chaffe  ,  ou  de  ne  s  en  ^al*Aclu  .  f  ,,  i  c  Js*  Septembre  ,  ils 

j,  p„k  ,  depuis, le  “gïâittaS,  & ei»; 

n’étoient  occupes  qu a fams  la  «a  ^  bien  . 

de  «  commerce  étoient-ils  très-confi- 

dê  Cependant ,  quelque  miferable  ^ 

gamos  l’avoient  pris  fur  un  ton  fort  haut  a  P 

Flegocians.  Il  falloir  les  complimenter  &  leur  i fane  des  ^  ré- 

pour  avoir  la  permiffion  de  faire  le  co  ’ngur  au  rand  Sa- 

ponfes ,  ils  s’imagmoient  faire  beaucoup  d  |  faire 

gamo  des  François ,  de  le  traitter  d  ^ pPulffance  de 
ceux-ci ,  pour  leur  donner  une  grande  idee^  la^  ^  ^ 

leur  Souverain.  Voila  cecp ^7*^ tentrionnaIe  ,  aufquels 
premiers  Sauvages  de  1  Ame  q  P n~;ie>  On  affûre  qu  ils 

nous  avons  entrepris  d  ann0£ïe  r  bot  fyance  que  le  célébré 
vivoient  alors  très-lontems  ,  &  c  avoitcent  ans ,  lorf- 

Mambertou  ,  dont  nous  allons  p  ,  marié  du 

¥*  »  r;*ffgGZSS£L&  .  rn  fo*  «H 


Tiefté  des 
Sauvages. 


Hiftoire  du 

Sagamo 

Marabertou. 


qu’il  le  vit  pour  la  première  lois  erV 1 aw  '  X.  qul  l’ont  con- 

tems  de  Jacques  Cartier,  Neanmoi  nu’ils  ne  lui  auroient 

nu  ,  le  trouvèrent  fi  frais  &  fi  vigoureux ,  qu  ils  K 

pas  donné  foixante  ans.  ïAm-nrpmier  devoir,  en 

Nos  deux  Millionnaires  crurent  que  P  ^u  Pays; 

arrivant  au  Port  Royal ,  éto.t  d’apprendre  la  langue  du  ^ J ^ 
mais  ils  furent  affez  étonnés  de  » 

François ,  qui  put,  ou  qui  voulu  rre  en  état  de  leur 

Ponteravé  même ,  qui  étoitplus  qu  aucun  autre en  eta 
rendre  ce  fervice,  n’ofant  pas  avoir  trop  ^ommumcmonav^ 
eux ,  de  peur  d’aigrir  M.  de  Poutrincour  ,  Jï  Mani¬ 
tou  pas  bien.  Par  bonheur pour -a* Peres  em- 

bertou  avott  appris  un  peu i  de  Fr  ç  fon  accredité  dans 

preffement  leur  amitié.  Ce  C  ,  q  R 'interne  comme  fi- 

la  Nation,  navoit  pas  voulu  recevoir  k  BaP«™, ^  ^ 

rent  plufieurs  de  fes  Sujets ,  lai  Ç  .  anoris  ,  avant  que 

Chriftjanifme  ;  mats fepeuÿ» ^on  lm  dPP’en  inftruireà 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  HL  129 

fond.  Rien  ne  pouvoit  venir  plus  à  propos  pour  les  Miffionnai-  \  6  1  1. 
res ,  ils  s’attachèrent  à  lui ,  &  trouvèrent  que  c’étoit  véritable¬ 
ment  un  Homme  d’efprit. 

Il  n’avoit  en  effet  rien  de  barbare  ,  que  l’extérieur  &  la  fierté. 

Lefcarbot ,  qui  Fa  beaucoup  pratiqué  5  en  a  fait  un  éloge  , 
qui  paraîtra  fans  doute  exagéré  à  ceux  ,  qui  ne  fcavent  pas  , 
qu’il  peut  fe  rencontrer  par  tout  des  Hommes  fi  heureufement 
nés  ,  que  ni  le  défaut  de  culture  ,  ni  une  éducation  fauvage  , 
ne  les  empêchent  point  de  s’élever  par  leur  propre  genie  au- 
deffus  de  la  plûpart  même  de  ceux ,  qui  ont  eu  plus  de  fecours 
pourfe  former  l’efprit  &  le  cœur.  On  lui  avoit  donné  au  Baptê¬ 
me  le  nom  de  Henry  9  parceque  Henry  le  Grand  vivoit  enco¬ 
re.  Il  étoit  brave  &  habile  Guerrier  à  la  maniéré  des  Sauvages  , 

&  le  même  Lefcarbot ,  qui  en  a  fait  fon  Héros ,  a  chanté  en 
Versfes  exploits  militaires.  Il  étoit  de  la  plus  grande  taille  ,  & 
avoit  l’air  noble  ,  on  dit  même  qu’il  avoit  delà  barbe  ,  ce  qui  eff 
fi  rare  parmi  les  Peuples  de  F  Amérique  9  que  s’il  ne  fût  pas  né 
avant  l’arrivée  des  François  dans  fon  Pays  ,  on  n’eût  pas  douté 
que  le  fang  Européen  ne  fût  mêlé  dans  fes  veines  avec  le  fang 
Âmériquain.  Enfin  ,  il  s’étoit  donné  fur  toute  fa  Nation  ,  une 
autorité  ,  que  nul  autre  n^avoit  fçu  prendre  avant  lui. 
n  Ce  qui  rendoit  l’entretien  de  cet  illuflre  Chef  plus  agréable , 

&  plus  utile  aux  Miffionnaires  ,  c’eft  qu’il  avoit  été  Autmoin  : 
c’eftle  nom  ,  que  les  Acadiens  donnoient  à  leurs  Jongleurs.  Le 
Pere  Biart  lui  demanda  un  jour ,  fi  le  démon  ,  qu’il  avoit ,  di- 
foit-il ,  évoqué  fort  fouvent ,  s  etoit  jamais  fait  voir  à  lui  ?  Il  ré¬ 
pondit  que  cela  étoit  arrivé  quelquefois  ;  »  mais  ,  ajoûta-t’il ,  ce  « 
qui  m’a  engagé  à  renoncer  à  cette  profeffion  ,  c’eff  que  cet  Ef-  « 
prit  de  ténèbres  ne  me  commandait  jamais  que  du  mal. Le  fe-  « 
cours  &  le  crédit  d’un  tel  Néophyte  donnoient  aux  deux  Ou¬ 
vriers  Apofloliques  tout  lieu  d’efperer  de  fe  voir  bientôt  en  état 
de  faire  du  fruit  parmi  ces  Peuples  ;  mais  ils  ne  jouirent  pas  lon- 
tems  de  cet  avantage.  Mambertou  tomba  malade  d’une  difîen- 
terie  ,  qui  en  peu  ne  tems  le  réduifit  à  l’extrémité. 

Il  fe  fit  aufïitôt  porter  au  Quartier  des  François  ,  dans  Fefpe-  Sa  dernier* 
rance  d  y  recevoir  plus  de  foulagement ,  que  chez  lui.  Le  P.  maladie- 
Enemond  Malle  le  logea  dans  fa  maifon  ,  &  le  P.  Biart  ,  qui 
etoit  abfent ,  accourut  à  la  première  nouvelle  ,  qu’il  eut  du  dan- 
ger ,  ou  il  étoit.  On  n’oublia  rien  pour  conferver  un  Homme 
qu  on  jugeoit  également  néceffaire  au  progrès  de  la  Colonie  ,  & 

à  letablilfement  de  la  Religion  Chrétienne  ;  mais  tous  les  reme- 
Tome  I,  R 


I  6  I  2- 


histoire  generale 

1 3°  .  -1  .  il  s’eH  aperçut  bientôt ,  &  demanda  de  lu»* 

-  des  furent  inutiles  .  ^  rEglife  ,  qu’il  reçut  avec  de 

même  les '  derniers  S  % '£nfuite  M,  deBiencourt, 


même  les  derniers  .acremeus  ^  de  Bieneourt, 

très-grands  fennmens de  pete. .U ^  fon  pgre 

feroit  expiré ,  dans  f 


"Embarras , 
on  fe  trouvent 
les  Miflîon- 
naires  à  Ion 
fu jet. 


Bourgade  ,  afin  dy  unincopvenient ,  le  lui  promit  ; 

Bieneourt  ,  qui  n  y  >e  Cofflmandant  en  parla  ,  s’oppofa  for¬ 
mais  le  P.  Biart ,  a  q  taàpun  &  à  f  autre  le  Icandale, 

tentent  a  ce  deflem  ,  &  r  P Bieneourt  répliqua  qu’il  avoit 
que  caufero.t  une  telle  démarché ^P  £  ^  , 

doi 


Sa  mort 
Santé. 


qu  au  relie,  u  -  foûtint  que  cela  ne  le  pouvoir  p  . 

roit  enterre.  L  M  1  vant  toUs  les  corps  des  Infidèles , 

à  moins  que  dexltu.ne  p^  üeu  C£  les  Sauvages  ne  fouf- 

K £  Commandant ,  perfilla  dans  fa 

demande  ’  .^^la^tfererira  déclaraque  ni  lui,  ni  fon  Col 

Alors  ,1e  P.  Biartieret^  ^  nll£ém^s>  Quelques  momens 


légué  ne  fe  chârgeroient  point  de *  fes  fervi- 

après  il  revint ,  pour  continu  ;t  &  „ow  tâcher  de  le 

ces,  que  demandent  1  état, ouille  trouve^  g  fefmeté  ,  &  fe 

faire  revenir  de  fon  en  e  *  lendemain  lui  demanda 

charité  toucha  Mambmou  ,  q  que  p0ur  rien  au  monde  ,  il 
pardon  de  fon  indocilité ,  q  j [jfe ,  &  lui  dit  qu’il 

ne  vouloir  être  prive  des  foffrages  de  ttg  ,  ,  *it 

le  laiffoit  le  maître  de  lu. Ciment  I  Foy , 
propos.  Il  expira  peu  d  ^  ient  fait  honneur  à  un  an 

&  ^  Chrèrieiv  onlu  fit  del  obféques  telles  ,  qu’on  auroit  pû  le* 
fuhCommandant  même  ,  &  il  n’y  eut  perfonne ,  qu.  ne  1< 

regrettât  fincei M  de  BiencoUrt  &  le  P.  Biart  parti 

le  v.  Biart  Quelque  j  P  .  iufqu’au  Kinibequi,  qu  ils  rempli 

fifae  i«  Abé-  rent  pour  v.fiter  toute  la  ^  q  danibas  ,  Natioi 

“*“•  ter  ent  affezlom:  *  y  feent  bien  R.  ^  ^  _  ])$  £n  r£ 

Abenaqui  ,q  ,  )e  Port  Royal  commencoit  a  manquer 
çurent  des  vivres  ,  dont  e Fortttoy  ^  R  fe£0urs  d’un  Sac 

^age  r^ufemendoit  paffablement  le  François  ,  leur  annonç 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  III.  131 

Jésus-Christ.  Il  trouva  un  Peuple  docile  ,  qui  l’écouta  avec  — ~p — 7~ 
refpeR ,  &  ne  lui  parut  pas  éloigné  du  Royaume  des  Cieux.  1  6  1  2‘ 
Peu  auparavant  des  Anglois  avoient  tenté  de  faire  un  Etablif- 
fement  fur  leur  Riviere  ;  mais  ils  avoient  eu  avec  ces  Sauvages, 
de  fi  mauvaifes  maniérés ,  que  ceux-ci  les  avoient  contraints  de 
fe  retirer.  Les  Canibas  trouvèrent  les  François  plus  humains  ,  & 
traitterent  avec  eux  û  cordialement ,  qu’on  crut  pouvoir  fe  pro¬ 
mettre  qu’on  auroit  dans  cette  Nation  ,  une  barrière  contre  des 
Voifins  entreprenans  ,  &  qui  ne  reconnoiffent  dans  leurs  Colo¬ 
nies  d’autres  limites  ,  que  celles ,  qu’ils  ne  peuvent  franchir  par 
la  force. 

Le  P .  Enemond  Maffe  s ’étoit  auffî  mis  en  marche  de  fon  côté,  imagination 
pour  reconnoître  le  Pays  ,  &  les  difpofitions  des  Peuples  en  fa-  PIaIfaîlte 
veur  de  la  Religion.  Il  avoit  j^our  Guide  un  Fils  de  Mambertou,  Sauvagc“ 
j<jui  étoit  Chrétien ,  &  avoit  été  nommé  Louis  ;  mais  il  ne  put  al¬ 
ler  bien  loin,  parcequ’il  tomba  dangereufement  malade.  Ce 
contretems  jetta  le  Sauvage  dans  une  inquiétude  ,  que  le  Mif- 
fionnaire  prit  d’abord  pour  un  pur  effet  de  fon  affeRion  ;  mais  il 
reconnut  bientôt ,  quelle  avoit  une  autre  caufe.  Un  jour,  qu’il 
étoit  fort  abbattu  ,  Louis  vint  le  trouver ,  &  le  pria  d’écrire  à 
M.  de  Biencourt ,  qu’il  mouroit  de  maladie  ;  fans  cela  ,  ajoûta- 
til ,  on  croira  que  je  t’ai  tué.  Je  m’en  garderai  bien  ,  répondit 
le  Malade ,  tu  ferois  peut-être  Homme  à  me  tuer  en  effet ,  &  à 
te  fervir  de  ma  Lettre ,  pour  cacher  ton  crime  ,  le  Sauvage  com¬ 
prit  ce  que  cela  fignifioit,  il  eut  honte  de  fa  bêtife,  &  pria  le  Pere 
de  demander  à  Dieu  fa  guérifon  ,  afin  qu’on  n’eût  aucun  foup- 
çon  contre  lui.  Je  raporte  ce  trait,  parcequ’il  caraRérife  bien 
les  Sauvages  ;  en  beaucoup  de  rencontres  ,  on  feroit  tenté  de 
croire  qu’ils  n’ont  qu’une  demie-raifon ,  tandis  qu’en  une  infini¬ 
té  d’autres  ,  ils  font  plus  Hommes  ,  que  nous. 

Cependant  le  tems  fe  paffoit ,  &  la  Colonie  diminuoit  plutôt  Ce  nui  rctar. 
qu  elle  ne  croiffoit.  On  ne  fongeoit  plus  à  cultiver  la  Terre  ,  qq  de  le  progrès 
qui  mettoit  les  François  dans  une  continuelle  dépendance  ’des  de  r£vanSiIc- 
Sauvages  pour  la  fubfiffance,  &  cela  feul  étoit  capable  d’arrêter 
les  progrès  de  1  Evangile  ,  par  le  mépris  que  cette  trifie  fituation 
nous  attiroit de  la  part  de  ces  Barbares.  En  effet,  les  Million¬ 
naires  ne  pouvoient  prefqueplus  quebaptifer  les  Enfans  mori¬ 
bonds,  quand  ils  étoient  avertis  à  tems.  Le  plus  grand  mal  néan¬ 
moins  venait  du  peu  de  concert,  qu’il  y  avoit  toujours  entr’eux 
1  &  ceux ,  qui  commandoient  au  Port  Royal.  Il  n’étoit  pas  pofiî- 
ble  que  les  Infidèles  ne  s’en  aperçuffent ,  &  l’expérience  de  tous 

'  R  ij 


1  6  I  2.. 


Projet  d’un 
nouvel  Eta- 


blifl'ement. 


HISTOIRE  GENERALE  ~ 

Ïtems  “fi ait  voir ,  que  rien  n’eft  plus  nuifibleâ  TEtabUffement 

du  Chriftianifme.  France  &  il  s’étoit  brouillé 

M.  de  Poutrincourtetoit  efte  en  entrée  en  Société 

SSBkSSCSSÇSBSfc**^ 

-  •  ■’  T  '  ils  pufl< 


ment  à  les  tranfporter  ^.^XVtr^adkr  Jns  obftacle ,  aux 

démêler  avec  lui,  &  ou  ils  p  ue  Champlain  avoit  fait  muti- 

fonaions  de  leur  Mimfter  ■  •  P  M.  Moms , 

lement  tous  fes  efforts,  pour ]  ^|er  par  k  feule  raifort  , 

dont  il  lui  garantiffoit  a  >  P  voulut  jamais  en- 

queM.de  Monts  Lit  repentir  ;  car  il 

tendre  ,  &  elle  eut  la  *  i  '  ^es  trois  mille  ùx-cent  livres, 
eft  certain  que,  fi  elle  lui  eut  S. 

qu’il  demandoit ,  pour  faire  « nEab  Uttemen  üa  ^ 

Laurent,  elle  eût  évite  les  ^defit  eoûter  àla  Reine 


Laurent,  elle  eût  évite  les  maineurs,  4- --  àk  Reine 

Les  Million.  Elle  forma  donc  un  autre  p  î  ’  *L  ^  ^  [a  dépenfe , 

^  S  fifd l  a  nart  de  la  Marquife  ,  avec  plus  de  gen e ^fite  ,  que 


naires 

portent 

tagoet 


ldi} 


d’ordre  &  de  conduite.  _E  _ . ....  Amnit  commander 


ïordre& de iconduite. Elle qui devoit commander 

&  donna  ordre  au  Sr.  de  la  SA^?Xbàrauer  ^  ce  qui  étoit 

enfon  nom  dans  1  Amérique  ,  y  Coion;e.  Ce  Bâu- 

néceffaire ,  pour  commenc  Mars  ,  gi  t .  &  le  fixiéme  de 

ment  mit  à  la  voile  ,  le  douzi  Qù  M.  de  la  Sauffaye 

May  il  moiiilla  dans  le  Port  de  la  H  p  étoit  natu- 

ta  D^rÂàRV, kTu&yep^a  au ^ ^iïe’s° Apol" 
que  cinq  Perfonnes ,  y  compris  ^  deux  Je  u  ’  Xpartdes 
quaire  ^quiy  commander  ;  M.  de  B.encoun  ,Küp  ^ 

François  étant  allés  bien  loin  da™Xe7  &  rangea  fa  Côte  juf- 
desvivres.il  embarqua  les  ^"ïentm  &  it  réfolut  de 
qu’à  la  Riviere  de  Pentagoet ,  o  anciennes  Relations , 

s’établir.  Cette  Raviere  ,  q m  dar  P  eft  éloi  ée  de  quaran 


établir.  Cette  Riviere  ,  de  quaran 

~  .  .  1  _ 1—  . . . .  &  oui  eit  ce 


-Cinq  utuva  ctw  „ 

,  cu  nnm  nue  lui  donnent  les  Sauvages ,  &  qul  eu 
(a)  On  ne  la  connoit  plus  que  fous  le  nom  ,  <{ 

lui  de  Feskadamoukkanti* 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  III.  133 

eft  entre  deux  ,  mais  plus  près  de  la  derniere.  Autrefois  tout  le 
Pays,  depuis  le  Port  Royal  jufqu  au  Kinibequi ,  étoi't  peuplé  de 
ces  Sauvages  ,  que  nous  connpiffons  aujourd’hui  fous  le  nom  de 
Malecites  ,  &  qui  font  réduits  à  très-peu  de  chofes. 

L’embouchure  de  la  Riviere  de  Pentagoët  eft  par  les  quaran¬ 
te-quatre  dégrés  ,  vingt  minutes  :  elle  a  la  ligure  d’un  Delta  ,  eft 
allez  large  ,  &  peut  recevoir  des  Navires  de  trois  -  cent  Ton¬ 
neaux.  Les  environs  en  font  fort  agréables  ,  &  le  terrein  ,  des 
plus  fertiles  :  outre  les  Bois  ,  que  nous  avons  en  France  ,  com¬ 
me  les  Chênes  ,  les  Hetres  ,  lesFrefnes  ,  les  Erables  ,  qui  y  font 
d’une  très-bonne  qualité  ,  on  y  voit  des  Pins  de  foixante  pieds 
de  haut ,  dont  le  grain  n’eft  pas  fort  gros  ,  non  plus  que  celui 
des  quatre  efpéces  de  Sapins  ,  dont  j’ai  parlé  ailleurs.  Sur  quoi 
le  Sieur  Denys  obferve  ,  que  plus  on  defcend  au  Midi ,  plus  les 
Arbres  font  propres  à  la  mâture  ,  &  que  celle  de  la^  Nouvelle 
Angleterre  vaut  mieux  que  celle  de  Norvège.  Il  préféré  néan¬ 
moins  celle-ci ,  &  en  général  celle  des  Pays  froids  ,  à  celle  des 
Pays  tempérés  ,  comme  de  cette  partie  de  l’Acadie  ,  qui  s’étend 
depuis  la  Haive,  jufqu’au  Fleuve  S.  Laurent. 

11  examine  enfuite  quelle  peut  être  la  caufe  phyftque  de  cette 
différence  ;  &  après  avoir  établi  pour  principe,  que  plus  le  grain 
de  l’Arbre  eft  ferré  ,  plus  le  bois  en  eft  propre  à  la  mâture ,  il  pré¬ 
tend  que  dans  les  Pays  chauds  ,  où  les  Sapins  croiffent  fur  des 
lieux  élevés  ,  &  dans  un  terrein  fec  ,  l’ardeur  du  Soleil  deffeche 
l’humeur  fuperfluë  de  ces  Arbres,  &  empêche  le  grain  de  grofîir 
en  le  tenant  plus  ferré  ,  &  en  lui  donnant  une  liaifon  plus  forte. 
Dans  le  Nord  ,  ajoûte-t’il ,  le  grand  froid  produit  à  peu  près  le 
même  effet  ;  il  refferre  le  bois  ,  enforte  que  la  fève  ne  lui  donne 

Ï>as  affez  de  nourriture  ,  pour  en  faire  enfler  le  grain  ;  mais  dans 
es  Pays  tempérés  ,  rien  n’empêche  le  grain  de  groffir  ,  aufîi  le 
bois  en  eft  bien  moins  fort ,  &  fe  caffe  plus  aifement. 

On  trouve  aufîi  à  Pentagoët  quantité  d’Ours  ,  qui  vivent  de 
glands ,  &  ont  la  chair  blanche  &  délicate  ,  comme  celle  du 
Veau,  ainfi  que  dans  l’Acadie  :  grand  nombre  d’Orignaux,  quel¬ 
ques  Caftors  ,  peu  de  Loutres  ;  des  Lièvres  ,  des  Perdrix  ,  des 
Tortues  ,  des  Outardes  ,  &  autre  pareil  Gibier  à  foifon.  Vis-à- 
vis  de  l’embouchure  de  la  Riviere  ,  il  y  a  plufieurs  Illes  ,  autour 
defquelles  on  pêche  quantité  de  Maquereaux  ,  furtout  à  rifle 
des  Monts  défirts  ,  qu’on  laiffe  à  droitte  en  entrant.  Les  Angloîs 
en  font  un  grand  commerce  dans  les  Antilles.  Le  Hareng  y  eft 
.rare  ,  mais  le  Gafparot ,  qui  en  eft  une  efpece  plus  petite  ,  & 


1613. 


Defcrîption 
de  Pentagoët. 


Obfervation 
fur  les  mâtu¬ 
res. 


i  6  i  3 


Situation  de 
la  Colonie  de 
Madame  'de 
Guercheville. 


Coutume  ex¬ 
travagante  des 
Malecites. 


HISTOIRE  GENERA  LE 

moins  bonne  ,  y  eft  fort  abondant.  On  y  pêche  auffi  beaucoup 
de  Morues  pendant  l’hyver.  Entre  Pentagoet  &  le  Rimbequi  , 
il  y  avoir  autrefois  des  Sauvages  ,  appellés  Armouchiquois  , 
dont  Champlain  &  Lefcarbot  parlent  beaucoup  :  ils  étoient 
Traîtres  &  Voleurs  :  les  Frafiçois  n’ont  jamais  pû  les  apnvoifer, 
&Tls  fefont  retirés  vers  la  Nouvelle  Angleterre 

Tel étoit  le  lieu  ,  oùM.  delaSauffaye  plaça  la  Colonie  de 
Madame  de  Guercheville.  Il  débarqua  fur  la  rive  Septentrion- 
nale  ,  &  y  fit  à  la  hâte  un  petit  Retranchement ,  auquel  il  don¬ 
na  le  nom  de  S.  Sauveur.  Tout  fon  Monde,  qui  fe  montoit  à 
vingt-cinq  Perfonnes  ,  fut  bientôt  logé,  parceque  l’Equipage  de 
fon  Navire  ,  qui  étoit  de  trente-cinq  Hommes  ,  fe  joignit  aux 
nouveaux  Colons  ,  &  que  tous  travaillèrent  avec  beaucoup 
d’ardeur  &  de  concert.  Les  Bâtimens  finis ,  on  commença  à  cul¬ 
tiver  la  Terre  ,&  tandis  que  l’on  s’occupoit  à  ce  travail,  le  P. 

Biart ,  accompagné  d’un  Gentilhomme  ,  nomme  La  Motte 
yIUN  ^  qui  étoit  Lieutenant  de  la  SaulTaye  ,  fit  une  excur- 
fion  dans  le  Pays ,  pour  voir  en  quelle  difpofition  étoient  les 
Sauvages  de  ce  Canton.  Il  lui  arriva  dans  cette  courfe  ,  une  cho- 

fe  allez  finguliere.  ,  ,  . 

Comme  il  paffoit  près  d’un  Village  ,  il  entendit  des  hurle- 

mens  affreux  :  il  jugea  qu’on  pleurait  quelque  mort  ;  mais  un 
Sauvage,  qui  fe  rencontra  parhazard  fur  fon  paffage,  lui  dit  que 
c’étoit  un  Enfant ,  qui  fe  mouroit ,  &  que  s’il  vouloit  doubler 
le  pas  il  ferait  encore  à  tems  pour  le  baptiler.  Le  Millionnaire 
fe  mit  auffitôt  à  courir ,  &  en  entrant  dans  le  Village ,  il  en  aper¬ 
çut  tous  les  Habitans  rangés  en  haye  des  deux  côtes ,  &  au  mi-  ' 
lieu  le  Pere  du  petit  Malade  ,  qui  le  tenoit  entre  fes  bras  ,  & 
qui,  à  chaque  foupir,  que  pouffoit  le  Moribond ,  jettent  des  cris, 
plus  capables  d’effrayer ,  que  d’exciter  la  compaffion.  Tous  les 
Sauvages  lui  répondoient  fur  le  meme  ton  ,  &  l$s  rorets  voin- 

nés  rétentiffoient  de  leurs  hurlemens. 

Le  Millionnaire ,  touché  de  ce  fpeftacle  ,  s  approche  du  Pere 
de  l’Enfant ,  &  lui  demande  s’il  veut  bien  lui  permettre  de  bap- 
tifer  fon  Fils  ?  Ce  pauvre  Homme  ne  lui  répondit,  qu’en  lui  met¬ 
tant  l’Enfant  entre  les  mains;  le  Pere  le  donna  à  tenir  à  M.  de 
la  Motte  ,  fe  fit  aporter  de  l’eau ,  &  le  baptifa.  Pendant  la  Cere¬ 
monie  il  fe  fit  un  grand  filence.;  il  fembloit  que  ces  Barbares  s  at- 
tendiffent  à  quelque  chofe  d’extraordinaire  :  le  Serviteur  de 
Dieu  s’en  aperçut ,  &  rempli  d’une  confiance  vrayment  Aposto¬ 
lique  ,  il  conjura  à  haute  voix  le  Seigneur ,  de  vouloir  bien  tiret* 


i  6 


3 


Un  Enfant 
moribond 
guéri  par  la 
vertu  du  Bap¬ 
tême. 


Onze  Navi- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  III.  135 

du  fein  de  fa  mifericorde  ,  quelque  trait  de  fa  Puiffance  en  fa¬ 
veur  de  ce  Peuple  aveugle  ,  mais  docile. 

Sa  Priere  finie  ,  il  prit  l’Enfant ,  le  mit  entre  les  bras  de  fa  Me- 
re,  en  lui  difant  de  lui  préfenter  fa  mamelle.  Elle  le  fit  ;  l’Enfant 
têt  a  affez  lontems  ,  &  parut  enfuite  aufii  fain  ,  que  fi  jamais  il 
n’avoit  eu  de  mal.  Il  eft  aifé  de  juger  quel  fut  l’étonnement  des 
Sauvages  ,  à  la  vûë  d’une  guérifon  fi  prompte  ,  &  fi  peu  atten¬ 
due  :  ils  furent  quelque  tems  comme  immobiles  ,  &  le  Million¬ 
naire  tira  tout  le  fruit ,  qu’il  pouvoir  alors  efperer  d’un  événe¬ 
ment  fi  merveilleux.  Ce  Peuple  le  regardoit  comme  un  Homme 
defcendu  du  Ciel ,  &  il  n’eft  rien  ,  qu’il  11’eût  pu  fe  promettre 
d’une  difpofition  fi  favorable  ,'fi  ,  peu  de  jours  après  ,  il  n’eût  été 
malheureufement  contraint  de  renoncer  à  fes  projets  ,  &  à  fes 
efperances. 

Lanouvelle  Colonie  de  S.  Sauveur  n’avoit  pas  encore  eu  le 
tems  de  prendre  une  forme  réglée ,  lorfqu’un  orage  imprévû  la  pS  A“§,ois  à 
renverfa  jufqu  aux  fondemens.  Onze  Bâtimens  Anglois  étoient  e  * 
partis  de  la  Virginie ,  fous  les  ordres  de  Samuel  Argall,  pour 
faire  la  Pêche  vers  fille  des  Monts  défer ts;  ce  Commandant  ap¬ 
prit  fur  la  route  que  des  Etrangers  s’é'tabliffoient  à  Pentagoët  ; 
il  nè  douta  point  que  ce  ne  fuffent  des  François  ,  &  quoique  les 
deux  Couronnes  fuffent  alors  en  paix  ,  il  réfolut  de  les  en  chaf- 
fer.  Il  fe  fondoit  fur  une  conceffion  de  Jacques  I.  Roy  de  la 
Grande  Bretagne  ,  qui  avoit  permis  à  fes  Sujets  de  s’établir  juf¬ 
qu  aux  quarante-cinq  dégrés  ,  &  il  crut  pouvoir  profiter  de  la 
foibleffe  des  François  ,  pour  les  traitter  en  Ufurpateurs.  Mais 
1  Hifforien  de  la  Virginie  fe  trompe  évidemment ,  lorfqu’il  place 
cette  entreprise  en  1  <5 1 8 .  auquel  tems  le  même  Argall  étoit  Gou¬ 
verneur  Général  de  la  Virginie  ;  car  il  eff  formellement  démen¬ 
ti  en  cela  par  tous  les  Hiftoriens  contemporains  ,  &  par  des  ma- 
numens  inconte  labiés. 

Ilparoîtque  ce  Capitaine  Anglois  n’avoit  qu’un  Vaiffeau  de 
force,  oour  efcorter  les  Navires  Pêcheurs  ;  du  moins  on  n’aper¬ 
çut  d  abord  à  S.  Sauveur ,  qu’un  Bâtiment ,  qui  venoit  à  toutes 
voues  avec  le  Pavillon  d’Angleterre.  Quoique  la  Sauffaye  ig¬ 
norât  le  deffein  des  Anglois,  il  crut  devoir  fe  préparer  à  tout  éve- 
!leiPei!t  ’  demeura  à  Terre  pour  défendre  fon  Fort ,  la  Motte 
le  Vilin  fut  chargé  de  la  défenfe  du  Navire  ,  qui  étoit  en  rade  ; 
mais  ni  1  un  ni  l’autre  n’avoit  de  Canons,  &  Argall  en  avoit  qua¬ 
torze.  Celui-ci  s’attacha  d’abord  au  Retranchement ,  &  après 
1  avoir  canonné  pendant  quelque  tems  d’un  peu  loin  ,  il  s’en  ap- 


T  Ils  s’en  ren¬ 
dent  les  Maî¬ 


tres. 


i  6  i  3 


friponnerie 
du  Capitaine 
Argall. 


,  utSTOIRE  GENERA  LE 

1 36  u  j  ,|„c  nrès  &  fit  un  très-grand  feu  de  Moufqueterie  , 
F°Ch!bfen  du  Alonde ,  &  entr’autres  ,  un  Frere  Jefmte  ,  nom- 
mé  GUberf1  DU  Thet  ,  dont  la  valeur  ,  vraye  ou  prétendue  ,  a 
■  j a  fnrt  mauvaife  humeur  Jean  de  Laet. 
m’ï  fsÏÏffave  voyant  bien  qu’une  plus  longue  refiftance  ne  fau- 
Place ,  &  ne  fervirok  qua  lui  faire  perdre  ce  qui 
veroit  pas  la  nace  c.  footte  le  Vilm  fut  bientôt 

JU1  reftoit  ÿ  Monde  e  e  n0mmé  L  s  , 

contraint  d  en  taire  autant,  1  Antrlois  ,  fe  fauva  dans 

qui  ne  jugea  pas  a  propos  chofe  ^  ;  fit  Argall ,  dès 

6  n  II  Ce  de  tout ,  ce  fut  d’abbattre  la  Croix  ,  que  les 

Sr‘i-fe  “iîes  avoient  plantée  dans  l’Habitation ,  pour  y  affem- 
Miffionnai  h|ures  des  prieres  publiques ,  en  attendant 

bbr  les  Fide  ,  u  enfuite  vifiter  les  coffres  de  la 


OaUHd-J  t  5  «A  ^ 

Pefeïennd^mainTaÇSakaye  étant  allé  lui  rendre  vif, te  Argall 

,  La  lfn!lTà  voir  fa  Commiffion  ,  il  dit  quelle  étoit  dans  fon 
'  col il ,  qu’il  ouvrit  fur  le  ch^^  POur  la  lu^  montp  ma'SM  ut 

ge.  Cela  fait ,  il parut  s  ado  h’  ê  t  n  offrit  même  aux 
rC  ïi™  “»«»  « fp"  «  *  Chaloupe  pon.ée,  pou, 

«“SÏfS  i  Bà.~=u.  f«  oouv»  „oP  peu.  pou, 

KM  les  tran-  veniravec  lui  en  Virginie  ,  ou  il  eur  p  &  ’apr£s  une 

5°,s-  une  liberté  entière  de  profeffer  leur  Re g ,  »  lePfouhait. 

année  de  fervice  ,  on  les  repa  e  Sieur  de  la  Motte 

toient.  Plufieurs  acceptèrent  cette  offre ^  &  J  «eurU^ 

le  Vilin  ,  pour  qui  le  Capitaine  Anglo  pÇBiart.  Deux 

&  de  l’amitié,  voulut  le  fuivre  ,  aufïï-bien ique  M_  de  la 

autres  Jefuites ,  qui  étoieni r venus  ■ de  Frai Xrkfindre  un  Na- 

Sauffaye  ,  s  embarquèrent  avec  eux  ,  po  Uj  ^  ainfi 

vire  Anglois  ,  qui devou  ^ntotpa^  J  ^  de  François 
ïvSur  Commandant  %  le  P  PEnemond  MalTe ,  qui  ne  vou- 
^ÆSïSôit ,  ils  n  «voient  point  de  Pilote  f  •* 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  III.  137 

jour  même,  ou  le  lendemain  de  leur  départ,  comme  ils  rangeoient  ~"l  ^  .  ' 

la  terre  à  vûë  pour  gagner  le  Port  Royal,  ils  aperçurent  Lam  es  * 

fur  le  rivage  ;  ils  l’embarquerent ,  &  firent  voile  vers  l’Acadie. 

Ils  traverferent  la  Baye  Françoife ,  fans  toucher  au  Port  Royal , 

&  un  peu  au-delà  du  Port  de  la  Haive  ils  rencontrèrent  un  Navi¬ 
re  Maloin  ,  qui  les  reçut  tous ,  &  les  mena  heureufement  à  S. 

Malo.  Ceux  qui  avoient  fuivi  le  Capitaine  Argall  en  Virginie , 
n’eurent  pas  autant  de  bonheur  :  à  leur  arrivée  à  Jameftown  ,  le 
Gouverneur  Général  leur  déclara  qu’ils  dévoient  tous  s’atten¬ 
dre  à  être  traittés  en  Corfaires  ,  &  en  effet  il  les  condamna  à  la 
mort. 

Argall  eut  beau  lui  reprefenter  qu’il  leur  avoit  donné  fa  pa-  Argalî  avonb6 
rôle  qu’on  les  traitteroit  bien  ,  &  qu’ils  demeureraient  libres  , 
qu’ils  ne  s’étoient  rendus  à  lui ,  qu’à  cette  condition ,  &  que  vie  aux^raa* 
c’étoit  fous  cette  même  caution  ,  qu’ils  l’avoient  fuivi  volontai-  Sû¬ 
rement  en  Virginie  ,  pour  y  rendre  fervice  aux  Sujets  de  Sa  Ma- 
jefté  Britannique  :  le  Gouverneur  lui  répondit  qu’il  avoit  paffé 
fes  pouvoirs  ,  &  que  leur  Chef  n’ayant  point  de  Commiffion  , 
il  ne  pouvoit  fe  difpenfer  de  les  regarder  comme  des  Forbans. 

Il  ne  lui  reftoit  plus  d’autre  moyen  pour  les  fauver ,  que  d’a- 
voüer  la  fupercherie  ,  qu’il  avoit  faite  au  Sieur  de  la  Sauffaye , 

&  il  fut  affez  honnête  Homme  pour  racheter  la  vie  de  tant  de 
Perfonnes  innocentes ,  au  prix  de  la  confufion  ,  que  devoir  lui 
caufer  un  tel  aveu. 

La  vûë  de  la  Commiffion  ,  qu’il  produifit ,  défarma  le  Gou-  ,  Les  Angîok 
verneur  ;  mais  il  prit  fur  le  champ  la  réfolution  de  chaffer  les  j»ortPRoyaK  ' * 
François  de  toute  l’Acadie  ,  toujours  fous  le  prétexte  de  la  con- 
ceffion  du  Roy  de  la  Grande  Bretagne.  Argall  fut  chargé  de 
cette  expédition  ,  &  on  lui  donna  trois  Navires  ,  fur  lefquels  il 
embarqua  tous  les  François  ,  qu’il  avoit  amenés  de  S.  Sauveur. 

Il  apprit  fur  fa  route ,  qu’un  Bâtiment  de  cette  Nation  étoit  en¬ 
tré  dans  la  Riviere  de  Pentagoët ,  &  il  fe  difpofa  à  le  combattre  ; 
mais  il  ne  l’y  trouva  point.  Il  arbora  les  armes  d’Angleterre  au 
même  endroit ,  où  avoient  été  celles  de  la  Marquife  de  Guer- 
cheville  ,  puis  il  alla  à  fille  de  Sainte  Croix  ,  où  il  ruina  tout  ce 
qui  y  reftoit  de  l’ancienne  habitation  de  M.  de  Monts:  il  fit  la 
même  chofe  au  Port  Royal ,  où  il  ne  rencontra  perfonne  ,  & 
en  deux  heures  de  tems  le  feu  confuma  tout  ce  que  les  François 
poffedoient  dans  une  Colonie  ,  où  l’on  avoit  déjà  dépenfé  plus 
de  cent  mille  écus  ,  &  travaillé  bien  des  années  ,  fans  avoir  eu 
la  précaution  de  fe  mettre  en  état  de  foûtenir  un  coup  de  main» 

Tome  L  ‘  5 


IV 


il 


I 


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« 


1613. 


Diverfes 


,,g  HISTOIRE  generale 

Celui  qui  y  perdit  davantage  ,  fut  M.  de  Poutrincourt ,  qui 

depuis  ce  tems-là  ne  fongeaplus  à  .l’Amerique.  Il  rentra  ,  dit 

Jean  de  Laët ,  dans  le  Service  ,  où  il  s  etoit  déjà  diftingue  par 

plufieurs  belles  aftions ,  &  mourut  au  lit  d  honneur. 

^  Aroall  n’ayant  plus  rien  à  faire  en  Acadie ,  reprit  la  route  de 
Argalin  ayant  pu  F.fcadre  es  François,  quil 


_  aes  jXn3 ^^“LTtoüP  fûrfo^ 

François  de  s.  .  1  Sneftateurs  de  la  ruine  du  Port  Royal.  A  peine  s  e- 

Sauveur.  ayo  rend P  aoercutun  François  fur  le  rivage  :  corn 


tok-il  enibarqué,  qu’on  aperçut  un  François  fur  le  rivage  :  com¬ 
me  il  faifoit  ?igne  qu’il  vouloir  parler ,  le  Ciommanclant  s^va  -. 
ca  fur  le  bord  de  fon  Navire  pour  1  ecouter  ,  &  cet  Homme  1  a 
vertit  de  fe  défier  d’un  Jefuite  Efpagnol,  nomme  Biart  ,  qui  u 
ioiieroit  quelque  mauvais  tour ,  s  il  ne  fe  tenoit  bien  fur  fes  gar 
des  Le  P.  Biart  étoit  de  Grenoble  ,  mais  un  des  moyens ,  dont 
orfüfoù  aiors  en  France  pour  rendre  les  Je/mtes  odieux  ,  eto.t 
de  les  faire  palier  pour  des  Partifans  fecrets  de  la  Maifon  d  Autri¬ 
che  On  fçait  que  c’eft  un  des  griefs  ,  dont  on  les  chargea  pour 
détôurner^ie  Roy  Henry  IV.  de  les  rétablir  dans  fon  B.oy  aume  , 
&  la  belle  réponse  ,  que  fitcefage  Prince  ,  à  ceux  qui  lui  par- 
loient  de  la  forte.  Argall  fut  furpris  du  difcou«  du  François  ,  & 
on  s’aperçut  bientôt  qu’il  avoit  fait  mipreffion  lur  lon  elprit. 
réfoiut  même  de  fe  défaire  des  Millionnaires  a  fon  arrivée 


en 


Vi"mais  la  Providence  en  difpofa  autrement  :  une  tem^ 
te  crui  dura  trois  iours  avec  une  violence  extieme  ,  diipert 

ois  Navires  Angiois.  Le  plus  petit ,  qui  n’étoit  qu  ™e  Barque, 
v  *1  - +  /-VI  C  Hmnnies  .  n’a  point  paru  depu 


Belle  action 
de  trois  Jefui- 

tes. 


trois  Navires  Angiois.  j-c  ,  np*  v  *  i  a r. 

&  où  il  n’y  avoir  que  trois  Hommes  ,  n  a  point  paru  depuis. 

t  U  fit  fa  route,  &  arriva  heureufement  en  Virginie.  Le  troi¬ 
sième  ,  fur  lequel  étoient  les  trois  Jefuîtes  ,  &  . qui  et^el}Tc0  ' 
mandés  par  un  nommé  Turnell  ,  fut  f  «e  Jmt  ;m  /oi g  a 
Nord  &  enfin  pris  d’un  vent  force  de  Sud-Oueft ,  qui  obi  g 
défaire  vent  arriéré  jufqu’aux  Açorres.  Heureux  de  pouvoir  y 

''TliLTefuite; ,  que  le  Capitaine  avoir  fort  maltraittés  ,  n’a- 
voient  qu’à  fe  faire  connoître,  &  dire  deux  mots,  pour ^ 
vés  •  &  Turnell,  en  moiiillant ,  bien  maigre  lui ,  dans  la  Kade 
Se  lïfk  de  Fayal ,  parut  n’être  pas  fans  inquiétude  a  ce  fiijet.  Il 
fut  „2amuoinLff;zPde  confiante  dans  la  vertu  de  ces  Religieux, 
nour  leur  propofer  de  fouffrir  qu  il  les  tint  caches  ,  lo  q 
viendroit  fSre^avifite  de  fon  Bâtiment ,  &  ils  y  Çonfennrent 
bonne  grâce.  Cette  vifite  faite ,  le  Capitaine  Ang  o^  eut  hC.^ 
té  d’acheter  tout  ce  qu’il  voulut ,  apres  quoi  îl  fe  îennt  e 
&  le  refte  de  fon  voyage  fut  heureux  ;  mais  il  fe  trouva  e 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  III.  139 
affez  embarraffé  en  arrivant  en  Angleterre  :  il  n’avoit  point  de 
Commiflion  ,  &  quoiqu’il  reprefentât  l’accident ,  qui  l’avoitfé- 
paré  de  fon  Commandant ,  il  fut  regardé  comme  déferteur  de  la 
Virginie  :  011  le  mit  en  prifon  ,  d’où  il  ne  fortit  que  furie  témoi¬ 
gnage  des  Jefuites.  Il  11e  fe  laffoit  point  depuis  ce  tems-là  de 
publier  la  vertu  de  ces  Millionnaires  ,  deux  fois  fes  libéra¬ 
teurs  ,  &  furtout  le  plailîr  ,  qu’ils  lui  avoient  fait  à  Fayal ,  où  ils 
ne  pouvoient  lui  rendre  le  bien  pour  le  mal ,  comme  ils  firent  fi 
généreufement ,  fans  fe  priver  de  beaucoup  de  douceurs ,  qu’ils 
fe  feroient  procurées,  en  fe  faifant  connoître.  Il  efi  vrai  qu’on 
n’oublia  rien  pour  les  en  dédommager  en  Angleterre  ,  où  ils  fu¬ 
rent  fort  careifés  tout  le  tems  qu’ils  y  demeurèrent.  Enfin  M.  de 
Biseau  ,  Ambaffadeur  de  France  à  la  Cour  de  Londres ,  les  ré¬ 
clama  ,  &  les  fit  embarquer  pour  Calais. 

Cependant  on  fit  grand  bruit  à  la  Cour  de  France  de  l’entre- 
prife  des  Anglois  fur  S.  Sauveur  ,  &  fur  le  Port  Royal  ;  mais 
comme  dans  le  fond  cette  affaire  n’intéreffoit  que  des  Particu¬ 
liers  ,  ce  premier  feu  fe  ralentit  bientôt.  M.  de  Poutrincourt 
n’étoit  pas  affez  en  faveur  pourfe  flatter  qu’on  y  prendrait  vive¬ 
ment  fes  intérêts ,  &  ne  fit  aucune  démarche.  Madame  de  Guer- 
cheville  fe  contenta  d’envoyer  la  Sauffaye  à  Londres  ,  pour  y 
folliciter  la  réparation  du  tort  ,  qu’011  lui  avoit  fait  contre  le  droit 
des  Gens  ,  &  la  refiitution  de  fes  effets  ;  mais  elle  n’obtint  qu’une 
partie  de  ce  qu’elle  demandoit ,  &  il  fallut  s’en  contenter.  Elle 
reconnut  alors  ,  mais  trop  tard  ,  la  faute  quelle  avoit  faite  de  ne 
pas  fuivre  le  confeil  de  M.  de  Champlain  ^  qui  la  rejette  en  par¬ 
tie  fur  le  P.  Cotton  ,  fans  les  avis  duquel  la  Marquife  ,  dit-il,  ne 
faifoitrien.  Mais  quoique  Champlain  leur  répondît  des  bonnes 
intentions  de  M.  de  Monts,  y  aurai t-il  eu  bien  de  la  sûreté  à  con¬ 
fier  à  un  Calviniffe  la  direction  d’un  Etabliffemenq,  dont  l’objet 
principal  étoit  de  prêcher  l’Evangile  aux  Peuples  du  Canada  ? 

Dans  le  vrai  tout  le  Monde  eut  tort  ;  les  uns  par  trop  de  dé¬ 
fiance  ,  les  autres  par  l’envie  de  retirer  d’abord  plus  qu’ils  n’avan- 
çoient  ;  ceux-ci ,  faute  d’expérience  ;  ceux-là ,  pour  ne  s’être  pas 
donné  le  tems  de  connoître  le  Pays.  M.  de  Monts  vouloit  trou¬ 
ver  dans  fon  Privilège  exclufif  des  fonds  affûrés  &  préfens  pour 
fournir  aux  frais  de  fon  Etabliffement  ;  &  fans  exclufion  il  en 
aurait  eu  de  fuflifans  dans  le  commerce  ,  s’il  eût  commencé  par 
s’établir  en  un  lieu  sûr  ,  &  où  il  fût  plus  à  portée  des  fecours  de 
France.  M.  de  Poutrincourt  ayant  obtenu  le  Domaine  du  Port 
Royal ,  n’avoit  rien  de  mieux  à  faire  que  d’y  enfemencer  affez 

Sij 


1613. 


V 


HISTOIRE  general  e, 


rWerrein*1  pour  s’affûrer  que  fes  Gens  ne  manqueraient  jamais, 
j  &  s’il  avoit  été  dans  fon  Fort  avec  trente  Hommes 

bien  armés ,  Argall  n’auroit  pas  même  eu  l’affurance*de  y  atta¬ 
quer  Le  Sieur  de  la  Sauffaye,  après  avoir  pris  poffeffion  du  Port 
de  la  Haive,  ne  devoit  pas  aller  plus  loin  ;  il n  y  aurait  jamais  ete 
attaaué  parceque  les  Wlois  Savaient  defiein  que  de  faire  la 
Pèclre,  aux  Monts  déferts ,  &  n’étoientpas  allez  en  force  pour 
s'engager  dans  l’Acadie  ,  où  ils  dévoient  fuppofer  que  les  Fran- 
cois^étoient  fur  leurs  gardes  ;  d’ailleurs  ils  ne  connoiffoient  point, 
le  Port  de  la  Haive  ,  dont  l’entrée  eft  facile  à  defendre.  Madame, 
de  Guercheville  de  fon  coté  fit  mal  de  ne  point  confier  fon  en- 
trenrife  à  quelqu’un,  qui  eût  déjà  quelque  connoiffance  du  Pays, 
&  !’onneqcon?oit  p£  comment  fes  deux  Millionnaires  ,  qm  Y 
avoient  déjà  paffé  deux  ans ,  ne  firent  pas  faire  toutes  ces  refle¬ 
xions  à  la  Sauffaye  ,  lequel  étoit  très-difpofe  a  fe  conduire  par 
leur  avis  &  qui  fans  doute  en  avoit  reçu  l’ordre.  Cequ  ily  ad 
plus  toÏÏc’efl  que  tous  ceux,  au.  dans  la  fuite  entreprirent 
le  s’établir  dans  ces  Provinces  Mendionnales ,  ont  échoué , 
pour  avoir  fait  précifement  les  mêmes  fautes ,  &  n  avoir  pas. 
«nieiiY  nris  leurs  me  fur  es. 


ï4i 


s  ^.^8^ts^:j^  -îkw-^A:ik%è  ■  &$?| 
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HISTOIRE 

E  T 

DESCRIPTION  GENERALE 

DELA 

NOUVELLE  FRANCE, 

LIVRE  QUATRIEME ■ 

P  R  E’  S  la  fondation  de  Quebec ,  &  le  refus ,  l  ^09_  l  «V 
que  Madame  de  Guercheville  fit  de  s’affocier  J 
avec  M.  de  Monts ,  celui-ci  eut  encore  allez 
de  crédit  pour  former  une  nouvelle  Compa¬ 
gnie  ;  MM.  de  Champlain  &  de  Pontgravé 

_  s’attachèrent  plus  fortement  que  jamais  à  fes 

JE^MMSSSB  intérêts  ,  &  s’embarquèrent  en  1610.  Ce  der¬ 
nier  pour  continuer  la  traitte  à  Tadoufiac  ,  &  le  premier  pour 
vifiter  ,  &  pour  avancer  fon  Etabliffement  de  Quebec. 

Il  y  trouva  toutes  chofes  dans  le  meilleur  état  ,  qu’il  pouvoit  bEtat 
raifonnablement  efperer  :  l’année  précédente  il  avoit  fait  femer  ecul  16100 
du  Seigle  &  du  Froment,,  &  la  récolté  de  l’un  &  de  l’autre  avoit 
été  abondante.  Il  avoit  aufii  planté  de  la  Vigne  ,  mais  fes  Gens 
l’arracherent  pendant  fon  abfence  ,  &  il  n’y  avoit  en  effet  nulle 
apparence  quelle  réuffît.  D’ailleurs  tout  le  Monde  fe  portoit 
bien  ,  &  paroiffoit  content.  Les  Sauvages  établis  aux  environs 
étoient  Us  Algonquins  (a)  ,  les  Montagne^  è toient  plus  bas  vers 
Tadoufiac  ,  &  il  fut  d’autant  plus  aifé  aux  François  de  faire  al¬ 
liance  avec  ces  deux  Nations ,  que  bien  loin  de  leur  être  à  char— 

(a)  On  difoit  autrefois  Algoitrrekins .  • 


M.  de  Cham- 
plain  va  en 
guerre  contre 
les  Sauvages. 


,4»  HISTOIRE  generale 

- -  ee  ils  les  foulageoient  dans  leurs  befoins  ,  qui  étoient  quelque- 

i6o9-i3.  ^ois’  extrêmes,  furtout  quand  la  chaffeleur  avoir  manqué ,  ce  qui 

arrivoit  affez  fouvent. 

Mais  le  plus  grand  avantage  ,  que  ces  Barbares  le  promet- 
toient  de  la  part  des  François ,  étoit  d’en  être  lecourus  contre  les 
Iroquois.  Dès  l’année  1609.  Chain plain  ,  qui  avoit  hiverne  a 
Ouebec  ,  y  ayant  été  joint  au  printems  par  Pontgrave  ,  loii- 
qu’un  Parti  compofé  de  Hurons ,  d’ Algonquins  ,  &  de  Monta- 
gnez  ,  Se  difpofoit  à  marcher  contre  cet  Ennemi  commun  ,  il  le 
lailTa  perfuader  de  les  accompagner.il  ne  doutoit point  qu  ayant 
pour  lui  trois  Nations  affez  nombreuses  encore  ,  &  intereiiees 
à  demeurer  inséparablement  unies  avec  les  François  ,  il  ne  lui 
fûtaiSé  de  dompter  Succeffivement  toutes  celles,  qui  entrepren- 
droient  de  s’oppoSer  à  Ses  deffeins  ,  &  toutes  les  apparences 
étoient  pour  la  réuffite  de  ce  projet  ;  mais  il  ne  prevoyoït  pas 
que  les  Iroquois ,  qui  Seuls  depuis  lontems  SaiSoient  tete  a  tout 
ce  qu’il  y  avoit  de  Sauvages  à  cent  lieues  autour  d  eux  ,  ne  tar- 
deroient  pas  à  être  appuyés  par  des  Voilins ,  jaloux  de  la  t  ran¬ 
ce  ,  &  qui  devinrent  bientôt  plus  puiffans  que  nous  dans  cette 

partie  de  l’Amerique. 

Ce  Sut  en  effet  cette  même  annee  que  Henry  Fludlon ,  An¬ 
al  ois ,  mais  attaché  au  Service  de  la  Compagnie  Hollandoile 
des  Indes  Orientales ,  ayant  eu  ordre  de  Saire  une  nouvelle  ten¬ 
tative  pour  trouver  un  paffage  à  la  Chine  par  le  Nord  de  1  Amé¬ 
rique  ,  après  l’avoir  inutilement  cherché  ,  prit  terre  au  Cap 
Codd  ,  continua  enSuite  à  ranger  la  Côte  ,  allant  toujours  au 
Sud  &  découvrit  par  les  40.  dégrés  de  Latitude  Septentrion- 
nale  ,  une  grande  Baye  ,  où  il  entra.  Il  y  aperçut  une  Riviè¬ 
re  ,  qu’il  remonta  l’eSpace  de  60.  lieues  ,  oc  lui  donna  le  nom  de 
Manhatte,  qui  étoit  celui  des  Habitans  du  Pays. 

Dès  l’année  Suivante  quelques  Marchands  d  Amfterdam  en- 


XtablifTement 
des  Hollan- 
dois  dans  la 
Nouvelle  Bel- 
gique. 


la  Ville  de  Manhatte ,  6c  toute  cette  montrée  pi  il  ic  nuu»  «w 
relie  Belgique.  Dans  la  fuite  les  Hollandois  conftruiürent  le  f  ort 
d.’ Orange  beaucoup  plus  au  Nord.  Richard  Blome  Auteur  de 
l’ Amérique  Andoife ,  prétend  que  Hudfon  avoir  vendu  ce  Pays 
aux  Hollandois  fans  la  participation  du  Roy  de  la  Grande  Bre¬ 
tagne  ,  fon  Souverain  ;  mais  que  Samuel  Argall  étant  Gouver¬ 
neur  de  la  Virginie,  les  en  chaffa  ;  qu’ils  obtinrent  feulement  de 
Jacques  I.  la  liberté  d’y  faire  de  l’eau  en  revenant  du  Brelil , 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IV.  143 

que  depuis  ce  tems-làils  n’y  ont  eu  aucune  habitation.  Mais  ou-  1609-13 
tre  que  ce  récit  n’a  nulle  vraifemblance  ,  l’Auteur  fe  contredit  1 

lui-même  ;  car  immédiatement  après  il  dit  qu’en  1 664.  des  Com- 
mifiaires  envoyés  parle  Roy  Charles  IL  prirent  fur  eux  la  Ville 
de  Manhatte  ,  qu’ils  appelloient  la  nouvelle  Amflerdam  ;  &  que 
treize  ans  après  le  Chevalier  Robert  Car  leur  enleva  le  Fort  & 
la  Ville  d’Orange  ,  qui  fut  depuis  appellé  Albany . 

Il  eft  certain  d’ailleurs  que  jufqu’à  ce  tems-là  les  Hollandois 
ont  au-moins  pofiedé  une  bonne  partie  de  cette  Province;  qu’ils 
y  avoient  pour  V oifins  à  l’Occident  les  Suédois,  lefquels  avoient 
appellé  Nouvelle  Suede ,  ce  qui  porte  aujourd’hui  le  nom  de  Nou¬ 
veau  Jerfey  ;  &  que  la  nouvelle  Belgique  a  fubfifté  fous  ce  nom 
jufqu’au  régné  de  Charles  II.  Alors  les  Anglois  ,  qui  y  avoient 
iouvent  inquietté  les  Hollandois ,  les  obligèrent  à  la  leur  ceder, 
en  échange  de  Surinam ,  laiffant  néanmoins  aux  Particuliers, 
qui  y  étoient  établis ,  la  liberté  d’y  demeurer ,  ce  que  firent  la 
plûpart.  Charles  II.  en  donna  le  Domaine  au  Duc  d’YoRK  , 

Ion  Frere  ,  &  depuis  fon  fuccefleur  ,  &  dès  lors  lanouvelle  Bel¬ 
gique  changea  fon  nom  en  celui  de  Nouvelle  York.  Orange  fut 
nommée  Albany  ;  mais  comme  un  grand  nombre  de  Familles 
Hollandoifes  y  étoient  refilées  ,  elles  continuèrent  de  l’appeller 
Orange  ,  &  les  François  du  Canada  ne  lui  donnent  point 
d’autre  nom.  Au-deffiis  de  cette  Ville  il  y  a  un  Fort  avec  une 
Bourgade  ,  qui  confinent  avec  les  Cantons  Iroquois  ,  &  qu’on 
appelle  Corlar ,  d’où  ces  Sauvages  fe  font  accoûtumés  à  donner 
le  nom  de  Corlar  au  Gouverneur  de  lanouvelle  York. 

Pour  finir  cette  digrefiion  ,  dont  la  fuite  de  cette  Hiftoire  fe¬ 
ra  voir  la  néceffité  ,  les  Hollandois  ,  tandis  qu’ils  ont  été  les  Maî¬ 
tres  de  cette  Province  ,  une  des  plus  fertiles  de  l’Amerique  Sep- 
tentrionnale  ,  ne  fe  font  jamais  ouvertement  déclarés  contre 
nous ,  comme  ont  fait  depuis  les  Anglois  en  toute  occafion  ; 
mais  en  donnant  des  armes  &  des  munitions  aux  Iroquois ,  avec 
lefquels  M.  de  Champlain  s’étoit  malheureufement  brouillé  en 
faveur  de  fes  Alliés  ,  ils  ont  mis  ces  Barbares  en  état  de  nous 
faire  beaucoup  de  mal ,  &  nous-mêmes  dans  la  néceffité  de 
fournir  aux  autres  Sauvages  des  armes  à  feu  ,  dont  la  bonne 
politique  demandoit  qu’on  ne  leur  apprît  jamais  l’ufage.  Il  faut 
néanmoins  rendre  à  M.  de  Champlain  la  jufiice  de  dire  que  fon 
intention  étoit  uniquement  d’humilier  les  Iroquois  ,  afin  de  par¬ 
venir  enfuite  à  réunir  toutes  les  Nations  du  Canada  dans  notre 
alliance  par  une  bonne  paix  ;  &  que  ce  n’efi:  pas  fa  faute  ,  fi  des 


Première  ex¬ 
pédition  de 
Champlain 
contre  les  Iro 
tjuojs. 


Peu  de  pré 
-caution  des 
:G  «terriers. 

% 


HISTOIRE  generale 

évenemens ,  qu’il  ne  pouvoir  pas  prévoir  ,  ont  fait  tourner  les 
1609-13.  r|10res  tout  autrement  qu  il  n  a  voit  cru.  All;/ 

ChnSil  en  foit ,  il  s’embarqua  fur  le  Fleuve  avec  fes  All.es 
entra  ensuite  dans  une  Riviere ,  qui  fut  lontems  nommee  /u  Rt- 
viere  des  Iroquois  ,  pareeque  ces  Sauvages  e  c®n ^  ^ 

nairement par-là  ,  pour  fa.re  leurs  courte  dan  la  Colonie 
qui  porte  aujourd’hui  le  nom  de  S on :L  Apr 
quinze  lieues  ,  il  arriva  au  pied  dun  Rapide  (-0 ,  ^ 

poffible  de  franchir  avec  les  Chalouppes.  Ceœdi  ftculte . , 

la  mauvaife  foi  des  Sauvages  ,  qui  avole”,  a  ne  le  rebu- 

de  fuivre  fes  Alliés  a  vie  deux  François  ,  qui  ne  voulurent  poi 

‘  Te  Rapide’ palVé ,  on  com„e„c.  S  naviguer  ™  f“,  £ 

de  précaution.  On  campoit  de  bonne  heure,  &onc 
choPit  du  côté  de  la  Terre  avec  de  grands  abba  fflsd  arbres  ,  . = 
ce  n’eft  pas  la  coutume  des  Sauvages  de  fe  fortifier  du 
l’eau  ,  pareequ’ils  ne  font  jamais  attaques  par '  en 

a  feulement  foin  de  ranger  les  Canots  fur  p  n’a 

n.,  j,,  1  ac  .  &  il  faut  que  I  on  foit  bien  iurpris  ,  U  on  n 

nas’  le  tems  de  s^embarquer ,  &  de  fe  mettre  hors  de  péril ,  avau 

ïue  lVCancl^menAit forcé.  Dès 

me  eft  d’envoyer  à  la  découverte ,  mais  ce  n  eft  gue  è[  P 
In  forme  •  les  Découvreurs  ne  vont  pas  bien  loin  ,  oc  des  qu 
SÜTfficn  voir  ,  tout  le  ^nde  demeure  forban- 
r.»..  O.  ne  fonge  p,,  ,»fa«  à  pofa S™»*  > 

jours  les  Ùupes  d’une  confiance  fi  infenfée  ;  mais  1  s  ne  s  - 

ligent  pointées  feuls  Iroouois  ont  “TuarSpf^îtlade^eoute "ue 
un  peu  plus  de  cnxonfpecbon  ,  &  n  n  y  Ç  .  >-i_  onf 

q’ilà  une  des  principales  caufes  de  la  fuper.onte ,  qu  .1  ont 

prife  fur  des  Ennemis  ,  qui  ne  leur  ont  )amais  cede  en  va 
&  qui  auroient  dû  les  écrafer  par  leur  nombre  . 

Champlain  eut  beau  reprefenter  à  fes  .AlllCS^  tr°"on- 
s’expofoient  par  une  conduite  fi  peu  reguliere  ,  toutes  les  repo 
fes  qtel  lui  firent ,  fut  que  desfeens  ,  qu.  avaient  fatigue  tout 
e  kiur  avoie.it  befoin  ke  repofer  la  nuit.  Néanmoins ,  lors 
lu’ilsfe  crurent  proche  de  l’Ennemi ,  il  obtint  que  leurs  Cou¬ 
leurs  s’acquitaffent  plus  exaftement  de  leur  devon  ,  qu 

i  a  )  Ccft  ce  qu’on  appelle  préfentement  le  Rapide  de  Chambly. 


Fourberie  îles 
Jongleurs. 


Carte 

«le  l.i  Rivière*  tic  Richelieu 
et  du 

Lac  Cnamplam. 

Dresse.  sut' les  .Ifarutscn ts 
du  Deptfst  de  J 

(  .nies,  rt.ins,  etJoum*de  LtJümu 
P.jr  y  h  fcj  .ù  L  . U 

r+4 


Ma*.  0*i 


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IL.eA.-r  t 


E  chcilc 

/  u  u*j  «4  Fr  ont  t 


V  V 


t  S‘Tk..,~ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.'IV.  145 

marchât  plus- que  pendant  la  nuit,  &  qu’on  n’allumât  plus  de 
feu  pendant  le  jour.  Ce  qui  contribuoit  le  plus  à  cette  fécurité, 

?ui  faifoit  tant  de  peine  aux  François  ,  étoit  la  confiance  des 
auvages  en  leurs  Jongleurs  ,  aufquels  Champlain  donne  les 
noms  de  Pilotais,  &  d ’Oflemois.  La  première  chofe,  à  quoi  pen- 
foit  celui ,  qui  accompagnoit  l’Armee  ,  dès  qu’011  avoit  débar¬ 
qué  pour  camper  ,  c’étoit  de  fe  faire  une  petite  Cabanne  de 
pieux  ;  il  la  couvroit  de  la  même  peau  ,  qui  lui  fervoit  de  vête¬ 
ment  ;  puis  il  y  entroit  tout  nud  ,  &  les  Guerriers  venoient  fe 
ranger  autour  de  lui.  Il  commençoit  alors  à  prononcer  quelques 
paroles ,  que  perfonne  ne  comprenoit.  C’eft ,  dit-on  ,  une  Priè¬ 
re  pour  invoquer  le  Dieu  de  fa  Guerre.  Un  moment  après  il 
averriffoit  que  la  Divinité  étoit  venue  à  fa  voix  ,  &  il  déclaroit 
les  avis  ,  qu’il  en  avoit  reçus.  11  fe  levoit  enfin  ,  car  jufques-là 
il  demeuroit proflerné  contre  terre.  Il  crioit ,  il  s’agitoit  ,  il  pa- 
roifïoit  hors  de  lui-même  ,  &  l’eau  découloit  en  abondance  de 
toutes  les  parties  de  fon  corps. 

La  Cabanne  s’ébranloit  auffi  quelquefois  ,  &  les  Afîiflans  ne 
doutoient  point  que  ce  mouvement  ne  fût  un  effet  de  la  préfence 
de  FEfprit.  Ils  avoient  grand  foin  de  faire  remarquer  à  M.  de 
Champlain  cette  prétendue  merveille  ;  mais  il  avoit  vû  le  Jon¬ 
gleur  fécoüer  les  pieux ,  &  il  fe  mocqua  d’eux.  Ils  lui  dirent  un 
jour  qu’il  alloit  voir  fortir  du  feu  par  le  haut  de  la  Cabanne  ; 
mais  il  eut  beau  regarder  ,  le  feu  ne  parut  point.  Il  eût  peut-être 
paru  ,  fi  M.  de  Champlain  eût  été  moins  attentif  ;  car  ordinai¬ 
rement  ces  Impofteurs  ont  la  précaution  de  fe  munir  de  çe  qu’il 
faut  pour  en  allumer.  Le  langage  ,  qu’ils  parlent  dans  ces  invo¬ 
cations  n’a  rien  de  commun  avec  aucune  langue  Sauvage  ,  & 
il  eft  vraifemblable  qu’il  ne  confifte  qu’en  des  fons  informes  , 
produits  fur  le  champ  par  une  imagination  échauffée,  &  que  ces 
Charlatans  ont  trouvé  le  moyen  de  faire  paffer  pour  un  langage 
divin.  Ils  prennent  differens  tons  ;  quelquefois  ils  grofîiffent 
leur  voix  ,  puis  ils  Contrefont  une  petite  voix  grêle ,  allez  fem- 
blable  à  celle  de  nos  Marionnettes,  &  on  croit  que  c’eff  l’Efprit, 
qui  leur  parle. 

La  plûpart  du  tems  il  arrive  tout  le  contraire  de  ce  qu’ils  ont 
prédit  ;  mais  ils  ne  perdent  rien  pour  cela  de  leur  crédit ,  &  ils 
trouvent  toujours  quelque  é.chapatoire  ,  pour  fauver  leur  hon¬ 
neur.  C’eft  de  tout  tems  que  les  Hommes  ,  fi  ingénieux  à  trom¬ 
per  les  autres  ,  font  d’une  facilité  furprenante  à  fe  laiffer  trom¬ 
per  eux-mêmes  dans  les  points ,  où  il  leur ‘importerait  le  plus 
Tome  /.  T 


146 


HISTOIRE  generale 


-  d’éviter  la  féduftion.  Non-feulement  on  n’y  eft  point  en  garde 

1 609-13 .  contre  l’ülufion  ;  mais  il  femble  même  qu’on  aille  au-devant.  La 
fa  se  &  fçavante  Antiquité  a  donné  fur  cela  dans  les  mêmes  tra¬ 
vers  ,  &  de  plus  greffiers  encore  ,  que  nos  Sauvages  ;  la  con- 
noiffance  du  vrai  Dieu  ,  &  les  principes  incontestables  dune 
Religion  divine  ,  n’en  ont  pas  garanti  le  Peuple  choib  >  Df  Pdg 
fitaire  de  la  vérité  :  ce  rfétoit  ni  des  Barbares  ,  ni  des  Iiffideles  , 
qui  difoient  :  Loquimini  nobis  placentia  >  videte  nobis  erro - 

Pour  revenir  à  nos  Guerriers  ,  tout  le  Pays  ,  que  M.  de  Chain-- 
plain  traverfa  dans  cette  Expédition  ,  lui  parut  fort  beau ,  &  ü 
Teft  en  effet.  Les  Ifles  étoient  remplies  de  Cerfs  ,  de  U  a  uns  ,  de 
Chevreuils ,  &  d’autres  femblables  Animaux  ,  qui  entretinrent 
l’abondance  dans  l’Armée.  On  voyoit  furtout  une  grande  quan¬ 
tité  de  Caftors  ,  pareeque  le  voifinage  deslroquois  nepermet- 
toit  pas  de  s’y  arrêter  lontems  pour  les  chaffer  :  deforte  qua  la 
faveur  de  la  guerre  ces  Amphibies  jouiffoient  a  une  paix  pro¬ 
fonde.  Le  Poiffon  fourmilloit  auffi  ,  non  feulement  dans  la  Ki- 
viere  ,  mais  encore  dans  un  grand  Lac  ,  quelle  traverfe  ,  &  au¬ 
quel  M.  de  Champlain  donna  fon  nom,  quil  a  conlerve  jui- 
préfent.  11  a  plus  de  vingt  lieues  de  long  fur  dix  ou  douze  de 
large  dans  fonmilieu  ,  &  fa  figure  tire  fur  l’ovale.  , 

Quand  on  eft  au  milieu  de  ce  Lac on  .découvre  au  Midi  &  a 
l’Occident  de  très-hautes  Montagnes  ,  dont  les  plus  éloignées  , 

qui  en  font  à  2  5 .  lieuës  ,  paroiffent  prefque  toujours  couvertes 

de  neiges.  Les  vallées ,  qui  les  féparent ,  font  tres-fertiles  ,  &  au 
tems,  dont  je  parle  ,  elles  étoient  toutes  peuplées  d  Iroquois. 
Aujourd’hui  il  n’y  en  a  plus  qu’au  Midi ,  &  c’etoit  la  que  nos-: 
Guerriers  avoient  deffein  de  faire  une  irruption.  Au  lortir  du 
Lac  Champlain  il  faut  franchir  un  fécond  Rapide  ,  apres  quoi 
on  entre  dans  un  autre  Lac  ,  qui  n’a  que  quatre  ou  cinq  lieues 
de  Ion»  &  qui  porte  le  nom  du  S.  Sacrement.  L  endroit ,  ouïes 
Sauvages  vouloient  aller  ,  étoit  encore  au-delà  ;  mais  Ennemi 
leur  épargna  une  partie  du  chemin ,  &  par  un  pur  hazard  les  joi¬ 
gnit  dans  le  Lac  Champlain.  1  •  j 

Depuis  quelque  tems  les  Alliés  s’informoient  tous  les  jours  du 
Chef  des  François  ,  s’il  n  avoir  point  vû  d’Iroquois  en  fonge  t  U 
leur  répondit  plufieurs  fois  que  non  ,  ce  qui  les  inquiettoit  beau¬ 
coup.  A  la  fin  ,  foit  qu’il  voulût  les  tirer  de  peine  ,  foit  qu  a  for¬ 
ce  d’entendre  parler  de  la  même  chofe  ,  il  y  eut  véritablement 

(a)  Ifau.  30.  10^ 


Lac  Cham¬ 
plain. 


lac  du  S .  Sa¬ 
crement.. 


Les  deux  Par¬ 
tis  fe  rencon¬ 
trent. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lxv.  IV.  147 
révé  ,  il  leur  dit  que  pendant  fon  fommeil  il  avoit  cru  voir  des 
Iroquois  ,  qui  fe  noyoient  dans  le  Lac  ;  mais  qu’il  ne  comptoit 
point  du  tout  fur  ce  rêve.  Ils  n’en  jugèrent  pas  de  même  ,  &  ils 
ne  doutèrent  plus  de  la  victoire.  Quelques  jours  après  l’Enne¬ 
mi  ,  qu’ils  croyoient  furprendre  dans  l'on  Village ,  parut  vers 
les  dix  heures  du  foir.  La  joye  fut  grande  de  part  &  d’autre  , 
&  tous  la  témoignèrent  par  de  grands  cris. 

Les  Sauvages  ne  combattent  fur  l’eau  ,  que  quand  ils  font 
furpris  ,  ou  lorfqu’ils  font  trop  loin  de  Terre  ;  ce  qui  n’avoit  pas 
lieu  ici.  Nos  Braves  gagnèrent  donc  le  rivage  ,  dès  qu’ils  fe  fu¬ 
rent  reconnus.  Ils  travaillèrent  enfuite  chacun  de  leur  côté  à  fe 
retrancher  ,  &  cela  fut  bientôt  fait.  Alors  les  Algonquins  en¬ 
voyèrent  demander  aux  Iroquois ,  s’ils  vouloient  fe  battre  à 
l’heure  même;  mais  ceux-ci  répondirent  que  la  nuit  étoit  trop 
obfcure  ,  qu’011  ne  fe  verroit  point ,  &  qu’il  falloit  attendre  le 
jour.  Les  Alliés  y  confentirent ,  &  tous  dormirent  tranquille¬ 
ment,  après  avoir  pris  leurs  sûretés.  Le  lendemain,  dès  la  pointe 
du  jour  ,  Champlain  plaça  fes  deux  François  ,  &  quelques  Sau¬ 
vages  dans  le  Bois  ,  pour  prendre  les  Ennemis  en  flanc.  Ceux- 
ci  etoient  au  nombre  de  deux-cent ,  tous  Gens  choifis  &  déter¬ 
minés  ,  &  qui  comptoient  bien  d’avoir  bon  marché  de  cette 
poignée  d’Algonquins  ,  &  de  Hurons  ,  qu’ils  ne  s’imaginoient 
pas  s’être  mis  en  campagne  pour  les  aller  chercher. 

Ils  fe  trompoient  néanmoins  ;  les  Alliés  ne  leur  étoient  point 
inférieurs  en  nombre  ;  mais  ils  n’avoient  laide  voir  qu’une  par¬ 
tie  de  leurs  Guerriers.  Les  uns  &  les  autres  n’étoient  encore  ar¬ 
més  que  de  flèches  ;  &  ceux  de  notre  parti  fondoient  toutes 
leurs  efperances  fur  les  fufils  des  François  ,  &  ils  recommandè¬ 
rent  à  Champlain  de  tirer  fur  les  Chefs  ,  qu’ils  lui  montrèrent. 
Ces  Chefs ,  qui  étoient  au  nombre  de  trois  ,  fe  diflinguoientpar 
des  plumes,  ou  des  queues  d’Oifeaiix,  plus  grandes  que  celles  de 
leurs  Soldats  ;  car  tous  en  ont  pour  l’ordinaire  ,  &  chacun  les 
arrange  fur  fa  tête  fuivant  fon  caprice.  Les  Algonquins  &  les 
Hurons  fortirent  les  premiers  de  leur  Retranchement ,  &  cou¬ 
rurent  deux-cent  pas  au-devant  des  Iroquois.  Quand  ils  furent 
en  préfence  ,  ils  s’arrêtèrent ,  fe  partagèrent  en  deux  bandes  ,  & 
laifferent  le  milieu  libre  à  M.  de  Champlain  ,  qui  vint  fe  met¬ 
tre  à  leur  tête. 

Sa  figure  &  fes  armes  étoient  quelque  chofe  de  nouveau  pour 
les  Iroquois ,  dont  la  furprife  devint  extrême  ,  lorfque  du  pre¬ 
mier  coup  de  fon  Arquebufe  ,  où  il  avoit  mis  quatre  polies ,  ils 

Tij 


1 609-13. 


Les  deux  Par¬ 
tis  fe  rencon¬ 
trent. 


Ils  en  vlca-î 
lient  aux 
mains. 


Les  Iroquois 
font  défaits. 


g  •  HISTOIRE  generale 

_  v£ent  tomber  morts  deux  de  leurs  Chefs,  &  le  troifiéme,  dange- 

1609-13.  reufement  blefîe.  Ce  premier  fuccès  fit  jetter  aux  Allies  de 
grands  cris  de  joye  ,  &  ilfe  fit  dans  le  moment  quelques  de- 
charges  de  flèches  ,  qui  ne  produisent  pas  un  grand  effet. 
Champlain  alloit  recharger ,  lorfqu’un  des  deux  autres  François 
ayant  encore  abbattu  quelques  Iroquois ,  tous  furent  mis  eii 
défordre  &  ne  fongerent  plus  qu’à  fuir.  Ils  furent  pourfuiviâ 
chaudement,  on  en  tuaplufieurs ,  &  on  fit  quelques  Plafonniers- 
Du  côté  des  Alliés  il  n’y  eut  perfonne  de  tue  ,  mais  îl  y  eut  quin¬ 
ze  ou  feize  bielles ,  qui  guérirent  bientôt.  Les  Ennemis  en  fuyant 
avoient  abandonne"  des  farines  de  maiz ,  dont  les  Viûoneux 
avoient  grand  befoin  ,  les  vivres  leur  ayant  manque  tout  a  fait. 
Ils  commencèrent  par  appaifer  la  faim  ,  qui  les  preffoit  ,puisi  s 
p afferent  deux  heures  lur  le  Champ  de  Bataille  a  danfer.  &  a 
chanter.  Enfin  ils  fe  remirent  en  marche  pour  retourner  chez 
eux  ;  car  parmi  ces  Peuples  ,  les  Vainqueurs  font  toujours  re- 
traitte  ,  auffi-bien  que  les  Vaincus ,  &  fouvent  avec  autant  de 
défordre  &  de  précipitation  ,  que  s’ils  etoient  pourfuivis  par  un 

Ennemi  viHorieux.  ,  *  «_ 

Après  avoir  fait  huit  lieues  ,  nos  Braves  s  arrêtèrent ,  oc  pre- 

nant  un  de  leurs  Captifs ,  ils  lui  reprochèrent  toutes  les  cruau¬ 
tés  ,  qu’il  avoit  exercées  fur  ceux  de  leur  Nation ,  qui  etoient 
tombes  entre  fes  mains ,  &  lui  déclarèrent  qu  il  devoir  s  atten¬ 
dre  à  être  traitté  de  la  même  manière  ,  ajoutant  que  s  il  avoit  du 
cœur  ,  il  le  témoigneroit  en  chantant.  Il  entonna  aullitot  ta 
Chanfon  de  mort ,  puis  fa  Chanfon  de  guerre  &  toutes  celles 
qu’il  fçavoit  ,  mais  fur  un  ton  fort  trifte  ,  dit  Champlain  ,  qui 
n  avoit  pas  encore  eu  le  teins  de  connoîore  que  toute  la  mulique 
des  Sauvages  a  quelque  chofe  de  lugubre.  Son  fupphce  accom¬ 
pagné  de  toutes  ces  horreurs ,  dont  nous  parlerons  dans  la  fui¬ 
te  f  effrayèrent  les  François ,  qui  firent  envain  tous  leurs  efforts 
pour  y  mettre  fin.  Néanmoins  au  bout  de  quelque  tems  ,  com¬ 
me  les  Sauvages  s’apperçurent  que  le  Commandant  etoit 
choqué  de  leur  peu  de  complaifan ce  ,  ils  lui  dirent  cpe  s  il  vou- 
loit  achever  ce  Miferable  &  abréger  fes  peines  ,  il  etoit  le  maî¬ 
tre.  Il  lui  tira  fur  le  champ  un  coup  d’Arquebufe  5  &  il  ne  fut 

pas  befoin  d’en  tirer  un  fécond.  .  „  * 

F  Dès  que  cet  Homme  fut  mort ,  les  Sauvages  lui  ouvrirent  le 

ventre  ,  ietterent  fes  entrailles  dans  le  Lac  ,  lui  coupèrent  la 
tête,  les  bras  &  les  jambes  ,  difperferent  fes  membres  de  part 
d’piitrft  .  flim  toucher  au  tronc  .quoique  la  coutume  tut  ü  en 


Cruauté  des 
Vainqueurs. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IV.  149 

manger  au  moins  une  partie.  Ils  ne  gardèrent  que  la  chevelure, 
qu’ils  mirent  avec  les  autres ,  &  le  cœur ,  qu’ils  coupèrent  en 
petits  morceaux  :  ils  donnèrent  ces  morceaux  à  manger  aux 
Prifonniers  ,  parmi  lefquels  étoit  le  propre  Frere  du  Mort.  On 
lui  en  mit  dans  la  bouche  ,  comme  aux  autres  ;  mais  il  le  rejetta 

fur  le  champ. 

La  nuit  fuivante  un  Montagnez  ayant  reve  qu  ils  etoient  pour- 
fuivis  ,  la  retraite  fe  changea  en  une  véritable  fuite  ,  &  011  ne 
s’arrêta  plus  en  aucun  endroit ,  qu’on  ne  fût  hors  de  tout  dan¬ 
ger.  Les  Algonquins  refterent  à  Quebec  ,  les  Murons  retournè¬ 
rent  chez  eux  ,  &  les  Montagnez  à  Tadouffac,  où  M.  de  Cham- 
plain  les  fui  vit.  Du  moment  qu’ils  eurent  aperçu  les  Cabannes 
de  leur  Village  ,  ils  coupèrent  des  longs  bâtons  ,  y  attachèrent 
les  chevelures  ,  qu’ils  avoient  eues  en  partage  ,  &  les  portèrent 
comme  en  triomphe.  A  cette  vûë  les  Femmes  accoururent ,  fe 
jetterent  à  la  nage  ,  &  ayant  joint  les  Canots  ,  elles  purent  les 
chevelures  des  mains  de  leurs  Maris  ,  &  fe  les  attacheient  au 
cou.  Les  Guerriers  en  avoient  offert  une  à  Champlain  j,  &  lui 
firent  un  prefent  de  quelques  arcs  &  de  quelques  fléchés,  des  dé¬ 
pouillés  des  Iroquois  ,  les  feules ,  qu’ils  fé  permiffent  alors  ,  le 
priant  de  les  montrer  au  Roy  ,  quand  il  feroit  arrive  en  France  , 
où  il  leur  avoit  dit  qu’il  alloit  faire  un  voyage.  _  ^ 

Il  avoit  efperé  de  trouver  un  Navire  à  T adouffac  ;  mais  il  n  y 
en  avoit  point ,  &  il  remonta  à  Quebec.  Pontgravé  y  arriva 
bientôt  après  lui ,  &  ils  s’embarquèrent  enfemble  au  mois  de 
Septembre  1609.  laiffant  la  Colonie  fous  les  ordres  d’un  brave 
Homme ,  nommé  Pierre  Chavin.  Champlain  fut  fort  bien  re¬ 
çu  du  Roy  ,  qu’il  alla  trouver  à  Fontainebleau  ,  pour  lui  rendre 
compte  de  la  fituafion  ,  où  il  avoit  laiffé  la  Nouvelle  France. 
Ce  fut  alors  qu’on  donna  ce  nom  au  Canada.  C’étoit  dans  le 
tems  ,  que  M.  de  Monts  faifoit  fes  derniers  efforts  ,  furtout  au¬ 
près  de  Madame  de  Guercheville ,  pour  récouvrer  fon  Privilè¬ 
ge.  J’ai  dit  qu’il  n’y  avoit  pas  réuffi ,  mais  fes  Affociés ,  dont 
MM.  le  Gendre  &  Collier  étoient  les  principaux  ,  ne  l’a¬ 
bandonnèrent  point  ;  &  comme  c’étoit  au  nom  de  leur  Compa¬ 
gnie  ,  que  s’étoit  fait  l’Etabliffement  de  Quebec  ,  que  cette 
Compagnie  le  reconnoiffoit  toujours  pour  leur  Chef ,  il  fit  ar¬ 
mer  deux  Navires ,  dont  il  confia  le  commandement  à  MM.  d© 
Champlain  &  de  Pontgravé. 

Ils  s’embarquèrent  à  Honfleur  le  feptiéme  de  Mars  1710.  & 
2  peine  étoient-ils  en  Mer  ,  que  Champlain  tomba  malade  ,  Ôç 


1609-13. 


Réceptions 
des  Monta¬ 
gnez  dans  leur 
Village. 


Champfaihf 
retourne  en 
France.  Le 
nom  de  nou¬ 
velle  France 
donné  au  Ca¬ 
nada-. 


Seconde  er» 
pédition  de 
Champlain  . 


1609- 13* 

.contre  les  Iro- 
cjuois. 

1610- 13. 


Les  Iroquois 
font  attaqués  , 
fc  fe  défendent 
bien. 


ï5o  HISTOIRE  generale 

fut  obligé  defe  faire  remettre  à  terre.  Peu  de  tems  après  ,  fou 
Navire  ayant  été  contraint  de  relâcher ,  il  fe  trouva  en  état 
d’en  reprendre  le  commandement  :  il  appareilla  le  huitième  d’A- 
vril  &  arriva  le  vingt-hx  à  Tadouffac.  Il  en  partit  le  vingt- 
huit5,  après  avoir  affûré  les  Montagnez  qu’il  venoit  dégager  la 
parole ,  qu’il  leur  avoit  donnée  l’année  précédente  ,  de  les  ac¬ 
compagner  encore  à  la  guerre  contre  les  Iroquois.  Ils  11’atten- 
doient  en  effet  que  fon  retour  ,  pour  fe  remettre  en  campagne , 
&  il  étoit  à  peine  arrivé  à  Quebec  ,  qu’ils  s’y  rendirent  au  nom¬ 
bre  de  60,  Guerriers.  Les  Algonquins  étoient  auffi  tout  prêts , 
&  tous  marchèrent  auffitôt  vers  la  Riviere  de  Sorel ,  où  d’au¬ 
tres  Sauvages  leur  avoient  promis  de  fe  rendre.  Champlain  les 
fuivit  de  près  dans  une  Barque  ;  mais  il  n’y  trouva  point  le  nom¬ 
bre  de  Guerriers ,  qu’on  lui  avoit  fait  efperer. 

Il  apprit  en  même  tems  qu’un  Parti  de  cent  Iroquois  n  étoit 
pas  loin  ,  &  on  lui  dit  que  s’il  vouloit  le  furprendre  ,  il  n’y  avoit 
pas  un  moment  à  perdre  ,  &  qu’il  falloit  tailler  fa  Barque  ,  & 
s’embarquer  dans  des  Canots.  Il  y  confentit  :  quatre  François 
le  fuivirent  ;  les  autres  demeurèrent  à  la  garde  de  fa  Barque. 
Les  Confédérés  11’ avoient  pas  encore  vogué  plus  d’une  demie- 
heure  ,  qu’ils  fauterent  à  terre  ,  fans  rien  dire  aux  François  ,  & 
lailfant  leurs  Canots  à  l’abandon  ,  ils  fe  mirent  à  courir  à  toutes 
jambes  au  travers  des  Bois.  Champlain  fe  trouva  fort  embar- 
raffé  :  il  perdit  bientôt  de  vûë  les  Sauvages  ,  qui  ne  lui  avoient 
pas  même  donné  un  Guide.  Il  falloit  marcher  dans  un  Pays 
marécageux  ,  où  l’on  avoit  toujours  les  pieds  dans  l’eau.  Les 
Maringoins  &  autres  femblables  Infe&es,  l’aveugloiem  ,  &  obf- 
curciffoient  l’air  ,  &  il  11’y  avoit  point  de  chemin  frayé.  Après 
avoir  quelque  tems  couru  au  hazard  ,  craignant  à  tout  moment 
de  s’égarer  ,  il  ne  fçavoitplus  quel  parti  prendre  ,  lorfqu’il  ap- 
perçut  un  Sauvage  ,  qui  faifoit  la  même  route  ,  il  l’appella ,  Sc 
le  pria  de  lui  montrer  le  chemin. 

Quelques  momens  après  ,  un  Capitaine  Algonquin  le  vint 
prier  de  hâter  fa  marche  ,  parce  qu’on  étoit  aux  mains  avec  les 
Iroquois.  Il  doubla  le  pas  *  &  ne  tarda  point  à  entendre  les  cris 
des  Combattans.  Nos  Alliés  avoient  trouvé  l’Ennemi  dans  un 
allez  bon  Rétranchement ,  &  l’y  ayant  voulu  forcer  ,  ils  avoient 
été  repoulfés  avec  perte.  Ils  reprirent  cœur  à  la  vûë  des  Fran¬ 
çois  ,  &  retournèrent  à  la  charge  dès  que  ceux  -  ci  les  eurent 
joints.  Le  combat  devint  très-vil ,  &  Champlain  en  arrivant  re- 
£ut  un  coup  de  flèche  7  qui  lui  perça  le  bout  de  1  oreille  ,  &  lui 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IV.  1 51 

entra  dans  le  col.  Cette  bleffure  ne  l’empêcha  pourtant  point  de 
faire  feu  ,  tandis  qu’il  eut  de  la  poudre  &  du  plomb  ,  &  Tes  Gens 
le  feconderent  bien ,  quoiqu’un  d’eux  eût  auffî  été  bleffé  au  bras. 

Les  Iroquois  ,  qui  n’étoient  point  encore  accoûtumés  à  fe  dé¬ 
fendre  contre  les  armes  à  feu  ,  commençaient  à  tirer  moins  , 
&  cherchoient  à  fe  mettre  à  couvert  des  Arquebufes  ,  qui  en 
avoient  déjà  abbattu  plufieurs  ;  mais  les  munitions  manquèrent 
bientôt  aux  nôtres ,  qui  n’avoient  pas  compté  fur  une  fi  longue 
réfiftance.  Alors  Champlain  propofa  aux  Alliés  de  donner  Faf- 
faut  au  Rétranchement ,  ils  goûtèrent  cet  avis  ;  il  fe  mit  à  leur 
tête  avec  fes  quatre  François ,  &  malgré  la  vigoureufe  défenfe 
des  Afiiegés,  ils  eurent  bientôt  fait  une  allez  grande  brèche.  Sur 
ces  entrefaites  un  jeune  Maloin,  nommé  des  Prairies  ,  que 
Champlain  avoit  laiffé  dans  la  Barque  ,  arriva  avec  cinq  ou  lix 
de  fes  Camarades  :  ce  fecours  venu  fi  à  propos ,  donna  le  moien 
aux  Alfaillans  de  s’éloigner  un  peu  pour  refpirer ,  tandis  que  les; 
nouveaux  venus  faifoient  feu  fur  l’Ennemi. 

Les  Sauvages  revinrent  bientôt  à  l’alfaut ,  &  les  François  fe’ 
mirent  fur  les  ailes  pour  les  foûtenir.  Les  Iroquois  ne  purent  ré¬ 
lifter  à  tant  de  coups  redoublés  :  prefque  tous  furent  tués  ,  ou' 
pris  ;  quelques-uns  ayant  voulu  courir  du  côté  de  la  Riviere  r 
y  furent  culbutés  ,  &  s’y  noyèrent.  L’affaire  étant  entièrement 
iinie  ,  il  arriva  encore  une  Trouppe  de  François ,  qui  voulurent 
fe  confoler  de  n’avoir  point  eu  de  part  à  la  viêioire  ,  en  parta¬ 
geant  le  butin.  Ils  fe  fai  firent  des  peaux  de  Caftors  ,  dont  les 
Iroquois  ,  qu’ils  voyoient  étendus  fur  la  place  ,  étoient  couverts, 
&  les  Sauvages  en  furent  fcandalifés.  Ceux-ci  de  leur  côté 
commencèrent  à  exercer  leur  cruauté  ordinaire  fur  les  Prifon- 
niers ,  &  dévorèrent  un  de  ceux ,  qui  avoient  été  tués  ,  ce  qui 
fit  horreur  aux  François.  Ainfi  ces  Barbares  faifoient  gloire 
d’un  défintéreffement ,  qu’ils  étoient  furpris  de  ne  pas  trouver 
dans  notre  Nation,  &  ne  comprenoient.  pas  qu’ily  a  bien  moins 
de  mal  à  dépouiller  les  Morts,  qu’à  fe  repaître  de  leur  chair  com¬ 
me  des  bêtes  feroces  ,  &  à  violer  toutes  les  Loix  de  l’humanité  , 
en  prenant  plaiftr  à  tourmenter  de  la  maniéré  la  plus  indigne  des 
Ennemis  ,  qui  ne  peuvent  plus  fe  défendre. 

Champlain  leur  demanda  un  de  leurs  Captifs  ,  &  ils  le  lui  ac¬ 
cordèrent  de  bonne  grâce.  Il  engagea  aufti  les  Hurons  ,  qui  s’en 
retournoient  dans  leur  Pays  ,  à  y  mener  un  François  ,  afin  qu’il 
y  pût  apprendre  leur  Langue  ;  mais  ce  fut  à  condition  qu’il 
conduiroiten  France  un  jeune  Huron  ,  pour  leur  rapporter  des- 


2  histoire  generale 

-7 -  nouvelles  d’un  Royaume  ,  dont  on  leur  avoit  dit  tant  de  mer- 

"Xs .U  l’y  mena  en  effet  la  même  année  ,&  le  ramena  au 
nrintems  fuivant.  11  le  conduifit  jufqu  a  Montreal ,  ou  il  c  oi  vt 
En  Emplacement  pour  une  habitation  ,  qu  il  avoit  y 
établir  &  quil  ne  fit  pourtant  point,  parcequil  lut  qblige  de 
repaffer  en  fiance  ,  où  la  moi  Ju  Roy  avoir  achevé  de  ruiner 

Ipç  ^ fFa ires  de  1VL  de  IVionts.  . 

^Ce  Gentilhomme  en  perdant  ton  Maître ,  avoir  perdu  tout  ce 
nui  lm  reftoitde  crédit  ,8c  ne  fut  plus  en  état  de  rien  entrepren¬ 
ne  fl  exhorta  Champlain  ,  qui  ne  l’avo.t  jamais  abandonne  , 
à  ne  point  perdre  courage  ,  &  à  chercher  quelque  puiffant  Pro- 
teneur  à  la  Colonie  naiffante.  Champlam  le  crut ,  &sadieffa 
à  Charles  de  Bourbon  ,  Comte  de  Soissoms  ,  qui  e  reçu 
très-favorablement,  agréa  la  proportion ,  qu  il  lui  ht  d lare  le 
Pere  de  la  Nouvelle  France  ,  fe  fit  donner  par  la  Reine  Regen- 
te  toute  l’autorité  néceffaire ,  pour  maintenir  &  avancei  ce  qui 
étoit  déjà  fait ,  &  nomma  Champlam  hmmeme  pour  fon  Lieu- 
.  } _ nnnvmf  fans  reitrittion. 


te  Comte  de 
Soiirons  fe 
met  à  la  tete 
des  affaires  du 
Canada. 

x6i  i-i  3  - 


M.  le  Prince 
lui  fuccéde. 


tenant ,  avec  un 
La  mort  de  ce 


plein  pouvoir  fans  reitrittion.  , 

Prince  ,  qui  arriva  peu  de  tems  apres ,  ne  de 


UUl  tuuru  -  a,  '  .  j 

_ _  raneea  rierTata  affaires  de  l’Amérique  ,  pareeque  le  Prince  de 

TdTTVT  Conde  voulut  bien  s’en  charger  ,  &  continua  Champlain Man* 
VEmnloi  dont  le  Comte  de  Soiffons  l’avoit  honnore  II  lurv.nt 

néanmoins  à 

*  —  i ^1  >  j  q  ïvialo  touchant  le  coîji^ 

'  m)P formèrent  des  Negocians  de  S.  Malo  ,  touenant  le  J 

merce  ‘  &  cdale «tint  enîrance  toute  l’année  1 61 1.  H  en  partit 

k  fixiéme  de  Mars  ldi  3 .  fur  un  Vaiffeau,  que  çommando.t  Pont- 

fam qS le 1feptïémee' de  LyaV^uve^t 

fâour  XCmvé  defcendit  à  Quebec  ,  &  Champlain  fit  une 
courte  fur  lalrande  Riviere  des  Outaouais  ,  apres  quoi  fi  alla 
rejoindre  Poltgravé  ,  avec  lequel  il  s’embarqua  pour  S.  Malo , 
—  ni\  ;i  mouilla  l’ancre  les  derniers  jours  du  mois  d  Août. 

Vlvcondutunnouveau  Traiité  d’affociation  avec  des  Mar- 

i  ^4  1  ~  Ville  de  Rouen  &  de  la  Rochelle.  M.  le  Prim 

™ v“rov  d.  u  mTn,  f>~. 
l’approuva  ,  obtint  aux  Affociés  des  Patentes  du  Roy ,  &  y  » 
Rattache.  Alors  M.  de  Champlain  ne  doutant  point  qu  une 
Colonie,  à  laquelle  il  venoit  dmtereffer  ta.it  de  Perfonnes  r 

ches ,  &  qui  avoit  à  fa  tête  le  premier  Prince  du  Sang  ,  ne  P  t 


1  6  1  4- 

Arrivée  des 
PP.  Recollets 
à  Quebec. 

Ï615. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liy.  IV.  153 
bientôt  une  forme  folide  pour  le  temporel ,  fongea  férieufement  j  ($  j  r™ 
.a  lui  procurer  les  fecours  fpirituels ,  dont  elle  avoit  été  jufques- 
là  entièrement  dépourvûë.  Il  demanda  &  obtint  quatre  Recol¬ 
lets  ,  que  fa  Compagnie  s’engagea  avec  joye  à  fournir'  de  tout 
ce  qui  leur  étoit  néceffaire  ,  &  îlfe  chargea  de  les  conduire  lui- 
même  en  Canada.  Ils  arrivèrent  le  25.  de  Mars  à  Tadouffac  , 
où  ils  ne  s’arrêtèrent  point ,  &  peu  de  jours  après  ils  prirent  ter¬ 
re  à  Quebec  ,  d’où  M.  de  Champlain  monta  tout  de  fuite  à. 

Montreal. 

U  y  rencontra  des  Hurons,  &  quelques-uns  de  leurs  Alliés,  qui  Troifiémè 
l’engagèrent  dans  une  troifiéme  Expédition  contre  les  Iroquois.  “£1°°  dc 
Il  eit  confiant  que  par  cette  complaifance  ,  il  prenoit  le  vérita-  contïï  ieTir®.' 
ble  moyen  de  gagner  l’amitié  des  Sauvages  ,  &  de  bien  con-  <îuois* 
noître  un  Pays  ,  où  il  s’agiffoit  d’établir  un  commerce  utile  à  la 
France  ,  &  la  Religion  Chrétienne  parmi  un  grand  nombre  de 
Nations  Idolâtres  ;  mais  il  s’expofoit  beaucoup  ,  &  ne  faifoit 
pas  réfléxion  ,  que  cette  facilité  à  condefcendre  à  toutes  les  vo¬ 
lontés  de^ces  Barbares  ,  n’étoit  nullement  propre  à  lui  concilier 
le  refpeéf ,  que  demandoit  le  caractère  ,  dont  il  étoit  revêtu.  Il 
y  avoit  d  ailleurs  quelque  chofe  de  mieux  à  faire  pour  lui ,  que 
de  courir  ainfi  en  Chevalier  errant  les  Forêts  &  les  Lacs  ,  avec 
des  Sauvages  ,  qui  ne  gardaient  pas  même  à  fon  égard  les  bien- 
feances  ,  &  dont  il  n’étoit  nullement  en  état  de  fe  faire  craindre. 

Il  auroit  pu  aifement  envoyer  à  fa  place  quelque  François  capa¬ 
ble  de  bien  obferver  toutes  chofes  ,  &fa  préfence  à  Quebec  eût 
beaucoup  plus  avancé  fon  Etablifïement ,  &  lui  eût  donné  une 
folidite ,  qu  il  fe  repentit  trop  tard ,  de  ne  lui  avoir  pas  procurée. 

Il  y  eut  plus  ;  fe  voyant  obligé  de  faire  un  voyage  à  Quebec  , 
il  pria  les  Sauvages  de  différer  leur  départ  jufqu’à  fon  retour , 
qui  feroit  prompt  ;  mais  ceux-ci  oubliant  la  parole  ,  qu’ils  lui 
avoient  donnée ,  de  11e  point  partir  fans  lui ,  fe  lafferent  bientôt 
de  1  attendre  ,  &  s’embarquèrent  avec  quelques  François  ,  qui 
etoient  relies  à  Montreal ,  &  le  P.  JofephLE  Caron  Recollet, 

Ce  Religieux  avoit  voulu  profiter  de  cette  occafion  ,  pour  s’ac- 
coutumer  a  la  façon  de  vivre  de  ces  Peuples  ,  aufquels  il  fe  pro- 
pofoit  d  annoncer  Jésus -Christ  ,  &  pour  apprendre  plus 
piomptement  leur  Langue  ,  en  fe  mettant  dans  la  nécefîité  de  la 
pailer.  M.  de  Champlain  ,  avec  lequel  il  étoit  venu  à  Montreal, 
n  avoit  pas  approuve  fon  deffein  ;  mais  fon  zélé  l’emporta  fur 
toute  autre  confideration. 

lÜembleque  M.  de  Champlain  pouvoir  fe  tenir  quitte  de  fon  domafaMte 
lome,  7,  "  ÿ- 


i  6  i  5  • 
conduire  avec 


les  Sauvages. 


Champlain 
efl  bleffé  6c 
fait  une  re- 
traitte  forcée. 


iî4  HISTOIRE  GENERALE 

enraiement ,  &fon  expérience  devoit  lui  avoir  fait  connokre 
au!  pour  être  eftimé  de  ces  Barbares ,  il  eft  bon  de  ne  pas  fouffnr- 
qu’ils  nous  méprifent impunément  :  ilfaut  meme  a  extérieur  leur 
rendre  mépris  pour  mépris  ,  fi  on  veut  réprimer  leur  indolence. 

Us  ne  comprennent  pas  qu’on  puiffe  agir  autrement  par  ye  , 
l’entends  ceux ,  qui  ne  font  pas  éclairés  des  lumières  de  1  Evan¬ 
gile.  Comme  ils  ont  fouvent  vû  des  Européens  fe  comi¬ 
quement  par  intérêt ,  ou  par  d’autres  motifs  plus  condamna¬ 
bles  encore  ,  il  leur  vient  rarement  a  1  efpnt ,  qu  on  pu'Aeavo 
pour  eux  certains  ménagemens  par  des  vues  plus  »oblc  '  ^  - 
ïeurs  il  n’eft  point  d’Hommes  au  monde  ,  plus  prévenus  en  leur 
faveur  ni  qui  fçachent  mieux  profiter  de  tout ,  pour  fe  confir¬ 
mer  dans  cette  bonne  opinion  ,  qu’ils  ont  d’eux-memes.  La  feule 
chofedonc,  qui  puiffe  excufer  ici  M.  de  Champin  d^v 
couru  après  les  Hurons  ,  qui  n  avoient  pas  daigne  1  attendi  e  ,  elt 
de  dire  ,  qu’il  ne  le  fit  apparemment ,  que  pour  ne  pas  aWon- 
ner  à  leur  difcretion  un  Religieux ,  que  fon  zele  ,  plutôt  que  fa 

prudence  avoit  engage  a  les  fuivre.  117  •  o?  rliv 

P  Quoiqu’il  en  foit ,  il  s’embarqua  avec  deux  François ,  &  dix 

Sauvages  qu’il  rencontra  en  arrivant  a  Montreal  ;  mais  quel¬ 
que  diligence  qu’il  fit,  il  ne  put  joindre  les  Hurons  ,<çe  ans 
Lr  Village.  Il  les  trouva  ,  qui  formoient  un  grand  Part,  de 
guerre  dont  ils  lui  offrirent  le  commandement  ,&  il  1  accepta 
lautant  plus  volontiers,  qu’outre  les  deux  François,  qui  etoient 
venus  avec  lui ,  le  P.  Jofeph  en  avoir  amene  dix  autres ,  qui  1  at 
tendoient.  On  ne  différa  point  à  marcher  aux  Ennemis  cpii  s  -  ( 

toient  rétranchés  de  maniéré  ,  qu  il  n  etoit  pa bï  bien 
procher.  Outre  qu’ils  occupoient  une  efpece  de  Tort  allez  b 
conftruit ,  ils  en  avoient  embarraffé  les  avenues  par  de  grands  | 
abbattis  d’Arbres  ,  &  ils  y  avoient  éleve  tout  autour  des  ga  - 
ries  ,  d’où  ils  pouvoient  tirer  de  haut  en  bas  ,  fans  fe  decouvr  . 
Audi  la  première  attaque  réulîit-elle  fi  mal ,  qu  on  ne  jugea  p 

à  propos  d’en  tenter  une  fécondé.  .  ,  ,  •  ,  i>„f 

Oneffayadonc  de  mettre  le  feu  aux  abbatis  de  bois ,  dans 
perance  ,  qu’il  gagneroit  le  Fort;  mais  les ‘  Affieges  V  avo.en^ 
pourvû ,  en  faifant  de  grandes  provifions  d  eau.  On  drefe  en 
fuite  une  machine  plus  haute  que  les  galeries ,  &  fur  laque  le >  °> 
plaça  des  Arquebufiers  François.  Cette  manœuvre  deÇon 
un  peu  l’Ennemi ,  &  on  feroit  peut-etre  venu  a  bout  de  le  fedu^ 

re  ,  fi  les  Hurons  euffent  fait  leur  devoir  ;  mais  leur  grand - 
u  J &  nrpfomn  fiiouY .  au  il  ne  fut  jamais  pomme 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IV.  iyj 

au  Commandant  de  les  faire  combattre  avec  ordre.  D’ailleurs  , 
ii  fut  lui-même  bielle  confiderablement  à  la  jambe  &  au  ge- 
noiiil ,  &  cet  accident  ayant  fait  paffer  les  Sauvages  de  l’excès 
de  la  préfomption  au  découragement  ,  il  fallut  fe  retirer  avec 
perte  &  avec  honte. 

La  retraitte  fe  lit  allez  bien  ,  &  quoiqu’on  fût  pourfuivi ,  on 
ne  perdit  pas  un  Homme.  Les  plus  jeunes  &  les  plus  braves 
avoient  mis  au  milieu  les  plus  foibles  &  les  blelTés  ,  qu’on  por- 
toit  dans  des  paniers,  &  on  lit  de  cette  maniéré  vingt-cinq  lieues, 
fans  s’arrêter.  M.  de  Champlain  fut  bientôt  guéri  ;  mais  quand 
il  voulut  partir  pour  retourner  à  Quebec  ,  il  ne  put  jamais  obte¬ 
nir  un  Guide  ,  qu’on  lui  avoit  promis  ,  &  dont  il  ne  pouvoit  ab- 
foiument  fe  paffer  ;  les  Hurons  accompagnèrent  même  ce  refus 
d’affez  mauvaifes  maniérés.  Il  fallut  donc  fe  réfoudre  à  paffer 
l’hyver  avec  ces  Barbares  ,  mais  perfonne  ne  fcavoit  mieux  que 
lui  ,  ni  prendre  fon  parti ,  ni  prohter  de  tout.  Il  vilita  toutes  les 
Bourgades  Huronnes ,  &  quelques-unes  même  de  celles  ,  que 
les  Algonquins  avoient  alors  aux  environs  du  Lac  NipiJJîng.  Il 
reconcilia  quelques  Nations  voilines  avec  les  Hurons  ,  &  dès 
que  les  Rivières  furent  naviguables',  ayant  fçu  qu’on  le  vouloit 
engager  dans  une  nouvelle  entreprise  contre  les  Iroquois ,  il  ga¬ 
gna  quelques  Sauvages ,  qu’il  s’étoit  attachés  par  fes  bonnes  ma¬ 
niérés  ,  s’embarqua  fecrettement  avec  eux  ,  &  avec  le  P.  Jo- 
feph  ,  &  arriva  l’onzième  de  Juillet  1616.  à  Quebec  ,  où  tout  le 
monde  étoit  perfuadé  qu’il  étoit  mort ,  auffi-bien  que  le  P.  Re¬ 
collet.  Celui-ci ,  tandis  que  M.  de  Champlain  étoit  occupé  dans 
fes  courfes  à  prendre  connoiffance  du  Pays ,  étoit  auffi  allé  de 
Village  en  Village  ,  pour  former  le  plan  des  Millions  ,  qu’il  pro¬ 
jetait  d’établir  parmi  les  Hurons  ,  &  avoit  mis  à  profit  tous  fes 
momens- ,  pour  en  étudier  la  Langue.  Mais  il  n’eut  pas  le  tems 
d  y  faire  de  grands  progrès  ,  cette  étude  n’étant  point  l’affaire 
dune  ou  deux  années  ,  quelque  application  qu’on  y  apporte. 

M.  de  Champlain  &  le  P.  Jofeph  ne  refferent  pas  plus  d’un 
mois  à  Quebec  ,  après  leur  retour  des  Hurons.  Ils  s’embarquè¬ 
rent  avec  le  Supérieur  de  la  Million ,  pour  retourner  en  France  , 
&  il  ne  relia  dans  la  Colonie  ,  qu’un  Prêtre  nommé  le  P.  Jean 
dQlbeau  ,  &leFrere  Pacifique  Duplessys  ,  qui  avoit  été 
charge  de  1  inftruftion  des Enfans  des  François,  &  des  Sauva¬ 
ges  ,  établis  depuis  peu  aux  Trois  Rivières  ,  &  où  il  rendit  l’an¬ 
née  fuivante  un  fervice  encore  plus  effentiel  à  la  Nouvelle  Fran¬ 
ce.  Nos  Alliés,  jenefçai  par  quel  mécontentement,  avoient 

V  ij 


1615 


Il  eft  oblige 
d’hyverner 
chez  les  Hu¬ 


ions. 


U11  Frere  Re¬ 
coller  rend  un 
grand  fervice 
à  la  Colonie. 


i  6  i 


7* 


,  HISTOIRE  GEN  E'R  ALE 

_ 1  ^  ,  /  j  r  refaire  des  François.  Il  y  a  bien  de  1  apparence: 

ï‘  f”'  “SaJ,  ÏÏÜÏS  L  .ou.  les  François ,  que 

les  autres  aïaire  des  avances  pour  une  réconciliation  parfaitte  „ 
Kr  mi’il  fe  chargea  de  la  négocier  avec  le  Commandant.  Cepen- 
&  qxiolnrh-mmlain  voulut  avoir  les.  Meurtriers  des  deuxi 
t^£aSS^!m,  qui  M  pas  fe  plns  coop.- 

Si  de  latisfa£tiou  ;  Uceo^ode 

menr  le  fit  les  Sauvages  donnèrent  deux  de  lenrs  Chef,  en 

.ftfortnégU-  ce,  pour  en  tirer  des  fecours,  qu  on  ne  lui  fourniiioit  preique 

^  piLtelsàbeauc^pprèSpquhllesitoai^t^^u^ 

mais  à  propos.  M.  le  Prince  croyOït  faire  beaucoup  en  pieta 
fon  nom  :  (Tailleurs  les  troubles-  de.laRegence  ,  qui  lui  cou  - 
rent  .alors  fa  liberté ,  &  les  intrigues  ,  qu’on  fit  jouer  ,  pou 

ôter  îe  titre  de  Vice-Roy,  &  pour  faire  révoquer  la  Comm^ 

fion  du  Maréchal  de  Themines  ,  à  qui  il  avoir  confie  le- Canada 

broüjUa  les  Négocans  entreux 
°1  mit  bien  des  fois  la  Colonie  naiffante  en  danger  detre 
étouffée  dans  fon  berceau  ;  &  Ton  ne  fçauroit  trop  admirer  le 
courage  de  M.  de  Champlain  ,  qui  ne  pouvoir  taire  unpas  , 
f,°” ’f,.on.,en  de  nouveaux  obtecles  ,  V' 
forces,  fans  fonger  à  fe  procurer  aucun  avantage  reel ,  «  q. 

(  a)  C’çft-  à  --dire  ,  pour  dédommager  les  Parents. 


1 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  ÏV.  157 

ne  renonçoit  pas  à  une  entreprife  ,  pour  laquelle  il  avoit  con¬ 
tinuellement  à  effuyer  les  caprices  des  uns,  &  la  contradiftion 
des  autres. 

En  1620.  M.  le  Prince  céda  pour  onze  mille  écus  fa  Vice- 
Royauté  au  Maréchal  de  Montmorenci,  fon  Beaufrere.  Le  nou¬ 
veau  Vice-Roy  continua  la  Lieutenance  à  Champlain ,  &  char¬ 
gea  des  affaires  de  la  Colonie  en  France  M.  Dolu  ,  Grand 
Audiencier  ,  dont  le  zélé  &  la  probité  lui  étoient  connus.  Alors 
Champlain  ,  perfuadé  que  la  Nouvelle  France  alloit  prendre 
une  nouvelle  face  ,  y  mena  fa  Famille.  Il  y  arriva  au  mois  de 
May  ,  &il  rencontra  à  Tadouffac  des  Rochelois  ,  qui  au  pré¬ 
judice  de  la  Compagnie  ,  &  contre  les  défenfes  expreffes  du. 
Roy  ,  traittoient  avec  les  Sauvages.  Ils  avoient  même  fait  pis  ; 
car  ils  avoient  vendu  à  ces  Barbares  ,  des  armes  à  feu ,  ce  que- 
L’on  avoit  fagement  évité  jufques-là. 

L’année  fuivante  les  Iroquois  parurent  en  amies  jufques  dans 
le  centre  de  la  Colonie.  Ces  Barbares  craignant  que  fi  les  Fran¬ 
çois  fe  multiplioient  dans  le  Pays  ,  leur  alliance  ne  fît  reprendre 
aux  Hurons  &  aux  Algonquins ,  la  fupériorité  fur  eux  ,  réfolu- 
rent  de  s’en  délivrer ,  avant  qu’ils  euffent  eu  le  tems  de  fe  forti¬ 
fier  davantage.  Ils  levèrent  donc  trois  grands  Partis,  pour  nous 
attaquer  féparément  :  le  premier  marcha  vers  le  Sault  S.  Louis, 
&  y  trouva  des  François  ,  qui  gardoient  ce  paffage.  Ils  avoient 
été  avertis  ,  ainfi ,  quoiqu’ils  fuffent  en  petit  nombre  ,  avec  le 
fecours  de  quelques  Sauvages  Alliés  ,  ils  repoufferent  l’Enne¬ 
mi  ;  plufieurs  Iroquois  furent  tués  ,  quelques-uns  refferent  Pri- 
fonniers  ,  lerefte  fe  fauva.  Mais  les  nôtres  ayant  appris  que  ces. 
Fuyards  emmenoient  avec  eux  le  P.  Guillaume  Poulain  ,  Re¬ 
collet  ,  coururent  après  eux  ;  ne  pouvant  les  atteindre  ,  ils  déta¬ 
chèrent  un  de  leurs  Prifonniers  ,  à  qui.  ils  donnèrent  la  liberté , 
&  ils  lui  recommandèrent  de  propofer  l’échange  du  Miflionnah 
re  avec  un  de  leurs  Chefs.  Cet  Homme  arriva  dans  le  tems,  que 
tout  étoit  prêt  pour  brûlerie  Religieux,  La  propofîtion  ,  dont 
on  F  avait  chargé ,  fut  acceptée  ,  &  l’échange  fe  fit  de  bonne 
foi. 

Le  fécond  Parti  s’embarqua  fur  trente  Canots ,  s’approcha  de 
Quebec  ,  &  alla  inveflir  le  Couvent  des  PP.  Recollets  fur  la 
Riviere  de  S.  Charles  ,  011  il  y  avoit  un  petit  Fort.  N’ofant  at¬ 
taquer  cette  Place  ,  ilfe  jetta  fur  des  Hurons  ,  qui  n’étoient  pas 
loin  ,  &  en  furprit  quelques-uns ,  qu’il  b^ûla.  Il  ravagea  enfuite 
tous  les  environs  du  Couvent ,  puis  fe  retira.  Le  Mémoire ,  d’où 


Le  Maréchal 
de  Montmo¬ 
renci  Vice- 
Roy  de  la 
Nouvelle 

France. 

■  ■  — . — . 

I  6  2  0v 


Les  I roqu 0Î3 
entreprennent 
dé  détruire  la 
Colonie  Fran-- 
çoife. 

I  6  -  2  I  - 


La  Compa¬ 
gnie  du  Cana¬ 
da  eft  fuppri- 
mée 

1  6  2  2.- 


I58  histoire  generale 

- j’ai  tiré  ceci ,  ne  dit  point  ce  que  devint  le  troifféme  Parti  ;  mais 

î<^22,  il  ajoûte  que  les  Iroquois  s’étoient  affez  déclares  quils  avoient  5 

réfolu  d’exterminer  tous  les  François.  Il  s’en  falloit  bien  que  M# 
de  Champlain  eût  des  forces  fuffifantes  pour  reprimer  ces  Barba¬ 
res.  Ainii  il  crut  devoir  repréfenter  au  Roy  &  au  Duc  de  Mont» 
morencila  néceffité  de  fécourir  la  Colonie,  &  le  peu  decas,que 
la  Compagnie  avoit  fait  jufques-là  de  fes  inftances  reiterees  , 
pour  l’obliger  à  remplir  fes  engagemens  :  il  députa  donc  ,  du 
confentement  des  plus  notables  Habitans  ,  le  P.  Georges  LE 
Baillif  à  Sa  Majeffé  ,  dont  ce  Religieux  étoit  connu  particu¬ 
lièrement.  Il  en  fut  très-bien  reçu  ,  o£  obtint  tout  ce  qu’il  de- 
mandoit.  La  Compagnie  fut  fuppnmee  ,  &  deux  Pai  ticuliers.  , 
nommés  Guillaume  &  Emeri c  de  Caen,  Oncle  &  Neveu , 

entrèrent  dans -tous  fes  droits, 

Etat  de  Que-  M.  de  Champlain  en  apprit  la  nouvelle  par  une  Lettre  du  V  1- 

*>ec. _  ce-Roy,  qui  lui  enjoignoit  deprêter  main-forte  à  ces  Negocians. 

1623-25.  Il  reçut  en  même  tems  une  Lettre  du  Roy  même,  par  laquelle 
S.  M.  l’affûroit  quelle  étoit  très-fatisfaite de  fes fervices,  &  l’ex- 
hortoit  à  continuer  de  donner  des  preuves  de  fa  fidélité.  Cette 
faveur  n’augmentoit  pas  fa  fortune  ,  &  il  eft  vrai  de  dire  que  ce 
fut  toujours  ce  qui  l’occupa  le  moins  ;  mais  ede  lui  concilioit 
une  autorité  ,  dont  il  avoit.  alors  plus  befoin ,  que  jamais  ,  fur- 
tout  à  caufe  des  différends  ^  qui  furvenoient  tous  les  jours  entre 
les  Facteurs  de  l’ancienne  Compagnie  ,  &  ceux  des  Sieurs  de 
Caën  ,  &  qui  pouvoir  avoir  des  fuites  fâcheufes.  Quoiqu’il  le 
fût  donné  bien  des  mouvemens  pour  peupler  Quebec  ,  on  n  y 
comptoir  encore  en  1622.  que  cinquante  Personnes  ,  y  compris 
les  Femmes  &  lesEnfans.  Le  commerce  n’y  étoit  pas  non  plus 
bien  ouvert;  mais  la  Traitte  fe  faifoit  toujours  a  Tadouffac  avec 
beaucoup  de  fuccès ,  &  on  en  avoit  établi  une  autre  aux  Trois 
Rivières  ,  à  25.  lieues  au-deffus  de  Quebec. 

Cn  le  fortifie.  Guillaume  de  Caën  étoit  venu  lui-même  fur  les  lieux ,  &  quoi¬ 
que  Calvinifte ,  il  vivoit  affez  bien  avec  tout  le  Monde  ;  il  avoit 
donné  ladireRion  de  fes  affaires  au  Sieur  de  Pontgravé  ;  mais  le 
peu  de  fanté  de  ce  Directeur  l’obligea  de  repaffer  en  France  en 
1623.  &  ce  fut  une  perte  pour  l’Amérique  Françoife  ,  qui  lui 
doit  beaucoup.  Cette  même  année  M.  dè  Champlain  fut  averti 
de  bonne  part ,  que  les  Hurons  fongeoient  à  fe  détacher  de  no¬ 
tre  alliance  ,  &  à  s’unir  avec  les  Iroquois  ;  ce  qui  l’obligea  de 
leur  renvoyer  le  P.  Jofeph  le  Caron,  que  le  P.  Nicolas 
Viel  ,  &  le  Fr.  Gabriel  Saghart  5  fon  Confrère  ,  qui  ver 


DE  LANOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IV.  i59 

noient  d’arriver  de  France  ,  voulurent  bien  accompagner.  L’an¬ 
née  fuivante  le  Commandant  fit  bâtir  de  pierre  le  Fort  de  Que- 
bec.  Ilfembloit  que  fon  deffein  étoit  de  mettre  fin  à  fes  courbes  , 
&  de  fe  livrer  tout  entier  au  Gouvernement  de  fa  Colonie  ;  mais 
à  peine  le  Fort  fut-il  achevé  ,  qu’il  retourna  en  France  avec  fa 
Famille.  Il  trouva  le  Maréchal  de  Montmorenci,  qui  traittoit  de 
fa  Charge  de  Vice-Roy  ,  avec  Henry  de  Levi  ,  Duc  de  Ven- 
Tadour  ,  fon  Neveu  ;  &  le  traitté  fut  bientôt  conclu. 

Ce  Seigneur  s’étoit  retiré  de  la  Cour ,  &  avoit  même  reçu  les 
Ordres  Sacrés.  Ce  n’étoit  pas  pour  rentrer  dans  le  tracas  du 
Monde  ,  qu’il  fe  chargeait  des  affaires  de  la  Nouvelle  France  , 
mais  pour  y  procurer  la  conversion  des  Sauvages  ;  &  comme  les 
Jefuites  avoient  la  direêtion  de  fa  confcience  ,  il  jetta  les  yeux 
fur  eux  pour  l’exécution  de  ce  projet.  Il  propofa  la  choie  au 
Confeil  au  Roy  ,  &  Sa  Majeffé  y  donna  d’autant  plus  volon¬ 
tiers  les  mains  ,  que  les  PP.  Recollets  ,  bien  loin  de  s’y  oppo- 
fer,  en*avoient  fait  la  première  ouverture  au  Duc  de  Venta- 
dour.  Ainfi,  tous  concourant  au  même  but ,  le  P.  Charles  Lal- 
lemant,  qui  avoit  accompagné  M.  de  la  Sauffaye  à  Pentagoët  ; 
le  P.  Enemond  Masse  ,  dont  nous  avons  déjà  parlé  ;  &  le  P. 
Jean  de  Brebeuf  furent  deffinés  à  la  Million  du  Canada  avec 
deux  Freres  ,  &  furent  prêts  à  partir  en  1625 . 

Ce  fut  Guillaume  de  Caen ,  qui  les  conduisit  à  Quebec,  avec  le 
P.  Jofeph  de  Daillon  Recollet ,  de  l’illuftre  Maifon  du  Lude.  Il 
avoit  donné  fa  parole  au  Duc  de  Ventadour  ,  qu’il  ne  laifferoit 
manquer  les  Jefuites  fie  rien  ;  cependant,  dès  qu’ils  furent  débar¬ 
qués,  il  leur  déclara  que,  fi  les  PP.  Recollets  ne  vouloient  pas  les 
recevoir  &  les  loger  chez  eux,  ils  n’avoient  point  d’autre  parti  à 
prendre  ,  que  de  retourner  en  France.  Ils  s’apperçurent  même 
bientôt  qu’011  avoit  travaillé  à  prévenir  contre  eux  les  Habitans 
de  Quebec  ,  en  leur  mettant  entre  les  mains  les  Ecrits  les  plus 
injurieux  ,  que  les  Calviniftes  de  France  avoient  publiés  contre 
leur  Compagnie.  Mais  leur  préfence  eut  bientôt  effacé  tous  ces 
préjugés  :  les  Libelles  furent  brûlés  publiquement ,  &  les  nou¬ 
veaux  Millionnaires  ne  furent  pas  lontems  à  charge  aux  PP. 
Recollets  ,  qui  les  avoient  obligés  d’accepter  leur  SMaifon  ,  fi- 
tuee  alors  à  un  petit  quart  de  lieue  de  la  Ville  ,  fur  la  Riviere  de 
S.  Charles,  (a) 

Peu  de  jours  après  leur  arrivée,  les  PP.  de  Daillon  &  de 
a  Brebeuf  s’embarquèrent  pour  les  Trois  Rivières  ,  où  ils  ren- 

(  a)  L  Hôpital  Général  occupe  préfentement  ce  terrein* 


1623-25. 


Le  Duc  de 
Ventadour 
Vice  -  Roy  de 
la  Nouvelle 
France. 


Cinq  Jefuites 
arrivent  en 
Canada. 


Mort  tr azt~ 
1»  0 
que  a  un  P. 

Recollet. 


i  6  2  5-. 


ï6o  HISTOIRE  GENERALE 
contrèrent  des  Hurons ,  qui  s’offrirent  a  les  conduire  dans  leur 
Pavs.  Les  deux  Millionnaires  n’étoient  parti  de  Quebec  qu  a  ce 
deffein  &fe  difpofoient  à  profiter  de  l’occafion ,  qui  le  prefen- 
toit ,  lorfqu’on  reçut  une  nouvelle ,  qui  les  obligea  de  retour¬ 
ner  fur  leurs  pas.  Le  P.  Nicolas  Viel ,  Recollet ,  apres  avoir  de¬ 
meuré  près  de  deux  ans  chez  les  Hurons ,  eut  envie  de  faire  un 
tour  à  Ouebec,  pour  y  paffer  quelque  teins  dans  la  retraitte.  Des 
Sauvages ,  qui  fe  difpofoient  à  faire  le  même  voyage  ,  lui  offri¬ 
rent  une  place  dans  leur  Canot ,  &  U  l’accepta.  Au  lieu  depren- 
dre  le  chemin  ordinaire ,  ils  fuivirent  le  Canal ,  qui  fepare  1111e 
de  Montreal ,  de  celle  de  Jefus  ,  &  qu’on  appelle  communément 
la  Riviere  des  Prairies.  Au  milieu  de  ce  Canal  il  y  a  un  Rapi¬ 
de  ,  que  les  Sauvages  ,  au  lieu  de  mettre  à  ferre  ,  &  de  faire  ce 
qu’on  appelle  un  portage  ,  voulurent  fauter  avec  le  Canot,  boit 
qu’ils  euffent  pris  mal  leurs  mefures  ,  foit  qu  ils  le  fiffent  exprès , 
le  CanoMourna  ;  le  P.  Viel  &  un  jeune  Néophyte,  qui  1  accom- 
„aanoit ,  fe  noyèrent  ;  &  c’eft  cet  accident ,  qui  a  lait  donner  au 
Rapide  le  nom  de  Sault  au  Recollet ,  qu’il  porte  encore.  Comme 
tous  les  Hurons  fe  fauverent ,  &  qu’ils  avoient ,  dit-on ,  paru  ma 
affeHionnés  envers  le  Mifllonnaire  ,  on  eut  de  violens  loup- 
cons  ,  que  ce  naufrage  n’étoit  point  l’effet  du  hazard  ,  dautant 
plus  que  ces  Barbares  fe  faifirent  de  la  meilleure  partie  du  ba¬ 
gage  de  ce  bon  Pere.  Quoiqu’il  en  foit ,  il  n’y  eut  perfonne  aux 
trois  Rivières ,  qui  ne  fût  d’avis  que  les  PP.de  Daillon  &  de 
Brebeuf  differaffent  pour  quelque  tems  leur  voyage. 

L’année  fuivante  trois  Jefuites  ,  les  PI\ Philibert  ÎSOYROT  , 

^  i — ’i  •  . -I  /  i ^ nn  npf  1  r 


les  jefuites  L’année  fuivante  trois  J  eiuites  ,  _  les  ri  *  rnmuerL  1  ? 

cffuyent  de  ^nne  de  Noue  ,  &  un  Frere  ,  arrivèrent  a  Quebec  iur  un  peti 
Bâtiment ,  qu’ils  avoient  fretté  ,  &  fur  lequel  ils  avoient :  embar- 

Canada  '  1  ^  _  fit  nreîldro  à*  C-/U6.D6C  Ufl.( 


i  6  26. 


xsatiment ,  quub  dvuiciiL  9  ~  u 

qué  plufieurs  Ouvriers.  Ce  fecours  fit  prendre  a- Quebec  une 
forme  de  Ville ,  car  jufques-là  elle  n’étoit  qu  une  fimjjle  ha¬ 
bitation  ,  &  on  ne  la  nommoit  point  autrement.  L  expenence 
&  le  talent  du  P.  EnemondMaffe  pour  les  nouveaux  Eta- 
bliffemens  ,  &  dont ,  fuivant  les  Mémoires  de  Champlain  &  de 
Lefcarbot ,  il  avoit  donné  de  grandes  preuves  au  Port  Royal, 
y  contribuèrent  beaucoup  ;  mais  lui  &  fes  Confrères  retrouvè¬ 
rent  bientôt  fur  le  Fleuve  S.  Laurent;  ce  qu’ils  avoient  eu  a 
effuyer  de  contradiHions  en  Acadie  ,  &  ce  qui  avoit  tait  perdre 
cette  Province  à  la  France.  M.  de  Ventadour  inftruit  par  quel¬ 
ques  Catholiques  de  Quebec  ,  des  mauvaifes  maniérés  de  Guil¬ 
laume  de  Caen  à  l’égard  de  ces  Peres ,  lui  en  écrivit  lur  un  ton ,  _ 
qui  le  mortifia  beaucoup  ;  il  ne  douta  point  que  ceu*v’0-^j 


s 


fy-fT 

DEL'ANOü  V'E  L  LE  F  B.  AN  C  Ë.  Liv.  IV.  161 

avoient  été  l’occafion  &  le  fujet  de  ces  plaintes  5  ne  lui  euîTent 
attiré  par  eux-mêmes  les  reproches ,  qu’il  en  recevoit ,  &  le  con¬ 
trecoup  en  retomba  fur  eux. 

D’autre  part  ,  les  Sauvages  caufoient  toujours  des  grandes  in¬ 
quiétudes  :  ils  avoient  encore  affaffiné  quelques  François  ,  & 
comme  on  ne  s’étoit  pas  trouvé  affez  fort ,  pour  en  tirer  raifon  , 
l’impunité  avoit  rendu  ces  Barbares  plus  infolens  ;  de  forte  que  , 
pour  peu  qu’on  s’écartât  des  Habitations ,  on  n’étoit  pas  en  sûre¬ 
té  de  la  vie.  Telle  étoit  la  foliation  de  la  Colonie  ,  lorfque  M. 
de  Champlain  retourna  à  Quebec  en  1627.  On  n’avoit  point 
avancé  les  Bâtimens  pendant  fon  abfence  ,  &  les  Terres  défri¬ 
chées  étoient  demeurées,  pour  la  plûpart,  incultes.  Les  Affociés 
des  Sieurs  de  Caen  ne  penfoient  qu’à  la  Traitte  de  la  Pelleterie  , 
&  les  Efprits  s’aigriffoient  de  plus  en  plus  au  fujet  de  la  Religion. 
Tout  cela  repréfenté  vivement  au  Confeil  du  Roy ,  ht  refoudre 
le  Cardinal  de  Richelieu  à  mettre  le  Commerce  de  la  Nouvelle 
France  en  d’autres  mains ,  &  à  écouter  la  proposition,  qu’on  lui 
fit ,  de  former  une  Compagnie  de  cent  Affociés  ,  dont  on  lui 
avoit  donné  le  plan. 

Rien  n’étoit  mieux  imaginé ,  &  je  ne  crains  point  d’avancer 
que  la  Nouvelle  France  feroit  aujourd’hui  la  plus  puiffante  Co¬ 
lonie  de  l’Amérique  ,  fi  l’exécution  avoit  répondu  à  la  beauté 
du  projet ,  &  fi  les  membres  de  ce  grand  Corps  euffent  profité 
des  difpofoions  favorables  du  Souverain  &  de  fon  Miniftre  à 
leur  égard.  Le  Mémoire  ,  qui  fut  préfenté  au  Cardinal  de  Riche¬ 
lieu  par  MM.  de  Roquemont  ,  Kouel  ,  de  Lattaignant  , 
Dablon  ,  du  Chesne  ,  &  Castillon  ,  portoit  i°.  Que 
dès  l’année  fuivante  1628.  les  Affociés  feroient  paffer  dans  la 
Nouvelle  France  deux  ,  outrois-cent  Ouvriers  de  tous  métiers , 
&  avant  l’année  1 643  .promettaient  d’augmenter  le  nombre  des 
Habitans  jufqu’àfeize  mille  ;  de  les  loger,  nourrir,  &  entretenir 
de  toutes  chofes  pendant  trois  ans  ;  de  leur  affigner  enfuite  des 
Terres  défrichées  ,  autant  qu’il  feroit  néceffaire  pour  leur  fubfi- 
ftance  ,  &  de  leur  fournir  des  grains  pour  les  enfemencer.  i°. 
Que  tous  les  Colons  feroient  François  naturels  ,  &  Catholi¬ 
ques*  &  qu’on  tiendrait  la  main  à  ce  qu’aucun  Etranger,  ni  Hé¬ 
rétique  ne  s’introduisît  dans  le  Pays.  30.  Que  dans  chaque  Habi¬ 
tation  il  y  aurait  au  moins  trois  Prêtres,  que  la  Compagnie  s’en- 
gageoit  à  défrayer  abfolument  de  tout,  &:  pour  leurs  p^rfonnes, 
ik  pour  leur  Miniffere  ,  pendant  1 5 .  ans  :  après  quoi  ils  pour¬ 
raient  fubfifter  des  terres  défrichées,  qu’elle  leur  aurait  afiipnées.. 

Tome  I.  X 


1  6  2  6. 


Mauvais  état 
de  la  Colonie. 

1627*, 


Compagnie 
de  cent  Ado-’ 
ciés  pour  l’éta- 
blidemenc  de 
la  Colonie. 


i6z  HISTOIRE  generale 

Pour  dédommager  la  Compagnie  de  tant  de  frais,  i°.  Le  Roy 
concedoit  aux  Affociés  ,  &  à  leurs  Ayans-caufe  a  P«petuite , 
le  Fort  &  l’Habitation  de  Quebec  ,  tout  le  Pays  de  laNouvelle 
France  y  compris  la  Floride  ,  que  les  Predeceffeurs  de  Sa  Ma¬ 
jefté  avoient  fait  habiter  ;  tout  le  cours  du  grand  Fleuve  &  des 
Rivières ,  qui  s’y  déchargent,  ou  qui  dans  cette  etendue  de 
Pays ,  vont  à  la  Mer  ;  les  Ifles ,  Ports ,  Havres ,  Mmes ,  con¬ 
formément  à  l’Ordonnance  ,  Pêches ,  &c.  Sa  Majelle  ne  fe 
réfervant  que  le  reffort  de  la  Foi  &  Hommage  ,  avec  une  Cou¬ 
ronne  d’or ,  du  poids  de  huit  marcs ,  à  chaque  mutation  de  Roy , 

&  les  Provifions  des  Officiers  de  la  Juftice  Souveraine  ,  qui  le- 
ront  nommés  &  prefentés  par  lefdits  Affociés  ,  lorfquil  ferait 
jugé  à  propos  d’y  en  établir.  -Pouvoir  de  faire  fondre  des  Ca¬ 
nons,  bâtir  &  fortifier  des  Places,  forger  toutes  fortes  d  Armes 
offenfives  &  défenfives  ,  &  faire  généralement  tout  ce  qui  le- 
roit  néceffaire  pour  la  sûreté  du  Pays ,  &  la  confervation  du 
Commerce.  20.  Sa  Majefté  leur  accordoit  le  droit  de  concéder 
des  Terres  en  telle  quantité  ,  quelle  jugeroit  à  propos  ,  de  leur 
attribuer  tels  titres ,  honneurs ,  droits ,  &  pouvoir ,  quelle  vou¬ 
drait  ,  félon  les  qualités ,  conditions ,  &  mérites  des  Pertonnes ,, 
à  telles  charges,  referves ,  &  conditions,  qu’ils  trouveraient 
bon  ;  mais  qu’en  cas  d’éreftion  de  Duchés  ,  Marquifats ,  oni- 
tés,  &  Baronies,  qu’on  prendroit  des  Lettres  de  Confirmation  du 
Roy  fur  la  préfentation  du  Cardinal  de  Richelieu  ,  Grand-Maî¬ 
tre ,  Chef,  &  Sur-Intendant  de  la  Navigation  &  Commerce  de 
France.  y>.  Afin  que  les  Affociés  puffent  jouir  pleinement  & 
paifiblement  de  ce  qui  leur  étoit  accordé  ,  Sa  Majefte  revoquoit 
toutes  conceffions  ‘faites  defdites  Terres,  Ports  ,  ou  portions 
d’icelles ,  accordoit  aux  Affociés  pour  toujours^  le  trafic  des 
Cuirs  ,  Peaux ,  &  Pelleteries  ;  &  pour  quinze  années  feulement, 
à  commencer  au  premier  de  Janvier  1628.  julquau  dernier  de 
Décembre  164}.  tout  autre  commerce  parTerre  ou  par  Mer, 
qui  fe  pourrait  faire,  en  quelque  maniéré  que  ce  fût ,  dans  1  éten¬ 
due  dudit  Pays  ,  &  autant  qu’il  fe  pourrait  étendre,  à  la  referve 
de  la  Pêche  des  Morues  &  des  Baleines,  que  Sa  Majefté  vouloir 
être  libre  à  tous  fes  Sujets  ;  révoquant  toutes  autres  concefîions 
contraires  ,  &  nommément  les  articles  accordés  à  GuiJaume 
de  Caè'n  ,  interdifant  pour  tout  le  tems  fufdit ,  tout  Commerce 
otlroyé  ,  foit  aufdits  de  Caën&  Affociés ,  foit  à  tous  autres  , 
fous  peine  de  confifcation  des  V ailieaux  &  des  Marchai!  1  es  , 
au  profit  de  la  Compagnie  ,  fans  que  M.  le  Cardinal  de  Riche- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IV.  163 

lieu  pût  donner  congé  ,  paffeport ,  ou  permilîion  à  qui  que  ce 
fût ,  pour  tous  les  lieux  mentionnés.  40.  Le  Roy  voulut  néan¬ 
moins  que  les  François  habitués  dans  les  mêmes  lieux  ,  &  qui 
ne  feroient  ni  nourris  ,  ni  entretenus  aux  dépens  de  la  Compa¬ 
gnie  ,  puffent  faire  librement  la  traitte  des  Pelleteries  avec 
les  Sauvages  ,  à  condition  qu’ils  ne  vendraient  les  Caflors  qu’aux 
Faêteurs  delà  Compagnie  ,  qui  feroient  obligés  de  les  acheter 
fur  le  pied  de  quarante  fols  tournois  la  piece  ,  li  elle  étoit  bonne 
&  bien  conditionnée  ,  avec  défenfe  de  les  vendre  à  d’autres  fous 
peine  de  confifcation.  50.  Le  Roy  s’engageoit  à  faire  don  aux 
Affociés  de  deux  V aideaux  de  guerre  de  deux  à  trois  cent  ton¬ 
neaux  ,  mais  fans  provifions  ;  que  fi  ces  Vaille  aux  ,  par  quelque 
voye  que  ce  pût  être  ,  yenoient  à  périr  ,  ce  ferait  à  la  Compa¬ 
gnie  à  les  remplacer  à  fes  frais  ;  hormis  le  cas  ,  où  ils  feroient 
pris  paries  Ennemis  de  Sa  Majeflé ,  en  guerre  ouverte.  60.  Au 
cas  que  la  Compagnie  manquât  à  faire  paffer  dans  les  dix  pre¬ 
mières  années  jufqu’à  1 500.  François  de  l’un  &  de  l’autre  fexe  , 
il  étoit  dit  qu’elle  reflitueroit  à  Sa  Majeflé  la  fomme  ,  à  laquelle 
ferait  eftimée  la  dépenfe  des  deux  Vaiffeaux  de  guerre  :  &  quel! 
dans  les  cinq  années  reliantes,  elle  manquoit  encore  de  faire  paf¬ 
fer  le  même  nombre  d’Hommes  &  de  Femmes  ,  fauf  le  cas  de  la 
prife  des  Vaille  aux  parles  Ennemis  ,  elle  ferait  la  même  reffitu- 
&  ferait  privée  du  Commerce  ,  qui  lui  étoit  accordé  par 


tion 


les  prefens  articles.  70.  Le  Roy  lui  permettoit  d’embarquer  dans 
lefdits  Vaiffeaux,  les  Capitaines,  Soldats,  &  Matelots  ,  qu’il  lui 
fembleroit  bon  ;  mais  à  condition  que  fur  fa  nomination,  les  Ca¬ 
pitaines  prendraient  leurs  Commiffions  ou  Provilionsde  S.  M. 
aufli-bien  que  les  Commandans  des  Places  &  Forts  déjà  con- 
üruits  ,  ou  à  conftruire  dans  l’étendue  des  Pays  concédés. 
Quant  aux  autres  Vaiffeaux  entretenus  par  les  Affociés  ,  ils  en 
donneraient  le  commandement  à  telles  Perfonnes  ,  qu’ils  juge¬ 
raient  à  propos ,  à  la  maniéré  accoûturnée.  Sa  Majeflé  faifoit 
encore  don  à  la  Compagnie  de  quatre  Coulevrines  de  Fonte 
verte  ,  ci-devant  accordées  à  la  Compagnie  des  Moluques. 

Le  Roy  11e  bornoit  point  là  fes  grâces  &  fes  précautions  :  car 
pour  exciter  fes  Sujets  à  fe  tranfporter  dans  la  Nouvelle  France  , 
&  à  y  établir  toutes  fortes  de  Manufactures,  Sa  Majeflé  déclara 
i  °.  Que  tous  Artifans  ,  du  nombre  de  ceux  ,  que  la  Compagnie 
s  engageoit  d’y  faire  paffer  ,  après  qu’ils  y  auraient  exercé  leurs 
Arts  &  Métiers  pendant  lix  ans  ,  s’ils  vouloient  retourner  en 
France  ,  feroient  réputés  Maîtres ,  &  pourraient  tenir  Bouti- 

Xij 


627. 


i64  HISTOIRE  GENERALE 
-nue  ouverte,  dans  Paris  &  autres  Villes  ,  en  rapportant  un  Cer¬ 
tificat  autentique  de  leur  Service,  &  qu’à  cet  effet  tous  les  ans, 
à  chaque  embarquement ,  il  feroit  mis  au  Grefte  de  1  Amirauté 
un  rôle  de  ceux  ,  que  la  Compagnie  feroit  panera  la  Nouvelle 

France,  a0.  Qu’attendu  que  les  Marchandiles  ,  de  quelque  qua¬ 
lité  quelles  puffent  être  ,  qui  viendraient  defdits  Pays  ,  oc  par¬ 
ticulièrement  celles ,  qui  y  feraient  manufacturées,  provien- 
droient  del’induftrie  des  François  elles  ferment  exemptes  pen¬ 
dant  1  ?.  ans  ,  de  tous  impôts  &  fubfides  ,  quoiqu elles  fuilent 
voiturees  &  vendues  dans  le  Royaume  :  Que  de  meme,  toutes 
munitions  de  guerre ,  vivres  ,  &  autres  chofes  neceffaires  pour 
l’avituaillement  &  l’embarquement,  quil  faudroit  faire  pour  la 
Nouvelle  France  ,  jouiraient  des  mêmes  exemptions  &  fran- 
chifes  pendant  ledit  tems  de  quinze  années.  3»^  Quil  leroit 
permis  à  toutes  Perfonnes  ,  de  quelque- qualité  quelles  fuilent , 
Ecdefiaftiques ,  Nobles ,  Officiers  &  autres ,  d  entrer  dans  la¬ 
dite  Compagnie  ,  fans  déroger  aux  Privilèges  accordes  a  leurs 
Ordres  ;  Que  ceux-mêmes  de  la  Compagnie  pourraient,  b  bon 
leur  fembloit ,  y  affocier  ceux ,  qui  feprefenteroient-.  Que  s  A 
s’en  rencontrait ,  qui  ne  Ment  pas  Nobles  d  extracaon  ,  Sabia- 
jefté  en  ennobliroit  jufqu’à  douze  ,  lefquels  jouiraient  a  1  avenir, 
de  tous  Privilèges  de  Nobleffe  ,_qui  paüeroient  a  leurs  Enfans 
nés,  ou  à  naître  en  légitimé  mariage  :  Qu  a  cet  effet  ,Sadite  Ma-, 
iefté  feroit  fournir  aufdits  Affociés  douze  Lettres  ce  Noble!  e  , 
Lignées ,  fcellées,  &  expédiées  avec  les  noms  en  bianc pour 
les  faire  remplir  de  ceux  deidits  douze  Affociés  ,  &  que  ces  et 
très  feroient  diftribuées  par  le  Cardinal  Grand-Maître  ?  à  ceux  r 
qui  lui  feroient  préfentés  par  la  Compagnie.  40*  Que  les  Uel- 
cendansdes  François  habitués  aufdits  Pays  ,  &  les  Sauvages,, 
qui  feroient  amenés  à  la  connoiffance  de  la  Foi  ,  &  en  feroien  • 
profeffion ,  feroient  cenfés  &  réputés.  Naturels  François  ,  & 
comme  tels  pourroient  venir  habiter  en  France  ,  quand  bon  leur 
fembleroit ,  &  y  acquérir ,  teffer  y  fucceder ,  &  accepter  Dona¬ 
tions  &  Légats  ,  tout  ainfi  que  les  vrais  Regmcoles-  &  Original 
res  François  ,  fans  être  tenus  de  prendre  aucunes  Lettres  de  De- 

datation  ,  ni  de  Naturalité. 

Enfin  ,  le  Ray  .promettait  ,  s’il  arrivoit  quelque -  guerre  ci¬ 
vile  ou  étrangère  ,  qui  apportât  empêchement  à  l’execution  des 
prefens  articles  ,  d’accorder  aux  Affociés  une  continuation  de 
délai ,  félon  qu’il  feroit  jugé  à  propos  dans  Ion  Conieil  ;  de 
faire  expédier  &  ratifier ,  où  il  appartiendrait ,  toutes  Lettres. 


\ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IV.  165 

néceflaires  pour  l’exécution  des  précédens  articles  ,  &  en  cas 
d’oppofîtion  à  la  vérification  ,  Sa  Majeflé  s’en  referva  la  con- 
noifTance  à  elle-même.  Louis  XIII.  dniffoit  par  dire  que  ,  fi  les 
AfFociés  reconnoiffoient  dans  la  fuite  qu’il  fût  befoin  d’expli¬ 
quer  ,  ou  d’amplifier  quelques-uns  de  ces  articles  ,  ou  d’en  ajoû-' 
ter  de  nouveaux ,  il  y  fer  oit  pourvû  ,  fuivant  l’exigence  ,  fur 
leurs  remontrances  :  Quelle  leur  permettrait  pareillement  de 
dreffer  tels  Articles  de  Compagnie  ,  Reglemens  &  Ordonnan¬ 
ces  ,  qu’ils  jugeraient  néceflaires  pour  l’entretien  de  leur  Socié¬ 
té;  lefquels  Articles,  Reglemens  &  Ordonnances  étant  approu¬ 
vés  par  Monfeigneur  le  Grand-Maître  ,  autorifés  par  Sa  Ma¬ 
jeflé  ,  &  enregiflrés  où  il  appartiendroit ,  feraient  à  l’avenir  in- 
violablement  gardés  félon  leur  forme  &  teneur  ,  tant  par  lefdits 
AfTociés  ,  que  par  ceux ,  qui  étoient  habitans  ,  &  qui  s’habitue- 
v  raient  dans  la  fuite  en  la  Nouvelle  France. 

Ces  Articles  furent  lignés  le  19.  d’ Avril  1627.  par  le  Cardi¬ 
nal  de  Richelieu  ,  &  par  ceux  qui  avoient  préfenté  le  projet. 
Le  Roy  l’approuva  par  un  Edit  datté  du  mois  de  May  au 
Camp  devant  la  Rochelle  ,  &  cet  Edit  explique  dans  le  plus 
grand  détail  ce  que  je  viens  d’abreger.  Cela  fait  ,  M.  le  Duc 
de  Ventadour  remit  à  Sa  Majeflé  fa  Charge  de  Vice-Roy.  La 
Compagnie  ,  qui  prit  le  titre  de  Compagnie  de  la  Nouvelle 
France ,  monta  bientôt  au  nombre  de  cent  fept  AfTociés  ,  dont 
M.  le  Cardinal  de  Richelieu,  &  M.  le  Maréchal  Défiât  , 
Sur-Intendant  des  Finances  ,  furent  les  Chefs.  M.le  Comman¬ 
deur  de  Razilli  ,  M.  de  Champlain  ,  l’Abbé  de  la  Magde- 
laine  ,  &  plufieurs  autres  Perfonnes  de  condition  y  entrèrent  , 
le  refie  étoit  compofé  de  riches  &  d’habiles  Negocians ,  &  des 
principaux  Bourgeois  de  Paris  &  de  plufieurs  Villes  de  com¬ 
merce  ;  enfin  il  y  avoit  tout  lieu  d’efperer  que  la  Nouvelle  Fran¬ 
ce  alloit  devenir  un  des  principaux  objets  de  l’attention  du  Mi- 
niflere  ,  étant  foûtenuë  par  une  fi  puifîante  Compagnie. 

Cependant  fon  inflitution  fut  marquée  par  une  époque  d’un 
très-mauvais  préfage.  Les  premiers  Vaiffeaux  ,  qu’elle  envoya 
en  Amérique  ,  furent  pris  par  les  Anglois  ,  à  qui  le  fiége  de  la 
Rochelle  tournifToit  un  prétexte  pour  commettre  des  hoflilités 
contre  la  France  ,  quoique  les  deux  Couronnes  fufTent  en  paix. 
L’année  fuivante ,  David  Kertk  ,  François  ,  natif  de  Diep¬ 
pe  ,  mais  Calvinifle  &  réfugié  en  Angleterre  ,  follicité  ,  dit-on^ 
par  Guillaume  de  Caen  ,  qui  vouloit  fe  venger  de  la  perte  de 
iOii  Privilège  exclufif ,  s’avança  jufqua  TadoulTac  avec  une 


1627. 


Hoflilités  Jcs 
Anglois. 

1628,- 


A 


- 


.. 


— 


I  6  2 


Québec  cft 
fommé  de  fe 
rendre  à  eux. 
Réponfe  de 
M.  de  Ckam- 
plain. 


Les  Anglois 
fe  rendent 
maîtres  d’une 
Efcadre  Fran- 
çoife. 


Embarras  , 
où  fe  trouve 


l66  HISTOIRE  generale. 

Efcadre  ,  doù  il  envoya  brûler  les  maifons  ,  &  les  beftiaux  ; 
qui  étoient  au  Cap  Tourmente.  Celui,  qu’il  avoit  chargé  de  cette 
Commiffion  ,  eut  ordre  de  monter  enfuite  jufqua  Quebec  ,  & 
de  fommer  le  Commandant  de  lui  livrer  fon  Fort. 

M.  de  Champlain  y  étoit  avec  M.  de  Pontgravé  ,  revenu  de¬ 
puis  peu  de  France  pour  quelques  intérêts  de  M.  de  Monts  &  de 
fa  Société.  Après  qu’ils  eurent  délibéré  enfemble  ,  &  iondé  les 
principaux  Habitans  ,  ils  prirent  le  parti  de  fe  défendre  ,  & 
Champlain  fit  à  la  fommation  du  Capitaine  Anglois, une  re- 
ponfe  fi  fiere  ,  que  celui-ci  jugea  à  propos  de  fe  retirer.  On  étoit 
néanmoins  réduit  dans  la  V ille  à  fept  onces  de  pain  par  tête  pour  . 
chaque  jour  ,  &  il  n’y  avoit  pas  plus  de  cinq  livres  de  poudre 
dans  le  Magafin.  Kertk  ignoroit  fans  doute  cette  trifte  fitua- 
tion  :  d’ailleurs  il  crut  qu’il  auroit  meilleur  marché  d’une  Efca¬ 
dre  de  la  nouvelle  Compagnie  ,  commandée  par  M.  de  Roque- 
mont  ,  un  de  fes  membres ,  &  qui  portoit  à  Quebec  des  Famil¬ 
les  &  toutes  fortes  de  provifions.  Il  avoit  été  mftruit  de  fon  dé¬ 
part  par  Guillaume  de  Caen  ,  cependant  toutes  les  apparences 
étoient  qu’il  échoueroit  dans  cette  entreprife. 

Auffi  le  malheur  de  M.  deRoquemontvint  beaucoup  moins 
de  la  perfidie  de  cet  Hérétique  ,  que  de  fa  propre  imprudence. 
En  arrivant  à  la  Rade  de  Gafpe  il  avoit  détaché  une^  Barque  , 
pour  donner  avis  à  M.  de  Champlain  du  fecours  ,  qu  i!  lui  me- 
noit ,  &  pour  lui  porter  un  Brevet  du  Roy  ,  qui  1  étabiiiToit 
Gouverneur  &  fon  Lieutenant  General  dans  toute  la  Nouvelle 
France  ,  avec  un  ordre  de  faire  un  Inventaire  de  tous  les  effets, 
qui  appartenoient  aux  Sieurs  de  Caen.  Peu  de  jours  après  qu’il 
eut  expédié  cette  Barque  ,  il  apprit  que  Kertk  n’étoit  pas  loin  de 
lui ,  &  fur  le  champ  il  leva  les  ancres  pour  1  aller  cherchei  ,  fans 
confiderer  qu’il  expofoit  au  hazard  d  un  combat ,  dont  le  lucces 
étoit  douteux  ,  pareeque  fes  Navires  étoient  extrêmement  char¬ 
gés  &  fort  embarraffés  ,  toute  la  reffource  d’une  Colonie  prê¬ 
te  à  fuccomber.  Il  ne  fut  pas  lontems  fans  rencontrer  les  An¬ 
glois  ,  il  les' attaqua  ,  &  fe  battit  bien  ;  mais  outre  que  fes  Vaif- 
feaux  ne  pouvoient  point  manœuvrer  aufli-bien  que  ceux  de 
Kertk  ,  ils  étoient  moins  forts.  Ils  furent  bientôt  tous  defagrees , 
&  contraints  de  fe  rendre  ;  de  forte  que  la  Barque  ,  après  avoir 
caufé  une  courte  joye  à  Quebec  ,  ne  fit  qu  augmenter ,  dit  M.  de 
Champlain  dans  fes  Mémoires  ,  le  nombre  des  bouches  pour  man- 

*  La  récolte ,  qui  fut  très-modique  ,  la  pêche  des  Anguilles ,  Sc 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lïv.  IV.  167 

quelques  Elans ,  que  des  Sauvages  apportèrent  de  leur  chaffe  , 
remirent  pour  deux  ou  trois  mois  un  peu  d’aifance  dans  la  Ville 
&  dans  les  Habitations  ;  mais ,  cela  épuifé  ,  011  tomba  dans 
une  plus  grande  difette  qu’auparavant.  Il  reftoit  encore  une 
reffource,  fur  laquelle  on  comptait  beaucoup.  Le  P.  Phili¬ 
bert  Noyrot,  Supérieur  des  Jefuites ,  &  le  P.  Charles  Lalle- 
mant  étoient  allés  chercher  en  France  du  fecours  ,  &  avoient 
trouvé  dans  la  générofité  de  leurs  Amis  ,  de  quoi  fretter  un  B⬠
timent  ,  &  le  charger  de  vivres.  Ils  s’y  étoient  embarqués  eux- 
mêmes  avec  le  P.  Alexandre  de  Vieuxpomt  ,  &  un  Frere , 
nommé  Louis  Mâlot  ;  mais  ce  Navire  n  arriva  point  jufqu’à 
Quebec.  Un  Vent  forcé  de  Sud-Eft ,  le  jetta  fur  la  Côte  de  l’A¬ 
cadie  ,  où  il  fe  brifa  5  le  Pere  Noyrot  &  le  Frere^Malot  y  péri¬ 
rent  :  le  P.  de  Vieuxpont  alla  joindre  le  P.  Vimond  dans  rif¬ 
le  de  Cap  Breton,  &  le  P.  Lallemant  s’étant  embarqué  dans 
un  Navire  de  Bifcaye  ,  pour  aller  porter  en  France  la  nouvelle 
de  ce  défaftre  ,  fit  auprès  de  S.  Sebaftien  un  fécond  naufrage  , 
dont  il  eut  encore  le  bonheur  de  fe  fauver. 
t»  Cependant  l’extrémité  ,  où  fe  trouvoit  la  Colonie  ,  n’étoit 
pas  ce  qui  inquiettoit  davantage  le  Gouverneur.  Les  Sauva¬ 
ges  ,  depuis  l’approche  des  Anglois  ,  paroiffoient  fort  aliénés 
des  François ,  &  il  faut  avouer  qu’on  leur  en  avoit  donné  quel¬ 
que  fujet.  Il  y  avoit  bien  du  mélange  parmi  les  Habitans  :  les 
Huguenots ,  que  le  Sieur  de  Caen  avoit  amenés  avec  lui ,  n ’jr 
étoient  pas  fort  foûmis  à  l’autorité  légitimé  &  toute  la  fermeté 
de  M.  de  Champlain  ne  put  arrêter  qu’une  partie  des  défordres , 
qu’on  devoit  attendre  de  Gens  très-peu  affectionnés  à  l’Etat. 

Dans  une  fi  triffe  fituation ,  le  Gouverneur  jugea  d’abord  que 
le  meilleur  parti ,  qu’il  y  eût  à  prendre  ,  fuppofé  qu’il  ne  fût 
pas  fecouru  à  propos ,  étoit  d’aller  faire  la  guerre  aux  Iroquois  , 
&  de  vivre  à  leurs  dépens.  Les  dernieres  excurfions  de  ces  Bar¬ 
bares  ,  &  quelques  hoffilités  ,  qu’ils  venoient  de  commettre 
tout  récemment ,  lui  en  fourniffoient  un  juffe  fujet  ;  mais  quand 
jl  fut  queftion  de  partir,  on  ne  put  jamais  trouver  de  poudre.  Il 
fallut  donc  refter  à  Quebec  ,  où  il  n’y  avoit  abfolument  rien 
pour  nourrir  cent  Perfonnes ,  qui  y  étoient  renfermées  ,  &  qui 
furent  réduites  à  aller  chercher  des  racines  dans  les  Bois  ,  com¬ 
me  les  Bêtes.  En  cet  état ,  après  la  nouvelle  de  l’arrivée  des  Na¬ 
vires  de  France  ,  on  n’en  pouvoit  guère  recevoir  de  plus  agréa¬ 
ble  ,  que  celle  du  retour  des  Anglois. 

Ainfi ,  lorfque  fur  la  fin  de  Juillet  ,  c’eff-à-dire  ,  trois  mois 
Tome  /. 


1628. 

M.  de  Cliam- 
plain. 

1629. 


Quebec  eft 
fomiué  de 


1629. 

nouveau  par 
iss  Anglois. 


A  quelles 
conditions  la 
Place  eft  ren¬ 
due. 


X6S  histoire  generale 

après  que  les  vivres  eurent  manqué  abfolument ,  on  vint  an¬ 
noncer  à  M.  de  Champlain  qu’il  paroiffoit  des  voiles  Angloifes 
derrière  la  pointe  de  Levi  ,  il  ne  douta  plus  que  ce  ne  fût  l’Efca- 
dre  de  Kertk ,  &  il  regarda  ce  Capitaine  3  bien  moins  comme 
un  Ennemi ,  que  comme  un  Libérateur ,  auquel  il  aurait  obli¬ 
gation  de  ne  pas  mourir  de  faim  avec  toute  la  Colonie,  Il  n’y 
avoit  que  peu  d’heures  ,  qu’il  avoit  reçu  cet  avis  ,  lorfquon  vit 
venir  une  Chaloupe  avec  un  Pavillon  blanc,  L’Officier  ,  qui  la 
commandoit ,  après  s’être  avancé  jufques  vers  le  milieu  de  la 
Rade  ,  s’arrêta  ,  comme  pour  demander  la  permiffion  d’appro¬ 
cher  ,  on  la  lui  donna  d’abord  9  en  arborant  un  Pavillon  fenv 
blable  au  fien  ?  &  dès  qu’il  fut  débarqué  ,  il  alla  préfenter  au 
Gouverneur  une  Lettre  de  Louis  &  de  Thomas  Kertk  ,  Freres 

'de  l’Amiral  David,  t 

Cette  Lettre  contenoit  une  fommation  dans  des  termes  extrê¬ 
mement  polis  :  les  deux  Frères  ,  dont  l’un  étoit  defliné  pour 
commander  à  Quebec  ,  &  l’autre  conduifoit  une  Efcadre ,  dont 
la  meilleure  partie  étoit  refiée  avec  Thomas  a  Tadouffac  5  fai- 
foient  entendre  à  M,  de  Champlain  ,  qu’ils  étoient  informés  du 
trille  état  de  fa  Colonie  ;  que  cependant  s’il  v oui  oit  leur  remet¬ 
tre  fon  Fort ,  ils  le  bifferaient  maître  des  conditions.  Ce  qui 
avoit  fi  bien  inflruit  les  Anglois  de  lafituation  de  Quebec  ,  c  efl 
que  le  Sieur  Boulé  ,  Lieutenant  de  Champlain ,  &  fon  Beau- 
frere  ,  que  ce  Gouverneur  avoit  fait  partir  pour  aller  repréfen- 
ter  à  la  Compagnie  le  befoin  preffant ,  qu’il  avoit  d  être  fecouru , 
étoit  tombé  entre  leurs  mains  ,  &  qu’ils  avoient  tire  par  adreffe 
de  quelques  Matelots  le  fujet  de  leur  voyage. 

Le  Gouverneur  n’avoit  garde  de  refulerles  offres  ,  qu  on  lui 

.  faifoit  ;  il  les  accepta  ,  mais  il  fit  prier  le  Commandant  de  n  ap¬ 
procher  pas  davantage  ,  qu’on  ne  fût  convenu  de  tout.  L  Offi¬ 
cier  s’en  retourna  avec  cette  réponfe  ,  &  le  foir  du  même  jour  il 
revint  à  Quebec  pour  demander  les  articles  de  la  Capitula¬ 
tion.  Champlain  les  lui  donna  par  écrit,  &  ils  portoient  i&. 
Qu’avant  toutes  chofes  Meilleurs  Kertk  montreraient  la  Com- 
miffion  du  Roy  de  la  Grande  Bretagne ,  &  la  Procuration  de 
l’Amiral  David  leur  Frere.  i°.  Qu’ils  lui  fourniraient  un  Vaif- 
feau  pour  paffer  en  France ,  avec  tous  les  François  ,  fans  en  ex¬ 
cepter  un  feul ,  non  pas  même  deux  Filles  Sauvages  ,  qui  lui 
appartenoient.  30.  Que  les  Gens  de  guerre  fortiroient  avec 
leurs  armes  ,  &  tous  avec  les  effets  ,  qu’ils  pourraient  emporter* 
4°.  Que  le  Y aiffeau  ,  qui  leur  ferait  livré  ,  auroit  tous  les  agrêts, 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Ltv.  IV.  169 

■&c  des  vivres ,  qui  feroient  payés  en  Pelleteries  ,  dont  le  furplus 
pourrait  être  emporté  par  les  Proprietaires.  50.  Qu’il  ne  feroit 
fait  aucune  infulte  ,  ni  violence  à  Perfonne.  60.  Que  le  Navire 
feroit  livré  trois  jours  après  l’arrivée  des  François  à  Tadouffac, 

&  qu’on  leur  donnerait  des  Barques  pour  fe  rendre  dans  ce 
Port* 

Il  y  eut  peu  de  difficultés  fur  les  principaux  articles.  Louis 
Kertk  répondit  que  Thomas  Kertk  ,  fon  Frere  ,  qui  étoit  relié 
àTadoulfac  ,  avoit  la  Commiffion  &  la  Procuration  ,  qu’on 
demandoit ,  &  qu’il  les  produirait  ,  quand  il  auroit  l’honneur 
de  voir  M.  de  Champlain  :  Qu’il  n’auroit  aucune  peine  à  donner 
un  V ailfeau  ,  &  que  s’il  11e  fuffifoit  pas  pour  embarquer  tous  les 
François  ,  il  y  auroit  place  fur  l’Efcadre  pour  quiconque  vou¬ 
drait  s’y  embarquer ,  avec  l’affûrance  d’y  être  bien  traitté  ,  & 
tranfporté  en  France  auffitôt  après  qu’on  auroit  mis  le  pied  dans 
un  Port  d’Angleterre.  L’article  des  deux  Filles  Sauvages  fut  re~ 
fufé  d’abord  ,  &  accordé  dans  la  fuite.  Il  fut  réglé  que  les  Offi¬ 
ciers  fortiroient  avec  armes  &  bagages  ,  &  généralement  tout 
ce  qui  leur  appartenoit  ;  les  Soldats  avec  leurs  armes  ,  leurs  ha¬ 
bits  ,  &  chacun  une  robe  de  Caflor  ;  les  Religieux  avec  leurs 
Livres ,  mais  que  tout  le  refie  demeurerait  dans  la  Place.  Cham¬ 
plain  s’eflima  fort  heureux  d’avoir  obtenu  çes  conditions  ,  &ne 
crut  pas  devoir  infifler  fur  les  autres. 

Le  Lendemain  20.  de  Juillet ,  Louis  Kertk  mouilla  dans  la  Les  Ansîoî* 
Rade  avec  fes  trois  Navires  :  celui ,  qu’il  montoit ,  étoit  de  cent  en  urent  bien° 
tonneaux,  &  avoit  dix  pièces  de  Canon  :  les  deux  autres  étoient 
des  Pataches  de  cinquante  tonneaux  ,  &  de  fix  pièces.  Le  Gou¬ 
verneur  alla  lui  rendre  vifite  à  fon  bord  ,  &  en  fut  très-bien 
reçu.  Il  demanda  &  obtint  des  Soldats  pour  garder  la  Cha¬ 
pelle  ,  &  garantir  les  deux  Maifons  Religieufes  de  toute  in¬ 
fulte.  Kertk  defcendit  enfuite  à  Quebec  ,  &  prit  poffeffion  du 
Fort ,  puis  du  Magafin  ,  dont  il  remit  les  clefs  à  un  nommé  le 
Baillif  ,  natif  d’Amiens  ,  lequel  s’étoit  donné  aux  Ennemis 
avec  trois  autres  François  ,  Eflienne  Brûle’  ,  de  Champigni  ; 

Nicolas  Marsolet  ,  de  Rouen  ;  &  Pierre  Raye  ,  de  Paris. 

Ce  dernier  étoit  un  des  plus  méchans  Hommes  ,  qu’il  fût  poffi- 
ble  de  voir  ,  &  il  n’y  eut ,  félon  l’ordinaire  ,  que  ces  Traîtres  , 
qui  en  uferent  mal.  Le  Commandant  ne  voulut  pas  fouffrir  que 
M.  de  Champlain  quittât  fon  Logis  ,  &  lui  permit  même  de 
fe  faire  dire  la  Melle.  Il  pouffa  la  politeffe  ,  jufqu’à  lui  don¬ 
ner  une  copie  ,  fignée  de  fa  main ,  de  l’Inventaire  ,  qu’il  avoit 
Tome  I.  Y 


1629* 

La  plupart 
des  Habitans 
relient  dans  le 
Pays. 


Emery  de 
Caën  eft  pris 
par  les  An- 
glois. 


170  histoire  generale 

fait  dr  effer  de  tout  ce  qui  setoit  trouvé  dans  la  Place  ,  lorfqu  il 
y  étoit  entré. 

Il  étoit  de  l’intérêt  des  Anglois  que  ceux  des  Habitans  ,  qui 
avoient  des  Terres  défrichées  ,  demeuraffënt  dans  le  Pays  ;  du 
moins  Kertk  le  crut  ainfi  ;  &  pour  les  y  engager  ,  il  leur  fit  les 
offres  les  plus  avantageufes.  11  les  affûra  même  que  fi  ,  apres  y 
être  refiés  une  année  entière ,  ils  ne  s’y  trouvoient  pas  bien  ,  il 
les  feroit  repaffer  en  France.  Comme  fa  conduite  les  avoit  fort 
prévenus  en  fa  faveur  ,  &  que  plufieurs  auroient  été  obligés  de. 
mendier  leur  pain,  s’ils  avoient  repaffe  la  Mer,  prefque  tous  pri¬ 
rent  le  parti  de  refter  ;  mais  le  Gouverneur  ,  en  leur  accordant 
pour  cela  fon  agrément  les  avertit  que  ,  fi  au  bout  de  l’année 
le  Roy  ne  reprenoit  point  le  Canada,  ils  feroient  mal  de  de¬ 
meurer  plus  lontems  privés  des  Sacremens  &  des  autres  fcc  ours, 
fpirituefs  ;  le  falut  de  leurs  âmes  devant  leur  être  plus  cher  ,  que. 

tous  les  biens  ,  qu’ils  pouvoient  poffeder.. 

Toutes  chofes  étant  ainfi  réglées  ,  &  Thomas  Kertk  étant  ve¬ 
nu  joindre  fon  Frere  ,  Champlain  partit  avec  lui  le  vint- quatre 
pour  Tadouffac ,  où  l’Amiral- David  s’étoitrendu  depuis  peu  de 
jours.  Peu  s’en  fallut  que  dans  ce  voyage  les  Yifiorieux  &  les 
Vaincus  ne  changeaient  de  fort.  Emery  de  Caën  ,  qui  alloit  a 
Quebec  ,  &  ne  fçavoit  rien  de  ce  qui  s’y  étoit  pane  ,  rencon¬ 
tra  le  Navire  de  Thomas  Kertk,  qui  portoit  M.  de  Champlain, 
&  qui  setoit  féparé  des  deux  Pataches ,  avec  lefquelles  il  etoit 
parti  :  il  l’attaqua,  &  il  étoit  fur  le  point  de  s  en  rendiele  Maî¬ 
tre  ,  lorfqu’ayant  crié  Quartier,  pour  engager  les  Anglois  a  le 
rendre  ,  Thomas  Kertk  prit  cette  parole  dans  un  fens  oppole , 
&  cria  de  fon  côté  Bon  quartier  :  A  ces  mots  ,  1  ardeur  des 
François  fe  ralentit  un  peu  ;  de  Caën  ,  qui  s  en  aperçut ,  vou¬ 
lut  les  raffûrer  ,  &fe  préparoit  à  faire  un  dernier  eftort  ;  mais  M. 
de  Champlain  fe  montra ,  &  lui  confeilla  de  profiter  de  fon 
avantage  ,  pour  faire  fes  conditions  bonnes  avant  1  arrivée  des 
Pataches  ,  qui  faifoient  force  de  voiles  ,  &  qui  étoient  déjà  fort 

proche.  .  , 

Il  eft  certain  que  ,  fi  tous  les  François  avoient  ! ait  leur  devoir, 

le  Navire  Anglois  eût  été  pris  ,  avant  qu’il  put  être  fecouru  :  la 
peur  ,  qu’en  eut  le.  Commandant ,  lui  fit  même  commettre  une 
lâcheté  ;  car  il  menaça  M.  de  Champlain  de  le  tuer  ,  s’il  nefai- 
foit  ceffer  le  combat.  Ce  qu’il  ne  fit  cependant,  que  quand  on 
eut  donné  le  tems  aux  Pataches  de  s’approcher.  C’étoit  en  ef¬ 
fet  un  coup  de  Parti  pour  de  Caën  de  prévenir  leur  arrivée. 


.  •  /  * 

DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lxv.  IV.  171 

eût  eu  bon  marché  des  Pataches ,  s’il  eût  été  maître  du  Na-  — 7 - 

vire  9  &  rien  alors  n’eût  empêché  les  François  de  retourner  à  1  2^’ 

Quebec  ,  où  Louis  Kertk  n’auroit  pas  été  en  état  de  leur  refit- 
ter.  Emery  de  Caen  fe  comporta  en  brave  Homme  ,  mais  il  ne 
fut  pas  bien  fécondé  de  fon  Equipage  ,  compofé  apparemment 
de  G  ens  de  fa  Religion ,  qui  alors  ne  fe  battoient  pas  volontiers 
contre  les  Anglois  ,  à  caufe  du  liège  de  la  Rochelle. 

On  a  fçu  même  depuis  qu’outre  les  quatre  Transfuges  ,  dont  François 
j’ai  parlé  ,  &  qui  étaient  de  la  même  Se&e  ,  un  nommé  Jacques  Amende 
Michel,  Calvinifte  furieux,  avoit  donné  des  Mémoires  à  l’A-  l’entTprif^ 
mirai  Anglois,  pour  l’engager  à  cette  Expédition  ,  &  ce  Traître  des  AnSlois- 
étoit  a&uellement  fur  l’El  cadre  ,  avec  le  titre  de  Contre-Ami¬ 
ral.  Peut  -  être  que  ceux  ,  qui  ont  accufé  Guillaume  de  Caen 
d’avoir  auffi  trahi  fa  Patrie  dans  cette  occalion  ,  n’en  ont  ainlx 
jugé  ,  que  parce  qu’ils  croy  oient  que  Michel  agiffoit  par  fon  or¬ 
dre.  Cette  Efcadre  au  relie  n  était  pas  à  beaucoup  près  aulîi  for¬ 
te,  qu’on l’avoit  publié:  elle  n’étoit  compofée  que  de  cinq  Na¬ 
vires  de  trois  à  quatre  cent  tonneaux  ,  allez  bien  fournis  de  pro- 
vilions  &  de  munitions  ,  mais  foibles  d’Hommes  :  li  Emery 
de  Caen  fût  arrivé  huit  jours  plûtôt ,  il  eût  ravitaillé  Quebec  , 

&  M.  de  Champlain  n’eût  pu  y  être  forcé.  David  Kertk  fut  en¬ 
core  heureux:  en  ce  que  la  paix  ayant  été  renouvellée  entre  les 
deux  Couronnes  peu  de  jours  après  fon  départ  d’Angleterre  , 
le  Commandeur  de  Razilli ,  qui  armoit  pour  aller  au  fecours 
de  la  Nouvelle  France  ,  reçut  un  contre-ordre  ,  &  fut  envoyé 
a  Maroc.  La  Cour  de  France  crut  fans  doute  que  Kertk  rece¬ 
vrait  auffi  une  défenfe  d’aller  plus  loin  ;  mais  il  étoit  à  la  voile  , 

&  on  l’ignorait  à  Paris . 

Cependant  cet  Amiral  ne  voulut  pas  retourner  en  Angleter¬ 
re  ,  fans  avoir  vilite  fa  conquête  :  il  monta  donc  à  Quebec  ,  8c 
a  fon  retour  à  Tadoufîac  ,  il  dit  à  Champlain  qu’il  trouvoit  la  fi- 
tuation  de  cette  Ville  admirable  ,  que  h  elle  demeurait  à  fa  Na- 
tion  ,  elle  ferait  bientôt  fur  un  autre  pied  ,  8c  que  les  Anglois 
tireraient  parti  de  bien  des  chofes  ,  que  les  François  avoient  né¬ 
gligées  ,  ou  ne  connoiffoient  point,  je  n’entrerai  pas  dans  le  dé¬ 
tail  de  ce  qui  fe  paffa  enfuite ,  il  me  mènerait  trop  loin  ,  8c  n’a 
rien  de  fort  intereffant.  L’Amiral  la’étoitpas ,  à  beaucoup  près , 
auffi  genereux  que  Louis  Kertk  ,  fon  Frere  ,  lequel  ne  foûtint 
pas  même  jufqu’au  bout  fon  cara&ére  ;  Champlain  ,  8c  plus 
encore  les  Jefuites  ,  eurent  à  effuyer  bien  de  mauvaifes  maniè¬ 
res  de  l’un  &  .de  l’autre. 

Yij 


1629. 

Sa  fin  tragi¬ 
que.. 


HISTOIRE  generale 

Le  perfide  Michel  leur  avoir  perfuadé  que  ces  Religieux 
étoient  fort  riches  ;  mais  les  Anglois  furent  h1etrtotcletrompes  & 
ils  déchargèrent  une  parue  de  leur  chagrin  fur  le  Délateur.  Les 
trois  F-eres  lui  dévoient  tout  le  fuccès  de  cette  campagne  &  de 
la  précédente  ;  c’étoit  de  bons  Marchands,  qui  s  etoient  enrichis 

pafle  commerce  ,&  qui  ne  fçavoient  point  la  guerre  ;  Miche 

Itoit Homme  de  Mer  !  &  brave  Soldat  .dans de ^  Comba naval 
contre  M.  de  Roquemont ,  il  avoir  empeche  David  Kenk  û  e 
tre  accroché  par  ce  Commandant,  qui  ne  pouvoir  repondre  a 
fon  Canon  mais  qui  l’eût  enlevé  fans  peine  à  l’abordage  ;  il 
a  voit  fervi  de  Guide  &  de  Pilote  à  fes  deux  Frères ,  qui  ne  con- 
noiffoient  point  le  Fleuve  S  Laurent,  &  qui  fans  lui  nau- 

^Maif  foi^iS  kpfrfdie  infphe'je  ne  fçai  quelle  horreur  à 
ceux -mêmes  %  qui  elle  eft  utile  ;  foit  que  les  Traîtres  prennent 
ombrage  de  tout ,  ce  qui  eft  en  général  l’effet  des  remoi  ds  de  la 
confidence  ;  foit  enfin  mauvaife.  humeur  dans  les  Anglois ,  en 
•voyant  combien  peu  leur  conquête  les  avoit  enrichis ,  oume 
contentement  de  la  part  du  Transfuge  ,  quitte  crut  pas  fes  fei- 

vkes  affe“  ecompenfés  ;  .1  parut  bientôt  plus  que  du  r^r0Klff 

fement  entre  eux&  lui.  Il  fut  même  le  premier  a  edatter.  Il  fit 
oubliqueHient  de  grandes  plaintes  contre  les  Anglois  ,  &  fur- 
lout  contre  l’Amiral.  Il  déclama  avec  encore  plus  de  fureur  con¬ 
tre  les  Jefuites  &  contre  les  Maloins ,  &  fes  e“P°“ef^.en*  a1!6' 
rent  à  un  tel  excès ,  qu’ils  degenererent  plus  dune  fois  en  des 

.  profiter  de  1,  M. ,  <*  « ^ 
reuxétoit  à  l’egard  des  Anglois  pour  le  rappel  er  a  la  Reh- 
aion  de  fes  Peres  ,  &  au  fervice  de  fon  Roy.  1-1  le  prenoit  a 
fortir  de  fes  accès ,  &  lui  difoit  les  chofes  du  monde  les  plus  ten¬ 
dres  &  les  plus  capables  de  faire  împreffion  fur  un  cœur ,  qui 
n  auroit  pas  mis  le  if  eau  à  fon  endurciffement.  Mais  fon— e 
étoit  comblée  ,  &  Dieu  ne  jugea  pas  a  propos  d  en  différer  plu 
lontems  la  punition.  Ses  fureurs  augmentèrent  a  un  point ^quo 
ne  pouvoir  plus  ni  le  voir  ,  ni  l’entendre  ,  fans  etre  fa.fi  d  hor¬ 
reur.  Enfin  fl  tomba  dans  un affoupiffement  léthargique,  qui  d 
ra  trente-cinq  heures , &  à  k  fin  duquel  il  expira-  9"  rf;,avef 
fon  Cadavre  tous  les  honneurs  militaires ,  &  on  1  mhum 
toutes  les  cérémonies  ,  qui  font  en  ufage  dans  les  Eghfo ;Pi »  ^ 
tantes  ;  mais  les-  obféques  finies,  on  ne  ongea  p  q [ 

boire ,  &  jamais  les  Anglois  ne  firent  paroitrep  us  eg  y 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IV.  173 

L’Amiral  employa  le  relie  de  l’Eté  à  carener  fes  Navires  ,  qui 
en  avoient  grand  befoin.  Au  mois  de  Septembre  il  mit  à  la  voi¬ 
le  ,  &  le  vintiéme  d’Oêlobre  il  mouilla  dans  le  Port  de  Ply- 
mouth,  où  il  apprit  que  les  différends  des  deux  Cours  étoient 
accommodés.  Il  s’en  doutoit  bien  ,  &  l’on  affûre  même  qu’il  en 
avoit  eu  des  avis  certains  avant  la  prife  de  Quebec  ;  mais  il  avoit 
cru  pouvoir  prétendre  l’ignorera  II  avoit  fait  de  grandes  avan¬ 
ces  pour  fon  armement ,  &  il  s’étoit  flatté  de  trouver  dans  la 
Nouvelle  France  beaucoup  plus  qu’il  ne  falloit  pour  l’en  dé¬ 
dommager.  Il  fut  fort  étonné  devoir  qu’il  n’étoit  le  Maître  que 
d’un  Rocher  habité  par  une  centaine  de  Perfonnes ,  épuifées  par 
une  longue  famine  ,  &  à  qui  il  falloit  commencer  par  donner 
du  pain  ;  d’un  Magafln  ,  où  il  n’y  avoit  que  des  peaux  en  petite 
quantité  ;  de  quelques  maifons  mal  bâties  ,  &  encore  plus  mal 
meublées.  Ainfl  tout  le  fruit  de  fa  mauvaife  foi  fut  de  s’être  rui¬ 
né  ,  fans  avoir  même  la  confolation  de  travailler  pour  le  Prince  , 
qu’il  fervoit. 

On  parut  d’abord  à  la  Cour  de  France  fort  choqué  de  cette 
-invafion  des  Anglois  ,  après  la  concluflon  d’un  Traitté  ,  qui 
avoit  empêché  qu’on  ne  s’y  opposât  ;  mais  les  raifons  d’hon¬ 
neur  à  part  9  bien  de  Gens  doutèrent  fl  l’on  avoit  fait  une  véri¬ 
table  perte ,  &  s’il  étoit  à  propos  de  demander  la  reftitution  de 
-Quebec.  Ils  reprefentoient  que  le  climat  y  efl:  trop  dur,  que  les 
avances  excedoient  le  retour  ;  que  le  Royaume  ne  pouvoit  pas 
s’engager  à  peupler  un  Pays  fi  vafte  ,  fans  s’affoiblir  beaucoup. 
D’ailleurs,  difoient-ils,  comment  le  peupler  ?  &  de  quelle  utilité 
fera-tdl ,  fl  on  ne  le  peuple  pas  ?  Les  Indes  Orientales  &  le  B  ré¬ 
fil  ont  dépeuplé  le  Portugal  ;  l’Efpagne  voit  plufieurs  de  fes 
Provinces  prefque  défertes  depuis  la  conquête  de  l’Améri¬ 
que.  A  la  vérité  l’une  r&  l’autre  Monarchie  y  ont  gagné  de 
quoi  fe  dédommager  de  ces  pertes ,  fl  la  perte  des  Hommes  peut 
te  compenfer  ;  mais  depuis  cinquante  ans  ,  que  nous  connoif- 
fons  le  Canada ,  qu’en  avons-nous  tiré  ?  Ce  Pays  ne  peut  donc 
être  d’aucune  utilité  pour  nous  ,  ou  il  faut  convenir  que  les 
François  ne  font  pas  propres  pour  ces  fortes  d’Etabliffemens. 
Enfin  jufqu’ici  on  s’en  efl:  bien  paffé  ,  &  les  Efpagnols  mêmes 
voudraient  peut-être  avoir  à  recommencer.  Qui  ne  fçait  que 
Charles  V .  avec  tout  ce  que  lui  lourniffoient  d’or  &  d’argent  le 
Pérou  &  le  Mexique  ,  n’a  jamais  pu  entamer  la  France  ,  &  qu’il 
a  fouvent  vu  échouer  fes  entreprifes ,  faute  d’avoir  dequoi  fou- 
doyer  fes  Troupes,  tandis  que  François  I.  fon  Rival,  trouvoit 


1630-3 1 . 

Mauvaife 
foi  de  l’ A  mi¬ 
tai  Anglois. 


Quelques-uns 
font  d’avis  de 
ne  point  de¬ 
mander  la  re¬ 
ftitution  de 
Quebec. 


Réponfe  à 
leurs  raifons. 


autres  répondoient  que  le  climat  de  laNou* 
mciroità  mefure  que  le  Pays  fe  decouvriroit  : 


174  HISTOIRE  GENERALE 

_  dans  fes  cofres  de  quoi  fe  relever  de  fes  pertes  ,  &  tenir  tete  a  ufl 

1630-31.  prinCe,  dont  l’Empire  étoit  plus  vafte  que  celui  des  premiers 
Cefars  ?  Faifons  valoir  la  France  ,  confervons-y  les  Hommes  , 
profitons  des  avantages  ,  qu’elle  a  pour  le  commerce  ,  mettons 
en  œuvre  l’induftrie  de  fes  Habitans  ,  &  nous  verrons  entrer 
dans  nos  Ports  toutes  les  richeffes  de  l’Afie  ,  de  l’Afrique  oc  du 

Nouveau  Monde. 

A  ces  raifons  d\ 

velle  France  s’adouciroit  à  mefure  que  le  Pays 
qu’on  n’en  pouvoir  guère  douter,  puis  quelle  eft  fituee  fous  les 
mêmes  parallèles  que  les  Régions  les  plus  temperees  de  1  Europe . 
que  le  climat  en  eft  fain,  le  terroir  fertile  ;  qu  avec  un  travail  mo¬ 
dique  on  peut  s’y  procurer  toutes  les  commodités  de  la  vie  :  qu  il 
ne  falloir  pas  juger  de  la  France  ,  comme  de  l’Efpagne  &  du  Por¬ 
tugal  ,  que  les  guerres  des  Maures  8c  leur  retrait! e  avoient  epui- 
fés  d’Hommes  ,  avant  que  d’avoir  découvert  les  deux  Indes ,  oc 
qui  malgré  ces  pertes  avoient  entrepris  de  peupler  des  Pays  im- 
menfes  :  qu’il  ne  falloir  pas  tomber  dans  les  mêmes  fautes ,  mais 
faire  paffer  en  Amérique  tous  les  ans  un  petit  nombre  de  r  amil- 
les  y  envoyer  des  Soldats  reformés  ,  avec  des  Filles  ,  tare  es  des 
Hôpitaux  ,  &  les  placer  de  maniéré  ,  quelles  puffent  s  etendre  a 
melure  ,  quelles  le  multiplieroient  :  Qu’on  avoit  déjà  l expé¬ 
rience  que  les  Femmes  Françoifes  y  font  fécondes  ,  que  les  En- 
fans  s’y  élevent  fans  peine  ,  qu’ils  y  deviennent  robultes  ,  bien 
faits ,  &  d’un  très-beau  fang  :  Que  la  feule  Pêche  des  Morues 
étoit  capable  d’enrichir  le  Royaume  ,  quelle  ne  demandoit pas 
de  grands  frais  ,  que  c’eftune  excellente  Ecole  pour  former  des 
Matelots  ;  mais  que  pour  en  tirer  tout  F  avantage ,  qu  elle  peut 
produire  ,  il  falloir  la  rendre  fedentaire  ,  c’eft-à-dire  ,  y  occuper, 
les  Habitans  mêmes  de  la  Colonie  :  Que  les  Pelleteries  pou- 
voient  devenir  auffi  un  objet  confiderable ,  fi  on  avoir  attention 
à  n’en  pas  épuifer  la  fource,  en  voulants  enrichir  tout  d  un  coup  • 
Qu’on  pouvoir  profiter,  pour  la  conftruélion  des  Vaiileaux,  des 
Forêts  ,  qui  couvroient  le  Pays  ,  &  qui  font ,  fans  contredit ,  les 
plus  belles  de  l’Univers  :  Enfin ,  que  le  feul  motif  dempecher 
les  Anglois  de  fe  rendre  trop puiffans  dans  cette  partie  de  1  Amé¬ 
rique  ,  en  joignant  les  deux  bords  du  Fleuve  S.  Laurent  a  tant 
d’autres  Provinces ,  où  ils  avoient  déjà  de  bons  Etablmemens  , 
étoit  plus  que  fuffifant  pour  nous  engager  à  recouvrer  Quebec , 
à  quelque  prix  que  ce  fût. 

(Sentiment de  Quant  à  ce  qu’on  obje&oit  du  peu  de  progrès,  que  nous  avion 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IV.  175 
fait  en  Canada  depuis  tant  d’années  ,  Champlain  en  rejetta  la 
faute  fur  les  Sociétés  particulières  ,  qui  s’étoient  chargées  de 
cette  Colonie.  Voici  fes  propres  termes ,  aufquels  je  n’ajouterai 
rien  :  »  Pendant  qu’une  Société  ,  en  un  Pays  comme  celui-ci , 
tient  la  bourfe  ,  elle  paye  ,  donne  &  affilié  qui  bon  lui  femble  ; 
ceux  qui  commandent  pour  Sa  Majeflé  ,  font  fort  peu  obéis  , 
n’ayant  perfonoe  pour  les  affilier  ,  que  fous  le  bon  plaifîr  de 
ceux  de  la  Compagnie  ,  qui  n’ont  rien  tant  à  contrercœur,  que 
les  Perfonnes  rqui  font  mifes  par  le  Roy ,  comme  ne  dépen-  « 
dant  point  d’eux,  ne  defirant  que  l’an  voye  &  juge  ce  qu’ils  font, 
ni  de  leurs  aélions  &  déportemerfs  en  telles  affaires  ,  veulent 
tout  attirer  fur  eux  ,  ne  s’en  foucient  de  ce  qui  arrive  ,  pourvû 
qu’ils  y  trouvent  leur  compte.  De  Forts  &  de  Fortereffes,  ils 
n’en  veulent ,  que  quand  la  néceffité  le  requiert  ;  mais  il  n’efl 
plus  tems.  Quand  je  leur  parlois  de  fortifier  ,  c’étoit  leur  grief  ; 
j’avois  beau  leur  remontrer  les  inconveniens  ,  qui  en  pouvoient 
arriver ,  ils  etoient  fourds  ,  &  tout  cela  n’étoit  que  la  crainte  ,  en 
laquelle  ils  étaient ,  que  s’ils  avoient  un  Fort  ils  feroient  maîtri- 
fes ,  &  qu’on  leur  feroit  la  Loy .  Et  pendant  ces  penfées  ils  met- 
toient  le  Pays  &  nous  en  proye  du  Pirate ,  ou  Ennemi. .  . . 

J  en  ecrivois  allez  à  MM.  du  Confeil ,  il  falloity  donner  ordre  , 
qui  jamais  n  arrivait ,  &  fi  Sa  Majeflé  eût  laiffé  feulement  le 
commerce  libre  aux  Alfocies  ,  avoir  leurs  Magafins  avec  leurs 
Commis  ;  pour  le  refie  des  Hommes  ,  qui  dévoient  être  en  la 
pleine  puiffance  du  Lieutenant  de  Roy  audit  Pays ,  pour  les 
employer  à  ce  qu’il  jugerait  néceffaire ,  tant  pour  le  fervice  de 
Sa  Majefle  ,  qu  a  fe  fortifier  &  défricher  la  terre  ,  pour  ne  venir 
aux  famines  ,  qui  pouvoient  arriver  ,  s’il  arrivoit  fortune  aux 
Vaiffeaux  ;  fi  cela  fe  pratiquoit ,  onverroit  plus  d’avancement 
&  de  progrès  en  dix  ans  ,  qu’en  trente  en  la  façon  que  l’on  fait. 

Aux  raifons  de  politique  &  d’intérêt ,  qui  n’avoient  pas  per- 
fuade  la  meilleure  partie  du  Confeil ,  on  en  ajoûta  d’autres ,  qui 
achevèrent  de  déterminer  Louis  XIII.  à  ne  point  abandonner  le 
Canada.  Elles  etoient  prifes  du  côté  de  l’honneur  &  de  la  Reli¬ 
gion,  &  perforine  ne  les  fit  plus  valoir  que  Champlain ,  qui  avoit 
beaucoup  de  piete  ,  &  qui  etoit  bon  François.  On  négocia  donc 
pour  retirer  Quebec  des  mains  des  Anglois  ,  &  afin  de  donner 
plus  de  chaleur  aux  négociations,  on  arma  fix  Vaiffeaux,  qui 
dévoient  être  fous  les  ordres  du  Commandeur  de  Razilly.  Cela 
eut  fon  effet  ;  la  Cour  d’Angleterre,  à  laperfuafion  de  Milord 
Montaigu  ,  rendit  de  bonne  grâce  ,  ce  que  l’on  fe  difpofoit  à  lui 


1  6  3 


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le  Canada 
eft  rendu  à  la 
France. 

1  6  3  2*. 


I 


i6$2, 


, 


,  HISTOIRE  generale 

,  j.  rorre  .  le  Traitté  en  fut  figné  à  S.  Germain  en 
vmtneuviéme  de  Mars  de  l’année  1632.  &  l’Acadiey 
comprüe  ,  auffi-bien  que  llfle  de  Cap  Breton,  au]Ourdhui 

,  ,  n°Céwhb&Rv7nt  chofes  ,  que  l’Etabliffetnent ,  que  nous 
avS„s  alors  dans  cette  Me  ;  cependant  cepofte  le  Fort  de 
Nouvelle  Ouphpr  environne  de  quelques  méchantes  Maifons  q 

Fuuce.  QupfR\C  “aue°  deux  ou  trois  Cabannes  dans  Me  de  Mont- 

Zl BauïXeÆreàTadouffac,  &  en  quelques  autres  en¬ 
droits  fur  le  F?euve  S.  Laurent ,  pour  la  commodité  de  la  Pedie 
q-  je  la Traitte  ;  un  commencement d  Habitation  aux  Trois 
ÎLres  ,  &  îéSes  du  Port  Royal  ;  voilà  en  quo,  confifto.t  a 
Nouvelle  France ,  &  tout  le  fruit  des  decouvertes  de  Veraza 
Ïi  ,  de  Jacques  Côtier  ,  de  M.  de  Roberval ,  de  Chafflplam 

des  grandes  dépenfes  du  Marquis  de  \Ro^FîanœisM  qui 
Mnmc  &  de  l’induftrie  d  un  grand  nombre  de  r  rançojs  ,  qui 

m  g™a  Etabliffement ,  s'ils  «uffc». ...  b,«n 

. . ,  C°?teiité  avec  laquelle  les  Anglois  r.eftituerent  l’Acadie  à 
aSST'6  la  France  vint  Ms  dôme  de  cequ’iîs  n’ayoient  pas  encore  pris 
soient  négligé  .  mefures  pour  s’y  établir ,  &  de  fon  eloignement  de  la  Nou- 
“  S  AngSe ,  o/il  leur  importé  beaucoup  de  ft  fangj 
ivant  au£  de  penfer  à  de  nouvelles  entrepnfes.  J  ai  dit  a  la  vente 
que  d^s  bannie  1621 .  le  Roy  de  la  grande  Bivtagneavoitco- 
cedé  à  Guillaume  Alexandre ,  Comte  de  Sterlin  ,  touyles  P  y  j 

que  ceSefgniur  envoya  dès  tannée  fuivante  dans  ces  nouvel 
concédions ,  un  Officier  ,  pour  y  cho.fir  un  beu  propre  a  une 
Habitation  *  mais  cet  Envoyé  étant  parti  trop  tard  ,  il  g 

'  ïhyverner  dits  le  Port  de!  Jean  en  Terre  Neuve  II  pa&  en, 
fuite  en  Acadie  ,  entra  dans  le  Port  au  Mouton ,  dont  il  changea 
le  nom  en  celui  de  Baye  de  S.  Luc ,  puis  dans  un  autre  ,  qui  n  en 
ift  qvf  à  dèux  lieues  ,  £  qu’il  appella  U  joli  Port  o.  lePonno,. 
Il  ne  s’y  arrêta  point  non  plus ,  &  reprit  la  route  de  Terre  JNeu 
le  !  d’oipeu  le  tems  après  il  fit  voile  pour  l’Angleterre  De- 

puis  ce  tems-là  le  Comte  de  Sterlin  ,  pour  des  raiions  ’  ^  \ 
n’ai  pu  fçavoir  ,  ne  fit  plus  rien  pour  mettre  en  valeur  un  i 

beau  Domaine. 


HISTOIRE 


i  !K*£>î  tsÿts-s  r* U?v  i*c<$Uî  *<u'$'*î  e^h*z  eAjjfe/î f<i?^e^^cVi|i/ïcvsï/^ 

^;<a€5£3Ù  ?A5?JL«)  e.C5^»  eÂ5fâ«i  p_C5^«  f»€53 


^VŸvViÿvvÿv^vÿvv^ J  v$vv^*4v*-  riÿv>  v^v>  vs^înj  v^v  v;ÿ\> 


HIST 


DESCRIPTION  GENERALE 

DELA 

NOUVELLE  FRANCE. 

2/8:SOfiOS/9S/9:e/9:  OpD  &-7J 

LIVRE  CINQUIEME 


N  des  Articles  du  Traitté  de  S.  Germain  ,  qui 
remettent  la  France  en  poffefiion  du  Canada , 
portoit  que  tous  les  effets  ,  qui  feroient  trou¬ 
vés  à  Quebec  ,  &  dont  nous  avons  vû  qu’on 
avoit  dreffé  un  Inventaire  ,  feroient  reffitués, 
aufli  -  bien  que  les  Yaiffeaux  pris  de  part  & 
d’autre  ,  avec  leur  charge  ,  ou  l’équivalent  ; 
&  comme  les  Sieurs  de  Caënavoient  le  principal  intérêt  dans 
cette  reffitution  ,  Emery  de  Caen  fut  d’aoord  envoyé  feul  en 
Amérique  ,  pour  porter  à  Louis  Kertk  le  Trait  té  ,  &  en  follici- 
ter  l’exécution.  Le  Roy  jugea  même  à  propos  de  lui  abandon¬ 
ner  tout  le  commerce  des  Pelleteries  pour  un  an  ,  afin  de  le 
dédommager  des  pertes  ,  qu’il  avoit  faites  pendant  la  guerre  ; 
il  partit  pour  Quebec  au  mois  d’Avril  de  cette  même  année 
1632.  &  à  fon  arrivée  le  Gouverneur  Anglois  lui  remit  la  Pla¬ 
ce  ,  &  tous  les  effets  ,  qui  lui  appartenoient.  Cependant  toute 
cette  annee  &  la  luivante  ,  ceux  de  cette  Nation,  continuèrent 
à  trafiquer  avec  les  Sauvages  ,  &  on  eut  bien  de  la  peine  à  faire 
ceffer  ce  commerce  ,  qui  par  le  Traitté  de  S.  Germain  étoit  ex- 
prefftment  interdit  aux  Sujets  du  Roy  de  la  Grande  Bretagne, 
Tome  L  ”  Z  b 


mmm 


__  J' 


1  6 3  3- 

M.  de  Cham- 
plain  eft  nom¬ 
mé  de  nou¬ 
veau  Gouver¬ 
neur  de  la 
Nouvelle 
[France. 


Caraércre  des 
Huions. 


,_8  HISTOIRE  generale 

En  161-t.  la  Compagnie  de  la  Nouvelle  France  rentra  dans, 
tous  fes  droits ,  &  l’Acadie  fut  concédée  au  Commandeur  de 
Razilly,  un  de  fes  principaux  Membres ,  à  condition,  qu’il  y  te- 
roit  unEtabliffement.  Il  en  fit  un  en  effet ,  mais  affez  peu  confi- 
derable  ,  dans  le  port  de  la  Haive  ,  où  il  etoit  fi  aile  &  fi  im¬ 
portant  d’en  faire  un  ,  qui  en  peu  de  tems  &  à  peu  de  trais  au- 
roit  mis  cette  grande  Peninfule  en  état  de  produire  de  grands  re¬ 
tours.  La  même  année  M.  de  Champiain  ,  que  la  Compagnie 
avoir  préfenté  au  Roy  ,  en  vertu  du  pouvoir,  quelle  avoir  re¬ 
çu  de  fa  Maiefté  ,  fut  nommé  de  nouveau  Gouverneur  de  la 
Nouvelle  France  ,  &  partit  pour  s’y  rendre  avec  une  Efcadre 
nui  portoit  beaucoup  plus  ,  que  ne  valoir  alors  tout  le  Canada  » 
menant  avec  lui  les  PP.  de  Brebeuf  &  Enemond  Malle.  Il  y  re¬ 
trouva  plufieurs  des  anciens  Habitans  ;  il  en  avoir  amené  de  nou¬ 
veaux  ,  &  il  engagea  les  uns  8c  les  autres  a  profiter  des  fautes 

qui  avoient  cavité  les  malheurs  paffés. 

première  vue  fut  de  s’attacher  la  Nation  Huronne ,  &  de 
commencer  par  la  foûmettre  au  joug  de  L’Evangile ,  perfuade 
qu’il  n’eft  point  de  lien  plus  indiffoluble  ,  que  celui  de  la  Reli¬ 
gion.  Jufques-là  on  avoir  plutôt  prépare  les  voyes  a  letablii- 
fement  du  Chriftianifme  parmi  ces  Sauvages ,  que  commence 
une  œuvre  ,  qui  demandoit  une  plus  grande  connoiffance  , 
qu’on  n’en  avoir  encore  pu  acquérir  ,  de  leur  langue  ,  de  leurs 
coûtumes ,  de  leur  croyance ,  &  de  leur  geme.  Dans  le  fejour , 
que  les  PP.  Recollets  avoient  fait  parmi  eux  ,  ils  en  avoient  ga¬ 
gné  quelques-uns  à  Jesus-Christ  ;  mais  ils  n’en  avoient  pu 

baptifer  que  très-peu.  Les  PP.  de  Brebeuf  &  de  Noué  avoient 
aufîi  fait  quelques  Profelytes  ;  mais  le  Chriftianifme  n  avoir 
point  encore  pris  racine  parmi  ce  Peuple  ,  qui  ne  pat  onloit  pas 
aifé  à  réduire.  On  fe  flattoit  néanmoins  que  quand  il  auroit  trait- 
té  un  peu  plus  lontems  avec  les  Millionnaires,  il  deviendrait  plus, 
docile  ;  &  cette  efperance  étoit  fondée  fur  le  caraftére  de  fou 
efprit  folide  ,  judicieux  ,  élevé  ,  capable  de  réfléchir  ,  &  fur  ce 
qu’il  étoit  le  plus  fedentaire  &  le  plus  laborieux  de  tous  ceux  » 
que  l’on  connoiffoit  alors  dans  ce  Continent.  _ 

La  Compa-  Mais  pour  exécuter  ce  projet ,  il  falloir  un  certain  nombre 
gnic  exclut  les  d’Ouvriers  ,  &  il  étoit  nécefiaire  de  les  mettre  en  état  de  tirer 
oTaUr  du  leurfubfiftance  d’ailleurs ,  que  d’un  Pays  ,  qui  avoir  bien  de  la 
peine  à  faire  fubftfter  fes  Habitans  ;  or  c’eft  à  quoi  il  n  etoit  pas 
aifé  de  pourvoir.  La  Compagnie  s  etoit  laiffe  perfuader  que  ans 
une  Colonie  naiffante ,  des  Religieux  Mendians  feraient  plutôt  a 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  ï79 

charge.,  qu’utiles  à  des  Habitans,  qui  avoient  à  peine  le  néceffaire  ' — 7 — “ — 
pour  vivre  ;  elle  ne  fut  point  donc  d’avis  qu’on  y  renvoyât ,  au  1  ^  ’ 

moins  fftôt,  les  PP.  Recollets  ;  &  elle  trouva  le  moyen  de  faire 
goûter  fes  raifons  au  Confeil  du  Roy.  Par  la  même  raifon  il  fal- 
loit  que  les  Jefuites  s’altendiffent  à  tirer  de  France  toutes  les  cho- 
fes ,  dont  ils  pouvoient  avoir  befoin  ;  &  il  était  à  craindre  que 
I  leurs  pertes  paffées  n’euffent  refroidi  le  zélé  des  Perfonnes 
qui  jufques-là  avoient  le  plus  contribué  à  tant  de  dépenfes  de¬ 
venues  inutiles.  Heureufement  ces  craintes  fe  trouvèrent  vai¬ 
nes.  Prefque  tous  ceux  ,  qui  s  etoient  dès  le  commencement  in- 
téreifés  en  faveur  de  la  Nouvelle  France  ,  fe  crurent  obli¬ 
gés  de  mettre  les  Jefuites  en  état  5  non  -  feulement  de  n’avoir 
pas  befoin  des  Habitans  pour  la  vie  ,  &  pour  les  fonctions  de 
leur  Miniffere  ^  mais  encore  de  contribuer  à  l’Etabliffement 
du  Pays,  en  même  teins  qu’ils  donneraient  leur  principale  at¬ 
tention  à  rinftruâion  des  François ,  &  à  la  converfion  des  Sau¬ 
vages. 

Ainfi  dès  l’année  1632.  c’eft-à-dire  ,  immédiatement  après  la  u  conduire 
conclunon  du  Traitte  de  S.  Germain  ,  les  PP.  Paul  le  Jeune,  ^es  Angiois 
&  Anne  de  Noue  s’embarquèrent  pour  Quebec.  Ils  trouvèrent  Ie?  Sau“ 
que  le  peu  de  Profelytes,  qu’on  avoit  faits  aux  environs  de  cette  gmteràawl 
Ville  ,  n  étoient  plus  dans  les  fentimens  ,  où  on  les  avoit  laif-  d.les  FraQ- 
fes  ;  mais  ils  n’eurent  pas  beaucoup  de  peine  à  les  y  faire  ren-  Ç°1S 
trer.  Les  Angiois,  dans  le  peu  de  tems,  qu’ils  avoient  été  les  Maî¬ 
tres  du  Pays  ,  n’avoient  pas  fçu  y  gagner  l’affe&ion  des  Sauva¬ 
ges  :  les  Hurons  ne  parurent  point  à  Quebec  ,  tant  qu’ils  y  fu¬ 
rent  :  les  autres  plus  voifins  de  cette  Capitale  ,  &  dont  pluüeurs, 
pour  des  mecontentemens  particuliers  ,  s’étoient  ouvertement 
déclarés  contre  nous  à  l’approche  de  l’Efcadre  Angloife  ,  s’y 
montrèrent  même  allez  rarement.  Tous  s’étoient  trouvés  un  peu 
déconcertés ,  lors  qu’ayant  voulu  prendre  avec  ces  nouveaux 
venus  les  mêmes  libertés,  que  les  brançois  ne faifoient aucune 
difficulté  de  leur  permettre  ,  ils  s’apperçurent  que  ces  maniérés 
ne  leur  plaifoient  pas. 

.  ^ut  pis  encore  au  bout  de  quelque  tems  ,  lors  qu’ils  fe 
vu  ent  cnafles  a  coups  de  bâton  des  maifons  ,  où  jufques-là  ils 
etoient  entrés auffi  librement,  que  dans  leurs  cabannes.  Ils  pri¬ 
rent  donc  le  parti  de  s’éloigner  ,  &  rien  ne  les  a  dans  la  fuite  plus 
fortement  attachés  à  nos  intérêts  ,  que  cette  différence  de  maniè¬ 
res  &  de  caractère  des  deux  Peuples ,  qu’ils  ont  vû  s  établir 
dans  leur  voiffnage.  Les  Millionnaires ,  qui  furent  bientôt  in- 

Zij 


* 


iô3  3 


Succès  des 
premiers  tra¬ 
vaux  des  Mif- 
£oauaues. . 


Les  Reli¬ 
gion  nai  res 
font  exclus  du 
Ganadâ» 


Choix  judi¬ 
cieux  des  Co¬ 
dons»  • 


18b  HISTOIRE  GENE  R  A  LE^ 

in*»  *  l’impreffion  ,  ,»'*  ““  f"  *Ç  •'Jgf 

bien  en  profiter  pour  les  gagner  a Jésus-Christ,  «  pour 

aflTpAionner- à-la  Natio-n  Françoiie. 

Les  PP.  Enemond  Maffe  &  Jean  de  BreBeuf  arrivèrent ,  conv- 
•  v  '  à  '*  nie  l’année  fui  vante  avec  M.  de  Champlain  9  & 

“  ti.  ”  tX  <!.>  Ouvriers  E.»^ 

fut  de  quinze  Prêtres ,  fans  compter  trois  ou  quatre  Laïcs ,  do 
ouelaues-uns  furent  attachés  à  l’inftruaion  des  Enfans.  Ces  Re^ 
Lieux  crurent  avec  raifon  que  leurs  premiers  foins  etoientdus 
aux  Domeftiques  de  la  Foy  ,  &  comme  il  n  y  avoir  plus  parm 

Sues  • 

auXcun  Protefia.it  ne  paffât  dans  la-Nouve  le  France  ,  & 
au’on n’v permit  l’exercice  d’aucune  autre  Religion,  que  4® 
?a  Catholique.  Selon  toutes  les  apparences  ,  Sa  Majefte  avoit 

„«„  S  iS™é,  de  ce  qu'il 

•rn. l’oiorc  à  fcavoir ,  que  1  entreprife  des  Anglois  lur  le  ^ana 
da  etoit  le  fruit. Ses  intrigues  de  Guillaume de.  Caen  ou  des  au| 

très  Calviniftes  ^dont^ai parie  ;■  &  plus  dune^ex^eriericejui 

XmTslsqF  glo  s  ïans  un  PayL  où  l’on  n  avoir  pas  affez 
deforcespotu'kis contenir  dans  le  devotr,  &  dans  la  foumiffion 

4  OnavoilmêmeeaPPorté  une  très-grande  attention  au  choix 
de  ceux  qui  s’étoient  préfentes  pour  aller  s  établir  dans  la  M  . 
velle  France  ,  &  il  n’eSpas  vrai  que  les  Filles  ,  qu  on  Y  envoy  a, 
de  tems  en  tems  pour  les  marier  avec,  les  nouveaux  Habita  , 
ayent  été  prifes  dans  des  lieux  fufpefts  ,  comme  quelques  Voya- 
2urs  peu  inftruits  ,  l’ont  avance  dans  leurs  Relations.  Un  eut 
toujours  foin  de  s’affurerde  leur  conduite:,  avant gue  de  les em- 
b arquer  &  celle ,  qu’on  leur  a  vu  tenir  dans  le  Pays  ,  eft  une 
oreuve  qu’on  y  avoir  réuffi.  Ainft  en  très-peu  de  tems  on  v 
prefque tous  ceux  ,’qui  compofoient  la  nouvelle  Cofome  faim 
à  l’exemple  de  leur  Gouverneur  ,  une  profeffion  ouvert.  & 

CC  On'coiihnua  les  années  fuivantes  d'avoir  la  même  attention 

&  l’on  vit  bientôt  .dans  cette  partie  oe  1  Amérique  comm 

»  ;  •  i_  pn ç  .  narrai  leiqueis  regncm- 


&  l’on  vit  bientôt  .dans  ceticpcuuu  .yxr  - 1 

doM  la  ■pp^érirè 


1  6  3  3- 


DE  LANOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  iSi 

n’a  point  encore  perdu  de  vûë  les  grands  exemples ,  que  leurs 
Ancêtres  leur  ont  laides.  La  confolation  ,  qu’un  tel  changement 
fit  redentir  aux  Ouvriers  ,  qui  étoient  chargés  de  cultiver  cette 
Vigne  tranfplantée  ,  adoucirent  tellement  les  croix  de 'la  plus 
pénible  Million  ,  qui  ait  peut-être  été  établie  dans  le  Nouveau 
Monde ,  que  fur  ce  qu’ils  en  écrivirent  à  leurs  Freres  de  France, 
il  y  eut  parmi  ceux-ci  un  véritable  empredement  pour  aller  par¬ 
tager  leurs  travaux. 

Il  eft  certain  ,  &  par  les  Relations  annuelles  ,  que  nous  avons 
de  ces  heureux  tems  ,  &  par  la  Tradition  confiante  ,  qui  s’en  eft 
confervée  dans  le  Pays ,  qu’il  y  avoit  je  ne  fçai  quelle  onêlion 
attachée  à  cette  Million  Sauvage  ,qui  la  faifoit  preferer  à  plu- 
lîeurs  autres  infiniment  plus  brillantes  ,  &  même  plus  fruêlueu- 
fes.  Cela  provenoit  fans  doute  ce  que  la  nature  n’y  trouvant 
rien  ,  ni  par  raportaux  douceurs  de  la  vie  ,  ni  de  ce  qui  peut 
flatter  la  vanité  ,  écueil  trop  ordinaire  des  fuccès  éclatans  ,  mê¬ 
me  dans  le  Miniftere  le  plus  laint,  la  G  race  y  opéroit  fans  obfta- 
cle.  Outre  que  le  Seigneur ,  qui  ne  fe  laide  jamais  vaincre  en  li¬ 
béralité  ,  fe  communiquoit  fans  mefure  à  des  Hommes  ,  qui  fe 
facrifioient  fans  refer ve  ,  qui  morts  à  tout ,  entièrement  déta¬ 
chés  d’eux  -  mêmes  &  du  Monde  ,  podedoient  leurs  âmes  dans 
une  paix  inaltérable  ,  &  s’étoient  parfaitement  établis  dans  cette 
enfance  fpirituelle  ,  que  Jesus-Christ  a  recommandée  à  fes 
Difciples  ,  comme  ce  qui  devoir  faireTeur.  caraêiére  le  plus 
marqué. 

Car  voilà  auaiaturel  le  portrait ,  qu’ont  fait  des  premiers  Mif- 
fionnaires  de  la  Nouvelle  France  ceux  ,  qui  les  ont  connus  de 
plus  près  ,  &  la  fuite  de  cette.  Hiftoire  convaincra  les  moins 
prévenus  en  leur  faveur  ,  qu’il  n’eft  point  flatté.  J’en  ai  connu 
quelques  -  uns  dans  ma  jeunede  ,  &  je  les  ai  trouvés  tels  que  je 
viens  de  les  dépeindre,  courbés  fous  les  travaux  d’un  long  Apo- 
ftolat ,  &  dans,  des  corps  exténués  de  fatigue  ,  &  caftes  de  vieil- 
lede  ,  confervant  toute  la  vigueur  de  l’elprit  Apoftolique.  j’ai 
cru  devoir  leur  rendre  ici  la  même  juftice  ,  qu’on  leur  rendoit 
univerfellement  dans  le.  Pays. 

Parmi  le  grand  nombre  de  Nations  Idolâtres  ,  qui  ouvroient 
aux  Millionnaires  un  fi  vafte  champ  pour  exercer  leur  zélé  ,  au¬ 
cune  ne  parut  d’abord  à  ces  Religieux  mériter  mieux  leur  atten¬ 
tion  ,  que  laHuronne.  M.  de  Champlain  avoit  depuis  lontems 
forme  le  projet  de  faire  un  Etablidement  dans  le  Pays  de  ces 
Sauvages.  Il  reprit  cette  penfée  ,  lorfqu’à  fon  retour  de.  France  - 


Caractère  des 
premiers  Mit-  - 
iïonnaires. 


On  projette 
un  Etabliffe- 
ment  aux  Iiu- 

rons. 

. . 

X  6  3  4,. 


i8z  HISTOIRE  GENERALE 

-  en  1 6%  V  il  en  trouva  jufqu’à  fept-cent ,  qui  l’attendoient  à  Que- 

i<5}4-  bec  &  il  leur  fit  part  de  fon  deffein  :  tous  y  applaudirent  ;  mais 
lorfqu’on  y  penfoit  le  moins ,  ils  changèrent  de  fentiment.  Il  eu: 
affez  inutile  de  demander  à  ces  Barbares  la  raifon  de  ces  change- 
mens  ;  fouvent  ils  n’en  ont  point  d’autre  que  le  droit ,  où  ns  pré¬ 
tendent  fe  maintenir  ,  de  ne  point  engager  leur  liberté  ,  &  de 

ne  jamais  donner  une  parole  irrévocable.  (  . 

champUin  Le  Gouverneur ,  qui  les  connoiffoit ,  crut  neanmoins  leur  en 
I»  obii-  devoir  marquer  fa  furprife  ,  &  leur  en  témoigner  fon  mecon- 
5“  de  me"cr  t  purement  •  il  leur  parla  même  en  Homme,  qui  ne  le  voyoït 
p"omme  les  années  précédentes,  dans  une  fituation  à  être 
Impunément  offenfé,  &  il  eut  lieu  de  juger  qu  il  les  avoir  rendus 
plus  dociles.  Dans  cette  fuppofiuon  il  voulut  agir  avec  hauteur, 
&  de  concert  avec  le  P.  le  Jeune  ,  supérieur  de  la  Million  ,  il 
difpofa  toutes  chofes  pour  le  voyage  des  PP.de  B  rebeu  1  &  de 
Noue  qui  avoient  été  nommés  pour  accompagner  ces  Sauva- 
ees.  Ceux-ci,  non-feulement  les  acceptèrent  ;  on  crut  meme 
entrevoir  une  efpéce  de  jaloufie  entre  les  Chefs  de  differens  Vil¬ 
lages  à  qui  poffederoit  les  Miffionnaires  ;  mais  un  accident 
imprévu  rompit  toutes  les  mefures  du  Gouverneur  ,  &  il  recon¬ 
nut  qu’il  avoir  trop  fait  paroître  d’empreffement  pour  une  choie, 

qu’il  convenoit  de  faire  defirer  à  ces  Barbares. 

IM  „r..  1  Un  Algonquin  avoit  tué  un  François ,  &  M.  de  Champlain 

fc’l!  tenoit  ce  Meurtrier  dans  fes  prifons ,  tort  refolu  d  en  faire  un 

exemple  :  il  jugeoit  cette  févérite  d  autant  plus  neceffaire ,  qu  on 
crovoit  avoir  enfin  découvert  que  le  P.  Viel  Rçcollet  ne  setoit 
pas  noyé ,  comme  on  l’avoit  cru  d’abord ,  mais  que  les  Hurons 
qui  le  conduifoient ,  l’avoient  tué ,  pour  avoir  fa  dépouillé ,  & 
avoient  jetté  fon  corps  dans  la  Riviere  ,  pour  couvrir  leur  cri¬ 
me  Des  Sauvages  mêmes  difoient  hautem  ent,  que  pour  çreve- 
nir'de  pareils  attentats,  dont  les  fuites  pouvoient  être  egale¬ 
ment  funeftes  à  eux  &  aux  François ,  il  ne  falloit  pas  les  laiffer 

imSïdsces  Barbares ,  après  avoir  ainfi  parlé  en  public  avec  tou- 
te  l’équité  ,  qu’on  pourroit  attendre  des  Hommes  du  monde  les 
plus  raifonnables  ,  changent  affez  ordinairement  de  ton  ,  lors¬ 
qu’il  eft  queftion  d’exécuter  les  Arrêts  ,  qu’ils  ont  eux -memes 
ditlés  &  il  ne  faut  pas  efperer  qu’ils  daignent  toujours  couvrir 
d’un  prétexte  plaufible  ,  une  conduite  fi  peu  conféquente.  Les 
Hurons  le  firent  néanmoins  en  cette  rencontre.  Le  jour  de  leur 
départ  étant  fixé  ,  un  de  leurs  Chefs  déclara  nettement  qu  il  ne 


Caufe  de  ce 


refus. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  183 

pouvoit  fe  refondre  à  embarquer  dans  fes  Canots  aucun  Mif-  — p - - 

lïonnaire  ,  ni  même  aucun  François  ,  que  le  Gouverneur  n’eût  1  ^  3  4- 
auparavant  mis  en  liberté  l’Algonquin  ,  qui  étoit  dans  les  fers. 

On  lui  remontra  que  lui  -  même  l’avoit  jugé  digne  de  mort  : 

»  Je  conviens ,  reprit-il ,  que  c’eft  fort  bien  fait  de  punir  un  Af-  « 
faffin  ,  mais  les  Parens  ,  les  Amis  ,  toute  la  Jeuneffe  du  Village  « 
de  celui-ci ,  nous  font  redemandé  ,  &  ils  nous  attendent  au  paf-  <* 
fage,  dans  l’efperance  que  nous  le  remettrons  entre  leurs  mains.  « 

Si  leur  attente  efl  fruftrée  ,  &  qu’ils  aperçoivent  parmi  nous  des  « 
François  ,  ils  fe  jetteront  immanquablement  fur  eux ,  &  nous  ne  « 
pourrons  les  fouftraire  à  leur  fureur,  fans  engager  un  combat ,  « 
qui  nous  fera  des  Ennemis  de  nos  Alliés.  Pouvons-nous  même  « 
répondre  de  levenement ,  &  quel  chagrin  pour  nous  ,  fi  nous  « 
voyions  égorger  à  nos  yeux ,  &  entre  nos  bras  des  Perfonnes  ,  « 
qu’on  nous  auroit  confiées.  « 

On  eut  beau  faire  pour  diffiper  les  craintes  vrayes  ou  préten-  Défauts  « 
dues  de  cet  Homme  ,  on  ne  gagna  rien.  En  vain  même  d’autres  vertus  des 
Chefs  lui  dirent  qu’ils  fe  chargeoient  de  tout  :  il  avoit  pris  fon  Hurons‘ 
parti ,  &  il  déclara  qu’il  ne  fouffriroit  point  qu’on  embarquât  au¬ 
cun  François.  Le  Gouverneur  ne  douta  plus  alors  qu’il  ne  s’en¬ 
tendît  avec  les  Algonquins  ,  &  ne  jugeant  pas  qu’il  lui  convînt 
de  mollir  aufujet  de  fon  Prifonnier  ,  ni  qu’il  fût  de  la  prudence 
de  rifquer  un  feul  François  avec  des  Gens  fi  mal  difpofés ,  il  con- 
feilla  aux  deux  Millionnaires  de  remettre  leur  voyage  à  une  au¬ 
Le  procédé  de  ce  Chef  Huron,  marque  bien  le  cara&ére  de  ce 
Peuple ,  celui  de  tout  le  Canada ,  qui  a  le  plus  d’efprit,  mais  con¬ 
tre  lequel  il  a  toujours  fallu  être  le  plus  en  garde.  Il  porte  fur- 
tout  la  difîimulation  à  un  excès ,  qu’on  auroit  peine  à  croire  ,  fî 
on  ne  1  avoit  éprouvé.  Ce  caracfere  avoit  bien  autant  contribué 
a  le^  faire  craindre  &  refpecler  des  autres  Sauvages  ,  que  fon  in- 
dulrrie  ,  fon  génie  fécond  enexpédiens&  enrelfources  ,  fon  élo¬ 
quence  &  fa  bravoure.  En  un  mot  c’eft  la  Nation  de  tout  ce 
Continent ,  en  qui  on  a  remarqué  plus  de  défauts  &  plus  de  ver- 

Champlain  appelle  les  Hurons  Ochafleguins  ,  &  les  confond  Origine 
avec  les  Iroquois  ,  qu’il  a  cru  fans .  doute  ne  faire  avec  eux  cette  Nation, 
qu  une  meme  Nation  ,  à  caufe  de  la  conformité ,  qu’il  avoit  re¬ 
marquée  entre  le  langage  des  uns  &  des  autres.  Peut-être  aulîl 
les  avoit-il  oui  nommer  Ochafleguins  par  quelques  autres  Sau¬ 
vages.  Mais  leur  véritable  nom  eh  Yendats.  Celui  de  Hu- 


i  6  3  4* 


q  histoire  generale 

î”  BSSS  '■  r- 

miere  fois'qu’ils  les  apperçurent ,  Quelles  Hures  !  &  saccoutu- 

^lon  en  croitleursplusTndennes  Traditions,  cetteiNation  dans 

r  oremiere  origine  n’étoit  compofée  que  de  deux  Bourga  , 
1,  “T  °  mS  fe  partagèrent  en  quatre  ,  ou  en  adoptèrent 
qui  avec  le  tei  P  b  les  Millionnaires  mterroge- 

deux  autres  ,  car  les  Anciens  ,  mu  5  TlifFprentes 

“  ,  fnr  ce  point  ne  s’accordotent  pas  entreux.  Ditterentes 

rent  lu  P  „,,„rrP  Tribus  firent  des  Peuples  voifins  , 


«nv  ruttprmnn  au  eue  eut  ae  ie  lcuu  toujours 
un  feuî  corps  ,  ce  que  neVent  pas  les  Algonquins ,  lefquels  on- 
pfnairement  étoient  beaucoup  plus  nombreux  que  les  Hurons  , 
larouoSe  parmi  ces  derniers  les  Tribus  adoptées  confemf- 
fenttouiours^eurs noms  primitifs , elles  prirent  auffi  le  norag 

/  ^vd-à-dire  ceux  qui  parlent  la  meilleuie  langue. 

■  ”°ïl  plroît  même  que  cette  uniformité  de  langage  doit  fane  jugr 

beaucoup  plus  altéré  leurs  langues  ,  lesquelles  font  evi  emme . 
des  Dialeaes  Huronnes,  ainfi  que  ie  l’ai  remarque  al  leurs 
J’ai  auffi  parlé  au  même  endroit  de  la  divifion,  uon^tilement  d 
la  Nation  entière,  mais  encore  de  chaque  Canton,  g  > 

ssai^îspr*  d“pta  h““  **  *  ■■ 

Mature  du  nier  iiecle ,  avoit  le  Lac  Lue  au  •>  n  ,ieux  &  les 

Pays  des  Hu-  k  Lac  0ntano  à  l’Eft.  H  eft  ûtue  entre  les  quarante-deux  a 

(  a)  Dans  le  Journal ,  qui  fert  de  préliminaire  à  cette  Hiftone,  quafafltÇr 


sons 


I  6  5  4- 


DË  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  185 

quarante-cinq  degrés  de  Latitude  Septentrionnale.  On  y  voyoit 
des  Bourgades  affez  nombreufes ,  &  la  Nation  entière  étoit  en¬ 
core  compofée  de  quarante  à  cinquante  mille  Ames,  quoique 
déjà  beaucoup  diminuée  par  fes  guerres  avec  les  Iroquois.  Ce 
Pays  n’eft  pas  ,  généralement  parlant ,  le  plus  fertile  de  toute  la 
Nouvelle  France ,  mais  il  y  a  des  Cantons  ,  qui  le  font  beau¬ 
coup  ;  &  fût-il  aufîi  peuplé  ,  que  le  font  nos  meilleures  Provin¬ 
ces  ,  il  pourroit  fans  peine  ,  s’il  étoit  bien  cultivé  ,  nourrir  tous 
fes  Habita-ns.  D’ailleurs  l’air  y  eft  très-fain.  Nous  y  avons  eu 
lontems  des  François  en  allez  grand  nombre  ,  ils  y  avoient  beau¬ 
coup  àfouffrirde  la  faim  ,  &  des  autres  miferes  ,  qu’entraîne  la 
guerre  après  elle  ,  cependant  aucun  n’y  eft  mort  de  maladie  ,  & 
très-peu  même  y  ont  été  malades. 

On  y  voit  de  grandes  Prairies  ,  qui  porteraient  du  froment  &; 
tous  les  autres  grains  ,  qu’on  y  voudrait  femer  ;  les  Forêts  font 
remplies  de  très-beaux  arbres  ,  furtout  de  Cedres  d’une  groffeur 
prodigieufe  ,  &  d’une  hauteur  proportionnée.  Le  Pays  eft  bien 
arrofé  ,  &  les  eaux  y  font  fort  bonnes.  On  y  trouve  ,  dit-on  , 
des  pierres ,  qui  fe  fondent  comme  le  métal ,  &  ont  quelques 
veines  d’argent  ;  mais  je  ne  fçai  trop  quelle  foy  on  doit  ajoûter 
à  ce  qu’on  lit  dans  quelques  Relations  de  deux  Animaux  allez 
finguliers  ,  qui  font  propres  de  ce  Pays  ,  &  qu’011  11e  rencontre 
point  ailleurs.  L’un  eft  un  Oifeau,  qui  miaule  comme  un  Chat  ; 
l’autre  ePt  une  efpéce  de  Lièvre  ,  qui  chante  comme  un  Oifeau , 

Sc  dont  la  chair  eft  fort  délicate. 

Plus  d’une  raifon  engageoit  M.  de  Champlain  à  fouhaiter  que  M  ^a!^s  dc 
les  Millionnaires  accompagnaffent  les  Hurons  dans  leurs  Bour-  p]‘inc  ouarm~ 
gades.  Il  croyoit  ces  Sauvages  plus  propres  que  les  autres  à  ac-  établir  une 
créditer  le  Chriftianifme.  Il  vouloit  par  le  moyen  de  ces  Mif- 
fions  préparer  les  voyes  à  l’EtablilTement ,  qu’il  méditoit  de  faire 
dans  leur  Pays ,  litué  très-avantageufement  pour  le  commerce  , 

&  d’où  il  ferait  très-aifé  par  le  moyen  des  Lacs,  dont  il  el \  prefque 
environné ,  de  pouffer  les  découvertes  jufqu’à  l’extrémité  de  l’A¬ 
mérique  Septentrionnale.  Enfin  il  étoit  bien  aife  de  s’attacher 
une  Nation,  de  laquelle  il  y  avoit,  ce  femble,  beaucoup  à  crain¬ 
dre  &  à  efperer  pour  l’affermiffement  &  le  progrès  de  la  Colo¬ 
nie  Françoife.  Rien  n’étoit plus  fagement  penfé  ;  le  malheur  de 
la  Nouvelle  France  fut  que  fon  Fondateur  lui  manqua  dans  le 
tems  ,  quelle  avoit  plus  befoin  de  fon  expérience  ,  &  que  fes 
Succeffeurs  ,  ou  ne  font  pas  entrés  dans  fes  vues  ,  ou  n’ont  pas 
ité  en  état  de  les  fuivre  ,  ni  par  conféquent  de  faire  reprendre  à 
Tome  I.  A  a 


i  63  4« 


Et  des  Mif- 
lïonnaires 
pour  y  établir 
le  centre  de 
leurs  Mif- 
fions. 


Les  PP.  de 
Brebcuf&  Da¬ 
niel  "arrivent 
dans  leur 
Pays. 


186  HISTOIRE  generale 

la  Nation  Huronne  ,  tandis  qu’il  en  étoit  encore  tems  ,  la  fupé- 
riorité  des  armes ,  que  les  Iroquois  avoient  déjà  commencé  de 

prendre  fur  elle.  ,  .  ,  P  , 

Les  Miflîonnaires  de  leur  côte  fe  perfuadoient  qu  en  hxant  le 
centre  de  leurs  Millions  dans  un  Pays ,  qui  étoit  en  même  tems 
celui  du  Canada  ,  il  leur  feroit  aifé  de  porter  la  lumière  de  1 E- 
vangile  dans  toutes  les  parties  de  ce  vaffe  Continent  ,  &  rien, 
n’eût  empêché  l’exécution  de  ce  projet ,  fi  l’on  eût  toûjours  tra¬ 
vaillé  fur  le  plan  de  M.  de  Champiain.  Déjà  plufieurs  Nations- 
étoient  en  commerce  avec  nous  ,  les  Montagnez  au-deffous  de 
Quebec  ,  les  Algonquins  au-deffus  ,  aux  environs  ,  &  dans  une 
Me  ,  qui  forme  la  grande  Riviere  des  Outaouais  au  -  deffus  de 
Montréal,  &  le  refte  fous  le  nom  de  Nipiffings,  ou  Nipilïïnmens, 
autour  d’un  lac  de  même  nom.  Enfin  les  Outaouais  ,  qui  étoient 
répandus  en  divers  endroits  de  leur  Riviere  ,  dont  iis  fe  pre ten¬ 
daient  fi  bien  les  Maîtres  abfolus  ,  qu’ils  avoient  établi  un  droit 
de  Péage  fur  tous  les  Canots ,  qui  la  remontoient ,  ou  la  dei- 

II  ne  manquoit  plus  que  de  gagner  les  Iroquois  ,  &  la  choie' 
étoit  d’une  conféquence  infinie  ;  on  y  auroit  peut  -  etre  réuni 
fans  beaucoup  de  peine  ,  fi  dans  le  commencement  ces  Sauva¬ 
ges  nous  avoient  -vû  alfez  forts  pour  leur  donner  la  Loi ,  ou  du 
moins  pour  faire  pancher  la  balance  du  cote  de  leurs  Ennemis  , 
qui  étoient  nos  Alliés.  Mille  Hommes  entretenus  dans  le  Pays 
des  Murons  ,  avec  trois  ou  quatre  Fortereffes  euffent  fuffi  pour 
cela  ;  mais  on  n’en  comprit  la  nécefîité  ,  que  quand  il  fut  trop 
tard.  L’occafion  étoit  d’autant  plus  belle  alors  de  réduire  les  Iro¬ 
quois  à  un  accommodement ,  &  peut-être  de  nous  les  attacher 
pour  toujours  ,  qu’ils  n’ avoient  encore  aucun  commerce  avec 
les  Hollandois  établis  dans  leur  voifinage  ,  &  que  nos  Allies 
étoient  très  -  difpofés  àfe  reunir  pour  faire  un  dernier  effort  con- 

tr’euXr 

L’objet  prefent  étoit  donc  d’introduire  les  Millionnaires  chez 
les  Hurons,  &  ceux,  qu’on  avoit  deffinés  pour  commencer  cette 
bonne  œuvre,  attendoient  avec  impatience  le  retour  de  quelques- 
Sauvages  ,  qui  leur  avoient  donné  parole  de  les  venir  chercher# 
Ils  arrivèrent  enfin  ,  mais  en  fi  petit  nombre ,  &  fi  mal  équipés  9 
qu’il  parut  bien  qu’ils  n’ avoient  pas  deffein  d  accomplir  leur 
promeffe  :  ils  ne  laifferent  pourtant  pas  de  témoigner  d’abord 
beaucoup  de  bonne  volonté  ;  mais  quand  on  voulut  en  venir  a 
l’exécution  ,  ils  s’excuferent  fur  ce  qu’ils  étoient  tellement  fatit 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  187 

gués  du  voyage ,  qu  a  peine  auroient-ils  allez  de  force  pour  re-  — 7 - 

conduire  leurs  Canots  à  vuide.  1634. 

Ce  fut  en  vain  qu’on  leva  cette  difficulté  ,  les  Peres  s  étant 
offerts  de  s’embarquer  feuls  avec  leur  Chapelle ,  &  fans  aucun 
bagage  ,  &  de  les  aider  même  à  nager  ;  car  rien  ne  met  davanta¬ 
ge  de  mauvaife  humeur ,  qu’une  proportion  raifonnable  &  fans 
réplique  ,  faite  à  des  Gens  ,  qui  ont  prétexté  une  fauffe  raifon 
pour  couvrir  leur  mauvaife  volonté.  Les  Hurons  déclarèrent 
enfin  la  leur  par  un  refus  formel  &  opiniâtré  ;  ce  ne  fut  qu’après 
bien  des  inftances,  &  à  force  de  préfens,  faits  avec  plus  de  zele , 
que  de  prudence  5  qu’on  les  ht  confentir  à  donner  place  dans 
leurs  Canots  aux  PP.  de Brebeuf& Daniel,  &à  leur  Dome- 
ffique.  Le  P.  Davoft  ,fqui  devoit  les  accompagner  ,  fut  obligé 
de  fe  reierver  pour  une  autre  occafion. 

Il  ne  1  attendit  pas  lontems  :  trois  Canots  de  Hurons  ayant  £eP.  Davoft 
abordé  peu  de  jours  après  aux  Trois  Rivières  ,  il  y  fut  reçu  aux  les,.,fuic  ;  cc, 
mêmes  conditions ,  que  lui  -  même  &  les  deux  autres  Peres  ?ouffiir“Zsa 
avoient  propofees,  &  que  ces  Barbares  eurent  grand  foin  de  leur  leur  voyage, 
faire  exa&ement  remplir.  Deux  François  s’embarquèrent  avec 
le  P.  Davoft  ,  &  ils  arrivèrent  à  la  fin  du  mois  d’Août  au  terme 
de  leur  voyage,  où  ils  trouvèrent  les  deux  premiers  Jefuites,  qui 
y  etoient  arrivés  depuis  trois  femaines,  mais  dans  un  trifte  état. 

La  mauvaife  humeur  de  leurs  Conducteurs  avoit  encore  été  aug¬ 
mentée  par  les  maladies  ,  qui  s’étoient  mifes  parmi  eux  pendant 
la  route  ,  &  elle  leur  avoit  fait  effuyer  bien  de  fâcheux  mo- 
mens.  Ils  coururent  même  plus  d’une  fois  rifque  d’être  affom- 

mes  ou  dégradés ,  fans  vivres  &  fans  guide  ,  dans  des  endroits 
ablolument  deferts. 

D  ailleurs  011  ne  leur  fit  aucune  grâce  fur  ce  qu’ils  avoient 
promis  de  nager  :  exercice  infiniment  pénible  ,  quand  il  eft  con¬ 
tinue  ,  &  qu on  n’y  eft  pas  fait:  enfin  l’un  d’eux  perdit  une 
partie  de  les  hardes,  qui  lui  furent  volées.  Les  Hurons  avoient 
déjà  dans  1  efprit  des  François  la  réputation  d  etre  hardis  &  ha¬ 
biles  voleurs  ;  ils  ne  font  pas  aujourd’hui  les  feuls;  &  parmi 

^e™eSi’  rCn  CIU1  l  on  a  trouyé  plus  de  défintéreffement  & 
de  ndelite  ,  il  faut  excepter  les  chofes  comeftibles  ;  objet  trop 
tentant  pour  des  Sauvages  toujours  affamés  ,  &  accoûtumés  à 
regai  der  comme  de  droit  commun  tout  ce  qui  eft  nécefiaire  à  la 


De  pareils  préliminaires  netoient  pas  ,  ce femble  ,  capables  de  w- 
faire  augurer  bien  aux  Millionnaires  du  fucoès  de  leur  entrepri-  pî 

A  a  ij 


Première 
Million  fixe 
mi  les  Ha- 


rons. 


i  6  3  A- 


...  HISTOIRE  generale 

f  r  p  elimeux  furent  néanmoins  regardés  d’affezbon  œil  dans 

&  ’tf  «2  SSÈSÆ&CT  a 

,ls  ftSff  3S  SSKKlS»- 1.  er,TVn. 


1-63  5 


Difficultés 

qu’on  rencon-  n^e  ne  furenrpas  coniideraDies  ,  n*/c  r  ii  p0n- 

trc  pour  lu  ‘!  ?  „„  r  Adultes  ,  mais  ils  en  furent  conloles  par  le  non 

converiïon  J*  de  cmqou ^““  4  f  j  éternêl  Æun  grand  nombre 

feïï  ÆÏÏ  immédi.tèm.M  après  aaorr  r«S„  la 

“se  ****  •  <1“  »frs'"S 

prouver  cequon  lui  a  expof  ,  p^  1  *tpar  pure  com- 

haiffent  rien- tant  que  la  dilpute  ,  &  q  P  fouvent 

plaifance  ,  tantôt  en  vue  de  quelque.  -  r .  P ut  s  lesmar- 

encore  par  indolence  &  par  pareffe  ,  ns  donnent  ^ 

ques  d’une  entière  convi&on  fur  des  chofes,  a  q  .f 

pas  fait  là  moindre  attention  ,  ou  qu  ils  n  mu  pas  comp  ^ 

”  On  en  a  vû  fréquenter  nos  Eglifes  pendant  d. 

tieres ,  avec  une  affiduité  ,  une  modeftie,  une  reverence  ex 

rieu-e  &  tout  ce  qui  peut  marquer  un  defir  fincere  de  co 

&  d’embraffer  la  vérité  ,  puis  fe  retirer  en  duant  froidemen^ 

Millionnaire  ,  qui  fe  flattoit  de  1  éfperance  de  les  e  g 
Miino.i  »  1  r  .  «y  ,  n’avois  perfonnepour  prier 

(■(mraaffion  de  tafolkude  /&  j’ai  voulu  te  tenir 


avec  tof,  f ai'eu  compaffion de  tafolkude-,  &  j’ai voulu  te  tenir 

:  si . i Frf»  <1“  ess^xsaSSS. 

à,™  la  choü  rf«  «““‘'“S ï'i,,,,,!.»,,. 


à  qui  la  choie  étoit  arrivée  a  iviiuimna^  •  . 

quelque  part  que  quelques-uns  ayoïent  porte  la 

oitla  complailance ,  juiqu  a  demandei  &  iceev  P.. 


DE  L A  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  189 
&à  remplir  quelque  tems  avec  édification  tous  les  devoirs  du 
Chriftianifine,  enfuite  déclarer  qu’ils  ne  Favoient  fait,  que  pour 
contenter  le  Pere  ,  qui  les  preffoit  de  changer  de  Religion. 

D’autre  part  ce  n’efl:  pas  toujours  une  preuve  que  ces  Barba¬ 
res  ne  font  point  convaincus  des  vérités  ,  qu’on  leur  annonce  * 
quand  ils  refufentde  s’y  foûmettre.  Il  s’en  efl  rencontré  ,  à  qui 
il  ne  refioit  plus  aucun  doute  fur  les  articles  de  notre  Foi  les 
plus  incompréhenfibles  ,  &  qui  en  faifoient  publiquement  Pa- 
fans  vouloir  entendre  à  fe  convertir.  Endurciflement  dé- 


1  6  3  U 


veu 


H 


plorable  ,  mais  dont  on  doit  être  d’autant  moins  furpris  ,  qu’or 
en  voit  tous  les  jours  des  exemples  dans  le  fein  même  du  Chri- 
fiianifme.  Un  Iroquois  étant  au  lit  de  la  mort ,  il  tomba  du  feu 
fur  la  robe,  dont  il  étoit  couvert;  comme  il  vit  qu’on  fe  met- 
toit  en  devoir  de  leteindre  :  «  Ce  n’efi:  pas  la  peine ,  dit-il,  je 
fçai  que  je  dois  brûler  pendant  toute  leternité  ;  commencer  un  “ 
peu  plus  tôt ,  ou  un  peu  plus  tard  ,  cela  ne  vaut  pas  le  foin  ,  que  « 
vous  vous  donnez.  »  D’anciens  Mifiionnaires  m’ont  alfûré  que  « 
ces  traits  de  défefpoir  n’ét oient  pas  aufli  rares  ,  qu’on  pourrait 
naturellement  le  croire.  - 

Mais  ce  ne  fut  pas  fitôt  qu’on  vint  a  bout  d’arracher  de  pareils 
témoignages  en  faveur  de  la  vente  ,  de  la  bouche  meme  de 
ceux  ,  qui  fermoient  les  yeux  à  la  lumière  ,  ni  de  la  faire  triom¬ 
pher  des  préjugés  de  la  naiflance  &  de  ledücation  ,  parmi  des 
Peuples  grofiiers  &  fuperftitieux.  Les  véritables  &  folides  con¬ 
versons  furent  même  lontems  très-rares.  Ce  n’efi:  que  dans  la  pa¬ 
tience  ,  que  le  Sauveur  a  promis  qu’on  recueilleroit  des  fruits 
abondans  de  la  prédication  de  l’Evangile  ,  &  les  Millionnaires 
du  Canada  comprirent  d’abord  combien  cette  vertu  leur  étoit 
néceflaire,  par  les  fréquentes  expériences,  qu’ils  eurent  de  la  du¬ 
plicité  ,  &  des  autres  défauts  des  Peuples  ,  confiés  à  leur  vigi-  - 
lance  &  à  leur  zélé.  • 

Quelques  Hurons  prirent  dans  les  commenceméns  un  parti, 
qui  déconcerta  d’abord  ces  Religieux  :  «  Tu  nous  débites  de  fort  égard, 
belles  chofes ,  dit  l’un  d’eux  au  P.  de  Brebeuf ,  &  il  n’y  a  rien  « 
dans  tout  ce  que  tu  nous  enfeignes ,  qui  ne  puifle  être  vrai  ;  mais  « 
cela'efi:  bon  pour  vous  autres,  qui  êtes  venus  d’au-delà  des  « 
Mers.  Ne  vois-tu  pas  que  puifque  nous  habitons  un  Monde  fi  dif-  * 
férent  du  vôtre  ,  il  doit  y  avoir  aufli  un  autre  Paradis  pour  nous,  « 

&  par  conféquent  un  autre  chemin  pour  y  arriver.  »  Fermes 
fur  ce  principe,  &  n’oppofant  à  tout  ce  qu’on  pouvoit  leur  dire, 
pour  leur  en  faire  toucher  au  doit  l’extravagance  ^  que  des  .  rai-  - 


Efforts  des 
Jongleurs 
pour  empê¬ 
cher  les  pro- 


,9Ô  HISTOIRE  GENERALE' 

-  fonnemens  trop  abfurdes  pour  être  férieufement  réfutés  ,  ils  ne 

1  6  3  5  •  donnoient  aucune  efperance  de  converfion  ,  que  celle  ,  qui  efi 
le  fruit  de  la  confiance  en  Dieu.  C’eft  dans  ces  rencontres  , 
qu’un  Ouvrier  Apoftolique  reconnoît  d’une  maniéré  bienfenfi- 
ble  ,  qu’il  n’appartient  qu’à  celui ,  qui  a  fait  le  cœur  de  1  Hom¬ 
me  ,  de  le  toucher  &  de  le  changer.  Cette  connoiflance  l’humi- 
lie  ,  &  l’humiliation  le  difpofe  à  devenir  un  infiniment  propre 
pour  éxécuter  ces  miracles  de  la  grâce  de  Jesus-Christ. 

Aux  obfiacles  ,qui  naiffoient  du  caraHére  de  ces  Peuples  , 
&  à  ceux,  que  formoient  leurs  pallions  ,  il  s’en  joignoit  d’exté¬ 
rieurs  ,  &  les  plus  difficiles  à  furmonter  étoient  ceux  ,  qu’y  ap- 
grèsdeiaFoy.  portoient  les  Jongleurs.  Ces  Charlatans  ,  qui  craignoient  de 
perdre  la  confideration  ,  ou  les  mettoit  1  exeicice  de  leur  art , 
fi  les  Millionnaires  s’accreditoient  dans  le  Pays ,  entreprirent 
de  les  rendre  odieux  &  méprifables ,  &  ils  n’eurent  pas  dans  ces 
commencemens  beaucoup  de  peine  à  y  réuffir  ;  non-feulement 
parce  qu’ils  avoient  à  faire  à  une  Nation  exceffivement  fuperfii- 
tieufe  &:  ombrageufe  ,  mais  encore  parce  que  plufieurs  s  etoient 
déjà  mis  dans  la  tête  ,  que  la  Religion  des  François  ne  leur  con- 
venoit  point  ',  &  qu  elle  leur  feroit  même  funefie  ,  fi  elle  s’éta-* 

bliffoit  parmi  eux.  _ 

Les  Jongleurs  vinrent  donc  aifément  à  bout  de  rendre  lulpe- 
Hes  toutes  les  démarches  des  Peres  ,  &  furtout  leurs  Prières  , 
qu’ils  faifoient  regarder  comme  des  maléfices  ;  en  forte  que  ces 
Religieux  étoient  obligés  de  fe  cacher  pour  reciter  leur  Office  , 
&  pour  s’acquitter  des  autres  Exercices  de  dévotion.  Si  l’on 
ajoute  à  ces  préjugés  fâcheux  ,  qu’il  s’agifioit  de  reformer  pres¬ 
que  toutes  les  idées  d’un  Peuple  jaloux  de  la  réputation  ,  où  il 
étoit ,  depenfer  mieux  que  les  autres  ,  d’impofer  des  Loix  fe- 
veres  ,  &  des  obligations  étroittes  à  des  Hommes ,  qui  mettaient 
leur  gloire  ,  &  faifoient  confifier  leur  bonheur  à  n’être  gênés 
fur  rien  :  Si  l’on  fe  repréfente  tout  ce  que  le  libertinage  du  cœur  , 
fi  difficile  à  réprimer  ,  quand  il  n’a  jamais  eu  de  frein  ,  oppofoit 
aux  faintes  maximes  du  Chrifiianifme  dans  des  Barbares  ,  qui 
ne  connoiffoient  point  d’autres  régies  ,  que  celles  d’une  raifon 
corrompue  ,  &  d  une  nature  accoûtumée  à  fuivre  toutes  fes  in¬ 
clinations,  on  comprendra  en  quelle  fituation  fe  trouvèrent 
trois  Etrangers  ,  aufquels  des  Hommes  ,  tels  que  je  viens  de  les 
dépeindre,  commençoient  déjà  d’imputer  tous  leurs  malheurs. 

11  eft  vrai  que  les  Hurons  fe  trouvoient  alors  dans  une  fitua¬ 
tion  bien  trifie  ;  car  non  -  feulement  cette  Nation  ,  autrefois  û 


Autres  diffi¬ 
cultés. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  i<pi 

fiorifiante  ,  &  qui  depuis  un  tems  infini  avoit  toujours  été  re¬ 
gardée  comme  la  MaîtrefTe  des  autres  ,  n’ofoitprefque  plus  tenir 
en  campagne  devant  les  Iroquois  ;  mais  elle  était  encore  en 
proye  aux  maladies ,  qui  ache.voient  de  la  dépeupler.  Avec  des 
écrits  bienfaits  ,  &  capables  de  fe  mettre  au-defTus  des  préju¬ 
ges  ,  rien  n’eût  été  plus  aifé ,  que  de  profiter  de  l’excès  de  leurs 
malheurs,  pour  les  faire  recourir  à  l’Auteur  de  tous  les  biens  • 
mais  perfuadés  que  la  préfence  des  Millionnaires  avoit  mis  le 
comble  à  leurs  maux  ,  à  tout  ce  qu’on  leur  difoit  pour  les  con¬ 
vaincre  de  la  fupériorité  du  Dieu  des  Chrétiens  fur  les  Efprits 
qu’ils  adoroient ,  «  Chaque  Nation  ,  répondoient  -  ils  ,  a  fes 
Dieux  ,  notre  malheur  eft  d’en  avoir  ,  qui  foient  plus  foibles  , 

que  le  vôtre ,  &  qui  ne  puiflent  l’empêcher  de  nous  détrui¬ 
re.  » 

Pour  guérir  fur  cela  leur  imagination,  pendant  une  féche- 
reffe  ,  qui  menaçoit  le  Pays  d’une  famine  univerfelle ,  le  P  de 
Brebeul  s’adreffa  au  Ciel ,  &  fa  Priere  fut  fuivie  d’une  pluy  e 
abondante  ;  il  fit  la  même  chofe  en  une  autre  occafion ,  &  avec 
le  même  fuccès  :  &  ces  merveilles  firent  cefferpour  quelque 
tems  les  murmures.  Le  grand  nombre  d’Enfans  moribonds  , 
qu  on  avoit  vû  baptifer ,  &  mourir  immédiatement  après  ,  avoit 
encore  donné  lieu  à  ces  pauvres  Aveugles  de  juger  que  le  Bap¬ 
tême  etoit  un  fort ,  que  ces  Peres  jettoient  pour  faire  mourir 
les  Lnrans  ;  mais  il  arriva  que  quelques  Malades,  dont  on  n’efpe- 
r°it  Plus  rien,  recouvrèrent  une  fanté  parfaite  au  moment  qu’ils 
reçurent  le  Sacrement  de  la  régénération  ,  &  ces  guérifons  inef- 
perees  firent  revenir  les  mieux  difpofés  ,  mais  pour  peu  de 
tems  ;  l  impreffion  ,  que  faifoient  fur  leurs  efprits  des  évene- 

mens  fi  merveilleux ,  s’effaçoit  bientôt ,  &  c’étoit  toujours  à  re¬ 
commencer.  > 

,  Quelquefois  l'ignorance  profonde  de  ces  Barbares,  qui  leur 
ai  oit  li  Couvent  attribuer  à  des  caufes  furnaturelles  ,  bien  des 
c  10  es  ,  ou  il  n  y  avoit  rien  ,  qui  paffât  les  forces  de  la  nature  , 
les  jettoit  dans  une  extrémité  oppofée  ,  comme  il  arrive  à  ceux  , 
que  la  crainte  de  paffer  pour  trop  crédules  ,  précipite  dans  une 
încie  ai  ite,  que  la  raifon  même  défavouë  ;  mais  ces  retours 
c  un  elpnt ,  qui  fe  met  â  contretems  &  fans  régie  certaine  en 
ga/ c  e  contre  la  Religion  ,  étoient  affez  rares  parmi  un  Peuple 
qui  s  occupe  tres-peu  de  ce  qui  ne  frappe  pas  les  fens  ,  &  ce- 

les  Vmb  u  r  V&'lesU  S  d£  j*  cr^ulité .  naifîbient 

tes  unnam-s  c*.  tes  inquiétudes  des  Ouvriers  Apoftoliques. 


1  6}  5- 


« 

<4 

Merveilles 
opérées,  & 
leurs  effets^ 


E  R  A  L  E 


535-36. 


Conduite 

:s  Million* 


je  qui  fepaf- 
dans  un 
ojifeii. 


nuuv.cai*  **  11  Pim  ne  lie  Cx  ion  tut  meme  uuug 

moindres  Ornemens  d  .P  „  ’  Girouette ,  dont  Tune  . 

de  faire  difparoitre  une  Pendu  &  l’autre  leur 

difoient  ces  Barbares ,  le«r  apportât  ^  ’  Ue  fans  dou_ 

donnoit  toujours  le  mauvais  '  •  que  l’eearement  qui  en¬ 
te  ,  mais  moins  criminel  devant  Dieu  que' itg  &  .'i  d  . 

traîne  tant  de  faux  Sçavans.  “  d(inués  de  toutes! 

l’ignorance  ,  qui  y  entrain  moven  defquelles  ils  au- 

les  connoiffances  nature  e  ,  p '  _  ;  reconnoître  l’Au- 

roient  pu  s’élever  avec  la  grâce  de  J-  C.  a  recon 

teur  de  la  Nature.  ,  ,  trois  Religieux 

La  fermeté  &  la  grandeur  d ame  ,  dont  les  no  ^  ^ 

donnèrent  de  grandes  preuves  au  mi  1  d  P  d  ùfoient  pour 
vironnoient  ;  les  ra ifonnemens  fenfibk  ,  “X°ationsP  na. 
fe  mettre  à  la  portée  de  leurs  ce  qu’ils  voyoieJ 

turelles  &  palpables ,  qu  ils  onno'  ^  patience  ,  avec 

leur  caufer  le  moindre  foupçon ,  &  11  P  effacèrent 

laquelle  ils  enduraient  les  plus  indignes  tmtteme  . 
avec  le  tems  les  împreffions  fîniitres  ,  q  .  '  emieres  fut 

ily  alla ,  &  y  fut  reçu  de  maniéré  a 1m  les  mU , 

étoit  refoluë.  On  commença  p  P.  ,  ^ans  \Q  pays,  & 

que  fouffroit  la  Nation  depuis  ne  vouvoient 

on  fe  mit  en  devoir  de  lui  prouver  que  c«  ^"^Compa- 
avoir  d’autre caufe  ,  que  fes  maléfices ,  -  .  ,  du  péril, 

■  gnons.  Le  Serviteur  de  Dieu  ff.s  P^"?  f^ïéraux^e  là 
où  il  fe  trouvoit ,  expofa  d  abord  p  P  (féaux  dont  ilf 
Doctrine  Chrétienne  :  .1  prouva  être  des 

étoient  accablés dejiuisxjuelque teins,  po  ceDieu, 

coups  de  la  Juftice  du  Dieu ,  qu te  défordres ,  qui 
qui  étoit  la  Sainteté  même ,  puniffoit  P"  ‘  loire  il  fe 

S  étoient  introduits  parmi  eux  ,  q  J  dç  rec0nnoî- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lnr.  V.  193 

tfe  pour  leur  Créateur  ,  &  leur  Souverain  Seigneur. 

Quelques-uns  voulurent  lui  répliquer  ,  mais  il  leur  ferma  la 
bouche  ,  en  leur  faifant  comprendre  l’abfurdité de  leurs  princi¬ 
pes.  Il  reprit  enfuite  fon  difcours  ,  &  dit  qu’avant  qu’on  leur  eût 
annoncé  Jesus-Christ  ,  leur  infidélité  pouvoit  avoir  quelque 
forte  d’excufe  ;  mais  que  puifqu’ils  ne  pouvoient  plus  pré¬ 
texter  leur  ignorance  ,  ils  feroient  inexcufables  ,  s’ils  perfiftoient 
dans  leur  obfiination  :  Que  jufques-là  ce  Dieu  auiïi  bon  que 
jufte ,  les  avoit  châtiés  en  Pere  ;  qu’il  fe  lafferoit  peut-être  bien- 
&  prendroit  une  verge  de  fer  ,  qui  les  écraferoit.  Alors 


1635-36. 


tôt 


« 

« 

Nouvelle 
perfécution  , 
ui  s’appaife 


plusieurs  le  prièrent  de  les  inftruire  :  il  le  fit ,  &  parla  afiez  lon- 
tems.  On  parut  l’écouter  avec  plaifir  ,  fans  que  néanmoins  per- 
fonne  fe  déclarât.  Comme  il  fortoit  de  la  Cabanne  ,  il  fut  bien 
furpris  de  voir  tomber  mort  à  fes  pieds  d’un  coup  de  hache  un 
de  ceux  ,  qui  en  toutes  rencontres  s’étoient  plus  ouvertement 
déclarés  contre  la  Religion  Chrétienne  :  il  crut  que  c’étoit  à 
lui ,  qu’on  en  avoit  voulu ,  il  s’arrêta  ,  &  demanda  fi  on  ne  s’é- 
toit  point  mépris  ?  «  Non ,  répondit  celui ,  qui  avoit  fait  ‘le 
coup  ,  ce  Malheureux  étoit  un  Sorcier  ,  dont  on  a  jugé  à  pro¬ 
pos  de  délivrer  le  Village.  »  ° 

Quelque  tems  après  les  vexations  recommencèrent  avec  plus 
de  fureur  que  jamais,  &  ce  renouvellement  de  perfécution  -uis>a 
fut  caufé  par  quelques  Sauvages  ,  qui  revenoient  des  environs  labord! 
de  Manhatte.  Ils  publièrent  que  les  Européens  (a)  établis 
dans  ces  quartiers-là  les  avoient  avertis  de  fe  garder  des  Reli¬ 
gieux  François  ,  que  c’étoit  des  Hommes  pernicieux  ,  qui  por- 
toient  par  tout  le  trouble  &  la  défolation  ,  &  que  pour  cette 
raifon  on  ne  les  fouffroit  point  en  Hollande.  Mais  cet  orage 
ne  dura  point ,  les  plus  fages  d’entre  les  Hurons  ,  qui  avoient 
commence  a  ouvrir  les  yeux  ,  firent  obferver  que  dans  une  af¬ 
faire  de  cette  importance  ,  il  ne  falloir  s’en  rapporter  qu  a  foi- 
même  ;  que  la  prudence  demandoit  qu’on  examinât  le  cara- 
ftere  &  les  démarchés  de  ceux  ,  dont  on  leur  difoit  tant  de  mal , 

&  en  qui  après  tout  on  n’ avoit  encore  rien  remarqué  ,  qui  r ef- 
femblât  au  portrait  odieux  ,  qu’en  faifoient  des  Etrangers ,  qui 
pouvoient  être  leurs  Ennemis. 

Mais  ce  qui  plus  que  toute  autre  chofe  ,  donna  lieu  de  juger  parole  $c 
que  le  jour  des  mifencordes  approchoit  pour  la  Nation  Huron-  menceffrL 
ne  ,  c  eft  que  les  affligions  ,  qui  jufques-là  avoient  été  pour  elle  dlifier  parmi 
un  lujet  de  fcandale ,  commencèrent  à  les  difpofer  aux  impref- les  Hurons* 

^  a  )  Les  Hollandois. 

Tome  L  g  jj 


■Pourquoi  on 
différé  le  Bap¬ 
tême  de  quel¬ 
ques  Chefs, 


104  HISTOIRE  GENERA  L  E 

— - 7“  fions  de  la  Grâce.  Si  rien  ne  prouve  mieux  la :  divinité  ,  que  ce- 

l03  5-3â-  „ouvoir  quelle  a  de  fe  faire  reconnoitre  dans  ladverfite  , 
Lux  qui  prêchent  la  Foy  aux  Infidèles ,  n’ont  point  de  marque 
plus  ferffi&e  ,  que  Dieffa  pris  poffeffion  de  leur  cœur  que 

quand  il  les  attire  à  foi  par  la  voye  des  tnb^lo“’leLur  Pfoe- 
fentimens  des  Millionnaires  fe  trouvèrent  miles ,  Sc  leurs  elpe 
ranc”  bien  fondées.  Plufieurs  Chefs  des  p  us  œnfideres  dans- 
la  Nation  fe  déclarèrent  pour  la  Religion  Chrétienne  ,  &  de¬ 
mandèrent  le  Baptême  avec  de  grandes  . nftances  Mais  quelque 
avantage  qu’il  y  eût  à  efperer  de  pareilles  conquêtes^,  les  re  e 
ne  crurent  pas^qu’il  convînt  d’accorder  ù  alternent  a  ces  nou¬ 
veaux  Prolelites  ce  qu’ils  fouhaitoient.  Plus  ils  etoient  capa  es 
de  contribuer  par  leur  crédit  à  la  converfion  des  autres ,  plus 
on  eCa  néceiTaire  de  les  éprouver  ,  &  de  s’affûter  de  leur 

"(fn  sSolima  furioui  à  I«>  bi.n  in/tmre  ,  afin  it  ks  mètre 
«„Ϋ  ïïtte  mifon  it  I-  Foy  ,  &  de  rdP«d,e  aux  d, - 
Acuités  qu’on  pourroitleur  faire- Car  il  ne  fautpas  s  imag 
ner  que  les  Millionnaires  n’ayent  eu  à  combattre  dans  les  Sau^ 
vages  que  leur  brutalité ,  &  de  ridicules  préjugés-  (^uand 
ces8Peùp?es  n’auroient  pas  tout  le  fond  d’efpnt  &  de  bon  fens , 
que  leur  ont  trouvé  ceux  qui  les  ont  le  plus  pratique  1  ex- 
•nérience  de  tous  les  tems  &  de  tous  les  Pays  a  fait  voir  ,  qu 
comme  les  Hommes  les  plus  foibles  trouvent  des  £ 

néceffité  oreffante  de  défendre  leur  vie  contre  un  mjuite  Ag 
greffSr  5e  «Le  les  efpnts  les  moins  pénétrans £  manquant 
ïamais  de  raifons  fpécieufes ,  pour  fe  difpenfer  de  fe  rend , 
quand  il  s’agit  de  recevoir  une  Doârme  ,  contre  laquelle  tout 
Surs  paS  fe  révoltent.  Auffi  ai  -  je  fouvent  oui  d’ancien 
Millionnaires  affûrer,  que  des  Sauvages  leur  ^voient  propo 
tout  ce  que  les  plus  fçavans  d’entre  les  ' Grecs  &  les  Roman» 
avoient  objefté aux  premiers  Apologiftes  du  Chriftiamfme. 

Mais  trois  chofes  furtout  fervirent  infiniment  a  fane  rev 
nir  les  Hurons  de  leurs  préjugés,  &  à  les  prémunir  corme  b 

féduftion ,  qui  les  avoit  fi  lontems  retenus  dans  .  , 

firent  en  premier  lieu  des  reflexions  tres-fol.des  fur J* 
de  la  Religion  ,  quon  leur  nrechoit ,  &  fur  la  pureté  '  iiner 
raie.  On  Fut  extrêmement  furpns  de  les  entendre  F ’  d 

forces  deux  points  en  Hommes. ,  a  qui  rien  n  avoit  echape rê 
maximes  &  des  principes  du  Chnftiamfme  ,  &.  qu  P 
noient  fort  bien  la  liaifon  de  ces  principes ,  avec  es  ff 


Ce  qui  rend 
ee  Peuple  plus 
docile- 


II 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  195 

ces,  qu’en  tiraient  leurs  InffruReurs.  En  fécond  lieu,  ils  conçu-  77 - 7 

rent  bientôt  une  haute  idée  de  ces  Religieux  ;  ils  ne  fe  laffoient  1  ^“3° 
point  d’admirer  leur  capacité  ,  leur  prudence  ,  la  juffeffe  &  la 
Force  de  leurs  raifonnemens.  Les  grands  exemples  de  vertu  , 
qu’ils  leur  voyoient  pratiquer  ,  faifoient  encore  plus  d’impref- 
fion  fur  eux  ;  ils  étoient  fürtout  frappés  de  leur  courage  ,  de 
1  leur  défintéreffement ,  &  du  mépris  ,  qu’ils  faifoient  de  la  vie  : 

1  '&  il  ne  leur  paroiffoit  pas  raifonnable  de  croire  que  de  tels 
Hommes  fe  trompaient  fur  le  fait  de  la  Religion. 

P  En  troifiéme  lieu ,  ils  convenoient  qu’il  falloit  avoir  perdu  le 
fens  , ,  pour  s’imaginer  que  des  Perfonnes  ,  qui  n’avoient  aucun 
intérêt  a  les  engager  dans  1  erreur  ,  euffent  voulu  ,  uniquement 
à  ce  deffein  ,  entreprendre  de  fi  longs  voyages ,  courir  tant  de 
rifques  ,  s’expoier  à  tant  de  fatigues  ,  s’exiler  fi  loin  de  leurs 
Amis  &  de  leurs  Proches  ,  pour  paffer  leur  vie  avec  des  incon¬ 
nus ,  &  y  demeurer  malgré  le  mauvais  accueil  ,  qu’ils1  en 
avoient  reçu  ,  &  la  maniéré  ,  dont  ils  continuoient  d’en  être 
traittes.  Ces  reflexions ,  qui  n’etoient  d’abord  faites  que  par  un 
petit  nombre  de  Particuliers  ,  moins  attachés  à  leurs  préven¬ 
tions  ,  fe  communiquèrent  bientôt  à  la  multitude  ,  &  changè¬ 
rent  tout  a  coup  la  face  des  chofes  ;  mais  les  Millionnaires 
avoient  encore  une  raifon  d  aller  bride  en  main  avec  ce  Peu¬ 
ple  5  &  de  ne  pas  recevoir  au  nombre  des  Néophites  tous  ceux 
qui  fe  préfentoient. 

C  etoit  la  difficulté  ,  qu  ils  avoient  rencontrée  dans  la  plû-  Us  portent 
part ,  a  renoncer  a  quantité  de  pratiques  ,  indifférentes  en  elles-  ?n  P^u  noP  , 
mêmes,  mais  qu  ils  foupçonnoient  n’être  pas  exemptes  de  fu-  cautions!5  plt~ 
peiffition.  Ces  Sauvages  avoient  beau  leur  proteffer  qu’ils  n’y 
rcconnoiffoient  rien  de  furnaturel ,  tout  leur  paroiffoit  fufpeêf 
de  la  part  d’une  Nation  diffimulée  ,  &  portée  par  un  penchant 
prefqu  invincible  a  tout  attribuer  aux  Genies.  Après  tout ,  quel¬ 
que  louables ,  que  foit  en  cette  matière  la  défiance  &  l’exaêli- 
:  tude  ,  elles  11e  doivent  pas  être  exceffives  ;  quelques  -  uns 
!  f51111  avo^  dans  la  fuite  qu’ils  les  avoient  portées  un  peu  plus 

loin  9  quil  ne  convenoit ,  &  que  par-là  ils  avoient  retardé  l’œu¬ 
vre  de  Dieu. 

Ce  que  I  on  faifoit  dans  le  Pays  des  Hurons  pour  y  établir  la  ^fel'eipc*- 
’ (H1  du  moins  pour  y  préparer  les  cœurs  de  ces  Sauvages ,  aun-^Na! 
on  le  railoit  aux  Trois  Rivières  ,  qui  commençoient  à  être  tions* 

1  abord  des  Nations  Septentrionnales  ,  au  voifinage  de  Que- 
bec  ,  &  à  Tadouffac  ,  pour  attirer  dans  le  fein  de  l’Eglife  les 

Bb  ij 


Progrès  delà 
Hfligion. 


r  histoire  generale 

*9  .  ipcMonfa^nez  &  généralement  tous  ceux  ,  avec 

1635 -}6.  ouf^François  faifoient  quelque  commerce.  Les  difficultés 
? 0  nrefau’éeales  par  tout  dans  les  commencemens  ,  mais 

a.ffemi  es  Sn  les  düer-s  carafleres  des  Peuples  ,  qu’on  avo* 
ent  pr'd’mftruire.  Beaucoup  de  fuperftition  dans  les  uns  & 
dans  les  autres  ;  ici  plus  de  groffiereté  ,  mais  plus  degia- 

té;  plus 

«**  °S  >£ 

coup^moms  à  combattre  po^r  perfuader  ces  demie»  mais  on 

£  Aues  mois  ruin01t 

SSSSie 

té^&  mo^^de6  difpofidon  auiT  1 

Ür { ki  à ÆkS  jT4|fc 

fieursde  ceux ,  dont  elle  fe  ferv.t  pour  opererde  fi  merveille 

fondation  du  ^cfpendânt la  Nouvelle  France  fe  peuploit  de :  jour  en  jour. 
College  de  &  ia  ‘  ieté  v  croiffoit  avec  le  nombre  de  fes  Habitans.  Rien. 
Qucb£C>  SS  ne  contribua  davantage  à  cet  heureux  progrès 

çi  £»-  ,+r  *rrrt&  5«  ire 

1 6t  <  Dix  ans  auparavant ,  c  elFa-dire ,  dans  le  tems ,  que 
Je! uit'es  pafferent  en.  Canada  pour  ^première  fo£,  ^ 

t  ^  fpç  Parens  ,  qui  1  aimoient  avec  tendrelle  ,  oc  qu  y 

prirent’de  lui-même  qu’il  fouhaittoit  avec 
dât  un  College  à  Quebec ,  voulurent  encore  lui  don 

{a)  Yoyez  le  Journal. 


leux: 


DË  LANOUVELLE  FRANCE.  Lir.  V.  197 
fatisfa&ion.  Ils  en  écrivirent  au  P.  Mutio  Vitelleski  ,  Géné¬ 
ral  des  Jefuites  ,  &  lui  offrirent  fix  mille  écus  d’or  pour  cette 
Fondation.  Le  prefent  fut  accepté  avec  reconnoiffance  ,  mais 
la  prife  de  Quebec  par  les  Anglois  fufpendit  l’exécution  de  ce 
projet.- 

Il  fallut  enfuite  attendre  quelque  tems  que  la  Capitale  eût  pris 
quelque  forme  ,  &  que  les  Habitans  fuffent  en  état  de  profi¬ 
ter  de  ce  fecours.  Enfin  l’affaire  fut  commencée  au  mois  de 
Décembre  1635.  mais  la  joye,  qu’on  en  reffentit,  fut  bientôt 
troublée  par  la  perte  ,  que  fit  peu  de  jours  après  la  Colonie 
Françoife  de  fon  Gouverneur.  Il  mourut  à  Quebec  vers  la  fin 
de  cette  même  année  ,  généralement  regretté  ,  &  avec  raifon. 
M.  de  Champlain  fut  fans  contredit  un  Homme  de  mérite  ,  & 

S  eut  être  à  bon  titre  appellé  le  Pere  de  la  Nouvelle  France. 

avoit  un  grand  feus ,  beaucoup  de  pénétration  ,  des  vûè's 
fort  droittes  ,  &  perfonne  ne  fçut  jamais  mieux  prendre  fon 
parti  dans  les  affaires  les  plus  épineufes.  Ce  qu’on  admira  le 
plus  en  lui ,  ce  fut  fa  confiance  à  fuivre  fes  entreprifes  ,  fa  fer¬ 
meté  dans  les  plus  grands  dangers  .  un  courage  à  l’épreuve  des 
contretems  les  plus  imprévus ,  un  zélé  ardent  &  défintéreffé 
pour  la  Patrie  ,  un  cœur  tendre  &  compatiffant  pour  les  Mal¬ 
heureux  ,  &  plus  attentif  aux  intérêts  de  fes  amis  r  qu’aux  fiens 
propres ,  &  un  grandfond  d’honneur  &  de  probité.  On  voit  en 
lifant  fes  Mémoires  ,  qu’il  n’ignoroit  rien  de  ce  que  doit  fça- 
voir  un  Homme  de  fa  profefiion  :  on  y  trouve  un  Hifiorien  fi¬ 
dèle  &  fincere  ,  un  Voyageur ,  qui  obferve  tout  avec  atten¬ 
tion  ,  un  Ecrivain  judicieux  r  un  bon  Géomètre ,  &  un  habile 
Homme  de  Mer. 

Mais  ce  qui  met  le  comble  à  tant  de  bonnes  qualités  ,  c’efi 
que  dans  fa  conduite ,  comme  dans  fes  Ecrits  ,  il  parut  toujours 
un  Homme  véritablement  Chrétien  ,  zélé  pour  le  fervice  de 
Dieu  ,  plein  de  candeur  &  de  Religion.  Il  avoit  accoûtumé  de 
dire  ,  ce  qu’on  lit  dans  fes  Mémoires  ,  «  Que  le  falut  d’une  feule 
Ame,  valoit  mieux  que  la  conquête  d’un  Empire,  &  que  les  Rois 
ne  doivent  fonger  à  étendre  leur  Domination  dans  les  Pays  5 
où  régné  l’Idolâtrie  ,  que  pour  les  foûmettre  à  Jesüs-Christ.  „ 
Il  parloit  ainfi  furtout  pour  fermer  la  bouche  à  ceux  *  qui  pré¬ 
venus  mal-à-propos  contre  le  Canada,  demandoient  de  quelle 
utilité  feroit  à  la  France  ,  d’y  faire  un  Etabliffement  ?  On  fçait 
que  nos  Rois  ont  toujours  parlé  comme  lui  fur  cet  article  & 
que  la  converfion  des  Sauvages  a  été  le  principal  motif,  qui  les 


1 63  5-36. 


y  Premier  effet 
de  cette  foa- 
dation. 


<f 

« 

« 


ï9g  histoire  generale 

— - 7-  a  plus  d’une  fois  empêché  d’abandonner  une  Colonie  ,  dont 

631~36-  notre  impatience ,  notre  inconftance,  &  l’aveugle  cupidité  de 
quelques  Particuliers,  ont  fi  lontems  retarde  le  progrès.  Il  ne 
manqua  à  M.  de  Champlain  ,  pour  lui  donner  des  fondemens 
plus  lolides  ,  que  d’être  plus  écoute  de  ceux  ,  qui  le  mettoient 
en  oeuvre  ,  &  d’être  fecouru  a  propos.  La  maniéré  ,  dont  il 
vouloit  s’y  prendre  ,  n’a  été  que  trop  juffifiee  par  le  peu  de  fuc- 
cès  ,  qu’ont  eu  des  maximes  &  une  conduite  contraires. 

Lelcarbot  lui  a  reproché  d’avoir  été  trop  credule  ;  c’eft  le  dé¬ 
faut  des  âmes  droittes ,  &  on  ne  fçauroit  en  effet  lui  paffer  ce 
qu’il  dit  du  Gourou  ,  &  de  la  figure  monftrueufe  des  Sauvages 
Armouchlquois.  il  avoit  été  trompé  par  un  Malouin,  nommé  Pre- 
VERT,  lequelprenoit  fou  vent  plaifir  a  inventer  de  pareils  contes, 
qu’il  débitoit  avec  beaucoup  d’affûrance  ;  comme  quand  il  pro- 
tefta  un  jour  en  préfence  de  M.  de  Poutrincourt  qu  il  avoit  vû 
un  Sauvage  jouer  à  la  croffe  avec  le  diable.  On  lui  demanda 
de  quelle  figure  étoit  ce  diable  ,  &  il  répondit  quil  nen  avoit 
vû  que  la  croffe,  qui  paroiffoit  maniée  par  une  main  invifible. 
Champlain  ne  pouvoit  pas  comprendre  qu  un  Homme  ,  qui 
n’ avoit  aucun  intérêt  à  mentir  ,  le  fît  de  gay  ete  de  coeur  ,  oc 
crut  de  bonne  foi  tout  ce  que  lui  difoit  Prevert.  Dans  1  împof- 
fibilité  d’être  fans  défaut ,  il  eff  beau  de  n’avoir  que  ceux  ,  qui 
feroient  des  vertus  ,  fi  tous  les  Hommes  etoient  ce  qu  ils  doi¬ 
vent  être.  T  /•  •  rcc 

Pour  revenir  au  College  de  Quebec  ,  les  Jeiuites  ne  dniere- 

rent  pointa  remplir  les  obligations,  quils  venoient  de  con¬ 
tracter  ,  en  acceptant  cette  Fondation.  Ils  en  comprenoient 
toute  l’importance  ,  &  rien  en  effet  ne  pouvoit  venir  plus  à 
propos  pour  l’avancement  de  la  Colonie.  Quantité  de  Fran¬ 
çois  allurés  de  pouvoir  procurer  a  leurs  En  fans  une  éduca¬ 
tion  ,  qu’on  ne  trouvoit  pas  alors  dans  bien  de  Villes  du  Royau¬ 
me  ,  fe  fixèrent  dans  la  Nouvelle  France  ,  &  les  Sauvages  ,  auf- 
quels  on  eut  foin  de  faire  envifager  futilité ,  qui  pouvoit  leur 
revenir  d’un  tel  Etabliffément ,  le  rendirent  de  toutes  parts  en 
grand  nombre  aux  environs  de  Quebec.  _ 

Comme  on  ne  manquoit  jamais  ,  quand  ils  venoient  au  Col¬ 
lege  ,  de  les  bien  regaler ,  en  leur  donnant  la  nourriture  du 
corps  ,  on  les  rendoit  dociles  pour  recevoir  celle  de  lame  ,  oc 
quelques-uns  confièrent  avec  joye  leurs  Enfans  à  des  Perfon- 
nes  ,  qui  vouloient  bien  fe  charger  de  les  nourrir  &  delesele- 
yer.  Par  ce  moyen  on  les  apprivoifoit  de  plus  en  plus ,  oc  & 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V,  199 

me  fur  e  qu’ils  s’attachoient  d’affe&ion  à  la  Nation  Françoife  ,  on 
les  trouvoit  mieux  difpofés  à  devenir  de  bons  Chrétiens.  Il  eft 
hors  de  doute  que,  fi  on  avoit  pu  entretenir  toujours  dans  cette 
Maifon  un  certain  nombre  d’Enfens  Sauvages  ,  les  progrès  du 
Chriftianifme  auroient  été  plus  prompts  &  plus  durables  parmi 
ces  Peuples  ;  mais  outre  que  les  fonds  n’étoient  pas  fuffifans 
pour  foûtenir  cette  bonne  œuvre  ,  on  y  rencontra  dans  la  fuite 
d’autres  difficultés ,  qu’il  ne  fut  pas  poffible  de  vaincre  ,  &  dont 
je  parlerai  tout  à  l’heure. 

Les  bons  exemples  de  ceux  ,  en  qui  ils  ne  manquent  jamais 
d’être  efficaces  ,  quand  ils  font  accompagnés  de  fageffe  &  de 
force  ,  aidèrent  auffi  beaucoup  à  former  dans  cette  nouvelle 
Peuplade  de  véritables  Fidèles.  M.  de  Montmagny  ,  qui  fuc- 
céda  à  M.  de  Champlain  dans  le  Gouvernement  du  Canada  , 
&M.  de  Lisle  ,  qui  commandoit  aux  Trois  Rivières,  tous 
deux  Chevaliers  de  Malte  ,  faifoient  hautement  profeffion 
d’une  pieté  ,  qui  convenoit  à  leur  Etat ,  &  montraient  pour 
le  bon  ordre  un  zélé  ,  dont  leur  fermeté  &  leur  exaftitude  af- 
fûroient  le  fuccès.  Le  Service  divin  fe  célébrait  avec  décence  , 
&  avec  toute  la  pompe  ,  que  permettoit  la  pauvreté  des  Habi- 
tans  ;  mais  la  pieté  &  la  modeftie  font  les  vrais  ornemens  des 
Temples  d’un  Dieu  ,  qui  n’eft  jaloux  que  d’être  adoré  en  efprit 
&  en  vérité  ;  &  ces  vertus  regnoient  avec  éclat  parmi  les  nou¬ 
veaux  Colons. 

Un  des  premiers  foins  du  Chevalier  de  Montmagny  ,  quand 
il  eut  pris  connoiffance  des  affaires  de  fon  Gouvernement  , 
fut  de  mettre  en  régie  le  Séminaire  ,  qu’on  avoit  projetté  l’an¬ 
née  précédente  ,  pour  les  Enfans  des  Sauvages  ,  dans  le  Colle¬ 
ge  des  Jefuites;  &  on  crut  devoir  commencer  par  ceux  des 
Hurons  ,  dont  plufieurs  Familles  venoient  d’embraffer  le  Chri¬ 
ftianifme.  On  jugea  d’ailleurs  que  ce  feroit  autant  d’otages  ,  qui 
répondraient  de  la  fidelité  de  leurs  Parens  :  on  invita  donc  les 
Hurons  Chrétiens  à  envoyer  leurs  Enfans  à  Quebec,  pour  y  être 
inftruits  des  principes  de  la  Religion  ,  &  formés  aux  bonnes 
mœurs  :  iis  ne  firent  d’abord  aucune  difficulté  ,  ils  promirent 
tout  ;  mais  quand  il  fut  queftion  d’exécuter  leurs  promeffes  , 
d  un  allez  grand  nombre  d’Enfans  ,  fur  lefquels  on  avoit  com¬ 
pte,  à  peine  le  P .  Daniel  ,  qui  s’étoit  chargé  de  les  conduire ,  en 
put  embarquer  trois  ou  quatre  ,  dont  les  parens  étoient  ab- 
fens  :  encore  11e  put-il  les  mener  que  jufqu’aux  Trois  Rivières 
où  leurs  Peres  les  ayant  rencontrés  ,  les  lui  enlevèrent  %  quoi- 


1636, 


t 


M.  de  Mont» 
magny  Gou¬ 
verneur  de  iü 
Nouvelle 
France. 


Projet  cfua 
Séminaire 
pour  les  En¬ 
fans  des  Sau¬ 
vages. 


1,  ■■■■— Il 

i  6  3^6. 


Grand  nom¬ 
bre  de  Mif- 
fionnaiçes 
chez  les  Hu¬ 
ions» 


la  Colonie 
languit. 


mo  HISTOIRE  GENERALE 
qu’ils  eufient  confenti  a  leur  voyage.  Cette  conduite  au  reflo 
ne  furprit  point  le  Millionnaire  ,  qui  eonnoiffoit  déjà  rattache¬ 
ment  extrême  de  ces  Barbares  pour  leurs  Enfans  ,  &  leur  ré¬ 
pugnance  invincible  à  s’en  féparer.  s 

Le  P.  Daniel  étoit  trop  près  de  Québec  ,  pour  ny  pas  taire 
un  tour  ,  avant  que  de  reprendre  le  chemin  de  fa  Million  ,  oc 
une  Lettre  du  P.  le  Jeune  nous  le  repréfente  arrivant  au  Port 
dans  un  Canot ,  l’aviron  à  la  main,  accompagné  de  trois  ou 
quatre  Sauvages  ,  les  pieds  nuds  ,  epuife  de  forces  ,  Ion  Bie- 
viaire  pendu  à  fon  cou ,  une  ehemife  pourrie  ,  &  une  fauta- 
ne  toute  déchirée  fur  fon  corps  décharné  ;  mais  avec  un  vilage 
content ,  charmé  de  la  vie  ,  qu’il  menoit ,  &  infpirant  par  Ion 
air  &  par  fes  difeours  l’envie  d’aller  .partager,  avec  lui  des 
croix,  aufquelles  le  Seigneur  attachoit  tant  d onêlion.  Plu- 
fieurs  y  furent  en  effet,  &  avant  la  fin  de  cette  année  1636. 
on  comptoir  déjà  fix  Prêtres  difperfés  dans  les  differentes  Bour¬ 
gades  Huronnes  ,  où  plufieurs  François  les  avoient ,  luivis. 

L’occafion  étoit  favorable  pour  faire  dans  ce  Pays  un  bon 
Etabliffement  ;  l’intérêt  des  Sauvages  ,  &  celui  des  François  le 
demandoient  également  :  M.  de  Champlain  n  avoit  rien  eu  tant 
à  cœur ,  &  M.  le  Chevalier  de  Montmagny ,  fur  cela  ,  comme 
fur  tout  le  refie  ,  étoit  entré  dans  toutes  les  vues  defonPrede- 
ceffeur  ;  mais  il  manquoit  d’Hommes  &  de  finances.  Excepte 
le  commerce  des  Pelleteries  y  qui  alloit  affez  bien  ,  mais  qui 
n’enrichiffoit  guère  que  les  Traittans  ,  &  un  petit  nombre  de 
Colons  ,  tout  languiffoit  faute  de  fecours  :  de  forte  que  les  r  a¬ 
fles  de  la  Nouvelle  France  ,  pendant  ces  premières  années  ,  ne* 
parlent  prefque  que  des  travaux  Apofloliques  des  Millionnai¬ 
res  parmi  les  Sauvages  ,  dont  ils  rapportent  un  detail  bien 
édifiant  ;  il  fut  alors  extrêmement  goûté  en  France ,  mais  il  trou¬ 
verait  aujourd’hui  bien  peu  de  Leêleurs.  7 

Il  n’efl  pas  aifé  de  comprendre  par  quelle  fatalité  une  Com* 
pagnie  auffi  puiffante  que  celle  9  qui  regiffoit  le  Canada  ,  &  qui 
regardoit  ce  grand  Pays  comme  fon  Domaine  ,  abandonnait 
ainfi  une  Colonie ,  dont  on  avoir  conçu  de  fi  grandes  efpe- 
rances  ,  &  où  le  merveilleux  concert  de  tous  les  membres , 
qui  la  compofoient ,  le  feul  peut-être  ,  qu’on  avoit  vû  auffi  par¬ 
fait  dans  le  Nouveau  Monde  ,  répondoit  du  fuccès  de  toutes 
les  entreprifes  ,  qu’on  y  aurait  tentees  ,  fi  les  cent  Aflocies 
avoient  voulu  faire  les  avances  neceffaires.  Ce  quil  y  eut  e 

plus  trille ,  .ç’efl  que  les  efperances  ,  dont;  plufieurs  Nations 
r  •  1  s  etpiejijt 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  ior 

s  etoient  flattées  ,  que  notre  alliance  les  mettroit  en  état  de  ré¬ 
duire  leurs  Ennemis  ,  fut  ce  qui  les  fit  plutôt  fùccomber  ,  par¬ 
ce  que  comptant  fur  les  fecours ,  quelles  attendoient  de  nous  , 
&>qui  jsur  manqua  au  befoin  ,  elles  ne  furent  pas  allez  fur  leurs 
gardes. 

Les  Iroquois  de  leur  côté  ne  s’endormirent  pas  ,  &  pour  ne 
point  donner  aux  Hurons  le  tems  de  profiter  de  leur  union  avec 
les  François ,  ils  s’aviferent  d’un  flratagême  ,  qui  leur  réuflit. 
Ce  fut  de  les  divifer ,  pour  les  détruire  enfuite  les  uns  après 
les  autres.  Ils  commencèrent  par  traiter  de  paix  avec  le  Corps 
de  la  Nation  ;  puis  ,  fous  differens  prétextes  ,  ils  attaquèrent 
les  Bourgades  les  plus  éloignées  du  centre  ,  en  perfuadant  aux 
autres  ,  qu’il  ne  s’agifloit  que  de  quelques  querelles  particu¬ 
lières  ,  où  elles  n’avoient  aucun  intérêt  d’entrer.  Celles  -  ci 
n’ouvrirent  les  yeux  ,  que  quand  elles  virent ,  pour  ainfi  dire, 
à  leur  porte  un  Ennemi  vainqueur  ,  &  dont  le  nom  feul  jet- 
toit  Fallarme  dans  tout-  le  Pays.  Alors  les  Iroquois  levèrent 
le  mafque  ,  la  frayeur  augmenta  de  jour  en  jour  parmi  les  Hu¬ 
rons  ,  &  ils  perdirent  le  jugement  à  un  point ,  qu’on  ne  les 
reconnoifloit  plus.  Ils  firent  autant  de  fautes,  que  de  démar¬ 
ches  ,  6c  rien  n’humilie  davantage  aujourd’hui  les  foibles  re¬ 
fies  de  cette  Nation  ,  que  le  Souvenir  d’un  fi  prodigieux  aveu¬ 
glement. 

Ce  fut  immédiatement  après  la  derniere  Expédition  de  M. 
de  Champlain  contre  ces  Sauvages  ,  dont  j’ai  parlé  dans  le  Li¬ 
vre  précèdent ,  qu’ils  traitèrent  avec  la  Nation  Huronne  ,  6c 
il  n’efl  point  douteux ,  que  fi  cette  Nation  n’eût  compté  fur 
la  paix  ,  quelle  venoit  de  conclurre  ,  ni  les  François  , ni  les 
Millionnaires  ne  l'emTeacpas  trouvé  aufîi  fiere  8c  aufli  indocile  , 
quelle  parut  devant  8c  après  la  prife  de  Quebec.  Les  Iroquois  re¬ 
commencèrent  pourtant  bientôt  leurs  hoflilités  ,  mais  delà  ma¬ 
niéré  que  je  viens  de  le  dire  ,  en  publiant  qu’il  n’étoit  queflion 
que  de  démêlés  particuliers  ,  8c  le  Corps  de  la  Nation  fe  raflura 
fur  la  foi  du  Traité  *  qu’il  avoit  conclu  avec  les  Cantons. 

Enfin  au  commencement  de  l’année  1636.  les  Iroquois  cef- 
ferent  de  feindre  ,  8c  parurent  en  armes  au  milieu  du  Pays 
Huron.  Cette  irruption  ne  leur  réuflit  pourtant  pas  ,  le  peu 
de  François ,  qui  avoient  fuivi  les  Millionnaires  dans  ces  quar¬ 
tiers-la  ,  firent  fi  bonne  contenance  ,  que  l’Ennemi  jugea  à 
propos  de  fe  retirer.  Cette  retraite  replongea  les  Hurons  dans 
î?ur  première  fécurité  ,  8c  les  Iroquois  en  profitèrent  ,  pour 
Tome  L  Q  c 


1636. 


Les  Iroquois 
‘trompent  les 
Hurons  par 
une  paix  lima- 
lée. 


La  Guerre  re¬ 
commence. 


G  E  NETAL E 


1036. 


aoi  HISTOIRE 

continuer  à  firivre  le  plan,  qu’ils  s’étoient  fait  d’abord  dans, 
cetre  Guerre.  Sur  la  fin  de  l’année  fuivante ,  un  renfort  d  Ou¬ 
vriers  Evangéliques  arriva  à  Saint  Jofeph  &  il  y  en  eut  af- 
fez  pour  en  donner  aux  principales  Bourgades  &  pour  en  re-  - 
ferver  quelques-uns  ,  qui  furent  deftines  a  faire  des  excur- 

lions  chez  les  Peuples  voifins.  »t-  -rr  •  . 

Elles  fe  firent  fur-tout  du  côté  du  Lac  Nipiffing  ;  mais  les  - 

^  «  1  •  _ I  /'hnrnrpC  tlP  T*Ptl 


1 6.3  7. 


Diverfescour-  Elles  ie  tirent  iiir-LuuL  uu  — - - r-  p/  . 

fes  des  Mif-  pp  Garnier  &  Châtelain,  qui  en  furent  charges  ,  ne  reti- 

fmnnaires-  rerênt  de  leur  pénible  expédition  ,  que  la  confolation  d  7  avoir 
beaucoup  fouffert ,  &  d’avoir  envoyé  plufieurs  Enfans  a  la 
fuite  de  l’Agneau  fans. tache,  en  leur  admmiftrant  le  Baptê¬ 
me  ,  lorfqu’ils  étoient  prêts  d'expirer.  Parmi  les  Nations  qu  ils 
vifitérent  ,  leurs  Mémoires  marquent  les  Byjjinmcns.  J  ai 
fait  tout  mon  poffible  pour  découvrir  qui  etoient  ces  San- 
vages  ,  &  où  ils  étoient  établis ,  &  je  n  ai  pu  meme  fçavoir 
à  laquelle  des  deux  Langues-Meres ,  la  Huronne  &  1  Algon- 
auine  ,  ils  appartenoient.  11  y  a  bien  de  1  apparence  ,  que  cet¬ 
te  Nation  ,  dont  il  n’eft  plus  parle  depuis_ce  tems-la  ,  fut  de- 
truite  alors  par  les  Iroquois ,  comme  il  eft  arrive  a  plufieurs  ■ 
autres  ,. dont  les  noms  font  parvenus  jufqua  nous  ÇA). 

Les  Milfionnaires  ,  fans  fe  rebuter  du  peu  de  fruit ,  qu  ils 
avoient  tiré  de  ces  premières  courfes  ,  les  continuèrent  les. 
années  fuivantes  ,  &  prefque  toujours  avec  auffi  peu  de  fuc- 
cès.  On  les  envoyoit ,  &  ils  alloient  avec  joye  ,  surs  a  avoir 
au  moins  le  mérite  de  l’obéïflànce  ,  &  fe  flattant  qu  elle  ren- 
droit  à  la  fin  leurs  fatigues  fruftueufes.  Ils  fçavoient  d  ailleurs, 
qu’ils  accompliffoient  la  promeffe  du  Sauveur  du  Monde ,  de 
faire  annoncer  fon  Evangile  par  toute  la  Terre  :  que  leur  Mi- 
niftere  fe  bornoit  à  planter,  à  arrofer,  a  cultiver;  que  la  ré¬ 
colté  dépend  de  Dieu  feul ,  &  n’entre  pour  rien  dans  a  ré¬ 
compense  promife  aux  Ouvriers,  que  le  Pere  de  Famille  en- 

voye  clans  fa  Vigne.  . 

Mais  ce  qui  retardoit  principalement  1  œuvre  de  Dieu  dans 

ces  Contrées  éloignées ,  c’eftque  les  Iroquois.  infeftoient  tous 
les  chemins  ,  &  tenoient  toutes  les  Nations  en  allarmes.  t2uei“ 
nues  précautions  qu’eût  prifes  le  Chevalier  de  Montmagny , 
pour  leur  cacher  la  foibleffe  de  fa  Colonie  ,  ils  en  furent  bien¬ 
tôt  informés  ,  &  non-feulement  ils  n’apprehendoient  plus  que 


Lés .  troquais'- 
inlultent  les 
Trois  Rivic- 
ÏCS. 


(d)Ona  peut-être  rnis  par  erreur  ,  en 
imprimant  la  Relation  ,  Bj yjfirinitns  pour 
HipijJirimens  -,  car  je  trouve  qu’on  appelle 


ainfi  quelquefois  les  Nipiflîags  ,  qui  font  le.» 
vrais  Algonquins,  • 


i' 


'DE  LÀ  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  203 

les  François  les  empêchaffent  de  pouffer  à  bout  leurs  Enne¬ 
mis  ;  mais  au  mois  d’Août  de  cette  même  année  1637.  cinq 
.cent  de  ces  Barbares  eurent  Faffûrance  de  venir  infulter  le 
Gouverneur  aux  Trois  Rivières,  où  il  étoit ,  &  enlevèrent  à 
fa  barbe  ,  fans  quil  lui  fût  poffible  de  s’y  oppofer ,  trente  Iiu- 
rons  ,  qui  defcendoient  à  Quebec  chargés  de  Pelleteries. 

L’année  1638.  commença  ,  pour  les  Millionnaires  des  Hu- 
rons  ,  de  façon  à  leur  faire  elperer  une  abondante  moiffon  , 
qui  les  dédommagerait  de  la  fferilité  des  années  précédentes. 
Le  Pays  fut  affligé  d’une  maladie  ,  qui  d’une  Bourgade  fe  com¬ 
muniqua  en  peu  de  tems  à  toutes  les  autres  ,  oc  menaça  la 
Nation  d’une  mortalité  générale.  C’étoit  une  efpece  de  dv  lie  li¬ 
terie  ,  qui  en  peu  de  jours  conduifoit  au  tombeau  ceux,  qui 
en  étoient  attaqués  :  les  François  n’en  furent  pas  plus  exempts 
que  les  Sauvages  ;  mais  ils  guérirent  tous  ,  ce  qui  produilit 
deux  bons  effets  :  le  premier  ,  que  ceux  d’entre  les  Barbares, 
qui  perffftoient  à  croire  que  tous  les  accidens  ,  qui  leur  arri- 
voient ,  étoient  caufés  par  des  maléfices  ,  dont  ils  foupçon- 
noient  les  Millionnaires  d’être  les  auteurs ,  fe  détrompèrent , 
en  voyant  qu’eux-mêmes  n’avoient  pas  été  préfervés  du  mal  : 
le  fécond  ,  que  les  Sauvages  apprirent  à  fe  gouverner  mieux, 
qu’ils  -ne  faifoient  dans  leurs  maladies  ,  en  obfervant  que  les 
François  en  guériffoient  facilement  par  le  moyen  du  régime, 
qu’ils  y  gardoient  :  car  autant  que  ces  Peuples  font  heureux 
à  guérir  les  playes  &  les  fraftures  ,  autant  font-ils  peu  habi¬ 
les  à  traiter  les  maladies  internes  ,  qui  demandent  de  l’atten¬ 
tion  &  de  Fexperience  dans  le  Médecin  ,  de  la  patience  &  de 
la  docilité  dans  le  Malade  ;  enfin  la  charité  &  la  généralité 
avec  laquelle  ils  virent  les  Millionnaires  fe  dépouiller  de  tout 
ce  qui  leur  reftoit  de  remedes  ,  &  de  rafraîchiffemens ,  pour 
les  loulager  ;  &  les  cures  furprenantes  qu’ils  firent ,  leur  ga¬ 
gnèrent  les  cœurs  de  ceux-mêmes,  qui  jufques-là  s’étoient  plus 
hautement  déclarés  contr’eux. 

Ce  netoit  pas  feulement  en  Canada  ,  qu’on  s’intereffoit  à  la 
converlion  des  Infidèles  ;  les  Jefuites ,  dans  les  Lettres  qu’ils 
écrivoient  en  France ,  avoient  repréfenté  que  s’ils  étoient  en 
état  de  foulager  la  mifere  de  quantité  de  Sauvages  errants  ,  on 
en  gagnerait  beaucoup  à  J.  C.  que  pour  cela  il  n’y  avoit  qu’à 
raffembler  tous  ceux  ,  qu’on  pourrait  réfoudre  à  mener  une 
vie  plus  fedentaire ,  afin  de  les  accoûtumer  peu-à-peu  à  cul¬ 
tiver  la  terre  ,  &  à  fe  procurer  par  leur  travail ,  &  leur  indu- 

Ce  ij 


1637. 


Maladie  uni- 
verfelle  parmi 
les  Hiirons. 

1  <5  3  8. 


Ons’intereïïè 
en  France  à  la 
converfion  des 
Sauyaçes. 

O 


.  Q. 


1:6.3;  o 


rn .  HISTOIRE  GENERALE 

%ie  de  quoi  vivre  &  fe  vêtir.  Ces  repréfentations  avoienf  : 
produit  parmi  plufieurs  perfonnes  de  p.ete  une  fainte  ému¬ 
lation  de  contribuer  à  une  œuvre  ,  ou  la  gloire  de  Dieu  eto  t 
fi  fort  intereffée  :  des  Communautés  entières  de  Pans ,  &  des- 
Provinces-,  s’impoferent  des  Pénitences  ,  &  firent  des  Prières 
publiques ,  pour  fléchir  le.  Ciel  en  faveur  des  Sauvages  du. 

Tout  ce  qu’il  y  avoit  de  plus  Grand  à  la  Cour ,  des  Prin- 
ceffes  du  Sang  ,  la  Reine  même ,  entrèrent  dans  les  vues  des 
Millionnaires  ;  &  fur  quelques  profitions.,  que firent  ces  Ke- 
ligieux  d’établir  à  Quebec  des  Urfulines,  &  des.  Hofpitaiie- 
ris  un  grand  nombre  de  Filles  de  ces  deux  Inftituts,  fol  in¬ 
citèrent  avec  les  plus  vives  inftances ,  pour  etre  preferees ,, 
quand  on  en  viendroit  à  l’execution  d’une  entreprife  ,  fi  ca¬ 
pable  d’effrayer  les  perfonnes  de  leur  fexe ,  &  fi  nouvelle  pour 
celles  de  leur  Profeffion.  Mais  nul  autre  ne  féconda  plus  effi¬ 
cacement  alors  le  zélé  des  Prédicateurs  de  1  Evangile  ,  que 
le  Commandeur  de  Sylleri.  Ce  Seigneur  ,  qui  ne  s  occupoit  de 
rien  plus  volontiers',  que  de  ce  qui  pouvoir  procurer  la  gloi- 
re  de  Dieu ,  goûta  fort  le  projet ,  que  les  Jefuites  lui  commu¬ 
niquèrent  ,  d’une  Peuplade  Sauvage  ,  qui  ne  fut  compofee  que 
de  Chrétiens  &  de  Profelytes ,  &  où  ils  fuffent  egalement  a. 
l’abri  contre  les  infultes  des  Iroquois ,  par  les  prompts  lecoius, 
qu’ils  pourroient  tirer  des  François  ;  &  contre  la  famine ,  par 
le  foin  que  l’on  prendroit  de  leur  faire  cultiver  la  terre. 
a  ;i  ümrntra  pn  îKirr.  des  Ouvrieis.a  Quebec  ,  o£ 


:  -r„era£M  A ‘letYffetfl  envoya  en  ,«37.  des  Ouvriers  à  Quebec  & 
tsyliedme  fl  recommanda  au  P.  le  Jeune  ,  à  qui  il  les  adreffa ,  de  choi- 
fir  un  lieu  avantageux  ,  pour  les  y.  placer.  Le  Supérieur  1  s 
conduifit,  aufli- tôt  après  leur  arrivée  ,  a  quatre  mille  de  la 
Ville  fur  le  bord  Septentrional  du  Fleuve  ,  &  .ils  y  travail¬ 
lèrent  d’abord  à  fe  loger.  Ce  lieu  a  toujours  porte  depuis  le 
nom  de  Sylleri.  Ces  préparatifs  ,  dont  on  n  avoit  pas  juge  a 
propos  d.  apprendre  aux  Sauvages  quel  etoit  1  objet  ,  firent 
d’abord  naître  à  quelques  Montagnez  ,  la  penfee  de  profiter 
de  ce  nouvel  Etabliffement ,  &  ils  s’en  ouvrirent  au  Pere  le 
Jeune ,  qui  les  affûra  ,  que  de.  fa  part  ils  11e  trouveroient  au¬ 
cune  difficulté  à  obtenir  ce  qu’ils  defiroient;  mais  11  kur  ajou- 
ta  qu’il  ne  pouvoit  rien  décider  ,.  fans  le  confentement 

Maître  de  l’Habitation.  ,  ,  .  ,  Cnm* 

Il  fçavoit  pourtant  bien,  quelle  etoit  l intention  du  Com 

mandeur  3  mais  fon  expérience.  Lui  faifoit  juger  cette  re 


DE' LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  V05 

liécelfaire  avec  les  Sauvages  ,  qui  fe  perfuadent  aifément  qu’on 
leur  doit ,  ou  qu’on  a  quelque  intérêt  de  leur  accorder  ce 
qu’on  leur  donne  avec  trop  de  facilité.  On  a  eu  plus  d’une 
fois  lieu  de  fe  repentir  d’avoir  ,  par  un  zélé  précipité  ,  tenu  une 
autre  conduite  avec  ces  Barbares  ,  faute  de  les  bien  connoF 
tre.  Le  confentement  de  M.  de  Sylleri  arriva  l’année  fuivan- 
te ,  par  le  retour  des  Navires  de  France,  &  douze  Familles 
Chrétiennes  très-nombreufes  ,  prirent  poflehion  de  remplace¬ 
ment  ,  qu’on  leur  avoir-  deltiné  ,  &  s’y  logèrent.  Elles  n’y 
furent  pas  lontems  les  feules  ,  &  en  peu  d’années  cette  Ha¬ 
bitation  devint  une  greffe  Peuplade  ,  compofée  de  fervents 
Chrétiens ,  qui  deffricherent  un  allez  grand  terrain  ,  &  s’ac¬ 
coutumèrent  peu-à-peu  à  tous  les  devoirs  de  lafocieté  civile. 

Le  voilinage  de  Quebec  ,  &  la  conduite  exemplaire  de  fes 
Citoyens,  ne  fervirent  pas  peu  à  former  les  nouveaux  Ha¬ 
bita  ns  de  Sylleri  dans  la  pieté  ,  &  à  leur  infpirer  une  forte  de 
Police  proportionnée  à  leur  génie.  Tous  menoient  une  vie 
des  mieux  réglées  ,  &  l’on  remarquoit  dans  le  plus  grand  nom^ 
hre  une  ferveur ,  qui  donnoit  de  la  confulion  aux  anciens 
Chrétiens ,  lefquels  de  leur  côté  conce voient  l’importance  de  ne 
fe  pas  lailfer  vaincre  en  pieté  &  en  régularité  par  des  Sau¬ 
vages  Néophytes.  Tout  le  monde  fçait  de  quelle  maniéré  la 
plûpart  des  Colonies  fe  font  formées  dans  l’Amerique  ;  mais 
on  doit  rendre  cette  jultice  à  celle  de  la  Nouvelle  France  , 
que  la  fource  de  prefque  toutes  les  Familles  ,  qui  y  habilitent 
encore  aujourd’hui ,  elt  pure  ,  &  n’a  aucune  de  ces  taches  , 
que  l’opulence  a  bien  de  la  peine  à  effacer  :  c’eft  que  fes  pre¬ 
miers  Habitans  étoient ,  ou  des  Ouvriers  ,  qui  y  ont  toujours 
été  occupés  à  des  travaux  utiles  ,  ou  des  Perfonnes  de  bon¬ 
ne  Famille  ,  qui  s’y  tranfporterent ,  dans  la  feule  vûë  d’y  vi¬ 
vre  plus  tranquillement ,  &  d’y  conferver  plus  fûrement  leur 
Religion  ,  qu’on  ne  pouvoit  faire  alors  dans  pluheurs  Provin¬ 
ces  du  Royaume,  où  les  Religionnaires  étoient  fort  puiiïans. 
Je  crains  d’autant  moins,  d’être  contredit  fur  cet  article ,  que 
j’ai  vécu  avec  quelques-uns  de  ces  premiers  Colons  ,  prefque 
centenaires ,  de  leurs  Enfans  &  d’un  allez  bon  nombre  de  leurs 

Ï>etits-Fils  ;  tous  gens  plus  refpeêtables  encore  par  leur  probité , 
eur  candeur  ,  &  la  pieté  folide  ,  dont  ils  failoient  profelîion  > 
que  par  leurs  cheveux  blancs ,  &  le  fouvenir  des  fervices,  qu’ils 
avoient  rendus  à  la  Colonie. 

Ce  a  eh:  pas  que  dans  ces  premières  années  ,  &  plus  en^ 


1638. 


Conduite  édi¬ 
fiante  des  Ha¬ 
bitans  de  Que-  - 
bec. 


1638. 


EcaMi  Élément 
des  Hofpita- 
üeres  &  des 
Urfulines. 


i  6  39. 


106  histoire  generale 

core  dans  la  fuite ,  on  n’y  ait  vû  quelquefois  des  perfonnes* 
que  le  mauvais  état  de  leurs  affaires  ,  ou  leur  mauvaife  con¬ 
duite  ,  obligeoient  de  s’exiler  de  leur  Patrie  ,  &  quelques  au¬ 
tres  ,  dont  on  vouloit  purger  l’Etat  &  les  Familles  ;  mais  com¬ 
me  les  uns  &  les  autres  n’y  font  venus,  que  par  petites  trou¬ 
pes  ,  &  qu’on  a  eu  une  très-grande  attention  à  ne  les  pas  laif- 
fer  enfemble  ,  on  a  prefque  toujours  eu  la  confolation  de  les 
voir  en  très-peu  de  tems,fe  reformer  fur  les  bons  exemples  cjuils 
avoient  devant  les  yeux ,  &  fe  faire  un  devoir  de  la  necef- 
fité  ,  où  ils  fe  trouvoient  de  vivre  en  véritables  Chrétiens , 
dans  un  Pays  ,  ou  tout  les  portoit  au  bien  ,  &  les  eloignoit 

Deux  chofes  manquoient  encore  à  une  Colonie  fi  bien  ré¬ 
glée  ;  à  fç avoir  ,  une  Ecole  pour  l’inftru&ion  des  Filles  ,  8m 
un  Hôpital  pour  le  foulagement  des  Malades.  Il  y  avoit  déjà 
quelques  années  que  les  Jefuites  fe  donnoient  de  grands  mou- 
vemens  pour  lui  procurer  ce  double  avantage  ;  mais  ils  por¬ 
taient  encore  leurs  vûë's  plus  loin.  En  follicitant  la  Fondation 
d’un  Hôpital  ,  ils  avoient  bien  deffein  de  foulager  les  Colons, 
la  plupart  fort  pauvres  ,  &  fans  reffource  dans  leurs  mala¬ 
dies  ;  mais  leur  but  étoit  encore  de  s’attacher  de  plus  en  plus 
les  Sauvages ,  par  les  foins  qu’on  prendrait  de  leurs  Malades, 
dans  une  Maifon  toute  confacree  a  la  chante  .  &  dans  le  pro¬ 
jet  de  faire  venir  des  Urfulines  de  France  ,  ils  fongeoient  bien 
autant  à  l’éducation  des  petites  Filles  Sauvages ,  qu’à  celle  des 

Filles  Françoifes,  ? 

Le  premier  de  ces  deux  projets  fut  prefqu’aum-tot  approu¬ 
vé  ,  que  propofé  ,  &  fon  execution  ne  fouffrit  aucun  re¬ 
tardement.  Madame  la  Ducheffe  d’ Aiguillon  voulut  être  la 
Fondatrice  de  l’Hôtel-Dieu  ;  &  pour  avoir  des  Sujets  propres 
à  une  telle  entreprife ,  elle  s’adreffa  aux  Religieufes  Hofpita- 
lieres  de  Dieppe.  Ces  faintes  Filles  acceptèrent  avec  joye  ,  & 
avec  reconnoifiance  ,  une  fi  belle  occafion  de  faire  le  facnfice 
de  tout  ce  quelles  avoient  de  plus  cher  au  monde,  pour  le 
fervice  des  Pauvres  malades  du  Canada.  Toutes  s  offrirent, 
toutes  demandèrent  avec  larmes  d’être  admifes  ;  mais  on  n’en 
choifit  que  trois  ,  qui  fe  tinrent  prêtes  à  partir  par  les  premiers 

vaiflcaux  • 

-  La  Fondation  des  Urfulines  fouffrit  plus  de  difficultés  :  la  Com¬ 
pagnie  du  Canada  ne  s’en  mêla  point ,  peut-être  parce  qu  on  ne 
la  jugeoit  pas  d’une  néceffité  fi  preffante  ;  cette  affaire  avoit  déjà 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  207 

été  plus  dune  fois  fur  le  point  d’être  confommée  ,  &:  avoit  "7"<s7"q7* 
toujours  échoué  au  moment ,  qu’on  fe  croyoit  affûré  du  fuc- 
cès.  Enfin  une  jeune  "Veuve  de  condition  ,  nommée  Mada¬ 
me  de  la  Peltrie  ,  fut  celle ,  dont  les  mefures  fe  trouvèrent 
plus  jufles  ,  &  dont  le  courage  fut  plus  confiant.  J’ai  racon-  - 
té  dans  un  autre  Ouvrage  (  a  )  ,  le  détail  de  ce  qui  fe  paffa 
de  merveilleux  à  cette  occafon  ,  &  la  maniéré  ,  dont  filluflre 
Fondatrice  ,  après  avoir  furmonté  des  obflacles  ,  qui  p aro if- 
foi  en  t  invincibles ,  confacra  fes  biens  &  fa  perfonne  même  à 
la  bonne  œuvre  ,  que  le  Ciel  lui  avoit  infpirée  ,  &  qu’il  cimen¬ 
ta  d’un  miracle  éclattant. 

D’Alençon ,  où  elle  demeuroit ,  elle  fe  tranfporta  à  Paris , 
pour  y  regler  les  affaires  de  fa  Fondation  ,  puis  à  Tours  ,  pour 
y  chercher  des  Religieufes  Urfulines.  Elle  en  tira  l’illuflre 
Marie  de  l’Incarnation,  laTherefe  de  la  France  ,  pour 
m’exprimer  comme  les  plus  grands  Hommes  du  dernier  fîécle  , 

&  Marie  de  S.  Joseph,  que  la  Nouvelle  France,  qui  l’a 
poffedée  peu  de  tems  ,  regarde  comme  un  de  fes  Anges  tuté¬ 
laires  ;  de-là  ellefe  rendit  à  Dieppe  ,  où  elle  avoit  donné  ordre 
qu’on  lui  frettât  un  Navire  :  elle  y  acquit  une  troifiéme  Urfu- 
line  ,  &  le  quatrième  de  Mai  1639.  e^e  s’embarqua  avec  les 
Religieufes  Hofpitalieres  ,  &  le  P.  Barthélémy.  Vimond ,  qui 
ailoit  fucceder  au  P.  le  Jeune  dans  l’Emploi  de  Supérieur  Géné¬ 
ral  des  Millions ,  &  qui  conduifoit  une  recrue  d’Ouvriers  Apo- 
ftoliques.  Après  une  longue  &  périlleufe  navigation,  cette  nom- 
breule  trouppe  arriva  à  Quebec  le  premier  jour  d’Août. 

On  n’omit  rien  pour  faire  comprendre  aux  Sauvages  com-  Réception 
bien  il  falloit  qu’on  eût  à  cœur  leurs  intérêts  ,  &  le  falut  de  quonlcurfaic- 
leurs  âmes  ,  puifque  des  Femmes  mêmes  ,  &  de  jeunes  Filles, 
elevées  dans  l’abondance  &  la  délicateffe  ,  fans  craindre  les 
périls  de  la  mer  ,  quittoient  une  vie  douce  &  tranquille ,  pour 
venir  inftruire  leurs  Enfans ,  &  prendre  foin  de  leurs  Mala¬ 
des.  Le  jour  de  l’arrivée  de  tant  de  Perfonnes  fi  ardemment 
defirees  fut  pour  toute  la  Ville  un  jour  de  Fête  ,  tous  les  tra¬ 
vaux  cefferent ,  &  les  Boutiques  furent  fermées.  Le  Gouver-  - 
neur  reçut  ces  Heroines  fur  le  Rivage  ,  à  la  tête  de  fes  Trou¬ 
pes ,  qui  etoient  fous  les  armes,  &  au  bruit  du  canon  :  après 
les  premiers  complimens  ,  il  les  mena  ,  au  milieu  des  accla¬ 
mations  du  Peuple  ,  à  l’Eglife  ,  où  le  Te  Deum  fut  chanté  >  > 
en  allions  de  grâces. 

(4}  La  Vie  de  la  Mere  Marie  de  l’Incarnation. 


i  63  9* 

Leur  ferveur. 


îoS  HISTOIRE  GENERALE 

Ces  faintes  Filles  de  leur  côté  ,  &  leur  généreufe  Conduc- 
trice  ,  voulurent  dans  le  premier  tranfport  de  leur  jo^e  , 
baifer  cette  terre  ,  après  laquelle  elles  avoient  fi  lontems  lou- 
piré  ,  quelles fe  promettoient bien  d arrofer  de  leurs  lueurs ,  ot 
quelles  ne  delefperoient  pas  même  teindre  de  leur  la  ng.  Les  Fran¬ 
çois  mêlés  avec  les  Sauvages  ,  les  Infidèles  meme  confondus 
avec  les  Chrétiens ,  ne  le  laffoient  point ,  &  continuèrent  plu- 
fieurs  jours  à  faire  tout  retentir  de  leurs  cris  d  allegreiîe  ,  ex  don¬ 
nèrent  mille  hénédidions  à  celui ,  qui  leul  peut  mlpirer  tant 
de  force  &  de  courage  aux  perfonnes  les  plus  foibles.  A  la 
vûë  des  Cabannes Sauvages,  où  l’on  mena  les  Religieiües  le 
lendemain  de  leur  arrivée  ,  elles  fe  trouvèrent  failles  d  un  nou¬ 
veau  tranfport  de  joye  ;  la  pauvreté  &  la  mal-propretc,  qui  y 
regnoient ,  ne  les  rebutèrent  point ,  &  des  objets  fi  capables  de 
ralentir  leur  zélé ,  ne  le  rendirent  que  plus  vif  ;  elles  témoi¬ 
gnèrent  une  grande  impatience  de  commencer  1  exercice  de 

leurs  fondions.  .  .  .  .  r  ,  y*  -, 

Courage  de  Madame  de  la  Peltrie  ,  qui  n’avoit  jamais  defire  a  etre  riche» 
Madame  de  la  QUj  s’étoit  fait  pauvre  de  fi  bon  cœur  pour  Jésus-Christ* 
Pekrie*  ne  put  s’empêcher  de  dire ,  quelle  eût  voulu  avoir  en  fa  dif- 
pofition  de  quoi  attirer  toutes  les  Nations  du  Canada  a  a 
connoiffan.ce  du  vrai  Dieu  ,  &  elle  prit  une  ferme  refolution , 
quelle  garda  toute  la  vie  ,  de  ne  s’épargner  en  rien  ,  lortqu u 
s’agiroit  de  procurer  le  lalut  des  âmes.  Son  zele  la  poi ta  me¬ 
me  à  cultiver  la  terre  de  les  propres  mains  ,  pour  avon  e 
quoi  foulager  les  Pauvres  Néophytes.  Elle  le  dépouilla  en  peu 
de  jours  de  ce  quelle  s’étoit  réfervé  pour  Ion  ufage  ,  julquar 
le  réduire  à  manquer  du  néceffaire  »  pour  vêtir  les  En  ms , 
qu’on  lui  prefentoit  prelque  nuds  ;  &  toute  la  vie  ,  qui  fut  al¬ 
lez  longue ,  ne  fut  qu’un  tiffu  d’adions  de  la  plus  héroïque 
charité  :  elles  ont  rendu  fa  mémoire  à  jamais  refpedabie  a 
toute  la  Nouvelle  France  ,  où  le  fruit  de  la  bonne  œuvre  e 
perpétué  au  grand  avantage  de  toute  cette  Colonie. . 

Premiers  tra-  Après  les  vifites  »  dont  je  viens  de  parler ,  lesRehgieules  es 
vaux  des  Reli-  deux  Inffi.tuts  s’embrafferent  tendrement ,  &  le  feparerent  pot 
s’aller  renfermer  chacune  dans  leurs  Cloîtres  ,  les  U  mûmes 
à  Ouebec  ,  &  les  Hofpitalieres  à  Sylleri ,  où  le  nombre  des 
Sauvages  croiffoit  de  jour  en  jour  ,  &  où  elles  etoient  a  por¬ 
tée  de  recevoir  les  Malades  de  la  Aille  &  de  la  Campagne. 
Rien  netoit  plus  petit ,  ni  moins  accommodé  que  ces  Monar 
Itérés  ;  les  Servantes  du  Seigneur  en  prirent  toute  lincomtno 


-gicufes. 


i-s 


& 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  209 

cîité  pour  elles  ,  les  Malades ,  ni  les  Enfans  ne  s  en  reffenti-  “—-ri¬ 
rent  prefque  point.  Dieu  voulut  cependant  mettre  les  unes  1  ^ 

&  .les  autres  aux  plus  rudes  épreuves  ;  le  Séminaire  des  Ur- 
fulines  fut  d’abord  attaqué  de  la  petite  Vérole  ,  &  une  mala¬ 
die  Populaire  amena  à  l’Hôpital  beaucoup  plus  de  Malades , 
qu’il  n’y  avoit  de  Lits  ,  ni  même  d’efpace  pour  en  mettre. 

Ces  contre-tems  ne  déconcertèrent  point  les  Religieufes  ;  el¬ 
les  fournirent  à  tout  d’une  maniéré ,  qu’on  avoit  peine  à  com¬ 
prendre  ,  &  jamais  on  ne  vit  mieux  jufqu’où  va  le  pouvoir  de  la 
charité.  Ce  qui  furprit  davantage  tout  le  monde  ,  c’eft  que 
dans  un  tel  accablement ,  dans  un  changement  fi  extrême  de 
vie  &  de  climat ,  avec  une  nourriture  grofïiere  ,  de  fi  gran¬ 
des  fatigues  ,  &  la  privation  de  toutes  les  commodités  ,  que 
l’ufage  a  rendu  comme  néceffaires  ,  ces  faintes  Filles  ,  fans 
celle  au  milieu  des  Malades ,  jouirent  lontems  pour  la  plû- 
part  d’une  fanté  parfaite  ,  &  fe  trouvèrent  en  état  d’ajouter 
à  leurs  pénibles  travaux,  l’étude  des  Langues  Sauvages. 

Tant  de  fecours  fpirituels,  venus  de  France  tout  à  la  fois,  a  f a  ComPav 
ne  pouvoient  manquer  de  donner  une  grande  aftivité  aux  af- 
faires  de  la  Religion  :  il  le  fit  en  effet  de  grands  changemens  cette 

parmi  les  Sauvages ,  &  il  n’y  avoit  plus  qu’à  foûtenir  ces  pre-  Colonic* 
mieres  démarches  ,  pour  faire  entrer  dans  le  fein  de  l’Egiife 
la  plus  grande  partie  des  Nations  du  Canada.  Les  dépenfes 
faites  à  Sylleri ,  pour  y  affembler  les  nouveaux  Convertis  ,  & 
ceux ,  qui  vouloient  fe  faire  inflruire  ;  les  deux  Etabliffemens  , 
dont  je  viens  de  parler  ;  toutes  les  Millions  renforcées  d’Ou- 
vriers  infatigables  ,  &  qui  ne  s’épargnoient  point  ;  la  pieté  & 
la  charité  des  principaux  Habitans  ,  qui  ne  fe  refufoient  à 
rien  pour  les  féconder  ,  jufqua  prêter  leurs  propres  Lits ,  pour 
y  coucher  les  Malades  :  c  etoit  là  une  de  ces  conjonêfures 
precieufes- ,  qu  il  importe  de  faifîr  ,  &  qui  ne  reviennent  plus , 
quand  on  les  a  laiffé  échapper ,  fans  en  tirer  tout  l’avantage  , 
qu’on  pouvoit  s’en  promettre. 

Il  eft  certain  que  les  efprits  étoient  en  France  &  en  Amé¬ 
rique  dans  la  meilleure  difpofition  du  monde  pour  peupler 
cette  Colonie  ,  &  pour  établir  toutes  les  branches  de  Commer¬ 
ce  ,  que  peut  produire  un  fi  bon  fond  ;  mais  la  Compagnie 
des  cent  Àffociés  demeuroit  dans  une  inaêlion  ,  qui  fera  tou¬ 
jours  incompréhenfible  ;  &  il  arrivoit  de-là  que  les  Millions 
{k  les  Communautés  ,  qui  dévoient  tirer  leur  principal  appui 
de  la  Colonie  ,  en  étoient  prefque  le  fçul  foûtien  :  cependant 
Tome  I.  '  '  D  d 


0  3  9- 


Continuation 
de  la  Guerre 
entre  les  Hu¬ 
ions  8c  les  lro- 
cjuois. 

1(3  4  0. 


Riftoire  du 
premier  Iro- 
tjuois  Chré¬ 
tien. 


1I0  HISTOIRE  GENERALE 
le  fond  ,  qui  faifoit  fubfifter  les  Miffionnaires  &  les  Religieu- 
fes  n’étoit  en  bonne  partie  que  cafuel  ;  on  ne  devoir  pas 
compter  qu’il  continuât  toujours  fur  le  même  pied  ,  &  il  di¬ 
minua  en  effet  peu-à-'peu. 

La  Guerre  recommençoit  plus  vivement  que  jamais  entie 
les  Iroquois  &  les  Hurons  ;  mais  quoique  les  premiers  euf- 
fent  fouvent  l’avantage  ,  pour  les  raifons  que  j  ai  dites  ;  les  le- 
conds ,  qui  n’avoient  rien  perdu  de  leur  ancienne  bravoure  ,  ne 
laiffoient  point  d’avoir  quelquefois  leur  revanche.  Un  jour 
que  les  Miffionnaires  s’étoient  tous  réunis'  dans  une  Bourga¬ 
de  ,  pour  y  conférer  de  leurs  affaires ,  on  y  apprit  la  nou¬ 
velle  de  la  défaite  d’un  Parti  confidérable  d’Iroquois  ,  &  on 
y  amena  un  Prifonnier  ,  qui  y  fut  brûlé  ,  &  qui  fut  allez 
heureux  pour  paffer  de  cette  efpece  d Enfer,  au  Séjour  des. 
Elus ,  du  moins  à  en  juger  par  les  difpofitions  ,  dans  lelqueiies, 
il  parut  mourir.  Comme  c’eft  le  premier  Adulte  de  cette  Ma¬ 
rion  ,  quon  fçache  avoir  reçu  le  Baptême  ,  )  ai  cru  devoir 
ici  m  étendre  un  peu  fur  les  principales  circonltances  de  iæ 
mort,  je  les  tire  du  détail  de  fon  fupplice ,  que  le  P.  de  Brebeur, 
qui  en  fut  le  témoin  oculaire  ,  en  fait  dans  une  de  les  Lettres. 

Dès  que  ce  Prifonnier  fut  arrivé  au  Village,  les  Anciens 
tinrent  confeil ,  pour  décider  de  fon  fort ,  &  la  conclufion  fut 
qu’il  fer  oit  mis  entre  les  mains  d’un  vieux  Chef,  pour  remp  a- 
cer  ,  s’il  le  vouloit ,  un  de  fes  Neveux  ,‘pris  par  les  Iroquois  ;  ou 
pour  en  faire  ce  qu’il  jugerait  à  propos.  D  autre  partiel  .  le 
Brebeuf  ne  fut  pas  plutôt  inftruit  de  ce  qui  fe  paüoit ,  qu  il 
alla  trouver  le  Prifonnier,  réfolu  de  ne  le  point  quitter  ,qu  il 
11e  l’eût  fait  entrer  dans  la  voye  du  falut  :  il  1  apperçut  d  abord 
au  milieu -d’une  troupe  de  Guerriers  ,  revêtu  d’une  robe  de 
Caftor  toute  neuve  ,  ayant  au  col  un  collier  de  porcelaine 
&  un  autre ,  qui  lui  ceignoit  le  front ,  en  forme  de  diadème. 
On  le  faifoit  chanter  ,  fans  lui  donner  un  moment  de  relâche  , 
mais  on  ne  le  maltraitoit  point.  Ce  qui  étonna  le  plus  le  Mil¬ 
lionnaire  ,  c’eft  qu’il  étoit  auffi  tranquille  ,  &  qu’il  avoit  le  vi- 
fage  auffi  ferein,  que  s’il  n’eût  encore  rien  fouffert ,  ou  qu  il 
fût  alluré  de  la  vie  :  il  avoit  néanmoins  fort  mal  paüe  Ion  tems 
dans  les  premiers  jours  de  fa  captivité  ,  &  il  avoit  plus  a  ciain- 

dre  qu’à  efperer  pour  la  fuite.  , 

Le  P.  de  Brebeuf  fut  invité,  félon  la  coûtume ,  a  le  *  aire  chan¬ 
ter  ,  mais  il  s’en  exeufa ,  &  s’étant  un  peu  plus  approche  de 
lui ,  il  remarqua  qu’on  lui  avoit  ecrafe  une  main  entre  des  çai 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  211 

loux  ,  &  qu’on  lui  en  avoit  arraché  un  doigt  ;  qu’il  manquoit  — 7 - 

auffi  à  l’autre  main  deux  doigts,  qu’on  lui  avoit  coupés  avec  1  <^°* 
une  hache ,  &  que  tout  l’appareil ,  qu’on  avoit  mis  à  ces  play  es, 
confiffoit  en  quelques  feuilles  d’arbres  liées  avec  de  petites  ban¬ 
des  d’écorce.  Outre  cela  les  jointures  de  fes  bras  étoient  brû¬ 
lées  ,  &  il  y  avoit  une  grande  incifion  à  l’un  des  deux.  C’étoit 
pendant  le  voyage  ,  qu’on  l’avoit  mis  en  cet  état ,  car  du  mo¬ 
ment,  qu’il  étoit  entré  dans  la  première  Bourgade  Huronne  il 
n’a  voit  reçu  que  de  bons  traittemens.  Toutes  les  Cabannes  Fa- 
voient  régalé  ,  &  on  lui  avoit  donné  une  jeune  hile  ,  pour  lui 
tenir  lieu  de  Femme  ;  en  un  mot ,  à  le  voir  au  milieu  de  ces 
Sauvages  ,  on  n’eût  jamais  imaginé  que  des  gens  ,  qui  lui  fai¬ 
saient  tant  d’amitié  ,  dûlfent  être  bientôt  comme  autant  de  Dé¬ 
mons  ,  acharnés  à  le  tourmenter. 

Le  P.  de  Brebeuf ,  à  qui  on  laiffa  toute  liberté  de  traitter 
avec  lui ,  commença  par  lui  dire  ,  que  ne  pouvant  contribuer 
en  rien  au  foulagement  de  fes  maux  ,  il  vouloit  du  moins  lui 
apprendre  à  les  Souffrir  ,  non  pas  précifément  en  Brave  ,  pour 
acquérir  une  gloire  ,  qui  ne  lui  feroit  d’aucune  utilité  après  fa 
mort  mais  par  un  motif  plus  folide  &  plus  relevé  ;  &  que  ce 
motif  étoit  l’efperance  bien  fondée  que  fes  peines  feroient  Sui¬ 
vies  d  un  bonheur  parfait  &  fans  fin.  Il  lui  expliqua  enfuite  en 
peu  de  mots  les  articles  les  plus  effentiels  de  la  DoRrine  Chré¬ 
tienne  ,  &  il  le  trouva  non-feulement  docile  ,  mais  ,  contre 
l’ordinaire  des  Sauvages  ,  fort  attentif  ,  &  prenant  plaifir  à  ce 
qu’il  lui  difoit.  Il  profita  de  ces  bonnes  difpofitions  ,  &  il  crut 
reconnoitre  que  la  Grâce  operoit  puiffamment  dans  le  cœur 
de  ce  Captif  :  il  acheva  de  l’inffruire  ,  le  baptifa  ,  &  le  nom¬ 
ma  Jofeph. 

Il  obtint  enfuite  la  permifîion  de  le  conduire  chez  lui  tous 
les  Soirs ,  bc  de  le  garder  pendant  la  nuit.  Il  auroit  bien  fou- 
haitte  quelque  chofe  de  plus ,  mais  la  deflinée  du  Prifonnier 
ne  dependoit  plus  de  ceux  ,#dequi  il  auroit  pû  obtenir  fa  déli¬ 
vrance.  Ses  play  es  le  faifoient  extrêmement  Souffrir  ,  parce 
qu  elles  etoient  pleines  de  Vers  ;  il  demandoit  avec  inftance , 
qu  on  les  arrachât  ;  mais  il  11e  fut  pas  poffible  d’en  venir  à 
bout ,  ces  -Infeêles  rentrant ,  dès  qu’on  fe  mettoit  en  devoir 
de  les  tirer.  Les  feftins  continuoient ,  &  c’étoit  toujours  en 
Ion  nom  ,  auffi  enfaifoit-il  tous  les  honneurs  ,  en  chantant  juf- 
qu  à  extin&ion  de  voix.  On  le  promena  enfuite  de  Bourgade 
en  Bourgade  ,  &  pendant  tout  le  chemin  il  falloit  qu’il  chan- 

Dd  ij 


212 
tât.  Il  n 


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histoire  generale 

’avoit  de  repos,  que  quand  le  Pere  de  Brebeuf,  ou  quel- 
qu’autre  Millionnaire  ,  avoir  pernuffion  de  1  entretenir-.  Alors, 
non-feulement  on  ne  les  interrompoit  point ,  mais  tous  les  Sau- 
vages  s affembloient  autour  deux  ,  pour  ecouter  le  Pere  ,  & 
plulieurs  profitèrent  de  ce  qu  ils  entendu  eut.  . 

P  Enfin  on  arriva  au  Village  du  Chef,  à  qui  le  Prifonnier  avo. 
été  donné  ,  &  qui  ne  s ’étoit  point  encore  explique  fur  ce  qu  il 
en  vouloit  faire.  Jofeph  parut  devant  cet  Arbitre  fouv.erain  de 
fon  fort ,  avec  la  contenance  d’un  Homme  ,  a  qui  la  vie  &  1* 
mort  font  indifférentes.  Il  ne  fut  pas  longtems  dansd  incertitu¬ 
de  de  ce  qu’il  devoit  devenir.  „  Mon  Neveu  ,  lui  dit  le  vieux 
Capitaine  ,  tu  ne  fçaurois  croire  la  joye  ,  que  je  reffentis ,  en 
apprenant  que  tu  étois  à  moi.  Je  m’imaginai  d  abord  que  ce- 
luf,  que  j’ai  perdu,  étoit  réfufcite  ,  &  je  refous  de  te  mettre 
en  fa  place,  h  t’avois  déjà  préparé  une  natte  dans  ma  Caban- 
ne  ,  &  ce  m’étoitun  grand  plaifir  de  penfer  que.)  allois  couler 
tranquillement  le  relie  de  mes  joins  avec  to,  ;  mais  1  état ,  ou 
je  te”  vois  ,  me  force  de  changer  de  résolution.  H  ?'lclei?t 
qu’avec  les  douleurs  ,  &  les  incommodités  ,  que  tu  fouffres ,  la 
vie  ne  te  peut  plus  être  qu’à  charge  ,  &  tu  me  fçauras  ans 
doute  bon  gré  d’en  abréger  le  cours.  Ce  font  ceux  ,  qui  on 
mutilé  de  la  forte  ,  qui  te.font  mourir.  Courage  donc,  mon - 
Neveu,  prépare-toi  pour  ce  foir  ,  fais  voir  que  tu  es  un  Hom¬ 
me  ,  &  ne  te  laiffe  point  abattre  par  la  crainte  des  tourmens. 

Le  Prifonnier  écouta  ce  dffcours  ,  comme  s  il  ne  1  eut  pas 
regardé  ;  il  répondit  d’un  ton  de  voix  ferme  ,  voila  qui  vabimx 
Alors  la  Sœur  de  celui ,  qu’il  devoit  remplacer ,  s  approcha  de 
lui ,  &  comme  fi  elle,  eût  vû  fon  propre  frere  ,  elle  lui  donna 
à  manger,  &  le  fer'vit  avec  toutes  les  apparences  de  la  plus 
fineere  &  de  la  plus  tendre  amitié.  Le  vieux  Chef  lui-meme  e 
careffa  beaucoup  ;  il  lui  mettoit  fa  pipe  a  la  bouche  ,  &  le 
voyant  tout  couvert  de  fueur  ,  il  l’effuymt ,  &  lui  domioit  tou¬ 
tes  les  marques  poffibles  d’une  affeftion  vraiment  paternelle. 

Vers  le  midi  le  Prifonnier  fit  fon  feftm  d  adieu  ,  aux.depen 
de  fon  Oncle  ,  &  tout  le  monde  étant  affemblé  ,  il  dit  :  >,  Mes 
Freres  ,  je  vais  mourir  ,  divertiffez-vous  hardiment  autour  de 
moi  ;  fongez  que  je  fuis  un  Homme  ,  &  foyez  perfuades  que  je 
ne  crains  ni  la  mort  ,  ni  tout  ce  que  vous  pouvez .me  taire 
fouffrir  de  maux  «.  Il  chanta  enfuite  ,  plufieurs  Guerr 
chantèrent  avec  lui  ;  apres  quoi  on  fervit  a  mangei. 
ne,  fait  point  d’invitation  pour  ces  repas ,  chacun  a  r 


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DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  213 

s’y  trouver  ,  mais  la  plûpart  n  apportent  point  leur  écuelle  ,  &  \ 

ne  veulent  être  que  FpeHateurs.  Le  feflin  fini ,  le  Patient  fut 
mené  au  lieu  du  fupplice  ,  qui  étoit  une  Cabanne  deftinée  à 
cet  ufage  :  chaque  Village  en  a  une  de  cette  nature  ,  elle  por¬ 
te  le  nom  de  Cabanne  de  fang  ,  ou  des  Têtes  coupées  ,  &  c’efifc 
toujours  celle  d’un  Chef  de  Guerre.  Dès  qu’un  Prifonnier  y 
a  mis  le  pied ,  il  n’efi:  plus  au  pouvoir  de  perfonne  de  lui  faire 

trace  de  la  vie.  Elle  n’efi;  pourtant  pas  toujours  le  lieu  des 
éxecutions ,  on  les  peut  faire  par-tout. 

Vers  les  huit  heures  du  foir  9  011  alluma  onze  feux  ,  à  une 
brafle  de  diftance  les  uns  des  autres.  Tout  le  monde  étoit  ran¬ 
gé  en  haye  des  deux  côtés  ,  les  Vieillards  derrière  fur  une  ef- 
pece  d’enrade  ,  &  les- jeunes  gens ,  qui  dévoient  être  A£leurs9 
au  premier  rang.  Dès  que  le  Prifonnier  fut  entré  9  un  Vieil¬ 
lard  s’avança  ,  exhorta  la  Jeuneffe  à  bien  faire ,  &  ajouta  que 
cette  a&ion  étoit  importante ,  &  quelle  feroit regardée  d’ARES- 
KOUY.  Cette  courte  harangue  fut  reçue  avec  applaudiffement, 
ou  plutôt  avec  des  hurlemens  capables  d’effrayer  les  plus  raf- 
fûrés.  Le  Captif  parut  en  même  teins  au  milieu  de  FAffemblée, 
entre  deux  Mifiionnaires  ,  &  les  cris  redoublèrent  à  cette  vûë* 
On  le  fit  afféoir  fur  une  natte  ,  &  on  lui  lia  les  mains. 

Il  fe  leva  enfuite ,  &  fit  le  tour  de  la  Cabanne  ,  danfant  & 
chantant  fa  chanfon  de  mort.  Cela  fait,  il  retourna  à  fa  pla¬ 
ce,  &  fe  remit  fur  fa  natte.  Alors  un  Chef  de  Guerre  lui  ôta 
fa  robe  ,  &  le  montrant  ainfi  nud  à  l’Affemblée  ,  il  dit  :  »  Un  « 
Tel  (nommant  un  autre  Chef)  ôte  à  ce  Captif  fa  robe  ,  les  Ha-  « 
bitans  de  tel  Village  lui  couperont  la  tête  ,  &  la  donneront  « 
avec  un  bras  à  un  Tel  (  qu’il  nomma  encore  )  ,  lequel  en  « 
fera  fefiin.  Aufii-tôt  la  fcene  la  plus  tragique  &  la  plus  horri¬ 
ble  commença  ,  &  le  Pere  de  Brebeuf ,  qui  fut  prefent  à  tout, 
en  a  fait  une  description ,  qui  fait  frémir.  Ce  Mifiionnaire  ob- 
tenoit  de  tems  en  tems  des  Bourreaux  qu’on  donnât  un  peu 
de  relâche  au  Patient  ,  &  en  profitoit  pour  l’exhorter  à 
offrir  fes  maux  à  un  Dieu  ,  qui  fçauroit  bien  l’en  dédomma¬ 
ger  ,  &  qui  lui-même  a  voit  fouffert  pour  nous  toutes  fortes  d’in¬ 
dignités  &  de  tourmens. 

Tandis  qu’il  parloir ,  on  faifoit  filence  ,  &  chacun  l’écou- 
toit  avec  beaucoup  d’attention.  Jofeph  répondoit  à  tout ,  com¬ 
me  s’il  n’eût  fenti  aucun  mal ,  &  tout  le  tems  que  dura  fon  fup-- 
plice  ,  il  ne  lui  échappa  rien  ,  dont  fes  charitables  Inffrufteurs 
puffent  le  reprendre.  Il  parloit  même  quelquefois  des  affaires^ 


214  HISTOIRE  GENERALE 

- -  de  fa  Nation ,  comme  s’il  eût  été  au  milieu  de  fa  Famille  &  de 

1  6  4  o.  fes  Am[s.  On  avoit  prolongé  fon  fupplice  ,  parce  que  les  Vieil¬ 
lards  avoient  déclaré  qu’il  étoit  de  conféquence  ,  que  le  Soleil 
Levant  le  trouvât  encore  en  vie  :  dès  que  le  jour  parut ,  on 
le  conduisit  hors  du  Village,  où  on  ne  le  ménagea  plus.  En¬ 
fin  ,  comme  on  le  vit  fur  le  point  d’expirer  ,  de  peur  qu’il  ne 
mourût  autrement  que  par  le  fer  ,  contre  ce  qui  étoit  ordon¬ 
né  dans  fa  Sentence  ,  on  lui  coupa  un  pied  ,  une  main  &  la 
tête.  La  diftribution  s’en  fit,  félon  qu’il  avoit  été  marqué  ,  & 
le  refie  du  corps  fut  mis  dans  la  chaudière. 

Situation  de  La  Million  Huronne  avoit  alors  de  grandes  contradiftions  à 
la  Million  Hu-  efl*Uyer?  majs  elles  étoient  entremêlées  de  fuccès,  qui  donnoient 

de  grandes  efperances  aux  Ouvriers  Evangéliques.  Le  détail , 
qu’ils  en  font  eux-mêmes  dans  leurs  Lettres  ,  a  véritablement 
quelque  chofe  de  bien  touchant, &  ces  Lettres  font  écrites  avec 
tant  de  fimplicité  &  de  candeur ,  qu’on  ne  doit  point  être  fur- 
pris,  fi  elles  intérefférent  tant  de  perfonnes  de  pieté  à  la  conver- 
lion  des  Infidèles  du  Canada.  On  y  voit  d’un  côté  des  Sauvages 
attirés  par  une  impreflion  fecrette  de  la  Grâce  ,  &  par  la  chari¬ 
té  de  leurs  Maîtres  en  J.  C.  fe  préfenter  en  foule  au  Baptême  : 
un  grand  nombre  de  Prifonniers  Iroquois  entrer ,  comme  celui, 
dont  nous  parlions  tout  à  l’heure  ,  dans  la  voye  du  falut,  &  par 
la  même  porte  que  lui ,  &  faire  paroître  jufqu’au  dernier  foupir 
des  fentimens  ,  dont  leurs  Ennemis  mêmes  étoiefit  touchés  : 
enfin  de  ces  convenions  inefperées  ,  où  le  doigt  de  Dieu  fe  rend 
fenfible  aux  plus  incrédules. 

D’autre  part ,  on  y  reprefente  les  Prédicateurs  de  1  Evangile 
toûjours  au  moment  d’être  les  viélimes  d’une  émeute  populai¬ 
re ,  excitée  par  un  accident  imprévû  j  du  refientiment  dun 
Pere,  qui  s’efi  imaginé  que  la  Priere,  ou  le  Baptême  a  fait  mou¬ 
rir  fon  Fils  ;  du  caprice  d’un  méchant  efprit ,  dont  un  rêve  pré¬ 
tendu  ,  ou  un  mauvais  rapport  a  échauffé  la  bile  ,  ou  trouble 
l’imagination.  On  avoit  les  mêmes  afiauts  à  loûtenir  parmi  les 
autres  Nations ,  &  entre  plufieurs  exemples  ,  que  j’en  trouve 
dans  mes  Mémoires  ,  j’en  ai  choifi  un  ,  qui  caraûerife  trop  bien 
les  Sauvages  ,  pour  le  palier  fous  filence. 

Aventure  fin-  Le  P.  Jerome  Lallemant,  Frere  du  P.  Charles  Lallemant,  dont 

LaliemantPeie  j’ai  déjà  parlé  ,  étoit  en  chemin  pour  fe  rendre  chez  les  Hurons , 
&  avoit  pris  fa  route  par  la  grande  Riviere  des  Outaouais. 
Il  rencontra  des  Algonquins ,  qui  avoient  drefie  leurs  Caban- 
nés  fur  le  bord  de  cette  Riviere  ,  &  les  Hurons  ,  qui  le  cou-* 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  215 

cluifoient ,  jugèrent  à  propos  de  s’arrêter  quelque  tems  avec 
eux.  Le  Millionnaire  prit  ce  moment  pour  réciter  fon  Offi¬ 
ce  ,  &  fe  retira  un  peu  à  l’écart.  Il  avoit  à  peine  commencé  , 
qu’on  Fappella  ;  on  le  fît  entrer  dans  une  Cabanne  ,  &  on  lui 
dit  de  s’afféoir  auprès  d’un  Algonquin  ,  dont  l’air  fombre  & 
courroucé  ajoûtoit  quelque  chofe  de  fîniftre  à  fa  mauvaife  phy- 
fîonomie. 

Le  Pere  n’eut  pas  plutôt  pris  place  à  côté  de  lui ,  que  ce 
Barbare  le  regardant  de  travers  ,  lui  reprocha  qu’un  François 
en  paflant  par -fon  Village  ,  s’étoit  avifé  de  faigner  un  de  fes 
Parens  malade  ,  &  l’avoit  tué.  En  achevant  ces  mots  ,  il  en¬ 
tre  en  fureur  ,  faifît  une  hache  d’une  main  ,  prend  une  corde 
de  l’autre  ,  &  fait  entendre  au  Millionnaire  ,  qu’il  faut  qu’il 
meure  ,  pour  appaifer  l’efprit  de  fon  Parent ,  &  qu’il  ne  lui 
lailfe  que  de  choix  du  genre  de  mort.  Le  Pere  ne  pouvoir  op- 
pofer  que  des  raifons  à  ce  Furieux  ,  mais  il  n’étoit  pas  en  état 
de  les  entendre  ;  il  s’étoit  même  déjà  jetté  fur  le  Millionnaire r 
&  faifoit  mine  de  vouloir  l’étrangler  ;  mais  foit  que  fa  fureur 
ne  fût  pas  au  point ,  où  elle  paroilîbit ,  foit  quelle  ne  lui  lailîat 
pas  allez  de  préfence  d’efprit ,  pour  fçavoir  ce  qu’il  faifoit ,  il 
avoit  engagé  dans  fa  corde  le  collet  de  la  foutanne  du  Pere  , 
enforte  que  ,  quoiqu’il  tirât  de  toute  fa  force  ,  il  ne  lui  faifoit 
pas  beaucoup  de  mal. 

Après  s’être  ainfi  bien  fatigué  inutilement ,  il  s’apperçut  de 
fa  bêtife  ,  &  voulut  détacher  le  collet  de  la  foutanne  ,  mais 
n’en  ayant  pû  venir  à  bout ,  il  leva  fa  hache  ,  comme  pour 
la  décharger  fur  la  tête  du  Miffionnaire  ,  qui  s’échappa  de  fes 
mains.  Les  Hurons  demeuroient  fpe dateurs  tranquilles  de  celte 
fcene ,  comme  de  la  chofe  du  monde,  qui  les  intérelîoit  le 
moins  ;  mais  deux  François  étant  accourus  au  bruit ,  tombe- 
1  eut  rudement  fur  l’Algonquin  ,  &  l’alloient  aflommer  ,  fî  le 
Pere  Lallemant  ne  les  en  eût  empêché ,  en  leur  reprefentant 
les  fuites  ,  que  pourroit  avoir  la  mort  de  cet  Homme  :  il  ajoû- 
ta  qu’il  valloit  mieux  avertir  férieüfement  les  Hurons  ,  que  le 
Gouverneur  Général  s’en  prendroit  à  eux ,  s’il  arrivoit  quel¬ 
que  malheur  a  un  Religieux  ,  qu’il  leur  avoit  confié  ,  &  ils: 
prirent  ce  parti. 

Les  Hurons  tinrent  confeil  entr’eux  ,  après  quoi  ils  décla¬ 
rèrent  à  1  Algonquin  ,  que  le  P.  Lallemant  étoit  fous  leur  fau¬ 
ve-garde.  Cette  déclaration  n’eut  pas  d’abord  un  grand  ef¬ 
fet;  &  comme  ceux  qui  l’avoient  faite ,  s’en  tenaient  là ,  fans 


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Souffrances 
des  Million¬ 
naires. 


Leurs  occu¬ 
pations. 


6  histoire  generale 

Drêter  main -forte  aux  François,  &  que  l’Algonquin  ét  dit 
Eien  accompagné  ,  le  Millionnaire  fut  encore  affez  lontems  en 
très  -  grand  danger.  Enfin  les  Hurons  voyant  ce  Barbare  un 
peu  Plus  tranquille  ,  ou  parce  que  la  laffitude  avoir  modéré  fa 
Lueue  ,  ou  parce  qu’il  n’avoit  pas  prétendu  .pouffer  la  chofe 
à  l’extrémité  ,  ils  lui  dirent  que  s’il  vouloit  relâcher  le  Peie  , 
fis  couvriront  le  Mort ,  c’eft-à-dire ,  qu’ils  lu.  ferment  quel¬ 
que  préfent ,  pour  le  confoler  de  la  perte  de  fon  Parent.  Cette 
propofition  acheva  de  le  calmer  ;  les  Hurons  lui  donnèrent 
quelques  Pelleteries ,  comptant  bien ,  qu’ils  n  y  perdroient  .rien, 

&  s’embarquèrent  fur  le  champ  avec  le  Millionnaire. 

Ce  ne  fut  pas  la  feule  avanie ,  que  le  P-  Lallemant  eut  a 
effuyer  pendant  ce  voyage  ,  &  il  n’y  avoit  aucun  de  fes  on- 
freres  qui  il  ne  fût  arrivé  quelque  chofe  de  femblable  ; 
plufieurs  mêmes  avoient  reçu  de  rudes  baftonades.  Rien  ne 
Faifoit  mieux  voir  la  foibleffe  de  la  Colonie  ,  dont  les  Sauvai 
te  comprenoient  tous  les  jours  de  plus  en  plus  qtnls  na- 
foiem  pL  beaucoup  à  craindre  ,  ni  à  efperer  :  d  autre  part , 
l’extrême  defir  qu’avoient  les  Millionnaires  de  réduire  toutes 
ces  sions  fous  le  joug  de  la  Foi ,  leur  rendort  ces  mauva, 
traittemens  fupportables  ,  &  leur  paff.on  pour  les  fouffrances 
leur  y  faifoit  même  trouver  de  la  confolation  :  d  autant  p  us 
qu’ils^étoient  fouvent  les  fuites  du  fuccès  de  leurs  travaux  ,  & 

de  slorieufes  marques  de  leurs  vi&oires.  .  , 

Rien  d’ailleurs  n ’étoit  plus  Apoftohque  ,  que  la  vie  qu  ils  me- 
noient.  Tous  leurs  momens  étoient  comptes  par  quelque  ac* 
tionhéroinue  ,  par  des  convenons ,  ou  par  des  fouffrances , 
qu’ils  regardoient  comme  de  vrais  dedommagemens ,  lorfqu^ 
leurs  travaux  n’avoient  pas  produit  tout  le  fruit ,  dont  iis  se 
toient  flattés.  Depuis  quatre  heures  du  matin,  mu  s  fe evoiem, 
lorfqu’ils  n’étoient  point  en  courfe  ,  jufqu  a  hult,’  ls  “eme“ 
roient  ordinairement  enfermés  :  c’étoit  le  tems  de  la  Priere  , 
&  le  feul ,  qu’ils  euffent  de  libre  pour  leurs  exercices  de  piete.  A 
huit  heures  chacun  allo.t ,  où  fon  devoir  l’appelloit  ;  les  un 
vifitoient  les  Malades ,  les  autres  fuivoient  dans  les  Campagnes 
ceux  qui  travailloient  à  cultiver  la  terre  ;  d’autres  fe  tranf- 
portolent  dans  les  Bourgades  voifines ,  qui  étaient  deftitu e| 
de  Pafteurs.  Ces  courfes  produifoient  plufieurs  bo“  ’ 
en  premier  lieu  il  ne  mouron  point ,  ou  il  mouioit  bien  peu 
d’Enfans  fans  Baptême  :  des  Adultes  memes  ,  qui  avoient JH 
fufé  de  fe  faire  inftruire  ,  tandis  quils  etoient  en  fante  ,  le  ^ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lxv.  V.  iï7 

:  doient  dès  qu’ils  étoient  malades  :  ils  ne  pouvoient  tenir  contre 
l’induftrieufe  &  la  confiante  charité  de  leurs  Médecins.  En  fé¬ 
cond  lieu  ces  Barbares  s’apprivoifoient  de  jour  en  jour  avec  les 
Miffionn aires  ;  ce  commerce  adoucifïoit  leurs  mœurs  ,  &  les 
faifoit  infenfiblement  revenir  de  leurs  préjugés.  Rien  d’ail¬ 
leurs  n’étoit  plus  édifiant  que  la  conduite  des  nouveaux  Chré¬ 
tiens  :  plus  on  avoit  eu  de  peine  pour  les  gagner  à  J.  C.  plus  on 
^voit  de  confolation  de  voir  les  fentimens  de  leur  cœur ,  où 
la  Grâce  ne  trouvoit  plus  d’obflacles  à  fes  opérations.  Leurs 
Prières  &  leurs  autres  exercices  de  pieté  fe  faifoient  en  com¬ 
mun  ,  &  aux  heures  marquées ,  &  il  y  en  avoit  peu ,  qui  n’ap- 
prochaffent  des  Sacremens  ,  au  moins  tous  les  huit  jours. 

Les  guérifons  fréquentes  opérées  parla  vertu  des  remedes,  que 
les  Peres  leur  diflribuoient  libéralement,  concilioient  à  ces  Mif- 
fionnaires  encore  plus  de  crédit  ;  les  Jongleurs  perdoient  beau¬ 
coup  du  leur,  &  par  là  quantité  de  mauvaifes  coûtumes,  de  prati¬ 
ques  fuperflitieules,  &  de  cérémonies  indécentes  s’aboliffoient. 
Enfin  il  refloit  toujours  un  Religieux  dans  la  Maifon,  pour  y  te¬ 
nir  une  Ecole  ,  pour  faire  les  Prières  publiques  aux  heures  ré¬ 
glées  dans  la  Chapelle,  &  pour  recevoir  les  vifites  des  Sauvages, 
qui  font  extrêmement  importuns.  Sur  le  déclin  du  jour  tous  fe 
réuniffoient  pour  tenir  une  efpece  de  Conférence  ,  où  chacun 
propofoit  fes  doutes ,  communiquoit  fes  vûés  ,  éclairciffoit  les 
difficultés ,  qu’il  avoit  fur  la  Langue  :  on  s’animoit  &  on  fe 
confoloit  mutuellement  ,  on  prenoit  de  concert  des  mefures 
pour  avancer  l’œuvre  de  Dieu  ,  &  la  journée  finiffoit  par  les 
mêmes  exercices  ,  qui  l’avoient  commencée. 

Outre  les  infbru&ions  ,  qui  fe  faifoient  regulierement  pour 
les  Néophytes  ,  &  pour  les  Profelytes  dans  la  Chapelle ,  il  y 
en  avoit  de  tems  en  tems  de  publiques  pour  tout  le  monde. 
Avant  que  de  les  commencer ,  un  des  Millionnaires  alloit  la 
clochette  à  la  main,  à  l’exemple  de  S.  François-Xavier ,  non- 
feulement  par  tout  le  Village ,  mais  encore  aux  environs  ,  &  tâ- 
choit  d’engager  tous  ceux  ,  qu’il  rencontrait ,  à  le  fuivre.  Ces 
inflru&ions  le  faifoient  fouvent  en  forme  de  Conférence  ,  où 
chacun  avoit  la  liberté  de  parler  ;  ce  qui  parmi  les  Sauvages 
n’eft  jamais  fujetà  aucune  confufion.  Rarement  on  fortoit  de 
ces  Affemblées,  fans  avoir  fait  quelque  conquête.  Enfin  ou¬ 
tre  ces  Conférences  publiques  ,  il  s’en  tenoit  de  particulières , 
où  l’on  n’açpelloit  que  les  Chefs  ,  &  d’autres  perfonnes  confi- 
(Jerables.  C’étoit  là  qu’on  difcutoit  avec  foin  certains  articles 
Tome  I.  E  e 


6  4  o. 


Leur  manié¬ 
ré  d'inftruirc, 


21§  histoire  generale 

delà  Religion  ,  dont  on  ne  jugeoit  pas  qu’on  dût  inftmire  fitôt 
la  multitude  ,  mais  uniquement  ceux  ,  qu  on  connoiffoit  plus 
capables  de  les  comprendre  ,  &  dont  1  autorité  pouvoit  iervir 

beaucoup  au  progrès  de  l’Evangile.  1  , 

J’ai  cru  devoir  m’étendre  un  peu  fur  les  obftacles ,  quon  a 
rencontrés  à  la  converfion  des  Sauvages  du  Canada  ;  du  moins 
ceux  ,  qui  fe  font  perfuadés  que  la  Foy  n  a  fait  aucun  progrès 
parmi  ces  Barbares  ,  ne  pourront-ils  pas  maccufer  de  les  avoir 
difîimulés  ;  je  ne  crains  point  non  plus  qu’on  me  foupçonne  d  a- 
voir  exaggeré  les  fatigues  ,  les  fouffrances  ,  &  la  perfeverance 
des  Ouvriers  Apoftoliques,  qui  ont  arrofe  de  leurs  fueurs  &  de 
leur  fang  cette  partie  du  champ ,  que  le  Pere  de  Famille  leur 
avoit  confiée.  Toute  la  Nouvelle  France  rend  depuis  plus  d  un 
fiiécle  un  témoignage  fi  public  à  la  vie  dure  &  vraiment  po- 
ftolique,  qu’ils  ont  menée  ,  &  à  l’éminente  faintete  de  pluiieurs , 
qu’on  ne  feroit  point  reçu  à  le  révoquer  en  doute  ,  &  qu  H  n  eit 
pas  poffible  de  le  recufer.  Ce  que  je  dirai  dans  la  fuite  des  be- 
nedi&ions  ,  que  le  Ciel  répandit  fur  leurs  travaux  ,  eit  apuye- 

fur  le  même  témoignage.  , 

Sans  vouloir  donc  mettre  en  parallèle  ces  Apôtres  avec  les 
premiers.  Fondateurs  de  l’Eglife  Chrétienne  ,  je  crois  etre  en 
droit  de  demander  fur  quel  fondement  on  pretendroit  pouvoir 
douter  de  la  réalité  des  converfions ,  dont  je  ne  pourrai  me 
difpenfer  de  parler  ,  fans  manquer  à  ce  que  la  fidélité  de  1  nil- 
toire  exige  de  moi  ;  des  grands  exemples  de  vertu  ^  quon  a  vu 
pratiquer  à  un  affez  grand  nombre  de  Néophytes  ;  &  des  mer¬ 
veilles.,  que  Dieu  a  opérées  en  leur  faveur  ?  L’experience  nous 
apprend  que  trois  fortes  de  Perfonnes  feront  extrêmement  en 
garde  fur  tous  ces  articles.  Les  uns  ,  qui  ont  connu  des  Sau- 
vages ,  en  convenant  qu’ils  ne  manquent  point  d  une  lotte  e 
prit ,  foûtiennent  qu’ils  l’ont  tout-à-fait  bouché  fur  ce  qui  ne 
tombe  point  fous  les  fens ,  ou  n’ont  aucun  rapport  a  leurs  af¬ 
faires  ,  dont  la  fphere  eft  fort  bornée;  d’où  ils  concluent  qu  U 
n’eft  pas  poffible  de  leur  faire  affez  bien  comprendre  les  gran¬ 
des  vérités  de  notre  Religion  ,  pour  en  faire  même  des  Chré¬ 
tiens  ordinaires.  Les  autres  ,  ne  faifant  attention  quau  na¬ 
turel  diffimulé  &  volage  de  ces  Barbares ,  n’imaginent  point 
qu’on  puiffe  venir  à  bout  de  les  gagner  ,  &  de  les  nxerau 
point  de  les  établir  dans  la  pratique  fincere  &  confiante  des 
vertus  Chrétiennes.  Les  troiuémes  fe  recrient  au  feul  nom 
tout  ce  qui  paffe  les  forces  &  le  cours  ordinaire  de  la  nature  » 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  219 
&  fi  on  les  voit  tous  les  jours  s’infcrire  en  faux  fur  les  mira¬ 
cles  ,  qui  font  le  plus  juridiquement  atteflés  ,  &  le  plus  folem- 
nellement  approuvés  par  l’Eglife ,  avec  quelle  hauteur  ne  re¬ 
jetteront-ils  pas  ce  quon  leur  rapportera  en  ce  genre  d’une 
Chrétienté  ,  compofée  de  Néophytes  ,  dont  il  auroit  fallu  ,  di- 
fent-ils  5  commencer  par  faire  des  Hommes  ,  avant  que  de  les 
rendre  adorateurs  de  Jesus-Christ  ? 

Mais  ni  les  uns,  ni  les  autres  ne  font  pas  affez  reflexion,  i°.  que 
la  converfîon  d’un  Infidèle  ,  quel  qu’il  foit ,  non  plus  que  celle 
d’un  Pécheur  ,  ne  peut  être  l’Ouvrage  que  de  la  Grâce  ,  devant 
laquelle  les  plus  grands  ,  comme  les  moindres  obftacles  difpa- 
roiffent.  Elle  efl  venue  à  bout  des  Juifs  ,  pour  qui  Jesus- 
Christ  crucifié  étoit  un  fcandale,  &  des  Gentils  ,  qui  traita 
toient  fa  Croix  de  folie.  Elle  peut  tirer  des  pierres  mêmes  des 
Enfans  d’ Abraham  (a)  ;  c’eft-à-dire  ,  faire  germer  la  Foi  la  plus 
vive  ,  &  la  charité  la  plus  ardente  dans  les  cœurs  les  plus  durs  , 
&  dans  les  efprits  les  plus  greffiers  :  &  portât-on  la  prévention 
jufqu’à  douter  ,  comme  ont  fait  quelques-uns  ,  que  les  Ameri- 
quains  fuffent  des  Hommes  ,  ne  pourroit-on  pas  leur  répon¬ 
dre  avec  les  plus  célébrés  Docteurs  de  l’Eglife  :  Hommes  &  ju - 
menta  Jalvabis ,  Domine  (  b  )  /  Or  dès-là  que  l’opération  toute 
publiante  de  la  Grâce  a  pu  faire  ces  grands  changemens ,  efl  -  il 
permis  d’y  mettre  des  bornes ,  en  difant  qu’elle  n’a  pas  pu  élever 
ces  nouveaux  Chrétiens  à  la  fainteté  la  plus  éminente  ,  s’ils  lui 
ont  été  fidèles  ? 

20.  Que  les  promeffes  ,  que  le  Sauveur  du  Monde  a  faites 
à  fes  Difciples ,  foit  pour  la  converfion  des  Gentils ,  foit  pour 
les  moyens  furnaturels  ,  par  le  moyen  defquels  il  devoit  y 
concourir  avec  eux ,  regardent  tous  ceux  ,  qui ,  jufqu’à  ce  que 
tout  le  Troupeau  des  Elus  foit  réuni,  auront  reçu  une  million 
légitimé  pour  travailler  à  cette  réunion.  Que  ,  fi  les  miracles  , 
félon  S.  Auguftin,,  furent  néceffaires  au  commencement  de  l’E- 
glife  ,  ils  le  font  par  le  même  principe ,  dans  toutes  les  Egli- 
les  naiffantes  ;  &  que  le  pouvoir  de  cnafïer  les  Démons  ,  accor¬ 
dé  ,  non  -  feulement  aux  premiers  Prédicateurs  de  l’Evan¬ 
gile  ,  mais  aux  Fidèles  mêmes  ,  &  qui  fait  une  partie  du  dé¬ 
pôt  confié  à  l’Eglife  pour  tous  les  tems  ,  fuppofe  l’Empire  des 
Démons  fur  tous  ceux ,  qui  n’ont  point  reçu  le  facré  cara&ére  , 
que  nous  imprime  le  Sacrement  de  la  régénération. 

30.  Que  de  toutes  les  Nations  de  l’Univers  il  n’en  efl  aucu- 

(*)  Math.  j,?.  (b)  Pr.  3$.  7, 

'  9  9  *|—i  •• 

te  îj 


110 


I 


I  ()  -4  Q* 


Etat  de  îa 
Miffion  des 
Trois-  Riviè¬ 
res;-. 


histoire  generale 

ne  pour  qui  le  Royaume  des  deux  ne  (bit  ouvert  (*)  ,  ni  à  qui' 
les  Apôtres- n’ayent  eu  pour  eux  &  pour  leurs  Succeffeurs ,  un 
ordre  exprès  d’annoncer  l’Evangile  :  Doute  omnes  G entes  (£*);.- 
&  que  d’en  vouloir  exclure  une  feule  du  bienfait  de  la  Rédem¬ 
ption  ,  &  des  tréfors  du  Ciel ,  quelle  renferme  ,  ce  feroit  con¬ 
tredire  toutes  les  Ecritures  ,  qui  s’expriment  fur  cela  de  la  ma¬ 
niéré  la  plus  formelle.  1  t  • 

Qu’on  dife  donc  tout  ce  qu’on  voudra  pour  diminuer  la  gloire 

des  Apôtres  du  Nouveau  Monde,  on  ne  fçauroit  mer  quiis 
ne  foient  compris  parmi  ceux  ,  à  qui  Notre-Seigneur  a  dit  '.Al¬ 
ler  ,,  inlïruifez  tous  les  Peuples.  S’ils  n’ont  pas  reçu  leur  Mi - 
{ion  immédiatement  de  lui ,  ils  l’ont  reçue  de  ceux  ,  qui  avoient 

autorité  pour  la  leur  donner  ;  &  charges  d  une  bonne  partie  de 

TOuvraee  ils  ont  dû  compter  fur  les  mêmes  lecours  >  oc  sat- 
sûrer  de  la  même  affiftance  de  celui qui  a  promis  detre  avec, 
ceux,  qui  lèroient  envoyés  pour  precherfa  Loi  jufqu  a  la  corn 
fommation  des  fiécles.  Je  dis  plus ,  1  augufte  Mimftere,  dont  ils  - 
ont  été  honnorés  ,  doit  naturellement  former  ce  préjugé  dans 
notre  efprit ,  qu’ils  ont  été  pour  la  plûpart  ce  qu  ils  ont  du  etre  ; 
&  tout  ce  que  nous  rapportons  de  leurs  héroïques  vertus  ,  de 
ce  qu’ils  ont  fait  &  fouffert  dans  l’exercice  de  ce  Mmiftere  ,  eft 
tellement  dans  la  vraifemblance  ,  qu’on  devroit  etre  furpris 
qu’ils  n’euflent  été  tels.  Il  ne  peut  y  avoir  que  ceux  ,  qui  ont 
ofé  avancer  „ malgré  lapromeffe  du . Sauveur  ,  que  les  portes, 
de  l’Enfer  ont  prévalu  contre  l’Eglife  qui  punTent  retuier  de 
reconnoître  quelle  a  encore  ,  &  qu  elle  aura  juîqtra  la  hn  de 
Apôtres ,  des  Martyrs ,  &  des  Saints  dans  tous  les  états  ,  &  dans  ■ 
tous  les  Pays  ,  où  elle  étendra  fon  Empire  ;  &  que  la. vertu  des 

miracles  ne  lui  manquera  jamais.  ,  ,*./• 

Tout  ce  que  j’ai  dit  jufqu  a  prefent  regardoit  furtout  les  Mil- 
fions  fedentaires  ;  c’eft-à-dire.,  celles  desHurons  &  de  Syllen; 
mais  on  tâchoit  de  procéder  dans  le  même  efprit ,  &  de  luivre 
les  mêmes  réglés ,  autant  qu’il  étoit  poffible ,  dans  toutes  les  au¬ 
tres.  Aux  Trois  Rivières ,  outre  les  Algonquins ,  qui  y  etoient 
pour  l’ordinaire  en  affez  grand  nombre.,  plufteurs  Nations  des 
quartiers  les  plus  reculés  vers  le  Nord,  commençaient  a  le 
montrer  &  prenoient  l’habitude  d  y  palier  toute  la  belle  ai 
fon.  La  plus  confidérable  étoit  celle  des  Attikamcgua ,  dont  la 
refidence  ordinaire  étoit  aux  environs  du  Lac  dci>.  Ihomas , 
qu’on  trouve  par  les  50.  degrés  de  Latitude  Septentrionale.,, 

Q)Matth.  iS.  18,  (b)  Ibidem.- ■ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  221 

en  remontant  la  Riviere  ,  dont  les  trois  bras  ont  donné  le  nom 
à  ce  polie.  On  n’eut  pas  beaucoup  de  peine  à  faire  goûter  à  ces 
Sauvages  les  vérités  de  la  Religion  Chrétienne:  ils  étoient  na¬ 
turellement  dociles  ,  d’une  humeur  douce  ,  &  ils  s’affefiionne- 
rent  d’abord  de  telle  forte  aux  François  ,  que  rien  n’a  jamais  pu 
les  en  feparer.  La  Foi  ht  pourtant  parmi  eux  des  progrès  affez 
lents ,  parce  qu’à  l’approche  de  l’hyver  ils  retournoient  chez 
eux ,  &  que  quand  ils  revenoient  l’année  fuivante  ,  il  falloit  re¬ 
commencer  à  les  inliruire  comme  le  premier  jour. 

Il  Te  formoit  auffi  un  petit  Troupeau  de  Fidèles  à  Tadouffac , 
lieu  plus  fréquenté  qu’aucun  autre  depuis  lontems  par  les  Mon¬ 
tagne  z  ,  les  Papinachois  ,  les  Berhamites ,  St  la  Nation  du 
Porc  Epi.  Ils  arri voient  quelquefois  tous  enfemble  ,  &  le  plus 
fouvent  les  uns  après  les  autres  ;  mais  la  Traitte  finie  ,  ils  s’en 
retournaient  chez  eux  ,  ou  plûtôt  ils  fe  difperfoient  dans  les 
Montagnes  &  dans  les  Forêts ,  à  l’exception  d’un  petit  nom¬ 
bre  ,  qui  paffoient  l’hyver  aux  voifinages  de  T adouffac  ,  &  y 
donnoient  affez  d’occupation  aux  Millionnaires.  Quelques- 
uns  de  ces  Peres  fuivoient  aulïi  de  tems  en  tems  les  mêmes 
Montagnez  dans  leurs  chaffes  d’hyvër ,  pour  laquelle  ces  Sau¬ 
vages  choiliffent  toujours  des  lieux  affreux  &  inhabitables  ,  par 
la  raifon ,  que  les  bêtes  fauves  s’y  trouvent  en  plus  grand 
nombre. 

i  • 

Lille  Mifcou  ,  &  les  environs  du  Golphe  de  S.  Laurent 
étoient  auffi  alors  un  des  plus  ordinaires  rendez-vous  des  Sau¬ 
vages  ,  parce  que  la  Pêche  y  eff  très-abondante  ;  mais  la  Colo¬ 
nie  ne  prohtoit  point  de  ce  commerce  ,  ni  de  celui  des  Pellete¬ 
ries.  C’étoit  des  Marchands  de  France  ,  qui  uniquement  atta¬ 
chés  au  profit  prefent ,  qu’ils  y  faifoient ,  ne  prenoient  aucune 
mefure  pour  le  rendre  durable  &  folide.  Le  Miniftere  ne  s’en 
mêloit  point ,  non  plus  que  de  l’Acadie  ,  qui  étoit  entre  les 
mains  des  Particuliers  ,  &  ne  faifoit  aucune  attention  à  l’impor¬ 
tance  de  tous  ces  polies  féparés  ,  qui  auraient  pu  fe  foûtenir  mur 
tuellement ,  fi  on  avoit  pris  foin  de  les  fortiher  ,  &  de  les  peu¬ 
pler  peu  à  peu.  • 

Les  Sauvages,  avec  lefquels  on  traittoit  aux  environs  du  Gol- 
phe,  étoient  les  mêmes,  que  ceux  de  l’Acadie,  mais  on  les  appel¬ 
ait  en  ces  quartiersdà  plus  communément  Gafpejiensk  caufe  du 
Cap)  de  Galpé  ,  où  la  plûpart  des  Vaiffeaux  venoient  mouiller. 
Ils  étoient,  fort  doux  ,  mais  ils  demeuraient  li  peu  en  place  , 
que  malgré  les  foins  des  Millionnaires ,  on  11e  pouvoit  prefque- 


1640. 


DeTadouf-r 

fac. 


Des  environs  ; 
du  Golphe. 


m  HISTOIRE  generale 

-  nar venir  à  les  inftruire  des  vérités  de  la  Religion.  Le  P.  Char- 
1640.  P  Tursis  venoit  d’être  la  vi&ime  de  fon  zele  ,  étant  moi  t  de 
fatigues  dans  llfle  Mifcou  ,  quoique  dans  l’efpace  de  deux  an¬ 
nées  il  n’y  eût  baptifé  qu’un  feul  Enfant.  Les  PP.  Julien  Per¬ 
rault,  &  Martin  Lionnes,  qui  étoient  dans  fonvoifinage, 
n’v  travailloient  pas  plus  heureufement ,  &  ne  montraient  ni 
moins  de  courage  ,  ni  moins  de  patience  dans  1  exercice  d  un  il 

■  infru&ueux  Apoftolat»  ••te  »  _ 

Enfin  par  tout ,  où  le  commerce  attiroit  les  Sauvages  ,  y 
trouvoit  quelqu’un  pour  leur  annoncerjESUS-CnRlST  ;  mais  le 
neu  de  feiour  qu’ils  faifoient  en  un  meme  endroit ,  ne  donnoit 
nas  le  tems  à  cette  divine  femence  de  la  parole  de  Dieu  de  ger- 
mer  dans  leur  cœur.  Ce  ne  fut  qtf après  qu’on  eut  trouve^ 
fecret  de  les  fixer  un  peu  davantage  ,  qu  on  reconnut  les  adn£ 
râbles  difpofitions ,  qu’ils  avoient  pour  le  Chriftiamfme  ,  & 
au’on  fut  en  état  d’en  profiter  ,  ainfique  nous  le  verrons  dans 
fa  fuite.  Mais  je  ne  crois  pas  devoir  meure  parmi  cesheureu- 
fes  difpofitions  le  culte  de  la  Croix  ,  établi ,  dit-on  ,  de  tems 
immémorial  dans  toute  cette  partie  Orientale  du  Canada. 

Du  culte  de  M.  de  S.  Vallier  /Evêque  de  Québec  ,  dans  une  Lettre  , 
la  Croix  parmi  au’U  publia  au  retour  d’un  premier  voyage,  qu  il  fat  dans  ion 
lesGafpefiens.  A-  V  pàrlc  de  ce  culte  ,  comme  d  un  fait  avéré  ,  &  dont 
ün’eft  pas  permis  de  douter.  Il  le  tenoit  d’un  Pere  Recollet  (a)  , 
oui  s’elF donné  bien  de  la  peine  pour  le  mettre  en  crédit ,  mais 
SS  a  eu  autant  de  contradifteurs  ,  que  deLeReurs  infime, 
bailleurs  ce  Religieux  étoit  le  feul ,  qui  eut  avance  ce  Paia- 
doxe  aucun  de  ceux  ,  qui  avant  lui  avoient  vécu  avec  ces 
Sauvages ,  &  dont  plufieurs  ont  fçu  leur  Langue  ,  &  étudié 
leurs  Traditions  ,  beaucoup  mieux  qu’il  n  avoit  pu  fane,  y 
ayant  rien  découvert  de  femblable.  Mais  voie,  apparemment 

ce  oui  avoit  trompé  cet  Hiftorien. 

?Jne  Lettre  du  P.  Julien  Perrault ,  ecritte  en  1635.  nous  ap~ 
prend  que  ces  Sauvages  prenoient  plaifir  à  imiter  tout  ce  qu  i  s 
voy  oient  faire  aux  Européens,  qu’ayant  furtout  remarque  qu  ils 
formoient  fouvent  le  Signe  de  la  Croix  fur  eux  ,  1  s  en i  u 
de  même  ;  quand  ils  en  rencontraient  quelques-uns  ,  qui  s  en 
tracoient  la  figure  fur  differens  endroits  de  leur  coips  ,  ma 
fans  avoir  eu  l’abord  la  moindre  idée  que  ce  fut  une  marque 
de  Religion.  Cet  ufage  déjà  ancien  du  tems  que 1 P-  «f 
tien  le  Clerc  Qréfidoit  parmi  les  Gafpefiens,& pâlie  peut  être 

(  a  )  Le  P.  Chrétien  le  Clcrc<j ,  Hijtoire  de  la  Gafafi* 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  223 

dès  lors  en  pratique  fuperftitieufe  ,  aura  perfuadé  ce  Religieux 
qu’il  l’étoit  dans  fon  origine  ;  il  fe  peut  bien  faire  auffi  qu’ayant 
interrogé  fur  cela  quelques-uns  de  ces  Sauvages  ,  ces  Barbares  , 
qui  confondent  fouvent  toutes  leurs  Traditions  ,  lui  auront  pa¬ 
ru  ranger  celle-ci  parmi  les  plus  anciennes. 

Cependant  la  guerre  s’échauffoit  de  plus  en  plus  entre  les 
Iroquois  &  nos  Alliés  ;  les  premiers  étant  tombés  inopinément 
fur  une  Nation  éloignée ,  dont  je  n’ai  pu  fçavoir  le  nom  ,  y  fi¬ 
rent  un  maffacre  épouvantable  ,  &  contraignirent  ceux ,  qui 
eurent  le  bonheur  d’échaper ,  à  chercher  une  retraitte  ailleurs. 
Ils  la  trouvèrent  chez  les  Hurons ,  qui  11’eurent  pas  plûtôt  appris 
leur  difgrace ,  qu’ils  envoyèrent  au-devant  d’eux  avec  des  ra- 
fraîchiflemens  ,  &  les  recueillirent  avec  une  affection  ,  qui  au¬ 
rait  fait  honneur  à  des  Chrétiens.  Les  Millionnaires  ,  à  qui  il  ne 
convenoit  pas  de  fe  laiffer  vaincre  en  charité  par  des  Infidèles  , 
coururent  de  leur  côté  au  fecours  de  ces  pauvres  Exilés ,  &  ils 
eurent  la  confolation  d’en  voir  plufîeurs  ,  pour  qui  leur  infortune 
fut  un  coup  de  prédeffination. 

Leur  joye  redoubla  ,  lorfqu’étant  retournés  aux  fondions  de 
leur  Miniffere  ,  dont  jufques-là  ils  n’avoient  pas  retiré  à  beau¬ 
coup  près  le  fruit ,  qu’ils  avoient  lieu  d’en  attendre  ,  ils  s’apper- 
çurent  que  Dieu  ,  touché  fans  doute  de  la  générofité  des  Hu¬ 
rons  ,  comme  il  le  fut  autrefois  des  aumônes  du  Centenier  Cor¬ 
neille  ,  avoit  changé  leur  cœur,  &  que  ceux -mêmes  ,  qui 
avoient  toujours  été  les  plus  fourds  à  leurs  exhortations ,  fai- 
foient  les  plus  grandes  inffances  pour  être  admis  au  rang  des 
Profelytes  ;  mais  ce  ne  fut  pas  la  feule  recompenfe  ,  que  le  Sei«. 
gneur  accorda  à  ces  charitables  Sauvages. 

Quelque  tems  après  trois-cent  Guerriers  Hurons  &  Algon¬ 
quins  s  étant  mis  en  campagne  ,  une  petite  Troupe  d’Avantu- 
riers  ,  qui  avoit  pris  les  devans  ,  rencontra  cent  Iroquois  ,  qui 
la  chargèrent ,  &  qui  malgré  l’inégalité  du  nombre  ,  ne  purent 
en  prendre  quun  feul.  Contens  néanmoins  de  ce  petit  fuccès , 
oc  craignant  ,  s  ils  alloient  plus  loin  ,  d’avoir  à  faire  à  trop  forte 
P?««  ’  f°ngeoient  à  la  retraitte  ,  Iqrfque  leur  Prifonnier  s’a- 
vifa  de  leur  dire  que  la  Troupe  ,  dont  lui  &  fes  Camarades 
avoient  ete  détachés,  étoit  beaucoup  plus  foible  qu’eux.  Sur 
fa^  parole  ils  fe  determinerent  à  attendre  l’Ennemi  dans  un  lieu  * 
ou  ce  même  Captif  les  affûra  qu’il  devoir  paffer  :  toute  la  pré¬ 
caution  ,  qu’ils  prirent ,  fut  d’y  faire  une  efpéce  de  Retranche^ 
ment ,  pour  fe  garantir  de  la  furprife. 


1640. 


Belle  a£Ho» 
des  Hurons. 


Comment  rfo 
en  font  recora- 
penfés. 


Défaite  d’u® 
Parti  Iro¬ 
quois. 


1640. 


Plafieurs  pri¬ 
sonniers  font 
baptifés  à  la 
iH.orç* 


-HISTOIRE  generale 

LesHurons  &  les  Algonquins  parurent  bientôt ,  &  les  Ircv 
ciuois  au  défefpoir  de  s’être  laides  duper  ,  s  en  vengerent  dune 
maniéré  terrible  fur  celui ,  qui  les  avoit  engages  dans  ce  mau¬ 
vais  pas qui  -s’y  étoit  bien  attendu.  La  plupart  furent  en- 
fuite  d’avis  de  chercher  à  fe  fauver  ;  mais  un  Brave  levant  la 
»  voix  ,  s’écria  :  «  Mes  Freres ,  fi  nous  avons  envie  de  xommet- 
»  tre  une  telle  . lâcheté  ,  attendons  du  moins  que  le  Soleil  foit  fous 
”  l’horizon ,  afin  qu’il  ne  la  voye  pas.  „  Ce  peu  de  mots  eut  fon 
effet ,  la  réfolution  fut  prife  de  combattre  jufqu  au  dernier  fou- 
nir  &  elle  fut  exécutée  avec  toute  la  valeur  ,  que  peuvent  111  - 
pirer  le  dépit  &  la  crainte  de  fe  deshonnorer  en  fuyant  devant 
des  Ennemis ,  fifouvent  vaincus  ;  mais  ils  avoient  a  faire  a  des 
Gens,  qui -ne  leur  cedoient  point  en  courage  ,  &  qui  etoient 

*  Après  un  combat  fort  opiniâtré ,  dix-fept  ou  dix-huit  Iroquois 
demeurèrent  fur  la  place  ,  le  Retranchement  fut  force  , 
ce  qui  reftoit  d’Ennemis ,  fut  défarme  &  pris.  Les  Hurons  em¬ 
menèrent  dans  leurs  Villages  les  Captifs ,  quNeui ’  etoient  échus 
en  partage  ,  &  fe  furpafferent  en  cruauté  a  1  egard  de  ces  Infor 
tunes  ;  Jais  il  femble  que  Dieu  n’avoit  permis  la  difgrace  de 
ceux-ci  crue  pour  faire  éclatter  fa  mifericorde  fur  eux.  Les  Mil 
fonnair’es^  l^on  accorda  la  liberté  de  les  entretenir  tout  a 
leur  aife  ,  les  trouvèrent  d’une  docilité ,  qui  les  étonna  .  ils 
inftruifirent  fuffifamment  de  nos  Myfteres ,  les  baptiferent  tous , 
&  ces  Néophytes  foûtinrent  le  fupplice  affreux,  qu  on  leur  fit  en- 
durer,  nonavec  cette  infenfibili  brutale,  &  cette  fierté Leroce 
dont  ces  Barbares  font  gloire  dans  ces  occafions  ,  mais 

une  patience  ,  des  fentimens ,  &  un  courage  ,  dlg«es  ^ 

ftiamfme ,  &  que  leurs  Bourreaux  ne  purent  s  empecher  d  att 

huer  à  la  vertu  du  Bapteme.  ,  f  _  i  •  • 

Cet  heureux  pré  jugé  avança  fort  les  affaires  de  la  Re  igion, 

'&  autorifa  les  Fidèles  à  la  profeffer  plus  hautement  encore 
qu’ils  n’avoient  ofé  faire  ;  car  jufques-là  plufieurs  n  en  avo;en 
pas  une  liberté  entière  dans  les  Cabannes ,  ou  ils  ne  faffoient 
pas  le  plus  grand  nombre.  Quelques-uns  memes  avoient  ete 
fort  maltraittes  à  ce  fujet ,  &  quand  un  Chrétien  tomboit ,  mala- 
de  ,  on  n’omettoit  rien  pour  l’obliger  d  avoir  recours  au  J 
gleurs.  Plufieurs  fe  Différent  féduire ,  &  quelques  Mjffionnar- 
res  ont  cru  que  plus  d’une  fois  dans  ces  rencontres  ! WP» 
ges  de  ces  Charlatans  avoient  été  accompagnes  de  1  opération 

yifible  du  démon,  Cependant. 


T>E  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  225 

Cependant  les  Alliés  ne  profitèrent  point  de  l’avantage  ,  qu’ils, 
avoient  remporté  ,  ce  qui  vint  de  ce  qu’ils  n’agirent  point 
de  concert.  Les  Cantons  de  leur  côté  ,  plus  animés  que  jamais 
par  l’échec ,  qu’ils  avoient  reçu  ,  fe  promirent  d’en  tirer  une 
vengeance  éclattante  ;  mais  pour  ne  pas  s’attirer  en  même  tems 
flir  les  bras  trop  de  forces  réunies  ,  ils  mirent  tout  en  ufage  pour 
empêcher  que  les  François  ne  fecouruffent  leurs  Alliés ,  &  pour 
faire  même  prendre  à  ceux-ci  de  l’ombrage  des  nôtres.  Ils  fi¬ 
rent  partir  trois-cent  Guerriers  ,  qu’ils  diviferent  en  plufieurs 
trouppes  ,  &  tout  ce  qui  tomba  entre  leurs  mains  de  Sauvages  , 
fut traitté  avec  l’inhumanité  ordinaire  à  ces  Barbares;  au  con¬ 
traire  quelques  François ,  qui  furent  pris  aux  environs  des  Trois 
Rivières ,  ne  reçurent  aucun  mal. 

Quelque  tems  après  ,  plufieurs  Partis  parurent  aux  environs 
du  même  Fort ,  y  tinrent  plufieurs  mois  en  échec  toutes  les  Ha¬ 
bitations  Françoifes  ;  puis ,  lorfqu’on  s’y  attendoit  le  moins  ,  ils 
offrirent  de  faire  la  paix  ,  à  condition  que  nos  Alliés  n’y  feroient 
pas  compris.  Cette  proportion  fut  faite  à  M.  de  Champ- 
flours  ,  qui  avoit  fuccedé  depuis  peu  au  Chevalier  de  Lille 
dans  le  Gouvernement  des  Trois  Rivières  ,  &  ce  fut  un  Prifon- 
nier  François  ,  nommé  Marguerie  ,  qui  lui  en  porta  la  pa¬ 
role.  Cet  Homme  ajoûta  ,  que  ni  lui ,  ni  les  Compagnons  de  fa 
captivité  n’avoient  qu’à  fe  louer  du  traittement  ,  qu’ils  avoient 
reçu  des  Iroquois ,  mais  qu’il  ne  croyoit  pourtant  pas  qu’il  y 
eût  trop  de  sûreté  à  traitter  avec  eux. 

L’avis  étoit  fage ,  mais  on  n’étoit  point  en  état  de  faire  la 
guerre  ;  ainfi  on  crut  devoir  entrer  en  négociation  ,  en  fe  te¬ 
nant  néanmoins  fur  fes  gardes.  Le  Chevalier  de  Montmagny  , 
queM.de  Champflours  avoit  averti  de  ce  qui  fe  paffoit ,  def- 
cendit  jufqu’aux  Trois  Rivières  dans  une  Barque  bien  armée 
j&  envoya  de-là  aux  Iroquois  le  Sieur  Nicolet  ,  &  le  P.  Ra¬ 
gueneau  ,  pour  leur  redemander  les  Prifonniers  François , 
qu’ils  retenaient ,  &  fçavoir  leurs  difpofitions  touchant  la  paix. 
Ces  Députés  furent  bien  reçus  ;  on  les  fit  affeoir  en  qualité  de 
Médiateurs  fur  un  Bouclier  ;  on  leur  amena  enfuite  les  Cap¬ 
tifs  liés  ,  mais  legerement ,  &  auffi-tôt  un  Chef  de  guerre  fit 
une  Harangue  fort  étudiée  ,  dans  laquelle  il  s’efforça  de  perfua- 
der  que  fa  Nation  n’ avoit  rien  tant  à  cœur  ?  que  de  vivre  en 
bonne  intelligence  avec  les  François. 

Au  milieu  de  fon  difcours  il  s’approcha  des  Prifonniers,  les  dé- 
lia  ,  6c  jetta  leurs  liens  par- deffus  la  Paiiffade  3  endifant  :  «  Que 
To  m  e  /.  je  f 


1640. 

AdrefTe  des 
Iroquois  pour 
détacher  les 
François  des 
Hurons. 


Ils  traittene 
de  mauvaife 
foy  avec  les 
premiers. 


1640* 


Situation  du 
Gouverneur 
Général. 


22(5  HISTOIRE  generale 

la  Riviere  les  emporte  fi  loin,  qu’il  n  en  foit  plus  parlé  Il 
préfenta  en  même  tems  un  Colier  aux  deux  Députés ,  &  les  pria 
de  le  recevoir  comme  un  gage  de  la  liberté  ,  qu  il  rendoit  aux 
Enfans  d 'Ononthïo  ( a ).  Puis  prenant  deux  pacquers  de  Caltois  , 
il  les  mit  au  pied  des  Captifs ,  &  ajoûta'qu  il  n  etoit  pas  raifon- 
nable  de  les  renvoyer  tout  nuds  ,  &  qu  il  leur  donnoit  de  quoi 
fe  faire  des  robes.  Il  reprit  enfuite  fon  difcours  ,  &  dit  que  tous, 
les  Cantons  Iroquois  defiroient  ardemment  une  paix  aurab.e 
avec  les  François  ,  &  qu’ils  fupplioient  en  leur  nom  Ononthïo. 
de  cacher  fous  fes  habits  les  haches  des  Algonquins  &  des  Lu¬ 
rons  ,  tandis  qu’on  négocieroit  cette  paix  ,  affûtant  que  de  leur 
nart  il  ne  feroit  fait  aucune  hoftilite. 

1  II  parioit  encore,  quand  deux  Canots  d  Algonquins  ayant 
paru  a  la  vûë  de  l’endroit ,  où  fe  tenoit  le  Confeil ,  les  Iroquois 
leur  donnèrent  la  chaffe.  Les  Algonquins  ,  qui  ne  voyoïent 
nulle  apparence  de  refifter  à  tant  de  monde  ,  prirent  le  parti  de 
fe  jetter dans  l’eau ,  &  de  s’enfuiràla  nage  , abandonnant]^» 
Canots ,  qui  furent  pillés  fous  les  yeux  dit  Gouverneur  Gene¬ 
ral  Un  procédé  fi  indigne  montra  le  peu  de  fonds  ,  qu  il  y  avoit 
à  faire  fur  la  parole  de  ces  Barbares  ,  &  la  négociation  fut  rom¬ 
pue  fur  le  champ.  Les  Iroquois  n’ayant  plus  dé  voués  pour  ca¬ 
cher  leur  perfidie  ,  levèrent  entièrement  le  mafque, ,tx  parlè¬ 
rent  avec  beaucoup  d’infolence.  Le  Chevalier  de  Montagny 
vouloit  en  tirer  raifon ,  mais  ils  lui  échaperent  au  moment,  qu  il 
croyoit  les  tenir  ,  &  pour  furcroît  de  chagrin  il  apprit  prefque 
en  -  même  tems  que  quantité  de  Canots  Hurons  ,  qui  delcen- 
doient  à  Quebec  chargés  de  Pelleteries  ,  etoient  tombes  entre 

leurs  mains.  ...  TT 

C’étoit  fans  doute  une  fituation  bien  tnffe  pour  un  Homme 
en  place ,  que  celle  où  fe  trouvoit  ce  Général ,  expofe  tous  les 
Jours  à  recevoir  de  pareils  affronts ,  faute  a  avoir  allez  de  I  rou- 
pes  pour  tenir  feulement  en  équilibre  la  balance  entre  deux 
Partis  de  Sauvages,  qui  tous  enfemble  n’auroient  pas  pu  tenir  en 
campagne  contre  quatre  ou  cinq  mille  François.  Mais  la  Com¬ 
pagnie  des  cent  Affociés  ne  revenoit  point  de  fon  affoupilte- 
ment ,  &  la  Colonie  Françoife  diminuoit  de  jour  en  jour  en 
nombre  &  en  force ,  au  lieu  d’augmenter.  Une  entrepnle ,  qui 


(  a  )  Ononthïo  en  Langue  Huronne  &  I10- 
quoifeveut  dire  grande  Montagne  ,  &  ceit 
a'mfi  qu’on  leuravoit  dit  que  fe  nommoitM. 
de  iViontmaenv.  Depuis  ce  tenas-làces  Sauv— 


ges,  8c  à  leur  exemple  tous  les  autres,  ont  ap- 
pcllé  Ononihio  le  Gouverneur  General  de  a 
Nouvelle  France.  Ils  donnent  au  Roy  celui 
de  Grand  Ononthïo. 


CARTE  DE 


LISLE  DE  MONTREAL 

ET  DE  SES  ENVIRONS 


Preslee  iur  les  Manuscrits  du  Depost  des  C  artes  Plans 
et  Journaux  de  laMarmc  . 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  V.  n7 
fe  fît  alors  pour  peupler  8c  fortifier  Tille  de  Montreal ,  confola 
un  peu  M.  de  Montmagny,  &  le  flatta  même  pendant  quelque 
tems  de  fefperance  que.  les  Iroquois  n’ofèroient  plus  le  venir 
braver  ,  comme  ils  venoicnt  de  faire  prefque  fous  fon  Canon. 
Les  premiers  Millionnaires  avoient  d’abord  compris  l’impor- 

nrp  n  rtrnmpr  l’T-flp  rlp  TVfnntrpnl  •  rn^ic  la  f'' /a  «-m U.. 


I64O. 


Projet  d’un 
ment 


j.  -  - l  1  iOjcU  G  ( 

tance  d’occuper  Fille  de  Montreal  ;  mais  la  Compagnie  du  Etablillemet 
Canada  n’étoit  point  entré  dans  leurs  vûës.  Il  fallut  que  ce  à  MontrcaI* 
fuffent  encore  des  Particuliers  ,  qui  fe  chargeafTent  d’exécuter 
un  deffein  fi  avantageux  à  la  Nouvelle  France  ,  8c  que  la  guerre 
des  Iroquois  rendoit  même  néceffaire.  Quelques  perfonnes 
puiTantes  ,  8c  plus  recommandables  encore  par  leur  pieté  ,  8c 
par  leur  zélé  pour  la  Religion  ,  formèrent  donc  une  Société  , 
qui  fe  propofa  de  faire  en  grand  à  Montreal ,  ce  qu’on  avoit 
fait  en  petit  à  Sylleri.  Il  devoit  y  avoir  dans  cette  Ifle  une 
Bourgade  Françoife  ,  bien  fortifiée  ,  8c  à  l’abty  de  toute  inful- 
te.  Les  Pauvres  y  dévoient  être  reçus ,  8c  mis  en  état  de  fub- 
Mer  de  leur  travail.  On  projetta  défaire  occuper  tout  le  re¬ 
lie  de  flüe  par  des  Sauvages ,  de  quelque  Nation  qu’ils  fiiffent , 
pourvû  qu’ils  Ment  profefîion  du  Chriflianifme  ,  ou  qu’ils  vou- 
luffent  fe  faire  inflruire  de  nos  Myfleres  ,  &  l’on  étoit  d’autant 
plus  perfuadé  qu’ils  y  viendraient  en  grand  nombre  ,  qu’outre 
un  alyle  alluré  contre  les  pourfuites  de  leurs  Ennemis  ,  ils  pou- 
voient  fe  promettre  des  lecours  toujours  prompts  dans  leurs  ma¬ 
ladies  ,  8c  contre  la  difette.  On  fe  propofoit  même  de  les  poli- 
cer  avec  le  tems  ,  8c  de  les  accoutumer  à  ne  plus  vivre  que  du 
travail  de  leurs  mains. 

Le  nombre  de  ceux  ,  qui  entroient  dans  cette  AfTociation  , 
fut  de  trente-cinq  :  c’étoit  beaucoup  trop  pour  quelle  agit  lon- 


Ii  s’exééütè 
en  partie. 


tems  de  concert  ;  néanmoins  elle  commença  de  maniéré  à  don-  1640-4: 
ner  lieu  d’en  bien  augurer.  Dès  cette  année  1640.  en  vertu  de 
la  conceflion  ,  que  le  Roy  lui  fit  de  fille  ,  elle  en  fit  prendre 
poffefïion  à  la  fin  d’une  Meffe  folemnelle  ,  qui  fut  célébrée  fous 
une  Tente.  L’année  fuivante  Paul  de  Chomedey  ,  Sieur  de 
Maisonneuve  ,  Gentilhomme  Champenois  ,  &  un  des  Affo- 
ciés  ,  y  mena  plufieurs  Familles  de  France.  Il  arriva  à  Quebec 
avec  une  Fille  de  condition  ,  nommée  Mademoifelle  Manse  , 
qui  étoit  deflinée  pour  avoir  foin  des  Perfonnes  de  fon  fexe  ;  le 
Chevalier  de  Montmagny  ,  8c  le  Supérieur  Général  des  Jefui- 
tes  les  conduifirent  à  Montreal ,  8c  le  quinziéme  d’Gclobre  M. 
de  Maifonneuve  fut  déclaré  Gouverneur  de  fille. 

Le  dix-feptiéme  de  May  fuivant ,  le  lieu  defliné  à  l’Habitation 
•  F  f  i  j 


les; 


HISTOIRE  generale 

S’éta'ntoieentdPrêtres^ y  dîrendaMeffe  ,  les  autres  communièrent 
^rl  nel  de  la  Vierge  ,  &  tous  fupplierent  la  Reine  des  Anges 
a  ^  ^  i  mu  jp  ivfnntrea.1  fous  fa  proteéhoh.  Enfin  le  15»- 

ÉGrt  K&îSK&SS  U  i,  d«  K-wg-j- 

r  •  i.„L;tA  rP  Pavs  u  Nous  étions *  ajoutèrent  il  ?  p 

>>  fois  habite  ce  i  ays.  ;  nue  tu  vois  au  Midi  & 

»  grand  nombre ,  &  toutes  les  Collines ,  que  ^  nQS  An_. 

»  à  l’ Orient  etoient  peuplées.  ,  -  °h  les  Abénaquis  ,  d’au- 

ftÜSKSS»  *KB  £  ttffSSSZ 

promirent  de  faire  tout  ce  qui  ep  raifembler  les  débris 

131^.5?!®  -*  * 

p  ;v;  n^rlé  dans  mon  journal. 


Tradition  fur 
les  anciens 
Habitans  de 
«et  te  ilie. 


» 


Elroauet .  dont  i’ai  narlé  dans  mon  Journal. 


229 

«»Tj^*!^?oîrt|jpv3  V9jf>s  vîÿv  tfljroviÿvJ  v^îvc^v  'Vjgrd  vÿv  v^ïv*  ^jÿvv^v^i» 


HISTOIRE 

E  T 

DESCRIPTION  GENERALE 

DELA 

NOUVELLE  FRANCE. 

LIVRE  SIXIEME , 


’  A  S  S  U  R  ANGE,  qu’avoient  eue  les  Ira-  ~  \  $  ^  2y 
quois  de  paraître  en*  armes  à  la  vûë  des 
Trois  Rivières  ,  &  l’audace  ,  avec  laquelle  ils 
avôient  infulté  le  Chevalier  de  Montmagny  , 
donnoient  beaucoup  à  penfer  à  ce  Général. 

Il  crut  avec  raifon  qu’il  ne  devoit  rien  négli¬ 
ger  pour  fe  précautionner  contre  la  furprife  , 

&  pour  fe  mettre  en  état  de  foûtenir  les  efforts  d’une  Nation  , 
qui  ne  ménageoit  plus  rien  ,  &  qui  paroiffoit  déterminée  à  em¬ 
ployer  également  larufe  &  la  force  ,  pour  donner  la  Loi  à 
tout  le  Pays  :  d’autant  plus  que  fi  les  Hollandois  de  la  Nouvelle 
Belgique  ne  fe  déclaraient  pas  encore  ouvertement  en  fa  fa¬ 
veur  ,  il  n’y  avoit  pas  à  douter  qu’ils  ne  lui  fourniffent  des  fe- 
cours  de  plus  d’une  façon. 

Laréfolution  fut  donc  prife  de  bâtir  un  Fort  à  l’entrée  de  la  Fort  dé  rü- 
Riviere  (<z)‘,  qui  portoit  alors  leur  nom  ,  parce  que  c’étoit  le  chelle«- 
chemin  ,  qu’ils  prenoient  ordinairement  pour  defcendre  dans  la 
Colonie,  il  fut  achevé  en  peu  de  tems ,  quoique  puffent  faire 
pour  s’y  oppofer  fept-cent  Iroquois  ,  qui  vinrent  fondre  fur  les 

(  a  )  II  ne  faut  pas  oublier  que  c’eft  celle ,  qu’on  appelle  aujourd’hui  la  Rivicre  de  SoreL- 


i  6  4  2* 


Conversons 
en  grand  nom¬ 
bre  parmi  les 
Hurons. 


HISTOIRE  generale 

150  ■  lm-fmi’on  v  nenfoit  le  moins  ;  mais  qui  furent  re- 

Tr^s  avec’perte.  Ordonna  à  ce  Fort  le  nom  de  Richelieu  , 
p°uffes  P  Krà  ja  Riviere  ,  &  on  y  mit  une  affez 

quon  mfoit  d  ]  p  ie  clu  Canada  eût  voulu  faire 

bonne  Ga  m‘?  il  DOur  k  pfys  des  Hurons ,  on  auroit  épar- 
une  pareille  depv  P  ^  gj  conféquent  àtoute  la 

tôS  «o„4»p  -• 

1  °  ’•  ^KWpnt- cette  Nation  les  années  fuivantes. 

Xoccafion  étoit  d’autant  plus  favorable  pour  oppofer  de 
Lx./  U  une  forte  barrière  aux  Iroquois  ,  que  toutes  les 
$5  co  j  Huronnes  étoient  en  mouvement  pour  embraffer  le 

rriÏÏT«  oui  en  étoit  une  fuite  néceflaire  ,  pour  s’at- 
Chrifoaixuniv- ?  ’  1  1  1  ÂHA.SISTARI  Capitaine  des 

cette  Nation  fut  celui ,  dont  le  Ciel  fe  fervit 
P  us.  1 nt  ü0ur  operer  un  changement ,  qui  parut  mua- 
patticu  ie  w-/ronnaires  en  ce  que  ceux,  qu’ils  avoient  trouves 
culeux  aux  ,  rebelle’s  à  ja  Grâce  ,  témoignèrent  alors  plus 
jufques-la  P  ^  &  baptifés.  On  racontoit  des  cho- 

d  ardeur  pour  et  „  .  ■  &  dans  la  vérité  cetoit  un  tres- 

fo  «"mV^uaif  auquel  des  aaions  d’une  valeur  peu  ordi- 
brave  Homme ,  n  ^  I  „  attribuer  de  plus  bril- 

naire  avoient  peut-être ^“Jicu  fon  ,  & 

lames  encoie.^ Ce  q^  ^  ^  4  Nation  ,  faifoient  concevoir 

depub  lontems  aux  Prédicateurs  de  l’Evangile  un  grand  delir  de 

le  gagner  à  J  E  5  ü  s  -  Cia  K 1  s  T.  ,,  qu’ils  y  réuffiffent , 

Hifton-ed’un  \\  nV  avoit  pas  beaucoup  d  apparence  £  7  fuperfti. 

fameux  Capî-  ce  aus  ce  Sauvage  etoit  extrememen  Lct  c  rn^ivpnt 
raine  de  cette  Pal  °I  •  ,  mfr1CL1Ué  de  ces  grandes  conversons  eit  louvent 

X  le  Hommes  Apololiques  ,  inftruits  que  la  Gra- 

C£Uf Vonc  Doint  &  Us  continuèrent  de  rendre  de  frequentes 
rem  uonc  point  quoiqu’il  les  reçût  toujours  fort 

Vlflfeil  sTumànifa  pourtant  à  fa  fin  ,  il  s’accoûtuma  meme  a  les 
XffHbo n  cJd  ;  •  infenfiblement  Us  le  trouvèrent  moins 
éloigné  du  Royaume  de  Dieu,  &  il  en  vint  jufqu’à  prendre  goût 
à  leurs  difeours  fur  la  Religion.  ;  .  ,  .  n  •  .  ;i  ies 

f“"“  a',,c  ’ii  LoiEiii  qu’il  fc  rendoii.  Il  dm»"*" 

r»  *«*  *  F» 


i  6  4  2- 


« 

« 

« 

« 

« 


Sa  voca¬ 
tion  au 
Chriitia- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VI.  231 
miere  demande  admettre  dans  le  fein  de  l’Eglife  un  Profelyte 
de  ce  caraflére  ;  ils  jugèrent  à  propos  de  lui  faire  affez  lontems 
defirer  cette  grâce.  Un  jour  qu’il  la  follicitoit  fortement  dans 
une  de  ces  Conférences  publiques  ,  dont  j’ai  parlé  ,  le  Pere  y 
qui  y  préfidoit ,  le  pria  d’inftmire  l’Affemblée  de  ce  qui  lui  avoit 
fait  naître  la  première  penfée  de  fe  faire  Chrétien  :  &  il  répon¬ 
dit  en  ces  termes  ,  que  j’ai  tirés  fidèlement  de  la  Lettre  du  Mil¬ 
lionnaire  même. 

»  Cette  penfée  m’a  occupé  avant  même  que  vous  vinfîiez  « 
dans  ce  Pays.  J’ai  fouvent  couru  de  grands  rifques  ,  &  en  plu-  « 

Peurs  rencontres  j’ai  eu  le  bonheur  d’échaper  ,  lorfque  tous  «  nima 
ceux  ,  qui  m’accompagnoient ,  périiToient  à  mes  côtés.  Je  me  « 
difois  alors  à  moi-même,  il  faut  que  quelque  pui.ffant  Génie  pren-  « 
ne  un  foin  tout  particulier  de  mes  jours  ,  &  je  n’ai  jamais  pu  me  “ 
tirer  de  l’efprit  que  ce  Genie  ne  fut  infiniment  fupérieur  à  ceux,  « 
qui  font  honnorés  parmi  nous.  Je  n’ai  pu  m’empêcher  auffi  de  * 
regarder  comme  des  fottifes  tout  ce  qu’on  nous  débité  au  fujet  « 
des  fonges  ,  &  à  peine  ai-je  entendu  parler  de  Jésus  ,  que  j’ai  " 
fenti  comme  une  affurance  ,  qu’il  étoit  le  Protecteur  ,  à  qui 
j’avois  été  P  fouvent  redevable  de  la  liberté  &  de  la  vie.  Quel¬ 
que  entêté,  que  j’aie  paru  depuis  de  nos  Pratiques  &  de  nos  Tra¬ 
ditions  ,  je  me  fentois  néanmoins  intérieurement  porté  à  n’ado¬ 
rer  que  lui ,  &  P  j’ai  tant  différé  à  fuivre  ce  mouvement  de  mon  <4 
cœur ,  c’eff  que  je  voulois  m’inftruire  ,  avant  que  de  me  décla-  * 
rer.  Lors  même  que  je  paroiffois  moins  difpofé  à  vous  écouter  ,  « 
je  nefaifois  aucune  entreprife  ,  fans  me  recommander  à  Jésus  ,  " 

&  je  mettois  en  lui  toute  ma  conPance.  Depuis  lontems  je  m’a-  <v 
dreffe  à  lui  tous  les  matins ,  je  lui  attribue  tous  mes  fuccès  ,  &  je  “ 
vous  demande  en  fon  noirule  Baptême,  aPn  qu’il  ait  pitié  de  « 
moi  après  ma  mort. 

Les  Peres  ne  crurent  pas  devoir  attendre  plus  lontems  à  fa-  Son  Baptême 
tisfaire  un  Homme  P  bien  préparé  ;  il  fut  baptifé  le  même  jour  &  fa  fcrveur* 
&  nommé  Eustache.  Peu  de  tems  après  il  leva  un  grand  Parti 
de  guerre  ,  dans  lequel  il  ne  voulut  recevoir  que  des  Chré¬ 
tiens.  Sa  Trouppe  étant  prête  à  partir  ,  il  la  mena  chez  le  Mif- 
Ponnàire  de  fa  Bourgade  ,  en  préfence  duquel  ii  leur  parla  en 
ces  termes. 

»  Mes  Freres ,  nous  fervons  tous  un  même  Maître  ,  ne  « 
foyons  donc  plus  qu’un  cœur  &  qu’un  efprit.  Nous  devons  évi-  « 
ter  avec  foin  tout  commerce  avec  les  InPdéles  ,  &  il  faut  que  « 
tous  ceux  de  nos  Freres  ,  qui  font  dans  le  befoin  &  dans  « 


idq2. 


.» 


» 


YâgCS. 


histoire  generale 

r!ffliftion  trouvent  auprès  de  nous  delà  confolation  ,  &dffl 
fordasement.  Cachons  avec  foin  les  fautes  des  Chrenens  aux 
loulag  auen  toute  rencontre  on  reconnoiffe 

»  queia  1  .  f  ,  r  Hefanp  &  de  l’interet.  Quant  a  ceux 

»  îlTnos  Proches  qui  ne  profelent  pas  la  meme  Religion  que 
"  tus  5  eft  bontu’tls  fâchent  ^  la  mort  nous  féparera 
”  d?  veè  eux  pour  toujours*,  &  que  nos  cendres  ne  doivent  pas 
”  S  être  mêlées  avec  les  leurs.  Publions  en  tout  lieu  mais 
A>  |pç  encore  plus  que  par  nos  paroles,,  lafaintete 

:  le  l'excellence  de  la  Foi  en*  Jésus  ,  &  tâchons  de  la  faire  em- 
hrafLr  s’il  eft  poffible ,  à  tout  le  monde.  , 

Réflexions^  Ski  Sauvages  du  Canada  ne  parlent  amfl  dans  te 

£££*£  Relations  ;  que  j’aye  pour 

“ux  Cl  s  aï  ot m  Quoiqu’il  régné  daiis  leur  MeW 

’  Cl  (inrinté  qui  prévient  beaucoup  en  leur  faveur  ; 

avoir fupp’ofe  une  élévation,  un  pathétique  ,  &  une  energie, 

?s$zs: 

A  neu  près  dans  le  même  tems  quelques  Jefuites  reçure 

».  &p»«“  «x  PS  wlÎTÆ»  ;“”nV 

tranfpoi  terch  -  •  Ç  g  du  Canal  >  par  Du 

îe01Laï  fupS  fe  dlcLarge  dans  le  Lac  Huron  Ce  Rap.de  a 
depuis  été  nommé  le  S ault Sainte  Marie ,  &  c’eft  de-  a  que  nous 
aCns  donné  à  ces  Sauvages  qui  font  une  Nanon  Ajgonqume 
&  dont  le  nom  eft  très-difficile  a  prononcer  (b)  ,  celu  de  ï>au 

~a g„ïi.rD4put&  te  Sauteurs  ,  &  km  voy.g=  « 

,  i  ••  _ _ .«.AnrtrnlJiï 


Excuifioii 
chez  les  Saul 
leurs.. 


y 


’  \  Ci-r  iKrun.  T..  VIT®  ücl2C  ?Oλ 


tout 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VI.  233 

tout  le  fuccès  qu’ils  en  pouvoient  raifonnablement  attendre. 
Jls  furent  bien  reçus  de  ces  Sauvages ,  qui  leur  parurent  de 
très-bonnes  gens  ;  mais  ayant  été  rappellés  ,  lorfqu’ils  commen- 
coient  à  les  inftruire  ,  la  femence  de  la  divine  parole  n’eut 
pas  le  loifîr  de  fruélifier  ,  &  cette  Nation  ne  s’étant  pas  trou¬ 
vée  dans  les  mêmes  difpofitions  ,  lorfque  quelques  années  après 
-on  retourna  chez  eux  ,  ces  heureux  commencemens  n’eurent 
y>as  de  fuite  ;  de  forte  que  les  Saulteurs  n’ont  eu  jufqu’à  prê¬ 
tent  que  fort  peu  de  Chrétiens. 

Cependant  les  Iroquois ,  affûtés  d’être  foutenus  des  Hollan- 
dois  de  Manhatte  ,  qui  leur  fourniffoient  déjà  des  armes  & 
des  munitions ,  &  à  qui  ils  vendoient  les  Pelleteries ,  qu’ils  en- 
levoient  à  nos  Alliés  ,  continuoient  leurs  courfes  &  leurs  bri¬ 
gandages.  Les  Rivières  &  les  Lacs  étoient  infeftés  de  leurs 
Partis ,  &  le  Commerce  ne  pouvoit  plus  fe  faire  fans  de  grands 
rifques.  Le  Chevalier  de  Montmagny  en  fit  fes  plaintes  au 
Gouverneur  de  la  Nouvelle  Belgique  ,  lequel  fe  contenta  de 
lui  faire  une  réponfe  honnête  ,  mais  fort  vague  ,  &  11e  chan¬ 
gea  rien  à  fa  conduite  ;  011  le  foupçonna  même ,  ou  du  moins 
ceux ,  qui  étoient  fous  fes  ordres ,  d’animer  les  Iroquois  con¬ 
tre  nous  ,  quoiqu’on  fût  convenu  que  les  Alliés  des  deux  Na¬ 
tions  ne  feroient  aucune  hoftilité  fur  les  deux  Colonies  ,  & 
que  les  François  euffent  été  très-fidéles  à  garder  la  conven¬ 
tion. 


Il  efl  vrai  que  nos  Sauvages  n’étoient  ni  en  état ,  ni  en  hu¬ 
meur  d’inquietter  les  Hollandois  ;  bien  loin  de  chercher  à  fe 
faire  de  nouveaux  Ennemis ,  à  peine  fongeoient-ils  à  fe  dé¬ 
fendre  des  Iroquois.  Les  Hurons  fur-tout ,  foit  par  indolen¬ 
ce  ,  foit  par  la  crainte  d’irriter  un  Ennemi ,  qui  avoit  pris  fur 
eux  une  fuperiorité  ,  qu’ils  ne  pouvoient  plus  fe  difîimuler  ; 
foit  enfin  qu’ils  ne  fuffent  pas  encore  perfuadés  que  les  Iro¬ 
quois  en  vouloient  à  toute  la  Nation ,  laiffoient  défoler  leurs 
Frontières  ,  fans  prendre  aucune  mefure  pour  éteindre  un 
incendie  ,  qui  les  environnoit  de  toutes  parts.  Ces  pertes  néan¬ 
moins  ,  fur  lefquelles  ils  demeuroient  fi  tranquilles  ,  les  affoi- 
blirent  a  la  fin  de  telle  forte  ,  que  la  terreur  fe  répandit  dans 
toutes  les  Bourgades  ,  &  que  quand  l’Ennemi  ne  jugea  plus 
à  propos  de  couvrir  d’aucun  prétexte  fon  véritable  deifein  , 
il  trouva ,  comme  il  l’avoit  bien  prévû  ,  un  Peuple  effrayé  , 
prefqu’incapable  de  faire  la  moindre  réfiflance.  Il  arriva  de¬ 
là  qu  a  peine  l’Eglife  Huronne  ,  cultivée  avec  tant  de  fatigues. 
Tome  /.  G  2 


1642. 


Les  HoJIan- 
dois  fournit 
fent  des  armes 
&  des  muni¬ 
tions  aux  Iro¬ 
quois. 


Indolence 
des  Hurons.' 


HISTOIK-E  GENEK-ALE 


î}4  -,  -  ^nrlnire  des  fruits  de  falut ,  que  fes  Pafteurs. 

“;;r„“ot'p.“i»n>  il  n'y  .  p» 

Sta ,»  ^*b££BCâS 


1642.  furent  frappés  ,  — -r  .-  * 

ie  entièrement  détruit. 

plufieurs  font  Pete  J<  w  _ 

’urpris par  les  fut  le  premier,  iur  qui  1  orage  -  XV^Onobec nour 

[rociuoîs.  jointe  Marie ,  il  avoit  reçu  ordre  de  defcendre  a  Quebec  pour 

nnè  affa  re  qui  ne  fouffroit  point  de  retardement  &.1  n.- 
une  attaire,  qu  s  ce  voyage  l’expofoit:  il  obéit  nean- 

gnorott  pas  a  quels  périls  ce  voy  g  t  ;  ;émc  de  juia 

"  WatXaucuîe  Æ àXrencontre  à  la  Capitale,. 
&k'  oremier  jour  dù  mois  d’Août  il  en  repartit  avec  un 
convoi'  de'treiie  Canots  bien  armés ,  &  conduits  par  de  bra- 

VeLf  force  de  cette  Efcorte  fut  apparent  ce  qui  caufa  fon 

malheur  ,  par  l’exceffive  confiance  ,  qu  elle  in|P  r%a  ce“,,  qp 
là  composent.  On  a  feu  même  depuis  par  1  s  Lettres  du £ 
Tn<m«  nue  les  Chefs  de  cette  Troupe,  ou  il  ny  avoit  gue 
esgque’dqes  Chrétiens  ,  ou  des  Profit 

moins  à  fe  précautionner  contre  les  ta Tes-  de  l  bnnt im , 
„,u  exhorter  leurs  gens  à  fouffrir  pour  J.  V.  oc  que  la  p 

hïïï  a&fr 

Sss  «iis  *  *  *>«»  •  -»■“ 

te  des  loix  de  la  prudence. 

_ : on  frvTt  le-ç 


£Sen"tos  n’étoient  guéres  qu  à  quinze 

$*^±<*£2.  swa»  sar  p“ 


ou feize  lieues  de  (2ueDec  ’  .,  7  ,  r  •  +  '  çVmbarauer 

*  a =r  Aifflfrf nS7,  ; 

ma^  s  mépriferent  un  Ennemi ,  auquel  &  ^ croyorem  fort 
fuperieurs  en  nombre,  &  que ,  par  cette  rafo".;  "^™ 
pas  affez  liardis  pour  les  attaquer  :  ils  pcuriuivirent  leur  ^ 
min  fans  prendre  aucune  précaution  contre  la  tapn  e  •  aul 
toS  duppes  dune  fécunté  fi  peu  1 P^onnable  Les 
Tmminic  étoient  au  nombre  de  Soixante  ex  dix  ,  P  . 

s’étoit  mife  en  embufeade  derrière  des  buiffons ,  qui  couvroien 
setoit  mue  eue  les  Voyageurs  rangeaffent  de  tort 

une  pointe  ,  quil  falloit  W£  ies  v  y  g  |  cachée  dans 

près;  l’autre  avoit  traverfe  le  fleuve  ,  oc  setou 

u  PiaP«  k  S  que  les  Hurons  furent  à  portée  des  premiers ,  une  dé- 

nt  pris.  * 


Prifonnier. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Ltv.  VI.  2 

charge  de  fufils ,  faite  avec  beaucoup  d’ordre  ,  en  Méfia  plu-  ~rp - 

fieurs  ,  &  perça,  tous  les  Canots.  Dans  le  defordre  ,  où  une  ^ 

attaque  fi  brufque  &  fi  imprévue  ,  mit  les  Chrétiens  ,  quel- 

res-uns  des  plus  alertes  fauterent  promptement  à  terre  ,  & 
eut  alTez  heureux  pour  fe  fauver  ;  les  plus  braves ,  foûtenus 
par  trois  ou  quatre  François  ,  qui  accompagnoient  le  Pere  Jo- 
gués ,  fe  dépendirent  affez  bien  pendant  quelque  tems  dans 
leurs  Canots  ;  mais  comme  l’eau  y  entroit ,  &  qu’il  ne  reftoit 
plus  aucune  voye  de  falut ,  ils  furent  enfin  obligés  de  fe  ren¬ 
dre  5  à  la  réfer ve  d’un  petit  nombre  ,  qui  échappèrent  encore 
dans  la  confufion  ,  où  leur  réfiftance  avoit  mis  les  Iroquois  : 
les  autres  furent  faifis  &  liés. 

Il  n  avoit  tenu  qu’au  P.  Jogues  de  fuivre  les  premiers ,  qui  te  r.  w, 
avoient  pris  la  fuite  ,  ils  firent  meme  tout  ce  qu’ils  purent  pour 
l’y  engager  ;  mais  le  Serviteur  de  Dieu  auffi  tranquille  parmi  Pnl 
ce  tumulte  ,  que  s’il  eût  été  en  pleine  liberté  ,  baptifoit  un 
Catechumene  ,  &  le  difpofoit  à  tout  événement;  il  répondit 
à  ceux ,  qui  le  preffoient  de  fe  mettre  en  fureté  ,  qu’ils  faifoient 
fagement  de  fe  fauver  ,  mais  que  pour  lui  il  ne  lui  convenoit 
point  d’abandonner  fes  Enfans  ,  lorfqu’ils  avoient  le  plus  de 
befoin  de  fou  affiftance.  Une  chante  ,  que  le  devoir  exige  , 
ne  fatisfait  pas  pleinement  un  cœur  Apofiolique  ;  le  combat 
fini ,  &  tous  les  Hurons  étant  pris  ou  fauvés  ,  le  P.  Jogues 
avoit  rempli  toute  l’étendue  de  fon  Minifiere  ;  mais  il  foupi- 
roit  après  le  Martyre  ,  &  il  crut  que  les  fervices  5  qu’il  pou- 
voit  rendre  aux  Prifonniers ,  en  les  confolant  &  les  exhor¬ 
tant  à  la  mort ,  étoit  pour  lui  un  fujet  affez  légitime  de  s’y 
expofer  ,  &  il  ne  voulut  pas  en  manquer  l’occafion. 

Il  s’avança  donc  vers  les  Iroquois  ,  qui  paroiffant  ne  faire 
aucune  attention  à  lui ,  ne  fongeoient  plus  qu’à  s’embarquer 
avec  leur  proye ,  &  fe  fit  le  Prifonnier  du  premier,  qu’il  ren¬ 
contra  ,  en  difant  ,  quil  ne  vouloit  point  être  féparé  de  fes 
chers  Enfans ,  dont  il  ne  prévoyoit  que  trop  quel  feroit  le  fu- 
nelte  lort.  Un  François  ,  nommé  Guillaume  Couture  ,  avec 
qu!  le  îaint  Homme  étoit  venu  du  Pays  des  Hurons  ,  avoit 
pns  la  fuite  des  premiers  ;  mais  il  ne  fe  vit  pas  plutôt  hors  du 
péril  ,  que  la  honte  le  prit  d’avoir  abandonné  le  P.  Jogues  , 
oc  lans  faire  reflexion  ,  qu’il  ne  pouvoit  plus  lui  être  bon  à  rien 
entre  les  mains  des  Iroquois ,  il  fit  pour  fe  remettre  dans  le 

danger  ,  I3  même  diligence  ,  qu’il  venoit  de  faire  pour  le- 
vi  ter,  r 

G  g  ij 


Un  François 
fait  ia  même 


i  6  4 


De  quell  e 
niere  tous 
sakés.. 


-  histoire  generale 

‘U  p.  VJ,  f». jor,  t»zs& 

doucement  l'imprudence  Aune  dem  ^  ^  fakPe  ;  Couture 
d’aucune  utilité  a  perforine  ’  1  1  _  &  avec  les  autres  Cap- 

avoir  été  faiû  ,  des  quil  avo  P  ’  ^  leftes  setoient  mis: 

tifs.  D’ailleurs  quelques  ^^^Snerent  plufteurs.  A  me- 
aux  trouffes  des  fuyaias ,  &-  Toeues  redoubloient , 

fure  qu’ils  envoient les.  foup£  «r  Franc!  à  fon  Provincial,.. 

&  dans  une  Letue,  qui  Trociuois  il  affûre  quil 

auffi-tôt  après  fon  arrivée  chez  Aes^  de  cet  axiome, 

éprouva  bien  dans  cette  îei  conf0pation  des  Miférables , . 
fi  univerfellement  reçu,  q  Dartaeent  leur  infortune, 

eft  d’avoir  des  ,  quand  ils  «eu- 

ma_  La  première  chofe  ,  que  •  re  fut  de  faire  enten- 

ren£  plus  à  craindre  d  etre  pour  t  ^  quartier  à  ef- 

dre  à  leurs  Pnfonniers aVoit  tué  un  Ifo 
perer.  Couture  au  comment  Je  premier  ,  for  qui  ces 

Lois  ,  il  avoir  été  remarque  ,  &  £ Sabord  tous 
barbares  décharger».  Us  mgte  »«c 

les- doigts  des  mains , .  ap  t  ^  main  droite  avec  une  epee. 

les  dents  ,  enfuite  ils  p  „  mutiler  fans  être  ému  juf- 

Le  Pere  Jogues?  ne  put  le  voir,  ai  -  ^  c£  .e  Homme  ,  & 

qu’au  fond  de  lame  :  il  coin  fouvenir  des  vérités  éter- 

comme  il  voulut  1  encourager  p  charmèrent ,  &■ 

SSSi  1  *.  «•  " 

avec  une  efpece  de  fore  >  vok  commencé  par  de- 

fur  fa  tête  &  for  fon  corps  nud,  ca  dg  pierres  &  de 

poiiiller  tous  les  Prifonniers  >  ,  >-  effet  un  teins 

bâton  ,  qu’ils  crurent  lavoir  affomme.  l  t  un  eu 

allez  confidérable.  fans  connoiffance  A  pe  desmains , 

repris  l'es  efprits  ,  qu’on  lui  arracha  tous  ^ Fran. 

&  qu’on  liu  coupa  If^ux  in  Chirurgieiv  ,  &  q« 

cois  ,  nomme  Rene  Goupil  ,  •  •  en  qualité  de  Frere, 

avoit  été.  reçu  depuis  peu  par  les Jefone s«|>  fit  rien 

fut  traité  de  la  même  maniéré  ,  &  ce  joui 
aux  autres  Prifonniers.  ~ 


qui 


x  autres  Prifonniers.  .  f  tPPé  &  les  Captifs , 

Quelques  tems  apres  le  butin  fut  p  /  =  ’  fficfiftribués, 
uétoient  au  nombre  le  Village, 


Î3Ë  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VL  237  _ . _ 

d’où  les  Guerriers  font  partis ,  que  cette  diflribution  fe  fait.  l  642.. 

Enfin  on  fe  mit  en  marche  ,  &  elle  dura  quatre  femaines.  Les 
play  es  du  Pere  Jogues  &  des  deux  François  ,  n’avoient  point 
été  panfées  ,  &  les  Vers  s’y  mirent  bientôt  ;  il  falloit  pourtant 
marcher  du  matin  au  foir  ,  &  on  11e  donnoit  prefque  rien  à 
manger  aux  Prifonniers  :  mais  le  faint  Miffionnaire  ne  toit  tou¬ 
ché  que  de  la  yûë  de  fes  chers  Néophytes  ,  deflinés  au  feu,  & 
parmi  lefquels  il  y  en  avoit  quatre  ou  cinq  ,  qui  étoient  les 
principaux  foûtiens  de  FEglife  Huronne.  Pour  lui  il  n’ofoit  fe; 
flatter  d’avoir  le  même  fort ,  ne  pouvant  fe  perfuader  que  les 
Iroquois  fe  portaient  à  fon  égard  aux  dernieres  extrémités  ,, 

&  voulurent  par  fa  mort,  fe  rendre  les  François  irréconci¬ 
liables. 

Après  huit  jours  de  marche  on  rencontra’  un  Parti  de  deux  a.u^epnacr™l 
cent  Iroquois  ,  qui  alloient  tenter  quelque  aventure.  Leur  joye  quel  on  aban=-- 
fut  «rande  à.  la  vûë  de  tant  de  Prifonniers  ,,  qu’on  leur  aban-  donne  les  Pri- 

^5  1  t  q  vi  .  fonnierSa 

donna  pendant  quelque  te  ms  ,  &  qu  ils  traitèrent  avec  une 
barbarie  incroyable ,  après  avoir  fait  une  décharge  générale 
de  leurs  fufils  en  rhonneur  d’AGRESKOUÉ.  Les  Sauvages  s’i¬ 
maginent  que  plus  ils.  feront  cruels  en  ces  occafions  ,  &  plus 
leur  entreprife  fera  heureufe.  Ceux-ci  furent  néanmoins  trom¬ 
pés  dans  leur  attente  ,  car  s’étant  prefentés  devant  le  Fort  de 
Richelieu  ,  ils  y  trouvèrent  le  Chevalier  de  Montmagny  ,  qui 
en  tua  plufieurs  ,  &  contraignit  les  autres  de  fe  retirer  fort 
en  defordre,- 

Dans  la  rencontre  ,  dont  je  viens  de  parler ,  le  4P.  Jogues 
ne  fut  pas  plus  épargné  que  les  autres ,  mais  on  ne  l’avoit  pas  veau  de  s’éva- 
mutilé  de  maniéré  à  le  mettre  hors  d’état  de  rendre  les  fervi-  der. 
ces  ,  qu’on  exige  des  Efclaves  ;  ce  qui  le  confirma  dans  la  pen- 
fée ,  que  les  Iroquois  ne  vouloient  pas  fe  priver  ,  en  le  faifant 
mourir  ,  de  l’avantage  ,  qu’ils  pouvoient  tirer  d’un  otage  de 
foncara&ere. Du  lieu,  ou  les  deux  Partis  s’étoient  rencontrés, 
on  fit  dix  journées  en  Canot ,  après  quoi  il  fallut  marcher  de 
nouveau  ,  &  les  Prifonniers  ,  dont  la  plûpart  avoient  bien  de 
la  peine  à  fe  foûtenir  ,  furent  encore  chargés  du  bagage  de 
leurs  impitoyables  Maîtres. 

Le  P.  Jogues  marque  dans  fes  Mémoires  ,  que  les  premiers 
jours  on  ne  leur  épargna  pas  les  vivres ,  mais  que  cela  dimi¬ 
nua  peu  à-peu  ,  &  que  fur  la  fin  du  voyage  il  fut  jufqu’à  trois 
fois  vingt-quatre  heures  fans  rien  prendre  ,  les  provifions  ayant 
prefque  tout-à-fait  manqué  ,  à  caufe  du  grand  détour ,  qu’on* 


i  6  4  1  + 


Les  Prifon- 
nievs  font 
tourmentés 
<kns  trois  Vil¬ 
lages  fuccef- 
£vement. 


î3  8  HISTOIRE  generale 
avoit  été  obligé  de  prendre  pour  éviter  la  rencontre  des  Par¬ 
tis  ennemis.  Il  ajoûte  que  ni  lui ,  ni  Goupil  fon  compagnon, 
n  étoient  point  attachés  comme  les  autres  pendant  la  nuit ,  en- 
forte  qu’il  leur  auroit  été  facile  de  s’échapper  ;  mais  que  pour 
lui ,  les  raifons ,  qui  l’en  avoient  empêche  d  abord  ,  len  dé¬ 
tournèrent  jufqu’au  bout ,  &  que  le  jeune  Chirurgien  ne  put 

jamais  fe  réfoudre  à  l’abandonner. 

Enfin  toute  la  trouppe  arriva  dans  un  Village  du  Canton 
d’Agnier  ,  où  l’on  confirma  aux  Captifs  ,  qu’ils  étaient  deiti- 
nés  au  feu  ,  &  où  on  les  traita  avec  tant  d'inhumanité ,  qu  il 
ne  leur  refia  pas  fur  le  corps  un  endroit ,  qui  ne  fût  meur¬ 
tri  ou  cicatrifé  ,  ni  aucun  trait  reconnoiffable  au  vilage.  Apres 
qu’ils  eurent  effuyé  la  première  fureur  des  Femmes  &  des  En- 
fans  ,  on  les  fit  monter  fur  une  efpece  de  theatre  ,  &  pour 
fignal  on  déchargea  aux  trois  François  quelques  coups  de  fouet 
fur  les  épaules  ;  enfuite  un  Vieillard  s’approcha  du  Pere  Jo- 
gues  ,  accompagné  d’une  Efçlave  Algonquine  ,  a  qui  ^  il  mit 
un  couteau  en  main ,  en  lui  ordonnant  de  couper  au  Million¬ 
naire  le  poulce  de  la  main  droite.  , 

Cette  Femme,  qui  étoit  Chrétienne,  demeura  d  abord  comme 
interdite  ,  puis  déclara  que  ce  qu’on  lui  demandoit ,  lui  etoifc 

abfolument  impofîible.  Cependant  le  Vieillard  lui  fit  de  fi  ter- 

ribles  menaces  ,  qu  elle  obéit.  Le  faint  Homme  a  depuis  affure 
que  la  crainte  ,  où  il  avoit  été  de  voir  cette  Femme  tourmentée 
a  fon  occafion ,  &  la  joye ,  qu’il  avoit  eue  enfuite ,  en  la  voyant 
hors  de  péril  par  fon  obéïffance  ,  lui  avoient  rendu  très-iuppor- 
table  la  douleur  qu’elle  lui  caufa  ;  elle  le  fit  pourtant  beau¬ 
coup  plus  fouffrir ,  par  la  maniéré  peu  affûree  &  ^tremblante , 
dont  elle  fit  cette  operation  ,  que  fi  la  cruauté  eut  conduit  la 

Les  Prifonniers  demeurèrent  fur  ce  theatre  un  jour  oc  demi, 
environnés  d’une  multitude  confufe  de  Barbares  ,  à  qui  onavoit 
tout  permis  à  leur  égard  ,  excepté  de  les  faire  mourir.  On  les 
mena  enfuite  à  un  fécond  Village  ,  où  ,  contre  la  coutume  ,  on 
les  reçût  encore  avec  une  baftonnade ,  car  félon  les  réglés  cela 
ne  fe  doit  pratiquer  que  dans  le  premier ,  où  l’on  entre.  Ce  fut 
là  que  le  Pere  Jogues  ne  pouvant  plus  fe  fouffrir  tout  nud ,  de¬ 
manda  à  un  Iroquois  ,  s’il  n’avoit  pas  de  honte  de  le  laiffer  en 
cet  état ,  lui  qui  avoit  eu  tant  de  part  au  butin  .  Le  Sauvage 
parut  touché  de  ce  reproche  ,  alla  chercher  1  enveloppe  d  un 
fiallot ,  8c  la  donna  au  Pere ,  qui  s’en  couvrit  de  fon  mieux  ; 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VL  239 

mais  comme  toute  la  peau  de  fon  corps  étoit  levée  ,  cette  toi-  - - 

le  rude  par  elle-même  ,  &  toute  fiemée  de  brins  de  pailles  ,  lui  1  64  2* 
caufa  des  douleurs  fi  aiguës  ,  qu’il  fut  bientôt  contraint  de  la 
jetter.  Alors  le  Soleil  donnant  fur  fes  playes  ,  que  ce  vêtement 
avoit  enfanglantées  ,  il  s’y  forma  une  croûte  ,  qui  tomba  avec 
le  tems  par  morceaux. 

Ce  que  les  Captifs  effuyerent  dans  ce  fécond  Village  de 
mauvais  traittefnens  ,  &  d’indignation ,  fur-tout  de  la  part  des 
Enfans ,  ne  peut  s’exprimer  ,  Sc  cela  dura  deux  jours  ,  fans 
que  l’on  fongeât  à  leur  donner  à  manger.  La  nuit  on  les  lioit 
&  on  les  enfermoit  tous  enfemble  dans  une  Cabanne ,  où  la 
douleur  &  la  faim  ne  leur  permettoient  pas  de  trouver  au¬ 
cune  treve  a  leurs  maux  dans  le  fommeil.  Ils  ne  furent  gué- 
res  moins  inhumainement  traittés  dans  un  troifiéme  Village ,  où 
l’on  avoit  encore  amené  quatre  Hurons  ,  qu’un  autre  Parti  avoit 
fait  Prifonniers. 

Ceux-ci  etoient  des  Catéchumènes  ,  que  le  P.  Jogues  re-  Pieté  &  fer- 
connut  &  baptifa.  On  coupa  encore  au  même  lieu  un  doigt  ?ear. des  Pri~ 
de  la  main  à  Couture  ,  &  il  n’en  auroit  pas  été  quitte  pour  °nmers' 
cela  ,  fi  un  Habitant  de  ce  Village  ne  l’eût  enlevé  à  fes  Bour¬ 
reaux  ,  Sc  ne  1  eut  conduit  dans  fa  cabanne  ,  où  il  ne  voulut 
plus  permettre  qu  on  lui  fit  aucun  mal.  Rien  n’étoit  plus  con¬ 
fiant  pour  le  Miffionnaire  ,  que  la  pieté  de  ce  jeune  Homme, 
oc  en  général  de  tous  les  Compagnons  de  fes  chaînes.  Il  n’y  en 
eut  aucun  ,  qui  au  milieu  de  tant  &  de  h  effroyables  tortu- 
res  ,  ne  confervât  toute  fa  ferveur  ;  quelques-uns  même  ne  pa- 
roifloient  affligés  ,  que  de  ce  qu’ils  ne  foudroient  pas  affez. 

Enfin  après  fept  femaines  d’un  martyre  continuel,  tous,  con-  °n leur  don- 
ire  leur  attente ,  Sc  malgré  les  menaces  ,  quon  leur  avoit  fi  nela,vîe>  ex- 
fouvent  réitérées  ,  furent  avertis  qu’ils  ne  mourroient  point ,  chefs/  ao1* 
al  exception  de  trois  Chefs  ,  parmi  lefquels  étoit  ce  brave 
Cuitache ,  dont  j’ai  rapporté  il  n’y  a  pas  lontems  la  conver- 
lion.  11  reçut  auffi-bien  que  les  deux  autres ,  l’Arrêt  de  fa  mort 
en  vrai  Chrétien  ,  &  julqu’au  dernier  foupir  ils  portèrent  l’hé- 
roilme  auffi  loin ,  qu’il  foit  poffible  de  fe  le  figurer.  Dès  qu’ils 
eurent  ete  livres  aux  Députés  des  Villages  ,  où  ils  dévoient 
etre  brûles ,  les  autres  Captifs  furent  reconduits  au  premier 
des  trois ,  qu  on  leur  avoit  fait  parcourir ,  &  où  la  diffribu- 

uon  s’en  de  voit  faire. 

Jufques-là  comme  ils  n etoient  à  perfonne  ,  perfonne  ne  Des  Hollan. 
prenait  loin  d  eux  ,  8c  en  arrivant  dans  ce  Village  iis  fie  trou  doisréc,amenï 

®  5  w  u  uu~  les  François* 


Ils  font  réfu¬ 
tés. 


histoire  generale 

virent  de».  »„  Ssï. 

j  n  Ilipf,  arriva  dans  le  même  Village  ,  ne  refpirantque 
de  Richeneu  ,  a  quelques-uns  des  plus  braves  avoient 

la  vengeaMe.  Le  Chetcx  cpielq^^  ,  toit  cJfidérable.  Il  ne  re- 

ftohpTus  aux  Pr'ifonniers  ,  après  avoir  «te  fi  lomems  en  ^utte 

4  ,V onleuîavondç». 

Sf  ï “SldotrsL  ,df,  le».  -  co.,.™.  •  v;,  U 

forte  de  neg  ’  P  {  rallentit  un  peu  ;  mais  ce  fut  tout 

contre  les  Kntonmeis,  Tr  Tonieil  rénondit  en- 

le  fruit ,  ^e,/es  “n’étok  plus  le  maître  des  François 

£n  aux  Hollandoi  ,  q  1  <  à  les  rendre  à  leur  Na- 

?rtTloitÎne  pure  défaite  ;mgais  foit  que  les  Hollande is 

re°c;mCpXrtU  ouP  non  ,  ils 

fie  retirèrent.  Il  eft  vrai  que  quelque -uns  des ^  plus  mo  ^ 
d’entre  leslroquois,  avaient  ete  davis  qu^  ^  ^  les  au. 
Jogues  &  fes  deux  compagnon  ?  _  furent  donnés  à  trois 

ïîf  ,,y  droit  lfun  a“.re  ™‘6e! 

"S,  appi'..»™  «  même  Chef,  ,«i  U™.  d«,»  <n 

des  mains  de  fes  Bourreaux.  ,  moment  crue  ce  Bar- 

Martyre  de  René  Goupil  ne  connut  f  ien  9  h  bacbe  ?  dont  il  ex- 

René  Goupil.  bare  lui  déchargea  fur  k  e  P  Homme  d’une  gran- 

Tumocfce  deTœurs ,  &  ^ «ne  km^admiraWe  :  ^ 

qUll'een  c“rvec0foïhVabCk  féculier  ,  afin  qu’il  pût  exe* 
voye  en  Canada  avec  &  de  décénCe  ;  mais  pour 

cer  fon  Art  avec  g  1  b  f  conduite  n’en  étoit  pas  moins 
n  avoir  pas  1  habit  Kelig .  eux  ,  premier  Martyr  de 

régulière  ,  &  fa  piete  lui  mérita  a  etre  i  p  Maître  à  s’en 

la  Nouvelle  France  :  car  le  motif ,  qu  Viei»ard 

défaire  de  la  façon,  que  Jev\e“,  rroix’fur  un  Enfant  ,  dit 
lui  ayant  vû  faire  le  Signe  de  la  Croix  un  ^fes 

que  A  on  le  gardoit,  il  teroit  mourir  tout  le  Village  p  ^ 

prefüges. 


1642, 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lrv.  VI.  141 

Le  P.  Jogues  ,  qui  avoit  admiré  fa  vertu  pendant  fa  vie  , 

11e  fit  aucune  difficulté  de  l’invoquer  ,  après  une  mort  fi  pré- 
cieufe  ,  comme  un  Confeffeur  de  J.  C.  il  s  etoit  bien  attendu 
à  partager  avec  lui  fa  Couronne  ,  il  avoit  été  témoin  de  l’exe¬ 
cution  ,  8c  ne  doutant  point  qu’on  n’eût  auffi  réfolu  de  fe  dé¬ 
faire  de  lui ,  il  alla  fe  jetter  à  genoux  aux  pieds  du  Meurtrier, 
pour  recevoir  en  cette  poflure  le  coup  de  la  mort  ;  mais  le 
Sauvage  lui  dit  de  fe  relever,  parce  qu’encore  qu’il  le  crût 
auffi  coupable  que  fon  Compagnon  ,  il  n’avoit  pas  droit  fur 
fa  vie.  L’Homme  Apoflolique  fruftré  encore  une  fois  de  l’ef- 
perance  du  Martyre  ,  ne  longea  plus  qu’à  fanHifier  fes  chaî¬ 
nes  ,  8c  à  rendre  fa  captivité  utile  à  ceux  ,  qui  lui  avoient  fait 
tant  de  maux. 

Dans  les  commencemens  on  l’obfervoit  d’affez  près  ,  mais  Lc  Verf 
dans  la  fuite  il  eut  un  peu  plus  de  liberté ,  8c  il  parcourut  ^  captivité ^ 
même,  fans  que  fon  Maître  s’y  oppofât ,  tout  le  Canton  d’A-  pour  faire  con- 
gnier  ,  où  il  fe  trouvoit ,  8c  le  feul ,  qui  fe  fût  jufqu’alors  bien  dTcuVIx  no* 
ouvertement  déclaré  contre  nous.  Il  lui  arriva  dans  une  de  quois.conve°- 
ces  courfes  une  aventure  ,  qui  lui  donna  une  grande  confo-  mervdi- 
lation.  Comme  il  alloit  de  Cabanne  en  Cabanne  dans  un  Vil-  cu  e‘ 
lage  voifin  du  fien  ,  pour  voir  s’il  n’y  rencontreroit  point  d’En- 
fans  moribonds ,  aufquels  il  pût  conférer  le  Baptême  ;  il  en¬ 
tendit  une  voix  ,  qui  l’appelloit  d’affez  loin  ;  il  y  courut  fur 
le  champ  ,  &  en  entrant  dans  la  Cabanne  ,  d’où  la  voix  étoit 
fortie  ,  il  apperçoit  un  Malade  ,  qui  le  regarde  fixement ,  8c . 
lui  demande  s’il  ne  le  reconnoiffoit  point  ?  Il  répondit  qu’il  ne 
fe  fouvenoit  pas  de  l’avoir  vû  ,  »  Et  moi ,  reprit  le  Sauvage,  u 
je  te  reconnois  bien  ;  rappel le-toi  le  jour  ,  auquel  tu  étois  fuf-  “ 
pendu  par  les  bras  avec  des  cordes  ,  qui  te  ferroient  bien  fort,  “ 

8c  te  faifoient  extrêmement  fouffrir.  Je  m’en  fouviens ,  dit  le  * 

Pere  ;  c’efl  moi ,  continua  le  Sauvage  ,  qui  eus  pitié  de  toi ,  “ 

8c  te  détachai.  <( 

Le  Serviteur  de  Dieu  ravi  d’avoir  retrouvé  un  Homme  , 
qu’il  avoit  lontems  cherché  ,  pour  lui  témoigner  fa  reconnoif- 
fance  ,  fe  jette  à  fon  col ,  8c  TembrafTant  tendrement  :  »  Mon  « 

Frere  ,  lui  dit-il  les  larmes  aux  yeux  ,  il  ne  tient  qu’à  toi,  que  « 
je  ne  te  rende  au  centuple  tout  le  bien  ,  que  tu  m’as  fait,  8c  dont  « 
le  louvenir  m’efl  auffi  prefent  ,  que  dans  le  moment  même  ,  “ 
où  tu  exerças  une  fi  grande  charité  envers  moi.  U11  Ennemi  “ 
bien  plus  cruel ,  que  tous  ceux  ,  qui  me  tourmentaient  alors,  « 
te  tient  dans  fes  fers  ;  tu  touches  peut-être  au  dernier  moment  « 

Tome  I.  Hh 


1642-. 


» 


Grand  nom¬ 
bre  d’autres 
convoitions. 


De 
neutre. 


Î4Î  HISTOIRE  generale 

de  ta  vie ,  &  fi  avant  ce  moment  fatal ,  qui  va  terminer  tes 
M  ££  tu  ne  fecoües  le  joug  de  ce  Maître  impitoyable  que 
”  deviendras-tu  ?  Je  frémis  pour  toi ,  quand  )  y  pente.  Des  flam- 
”  mes  éternelles  t’environneront  &  te  brûleront ,  fans  te  con¬ 
sumer  jamais.  Les  tortures  les  plus  horribles ,  dont  vous  vous 
”  v;fPZ  pour  vous  venger  de  vos  Ennemis  ,  n  approchent  point 
:  de  ce  qu’endureront  plndant  toute  l’éternité  ceux ,  qui  ne  met.- 

:  relLPpeuCÎe  mots  prononcés  de  ce  ton  qui  rend  les  Hom¬ 
mes  Apoftoliques  fi  puiffans  en  paroles ,  firent  toute  1  împref- 
fion  que  pouvoit  fouhaiter  le  Millionnaire  fur  un  cœui ,  en 
oui  la'charité  avoir  préparé  les  voyes  aux  operations  de  la 
^race.  Le  Malade  demanda  à  être  mftruit ,  &  le  Pere  eu  a 
peine  commencé  à  lui  expliquer  les  principaux  articles  de 
b  •  nn  \\  c’apnercut  qu’un  Maître  mvifible  prevenoit  les  le- 
cons  q&  granit  profondément  les  vérités  Chrétiennes  dans 
’  cette ’ameprédeftinée.  Le  Malade  ne  lui  oppofa  aucun  dou¬ 
te  fur  nos  Myfteres  les  plus  incomprehenfibles ,  il  crut ,  il  fut 

baptifé  ,  &  mourut  peu  de  jours  apres  entre  !es  bras  du  S 
viteur  de  Dieu ,  dans  tous  les  fentimens  ,  qui  caracterilent  la 

m  Unfconquêtè  de  cette  nature  étoit  çlus  fuffifa^ite  pour 
rendre  à  l’Homme  de  Dieu  fa  captivité  precieufe  ,  mais  elle 
ne  fut  nas  la  feule  &  bientôt  tout  le  Canton  d  Agnier ,  qu 

SJ!  S  foi  f»g  .  prodoifii  un« 

Un  autre  Sauvage  ,  en  voulant  lui  fauver  la  vie ,  avon  reçu 
fur  le  bras  un  coup  de  hache  ,  qu  on  lui  portoit ,  le  Cie 
compenfa  de  la  même  maniéré ,  que  celui,  dont  je  vlens ,^Par 
1er.  Plufieurs  autres  Malades  |fe  rendirent  dociles  aux  lnft 

fions  du  S'.  Millionnaire,  qui  les  acc0mpagnoit  tou|ours  de  tou 

ce  aue  la  charité  la  plus  tendre  &  la  plus  rnduftneule  peut 
infplrer  à  un  grand  cœur  ,  &  par  fes  foins  empreffes  un  très, 
grancfnombre  d’Enfans  alla  dans  le  Ciel  groffir  la  trouppe  m- 
frocente  qui  fuit  l’Agneau  fans  tache.  Ces  convenons  lu 

coûtoient  beaucoup  ,  la  feule  fatigue  des pfèfque 
grand  tourment  pour  un  homme  epuife  de  forces ,  «P5 
foûjours  réduit  à  vivre  de  racines  ;  ce  neft  pas  quoi ^ « 
fufàt  le  néceffaire  pour  la  vie  ,  mais  comme  la  plupan  du  ^ 
on  ne  lui  prefentoit  rien  ,  qui  n  eut  ete.offert  a  Agresk 
il  11e  croyoit  pas  qu’il  lui  fût  permis  y  touc  U  -  [e 

la  Nation  fut  vers  ce  même  tems  qu  une  Nation  établie  v 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VI.  243 

Sud  Sud  -  Eft  à  quatre  ou  cinq  journées  du  Pays  des  Hurons  ,  1643. 

fut  vifitée  par  les  Jefuites ,  qui  lui  annoncèrent  le  Royaume 
de  Dieu.  Ces  Peres  ne  lui  donnent  point  d’autre  nom  dans 
leurs  Mémoires  ,  que  celui  de  Nation  neutre  ,  apparemment 
parce  quelle  n’avoit  voulu  prendre  aucun  parti  dans  la  guerre , 
qui  défoloit  tout  ce  Pays.  Mais  elle  ne  put  éviter  dans  la  fuite 
10 n  entière  deliruclion  ;  quoique  pour  fe  mettre  à  couvert  de 
la  fureur  des  Iroquois  ,  qui  fans  aucun  fujet  avoient  fait  fur 
elle  plufieurs  irruptions  ,  elle  eût  voulu  fe  ranger  de  leur  côté  , 

&  s’unir  avec  eux  contre  les  Hurons,  dont  il  paroît  quelle  tiroit 
fon  origine. 

Elle  n’y  gagna  rien  ,  les  Iroquois  étoient  alors  en  humeur  de 
tout  détruire;  &  femblables  aux  Lions  ,  qui,  dès  qu’ils  ont  com¬ 
mencé  à  goûter  du  fang  ,  ne  peuvent  plus  s’en  raffalier  ,  &  n’é¬ 
pargnent  pas  plus  ceux ,  qui  les  careffent  Sc  les  nourrilfent , 
que  ceux  ,  qui  leur  donnent  la  chaffe  ,  ces  Barbares  fe  jet- 
toient  indifféremment  fur  tout  ce  qui  fe  rencontroit  fur  leur 
pairage  ,  &il  ne  relie  plus  aujourd’hui  aucune  trace  de  la  Na¬ 
tion  Neutre.  Ces  Sauvages  étoient ,  dit-on  ,  plus  grands ,  plus 
forts  ,  &  mieux  laits  ,  que  laplûpartdes  autres.  Ils  avoient  pref- 
que  toutes  les  coûtumes  &  les  mœurs  Huronnes ,  excepté  qu’ils 
étoient  encore  plus  cruels  envers  leurs  Prifonniers  de  guerre  ; 
car  ils  brûloient  les  Femmes  avec  autant  de  barbarie,  que  les 
Hommes ,  au  lieu  que  les  Hurons  les  alfornmoient  d’abord.  Ils 
faifoient  aulîi  paroître  moins  de  pudeur ,  ils  étoient  moins  fe- 
dentaires  ,  &  ils  vivoient  beaucoup  plus  du  fruit  de  la  chalfe  , 
que  du  produit  de  leurs  terres  ,  qu’ils  cultivoient  peu. 

Dieu  avoit  fes  Elus  parmi  ces  Barbares ,  mais  en  petit  nom-  Fruits  de  la 
bre  ,  &  ce  furent  les  PP.  Chaumonot  &  de  Brebeuf ,  dont  il  fe  Grâce  dans 
fervit  pour  féparer  ce  peu  de  bon  grain  ,  qui  fe  trouvoit  mêlé  Cme  Mim°n< 
avec  tant  d’yvroye.  Dès  l’année  1626.  le  P.  de  Daillon, Re¬ 
collet  ,  avoit  pénétré  jufques  dans  leur  Pays ,  mais  comme  il 
ne  fç avoit  pas  leur  Langue ,  il  n’avoit  pu  leur  annoncer  Jé¬ 
sus-Christ,  que  par^fignes.  Ce  faint  Religieux  fouffrit  beau¬ 
coup  dans  cette  excurfion  ;  mais  il  s  en  confola  dans  l’efperan- 
ce  que  fes  fueurs  fertiliferoient  une  Terre  fi  ftérile. 

Les  deux  Jefuites ,  que  je  viens  de  nommer  ,  avoient  été  in¬ 
vités  par  les  Principaux  de  la  Nation  à  leur  rendre  une  vi- 
fite  ;  mais  il  s’en  fallut  bien  qu’ils  trouvaffent  les  efprits  aulîi 
favorablement  difpofés  à  les  écouter  ,  qu’ils  fe  V 'étoient  promis. 

Toutefois  leur  charité  envers  les  Malades  ,  leur  douceur  &  leur 

Hhij 


* 


i  643 


Tu  ftice  de 
Dieu  fur  un 
Tillage  Hu- 
#sm 


TBelle  adBorr 
d’un  jeune 
Chrétien* 


H  !  s  T  O  I  R  E  GENERALE 

ssr»  ™i:/dw,„fe  i. ,  r.  xr, 

demeurer  plus  lontems  parmi  ce  Peuple  ;  mais  ils  turent 
bientôt  rappelés  chez  les  Hurons  ,  dont  les  dilgraces  augmen¬ 
tent  chaque  jour.  .  .  i -/•  i  ;t  i.  jg. 

Ce  n’étoit  pas  feulement  la  guerre  ,  qui  les  deloloit ,  la  ta 

mine  &  les  maladies  ne  faifoient  pas  de  moindres  ravages  par¬ 
mi  eux  ;  mais  fi  tant  de  maux  compliques  etoient  des  pierres, 
de  fcandale  pour  les  Endurcis  ,i  s  tordaient  la  Foy  &  &- 
foient  croître  la  pieté  des  véritables  Fideles  :  ils  turent  meme 
les  inftrumens  Sont  Dieu  fe  fervit  pour  attirer  afon  culte  un 
£rand  nombre’d’Infidéles.  Quelques  traits  bien  marques  de  la 
Juftice  venpereffe  d’un  Dieu  irrité  y  contribuèrent  auffi.  Peu 

les  Iroouois  y  entrèrent  à  la  pointe  du  jour  ,  &  av  ant  le  lever 
d,  Soleil  il  n’y  avoit  uas  une  Cabanne  ,  qui  ne  fut  réduite  en 
cendres,  ni  unLbitant,  de  quelque  âge  ,  &  de  quelque  fexe  que 
ce  fût,  que  les  Vainqueurs  neuffent  égorgé.  Il  n  £  eut  qi 
viron  vint  perlonnes ,  qui  fe  fauverent  d  abord  a  travers  les 
flammes.  Ce  Village  n’avoit  jama.s  voulu  recevmr  l  Evangile £ 
&  l’on  y  avoir  porté  l’impiete  jufqu  a  defier  le  Dieu  des  c 
tiens.  Sa  définition  fut  regardée  comme  une  puju^n  du  ^e  , 
&  plufieurs  profitèrent  d’un  trait  fi  frappant  de  la  colere  di 

™ Un  évenementmoinsfuneftene  produifit  pas 

heureux  pour  le  Mut  de  la  Nation  Huronne.  Un  de  les ;  Fa 
de  guerre  étoit  fur  le  point  de  fe  mettre  en  campagne ,  les  Ido 

fâtres  ^quffeifoient  fe  plus  grand  -^’ulrrf  T  “lot 

ter  Suivant  'V^Xffèrent  pofr  connStrefa  volonté  ,  leur 

promit  îa ivifloire ,  s’ils  aboient  du  côté  du  Midi  Tandis  ^ 
s’occupoient  ainfi  de  leurs  pratiques  fuperft  net fes ,  h esC £ 
tiens  s  affemblerent  féparement  pour  famé  leurs  Prières  &  co 
me  ils  eurent  appris:  la  reponle  du  Démon  ,  ou  de  lo 
nôt  *  le  plus  jeune  d’entr’eux  ,  armé  d’une  fa.nte  indignation  „ 
Kîe  aâion  ,  qui  attira  fur  lui  les  yeux  de  tout  e  v  1- 

lage  ,  conjura  le  Seigneur  de  ne  pas  permettre  qu^k  fi,cc  _s 

b  ifiî.  la  narole  du  Pere  du  menfonge.  11  y  va  ,  LMeu  i  oui 
„  Puiffant ,  de  votre  gloire  ,  ajof.ta-t-il , 

*  êtes  l’Arbitre  fouverain  de  notre  fort.  S.  les  promeffes  delMr 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VL  245 

nemi  de  notre  falut  s’accompliffent ,  ceux-ci  blafphemeront  «  1643, 
votre  Saint  Nom  :  mais  plûtôt  périffîons-nous  tous  ^  que  d’être  « 
témoins  d’un  fi  grand  malheur  ». 

Ces  fentimens  paroîtront  peut-être  à  quelques-uns  au  -  def-  les  fuites,, 
fus  de  la  portée  d’un  Sauvage  ,  &  furtout  d’un  Sauvage  Néo-  <luelleeut‘ 
phyte  ;  mais  on  doit  fe  fouvenir  que  dans  qui  que  ce  foit  ils  ne 
I  peuvent  venir  que  de  celui  ,  à  qui  il  ne  coûte  pas  plus  de  les 
infpirer  aux  plus  groffiers  ,  qu’aux  plus  éclairés  de  tous  les  Hom¬ 
mes.  Le  jeune  Chrétien  n’en  demeura  pas  là  ;  car  adreffant 
la  parole  à  fes  Compagnons  de  guerre  :  “  Mes  Freres  ,  leur  " 
dit-il ,  gardons-nous  bien  de  déférer  à  l’Ennemi  mortel  de  nos  " 
âmes  ,  &  de  fuivre  la  route  ,  qu’il  a  marquée  :  allons  à  l’Occi-  * 
dent ,  nous  courrons  apparemment  plus  de  rifques  ;  mais  nous  * 
aurons  pour  nous  le  Dieu  des  Armées  ».  Les  deux  Trouppes  fe 
féparerent  donc  ;  les  Chrétiens  ne  trouvèrent  point  d’Ennemis  , 

&  n’eurent  aucune  fâcheufe  rencontre  :  les  Idolâtres  furent 
battus,  &  perdirent  beaucoup  de  monde.  Alors plufieurs  In¬ 
fidèles  frappés  d’un  événement ,  qui  mettojt  dans  une  parfaite: 
évidence  l’ignorance  ,  &  l’impuiffance  d’Agreskoué  ,  ou  plû¬ 
tôt  l’impofture  des  Jongleurs,  fe  déclarèrent  pour  le  Dieu,, 
dont  le  jeune  Chrétien  avoir  fi  fort  exalté  la  puiffance.<  ç 

Sur  ces  entrefaittes  on  eut.de  Ouebec  des  nouvelles  du  P.  Avis  ,  quel®-* 
Jogues,  qu’on  y  croyoit  mort.  Un  Huron,  de  ceux,  qui  avoient  dônn°eëauS 
été  pris  avec  lui ,  s’évada ,  &  alla  trouver  le  Chevalier  de  Mont-  Gouverneur* 
magny  :  il  lui  dit  que  le  Millionnaire  étoit  à  la  fuite  d’un  Capi-  Gén“a1, 
taine  Iroquois  ,  lequel  n’avoit  aucun  pouvoir  fur  lui ,  le  Can¬ 
ton  n’ayant  pas  voulu  fe  deffaifir  du  droit  d’en  difpofer  ;  que- 
de  tems  en  tems  on  paroiffoit  réfolu  à  le  renvoyer  ,  mais  que  le 
faint  Homme  étoit  dans  un  continuel  danger  ,  &  que  fa  vie  ne 
tenoit  à  rien  au  milieu  d’un  Peuple  feroce  ,  capricieux ,  &  fuper- 
ffitieux ,  auquel  les  Hollandois  fourniffoient  des  boiffons ,  qui' 
rempliffoient  tout  le  Pays  d’Yvrognes  , .  &  y  caufoient  d’ef¬ 
froyables  défordres. 

Peu  de  jours  après  le  Gouverneur'  Général  reçut  une  Lettre 
du  Pere  même.  Elle  portoit  que  toute  la  Nation  Iroquoife  étoit 
en  armes ,  &:  paroiffoit  refoluë  à  ne  plus  donner  de  trêve  aux 
Hurons  ,  jufqu’à  ce  qu’elle  les  eût  détruits.  Que  fon  projet  étoit. 
de  ruiner  tous  leurs  Villages  ,  &  d’y  faire  le  plus  qu’elle  pour- 
roit  de  Prifonniers  ,  pour  les  incorporer  dans  les  Cantons  ,  & 
réparer  les  brèches  ,  que  la  guerre  y  avoir  faittes.  Que  fi  on> 
differoit  davantage  à  fecourir  un  Peuple  Allié  ,  parmi  lequel. ili 


Ii6  HISTOIRE  generale 

-  V  avoir  un  grand  nombre  de  Chrétiens  ,  &  dont  le  commerce 

1  6  4  3  •  nouvoit  être  très-utile  ,  pour  ne  pas  dire  neceffaire  a  la  Colo¬ 
re  Françoife  ,  fa  perte  étoit  certaine  ,&  qu  on  fe  repentirait , 
nuand  il  lien  feroit  plus  tems  ,  de  ne  lavoir  pas  empechee.  Il 
aioûtoit  qu’il  ne  falloir  pas  être  retenu  par  la  crainte  de  ce 
qui  pourrait  lui  arriver,  li  on  repouffoit  les  efforts  des  Iroquois, 
ou’on  devoir  même  être  une  bonne  fois  convaincu  ,  que  ce  n  e- 
toit  pas  en  ménageant  ces  Barbares  aqx  dépens  de  nos  Allies , 
mais  en  leur  infpirant  du  refpeft  pour  le  nom  François  ,qu  on 
les  rendroit  plus  traittables  ,  &  qu’on  travaillerait  plus  efficace¬ 
ment  à  la  sûreté  de  fa  perfonne  ;  qu’en  tout  cas  il  ferait  ravi 
d’être  facrifié  pour  l’intérêt  de  la  Religion  ,  pour  le  bien  de  la 
Colonie  ,  pour  l’honneur  de  fa  Patrie  ,  &  pour  la  confection 

o  f  d"  ^  Le CGouwrneur‘ admira  la  générofité  du  Millionnaire,  & 
■«!*«  dans  l’impoffibilité  ,  où  il  fetrouvoit  de  donner  aux  Hurons 
pou  rie  déh-  i  fe  cours  dont  ils  avoient  befoin  ,  il  crut  qu  il  ne  devoit  rien 
wr’  néeliaer  ,  &  qu’il  n’y  avoit  pas  un  moment  à  perdre  pour  fauyer 

un  Homme ,  dont  la  captivité  avoit  déjà  fait  verfer  tant  de  lar¬ 
mes  Il  venoit  d’apprendre  que  les  Algonquins  avoient  amené  a 
Quebec  un  Efclave  Sok.oki.  C’eft  une  Nation  vo.fine  de  la 
Nouvelle  Angleterre  ,  alors  Alliee  des  Iroquois  .  il  le  racheta  , 
&  quoiqu’il  eût  été  fort  maltraitté  par  ceux ,  qui  1  avoient  eu  en 
leur  difpofition ,  il  le  fit  fi  bien  tramer  ,  qu  il  fut  parfaitement 
guéri.  Il  le  combla  enfuite  de  prefens  ,  puis  il  le  mit  entre 
les  mains  d’un  Abénaqui ,  lequel  le  reconduit  dans  fon  Vil- 

Cet  Homme  non  -  feulement  publia  hautement  les  oblig,a- 
lions  ,  qu’il  avoit  aux  François  ,  mais  il  engagea  encore  la  Na¬ 
tion  à  envoyer  demander  le  P.  Jogues  aux  Agmers.  On  nom¬ 
ma  des  Députés ,  qui  accompagnèrent  leurs  inftances  de  pre¬ 
fens  •  ces  Députés  furent  bien  reçus ,  leurs  prefens  furent  accep¬ 
tés  &  ils  ne  doutoient  plus  du  fuccès  de  leur  négociation ,  par¬ 
ce  qu’il  n’y  a  rien  de  plus  facré  parmi  les  Sauvages  ,  que  1  en- 
<7  jurement  qui  fe  prend  par  cette  acceptation  :  toutefois  ,  lorl- 
qtul  fut  queffion  de  s’expliquer  ,  on  leur  déclara  nMtement 
qu’on  étoit  déterminé  à  ne  pas  rendre  la  liberté  au  Miflîon- 

ti  ,  nave’rs  le  mois  de  Juillet  de  cette  même  année  ,  le  Village ,  où 
ouon  a^refolu  étoit  U  Serviteur  de  Dieu  ,  fit  un  grand  Détachement  pour  a 
fa  mort,  p^he.  Il  avoit  changé  de  Maître  ,  &  il  etoit  a  la  chaige  d  une 


/ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VI.  247 

vieille  Matronne  5  dont  il  avoit  aflez  lieu  de  fe  loiier  :  elle  " j  ^ 
voulut  être  du  voyage  ,  &  il  fut  obligé  de  Fy  accompagner.  4  ^  * 
A  peine  étoit-il  arrivé  au  terme  ,  qu’il  apprit  qu’on  avoit  ame¬ 
né  &:  brûlé  dans  le  Village  ,  d’où  il  étoit  forti ,  quelques  Pla¬ 
fonniers  Hurons  ;  il  reffentit  une  très-vive  douleur  de  ne  s’y  être 
pas  trouvé  pour  les  affilier  à  la  mort ,  &  dans  la  crainte  que  la 
même  chofe  n’arrivât  pendant  fon  abfence  ,  il  demanda  &  ob¬ 
tint  la  permiffion  de  s’en  retourner. 

Il  rencontra  fur  fon  chemin  une  Habitation  Hollandoife  ,  où 
il  entra,  &  où  on  l’affûra  qu’à  fon  arrivée  au  Village  il  feroit 
infailliblement  brûlé  ,  &  la  preuve ,  qu’011  lui  en  donna  ,  fut 
qu’un  Parti  Iroquois  ayant  encore  été  repouffé  au  Fort  de  Ri¬ 
chelieu  ,  on  s’en  prenoit  à  lui  de  cet  échec  ,  parce  qu’un  Huron 
de  ce  Parti  avoit  déferté  ,  &  avoit  porté  une  Lettre  de  fa  part 
au  Gouverneur  des  François  :  c’étoit  la  Lettre  ,  dont  j’ai  parlé , 

&  toutes  les  circonflances  du  fait  étoient  exaélement  vrayes. 

Le  Saint  Homme  a  depuis  avoué  que  fur  cet  avis  il  fut  d’abord 
faifi  de  frayeur  ;  mais  qu’après  s’être  fortifié  par  la  Priere  ,  il 
offrit  fans  peine  à  Dieu  le  facrifice  de  fa  vie.  C’eff  ainfique  le 
Seigneur  permet  que  les  plus  grandes  âmes  rèffentent  de  tems 
en  tems  toute  leur  foibleffe  ,  afin  qu’elles  ne  comptent  nulle¬ 
ment  fur  leur  vertu  ;  mais  quand  elles  s’humilient  en  fa  préfen- 
ce  ,  en  reconnoiffant  le  befoin ,  quelles  ont  de  fon fecours  ,  il 
11e  leur  manque  jamais. 

Le  Serviteur  de  Dieu  fedifpofoit  donc  à  pourfuivre  fon  che¬ 
min  ,  réfolu  atout  événement ,  lorfqu’un  Officier  Hollandois , 
qui  commandoit  dans  ce  Canton ,  arriva  dans  l’Habitation  : 
ayant  aperçu  un  Européen  ,  qu’une  Troupe  de  Sauvages  con- 
duiloit ,  il  s’informa  qui  ilétoit  :  on  lui  dit  que  cetoit  le  P.  Jo- 
gues  ,  &  on  lui  ajoûta  qu’il  étoit  fur  le  point  d’être  brûlé..  Il  en 
fut  touche  ,  &  comme  il  cherchoit  une  occafion  de  faire  plai- 
fir  au  Chevalier  de  Montmagny,  dont  il  avoit  reçu  depuis  peu 
quelque  fervice  ,  il  comprit  qu’il  ne  pouvoit  rien  faire  ,  qui  fût 
plus  agréable  a  ce  Gouverneur  ,  que  de  procurer  la  liberté  au 
Millionnaire  :  il  en  forma  le  deffein  ,  &  on  prétend  même  que 
1  ordre  en  avoit  été  envoyé  à  tous  les  Commandans  de  la  Nou- 
velle  Belgique  par  les  Etats  Généraux  ^  à  qui  la  Reine  Regente 

ue  France  1  avoit  fait  demander  de  la  maniéré  la  plus  pref- 
fante. 

Quoiqu  il  en  foit ,  l’Officier,  après  avoir  un  peu  révé  aux  Un  ofîyles 
moyens  d’exécuter  fon  projet ,  appella  le  P.  Jogues ,  &  lui  dit  S.” thd- 


Il  accepte 

l'offre» 


,  o  HISTOIRE  generale 

- -  mi’qflfez  près  de  l’Habitation  il  y  avoit  un  Vaiffeauà  l’ancre; 

’  6  4  3  :  nui  devou  appareiller  inceffamment  pour  la  V irg.me  ;  cm  il  T 

*•  K!”,r ,  v«™ PO,,,  alfa  m*m.  OÙ 

U  voudront.  Le  faint  Religieux  ,  après  lui  avoir  temoigiie  fa  re- 
connoiffance  ,  demanda  la  nuit  pour  délibérer  fur  Ion  offre  , 
&  cela  furprit  fort  ce  Commandant ,  qui  ne  comprenoit  pas 
comment  un  Homme  ,  dans  une  fituation  auffi  critique  ,  pou- 

voit  balancer  un  moment  à  s  en  tirer» 

Le  Serviteur  de  Dieu  paffa  toute  la  nuit  en  pneres ,  &  api  es 
avoir  confideré  que  fa  morte  toit  certaine  ,  s  il  retournoit  a  fon 
Village  ;  que  cette  mort  ne  pouvait  être  utile  à  rien  ,  qu  au 
contraire  elle  neferviroit  qu’à  eloigner  la  paix  entre  les  Iro- 
nuois  &  les  François  ;  que  n’etant  point  parti  fur  la  parole  , 
mais  que  fes  Maîtres  lui  ayant  donné  une  efcorte  pour  le  gar¬ 
der  Il  n’étoit  pas  obligé  de  refufer  les  moyens  ,  qu  on  lui  pre- 
fentoit  de  fefauver,  &b  qu’en  mettant  fa  vie.  en  surete  .1  pou- 
voit  encore  être  utile  aux  Peuples  du  Canada ,  il  re“ur"a  . 
lendemain  de  grand  matin  chez  le  Commandant  ,  &  lui  dit 
qû’dfe  mettoit8entre  fes  mains.  Cet  Officier  ne  perdit  pas  un 
moment ,  &  commença  par  engager  les  Sa^ages  a  ne  pomt 
Dartir  ce  jour-là ,  comme  ils  1  avoient  refolu.  Il  alla  enluite 
s’affûrer  del’Eauipage  du  Navire,  &  tout  étant  bien  difpofe,  il 
avertit  le  P.  jôgues  de  fe  rendre  la  nuit  fuivante  fur  le  rivage 
dlla  Mer  ,  ou  if  trouverait  une  Chalouppe  toute  prête  pour  le 

C0LdaUdTfficulffidét0it  de  tromper  la  vigilance  de  fes  Gardes 

beaucoup  plus  grande  la  nuit  que  le  jour  j  &  <-  ev^er  ; 

j£  £1  ontrpç  Trnmiois ,  qui  alloieiit  oc  vendent 


Son  évaflon. 


beaucoup  plus  gicumc  uun  ,  . 

contre  de  plufieurs  autres  Iroquois  ,  qui  allpient  o_  ^ 

fans  ceffe  fans  ces  quartiers-là  V  l’enfermoit  le  oir  dans  une 


fans  cene  dans  ces  quartiers  ia.  ui  j» 

Grange  ,  &  comme  on  ne  lui  avoit  pas  laiffe 
miner  s’il  n’y  avoir  pas  une  autre  îffue,  que  la  porte  ordinaire, 
par  où  il  pin  fe  dérober  ,  dès  qu’il  fe  vit  enferme  avec  fes  Sur- 
veillans , il  prétexta  un  befoin  ;  mais  a  peine  etoit-il  dehors , 
qu’un  Dogue,  qu’on  avoit  lâché  d’une  Métairie  voifine,  corn 
rut  fur  lui ,  &  ?e  mordit  à  la  jambe  :  il  rentra  fort  bleffe  , 
auffi-tôt  la  porte  de  la  Grange  fut  barricadée  de  maniéré  » 
qu’on  ne  pouvoir  l’ouvrir  fans  faire  beaucoup  de  bruit.  En 
luite  tous  les  Sauvages  fe  couchèrent  autour  de  leur  Pnlon 

^  Le  Serviteur  de  Dieu  jugea  alors  fa  fuite  Impoffibk,  &  £ 


J3E  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VI.  249 

perfuada  fans  peine  que  le  Ciel  ne  l’approuvoit  point.  Il  fe 
foûmit  à  fes  ordtes  ,  &  repofa  tranquillement.  Un  peu  avant 
le  jour  un  Valet  de  l’Habitation  entra  par  une  porte,  que  les 
Sauvages  n’avoient  point  aperçue  ;  le  Pere ,  qui  s’éveilla  ,  ou 
qui  ne  dormoit  plus ,  fit  figne  à  cet  Homme  d’arrêter  les  Chiens, 
fe  leva  doucement ,  fortit  avec  lui ,  &  gagna  le  bord  de  la 
Mer.  Arrivé  à  la  Chalouppe ,  il  la  trouva  fans  aucun  Mate¬ 
lot  ,  &  tellement  échouée  ,  qu’il  lui  fut  impofiible  de  la  re¬ 
mettre  à  flot.  Il  s’approche  le  plus  près  qu’il  peut  du  VaifTeau, 
&  crie  qu’on  lui  envoyé  quelqu’un  ;  perfonne  ne  répond  ;  il 
retourne  à  la  Chalouppe  ,  conjure  le  Seigneur  de  redoubler  fes 
forces  ,  fi  fa  volonté  eft  qu’il  échappe  des  mains  des  Iroquois  ; 
il  fait  de  nouveaux  efforts  ,  met  enfin  la  Chalouppe  à  l’eau  ,  & 
gagne  le  Navire. 

On  l’y  reçut  bien  ,  on  le  defcendit  à  fond  de  calle  ,  &  on  mit 
un  cofre  fur  l’écoutille  ,  afin  que  ,  fi  les  Sauvages  venoient  le 
redemander  ,  on  pût  leur  laiffer  la  liberté  de  chercher  par  tout, 
fans  craindre  qu’ils  le  trouvaffent.  Il  fut  deux  fois  vint  quatre 
heures  dans  cette  efpece  de  cachot  ,  fans  voir  le  jour ,  &  il 

Îenfa  y  étouffer.  Au  bout  de  ce  tems-là  on  vint  lui  dire  que  les 
roquois  le  redemandoient  avec  de  grandes  menaces  ,  &  la  ma¬ 
niéré  ,  dont  on  lui  parla  ,  lui  fit  juger  qu’on  ne  vouloit  pas  fe  fai¬ 
re  des  affaires  avec  eux  :  il  répondit  comme  Jouas ,  P uifque  cette 
tempête  s  eft  élevée  à  mon Jiijet ,  jetteq-moi  à  la  Mer .  On  lui  dit  en- 
fuite  que  le  Commandant  fouhaittoit  de  lui  parler  ,  &le  prioit 
de  fe  rendre  chez  lui  :  il  ne  répliqua  rien  ,  &  malgré  les  Mate¬ 
lots  ,  qui  vouloient  le  retenir  de  force  ,  il  defcendit  dans  la 
Chaloupe  ,  &  fe  laiffa  conduire  à  l’Habitation. 

Le  Commandant  lui  proteffa  qu’il  feroit  en  sûreté  dans  fa 
maifon  ,  &  ajoûta  que  tout  le  monde  avoit  été  d’avis  dans 
l’Habitation  qu’il  fortit  du  Navire,  lequel  étoit  furie  point  de 
faire  voile  ,  afin  que  fur  l’affûrance  ,  qu’on  donneroit  aux  Sau¬ 
vages  qu’il  n’étoit  point  parti ,  on  pût  négocier  avec  eux  plus 
aimablement.  Le  Pere  comprit  tout  le  danger  ,  .où  il  étoit  ;  mais 
il  ne  dépendoit  pas  de  lui  de  s’en  tirer;  il  répondit  à  l’Officier 
qu’il  feroit  de  lui  tout  cç  qu’il  voudroit.  Au  bout  de  quinze 
jours  ,  c’eft-à-dire ,  vers  la  mi  -  Septembre  ,  plufieurs  Sauvages 
arrivèrent  du  Village  ,  où  il  avoit  été  Efclave  ,  &  parurent  re- 
folus  de  contraindre  les  Hollandois  à  le  leur  remettre. 

Le  Commandant  fut  fort  embarraffé  ;  il  n’étoit  pas  en  état  de 
réfiffer  à  ces  Barbares ,  s’ils  entreprenoient  de  lui  faire  violence  : 
Tome  /.  Ii 


xô43 


Il  pafle  en 
France. 

1644. 


11  demande 
tmcDifpenfe 
pour  dire  la 
M  elle  avec  Tes 
mains  muti¬ 
lées.  Réponfe 
-du  Pape. 


Son  caractère 
propre. 


HISTOIRE  GENERALE 

il  leur  offrit  de  racheter  leur  Prifonnîer ,  &  il  vint  enfin  k 
bout  de  leur  faire  accepter  quelques  prêtas.  Il  envoya  en- 
fuite  le  P.  Jogues  à  Manhatte ,  ou  on  1  embarqua  dans  un  Ba¬ 
ttent  de  cinquante  Tonneaux,  qui  appareilla  le  cinquième 
deNovembre  pour  la  Hollande,  ta  traverfee  fut  heureufe  ; 
ma;s  un  coup  de  vent ,  qui  furviht  ,  lorfque  le  Navire  etoit 
fur  le  point  d’entrer  dans  la  Manche  ,  obligea  le  Patron  de  re- 
lâcherà  Falmuth  en  Angleterre.  A  peine  eut-il  jette  1  ancre, 
que  tous  les  Matelots  dépendirent  à  terre,  ne  laiffant  qu  un 
?eul  Homme  à  la  garde  du  Bâtiment.  Sur  le  foir  des  Voleurs, 
vinrent  à  bord  ,  y  prirent  tout  ce  qui  pouvoit  les  accommo- 

-"if  ^oTt  »  N.™  F™ 

n”toit  venu  par  hazard  mouiller  dans  ce  meme  Port.  Le  Capi- 
•  taine'ayantété  averti  de  l’état ,  où  fe  trouvoit le  P..  Jogues ,  le- 
fecourut  à  propos.  La  veille  de  Noëlle  Pere  eut  avis  quune 
Barque  ,  dSrgSte  de  charbon  de  terre  ,  alloit  partir  pour Ta  .Bre¬ 
f-J*  il  v  fit  demander  le  paffage,  qui  lui  fut  accorde  de  bonne 
erace’  6?  il  débarqua  en  habit  de  Matelot  entre  Bref!  &  S. 

fini  de  Leon.  Le  cinquième  de  Janvier  il  parut  dans  le  meme 

L,io,ge  à  la  porte  du  College  de  Rennes  ,  &  demanda  a  par- 
1er  au  P  Reâeur ,  à  qui ,  difoit-il ,  il  vouloit  apprendre  des 
nouvelles  du  P.  Jogues.  Le  P.  Retour  defcend.t  fur  Je  champ  , 
&  le  prétendu  Matelot ,  fans  lui  dire  une  parole  ,  lui  remit  une. 
Patente  que  le  Gouverneur  de  Manhatte  lui  avoit  donnée  ,  a 
deffein  qu’on  lui  fournît  en  Hollande  tout  ce  dont  il  auroitbe- 

foin  pour  fe  rendre  en  France. 

Le  Reûeur,  avant  —  1;~ 

toit  devenu  le  P..Jogu«  *  —  KWna  de 

riant.  Le  Refteur  le  reconnut ,  fe  jetta  a  fon  cou  ,  ^ baignad 

fes  larmes  ,  &  demeura  tellement  fai  1 ,  qui  e  .  ^ 

embraffé  ,  fans  pouvoir  lui  parler.  Le  Serviteur  de  Dieu  relt 
peu  de  jours  à  Rennes ,  &  en  partit  pour  Paris ,  ou  1  on  fçavoit 
déjà  fon  évafion  ,  &  où  il  étoit  attendu  avec  impatience.  La 
Reine  Mere  le  voulut  voir  ,  &  lui  fit  un  accueil  djne  de  J 
pieté.  Le  Pape  ,  à  qui  il  demanda  la  permiffion  de  cdebrer 
divins  Myfteres  avec  fes  mains  mutilées  ,  répondit  qu  il  ne 
roitpas  juftede  refufer  à  un  Martyr  de  ,i 

boire  le  Sang  de  Jésus-Christ  ,  Indignum  effet  Chrtfii  Marty 

rum  Ckrijîi  non  libéré  Sanguinem.  _  j  n- 

Il  faut  avouer  que  ce  S'..  Millionnaire  fe  trouvoit  alors  dans 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VL  251 
line  fituation  bien  délicate  pour  une  vertu  ,  qui  n’auro'it  pas 
été  auffi  bolide  que  la  benne.  Rien  neb  plus  capable  deféduire 
un  cœur ,  où  il  reberoit  une  étincelle  d’ambition  &  d’amour 
propre  ,  que  de  fe  voir  honnoré  à  fi  jubé  titre ,  comme  un  Saint, 
qui  a  fait  &  fouffert  ce  qui  paroît  paffer  les  forces  de  l’Huma¬ 
nité.  Mais  le  P.  Jogues  inbruit  que  Dieu  eb  jaloux  ,  non-feu¬ 
lement  de  la  gloire  ,  qui  émane  de  fa  propre  excellence ,  mais 
encore  de  celle  ,  qu’il  tire  de  nos  vertus  ,  dont  nous  femmes 
redevables  à  fa  Grâce  ,  n’avoit  garde  de  s’expofer  à  perdre  le 
fruit  de  fes  travaux  &  de  fes  fouffrances  par  le  moindre  re- 
tour  fur  lui-même.  Jamais  Homme  ne  fut  mieux  fondé  en  hu¬ 
milité  ;  elle  fît  toujours  fon  caraHére  propre  ,  ainfî  il  étoit  bien 
éloigné  de  croire  qu’il  eût  jamais  rien  fait ,  dont  le  Ciel  dût  lui 


1644, 


tenir  compte. 

Il  ne  fut  pas  feulement  tenté  de  reber  en  France  ,  où  il  ne  il  retourne 
rece.voit  que  des  applaudiffemens  ,  &  il  n’y  demeura  en  effet  ^  c?n^a* 
que  jufqu’au  départ  des  premiers  Vaiffeaux ,  qui  firent  voile  quTy  %: 
pour  Quebec.  Il  trouva  les  affaires  de  la  Nouvelle  France  Pread- 
dans  un  état  bien  tribe.  Ses  chers  Hurons  étoient  de  toute  part 
en  proyê  aux  Iroquois  ,  &  depuis  quelque  tems  on  ne  recevoit 
plus  à  Quebec  aucune  nouvelle  de  leur  Pays  ,  qui  n’annonçât 
ou  la  défaitte  d’un  Parti ,  ou  la  debruclion  d’une  Bourgade. 

Le  nombre  des  Chrétiens  y  croiffoit  néanmoins  tous  les  jours , 

&  leur  Foi  fe  fortifioit  dans  ces  mêmes  adverfités  ,  qui  avoient 
fi  lontems  retardé  leur  converfîon. 


Ces  tems  d’orage  &  de  perfécution  ont  été  dans  toutes  les 
Eglifes  naiffantes  des  tems  d’abondance  en  toute  forte  de  béné- 
chbions  celebes  ,  &  nont  jamais  manqué  d’être  féconds  en 
ons  Chrétiens.  Le  Canada  jufqu  a  la  fin  du  fiécle  pafîe  a  été 
une  preuve  bien  fenfible  de  cette  vérité ,  &  nous  en  avons  vû 
plufieurs  illubres  témoins.  J  ai  meme  eu  le  bonheur  de  vivre 
avec  quelques-uns  de  ceux  ,  qui  ont  été  AHeurs  fur  ce  fanglant 
leatre  ’  Ve  pouvoient  9  comme  S.  Paul ,  montrer  fur  leur 
chair  les  jtigmates  de  Jesus-Christ  ;  mais  non-feulement  les 
Apôtres  de  la  Nouvelle  France  netoient  pas  indignes  d’être  mis 
en  paralelle  avec  les  Fondateurs  des  plus  belles  Eglifes  5  quel- 
ques-uns  de  leurs  Néophytes  ont  rappellé  les  plus  beaux  jours 

m- A  •  1  C  r  m*t*re  ’  ^  îe  cro^r°is  manquer  à  la  fidélité  de 
1  niitoire ,  fi  par  déference  pour  ce  qu’on  appelle  aujourd’hui  le 
goût  du  fiecle  ,  je  paffois  fous  filence  ce  que  je  trouve  en  ce 
genre  dans  les  Annales  du  Canada  de  plus  merveilleux  ,  &  de 


i  64 4* 


Ferveur  & 
fainteté  des 
Butons.. 


HISTOIRE  generale 

252<  n  \  r  1  •  Au  rentre  de  la  Barbanl  æ 

plus  capable  de  glorifier  celui  ’  Ç 

kz  î 

55* 

de  ces  âmes  choifies  ,  que  i  naffions  rabaiffent  au- 

me/r  p0T  iC°Kf°ndTVforkApoftoliquePenammoit  plufieurs.;. 
deffous  de  la  bete.  LElp  P  ^  nrêcher  l’Evaneile  à  la 

nL'o“  ,Æ j d&Sig“ ”“y 

sk5*5j5*®£ ,  ».iou,s  pi,,.  p.rfu,r.f ,  <,« 

fephTAONDECHOREN ,  qui  avoir  etfJlr^)  bec  ies  premières 
c’etoit  celui-là-même  ,  qui  avoir  ^'d^fidéles  fe 

nouvelles  du  faint  Millionnaire.  Un  jour- quarte ^  ^ 
trouvant  avec  lut,  témoignèrent  une^  -  .P  ;1  iup 

qu’ayant  été  fi  cruellement  traitte par moindre: 
avoir  pas  encore  echape  u£®Jarré  ’  ^it-il  ,  qque  Dieu  répand 
»  relTentiment  conti  eux.  »  5  r  iu;  Jes  îoyes  h  pu- 

»  fur  les  fouffrances  ,  qu  on  a  endure  P  ’  peut  en  fçavoir 

«  res,  &  des  confolations  fi  e  ’  iSLer.l  l  leur  parla 

„  mauvais  gré  à  ceux Religion Chré~ 

enfuite  avec  tant  de  force  de  4 nnt  elle  change  le  cœur 

tienne  ,  &  de  la  maniéré  m.raculeufe  , .dont t  elle •  c  g 
de  l’Homme  ,  que  la  plÛpart  en  furent  ébranlés  ,  «  p 
convaincus  de  la  néceffite  de  l  embraffer,  é  ^ 

««rfè*  L’Ifie  de  Montreal  fe  peuploit  mfenfiMemen  ,  P  $  ^  qui 

nriracaleufe  ces  nouveaux  ColoilS  dlfpofolt  pC  P  .  r  v  T  es  Al" 

S-/'--  S.  .pprocloie».  ,  à  fe  f—  “  C/i  S  d  «Ou- 

gompuns  établis  dans  “«  L’ l  a.oient  plus  de  commerce. 


établis  clans  une  mc,  r  “7  iprnmmerce; 


mais  leur  Chef  paro.Uoit  ateoir  une  oppoU^^.^- 
Chriftianifme ,  &  tout  Allie  qu  il  etG1^;£l  •  vouvoient 
loit  qu’on  le  crût  des  François,  les .  M.ffio nnaire s  uo  mê. 

en  lui  un  Adverfaire  plus  redoutable  , ,  qw  es q  ur  fes 
mes.  Ce  n’eft  pas  qu’il  eut  beaucoup  d  attachem  P  uf„ 
fuperftitieufes  ;  mais  c  etoit  un  Homme  y 


pratiques 


4 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VI.  253 

qûa  la  férocité  ,  extrêmement  fier  ,  &  d’un  efprit  mauvais. 

Il  femble  que  Dieu  prenne  de  tems  en  tems  plaifir  à  triompher 
de  quelques-uns  de  ces  cœurs  mtraittables  ,  &.de  ces  âmes  per- 
verles  ,  dont  il  eft  vifible  que  la  conquête  ne  peut  être  Fouvra«- 
ge  que  de  fa  toute-puiffante  mifericorde.  Telle  fut  vraifembla- 
hlement  la  converfion  du  Chef  Algonquin.  Il  n’y  eut  rien  que 
de  furnaturel  dans  la  maniéré  ,  dont  fe  fit  un  changement  fi 
inefperé.  Ce  Barbare  avoit  un  fieveu  ,  à  qui  il  vint  en  penfée 
de  s  établir  dans  rifle  de  Montreal  :  il  alla  trouver  M.  de  Mai- 
fonneuve  ,  qui  n’oublia  rien  pour  le  confirmer  dans  fon  deffeim; 
&  comme  fa  principale  vûë  étoit  de  le  gagner  à  J.  C.  il  pria  le 
P.  Vimond ,  &  le  P.  Poncet  ,  qui  heureufement  fe  rencon¬ 
trèrent  alors  auprès  de  lui ,  de  l’inflruire  de  nos  Myfteres. 

Ils  y  confentirent  avec  joye  ,  &  ils  trouvèrent  dans  cet 
Homme  &  dans  fa  Femme  tant  de  douceur  &  de  docilité  , 
qu’après  les  épreuves  ordinaires  pour  s’affûrer  de  leur  confian¬ 
ce  ,  ils  les  baptiferent.  Ces  deux  Néophytes  avoient  promis 
de  fe  fixer  dans  l’Ifle ,  &  ils  tinrent  parole.  Ils  firent  plus  ,  la 
grâce  du  Sacrement  avoit  produit  en  eux  le  zélé  du  falut  des 
âmes,  &  ils  l’exercerent  avec  fuccès  ;  mais  la  converfion  , 
qui  leur  tenoit  plus  au  cœur ,  étoit  celle  de  leur  Oncle  :  quoi¬ 
qu’ils  ne  viffent  aucune  apparence  humaine  d’y  réuffir  ,  ils  11e 
laifferent  pas  de  l’entreprendre  ,  &  ils  fe  difpofoient  a  1  aller 
chercher  dans  fon  Village ,  lorfqu’ils  apprirent  qu’il  en  étoit 
parti  pour  la  chaffe  d’hyver.  Ce  contretems  les  affligea ,  mais 
ils  comprirent  bientôt  que  la  divine  Providence  a  des  refforts , 
qui  font  inconnus  aux  Hommes  ,  &  s’ils  n’eurent  pas  l’honneur 
d’avoir  eu  d’autre  part  au  fuccès  d’une  converfion  fi  défirée  , 
que  de  l’avoir  peut-être  obtenue  du  Ciel  par  leurs  prières ,  la 
maniéré,  dont  elle  réuffit ,  ne  leur  donna  pas  moins  de  confola- 
tion  ,  &  fortifia  leur  foy. 

Un  jour  que  le  Mari  s’entretenoit  avec  le  P.  Vimond  de  cette 
affaire ,  ils  furent  l’un  &  l’autre  extrêmement  furpris  de  voir 
ce  Chef  entrer  dans  la  chambre  ,  où  ils  étoient  ;  mais  leur  éton¬ 
nement  augmenta  beaucoup  ,  lorfque  lui  ayant  demandé  le  fu- 
jet ,  qui  l’amenoit ,  il  leur  répondit  qu’il  venoit  pour  fe  faire 
Chrétien.  Le  P.  Vimond  voulut  fçavoir  le  motif  d’une  réfolü- 
tion  fi  fubite  ,  &  fi  contraire  aux  fentimens  ,  où  il  avoit  été  juf- 
ques  -  là  ,  &  il  protefta  qu’il  lui  étoit  impoffible  de  le  dire  : 
que  comme  il  traverfoit  du  Fort  de  Richelieu  aux  Trois  Ri¬ 
vières  ,,  il  s’étoit  fait  tout-à-coup  dans  fon  ame  un  changement  > 


2-4  histoire  generale 

-  ou’il  ne  comprenoit  pas  encore  ,  &  que  par  un  mouvement, 

I<544*  dont  il  n’avoit  pas  été  le  maître  ,  il  avoit  repris  fur  le  champ  la 
route  de  Montreal ,  pour  s’y  faire  infbruire  de  la  DoRrine  des 
Chrétiens.  Il  ajoûta  que  fa  Femme  étoit  dans  la  même  difpofi- 
tion  que  lui  ;  puis  adreffant  la  parole  au  P.  Vimond:  «  Mon 
»  Pere,  lui  dit-il,  je  ne  me  porte  pas  bien , néanmoins  fi  tu  me 
y>  refufes  la  grâce  ,  que  je  te  demande  ,  je  fuis  refolu  d  aller  aux 
*  Hurons  ,  où  j’efpere  qu’on  mg  l’accordera. 

Son  Neveu  écoutoit  ce  difcours  ,  comme  un  Homme  ,  qui 
ne  fçait  s’il  rêve  ,  ou  s’il  veille  :  enfuite  ne  pouvant  plus  conte- 
nir  la  joye  ,  dont  il  étoit  tranfporté  ,  il  courut  chez  My  de 
Maifonneuve  ,  pour  lui  faire  part  de  ce  qu’il  venoit  de  voir  & 
d’entendre.  Le  Gouverneur  voulut  s’inftruire  par  lui -même 
d’une  chofe  fi  peu  vraifemblable ,  &  la  trouvant  vraye,  il  em- 
braffa  le  Profelyte  ,  l’affûra  de  fon  amitié  ,  &  lui  dit  qu  il  fe  fai- 
foit  fort  d’engager  le  Supérieur  Général  a  le  contenter.  Le  P. 
Vimond  n’avoit  pas  moins  d’empreffement  que  lui ,  de  voir  la 
confommation  d’une  oeuvre  ,  dont  les  fuites  ne  pou  voient 
manquer  d’être  fi  avantageufes  à  la  Religion  ;  mais  1  aflaire  n  e- 
toit  pas  de  nature  à  être  traittée  avec  précipitation.  L>  ailleurs 
un  grand  nombre  d’autres  Sauvages  arrivoient  tous  les  jours 
pour  être  auffi  inftruits  ,  &  deux  Prêtres  ,  qui  avoient  encore 
d’autres  devoirs  à  remplir ,  ne  fuffifoient  pas  pour  un  li  grand 

travail.  A  .  ,  .  i 

Cette  derniere  difficulté  fut  pourtant  bientôt  levee ,  tout  le 

monde  &  le  Gouverneur  même  fe  joignirent  aux  Millionnai¬ 
res  pour  inftruire  les  Catechumenes ,  les  Femmes  fe  chargè¬ 
rent  des  perfonnes  de  leur  fexe  ,  &  comme  on  s  aperçut  que  la 
Grâce  agiffoit  encore  plus  efficacement  au  dedans ,  que  ne  pou- 
voient  faire  au  dehors  les  exhortations  les  plus  touchantes  ,,  au 
bout  de  huit  jours  d’un  travail  affidu  ,  tous  furent  juges  en  état 
de  recevoir  le  Baptême.  M.  de  Maifonneuve  fut  le  Parrain  du 
Chef  de  Fille  ,  &  la  Marraine  fut  Madame  de  la  Peltne  , 
qu’une  faillie  de  zélé  un  peu  inquiet ,  mais  qui  ne  tarda  pas 

beaucoup  à  fe  calmer  ,  avoit  conduite  a  Montreal. 

Le  P.  Vimond  n’eut  aucun  lieu  de  fe  repentir  de  fa  facilite 
à  recevoir  ces  Sauvages  dans  le  bercail  commis  à  fa  vigilance  : 
le  te  ms  ne  ralentit  point  leur  ferveur  ;  tout  s  etoit  fait  en  que  - 
que  forte  par  infpiration  ,  &  l’on  reconnut  alors  dune  maniéré 
bien  fenfible  ,  ce  qui  eft  un  des  points  des  plus  importans  de  a 
fcience  propre  des  Hommes  Apoltoliques ,  que  h  1  Auteur  de  a 


Ferveur  des 
Misions  Al- 
gonquines. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VI.  255 

Nature  paffe  quelquefois  par-deffus  les  Loix  ,  qu’il  a  lui -mê¬ 
me  établies  dans  le  cours  ordinaire  des  chofes  ;  il  eft  auffi  des 
occafions ,  où  fes  Minières  ne  doivent  pas  s’affraindre  fcrupu- 
leufement  aux  réglés  d’une  prudence  trop  méfurée. 

Toute  la  Nation  Algonquine  fereffentit  de  ce  qui  venoit  de 
fe  paffer  à  Montreal ,  &  peu  à  peu  le  nombre  des  Chrétiens  y 
paffa  celui  des  Infidèles.  Les  Trois  Rivières  &  Tadouffac  eu¬ 
rent  aufli  leurs  Millionnaires  Sauvages  ;  on  y  voyoit  des  Néo¬ 
phytes  entreprendre  de  très-grands  voyages  dans  la  plus  rude 
îai fon  ,  uniquement  à  deffein  d’annoncer  Jesus-Christ  à  des 
Nations  fort  éloignées  ;  &  ceux  9  qui  ne  pouvoient  pas  s’ab- 
fenter  fi  lontems  de  leurs  Bourgades  ,  n’y  retenoient  point  leur 
zélé  oifif.  Ils  ne  ceffoient  dans  les  Affemblées  publiques  &  par¬ 
ticulières  de  recommander  l’obéiffance  à  leurs  Pafieurs  ,  & 
la  fqûmiffion  aux  Loix  facrées  de  l’Eglife  ;  &  tous  ceux  ,  ?qui 
avoient  quelque  autorité  fur  la  multitude ,  ne  pouvoient  fe  ré¬ 
foudre  à  lailfer  la  moindre  faute  impunie  j  pour  peu  quelle  eût 
eclatte  ,  ou  caufe  de  fcandale  ;  &  Ion  avoit  fou  vent  allez  de 
peine  à  modérer  fur  cela  leur  fé vérité. 

Mais  c’étoit  furtout  à  Sÿlleri  que  l’on  admirait  ce  que  peu¬ 
vent  les  piennces  de  la  G  race  dans  une  Chrétienté  naiffante. 
Cette  Peuplade  n’étoit  pas  encore  expofée  ,  comme  elle  le  fut 
peu  de  tems  après  ,  aux  infultes  des  Iroquois  ;  mais  pour  peu 
que  fes  Habitans  s’écartaffent ,  ils  couraient  rifque  d’être  enle¬ 
vés  ,  &  cela  étoit  déjà  arrivé  à  plufieurs  ,  ce  qui  les  privant  de 
la  chaffe  ,  fur  laquelle  ces  Peuples  ne  peuvent  s’empêcher  de 
compter,  les  reduifoit  fouvent  à  manquer  du  nécelfaire.  Les 
François  faifoient  bien  tout  leur  polïible  pour  les  foulager  dans 
leurs  plusprelfans  be foins  ,  mais  étant  pauvres  eux-mêmes  pour 
la  plûpart ,  leur  charité  etoit  une  foible  relïburce  pour  tant 
de  Gens  affames.  Avec  cela  ,  outre  le  peu  de  genie  &  de  goût 
qu  ont  toujours  eu  les  Nations  Algonquines  pour  la  culture  des 
terres ,  ces  Chrétiens  obligés  fouvent  de  fe  tenir  renfermés  dans 
1  enceinte  de  leurs  Bourgades ,  à  caufe  des  Partis  Iroquois  ,  qui 
couraient  la  Campagne  ,  ne  pouvoient  ni  travailler  en  sûreté 

a  leurs  champs ,  ni  fe  promettre  de  recueillir  le  peu ,  qu’ils 
avoient  feme.  ^ 

Une  fi  grande  mifere  ,  à  laquelle  on  ne  voyoit  point  de  re- 
mecle  ,  ne  fut  pourtant  pas  capable  de  diminuer  la  confiance 
de  ces  fervens  Profelytes  en  la  divine  Providence.  De  mau¬ 
vais  elprits  mirent  inutilement  tout  en  œuvre  pour  les  éloigner 


i  644. 


i  6  4  4* 


UTSTOIRE  generale 

Vr  •  i  Dieu  oui  les  abandonnent ,  difoient-ils  ,  &  laif- 

du  fer  vice  d  un  Dieu ,  q  «  ,  rens .  &  non-feulement  leur 

foit  triompher  leurs  Ennemi  &  les  “^^tfouvent  ceux- 
foy  fut  à  l’épreuve  d  une  ten  at.o,  ^  k  fein  de  PEglife  ; 
memes,  qui  lont  nés  oc  qui  .  nombre  augmentoit 

mais  elle  ne  ralentit  pas  leur  zele  extrémités 

tous  les  jours.  Il  venoit  a  y  rentrer  dans  le  bercail 

du  Nord  ,  &  il  n’étoit  point  diffiper, 

ceux  ,  qui  avaient  fait  de  p  f'tlr:A,.inifme  dans  la  Nouvelle 
Calomni»  Telle  la  toaüon  eu  ^  •  furprirent  étran- 


fufeitées  en 
Trance  aux  Je 
fuites  du  Ca 


n^da. 


leur  juftifi- 
Ration. 


Telle  étoit  la  fituauon  du  n  J  Wirent  étran- 

France  ,  lorfquonyreçut  de^  ^ ^honneur dans  cette  Co- 

gement  tout  ce  qu  y  maeiner  que  des  Miffionnaires , 

Ionie.  Qui  aurait  pu  en  effet  s  mtagmer  que  ^  d,fintéreffe. 

dont  on  y  admirait ^dlns’Ta  néceffité  de  faire  des  Apologies 
ment ,  fe  trouvailent  dar  •  i  au  Public  que  ce  ne- 

pour  juftifier  leur  conduite  ,  &  P™  '“^'“Jde  la  Bar- 

toit  pas  le  commerce  lJdan^que  nous  avons  vus  ?  Voilà 

test#  “  >*ÿ£  snaJsrte  tas 

$Z*£î5tJ£!S  •  **  y  “io4’ 

terent  foi.  ,  A  «■  -r  ne  fut  euere  moins  étonnée 

La  Compagnie  des  cent  Affoc  «  nerat  g  France , 

de  ces  clameurs,  que  les  H  .  ff é  Comme  elle  étoit  la 
qui  en  voyoient  de  leurs  yeux  la  laui  ete  aux  Jefui. 

plus  intéreffée  à  empêcher  le  trafic  ,  qu  P  le  m0yen 

tes,  &  la  plus  à  portée  defçavptr  cequi  en  eto  p  ^  y 
des  Commis  ,  qu’elle  entretenoxt  an  qe  je  fit 

ÿififiasrsàS? ^ sa  *  *»*■»  »• 

Direâeurs  *  Àffoeiés 

»  velle  France  ,  dite  de  Canada i , ,  y  le  brÇultqque  l  Compagnie 
»  fonnes  fe  perfuadent ,  6c  tout  c oui  n  retour  &  com- 

„  des  Peres  Jefuites  a  part  aux  Embarquemens , 

»  &  fupprimer  1  eftime  &  le  pr  p  n  i  fatigues  incroia- 

»  treprennent  audit  Pays ,  avec  Dieu , 

»  blés,  au  péril  de  leur  vie,  pour  efemee  ^a|nft]anifffle?  & 

»  dans  la  converfion  des  Sauvag  Romaine  en  quoi  ils 

»  Religion  Catholique  ,  Apoftohque  &  ,  dont  ladite 

?  it  s,  f„„,  Avne  les  iours  de  grands  progrès ,  aux _ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VI.  257 _ _ 

Compagnie  eft  particulièrement  informée,  ont  cm  être  obli-  “  1644. 
gés  par  le  devoir  de  la  charité  Chrétienne  de  défabufer  ceux  ,  " 
qui  auraient  cette  créance  ,  par  la  Déclaration  &  Certificat ,  H 
qu’ils  font  par  ces  Prefentes  ,  que  lefdits  PP.  Jefuites  ne  font  * 
affociés  en  ladite  Compagnie  de  la  Nouvelle  France  ,  ni  dire-  “ 
âement ,  ni  indiredement ,  &  n’ont  aucune  part  au  trafic  des  u 
marchandifes  ,  qui  s’y  fait  :  en  foi  dequoi  la  préfente  Déclara-  u 
tion  a  été  lignée  défaits  Dire&eurs  &  Affociés  ,  &  fcellée  du  <v 
fceau  de  ladite  Compagnie  ,  le  premier  jour  de  Décembre  u 
1643.  de  la  Ferte’  ,  Abbé  de  la  Magdeleine  ;  Margonet  ,  * 
Berruyer  ,  Robineau j  Sabouet ,  Berruyer  ,  Ver-  « 
dier  ,  Fleuriau  ,  Caset  ,  Bourguet  ,  &  Clarentin.  * 

Scellée  d’un  cachet  ;  collationnée  à  l’Original  par  un  Confeiller,  u 
Secrétaire  du  Roy ,  Maifon  &  Couronne  de  France.  Jolly.  u 

Cet  Ecrit  eut  ion  effet  parmi  ceux  ,  qui  n’avoient  befoin  que 
d’être  détrompés ,  &  ce  ne  fut  pas  fans  quelque  forte  d’indigna¬ 
tion  de  leur  part  ,  qu’on  vit  quelque  tems  après  les  Jefuites  du 
Canada  ,  fi  révérés  dans  l’Ancienne  &  la  Nouvelle  France,  faire 
dans  les  Lettres  Provinciales  le  perfonnage  de  Commerçans  ; 
mais  leur  juftification  furent  les  nouvelles  confecutives  , 
qu’on  reçut  les  années  fuivantes ,  &  qui  apprirent  que ,  tandis 
qu’on  les  dénigrait  ainfi  dans  leur  Patrie  ,  tous  fans  exception 
s’expofoient  avec  un  courage  digne  de  leur  vocation  aux  bû¬ 
chers  &  à  toutes  les  horreurs  de  la  captivité  ;  que  plufieurs 
avoient  déjà  péri  par  le  fer  &  par  le  feu  des  Iroquois  ;  que  d’au¬ 
tres  languiffoient  dans  les  fers  ,  &  que  les  places  de  ceux  ,  qui 
avoient  été  les  viêlimes  de  leur  zélé  ,  étoient  aufîitôt  remplies 
par  leurs  Freres  ,  qu’un  pareil  fort  avoit  rendu  jaloux  de  leurs 
fouffrances.  En  voici  la  première  preuve. 

Il  y  avoit  trois  années  entières ,  que  les  Millionnaires  des 
Hurons  n’avoient  reçu  aucun  fecours  de  Quebec  ,  de  forte  que 
leurs  habits  tomboient  en  pièces ,  que  le  vin  ayant  manqué 
pour  les  Meffes  ,  ils  étoient  contraints  d’aller  chercher  dans  les 
Bois  des  raifins  Sauvages ,  pour  y  fuppléer  ,  &  que  faute  de 
pain  ils  étoient  fur  le  point  de  ne  pouvoir  plus  célébrer.  On 
n’ignoroit  point  cette  extrémité  dans  la  Capitale  ,  mais  il  n’é- 
toit  pas  facile  d’y  apporter  remède.  Enfin  quelques  Hurons 
s’étant  expofés  pendant  l’hyver  à  faire  fur  les  glaces  le  voyage 
de  Quebec  ,  on  les  chargea  à  leur  départ  de  Quebec  de  toutes 
les  chofes  ,  dont  leurs  Miffionnaires  avoient  befoin.  On  fou- 
haitoit  fort  que  quelque  Jefuite  les  accompagnât ,  d’autant  plus 
Tome  /.  R  k 


-  qu’outre  le  P.  Jogues ,  qui  n’étoit  point  encore  revenu  de 

i  6  4  4-  ïLnce  le  P.  Davoft  étoit  hors  de  combat ,  &  mourut  peu 
de  teins’ après;  mais  le  Supérieur  Général  n’ofo.t  propofer  à 
perfonne  une  commiffion  ,  dont  il  connoiffoit  tout  le  danger. 

Le  P.  François  Jofeph  Bressani  ,  Jefuite  Romain  ,  a  qur 
l’on  avoir  prédit  en  France  tout  ce  qui  lui  eft  arrive  en  Amé¬ 
rique  &  dont  cette  prédiftion  n’avoit  tait  qu  accroître  le  cou¬ 
rage ,  n’eut  pas  plutôt  appris  l’embarras  ou  eto.t  ton  Supé¬ 
rieur,  qu’il  s’offrit  à  conduire  le  Convoi  &  fon  offre  fut  accep¬ 
tée.  Il  s’embarqua  vers  la  fin  d’ Avril  1 644.  avec  un  jeune  Fran¬ 
çois  &  fix  Hurons  ,  parmi  lefquels  il  y  en  avoir  deux  ,  qui  s  e- 
toient  récemment  fauvés  des  mains  deslroquois.  Leur  voyage 
fut  affez  heureux  jufqu’aux  Trois  Rivières  ;  mais  un  accident 
qui  les  arrêta  tout  un  jour  à  1  entree  du  Lac  de  S.  Pierre ,  lesli 
vra  à  leurs  Ennemis.  Le  Canot ,  où  éto.t  le  Millionnaire ,  fit 
naufrage  :  la  nuit  fuivante  il  tomba  beaucoup  de  neige ,  ce  qui 
retarda  encore  les  Voyageurs,  dont  quelques-uns  ayant  im¬ 
prudemment  tiré  fur  des  Outardes ,  les  firent  découvrir  par  un. 
Parti  d’Iroquois. ,  qui  n’étoit  pas.  loin  ,  &  qui  leur  dreffa  une. 

emLetourfuivant  le  P.  Breffani  doublant  une  pointe ,  fe  trou¬ 
va  tout-à-coup  entre  trois  Canots  ennemis  ;  la  partie  etoit  trop* 
inégale  ,  &  il  n’y  eut  point  de  combat.  Les  deux  autres  Ca¬ 
nots  Hurons  ,  qui  fuivoient ,  voyant  le  Millionnaire  pris,  fi¬ 
rent  force  d’avirons  pour  fe  fauver ,  mais  deux  Canots  lro- 
quois ,  plus  forts  de  monde  les  attendoient  dernere  une  autre 
pointe  f  &  les  arrêtèrent.  Les  Chrétiens  quoiquils  ne  fuffent 
que  deux  dans  chaque  Canot ,  &  fort  embarraffes  de  bagages  ». 
voulurent  fe  défendre  ;  un  des  plus  braves  coucha  en  joue  un 
Iroquois  ,  mais  il  fut  prévenu  par  un  autre  ,  qui  le  jetta  roide 
mort  dans  fon  Canot.  Il  n’en  fallut  pas  davantage  pour  faire 
tomber  les  armes  des-mains  de  fon  Camarade ,  &  de  ceux  , 
qui  étoient  dans  l’autre  Canot.  Ils  furent  pris  &  lies  dans  le 

moment.  ...  .  ,  •  „  j 

Les  Iroquois  longèrent  enfuite  a  partager  le  butin  ;  car  - 

puis  qu’ils  laifoient  la  guerre  aux  François  ,  ou  plutôt  depuis 


H 


I  S  T  O  I  R  E  G  EN  E  R  A  L  E 


Le  P.  Breffa¬ 
ni  s’expofe  à 
un  grand  dan 

Scr- 


lî  eft  pris  par 
les  Iroquois.  . 


— " -  .  -  j 

rayant ,  ae  ia  gloire  de  vaincre  ,  &:  iefperance  - 
bien  autant  de  part  à  leurs  courfes ,  que  le  de  ir^  e  e  g 
de  leurs  Ennemis  ;  d’ailleurs  ils  commençoient  a  comprend» 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VL  i59 

le  b e foin  ,  qu’ils  avaient  des  Hollandais  leurs  voifins  ,  &  les  ~7 - - 

dépouilles ,  qu’ils  enlevoient  à  leurs  Ennemis ,  leur  fervoient  à  1  6  4  4' 
tirer  de  la  Nouvelle  Belgique  les  munitions  néceffaires  pour 
continuer  la  guerre.  r 

j  Le  partage  fait ,  ces  Barbares  mirent  en  pièces  le  corps  du  Ce  qu’il  eue 
rîuiOii  ,  qui  avoit  ete  tue  ,  le  nient  Bouillir  «  &r  le  mangèrent.  a  â^uffrirpen- 

j  Ils  reprirent  enfui  te  fort  joyeux  le  chemin  de  leur  Villape  ,  em-  fa  cafci~ 
menant  leurs  Prifonniers ,  qu’ils  laifferent  prefque  mourir  de  ^ 
faim  pendant  le  voyage  ,  &  qu’ils  obligèrent  néanmoins  de 
nager  fans  ceffe.  Comme  on  approchoit  du  terme,  on  rencon¬ 
tra  des  Pécheurs  ,  aufquels  on  abandonna  quelque  tenis  les 
Captifs  ;  ils  les  reçurent  avec  une  rude  baftonnade" ,  &  les  Mu¬ 
rons  en  fui  ent  quittes  pour  cela  ,  mais  le  Millionnaire  eut  en¬ 
core  la  main  gauche  fendue  entre  les  deux  derniers  doits.  Dès 
qu’il  fut  arrivé  au  premier  Village  du  Canton  d’Agnier  ,  on  lui 
Et  des  maux  horribles  ;  il  tomba  enfin  fans  mouvement  &  fans 
connoiffance  ,  &  pour  le  faire  revenir ,  on  lui  coupa  le  poulce 
de  la  main  gauche  ,  &  deux  doigts  de  la  droitte. 

Un  orage  ,  qui  furvint  alors  ,  écarta  tout  le  monde,  &  le 
Millionnaire  demeura  feul  ,  étendu  fur  une  efpéce  de  théâtre 
fans  pouvoir  fe  relever  ,  &  perdant  beaucoup  de  fang.  Le  foir 
on  le  porta  dans  une  Cabanne  ,  où  on  lui  brûla  les  ongles  & 
on  lui  difloqua  les  pieds  ,  &  où  livré  fans  ménagement  à  une 

5  îeupeffe  petulente  &  feroce  ,  il  fut  ralfafié  d’opprobres  ,  &;  trait- 
te  de  la  maniéré  la  plus  barbare.  On  le  laiffa  enfuite  ,  après  lui 
avoir  jette  de  la  fiente  dans  la  bouche.  Le  lendemain  on  re¬ 
commença  ,  &  on  enchérit  encore  fur  ce  qu’on  lui  avoit  fait 
lounrir  la  veille.  On  en  vint  à  cet  excès  d’inhumanité  ,  que  de 
donner  a  manger  aux  chiens  fur  fon  ventre  ,  afin  que  ces  ani¬ 
maux  toujours  affamés  le  déchiraffent ,  comme  ils  firent  en  plu¬ 
sieurs  endroits.  r 

Au  bout  de  quelques  jours  ,  fon  corps  n’étant  plus  qu’une 
playe  ,  ou  les  vers  fourmilloient  de  toutes  parts ,  il  devint  fi 

r. •  T16  Perl"onne.  n’en  pouvoitplus  Emporter  l’odeur.  Il 
loufiroit  des  douleurs  inexprimables  ,  furtout  à  une  cuiffe  ,  où  il 
setoit  forme  une  apoftume  ,  de  forte  qu’il  ne  pouvoit  goûter  * 
un  moment  de  fommeil.  La  Providence  lui  fit  trouver  un  re- 
mede  a  ce  mal  dans  la  cruauté  de  fes  Bourreaux  :  un  de  ces  Bar¬ 
bares  voulant  lui  faire  une  nouvelle  playe  ,  lui  donna  un  coup 
de  couteau  dans  l’apoflume  ,  &  la  fit  crever.  Il  ne  refioit  plus 
que  le  dernier  aàe  de  cette  tragédie  ,  &  tout  paroiffoit  s’y  dif- 


i  64  5- 


Il  eft  <îéli- 
vré  ,  &  palTe 
en  France. 


-  HISTOIRE  GENERALE 

Cette  feule  penfée  caufoit  au  Prifonnier  un  faififfement , 
Sm  alioit  quelquefois  jufqu  a  lui  ôter  le  fentiment  de  fes  maux. 
q  Honteux  de  fe  trouver  encore  fi  foible  ,  il  eut  recours  a  la 
Prkre  &  conjura  le  Seigneur  d’être  fa  force  Se  fon  fout, en  , 
furtout  de  lie  pas  permettre  qu’il  deshonnorat  par  une  lachete 
fa  Rel Lion  &l’augufte  Miniftere  ,  qu’il  étoit  venu  exercer  de 

filofn  il  aperçut  ëdans  ce  moment  des  Vieillards  ,  qu.  foncent 

i  Confeif  où  l’on  avoit  délibéré  de  fon  fort ,  &  bientôt  apres 

t  yintlui  annoncer  que  la  réfolution  étoit  pnfe.de  ne :  le t  pas 

faire  mourir.  Il  ne  s’attendoit  a  rien  moins ,  qu  a  cette  nou- 
taire  mourir,  n  f  1U1  ,  Vu  letat 


vèlle  m&  tout  le  monde  en  fut  auffi  furpris  que  lui ,  vû  l’état 
oi.  on  l'avoit  n.dnio  C«-™  ,  V] 


S 


afFrpiiY  où  on  i  avoit  reuun.  ?  i  •  r  • 

fié  au  Confeil ,  ne  pouvoient  comprendre  ce  qui  leur  avoit  fait 

Pr  Le  faint  ëomme  en  rendit  grâces  à  celui  ,  qui  tourne  les 
cœurs ,  comme  il  lui  plaît ,  &  s’humilia  en  fa  prelence  ,  fe  «>n- 
feffant  indigne  de  la  grâce  du  Martyre.  Il  fut  donne  a  une  Ma¬ 
trone  quiSle  traitta  fort  humainement  ;  mais  la  puanteur  ,  que 
fon  corps  exhaloit  ,  le  rendant  mfupportable  a  toute  la  Ca¬ 
bale  P&  n’y  ayant  nulle  apparence  ,  que  mutile  comme  il 
banne  ,  oc  y  y  £tat  de  rendre  aucun  fervice ,  fa 

MaitrefleLe  fit  conduire  à  la  plus  prochaine  Habitation  des  Hol- 
landofs  nour  le  vendre  ,  fi  e^le  trouver  quelqu’un  ,  qui  voulut 
l’acheter  II  y  fut  très-bien  reçu  ,  on  fatisfit  les  Sauvages ,  on  e 
fif  nanfer  avefo  foin  ,  &  dès  qu’il  fut  en  état  de  fouffnr  le  voia- 
ge  ^Lnle  mftforùn  V  ailfeau  ,  qui.  le  débarqua  vers  la  fin  de 

,ft  ,  ^pZteviu  aRu0xÎoqLois  ,  quelque  déterminés  ,  que  paruf- 

ùoT:tuct  jLLs  Barbares  à  pofofer  la  guerre  à  toute  outrance  con^ 
Ionie.  „ous  auffi.bien  que  contre  nos  Allies ,  ils  ne  laiffoient  pou 

mt  nas  de  montrer  de  tems  en  tems  quelque  inclination  a  ja 
paixPLe  Chevalier  de  Montmagny  la  defiroit  avec  ardeur’ 
n^rce  nu’il  ne  fe  voyoit  pas  en  état  de  foutemr  la  guene  ,  &  p 
ce  quen  lafaifant  même  avec  avantage  ,  il  n y  -trou Y01? 
magner  S’il  lui  avoit  été  du  moins  poffible  de  cacher  fa  foib 
fut  Ennemis  ,  il  auroit  pu  profiter  de 

ionaure,  pour  faire  un  accommodement ,  qui  lauvat  l  ùo 
neur  de  la  Nation  ;  mais  cette  r-elfource  lui  manquoit  5  & 
lroquols  en  vinrent  enfin  fe  vnn.e,  h»..».»,  ,«* 

obligeraient  bientôt  les  h  rançois  a  repaffer  la  Mer-  ,  , 

Amfi  ,  tout  convaincu ,  qu’étoit  le  Gouverneur  que  le  moien 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VL  261 

de  défarmer  ces  Barbares  n’étoit  pas  de  les  rechercher  ,  il  ne  fe 
trouva  jamais  en  fituation  de  le  prendre  avec  eux  fur  le  ton  , 
qui  feul  auroit  pu  les  contenir  dans  une  exa£Ie  neutralité  à  no¬ 
tre  égard.  Réduit  donc  à  faire  des  démarches  peu  féantes  à  fon 
cara&ere  ,  il  cherchoit ,  ne  pouvant  mieux  faire  ,  à  les  couvrir 
de  quelque  prétexte  honnête  ,  &  au  hazard  d’être  la  dupe  des 
avances  feintes  d’un  Ennemi  également  rufé  &  féroce,  il  faifoit 
femblant  de  les  croire  finceres  *  dans  la  vûë  d’en  tirer  parti , 
foit  pour  procurer  la  liberté  à  quelque  Captif,  foit  pour  faire 
p aller  plus  librement  quelque  Convoi ,  &  jie  pas  voir  ruiner 
abfolument  le  commerce  ;  foit  enfin  pour  gagner  quelques 
mois  de  trêve  ,  qui  lui  donnât  le  moyen  de  refpirer  un  peu. 

Quelque  tems  après  laprife  du  P.  Brelfani ,  M.  de  Champ- 
flour  ,  Gouverneur  des  Trois  Rivières ,  lui  manda  que  des  Hu- 
rons  venoient  d’arriver  dans  fon  Polie  avec  trois  Prifonniers 
Iroquois ,  qu’ils  en  avoient  cédé  un  aux  Algonquins  ,  &  qu’il 
avoit  obtenu  de  ceux-ci ,  quoiqu’avec  bien  de  la  peine  ,  qu’ils 
ne  feroient  point  mourir  leur  Captif,  avant  que  d’avoir  reçu 
de  fes  nouvelles.  Sur  cet  avis  le  Général  monta  aux  Trois  Ri¬ 
vières  ,  alfembla  les  Principaux  des  deux  Nations  ,  &  leur  dit 
que  s’ils  vouloient  lui  1  aider  la  difpofition  de  leurs  Prifonniers , 
il  efperoit  de  s’en  fervir  pour  établir  une  paix  durable  entre 
eux  &  les  Iroquois. 

Il  leur  fit  voir  enfuite  les  marchand] fes ,  dont  il  comptoir 
bien  de  payer  la  complaisance  ,  qu’ils  auroient  pour  lui  ;  &  il 
ajoûta  que  pour  ne  pas  s’expofer  à  être  trompé  par  leurs  En¬ 
nemis  communs  ,  il  ne  renverrait  d’abord  qu’un  de  ces  Captifs , 
Sz  qu’il  ferait  avertir  en  même  tems  les  Cantons  ,  que  s’ils  vou¬ 
loient  fauver  la  vie  aux  deux  autres ,  il  fallait  qu’ils  lui  envoi  af- 
fent  au  plûtôt  des  Députés ,  chargés  de  pleins  pouvoirs  pour 
traitter  d’un  accommodement ,  qui  rétablît  la  tranquillité  dans 
le  Pays.  Dès  qu’il  eut  ceffé  de  parler,  un  Capitaine  Algon¬ 
quin  fe  leva  ,  &  prenant  par  la  main  le  Prifonnier  ,  qui  avoir 
été  donné  à  fa  Nation  ,  le  lui  prefenta ,  en  difant  qu’il  ne  pou¬ 
voir  rien  refufer  à  fon  Pere  :  que  s’il  acceptoit  fes  préfens  ,  c’é- 
toit  uniquement  pour  avoir  de  quoi  effuyer  les  larmes  d’une  Fa¬ 
mille  ,  où  ce  Captif  devoir  remplacer  un  mort  :  qu’au  refie  il 
feroit  charmé  qu’on  pût  faire,  la  paix  ,  mais  que  la  chofe  lui 
paroiffoit  bien  difficile. 

Le  Gouverneur  fe  tourna  enfuite  vers  les  Hurons  ,  pour 
avoir  auffi  leur  réponfe  ;  mais  un  d’eux  prenant  la  parole,  lui  dit 


1644. 


Le  Gouver¬ 
neur  Général 
tâche  de  faire 
la  paix  avec 
les  Iroquois. 


Ce  qui  Ce 
p.afle  entre  lui 


i  6  4  4* 

5c  les  Hurons 
à  ce  fujet. 


z6i  HISTOIRE  GENERALE 

fièrement  qu’il  étoit  Guerrier ,  &  non  point  Marchand  ,  qu’il 
n  etoit  point  forti  de  fa  Bourgade  pour  trafiquer  ;  mais  pour 
faire  la  guerre  ;  que  fes  étofes  &  fes  chaudières  ne  le  tentoient 
point;  que  s’il  avoit  tant  d’envie  de  fes  Pnfonniers  ,il  pou- 
voit  les  prendre  ,  qu’il  fçauroit  bien  en  aller  faire  d  autres , 
ou  périr  à  la  peine  ;  que  fi  ce  malheur  lui  arrivoit ,  il  auroit 
du  moins  la  confolation  de  mourir  en  Homme  ;  mais  que  fa 
Nation  diroit  qu’Ononthio  auroit  été  caufe  de  fa  mort.  Cette 
réponfe  embarraffa  le  Gouverneur  Général ,  mais  un  autre  Hu- 
ron  ,  qui  étoit  Chrétien  le  tira  bientôt  d’inquiétude. 

v>  Ononthio  ,  lui  dit-il ,  que  le  difcours  de  mon  Frere  ne 
findifpofe  pas  contre  nous  :  fi  nous  ne  pouvons  nous  réfou¬ 
dre  à  te  remettre  nos  Prifonniers ,  c’eft  par  des  railons  ,  que 
tu  ne  défaprouveras  point.  Nous  nous  perdrions  d’honneur , 
fi  nous  le  faifions  ;  tu  ne  vois  parmi  nous  aucun  Ancien  ;  de 
jeunes  gens ,  tels  que  nous  fournies  ,  ne  font  pas  maîtres  de 
leurs  avions  ,  &  des  Guerriers  feroient  déshonnorés  ,  fi  ,  au 
lieu  de  retourner  chez  eux  avec  des  Captifs ,  ils  y  paroilfoient 
avec  des  marchandées.  Toi-même,  mon  Pere  ,  que  dirois-tu 
à  tes  Soldats ,  fi  tu  les  voyois  revenir  de  la  guerre  en  équi¬ 
page  de  Marchands  ?  Le  feul  defir  ,  que  tu  fais  paroître  d’a¬ 
voir  nos  Efclaves  ,  pourroit  leur  tenir  lieu  de  rançon  ;  mais 
ce  n’eftpasà  nous  ,  qu’il  appartient  d’en  difpofer.  Nos  Freres 
les  Algonquins  ont  pu  faire  ce  que  tu  fouhaitois  d’eux  ,  parce 
que  ce  font  des  Anciens,  qui  n’ont  à  répondre  à  perfonne  de 
leur  conduite  ;  n’étant  pas  retenus  par  les  mêmes  motifs  que 
nous  ,  ils  n’auroient  pu  honnêtement  te  refufer  une  chofe  de  fi 
peu  de  conféquence.  Nos  Anciens  ,  quand  ils  fçauront  tes  in¬ 
tentions  ,  en  uferont  fans  doute  de  même.  Nous  délirons  tous 
la  paix  ,  nous  entrons  dans  tes  vûës  ,  nous  les  avons  même  pré¬ 
venues  ,  car  nous  n  avons  fait  aucun  mal  a  nos  Pi ifonmei  s , 
nous  les  avons  traitté  comme  devant  être  bientôt  nos  amis  ; 
mais  il  ne  nous  convient  point  de  prévenir  le  confentement  de 
nos  Vieillards  ,  ni  de  les  priver  d’une  fi  belle  occafion  de  mon¬ 
trer  à  notre  Pere  combien  ils  refpe&ent  fes  volontés  . 

»  Une  autre  raifon  nous  retient  encore  ,  &  je  m’affûre 
qu’elle  ne  te  paroîtra  pas  moins  légitimé  que. la  première.  Nous 
fç avons  que  le  Fleuve  eft*  couvert  de  nos  Ennemis  ;  fi  nous  en 
rencontrons  ,  qui  foient  plus  forts  que  nous  ,  de  quoi  nous  fer- 
viront  tes  préfens ,  qu’à  nous  embarralfer  ,  &  a  les  animer  da- 
vantage  au  combat ,  pour  profiter  de  nos  dépouillés  ?  Mais  s  ils 


» 

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» 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VI.  263 
voyent  parmi  nous  de  leurs  Freres  ,  qui  leur  témoignent  que 
nous  voulons  la  paix ,  qu’Ononthio  veut  être  le  Pere  de  toutes 
les  Nations  ,  qu’il  ne  peut  plus  fouffrir  que  fes  Enfans  ,  qu’il 
porte  tous  également  dans  fon  fein  ,  continuent  à  s’entre-dé¬ 
chirer  ,  les  armes  leur  tomberont  des  mains ,  nos  Prifonniers 
nous  fauverontla  vie  ,  &  ils  travailleront  bien  plus  efficace¬ 
ment  à  la  paix  ,  que  fl  on  fe  preffoit  trop  de  leur  rendre  la  li¬ 
berté.  » 

M.  de  Montmagny  n’eut  rien  à  répliquer  à  un  difcoursfi 
mefuré  &  fi  judicieux  :  il  trouvoit  même  un  grand  avantage  à 
laiffer  faire  les  premières  avances  pour  la  paix  aux  Hurons , 
&  il  n’omit  rien  pour  les  y  engager.  Il  répondit  donc  à  celui , 
qui  venoit  de  lui  parler  avec  tant  de  fageffe  qu’il  approuvoit 
fort  fes  raifons ,  &  qu’après  tout  la  paix  étoit  beaucoup  plus 
leur  affaire  9  que  la  ùenne.  Cependant  avant  fçu  que  le  P.  de 
Brebeuf  vouloit  profiter  de  cette  occanon  pour  retourner  à 
fon  Eglife  ,  dont  les  befoins  preffans  Favoient  obligé  de  defcen- 
dre  à  Quebec  ,  &  où  il  menoit  deux  nouveaux  Ouvriers  ,  il 
jugea  à  propos  ,  pour  ne  les  point  laiffer  expofés  aux  malheurs 
arrivés  aux  PP.  Jogues  &  Breffani,  &  il  leur  donna  une  Efcorte 
capable  de  les  garantir  de  toute  infulte- 

Ils  firent  en  effet  le  voyage  fans  aucun  accident ,  &  à  leur 
arrivée  aux  Hurons  ,  il  fut  refolu  dans  un  Confeil  Général  de 
renvoyer  les  deux  Prifonniers  Iroquois  au  Chevalier  de  Mont¬ 
magny.  Ce  Gouverneur  avoit  déjà  donné  la  liberté  à  celui , 
que  les  Algonquins  lui  avoient  remis ,  &  les  Cantons  ,  pour 
montrer  combien  ils  étoient  difpofés  à  la  paix  ,  lui  avoient  ren¬ 
voyé  Couture  ,  ce  jeune  François ,  qui  s’étoit  laiffé  prendre 
avec  le  P.  Jogues.  Il  avoit  été  accompagné  par  le  même  Pri- 
fonnier  Iroquois ,  dont  je  viens  de  parler  ,  &  par  des  Députés 
des  Cantons  ,  munis  de  pleins  pouvoirs  ,  tels  ,  que  le  Gouver¬ 
neur  Général  les  avoit  demandés. 

Sitôt  qu’on  eut  appris  i’arrivée  des  uns  &  des  autres  aux  Trois 
Rivières  ,  M.  de  Montmagny  s’y  rendit  avec  le  P.  Vimond , 
&  après  les  avoir  bien  rega  lés  , il  leur  marqua  le  jour  ,  auquel  il 
leur  donnerait  Audience.  Ce  jour  venu  ,  le  Général  parut  dans 
la  Place  du  Fort  des  Trois  Rivières  ,  qu’il  avoit  fait  couvrir  de 
voiles  de  Barques  ,  il  étoit  affis  dans  un  Fauteuil ,  ayant  à  fes 
côtés  M.  de  Champflour  &  le  P.  Vimond  ,  &  fur  les  ailes  plu- 
fieurs  Officiers  ,  &  les  principaux  Habitans  de  la  Colonie.  Les 
Députés  Iroquois  ,  au  nombre  de  cinq,  étoient  à  fes  pieds,  affis 


“  1644. 
« 


Les  Hâtons 
s’engagent  à 
traiter  de  la 
paix. 


Les  Iroquois 
femblent  s’y 
prêter  de  bon¬ 
ne  grâce. 

1645. 


Audîencepu- 
blique  ,  qu’on 
leur  donne ,  &: 
ce  qui  s?y  paf- 
fe. 


,  HISTOIRE  GENERALE 
fur  une  natte  ;  ils  avoient  choifi  cette  place,  pour  marquer  plus 
de  refpea  à  Ononthio ,  qu’ils  n  appelèrent  jamais  autrement 

^  Les  Algonquins  ,  les  Montagnez ,  les  Attikamegues ,  &  qnd- 
ques  autres  Sauvages  de  la  même  langue  etoient  vis-a-vis ; ,  & 
les  Hurons  demeurèrent  mêlés  avec  les  François.  Tout  le  mi¬ 
lieu  de  la  Place  étoit  vuide ,  afin  qu’on  put  faire  les  évolution 

fans  embarras  ;  car  ces  fortes  d’aûions  font  des  e^Pec®s^  “  * 

médies  oùl’on  dit ,  &  l’on  exprime  par  des  geftes  &  des  ma¬ 
niérés  aifez  bouffonnes  des  chofes  très-fenfées.  Dans  les  Nations 
Occidentales  l’ufage  efl  de  planter  au  milieu  un  grand  Calu¬ 
met  ,  ce  qui  s’ell auffi.  quelquefois  pratique  parmi  les  autres; 
car  depuis  qu’à  notre  occafion  tous  ces  Peup  es  ont  eu  plus  d  af¬ 
faires  a  démêler  entr’eux  ,  ils  ont  emprunte  les  uns  des  autres 
plufieurs  ufages ,  &  furtout  celui  du.Ca lumet ,  dont  ils  fe  fer¬ 
vent  aujourd’hui  communément  dans  leurs  Traîtres. 

Leslroquois  avoient  apporté  dix-fept  Coliers  ,  qui  et 
autant  de  paroles  ,  c’eft-à-dire ,  de  profitions  ,  qu  ils  avoient 
à  faire  ;  &  pour  les  expofer  à  la  vûe  de  tout  le  monde ,  a  mefu- 
re  qu’ils  les  expliqueraient ,  ils  avoient  fait  planter  deux  pic- 
quets ,  &  tendre  une  corde  de  traverfe ,  fur  laquelle  ils  devoient 
ils  fufpendre.  Chacun  étant  place  fuivant  1  ordre ,  que  )  ai  dit , 
l’Orateur  des  Cantons  fe  leva,  prit  un  Collier ,  &  le  prefen 
tan? au  Gouverneur  Général ,  il  lui  dit:  «  Ononthio ,  prête  lo- 
„  reille  à  nia  voix ,  tous  les  Iroquois  parlent  par  ma  bouche  •  mo 
„  cœur  n’a  point  de  mauvais  fentimens  ,  toutes  mes  intenuo 
,,  font  droites.  Nous  voulons  oublier  toutes  nos  chanfons  de 
«  guerre ,  &  leur  fubftituer  des  chants  d  a  legreffe  Atiffitot  il  fe 
Lit  à  chanter ,  fes  Collègues  marquant  la  mefure  avec! leur  he , 
qu’ils  tiraient  en  cadence  du  fond  de  leur  poitrine , 
chantant  il  fe  promenoir  à  grands  pas ,  &  gefticuloit  d  une  ma- 

111  ifregard^fou vent  le  Soleil ,  il  fe  frottoit  les  bras ,  comme 
pour  fe  préparer  à  la  lutte  ;  enfin  il  reprit  un  air  plus  cpmpole , 
&  continua  ainfifon  difcours.  „Lc  Collier  ,  que  je  teprefente, 
mon  Pere  ,  te  remercie  d’avoir  donne  la  vie  a  mon  Frere  , 
retiré  de  la  dent  de  l’Algonquin  ;  mais  comment  as-tu  |U 
le  laiffer  partir  feul  ?  Si  fon  Canot  eut  tourne  ,  qui  eut  a.de  a 
le  relever  ?  S’il  fe  fût  noyé  ,  ou  qu  il  eut  péri  par  quelque  au tr 
’  accident ,  tu  n’aurois  aucune  nouvelle  de  la  paix  , &peuf 
„  euffes-tu  rejette  fur  nous  une  faute ,  que  tu  n  aurais  P 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Civ.  VI.  265 

ter  qu’à  toi  ».  En  achevant  ces  mots  ,  ilfufpendit  fon  Collier  fur  « 
la  corde  ,'  en  prit  un  autre ,  &  après  l’avoir  attaché  au  bras 
de  Couture  ,  il  fe  tourna  de  nouveau  vers  le  Gouverneur  ,  & 
lui  dit  : 

*  Mon  Pere ,  ce  Collier  te  ramene  ton  Sujet  ;  mais  je  me  “ 
fuis  bien  gardé  de  lui  dire  ;  mon  Neveu  ,-prens  un  Canot ,  &  “ 
retourne  dans  ton  Pays.  Je  n’aurois  jamais  ‘été  tranquille  juf-  “ 
qu’à  ce  que  j’eulfe  appris  des  nouvelles  certaines  de  fon  arri-  <v 
vée.  Mon  Frere ,  que  tu  nous  as  renvoyé  ,  a  beaucoup  fouf-  “ 
fert ,  &  couru  bien  des  rifques  ;  il  lui  falloit  porter  feul  fon  pac- 
quet ,  nager  toute  la  journée  ,  traîner  fon  Canot  dans  les  R  a-  « 
pides ,  être  toujours  en  garde  contre  les  furprifes  ».  L’Orateur 
accompagnoit  ce  difcours  de  gefies  très-expreffifs  :  on  s’imagi- 
noit  voir  un  Homme  ,  tantôt  conduire  fon  Canot  avec  la  per^ 
che  ,  ce  qu’on  appelle  picquer  de  fond ,  tantôt  parer  une  vague 
avec  fon  aviron  ;  quelquefois  il  paroilïbit  hors  d’haleine  ,*puis 
il  reprenoit  courage  ,  &  demeuroit  quelque  tems  allez  tran¬ 
quille. 

Il  faifoit  enfuite  femblant  de  heurter  du  peid  contre  une  pierre, 
en  portant  fon  bagage  ,  puis  il  marchoit  en  clopinant,  comme 
s’il  le  fût  blellé  :  “  Encore  ?  s’écria-t-il  après  tout  ce  manège,  fi  {< 
on  l’eût  aidé  à  p aller  les  endroits  les  plus  difficiles.  En  vérité  ,  K< 
mon  Pere  ,  je  ne  fçai ,  où  étoitton  efprit ,  de  renvoyer  ainfi  un  <v 
de  tes  Enfans ,  tout  feul  &  fans  fecours.  Je  n’ai  pas  fait  de  même  “ 
à  l’égard  de  Couture  ,  je  lui  ai  dit  :  Allons ,  mon  Neveu  ,  fuis-  * 
moi ,  je  veux  te  rendre  à  ta  Famille  au  péril  de  ma  vie  ».  Les 
autres  Colliers  avoient  raport  à  la  paix ,  dont  la  conclufion 
etoit  le  fujet  d'e  cette  Ambalfade  ,  chacun  avoit  fa  lignifica¬ 
tion  particulière  &  l’Orateur  les  expliqua  d’une  maniéré  auffi 
graphique  ,  qu’il  avoit  fait  les  deux  premiers. 

Lun  applanilfoit  les  chemins  ,  l’autre  rendoit  la  Riviere  cal¬ 
me  ,  un  autre  enterroit  les  haches  ;  il  y  en  avoit  pour  faire  en¬ 
tendre  qu  on  fe  vifiteroit  déformais  fans  crainte  &  fans  défian¬ 
ce  ;  les  teftins ,  qu’on  fe  feroit  mutuellement  ;  l’alliance  entre 
toutes  les  Nations  ;  Je  deffein  ,  qu’on  avoit  toujours  eu  de  ra¬ 
mener  les  PP.  Jogues  &  Brelfani  ;  l’impatience,  où  l’on  étoit 
de  les  revoit;  l’accueil,  qu’on  fe  préparoit  à  leur  faire  ;  les  re- 
mercimens  pour  la  délivrance  des  trois  derniers  Captifs  Iro- 
quois  :  chacun  de  ces  articles  étoit  exprimé  par  un  Collier, 

&  quand  l’Orateur  n’eût  point  parlé  ,  fon  aHion  auroit  rendu 
fenfibie  tout  ce  qu’il  vouloit  dire.  Ce  qui  furprit  davantage , 
Tome  L  El 


i  6  4  5  • 


Réponfe  du 
Gouverneur 

Générai. 


» 

» 


x(S6  HISTOIRE  generale 

c’eft  qu’il  joua  fon  perfonnage  pendant  trois  heures  ,  fans  en 
naroître  plus  échauffé  :  il  fut  encore  le  premier  a  donner  le 
Lanlle  pour  une  efpéce  de  fête  ,  qui  termina  la  feance  ,  &  qut 

fe  oaffa  en  chants  ,  en  danfes ,  &  en  teitms.  , 

~  Leux  jours  après  le  Chevalier  de  Montmagny  répondit  aux. 
profitions  des  Iroquois  ;  car  jamais  on  ne  fart  reponfe  e  me¬ 
me  lour.  L’Affemblée  futaufli  nombreufe  cette  fécondé  fois,  que 
la  première  ,  &  le  Gouverneur  Général  fit  autant  de  prefens , 
quLavo.t  reçu  de  Colliers.  Ce  fut  Couture ,  qui  porta  k^a- 
role  ,  &  il  parla  en  Iroquois  ;  mais  fans  gefticuler  &  ^ 
interrompre  fon  difcours  ;  au  contraire  il  afiefla  t  g  » 
qui  convenoit  à  celui ,  dont  il  éto.t  l’ interprète.  Quand  >1 L  eut 
2ni ,  PKSkARET  ,  Chef  Algonquin ,  fe  leva,  &  fit  P 
fent  •  «  Voilà  ,  dit-il ,  une  pierre  ,  que  je  mets  lur  la  tepul 
ture  de  ceux  ,  qui  font  morts  pendant  la  guerre  ,  afin  que  per 

„  fonnene*  avifeValler  remuer  leurs  os  ,&  qu’on  ne  fonge  point 

,,  à  les  venger  ».  Ce  Capitaine  étoit  un  des  plus  braves  Hommes , 
qufon  aitlû  en  CanaSa  ,  &  on  raconte  des  chofes  prefque  in- 

croyables  de  fa  valeur.  , c  ]inp 

Negabamat  ,  Chef  des  Montagnez ,  prefen ta  emmte  uw 
ueau  d’Elan  ,  &  dit  que  c’etoit  pour  faire  des  fouliers  aux 
pûtes  Iroquois  ,  de  peur  qu’ils  ne  fe  bleffaffent  les  pieds  en  re- 
tournant^hez  eux.PLes  autres  Nations  m gèrent point  ap- 
paremment ,  parce  qu’elles  n’avoient  ni  Chefs  ,  nl  Orat®urs‘ 
feance  finit  par  trois  coups  de  canon ,  &  le  Gouverneur  fit  di  e 

aux  Sauvages,  que  c’étoit  pour  porter  par  toutles  nouvelles  de  a 
paix.  Le  Supérieur  des  Jefuites  regala  auffi  les  Amballadeur  , 

qui  lui  dirent  les  plus  belles  chofes  du  monde  .  La  bonne  che 
rend  ces  Gens-làfort  éloquens  ,  &  il  n’eft  point  d  eloge  ,  a  uo 
on  ne  doive  s’attendre  ,  quand  on  leur  donne  un  bon  repas , 
eft  vrai  que  ces  louanges  ne  doivent  pas  fe  pren  Lettre 
la  lettre  ;  mais  elles  coûtent  peu  ,  car  il  ne  faut  pas 
beaucoup  en  frais  pour  contenter  des  Gens ,  a  qui  tout  e 

La  paix  eft  ^Le  Lendemain  les  Députés  reprirent  la  route  de  leur  Pays, 
ratifiée  par  les  Deux  François  ,  deux  Hurons,  &  deux  Algonquins  s  i 
C2at°“-  querent  avec  eux  ,  &  trois  Iroquois  demeurèrent  p  otage  dans 
l‘a  Colonie.  Le  Traité  fut  ratifié  parle  Canton d Agme. -  ,  le 
feul ,  qui  eût  encore  été  en  guerre  ouverte  contre  nous ,  les  de 
François  &  les  quatre  Sauvages  revinrent  au  tems ,  qui  « 
avoit  été  marqué ,  c’eft-à-dire  ,  a  la  mi-Septembre  ;  s  rapp 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VI.  267 
terent  que  tous  les  Iroquois  demandoient  des  Millionnaires ,  ~7~~~ 
que  les  Hurons  8c  les  Algonquins  de  Fille  avoient  aufïi  accédé.  1  6  4  ^ 
au  Traité,  8c  que  tout  paroiffoit  calme. 

Le  P.  Breffani  arriva  fur  ces  entrefaites  à  Quebec  ,  &  à  Le  p-  Bref- 
peine  avoit-il  pris  quelques  jours  pour  fe  délaffer  ,  qu’il  partit  fani  retourne 
avec  le  P.  Poncet  pour  retourner  aux  Hurons.  Il  témoigna  en  ^  Hur°nS' 
partant  que  ,  fi  on  accordoit  des  Millionnaires  aux  Iroquois ,  il 
defiroit  fort  être  du  nombre  de  ceux ,  qu’on  y  deftineroit.  Il’ fît 
même  une  quête  pour  fes  Bourreaux,  afin  de  leur  apprendre  de 
quelle  manière  la  Religion  Chrétienne  enfeigne  à  fe  venger  : 
lentiment  bien  digne  d’un  Homme  Apoftolique  ,  8c  d’un  Con- 
felfeur  de  Jesus-Christ  ;  mais  dont  ces  Barbares  n’étoient 
point  capables  de  connoître  la  noblelfe  ,  8c  dont  ils  ne  profi¬ 
tèrent  point. 

L’hyver  fuivant  on  vit  ce  qu’on  n’avoit  point  encore  vu  de¬ 
puis  l’arrivée  des  François  en  Canada  ,  les  Iroquois ,  les  Hu¬ 
rons  ,  8c  les  Algonquins  mêlés  enfemble  chaffer  aufïi  paisible¬ 
ment  ,  que  s’ils  avoient  été  d’une  même  Nation.  A  la  faveur 
de  cette  bonne  intelligence  les  Millionnaires  des  Hurons  reçu¬ 
rent  tous  les  fecours  ,  dont  ils  avoient  été  fi  lontems  privés  , 
firent  en  toute  sûreté  leurs  courfes  Apoftoliqües  ,  8c  recueilli¬ 
rent  avec  joye  ce  qu’ils  avoient  femé  en  l’arrofant  de  leurs  lar¬ 
mes  ;  mais  ces  beaux  jours  durèrent  peu ,  8c  il  femble  que  ce 
calme  ne  leur  eût  ete  accorde  ,  que  pour  leur  donner  le  tems 
de  reprendre  haleine  ,  &  de  fe  difpofer  à  de  nouveaux  com¬ 
bats. 

Au  commencement  de  cette  même  année  1 646 .  la  Nouvelle  Mort  d«  PP» 
France  perdit  deux  de  fes  premiers  Millionnaires.  Le  P.  Ene-  S^IndA  „ 
mond  Malle  mourut  a  Sylleri  dans  1  exercice  d’un  zélé,  que  rien  de  Noue, 
ne  rebuta  jamais ,  &  qui  foûtenu  d’un  grand  talent ,  fut  tou-  1646. 
jours  tres-fruRueux.  Il  n  etoit  pas  encore  dans  un  âge  fort 
avancé  ;  mais  fes  voyages  8c  fes -travaux  l’a  voient  extrêmement 
ule.  Le  P.  Anne  de  Noue  le  fuivit  de  près.  Il  étoit  parti  des 
1  rois  Kmeres  le  trentième  de  Janvier  pour  aller  confeffer  la 
j  ai  ni;?n  ^ort  de  Richelieu  ,  &  la  diipofer  à  célébrer  la  Fête 
de  la  Chandeleur,  il  s’écarta  de  deux  Soldats  8c  d’un  Huron,  qui 
accompagnoient ,  parce  qu’il  voulut  prendre  les  devants  ;  mais 
ils  s  egara  ,  &  ne  put  jamais  reconnoître  fon  chemin  ,  8c  le  jour 

meme  de  la  Fête  on  le  trouva  à  genoux,  mort  de  froid  au  milieu 
de  la  neige. 

On  porta  fon  corps  aux  Trois  Rivières ,  où  il  étoit  en  grande 

L  1  ij 


646» 


Les  Sokokis 
tâchent  de 
rompre  la 
P&LX»- 


Les  Iroquois 
ïa  ratifient  de 
nouveau.. 


/q  HISTOIRE  generale 

,  ,  ,  ■  c pç  nVjféaues  v  furent  célébrées  avec  tout 

Appareil  poffiblê  :  mais  on  lui  adreffa  beaucoup  plus  de  vœux 
S  ne  Fui  donna  de  prières  Plufieurs  meme  ont  affure  qu  d 
ne  leur  avoit  pas  été  poffible  de  prier  pour  lui.  D  autres ,  a  la 

ÎB  d“  fo»  c„%.  C.  l>«f  ‘  d'“2'SeS.“.  JÏ 

puiUontems  ;  de  forte  au  on  peut  dire  que  |s  ^s  prophet^ 

:Pmort  dans 

16  Cepeniï 

sXagesqdee  ^oifvo^ge^ 

Ee£€=’e 

àraôLbbTeud,eoù  leTanmourut  &  la  femme  guérit Aous 
les  foupçons  tombèrent  d’abord  fur  0^0^  mais  on^^ 

"Çls émmmaCef les  Algonquins  avoient mis  tout 

en  œuv?F  pour  détourner  les  Iroquois  de  faire  1 1  pa  x  vec 
eux  ,  &  n’en  ayant  pu  venir  a  bout ,  cùercnoient 

m0éeTacciJL3ree'nt  donc point  de  fuite  ;  au  con^k 

Traité  de  l’année  précédente  fut  ratifie 

putés,  qui  étoient  venus  pleurer  les  PP.  Mal  ,.  j 

&  couvrir  ces  deux  illuftres  Défunts ,  c  eft-a-d  refaire  a ux  Je 
fuiFes  des  complimens  &  des  préfens  au  fujet  de  a  -o  de  leurs 

Confrères.  Mais  comme  on  navoit  négocié  directe  q 

vec  le  Canton  d’Agnier  ,  ces  Députés  donnèrent  avis  au  Gou¬ 
verneur  Général  d!  fe  tenir  en  garde  contre  les  autres, ju  - 
qu’à  ce  qu’lis  euffent  été  compris  nommément  dans  le  Tra  , 
%  qui  feroit  déjà  fait,  ajoutèrent-, 1s ,  fi  Ononthio  avo.t  eu 
l’attention  de  les  prévenir  ,  en  rendant  la  libeite  a  q  q 
uns  des  leurs ,  que  nos  Alliés  retenoient  Captits. 

Il  y  a  bien  de  l’apparence  que  M.  de  Montmagny  ne  v  ^ 
lut  pas  qu’il  tînt  à  fi  peu  de  cliofes  pour  a  urer  iutmojres.. 
de  la  Colonie  ;  mais  je  n’en  trouve  rien  dans  mes  Me  a 


:ues> 


aux; 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VL  269 
Nous  verrons  même  bientôt  les  quatre  Cantons  foufler  de  1$4$ 
nouveau  le  feu  de  la  difcorde  ,  &.en  embrafer  tout  le  Cana-  4 
da.  Ce  qui  efb  certain  ,  c’efl  qu’on  prit  alors  les  mefures  les 
plus  fages  pour  conferver  du  moins  les  Agniers  dans  notre  al¬ 
liance  ,  &pour  gagner  ce  Canton  à  Jesus-Christ. 

Le  P.  Jogues  y  avoit  fémé  le  grain  de  la  parole  pendant  fa  LeP'.Jog 
captivité  ;  il  en  fçavoit  la  Langue  ;  il  fouhaittoit  avec  ardeur  fait  deux 
de  profiter  de  la  paix,  pour  y  prêcher  publiquement  l’Evangile  ;  J°yaêc.s  : 
&  il  obtint  fans  peine  la  permifïion  d’accompagner  les  derniers  roquoISl 
Députés  ,  lorfqu’ils  s’en  retournèrent  chez  eux  ;  mais  le  Gou¬ 
verneur  Général  exigea  de  lui  qu’après  qu’011  auroit  réufîi  à 
comprendre  tous  les  Cantons  dans  le  Traité  ,  il  re viendrait 
lui  rendre  compte  des  difpofitions  ,  où  il  auroit  trouvé  toute  la 
Nation  Iroquoife,  Je  trouve  même  dans  quelques  Mémoires 
que  les  Algonquins  jugèrent  que  dans  ce  premier  voyage  le 
Millionnaire  ne  devoit  point  paraître  avec  fon  habit ,  ni  parler 
de  Religion  ,  &  que  leur  avis  fut  fuivi. 

Quoiqu’il  en  foit  ,  le  Serviteur  de  Dieu  s’embarqua  le  fei- 
ziéme  de  May  ,  accompagné  du  Sieur  Bourdon  ,  un  des  prin¬ 
cipaux  Habitans’  de  Quebec ,  &  deux  Algonquins  les  fuivi- 
rent  dans  un  autre  Canot  chargé  de  préfens  pour  diflribuer  dans 
les  Cantons  Iroquois  au  nom  de  leur  Nation.  Le  cinquième  de 
Juin  ils  arrivèrent  à  la  première  Bourgade  des  Agniers  ,  où  ils 
furent  reçus  avec  de  grandes  démonflrations  d’une  amitié  fin- 
cére  :  le  P.  Jogues  y  fut  reconnu  par  quelques-uns  de  ceux  , 
qui  l’av oient  le  plus  maltraitté  ,  &  qui  lui  firent  mille  careffes* 

Je  ne  fçai  pas  ce  qui  arriva  enfuite  ;  mais  il  eft  certain  que  ce 
Millionnaire  ne  palfa  point  le  Canton  d’Agnier  ,  &  qu’il  y  laiffa 
fon  cofre  ,  en  difant  qu’il  y  vouloit  fixer  fa  demeure  ,  &  qu’il  ne 
tarderait  pas  à  revenir. 

Il  reprit  enfuite  la  route  du  Fort  de  Richelieu  ,  où  il  arriva 
le  vintfept  du  même  mois.  Il  y  rencontra  M.  de  Montmagny , 
auquel  il  affûta  qu’on  pou  voit*  compter  fur  les  Agniers  ;  mais 
il  efl  à  croire  que  ce  Gouverneur  ne  fit  pas  plus  de  fond  ,  qu’il 
ne  devoit,  fur  fon  témoignage  :  il  étoit  trop  éclairé  pour  11e  pas 
comprendre  qu’un  Religieux  dans  la  difpofition  ,  où  étoit  le 
P.  Jogues  ,  voyoit  dans  ces  Sauvages  tout  ce  qu’il  fouhaitoit 
d’y  voir  ,  &  n’avoit  point  d’autres  raifons  pour  les  croire  fin- 
cérement  revenus  à  notre  égard  ,  que  l’extrême  pafîion  ,  &  l’ef- 
perance  d’en  faire  des  Chrétiens.  Toutefois  quelque  répugnan¬ 
ce  qu’il  eût  à  expofer  au  caprice  d’un  Peuple  inconfiant ,  uni 


i  6  46* 

Les  hoftilités 
recommen¬ 
cent  entre  les 
Jrocjuois  &  les 
Huions. 


Etendue  & 
du 

Pays  des  Iio- 
quois. 


jituation 


Origine  de 
leur  nom. 


270  histoire  generale 

Homme  qui  en  avoit  été  trop  maltraité  ,  pour  en  être  jamais 
regardé  de  bon  œil ,  il  confentit  qu’il  dégageât  fa  parole.  _ 

Le  Serviteur  de  Dieu  au  comble  de  fes  vœux ,  &  s  imagi¬ 
nant  déjà  voir  les  Iroquois  fe  préfenter  en  foule  pour  etre  inf- 
truits  de  nos  Myfteres ,  partit  le  vintquameme  de  Septembre  , 
accompagné  de  quelques  Sauvages  &  d’un  François.  On  apprit 
peu  detems  après  que  les  hoftilités  avoient  recommence  entre 
les  Iroquois  Supérieurs ,  &  les  Hurons.  On  appelle  Iroquois 
Supérieurs  les  quatre  Cantons ,  qui  n  avoient  pas  ete  compris 
dans  le  Traité  de  paix  ;  les  Iroquois  Inferieurs  font  les  feuls 
Agniers,  quelques -uns  y  joignent  le  Canton  d  O nneyouth  , 
mais  pour  bien  entendre  ce  que  nous  avons  a  dire  de  cette ;  Na¬ 
tion  ,  qui  a  tant  de  part  à  l’Hiftoire  ,  quej’ecris  ,  il  eft  neceffaire 
de  bien  connoître  la  fituation  &  la  nature  du  Pays ,  qu  elle  occu¬ 
pe  ,  &  les  cinq  Cantons ,  qui  la  compofent.  ,  ,,, 

Le  Pays  des  Iroquois  s’étend  entre  les  41.  &  44-  degres  de- 
lévation  du  Pôle  ,  environ  foixante  &  dix  ,  ou  quatre-vint 
lieues  de  l’Orient  à  l’Occident ,  depuis  le  haut  de  la  Riviere , 
oui  a  porté  fuccefïivement  leur  nom ,  celui  de  Richelieu ,  &  ce¬ 
lui  de  Sorel ,  c’eft-à-dire  ,  depuis  le  Lac  du  S.  Sacrement  juf- 
ou’à Niagara;  &  un  peu  plus  de  quarante  lieues  du  Septen- 
?Hon  augMidi  ;  ou  plûtôt  de  l’Orient  d’été  au  Couchant  dhy- 
ver  ,  depuis  la  fource  de  la  petite  Riviere  des  Agniers  ,  juiqu  a 
POhio.  Ainfi  il  a  pour  bornes  au  Midi  cette  derniere  Riviere 
&  la  Penfylvanie  ,  à  l’Occident  le  Lac  Ontario  ;  le  Lac  Lne 
au  Couchant  d’été  ;  au  Septentrion  le  Lac  du  S.  Sacrement  & 
le  Fleuve  S.  Laurent  ;  enfin  la  Nouvelle  York ,  partie  au  Midi, 
&  partie  à  l’Orient  d’hyver.  Il  efi:  arrofé  de  plufieurs  Riviè¬ 
res  ,  fon  terroir  efi:  inégal  en  quelques  endroits  ,  mais  généra  e 

ment  parlant  il  efi:  très-fertile.  «  •. 

Le  Canton  d’Agnier  eft  le  plus  feptentnonnal  de  tous  ,  Sc  le 
plus  proche  de  la  Nouvelle  York  *.  ceux  d  Onneyout  ^  n 
nantagué  (a),  de  Goyogouin  (b)  ,  &  de Tfonnouthouan  fe  m- 
vent  dans  l’ordre  ,  où  je  viens  de  les  nommer  ,  en  : allant  tou¬ 
jours  à  l’Occident ,  tirant  un  peu  fur  le  Couchant  dhyver  ;  oc 
c’eft  ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  de  Cantons  Supérieurs ,  a 
moins  qu’on  ne  prétende  qu’ils  ontété  ainfi  nommes,  parce  qu  on 
les  rencontre  en  cet  ordre  en  remontant  le  Fleuve  S.  Lauient , 
&  le  Lac  Ontario  ,  que  ce  Fleuve  traverfe.  Le  nom  d  Iroquois 
eft  purement  François  ,  &  a  ete  forme  du  terme  uo , 

{a)  On  prononce  Onnontaké.  ( b )  Oyogouin. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VI.  z7t 

Hero  s  qui  fignifie  ,  J  ai  dit  :  &  par  lequel  ces  Sauvages  finiflent 
tous  leurs  difcours  ,  comme  les  Latins  faifoient  autrefois  par 
leur  Dixi  j  &  de  Koué  ,  qui  eh:  un  cri ,  tantôt  de  trifteffe  5  lorf- 
qu  on  le  prononce  en  traînant ,  &  tantôt  de  joye,  quand  on  le 
prononce  plus  court.  Leur  nom  propre  effc  Agonnonfionni ,  qui 
veut  dire  Faijeurs  de  Cabannes  ;  parce  qu’ils  les  bâtihent  beau¬ 
coup  plus  folides  ,  que  la  plûpart  des  autres  Sauvages. 

,  Pans  ^  Canton  d  Agnier ,  qui ,  au  teins,  dont  nous  parlons , 
etoit  le  plus  peuple  de  tous  ,  une  jolie  Riviere  ferpente  agréa¬ 
blement  l’efpace  de  fept  à  huit  lieues  entre  deux  belles  prairies. 
Celui  d’Onnontagué  a  un  fort  beau  Lac,  appelle  Gannentaha  ’ 
aux  environs  duquel  il  y  a  plufieurs  Fontaines  falées  ,  &  dont 
les  bords  font  toujours  couverts  d’un  très-beau  fel.  Deux  lieues 
plus  loin,  en  tirant  vers  le  Canton  de  Goyogouin,  on  trouve  une 
fource  ,  dont  1  eau  elb  blanche  comme  du  lait ,  d’une  odeur  très- 
forte  ,  &  qui  étant  mife  fur  le  feu  ,  fe  réfout  en  une  efpéce  de 
iei  auili^mordicant,  que  la  pierre  cauhique.  Tout  ce  canton  eh: 
charmant ,  &  la  terre  y  eh:  propre  à  tout. 

Celui  d’Onneyouth  fitué  entre  Agnier  &  Onnontagué  ,  n’eft 
en  rien  inferieur  ni  à  l’un  ni  à  l’autre  ;  mais  le  Canton  de  Goyo¬ 
gouin  remporte  fur  tous  pour  la  bonté  du  terroir ,  &  pour  la 
douceur  du  climat  :  les  Habitans  s’en  repentent  même  un  peu 
f  ont  toujours  paru  les  plus  traitables  de  tous  les  Iroquois.  En- 
lin  dans  la  grande  étendue  du  Pays  ,  qu’occupent  les  Tlon- 
nonthouans  ,  il  y  a  des  endroits  charmans  ,  &  généralement 
parlant  le  terrein  y  eft  bon.  On  y  a  ,  dit -on  ,  découvert  une 
terre  ,  de  laquelle ,  après  qu’on  l’a  bien  lavée ,  on  tire  un 
ouhetres-pur;  &  dans  le  même  endroit  une  Fontaine  ,  dont 
1  eau  ,  quand  elle  a  bien  bouilli ,  fe  convertit  auffi  en  foufre. 
Un  ajoute  que  cette  eau  s’enflamme  d’elle-même  ,  quand  on 
1  agite  avec  violence  {a).  Plus  loin,  en  approchant  du  Pays 
des  anciens  Etiez  on  voit  une  eau  dormante  ,  épaiffe  &  hui- 
leule  ,  qui  prend  feu  ,  comme  fait  l’Eau-de-vie. 

J  ai  parle  ailleurs  de  la  Baye  des  Goyogouins  ,  de  celle  des 
Ifonnonthouans,  &  du  grand  Marais,  qui  eft  de  ce  dernier 
Uanton  ,  comme  de  lieux  ,  qui  m’ont  paru  délicieux.  Je  puis 
ajouter  que  dans  tout  le  Pays,  que  j’ai  cottoyé  depuis  la  Riviere 
Onnontague  jufqu’à  la  Riviere  de  Niagara,  je  n’y  ai  aperçu  que 
ides  terres  Ærtilè  ,  bien  boifées  ,  &  bien  arrofées  ;  à  la  réferve 
de  quelques  liiieres  de  fables  ,  qui  n’ont  point  de  profondeur  ; 


(  4  )  11  y  en  a  une  toute  femblable  à  fix  lieues  de  Grenoble. 


1  646. 


Ce  que  cbs- 
que  Canton  a 
de  particulier. 


\ 


1 


Des  Arbres 
fruitiers. 


histoire  generale 

—  mais  il  fe  peut  faire^ que  les  endroits ,  où  je  n’ai  point  débarqué , 

^Ins  toutedlfé«nduë  des  cinq  Cantons  on  peut  cultiver  avec 
fuSs"  tour  nos  arbres  fruitiers  d’Europe  ^rs^  tien¬ 
nent  d’eux-mêmes  fans  culture • ,  Y  font  remplies  de  Châ- 

qui  nous  e“;“Xv°rsde'cLux  fortes  /les  uns  portent  un  fruit 

^etfde/  autres  eft  très-amer  }  mais  en  le  faifant  paf- 
fort  doux,  celui _d*s  u  une  bonne  huile  par  le  moyen 

fer  par  es  cendres ,  o  maniéré  ,  que  nous 

du  moulin  ,  du  feu .& de  eau ^  de  ^  endroits  de  é  fes 

en  tirons  du  lourneioi.  uy  &  F  ,  j  ^  fleur 

a  la  couleur  d  un  abricot ,  g  au’une  plante: 

On  y  voit  un  Citronnier  fauvage  ,  qui  i  F  ,  _ 

feuilles,  qui  ont  ia  trgure  a  u  •  dont  ies  pommes 

plante  eft  un  f  dbve  &  dont  la  graine  eft  une  efpéce  de 

r  1yte  eft  XnS  ;  &  fort  délitât  :  c’eft  un  arbre  nam, 
feve.  Ce  frmt  eltocoin  ra  ,  Les  Iroquois  l’ont  tire 


ri  p{\  odorilerânt,  oc  rortaenccu. .  ^  ^  .  ; 

i  une  terle /ralfè  &  mouillée.  Les  Iroquois  l’ont  tire 

TU»^*~jss?viz^zx 


:  plante  ,  qu 

au  ray,  uv-o  --  rlk  dont  les  feuilles  broyées 

*  Âf  f7  Kf 

o- 1*  .  frites  ».”«»»« 


Des  animaux 
8é  des  dia- 
mans. 


✓  HW-Ui  uv  ■»-* j  .  / 

ss  ?=*yf«k-  *.wg«r  SSS 

d’autres  racines  propres  a  la  teintur  ,  4 

font  des  couleurs  très-vives.  ,  i  i  Tr0. 

°u«  fe,  s™,  1  ^““IVroraï’es  m  ?»  Whf 

ssvssfss----. .  s  ï; 

«^«fciafiSESSfc 

bec  le  renverfe  mort.  Les  A  [  --r*  „  de  cou- 

coup  plus  longs  que  les  nôtres  :  on7  v°‘^  -sg.  ils  ont  la 
leur  de  petit  gris ,  qui  ne  font  po  nt  mouchetés , 
queue  fort  longue ,  &  donnent  la  chaffe  aux  Pora .  ep  s- 
roquois  les  tuint  plus  fouvent  fur  les  arbres ,  q«iterref  t 


i  DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VL  273 

font  bons  a  manger  ,  au  jugement  même  des  François ,  qui  en 
efiiment  la  chair  autant  que  celle  du  Mouton.  Quelques  -  uns 
ont  le  poil  rougeâtre ,  tous  lont  très-fin  ,  &  leurs  peaux  font 
de  très-bonnes  lourures. 

Mais  la  plus  fine  Pelleterie  de  ce  Pays  efi  la  peau  de  l’Ecu¬ 
reuil  noir.  Cet  animal  efi:  gros  comme  un  Chat  de  trois  mois , 
d’une  grande  vivacité  5  fort  doux  ,  &  très-facile  à  apprivoifer! 

Les  Iroquois  en  font  des  robes  ,  qu’ils  vendent  jufqu ’à  fept  ou 
huit  pifioles.  Les  Tourtes  font  là ,  comme  par  tout  ailleurs ,  des 
Oifeaux  de  paflage.  Un  Millionnaire  a  obfervé  dans  un  Can¬ 
ton  Iroquois  que  tous  les  matins  depuis  fix  heures  jufqu’à  onze  , 
qn  voit  au-dellus  dune  gorge  de  Riviere  large  d’un  quart  de 
lieue ,  l’air  prefqu’entiérement  obfcurci  par  la  quantité  de  ces 
Oileaux  ,  qu  enfuite  ils  vont  tous  fe  jetter  dans  une  grande 
Maie  ,  qui  en  efi:  proche,  pour  s’y  baigner:  après  quoi  ils 
i  difparoiffent.  Il  ajoûte  qu  alors  on  ne  voit  que  des  mâles  ,  & 
que  1  apres-diner  les  femelles  viennent  faire  la  même  manœu¬ 
vre.  Enfin  on  trouve  dans  le  Pays  des  Iroquois  des  pierres , 
qui  renferment  des  diamans ,  dont  quelques-uns  font  tout  tail¬ 
les  ,  &  quelquefois  de  prix.  Je  reviens  aux  nouvelles  hofii- 
lités ,  qui  rallumèrent  en  peu  de  tems  un  feu  ,  qui  avoit  tant 
coûte  a  éteindre  ,  ou  plutôt ,  qui  n’étoit  que  caché  fous  la 

Les  Irqcjuois  furent  les  aggreffeurs.  Une  trouppe  de  leurs  Les  iroquois 
biaves  s  etoit  approchée  d’un  Village  Huron  ,  dans  le  deffein  attaquent  un 
d  y  faire  des  Prifonniers  :  ils  trouvèrent  qu’on  y  étoit  fur  fes  ron„a&e  H  ^ 
gardes  ;  mais  ils  ne  purent  fe  refoudre  aie  retirer  ,  fans  avoir 
rien  fait.  Ils  fe  cachèrent  dans  un  Bois  ,  &  y  p afferent  la  nuit , 
pendant  laquelle  un  Huron ,  pofié  fur  une  maniéré  de  redou¬ 
te  ,  fit  grand  bruit  pour  montrer  qu’il  ne  dormoit  pas.  Vers 
le  point  du  jour  il  ceffa  de  crier  :  aufli-tôt  deux  Iroquois  fe 
détachent  ,  &  s  étant  coulés  jufqu’au  pied  de  la  Paliffade  ,  ils 
y  emeurent  quelque  tems  pour  voir  s’ils  n’entendront  plus 
rien.  Perfonne  ne  fouflant ,  un  des  deux  monte  fur  la  redou- 
te  ,  y  aperçoit  deux  Hommes  ,,  qui  dorment  profondément , 
donne  a  1  un  un  grand  coup  de  hache  fur  la  tête  ,  leve  à  l’autre 
la  chevelure  ,  &  s’enfuit. 

Le  premier  mourut  fur  le  champ  ;  au  bruit ,  que  fit  le  fécond  ,  BeIîf  atf  ion 
tout  le  Village  fut  en  rumeur.  On  accourt  ,  on  trouve  deux  rrcis  Hu" 
Hommes  étendus ,  l’un  fans  vie  ,  &  l’autre  perdant  tout  fon 

I  iang.  La  jeuneffe  fut  à  Imitant  fur  pied  ,  elle  fui  vit  lontems  les 
l  omc  1.  \/i  _ 


I  dqd- 


H  I  S  T  O  I  R-  E  GENERALE 

1740<  rie  l’Fnnemi  ;  mais  il  avoit  trop  d’avance  ,  &  elle  ne  put 
rwnd?e.  Le"  Hurons  eurent  bientôt  leur  revanche  Trots 
Guerriers  fe  mirent  en  campagne  ,  &  apres  vint  jours  de  mar- 
arrivèrent  à  un  Village  desTfonnonthouans.  Il  etoitnuit , 
routes  les  Cabannes  étoient  fermées  ,  &  tout  le  monde  dor- 
moit.  Nos  Aventuriers  s’avtferent  de  percer  une  Caban 
nar  le  coté  *  ils  y  entrèrent  fans  que  perfonne  s  eveillat ,  J 

5“r““  *■&  !x 

ËeSà  la  cXnne  ,  &  gagnèrent  au  pied  1k  furent  po| 
fuivis ,  mais  inutilement ,  ils  arrivèrent  dans  leur  Village  ave 

Progrès  Je  la  ^U^ffio^ësWoîent  avec  bien  du  re|ret  «s  indices 

rfcr-  J-  E,rsr«  “ï  «i».  pr|«  1-i* 

SS  C0°«0k  SI  à  être  connu  âe  plufieurs  autres 

ffp'»  •  nrsr«  »£  .“rèX6&  *  h»™,;  ». 

SJ ™  molîlpSrê  je  .a.- Il  ».  f.  palto»  poi»  J- 
née  qu’ils  ne  fournîffent  à  leurs  Pafteurs  de  neuve  les  occa- 

1  q  rolonie  où  tout  étoit  dans  1  machon  ,  mute  de  lecou 

Le p.  Jogues  Le  p.  Jopues  navoit  pas  été  lontems , fans  fe  defabu  er  ^ 

retournant  bonnes  intentions  ,  où  il  s’étoit  imagine  qu  etoient  ces  a  . 
aux  iroquois ,  D0  a  _  rnip  fe  livrer  à  ceux  5  qui  devoientle  con- 

fvtcoZ £  duîre'dlns  le  heu  deftiné  à  fa  réfidence  ,  foit  preffenriment ,  foit 
œnjefi:  fondée  fur  de  nouvelles  lumières  plus  sure^que  le 
précédentes ,  dans  les  derniers  adieux  ,  qu  il  fit  de  bouen 
Ouebec  &  dans  fes  lettres  à fes-amis  de  France  ,  il  s  expbqu r 

,  ,»i  ».  .«..p»  p»  «T.  Sto„l“v  55 

1  c  mais  oui  avoit  une  forte  d  aliurance  dy  cui 

fommer  dans’peu  fon  facrifice.  Il  en  eut  bientôt  des  preuves , 
qrü  ne  pouvoient  pas  être  équivoques.  Il  avoit  à  peine  pajTe 
IL  Tons  Rivières  '  qu’il  fe  vit  abandonne  de  tous  fes  Condu- 

ûeurs:  il  relia  feul  avec  un  jeune  François ,  nomme  la  U 

de  ,  fort  embarraffé  comment  ilpourro.t  continuer  faremte^ 
Tout  autre  que  lui  feroit  retourne  fur  fes  pas ,  &  P 


DE  LA  NOUVELLE.fr ANGE.  Liy.  VI.  275 

dence  fembloit  le  demander  :  mais  les  Saints  en  ont  une  ,  qui 
nefl  pas  félon  les  régies  ordinaires  ,  &  qu’il  faut  du  moins  ref- 
pecter.  Dans  la  perfuafion  ?  où  étoit  le  Serviteur  de  Dieu 
qu’il  devoir  arrofer  de  fon  fang  une  T  erre  ,  qui  produirait  des 
oajnts  ,  il  netoit  pas  Homme  à  reculer  au  moment ,  qu’il  com- 
mençoità  voir  que  toutfe  difpofoit  à  raccompliffement  de  fes 
vœux.  Il  pourfuivit  donc  fon  chemin  ,  &  gagna  avec  bien  de 
la  peine  un  Village  Iroquois  ,  où  il  fut  reçu",  à  peu  de  cho! 
les  près  ,  comme  s’il  eût  été  Prifonnier  de  guerre.  Lui  &  fon 
Compagnon  furent  mis  prefque  nuds  ,  &  on  ne  leur  épargna 
ni  les  coups  de  poing  ,  ni  les  baltonnades. 

On  n  a  jamais  bien  fçu  le  motif  d  un  changement  fi  étrange, 
eux  lettres  éerittes  de  la  °i  * 


1646. 


De  quelle 
maniéré  il  eft 
reçu. 


« 


« 


« 


« 


-  -  -  - ^  w  L!11  v.iiaiigcuiciiLii  étrange.  Ce  qui  avoir 

Deux  lettres  ecnttes  de  la  Nouvelle  Belgique  9  l’une  par  le  ^es 

Gouverneur  même  à  M.  de  Montmagny  ;  l’autre  par  un  Par-  Sf 
ticulier  au  Sieur  Bourdon  ,  qui  avoit  accompagné  le  P.  Jo- 
gues  1  annee  precedente  ,  apres.avoir  rapporté  quelques  circon¬ 
stances  de  la  mort  du  Sr.  Millionnaire  ,  l’attribuent  à  la  perfua- 
,  !10n  >  où  etoient  les  Iroquois ,  qu’il  avoit  laiffé  le  diable  dans 
leur  Pays.  La  lettre  au  Sieur  Bourdon  ajoûtoit  que  cette  perfi- 
die  etoit  l’ouvrage  de  la  feule  Tribu  de  l’Ours  ;  que  celles  du 
Loup  &  de  la  Tortue  avoient  fait  tout  leur  poffîble  pour  fau- 
ver  la  vie  aux  deux  François,  jufqu  a  dire  aux  premiers  :  „  Tuez- 
nous  plutôt  que  de  malTacrer  ainfi  des  perfonnes  ,  qui  ne  nous 
ont  fait  aucun  mal ,  &  qui  viennent  chez  nous  fur  la  foy  d’un 
1  rai  te  Dans  toutes  les  deux  on  avertiffoit  le  Général  que  le 
deflein  des  Iroquois  étoit  de  le  furprendre  lui-même  ,  &  que 
quatre  cent  Hommes  étoient  prêts  à  partir  pour  fondre  en  mê¬ 
me  tems  dans  la  Colonie  Françoife. 

U  y  a  donc  bien  de  l’apparence  que  ce  Peuple  avoit  pris  des 
Ouvriers  de  1  Evangile  les  mêmes  ombrages ,  qu’en  avoient 
conçu  les  Hurons  dans  le  commencement;  &  ce  qui  fortifie 
cette  conjefture ,  c’eft  que  cette  année-là  les  maladies  ayant 
tait  de  grands  ravages  dans  le  Canton  d’Agnier ,  &  les  vers 
y  ayant  ronge  prefque  tous  les  grains ,  la  multitude  fe  perfua- 
da  que  ces  majeurs  étoient  l’effet  d’un  fort  ,  que  le  P.  dogues 
leur  avoir  laifTedans  fon  cofre.  Quelques  Hurons  Idolâtres  , 
qui  s  etoient  établis  dans  ce  même  Canton,  &  qui  y  avoient  ap¬ 
porte  leurs  anciens  préjugés  contre  la  Religion  Chrétienne 
11e  manquoient  aufh  aucune  occafion  de  les  communiquer  aux 
Iroquois  ;  ils  faifirent  d’abord  celle-ci  ,  &  firent  obfei  ver  aux 
Agmers  que  les  défaftres  ,  dont  ils  fe  plaignoient  ,  avoient 

M  m  ij 


I  6q6. 

Sa  mort. 


S'on  meurtrier 
^.convertit. 


„ ,  histoire  generale 

commencé  précifément  dans  le  tems ,  qu’ils  avoient  demande 

,  mmm  *****  trr-frf 

ri?  la  maniéré,  que  je  viens  de  dire  ,  demanda  fi  depuis  fon  de 
nart  il  étoit  arrivé  quelque  chofe  ,  qui  eût  indifpo.e  la  Nation 
contre  lui  ?  Toute  la  réponfe  ,  qu’on  lui  fit ,  fut  qu  il  etoit  con¬ 
damné  à  mort  avec  fon  Compagnon  ,  qu’ils  ne  feraient  poul¬ 
inas  bridés  mais  frappés  avec  la  hache  ;  &  que  leurs  tetes 
feroient  pofées  fur  les  Palilfades  ,  afin  que  fi  quelques  François 
/r  •  Lnr  Ip^îllaae  ils  pufîeiit  les  reconnoitre.  .Le  , 
teurdeDÎeu  eut  beau  leur  remettre  devant  les  yeux  1  indignité 
r  n  tei  procédé  ;  la  confiance  ,  avec  laquelle  il  etoit  venu  fe 

hvrer  e.ure  leurs  mains.;  les  invitations , qu’ 'ls^‘ 
t-PQ  nnnr  l’eneaeer  à  vivre  avec  eux  ;  les  paroles  ,  qu  is 
voient  fi  fofemnellement  données  ;  la  maniéré  ,  dont  les  Fran- 
cois  en  avolem  ufé  à  leur  égard  ,  leurs  Traités ,  leurs  fermens 
è_  le  Deu  qu’il  y  avoit  à  gagner  pour  eux  dans  la  guerre  ,  ou 
ds  allaient  ?e  replonger  junfombre  &  afFreux  Glence  lm  fit  con- 
noître  qu’il  parloit  en  vain  ;  auffi  ne  fongea-t-d  plus  qu  a  le  pre 
parer  à^a  mort,.  &  à  y  ddpofer  le  jeune  Homme,  qui  seto 

attTcmOe  jo'ur  fuivant ,  qui  étoit  le  dix-feptiéme  d’Oclobre,, 
on  ne  leur  dit  mot  jufqu’au  foir.  Alors  un  Huron  vint  pren¬ 
dre  le  P  Jogues ,  pour  le  mener  dans  fa  Cabanne  ,  fous  prete  - 

tè  de  lui  do, mer  à  manger  ;  car  ni  lui ,  ni  fon  Compagnon  n  a- 
te  ae  luiuuimci  6  q  ti  ie  fuivit ,  &  comme 

voient  encore  rien  pris  de  la  journée.  Il  le  ,,  , 

ü  entroit  dans  fa  Cabanne, un  Iroquois,  æ 

riere  la  DOrte ,  lui  déchargea  un  grand  coup  de  hache  iur  la. 

Z,  &  &f.  m*/f*  pi«Æ-  L;L, “  °i 

pofa  fur  la  Paliffade ,  &  les  corps,  furent  jettes  dans  la  Ri- 

Viefelle  fut  la  fin  d’un  Homme,  dont  bien  des  années  apres 
les  Iroauois  mêmes  ne  pouvoientfe  laffer  d admirer  les  vertus 
&  le  courage.  Son  Meurtrier  tomba  l’année  fuivante  entre :  es- 

mains  des  François,  qui  le  livrèrent  aux  A1g°"^sf;ie  Mar¬ 
ie  brûlèrent  ;  mais  il  y  a  bien  de  1  apparence  que  le  laint  Ma 
yr  ne  l’abandonna  point  pendant  ces  derniers  momens  ,4 
mourut  Chrétien,  dn  a  publié  plufieurs  grâces  obtenues  par 
1-interceffion  du  P.  Jogues  ,  &  on  peut  dire  le^fiecle  P 
cèdent  a  donné  à  l’Eglife  peu  de  Saints  dun  caiafter  p. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VI.  277 

marqué  ;  mais  je  laifle  le  détail  de  ces  merveilles  à  ceux  ? 
qui  entreprendront  d’écrire  l’Hifioire  de  fa  vie'. 

Les  Agniers  ,  en  violant  ainfi  le  droit  des  Gens,  setoient 
bien  attendu  que  toutes  les  Nations  fe  réuniraient  pour  leur 
faire  la  guerre  ;  ils  crurent  devoir  les  prévenir ,  &  ils  fe  mirent 
de  toutes  parts  en  campagne  ,  avant  qu’on  pût  être  informé 
de  ce  qui  venoit  de  fe  palier  chex  eux.  Un  de  leurs  Partis  ren¬ 
contra  Pieskaret  feul ,  &  n’ofa  l’attaquer.  Ils  étoient  perfuadés 
qu’il  aurait  tué  au  moins  la  moitié  de  ce  qu’ils  étoient ,  comme  il 
luiétoit  déjà  arrivé  plufieurs  fois.  Ils  n’eurent  pas  de  honte  de 
l’aborder  comme  ami ,  &  tandis  qu’il  ne  fe  déficit  de  rien  ,  de 
le  percer  par  derrière.  D’autres  ayant  appris  où  plufieurs  Sau¬ 
vages  Chrétiens  s ’étoient  joints  pour  chalfer  ,  tombèrent  ino¬ 
pinément  fur  eux  ,  en  tuerent  quelques-uns  ,  en  firent  plufieurs 
Prifonniers  ,  &  exercèrent  fur  eux  des  cruautés  inouiës. 

La  haine  contre  le  Chrifrianifme  redoubla  dès  lors  la  fureur 
de  ces  Barbares  ,  &  fit  de  vrais  Martyrs  de  ceux  d’entre  les 
Fidèles,  qui  tombèrent  entre  leurs  mains  :  l’âge  &  le  fexe  ne 
garantirent  pas  même  du  feu  ,  comme  auparavant ,  &  on  affûre 
que  dans  l’occafion  ,  dont  je  parle  ,  ils  crucifièrent  un  Enfant 
de  trois  ans ,  &  le  lailferent  expirer  dans  les  douleurs.  Supplice 
moiii  jufques-là  parmi  ces  Peuples  ,  &  qui  ne  peut  guère  s’at¬ 
tribuer  qu’à  la  rage,  dont  ils  étoient  remplis  contre  la  Reli¬ 
gion  d’un  Dieu  mort  en  Croix  ,  qu’on  leur  avoit  prêchée.  Les 
premiers  avis  de  ces  hofiilités  furent  donnés  aux  François  par 
des  Femmes  Algonquines  ,  qui  setoient  fauvées  d’entre  les 
mains  de  leurs  Bourreaux  ,  avec  une  réfolution  &  un  courage  , 
qu’on  aurait  admirés  dans  les  plus  braves  Flommes  du  Mon¬ 
de.  Il  y  en  eut  une  entr’autres  ,  dont  i’Hiftoire  mérite  d’être 
connue. 

Il  y  avoit  dix  jours  ,  qu’elle  étoit  Prifonniere  dans  un  Villa¬ 
ge  du  Canton  d’Agnier  ,  &  elle  avoit  ignoré  jufques-là  quel  de- 
voit  etre  Ion  fort.  Eile  avoit  néanmoins  plus  de  fujet  de  crain¬ 
dre  ,  que  d’efperer ,  parce  qu’à  fon  entrée  dans  ce  Village  on 
I  avoit  mue  toute  nue  ,  &  qu’elle  11’avoit  jamais  pu  obtenir  la 
moindre  chofe  pour  fe  couvrir.  Une  nuit ,  quelle  étoit  cou¬ 
chée  al  ordinaire  dans  une  Cabanne  ,  attachée  par  les  pieds 
&:  par  les  mains  avec  des  cordes  à  autant  de  picquets  ,  &  en¬ 
vi!  onnee  de  Sauvages  ,  qui  s’étoient  couchés  furies  cordes 
elle  s  aperçut  que  tous  dormoient  d’un  profond  fommeil.  Elle 
euaya  aufii-tôt  de  dégager  une  de  fes  mains  ,  &  y  ayante 


1  6  46. 


Les  Agniers 

recommen¬ 


cent  la  guerre. 

O 


Hiftoire  lm~ 
guliere  d'une 
Algonquine  , 
qui  fe  Tau  va 
des  mains  des 
Iroquois.  - 


g  HISTOIRE  generale 

réuffi,  il  ne  lui  fut  pas  difficile  d’achever  de  fe  délier  tout-à- 

^Fllefe  leve  enfuite  ,  va  doucement  à  la  porte  de  la  Caban- 
ne,  y  prend  une  hache ,  en  caffe  la  tête  à  celui ,  qui  fe  trou¬ 
ve  1 J  plus  près  fous  fa  main  ,  &  fe  jette  dans  le  creux  dun 
arbre  allez fpacieux  pour  la  cacher  toute  entière  ,  &  quelle 
avoir  remarqué  fort  proche  de  la  Cabanne.  Au  bruit ,  que  fit 
le  mourant?  tout  le  Village  fut  bientôt  éveille  ,&  comme  on 
ne  douta  point  que  la  Captive  n’eût  gagne  au'  pied  ,  toute  la 
Jeuneffe  fe  mit  à  Tes  trouffes.  Elle  voy  oit  tout  ce  mouvement 
de  fa  retraitte  ,  &  elle  obferva  que  tous  ceux,  qui  couro.ent 
après  elle  alloient  du  même  cote  ,  que  tous  les  autres  etoient 
reftés  dans  leurs  Cabannes ,  &  qu’il  n’y  avoit  perfonne  autour 
de  fon  arbre  :  elle  en  fortit  fur  le  champ  &  prenant  fa  courfe 
du  côté  oppofé  à  celui ,  par  où  on  la  cherchoit ,  elle  gagna  la 

Forêt ,  fans  être  apperçuë.  .  „  „  , 

Tout  le  relie  deïa  nuit  on  ne  s’avifa  point  d  aller  de  ce  o- 

té-là,  mais  le  jour  venu  ,  on  reconnut  fes  pilles,  &  on  les 
fuivit.  L’avance  ,  quelle  avoir,  lui  donna  deux  jours  fur  fes 
Ennemis  ;  le  troifiéme  elle  entendit  du  bru*.  Elle  fe  trouvoit 
fur  le  bord  d’un  Etang ,  elle  s’y  jetta- jufqu’au  cou,  &  dans  le  mo¬ 
ment  ,  quelle  aperçut  les  Iroquois ,  elle  fe  plongea  tout-a-fait 
dans  l’elu  derrière  des  joncs ,  à  la  faveur  defquels  il  lu.  eto.t 
aifé  de  mettre  de  tems  en  tems  la  tête  hors  de  leau  pour  re 
pirer  &pour  obferver  ce  quife  paffoit.  Elle  remarqua  qua- 
près  que  les  Ennemis  eurent  bien  regarde  de  toutes  parts,  ils 
^tournèrent  fur  leurs  pas.  Elle  les  la, ffa  s’éloigner  un  peu, 
nuis  elle  traverfa  le  Marais  ,  &  continua  la  route. 

^  Elle  marcha  trente-cinq  jours  ,  ne  vivant  que  de  fruits  fau- 
vages  &  déracinés.  Enfin  elle  fe  trouva  au  bord  du  Fleuve 
S.  Laurent  un  peu  au-delfus  du  Lac  de  S.  Pierre  ;  &  n  o  ant  re¬ 
lier  aux  environs  de  la  Riviere  de  Richelieu  ,  de  peur  d  ^  ren¬ 
contrer  quelque  Parti  Iroquois  ,  elle  fit  à  la  hâte  une  efpece  de 
Caieu  pour  traverfer  le  Fleuve.  Comme  elle  approchoit  des 
Trois  Rivières ,  fans  trop  fçavoir  encore  ou  elle  etoit ,  elle 
découvrit  un  Canot,-  &  dans  la  crainte  que  ce  ne i  fuffem  des 
Iroauois ,  elle  s’enfonça  dans  le  plus  épais  du  Bois ,  ou  el  e 
rZ  pifqùan  coucher  du  Soleil  Elle  fe  rapprocha  ento 
du  Fleuve  ,  &un  moment  après  elle  aperçut  le  Fort  des  Tr 

Rlpreefqû’en  même  tems  elle  fut  découverte  par  des  Hurons , 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VI.  179 

qu  elle  reconnut.  Elle  fe  cacha  aufîi-tôt  derrière  un  buiffon ,  1646. 

&  leur  cria  qu  elle  etoit  dans  un  état ,  qui  ne  lui  permettoit 
pas  de  fe  montrer  ,*&  quelle  les  prioit  de  lui  donner  de  quoi 
le  couvrir.  Ils  lui  jetterent  une  robe  ,  dont  elle  s’envelopa , 
alors  elle  s’approcha,  &  fut  conduite  au  Fort,  où  le  récit, 
quelle  fit  de  fon  aventure  ,  eut  bien  de  la  peine  à  trouver 
croyance  ;  mais  on  eut  dans  la  fuite  tant  d’exemples  pareils , 
qu  a  la  fin  on  ne  fut  plus  furpris  de  rien  en  ce  genre.  On  com¬ 
prit  du  moins  que  la  crainte  de  la  mort ,  ou  des  fupplices  ,  peut 
faire  entreprendre  &  exécuter  aux  perfonnes  les  plus  foibles , 
des  chofes ,  dont  les  plus  forts  n’auroient  jamais  pu  fans  cela 
fe  croire  capables. 

Tandis  que  les  Iroquois  perdoient  par  leur  perfidie  locca- 
fion ,  que  le  Ciel  leur  avoit  ménagée  d’avoir  part  à  fes  gr⬠
ces  ,  &  recommençoient  leurs  ravages  contre  nos  Alliés ,  & 
leurs  hoffilites  dans  la  Colonie  Françoife  ,  une  autre  Nation  , 
qui  ne  le  cède  à  aucune  autre  de  ce  Continent  en  valeur  ,  qui 
les  furpaffe  toutes  en  douceur  &  en  docilité  ,  &  qui  étoit  alors 
affez  nombreufe  ,  fe  prefenta  d’elle-même  pour  groffir  le  trou¬ 
peau  des  Fidèles  Sauvages  ,  &  par  fa  converfion  au  Chriffianif- 
me  devint  pour  la  Nouvelle  France  une  barrière  ,  que  tous  fes 
Ennemis  n’ont  jamais  pu  forcer. 

Je  parle  des  Abénaquis.  J’ai  remarqué  ailleurs  que  ce  Peu-  Qui  c  cotent 
pie  habitoit  cette  partie  Méridionnale  de  la  Nouvelle  France  ,  les  Abéiïacjim. 
qui  s’étend  depuis  Pentagoet  jufqua  la  Nouvelle  Angleterre  ’ 

6c  qu’on  appelloit  Cambas  ceux  de  cette  Nation  ,  qui  occu- 
poient  les  environs  du  Kinibequi.  Il  efî  arrivé  dans  la  fuite  que 
la  neceffite  ,  ou  ils  fe  font  trouvés  de  fe  défendre  contre  les 
Anglois  &  contre  leurs  Alliés  ,  les  ayant  obligés  de  s’unir  avec 
es  Ktechemins , ou  l'ÆaLecites  }  voifins  delà  Riviere  de  Penta- 

&°.et  h-  le0s  ^^cma^s  5  °u  Souriquois  ,  Habitans  naturels  de 
1  Acaàe  ,  &  de  toute  la  Côte  Orientale  du  Canada  ;  l’étroitxe 
iiailon  ,  ^ui  le  forma  entre  ces  trois  Nations ,  leur  attachement 
a  nos  interets  &  à  la  Religion  Chrétienne  ,  &  le  grand  rapport, 
qu  ont  les  Langues  des  unes  avec  celles  des  autres  ,  les  ont  fait 
comprendre  affez  communément  fous  le  nom  général  de  Na¬ 
tion;;  Abenaquifes ,  &  je  me  conformerai  dans  la  fuite  à  cet  ufa- 

ge  ,  orlqu  il  ne  fera  pas  néceffaire  de  diffinguer  ces  Peuples  les 
uns  des  autres.  1 

Plusieurs  Canibas  fréquentoient  depuis  quelque  tems  à  Svl- 
ien  ,  6c  quelques-uns  même  y  avoient  été  baptifés.  De  retour 


Us  cteaian- 
rtenc  ,  &  ob¬ 
tiennent  un 


i  6  4  6. 

M  iftlonnairc. 


Leur  caraC' 
tére. 


Accueil,  que 
les  PP.  Capu¬ 
cins  font  au  P. 
Dreuilletces. 


Ses  premiers 
travaux  parmi 
les  Abénaquis. 

i  6 47. 


,80  HISTOIRE  generale 

riiez  eux  ils  infpirerent  à  leurs  Compatriotes  le  defir  de  les 
imiter  &  toute  la  Nation  députa  vers  le  Gouverneur  Gene- 
‘“i1 lu Supérieur  des  Jefuites,  pour  leur  demander  un  Mil¬ 
lionnaire  Un  Peuple  eu  réputation  de  bravoure  ,  &  qui  par  a 
lionnaire.  mu  x  1  .  c  nouvoit  dans  la  fuite  nous 

Ration  entre  les  Anglois  &  nous^,  k  Nouvelle 

Anglemr,f?n’étoi0tUpas’une  acqwiAÿn  quoja  dût  négliger  ; 
Son  voyage  fut  long  &  pénible:  les  Abenaquis  ,  auffi  bien 

nue  leurs  Vollins  ,  font  fainéans  ,  on  n’a  jamais  bien  pu  les  en- 

fger  à  cultiver  k  terre,  &  ils  ont  encore  moins  de  prevo^m 

ce  pour  l’avenir  ,  fouffrir  de  la  faim  ,  & 

leuraffeSon^our  leurs  Miffionnaires  ,  la  bonté  de  leur  cara- 
aére  ïtû  attachement  fincére  pour  les  François  ,  les  fervices 

coup  adouci  aux  Ouvriers  Evangeliqt.es  les  rigueurs  dune  fi 
pémbie  Miffion  es  ^  fur  ks  bords  du  Kinibequi  des 

pp  Caoucins  qui  y  avoient  un  Hofpice  ;  ces  Religieux  «oient 
Fl".  Capucins  ,  q  ^  .  &  q  fervoient  d  Aumôniers , 

non -feulement  aux  François  établis  fur  toute  cett ^Com,| 
fur  celle  de  1’Acadie ,  mais  encore  a  ceux  ,  que  le  comm 
v  attiroit  II  Reçurent  le  Millionnaire  Jefuite  avec  beaucoup 
L  joye  ,  '&  toute  la  cordialité  poffible.  Ils  fouhaitto.ent  depu 
lontems  de  voir  des  Miffions  établies  parmi  les  Sauvages  de  ce 
nuartie rs  là  qu’ils  jugeoient  très-propres  au  Royaume  de  Dieu, 
S  ds  avoientqmêmi  eu  la  penfée  de  faire  le  voyage  de  Quebec 
pour  engager  les  PP.  de  la  Compagnie  a  ne  pas  laiffer 'plus  loi 
teius  en  friche  une  Terre  fi  bien  préparée  a  recevoir  la  femence 

Le  pAreuillettes  employa  tout  l’hyver  &  le  priiitems  à  vi 

literies  differentes  Bourges  de  cette  Contrée  bapt, fa  qu  o¬ 
tité  d’Enfans  &  quelques  Adultes  moribonds  ,  &  trouva  pa 
toit  un  grand  detrr  d’être  inftruit.  Des  Jongleurs  memes 
Difcioles  .  &  brûlèrent  tout  ce  qui  avoir  1 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VL  281 
leurs  fortiléges  :  enfin  la  moifïbn  lui  parut  mûre  &  abon¬ 
dante  ,  ce  qui  l’obligea ,  quand  les  chemins  furent  redevenus 
pratiquables ,  de  reprendre  la  route  de  Quebec  ,  pour  expofer 
à  fon  Supérieur  l’état ,  où  il  avoit  trouvé  les  choies  parmi  les 
Nations  Abénaquifes  .  Sur  fon  raport  on  prit  des  méfures  pour 
l’EtablilTement  d’une  Million  ,  qui  promettoit  les  mêmes  fruits 
de  bénédiélion ,  qu’on  recueilloit  déjà  dans  les  plus  floriffan- 
tes ,  &  où  l’on  efperoit  travailler  d’autant  plus  heureufement , 
qu’on  n’y  auroit  rien  à  craindre  de  la  part  des  Iroquois. 

Les  affaires  de  la  Nouvelle  France  étoient  en  ces  termes  ,  lorf- 
que  le  Chevalier  de  Montmagny  reçut  ordre  de  remettre  fon 
Gouvernement  à  M.  d’AiLLEBOUST  ,  qui  commandoit  depuis 
quelque  tems  aux  Trois  Rivières  ,  &  de  repalfer  en  France.  La 
défobéiffance  du  Commandeur  de  Poînci  ,  Gouverneur  Gé¬ 
néral  des  Mes  de  1  Amérique  ,  lequel  avoit  refufé  de  recevoir 
le  Succelfeur  ,  que  le  Roy  lui  avoit  envoyé  ,  s’étoit  maintenu 
dans  fon  Polie  malgré  la  Cour  ,  &  donnoit  un  exemple  de  ré¬ 
bellion  ,  que  quelques  Gouverneurs  particuliers  commen- 
çoient  à  fuivre  ,  avoit  fait  prendre  au  Confeil  de  Sa  Majeflé  la 
refolution  de  ne  plus  laiffer  déformais  les  Gouverneurs  des  Co¬ 
lonies  plus  de  trois  ans  en  place  ,  de  peur  qu’ils  ne  s’accoûtu- 
maffent  à  regarder  comme  leur  Domaine  un  Pays,  où  ils  au- 
roient  été  trop  lontems  les  Maîtres. 

Les  Loix  generales  ont  leurs  inconveniens  ,  &  ilell  fâcheux 
de  fe  rencontrer  dans  des  circonflances ,  où  il  n’ell  pas  pollible 
de  remédier  par  des  exceptions  %  quelquefois  néceifaires  ,  à  ce 
qu  elles  renferment  de  préjudiciable  au  bien  public.  On  ne 
fçauroit  laiffer  trop  lontems  un  Gouverneur  bien  choifi  à  la  tê¬ 
te  d  un  nouvel  Etabliffement  :  celui,  qui  n’a  point  les  talens,  que 
demande  un  Emploi  de  cette  importance  ,  ou  qui  a  des  qualités 
pernicieufes  au  fervice  de  fon  Prince ,  n’en  fçauroit  être  trop  tôt 
retire  ;  mais  hors  le  cas  d’une  incapacité  marquée  ,  ou  de  la 
re,Çraintt  de  prévarication  ,  il  ne  peut  arriver  rien  de  plus 
nuifible  au  progrès  d’une  Colonie  ,  qui  n’a  pas  encore  des  fon- 
demens  bien  folides  ,  que  de  changer  fi  fouvent  de  Chefs  ;  par 
la  rang  11  que  pour  lui  donner  de  tels  fondemens  il  efl  befoin 
d  une  g?  ande  uniformité  de  conduite  ,  qu’il  faut  fuivre  des  pro¬ 
jets  ,  qui  ne  peuvent  mûrir  ,  ou  s’exécuter  qu’avec  le  tems  , 
&ASu  il  t>fen  rale  qu’un  nouveau  Gouverneur  approuve  les 
vues  de  celui ,  qui  Fa  précédé ,  &  ne  croye  pas  en  avoir  de 
meilleures.  Son  Succeffeur  portera  le  même  jugement  des 
Tome  L  jqn 


1646 . 


M.  de  Mont- 
magny  eft 
rappelle. 


i  6  46* 


Son  cara&é- 
re  &  celui  de 
Ton  Succef- 
feur. 


a8i  histoire  generale 

tiennes  ;  ainfi  à  force  de  recommencer  toujours  ,  une  Colonie 
ne  fortira  jamais  de  l’enfance  ,  ou  n’aura  que  des  progrès  îen 
lents.  Mais  encore  une  fois  il  eft  des  conjonctures  ,  ou  la  pru¬ 
dence  du  Prince"  ne  lui  permet  pas  de  fuivre  le  parti ,  qui  dans 
le  fond  feroit  le  plus  expédient.  Fâcheufe  extrémité  ,  ou  on 
fouvent  réduits  ces  Dieux  de  la  Terre  ,  a  qui  j 

où  ilsfe  trouvent  de  ne  pouvoir  remédier  a  un  mal ,  que  par 
un  autre  eft  bien  propre  à  faire  fentir  leur  foibleile. 

Le  Chevalier  de  Montmagny  n’avoit  donne  dans  aucun i  es. 
travers  dont  je  viens  de  parler  ;  au  contraire  î  avoir  pris  a 
SîSfs  modtlttfur  fol;  Prédtofar ,  &  Umÿ 

fuivre  ,  autant  qu’il  en  avoir  ete :  le  maître ,  le  plan  ,  que  M. 
de  Champlain  avoir  tracé  dans  fes  Mémoires.  Auffi  eft-il  cer 
tain  que  fi  la  Compagnie  du  Canada  1  eut  féconde  ,  il  eut  m 
cetteqColonie  fur  un  très-bon  pied  ,  &  qu’on  lui  devoir  çav 
fort  bon  eré  de  l’avoir  foûtenue  ,  comme  il  avoir  fait ,  avec 
fi  peu  de  forces.  D’ailleurs  fa  conduite  fut  toujours  fi  e«mplai-  ( 
re  ,  &  il  fit  paroître  en  toute  occafion  tant  de  fageffe  ’  «e  pie  » 

_ ^  Zr  A*  Aéfin epraffement  ;  il  s  épargna  fi  peu  ,  quana 

OIS  ,  &T 


il  fçut  fl  bien  conferver  la  dignité  dans  les  conjonfctur. es  les 
plus  délicates  ,  qu’il  fe  fit  également  chérir  &  refpe  ^ 
cois  &  des  Sauvages  ,  &  que  la  Cour  merno  pr  p  J 
tems  aux  Gouverneurs  des  nouvelles  Colonies  ,  comme  un  mo¬ 
dèle,  qu’ils  ne  pouvoient  trop  étudier.  '  « 

Son  Succeffeur  étoit  un  Homme  de  bien  «mob  de  reli¬ 
gion  &  de  bonne  volonté.  Il  avoit  ete  de  a  °C1  j 

real ,  toute  compofée  de  perfonnes  pieufes  &  «te  pour  la 
converfion  des  Infidèles  ;  il  avoir  commande  dans  cette  I  p 

dant  un  voyage ,  que  M.  de  Maifonneuve  avoir  ete  oblige  de 
foire  en  France  ; ’d?-là  il  étoit  paffé  au  Gouvernement  deÆo» 

Rivières  ;  ainfi  il  connoiffoit  parfaitement  le  Canada,  il  n 
ignoroit  pas  les  befoins  ,&  .1  ne  négligea  rien  de  out  ce  qu 
cfépendoit  de  lui  pour  y  pourvoir  ;  mais  comme  il  ne  fut  pa 
mieux  fervi  que  ceux ,  qui  l’avo.ent  précédé  ,  la  Nouvelle  Fran 
ce  continua  fous  fon  Gouvernement  deffuyer  des  malheurs,. 

qu’on  ne  fçauroit  lui  imputer  fans  înjultice- 


#  #  #■ 


*: 


eMÎM-  ••  tA*/îrL*fe>: tüfc-îcA** cM^f^-CUfe/s  Aifc^fN&A: cVife*  * cv*^, 

%H*  HH*  *M*  stfr  .«H*  '$¥  ^  &f*  ^H*  **£  ’M-  #£  &f  «H* 3H*  'fft  i$f  .-<*f 

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c*^v  ,  -»'^»v5  v^vîÿv  vïjfv  4vv^v  ^.w  c^v*  -<^y 


HISTOIRE 


DESCRIPTION  GENERALE 

DELA 

NOUVELLE  FRANCE. 


LIVRE  SEPTIEME- 


Mv1'  W  M/.m/  M/  aü 


U  E  B  E  C  ,  &  toutes  les  Habitations  Fran- 
çoifes  étoient  alors  affez  tranquilles ,  &  les 
Sauvages  domiciliés  parmi  nous  ,  ou  qui  ve- 
noient  y  trafiquer  ,  profitoient  de  ce  calme. 
Le  commerce  rouloit  principalement  fur  la 
Pelleterie ,  &  c’étoit  furtout  aux  Trois  Ri¬ 
vières  &  à  Tadouffac ,  que  les  Sauvages  fe 


rendoient  pour  la  Traitte.  La  plûpart  venoient  des  quartiers 
du  Nord  ,  &  on  les  infiruifoit  des  vérités  Chrétiennes  ;  ils  les 
communiquoient  à  leurs  voifins  ,  &  ils  ne  manqu oient  jamais 
de  revenir  avec  des  Profelytes ,  qu’on  achevoit  de  difpofer  au 
Baptême.  Sylleri  croiffoit  aufii  tous  les  jours  en  Habitans  & 
en  terveur  ;  mais  TEglife  Huronne  ,  quoique  la  plus  nombreu- 
fe  de  toutes ,  &  la  plus  féconde  en  grands  exemples  de  ver¬ 
tus  ,  etoit  pour  les  Ouvriers  Evangéliques  une  fource  conti¬ 
nuelle  d’inquiétude  &  d’allarmes. 

Toutefois  cette  même  année  1648.  il  parut  quelque  nou¬ 
veau  rayon  d’efperance  que  les  Hurons  &  les  Iroquois  fe  rap-  ™anœu^ 
procheroient.  Les  Andajîes  ,  ou  AndaJIoe ^  5  Peuple  alors  puif-  iluom’ 
iant  &  belliqueux  ,  avoient  envoyé  offrir  du  fecours  aux  pre- 

Nnij 


Maimife 
manœuvre  des 


iS4  histoire  generale 

T  6  TF  mi  ers ,  qui  dans  le  même  tems  eurent  quelques  avantages  af- 
4  fefcon^derables  fur  leurs  Ennemis.  L’occafion  eto.t  belle  pour 
reprendre  fur  les  Iroquois  la  fupériorité  ,  qu’ils  avo.ent  eue  au¬ 
trefois;  mais  ils  ne  voulurent  en  profiter ,  que  pour  fe  mettre 
en  état  de  parvenir  à  une  bonne  patx  ,  &  parce  qu  ils  n  - 
voient  pas  pris  les  moyens  les  plus  surs  pour  y  reuffir,  q 
étoit  de  le  bien  préparer  à  la  guerre  ,  ils  furent  les  dupes  de  la 

mauvaife  foi  &  des  artifices  de  leurs  Ennemis. 

Il  y  a  même  bien  de  l’apparence  quils  remercièrent  les  An 
daftes ,  ou  du  moins  qu’ils  ne  firent  pas  ce  qu  ils  dévoient  pour 
profiter  des  offres  de  cette  Nation  ,  &  en  effet  ,e  ne  trouve  au^ 
cune  expédition  de  ces  Sauvages  en  leur  faveur .  Aln“  ^  P 
grande  confiance  des  Hurons  lut  proprement  ce  qui  commen¬ 
ça  de  les  affaiblir  ,  &  ce  qui  acheva  de  les  perdre  ;  car  tandis 
qu  ik  s’amufoient  à  négocier  avec  les  Onnontagues ,  les.  Ag 
niers  &  les  Tfonnonthouans  tombèrent  a  1  împrovite  fur  deux 
orands  Partis  de  chaffe  de  la  Bourgade  de  S.  Ignace  ,  ^ les 
Srent  entièrement.  On  fut  enfuite  quelque  teins  fans  entendr^ 
païer  ff aucune  hoftd.té  ,  &  il  n’en  Vallut  pas  davantap  pour 
replonger  les  Hurons  dans  leur  première  fecurite.  C  eit  ce 
ouavofent  prétendu  les  Agniers  :  ils  armèrent  fecrettement , 
t  pamrëntPen  campagne^u  côté  ,  où  on  les  attendoit  le 

moins 


Une  Bourga-  '^LcP.  Antoine  Daniel  cultivoit  feultoutun  Cantotu&far 
ie. Huronnc  r  ■  fa  réfidence  ordinaire  dans  la  Bourgade  de  b.  Joiep  , 
îes“‘ Ag-  première  ,  où  l’on  avoit  entrepris  d’établir  EvanS'leù  ^  ^ 
»icre.  triéme  de  Juillet  de  grand  matin  ,  pendant  q  rn„Æ  , 

célébroit  les  SS.  Myneres ,  il  entendit  un  bruit  confos  de 
Gens ,  qui  couroient  de  toutes  parts  en  criant ,  On  nous  tue. 
H  n’y  avoit  guéres  alors  dans  ce  Village  que  des  Vieillards 
des  Femmes  &  des  Enfans  :  l’Ennemi  en  eto.t  informe  ,  il  avoit 

fait  fes  approches  pendant  la  nuit ,  &  i  fit  fon  attaffu®  *u  f?' 
du  iour  Au  premier  lignai ,  que  donnèrent  les  cris  des  M 
fans ,  k  ChaPpellefe  trouva  vu.de  ,  le  Prêtre  n’eut  nue  le  tems 
d’achever  le  Sacrifice  ,  de  quitter  fes  habits  Sacerdotaux  , 
les  enfermer  avec  les  Vafes  facrés  ,  &  de  courir  a  lendroit,  don 

“s  qLfdyfut  arrivé  ,  le  fpeRacle  le  plus  trille  &  le  fjlus  af¬ 
freux  s’offrit  à  fes  yeux  ;  fes  chers  Néophytes  maffaerts 

.  pi?  minmp  une  trouppe  de  Loups  arrames  * 


ireux  s  onru  a  îcb  y  cua.  ^  *  — r  j  ,  T 

réfiftanee  ;  l’Ennemi ,  comme  une  trouppe  de  Loup: 
oui  a  trouvé  la  bergerie  ouverte  3  ne  faifant  quartier 


ni  a 


l’àee- 


\ 


DE  LANOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  285 
le  plus  tendre  ,  ni  au  fexe  le  plus  foible  :  des  Vieillards  pref-  — g — 

que  décrépites  cherchant  un  refie  de  force  dans  le  défefpoir,  ^ 
oc  combattant  fans  aucune  apparence  de  vaincre  :  perfonne 
en  état  de  faire  affez  d’effort  pour  arrêter  la  première  fougue 
des  Affaillans.  Il  s’approcha  de  ceux ,  qui  paroiffoient  vouloir 
du  moins  mourir  les  armes  à  la  main  ,  8c  les  avertit  de  fe  fou- 
venir  que  ces  Ennemis ,  qui  pouvoient  leur  ôter  la  vie  du  corps  , 
n’avoient  aucun  pouvoir  fur  leurs  âmes  ,  8c  que  pour  Téternité' 
tout  dépendoit  de  mourir  dans  les  fentimens  ,  qu’il  leur  avoit 
fi  fouvent  infpirés. 

Il  fe  vit  en  même  tems  environné  de  Femmes  8c  d’Enfans , 
que  l’on  pourfoivoit  la  hache  à  la  main  ,  8c  qui  le  conjuroient 
d’avoir  pitié  d’eux.  Des  Infidèles  mêmes,  dont  il  n’a  voit  encore 
pu  vaincre  l’obftination  ,  fe  jetterent  à  fes  pieds  ,  8c  lui  deman¬ 
dèrent  le  Baptême.  Il  n’y  avoit  pas  un  moment  à  perdre  ;  l’Hom¬ 
me  Apoftolique  exhorta  en  peu  de  mots  les  uns  &  les  autres  à 
demander  à  Dieu  pardon  de  leurs  péchés  ,  enfuite  il  trempa  un 
mouchoir  dans  de  l’eau  ,  &  baptîfa  par  afperfion  ceux  ,  qui  fe 
préfentoient  pour  recevoir  le  Sacrement.  Dans  ce  moment  les 
Palilfades  furent  forcées  par  tout  ,  &  le  fang  3  qui  couloit  au¬ 
tour  de  toutes  les  Cabannes  8c  dans  la  Place  ,  infpirant  une 
nouvelle  foreur  aux  Vi&orieux ,  on  ne  vit  prefque  plus  que  des 
Morts  8c  des  Mourans. 

Ceux  ,  à  qui  lage  8c  les  forces  permettoient de  chercher  leur  Mon héroï- 
falut  dans  la  fuite  ,  firent  alors  au  Millionnaire  les  inflances  q?c  du  p- Da- 
les  plus  vives  pour  l’engager  à  fe  fauver  avec  eux  ;  mais  il  le  meI> 
refofa  conflamment ,  8c  fe  reffouvenant  de  quelques  Malades  , 
dont  il  avoit  différé  le  Baptême  ,  il  courut  dans  leurs  Caban¬ 
nes  ,  8c  les  baptifa  ;  il  rentra  enfuite  dans  la  Chapelle ,  pour  en 
tirer  les  Vafes  fàerés  ,  8c  les  mettre  en  lieu  sûr  ,  auffi-bien  que 
les  Ornemens  d’ Autel.  Il  donna  une  abfolution  générale  à  quel¬ 
ques-uns  ,  qui  l’y  étoient  venu  trouver  ;  après  quoi  il  ne  fongea 
plus  qu’à  faire  à  Dieu  le  facrifice  de  fa  vie.  ° 

Les  Iroquois  de  leur  côté  ne  trouvant  plus  perfonne  ,  qui 
leur  réfiflât ,  mirent  le  feu  aux  Cabannes  ,  &  s’approchèrent 
de  la  Chapelle  ,  pouffant  des  cris  affreux.  Le  Serviteur  de  Dieu , 
qui  les  vit  venir  ,  exhorta  tous  ceux,  qui  reftoient  auprès  de 
lui  à  gagner  le  Bois ,  8c  pour  leur  en  donner  le  loifir  ,  il  fortit 
au  devant  de  l’Ennemi.  Une  fi  grande  réfolution  étonna  les 
Barbares  ,  8c  les  fit  reculer  de  quelques  pas.  Revenus  de  leur 
épouvante  ,  ils  environnèrent  le  St,  Homme  ,  &  n’ofant  encore 


1648- 


Négociations 
fans  fruit  avec 
le  Nouvelle 
Angleterre. 


1%6  histoire  generale 

l’approcher  ,  quoiqu’il  fût  feul  &  fans  armes ,  ils  le  percerent 
de  flèches.  Il  en  était  tout  hériffé  ,  qu’il  parloir  encore  avec 
une  aftion  furprénante,  tantôt  a  Dieu,  a  qui  il  offroit  fon 
fane  ,  répandu  pour  le  Trouppeau  ,  dont  il  lui  ayo.t  confie  la 
parle  :  tantôt  à  les  Meurtriers  ,  àqu  il  reprochent  leur  perfi- 
lie  ,  &  qu’il  menaçoit  de  la  colere  du  Ciel ,  en  les  affurant 
néanmoins  qu’ils  trouveroient  toujours  le  Seigneur  difpofe  a  les 
recevoir  en  grâce  ,  s’ils  avoient  recours  a  la  clemence. 

Enfin  tildes  plus  réfolus  s’avança  ,  lui  perça  la  poitrine 
d’une  efpéce  de  Pertuifane  ,  &  le  fit  tomber  mort  a  fes  pieds. 
Tous  fe  jetterent  auffi-tôt  fur  fon  corps ,  &  il  n  y  eut  aucun  de 
ces  Furieux ,  qui  ne  voulût  tremper  fes  mains  dans  fon  fang. 
Ils  le  dépouillèrent  enfuite.,  &  commirent  fur  ce  cadavre  dé¬ 
chiré  &  fanglant  mille  indignités ,  puis  le  jetterent  dans  la 
Chapelle,  qui  étoit  déjà  toute  en  feu.  La  Nation  Huronne  fut 
inconfolable  de  la  mort  de  ce  Miffionnaire  ;  &  il  n  y  eut  perfon- 
ne  dans  la  Colonie ,  qui  ne  le  révérât  comme  une  viftime  de 
la  plus  héroïque  charité.  Sept-cent  perfonnes  périrent  dans  ce 
défaftre  &  la  Bourgade  de  S.  Jofeph  nefe  rétablit  plus.  Ceux, 

qui  échaperent  ,&  ceux ,  qui  étoient  abfens  fe  refueierem  a 

celle  de  Sainte  Marie  ,  qui  étoit  comme  la  Métropole  c lu Pays , 
OÙ  ils  furent  affez  tranquilles  le  refie  de  cette  annee  ,  &  julqu 

p,1î"“  pàdfrïf„én,..«», ,«  «**»***£ 

Hurons ,  on  vit  arriver  à  Quebec  ,  non  fans  quelque  etonne- 
ment  url  Envoyé  de  la  Nouvelle  Angleterre  ,  charge  e pr 
pofertme  alliance  éternelle  entre  les  deux  Colonies  ind - 
pendemment  de  toutes  les  ruptures ,  qui  pourraient  fu 
entre  les  deux  Couronnes.  M.  dAUebout  trouva  la  propofi 
don  avantageufe  ,  &  de  l’avis  de  fon  Confeil  députa  a  Ballon 
le  P.  Dreuiflettes ,  en  qualité  de  Plénipotentiaire  ,  P°ul  C01T 
chirre  &  figner  le  Traitté  ;  mais  à  condition 1  que Tes  Anglois  fe 
joindraient  à  nous  pour  faire  la  guerre  aux  Iroquois. 

Je  ne  fçai  pas  au  jufte  quel  fut  alors  le  fucces  de  cePre™ 
voyage  du  IViiffionnaire  ;  ce  qui  eft  certain  ,  c  eft  que  la  négo¬ 
ciation  ,  après  avoir  langui  quelque  tems ,  fut  repnfe  avec  pl 

de  chaleur  en  1651.  C’eft  ce  que  prouvent  les  Plecfs 
tes ,  que  l’on  gareje  au  dépôt  de  la  Marine  ,  &  que  jai  cru  de 
voir  tranferire  ici  ,  parce  que  ce  font  les  feuls  Mémoires, 
que  j’aye  pu  découvrir  touchant  cette  affaire.  La  ^  ,. 

eft  une  Lettre  écritte  par  le  Confeil  de  Quebec  aux  C  J 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  287 

jionnaires  de  la  Nouvelle  Angleterre  ,  &  dont  voici  les  pro-  “ 
près  termes. 

»  Meilleurs  ,  il  y  a  déjà  quelques  années  ,  que  Meilleurs  de  « 
Ballon  nous  ayant  propofé  de  lier  le  commerce  entre  la  Nou-  « 
velle  France  &  la  Nouvelle  Angleterre  ,  le  Confeil  établi  par  « 
Sa  Majefté  en  ce  Pays  ,  joignit  fes  réponfes  aux  Lettres  ,  que  “ 
Moniteur  notre  Gouverneur  avoit  écrites  en  vos  Quartiers,  dont  " 
la  teneur  étoit ,  que  volontiers  nous  fouhaiterions  ce  commer-  * 
ce  ,  &  enfemble  l’union  des  cœurs  &  des  efprits  entre  nos  Co-  « 
lonies  &  les  vôtres  ;  mais  que  nous  délirions  en  même  tems  « 
entrer  en  une  Ligue  offenlive  &  défenlive  avec  vous  contre  « 
les  Iroquois  ,  nos  Ennemis  ,  qui  nous  empêcheroient  ce  com-  « 
mer  ce  ,  ou  du  moins  le  rendraient  moins  avantageux  ,  &  pour  « 
vous  &  pour  nous.  L’obligation  ,  qu’il  nous  femble  ,  que  vous  « 
devez  avoir  à  réprimer  l’infolence  de  ces  Sauvages  Iroquois ,  « 
qui  tuent  les  Sokokinois  &  les  Abénaquinois  ,  vos  Alliés  ,  &  « 
montre  la  facilité ,  que  vous  pouvez  avoir  dans  cette  guerre ,  en  " 
nous  y  prenant  comme  il  faut ,  font  deux  railons  ,  qui  nous  ont  « 
invite  à  pourfuivre  cette  affaire  avec  vous  dans  votre  Cour  « 
des  Com  millionnaires.  Nous  avons  lupplié  Monbeur  notre  (< 
Gouverneur  de  vous  en  écrire  efficacement  ;  celle-ci  eft  pour  « 
joindre  nos  diligences  aux  bennes  ,  &  pour  vous  alfûrer  de  la  « 
dilpobtion  de  nos  cœurs,  &  de  tous  ceux  de  la  Nouvelle  France  « 
pour  ce  commerce  avec  la  Nouvelle  Angleterre  ,  &  pour  les 
delfeins  de  cette  guerre  contre  les  Iroquois ,  qui  doivent  être  nos  “ 
communs  Ennemis.  Outre  le  Sieur  de  Dreuillettes  ,  qui  cet  « 
hyver  a  déjà  commencé  de  négocier  pour  cette  affaire  ,  nous  « 
avons  été  bien  ailes  que  le  Sieur  Godefroy  ,  Confeiller  de  no-  « 
i  tre  Corps  9  ait  ete  de  la  partie.  Le  mérite  de  ces  deux  Dépu-  «■ 
tes  nous  fait  efperer  une  heureufe  ilfuë  de  ce  delfein  ;  ils  font  « 
chargés  des  pouvoirs  nécelfaires  pour  cet  effet  :  c’eft-à-dire ,  « 
tant  pour  nouer  efficacement  le  commerce  entre  vous  &  nous  ,  « 
que  pour  vous  foulager  des  dépenfes  ,  qu’il  fera  néceffaire  de  « 
famé  pour  la  guerre  ,  dont  eft  quebion  contre  les  Sauvages  « 
iroquois.  Nous  vous  fupplions  de  les  écouter,  &  d’affir  avec  « 
eux  ,  comme  vous  feriez  avec  nous  ,  dans  la  franchife  ,  qui  eh  « 
naturelle  aux  Anglois  ,  autant  qu’à  nous  autres  François.  Nous  « 
ne  pouvons  douter  que  Dieu  ne  béniffe  vos  armes  &  les  nô-  «■ 
très  ,  puifqu’elles  feront  employées  pour  la  défenfe  des  Sauva-  « 
ges  Chrétiens  ,  tant  vos  Alliés ,  que  les  nôtres  ,  contre  des  Bar-  « 
bares  Infidèles ,  qui  11’ont  ni  foi  ,.ni  Dieu  ,  ni  aucune  juhice  en  «• 


1648. 


2gg  HISTOIRE  generale 

7,  leur  procédé  ,  comme  vous  pourrez  l’apprendre  plus  au  long 
defdits  Sieurs,  nos  Députés  ,  qui  vous  aflureront  du  defir  fin- 
l  Se  ,  que  nous  avons ,  que  le  Ciel  aille  toujours  bemffant  vos 
Provinces  &  vous  comble  de  fes  faveurs  ,  Meilleurs.  Fait  en 
”  la  Chambre  du  Confeii  établi  par  le  Roy  à  Quebec  en  la  Nou- 
„  velle  France,  ce  vintiéme  de  Juin  mil  fix-cent  cinquante-un. 

La  fécondé  regarde  la  nomination  du  Sieur  Godefroy ,  pour 
traitter  conjointement  avec  le  P.  Dreuillettes  ,  &  porte  en  ti¬ 
tre  :  Extrait  des  Regi/lres  de  l’ancien  .fonfeil  de  ce  Pays  ,  du 

vintiéme  jour  de  Juin  16^1.  La  voici.  <  v  /r/i» 

„  Le  Confeii  affemblé  à  neuf  heures  du  matin ,  ou  ont  affilie 

»,  Monfieur  le  Gouverneur  ,  le  R.  P.  Supérieur  ,  MM.  de  Mau- 

»  ze  de  Godefroy ,  &  Menoil  ,  fur  la  propofition  farte  au 
»  Confeii,  touchant  certaine  refcnption,  faite  par  MM.  du 
»  Confeii  en  l’année  1648.  à  Meilleurs  les  Commiffionnaires  des 
»  Etats  de  la  Nouvelle  Angleterre  ,  a  f  ,Su"nlonntutAta‘f® 

»  les  Colonies  de  la  Nouvelle  France  &  la  Nouvelle  Angleterre  , 

»  pour  faire  le  commerce  enfemble.  Le  Confeii  voulant  fatisfa  - 
re  à  leur  demande,  a  fait  &  fan  nomination  du  Sieur  Gode- 

»  froy  l’un  des  Confeillers  du  Confeii  établi  par  Sa  Majelleen 
»  ce  Lys  pour  fe  tranfporter ,  avec  le  R.  P.  Dreuillettes ,  en 
»  ladite  Nouvelle  Angleterre  vers  lefdits  Sieurs  Com“!®°n"a£ 

»  res  ,  pour  traiter  &  agir  avec  eux  ,  fuivant  le  pouvoir  a  eux 

»  donné  par  Meffieurs  du  Confeii,  dont  copie  e  . 

>»  fe  ;  comme  auffi  copie  de  la  Lettre  ecritte  aufdits  Sieurs  les 

«  Commiffionnaires  de  la  Nouvelle  Angleterre  par  Meffieurs  du 

».  Confeii.  Et  quant  aux  marchandées  apportées  par  un  nomm 
»  Thomas  Yoft  ,  fur  l’affûrance  &  la  bonne  foi  du  R.  P.  Dreuil 
».  Jettes  ,  le  Confeii  a  délibéré  qu’il  ferait  envoyé  audeyant  de 
„  lui ,  &  ce  pour  lui  défigner  lieu  ,  où  il  pourra  livrer  icelles , 

„  Louis  d’Aiï-leboust  ,  Lieutenant  General  pour  le  Roy , 

„  Gouverneur  de  toute  la  Nouvelle  France  ,  &c.  S,ALUT’ 
été  prié  &  follicité  ,  tant  par  les  Sauvages  Chrétiens ,  depen 
”  dans  de  notre  Gouvernement ,  que  par  les  Abenaquinois ,  de 
:  meurans  fur  la  Rivière  de  Kinibeaiu  &  autres  leurs  Allies , 
de  les  protéger  contre  l’mvafion  des  Iroquois ,  leuis  En 
”  communs ,  ainfi qu’il  avoit  été  ci-devant  pratique  parle  Sieur 
:  de  Montmagny  ,  notre  Prédéceffeur  en  ce  Gouvernement^ 
„  &  nous  ayant  de  nouveau  remontre  que  toutes  eur 
„  s’en  aboient  être  entièrement  detruittes ,  fi  bientôt^  noi^^  y 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  289 

apportions  le  remede.  Nous ,  à  ces  caufes  ,  &  pour  le  bien  de 
cette  Colonie  ,  &  fui  vaut  les  ordres  particuliers  ,  qui  nous  ont 
été  donnés  de  la  part  de  la  Reine  Regente  ,  Mere  du  Roy  , 
de  protéger  les  Sauvages  contre  leurs  dits  Ennemis ,  avons  dé¬ 
puté  &  députons  ,  de  l’avis  du  Confeil  établi  en  ce  Pays ,  & 
d’aucuns  des  plus  notables  Habitans  ,  les  Sieurs  Gabriel  Dreuil- 
lettes ,  Prédicateur  de  l’Evangile  aux  Nations  Sauvages ,  & 
Jean  Godefroy  ,  l’un  des  Confeillers  dudit  Confeil ,  Ambaf- 
fadeurs  pour  eux  envers  Meilleurs  de  la  Nouvelle  Angleterre  , 
pour  traiter ,  foit  avec  Meilleurs  les  Gouverneurs  &  Magis¬ 
trats  de  la  Nouvelle  Angleterre  ,  foit  à  la  Cour  Générale  des 
Commilîionnaires  &  Députés  des  Colonies  Unies  ,  pour  le  fe- 
cours  d’Hommes  ,  &  de  munitions  de  guerre  &  de  bouche  , 
pour  attaquer  par  les  lieux  les  plus  propres  &  commodes  lef- 
dits  Iroquois  ;  comme  aulîi  pour  convenir  des  articles  ,  qui 
feront  effimés  néceffaires ,  pour  affûrance  de  ce  Traité;  & 
pour  accorder  aufdits  Sieurs  de  la  Nouvelle  Angleterre  ,  le 
commerce  ,  qu’ils  ont  fouhaité  de  nous  par  leurs  Lettres  de 
l’année  1647.-  avec  les  articles,  claufes  &  conditions  ,  qu’ils 
verront  y  faire  de  befoin  ,  attendant  l’arrivée  de  l’Ambaffa- 
deur  ,  que  nous  envoyerons  de  notre  part ,  pour  ratifier  &  ar¬ 
rêter  en  derniere  fin  ce  qu’ils  auront  accordé.  Si  prions  tous 
Gouverneurs  ,  Lieutenans  Généraux  ,  Capitaines  &  autres  , 
de  laiffer  librement  paffer  ,  &c. 

Il  y  a  bien  de  l’apparence  que  ce  fut  la  condition  de  faire  la 
guerre  aux  Iroquois  ,  qui  rompit  la  négociation  ,  &  c’étoit  en 
effet  exiger  beaucoup  des  Anglois  ,  affez  éloignés  des  Iroquois 
pour  n’en  avoir  rien  à  craindre  ,  &  uniquement  occupés  de 
leur  commerce,  &  de  la  culture  des  Terres.  Ce  qui  eff  cer¬ 
tain,  c’efl:  que  l’alliance  ne  fe  fit  pas ,  du  moins  fur  le  pied,  qu’elle 
avoit  été  propofée.  D’autre  part  les  Iroquois  ayant  été  plus  de 
fix  mois  (ans  rien  entreprendre  ,  les  Sauvages  oublièrent  en¬ 
core  une  fois  qu’ils  avoient  à  faire  à  un  Ennemi ,  contre  le¬ 
quel  011  ne  devoit  pas  ceffer  un  feul  jour  d’être  fur  fes  gardes. 

Par  raport  aux  Hurons  ,  ce  n’étoit  pas  la  faute  de  leurs  Mif- 
fionnaires  ,  s’ils  s’endormoient  de  la  forte  ;  mais  ces  Religieux 
ne  pouvant  gagner  fur  leurs  Néophytes  qu’ils  priflent  pour 
leur  sûreté  les  précautions  ,  que  la  prudence  exigeoit ,  redou¬ 
blèrent  leurs  foins  pour  achever  de  les  fanclifier  ,  &  pour  les 
préparer  à  tout  ce  qui  pouvoit  arriver.  Ils  les  trouvèrent  fur  cet 
Article  d’une  docilité  parfaite  ;  ils  n’eurent  aucune  peine  à  les 
Tome  /.  Oo 


u  1648. 
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Indolence 
des  Huions. 


I 


i  6  49' 


200  HISTOIRE  generale 

-  faire  entrer  dans  les  fentimens  les  plus  convenables  à  latnfte  fi- 

1648.  tl]at;on  où  ils  fe  reduifoient  eux-mêmes  par  une  indolence 
&  un  aveuglement  ,  qu’on  ne  pouvoit  comprendre  ,  &  qui 
na  peut-être  point  d’exemple  dans  lHifioire.  Ce  qui  conlo- 
loit  les  Pafteurs  ,  c’efi  qu’ils  les  voy oient  dans  loccalion  bra¬ 
ver  la  mort  avec  un  courage  ,  qui  les  ammoit  eux -  memes  a 
mourir  en  Kéros  Chrétiens.  Le  P.  Jogues  &  le  P.  Daniel  eu¬ 
rent  bientôt  des  Imitateurs  ,  qui  achevèrent  de  donner  aux  bail- 
vases  Chrétiens  une  grande  idée  de  leur  zele  &  de  leur  con- 
Deux  Bom--  a  ,  f  j  j,  de  Mars  de  l’annee  1649.  un -Parti  de  mil  le 

œ  froquois  toX  brufquement  avant  le  jour  fur  la  Bourgade 
par  les  iro-  1  q  Dnace  ;  elle  étoit  affez  bien  fortifiée  contre  des  Sauva 
w'°is-  ges  ,  mils  il  ne  s’y  trouvoit  alors  que  quatre-cent  Perfonnes , 

&  on  n’y  faifoit  point  de  garde  :  auffiles  Affaillans  n  eurent-ils 
point  d’autre  peine  ,  que  celle  de  mettre  le  feu  aux  Paliflades, 
&  d’égorger  des  Gens ,  dont  les  uns  etoient  endormis ,  &  les 
autres  n’eurent  pas  le  tems  de  fe  reconnoître.  Une  fe  fauva  que 
trois  Hommes  ,  &  ils  allèrent  donner  1  allarme  a  S.  Louis ,  qui- 

n’étoit  pas  éloigne.  r  1  -n  •  • 

.Auffitotles  Femmes  &  les  Enfans  s  enfument .dans  les  Bois , 

&  il  ne  refia  que  quatre-vmt  Hommes  ,  bien  refolus  a  le  defen- 
dre  iufqu’à  la  mort ,  &  qui  auroient  mieux  fait  de  fe  refer  ver 
pour  une  meilleure  occafion.  Il  eft  vrai  que  cette  Bourgade 
avoit  un  affez  bon  Retranchement  ,  &  que  es  premières  ap¬ 
proches  de  l’Ennemi ,  qui  avoit  fuivi  de  près  les  trois  Fuyards  f 
lui  coûtèrent  cher.  Il  fut  même  repouffe  jufqu  a  deux  fois  ,  mais 
à  la  faveur  d’un  grand  feu  de  moufqueterie ,  qui  abbattit  les  plus 
braves  des  Affiegés  ,  un  gros  d’Iroquois  s’attacha  a  un  endroit 
de  la  Paliffade  ,  y  fit  brèche,  entra  dans  le  Retranchement  , 
&  y  introduifit  toute  la  Trouppe  :  ce  ne  fut  plus  alors  qu  une 
boucherie  ,  &  tous  les  Hurons.  furent  bientôt  mis  hors  de  com¬ 
mis  avoient  avec  eux  les  PP.  Jean  de  Brebeuf  &  Gabriel 
Lallemant ,  Neveu  des  PP.  Charles  &  Jerome  Lallemant ,  dont 
nous  avons  parlé  ;  &  ils  n’avoient  pu  engager  m  1  un  ml  autre 
àfe  mettre  en  lieu  de  sûreté.  Il  eût  pourtant  ete  mieux  quilsie 
fuffent  partagés ,  &  que  le  P.  de  Brebeuf  eût  ufe  de  fon  autori¬ 
té  pour  obliger  fon  Compagnon  de  fuivre  ceux ,  qui  avoient 
pris  la  fuite  ;  mais  l’exemple  tout  recent  du  P.  Daniel ,  8,  le  dan¬ 
ger  ,  où  étoient  un  grand  nombre  de  Catechumenes  de  mou¬ 
rir  fans  Baptême,  leur  firent  croire  à  tous  les  deux  qu  ils  ne  üe- 


Les  PP.  de 

B  rebeuf  3 c 
I  allemant 
fout  pris. 


» 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  291 
voient  pas  défemparer.  Ils  prirent  donc  leur  polie  chacun  aune  —  - 
des  extrémités  de  l’attaque  ,  &  ils  furent  toujours  aux  endroits  1  6  4  9- 
les  plus  expofés  ,  uniquement  occupés  à  baptifer  des  Mourans  , 

<k  à  encourager  les  Combattais  à  n’avoir  que  Dieu  en  vue. 

Enfin  tous  les  Hurons  furent  tués  ou  pris ,  &  les  deux  Mil¬ 
lionnaires  furent  du  nombre  des  derniers.  Les  Vainqueurs  mi¬ 
rent  enfuite  le  feu  aux  Cabannes ,  &  reprirent  avec  les  Prifon- 
niers  &  tout  le  butin  ,  le  chemin  de  S.  Ignace,  où  ils  avoient 
laiffé  leurs  provifions  ,  &  un  Corps  de  referve  ,  pour  s’affûrer 
la  retraitte  en  cas  de  difgrace.  Comme  au  bruit  de  ces  deux 
attaques  plufieurs  Guerriers  Hurons  étoient  accourus ,  les  deux 
jours  fuivans  fe  p afferent  en  petits  combats ,  dont  la  fortune  fut 
affez  diverfe  ,  &  furtout  auprès  de  Sainte  Marie  ,  qui  n’étoit 
qu’à  une  lieue  de  Saint  Louis. 

Cette  Bourgade  etoit  fort  peuplée,  plufieurs  François  y  de-  Divers  com 
meuroient  avec  les  Millionnaires  ,  &  on  y  avoit  toujours  fait  bats/ 
affez  bonne  garde.  Deux-cent  Iroquois  11e  laifferent  pas  de  s’en 
approcher  le  dix-fept ,  pour  voir  quelle  contenance  on  y  fai- 
foit ,  mais  s’étant  un  peu  trop  avancés  ,  ils  tombèrent  dans  une 
embufeade  ;  on  en  tua  un  grand  nombre  ,  plufieurs  furent  pris  , 

&  on pourfuivit  le  reffe  jufqua  Saint  Louis  ,  où  le  gros  du  Par¬ 
ti  s  etoit  cantonne.  Les  Hurons  ne  le  fçavoient  pas  ,  &  furent 
Surpris  à  leur  tour  :  lorfqu’ils  y  penfoient  le  moins  ,  iis  fe  virent 
fept  ou  huit  cent  Hommes  fur  les  bras  ,  &  nul  moyen  d’écfia- 
per.  Ils  ne  perdirent  pourtant  pas  courage  ,  on  fe  battit  tout  le 
jour  9  &  malgré  l’inégalité  du  nombre,  l’avantage  fut  lontems 
du  cote  des  Hurons.  Mais  enfin  accablés  de  lalîitude  ,  ne  pou¬ 
vant  plus  tenir  leurs  armes ,  réduits  à  une  poignée  d’Hommes  , 
la  plupart  étant  bleffes ,  ils  furent  tous  faits  Prifonniers. 

C  etoit  tout  ce  quil  y  avoit  de  plus  brave  dans  la  Nation  , 

&  la  confternation  fut  grande  à  Sainte  Marie  quand  on  y  ap- 
pnt  leur  défaite.  On  y  craignit  même  de  ne  pouvoir  pas  foû- 
terJir  9  ^  ^  Ennemi  le  tentoit ,  &  tout  le  jour  fuivant  fe 

palia  dans  ces  cruelles  allarmes ,  d’autant  plus  que  les  Iroquois 
setoient  déjà  rapprochés.  Pour  éviter  le  malheur,  dont  on 
etoit  menace  ,  on  eut  recours  au  Ciel ,  &  on  s’adreffa  à  Saint 
Joieph  ,  dont  on  devoitcelebrerlaFêtele  lendemain.  Les  vœux 
de  cette  multitude  affligée  furent  écoutés  ,  le  dix-neuf  au  ma¬ 
tin  on  eut  avis  que  les  Iroquois  s’étoient  retirés  en  défordre 
comme  s’ils  euffent  été  faifis  d’une  terreur  panique.  Mais  la  joye* 
que  caufa  une  retraitte  fi  fubite  ,  fut  bientôt  changée  en  deuil 

O  o  i  j 


ï  6  4  9  ■ 


Les  PP. 

Brebeuf  & 
Lallemant 
font  brûlés 


de 


HISTOIRE  generale 

X 'les  affligeantes  nouvelles  qu’on  apprit  des  deux  Million- 

npir-s  QUI  avoient  été  pris  le  feizieme.  _ 

De  S‘‘ Ignace,  où  j’ai  dit  qu’on  les  avoit :  conduits  d  abord  , 

ils^avoient  &été  ramenés  à  St.  Louis ,  &  ils  y  furent  reçus ,  corn-- 
on  a  coutume  de  recevoir  les  Prifonmers  de  guerre  ;  on  les 
épargna  même  d’autant  moins  ,  que  leur  procès  etoit  fait ,  & 
nu’on  avoit  réfolu  de  ne  les  pas  mener  plus  loin.  Le  P.  de  Bie- 
lleuf  que  vint  années  de  travaux  ,  les  plus  capables  de  faire 
inonrirtous  les  fentimens  naturels,  un  caracfere  d  efprit  d  t 
fermeté  à  l’épreuve  de  tout  ;  une  vertu  nourrie  dans  la  vue  tou¬ 
jours  prochaine  d’une  mort  cruelle,  &  portée  jufqu  aen faire  1  o  - 
et  dePfes  vœux  les  plus  ardens  ;  prévenu  d’ailleurs  par  plus  d  un 
avertiffement  célefte  que  fes  vœux  feroient  exauces  ,  feno  t 
également  &  des  menaces  &  des  tortures  memes  :  mais  la  vue 
i?Ves  chers  Néophytes  cruellement  traites  a  fes  yeux  ,  îepan- 
dok  une  grandePamertume  fur  la  joye  ,  qu’il  reffentoit  de  voir 

feSSoï CompSagnon"Pqm  ne  faifoit  que  d’entrer  dans  la  carrière 
ApofIoliqueP,  lùil  avoir  apporté  plus  de  courte . ,  que  de  fo  - 
ce  &  qui  étoit  dune  complexion fenüble  &  délicate  ,  tut  ur 
tout  pour  lui  jufqu’au  dernier  fqupir  un  grand  fujet :  de  dovüeu 
d’inouiétude.  Les  Iroquois  connurent  bien  d  abord  qi 
auraient  relire  à  un  Homme  ,  à  qui  ils  Sauraient  pasleplafflr 

SSSSlïe”^  “x  fume”  mtréjndné, 

de  telle  forte  fur  lui,  qu’ils  paroiffo.ent  hors  deux-memes  de 

ra^Tout  cela^n’empêchoit  point  le  Serviteur  deDieu.de  parler 
d’une  voix  forte  ,  tantôt  aux  Hurons  ,  qui  ne  le  voyaient  [du  -, 
mais  nui  pouvoient  encore  l’entendre  ;  tantôt  a  fes  Bourr-aux, 
qu’il  exhortoit  à  craindre  la  colere  du  Ciel ,  s  ds .  continuoie 

à  perfécuter  les  Adorateurs  du  vrai  Dieu.  Ce“e ef. 
Rarbares  &  ils  en  furent  choques  ,  quoiqu  accoutumes  a 

SïâïEa.  *1- iA«  “““  ri”  ; 

U,  voulu,™  lui  i„pcfer  ffl.nc ,  &  " ‘"P1™"’ K 
bout  ils  lui  coupèrent  la  lèvre  inferieure  ,  &  1  extremne  au 
nez ,  lui  appliquèrent  par  tout  le  corps  des  torches  ? ’ 
lui  brûlèrent  les  gencives ,  &  enfin  lui  enfoncèrent  dans  le  g, 
lier  un  fer  rougi  dans  le  feu. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv,  VIL  293 

L’invincible  Millionnaire  fe  voyant  par  ce  dernier  coup  la 
parole  interditte ,  parut  avec  un  vifage  affûté ,  &  un  regard 
îi  ferme  ,  qu’il  fembloit  donner  encore  la  Loy  à  fes  Ennemis. 
Un  moment  après  011  lui  amena  fon  Compagnon  dans  un  équi¬ 
page  bien  capable  de  toucher  un  cœur  comme  le  ffen  ,  aulîi 
tendre  &  auffi  compatiffant  fur  les  maux  d’autrui ,  qu’il  étoit 
infenfible  aux  fiens  propres.  On  avoit  mis  d’abord  le  jeune 
Religieux  tout  nud  ,  &  après  l’avoir  tourmenté  quelque  tems , 
on  l’avoit  enveloppé  depuis  les  pieds  jufqu’àla  tête  d’écorces  de 
fapin  ,  &  on  fe  préparoit  à  y  mettre  le  feü. 

Dès  qu’il  apperçut  le  P.  de  Brebeuf  dans  l’affreux  état ,  où 
on  l’avoit  mis  ,  il  frémit  d’abord**,  enfuite  lui  dit  ces  paroles  de 
l’Apôtre  ,  Nous  avons  été  mis  en  fpedacle  au  Monde  ,  aux  A?i- 
ges ,  &  aux  Nommes  (a).  Le  Pere  lui  répondit  par  une  dou¬ 
ce  inclination  de  tête  ,  &  dans  ce  moment  le  P.  Lallemant  fe 
trouvant  libre  ,  courut  fe  jetter  à  fes  pieds  ,  baifa  refpeélueufe- 
ment  fes  playes  ,  &  le  conjura  de  redoubler  auprès  du  Sei¬ 
gneur  fes  prières ,  pour  lui  obtenir  la  patience  ,  &  la  Foy  , 
qu’il  voyoit ,  ajoûta-t-il  avec  beaucoup  de  confulîon  ,  fur  le 
point  de  lui  échaper  à  tout  moment.  On  le  reprit  auffitôt ,  & 
on  mit  le  feu  aux  écorces ,  dont  il  étoit  couvert. 

Ses  Bourreaux  s’arrêtèrent  quelque  tems  ,  pour  goûter  le 
plailîr  de  le  voir  brûler  lentement ,  &  d’entendre  les  foûpirs 
&  les  gémiffemens  ,  qu’il  ne  pouvoit  s’empêcher  de  pouffer. 
Ils  le  laifferent  enfuite  quelque  tems  ,  pour  faire  rougir  des  ha¬ 
ches  de  fer  ,  dont  ils  firent  un  collier  ,  qu’ils  mirent  au  cou 
du  P.  de  Brebeuf  ;  mais  ce  nouveau  fupplice  n’ébranla  pas  plus 
le  faint  Martyr  ,  que  n’avoient  fait  les  autres  ,  &  comme  les 
Barbares  cherchoient  quelque  nouveau  tourment ,  pour  tâcher 
de  vaincre  un  courage  5  qui  les  irritoit  ;  un  Huron  Apoffat  fe 
mit  à  crier  qu’il  falloir  jetter  aux  deux  Millionnaires  de  l’eau 
bouillante  fur  la  tête  ,  en  punition  de  ce  qu’ils  en  avoient  jetté 
tant  de  froide  fur  celle  des  autres  ,  &  caufé  par-là  tous  les  mal¬ 
heurs  de  fa  Nation.  L’avis  fut  trouvé  bon  ;  on  lit  bouillir  de 
l’eau  _}  &  on  la  répandit  lentement  fur  la  tête  des  deux  Conlef- 
feurs  de  Jesus-Christ. 

Cependant  la  fumée  épaiffe ,  qui  fortoit  des  écorces  ,  dont 
le  P .  Lallemant  étoit  revêtu  ,  lui  rempliffoit  la  bouche  ,  &c 
il  fut  affez  lontemS  ,  fans  pouvoir  articuler  une  feule  parole. 
Ses  liens  étant  brûlés  ,  il  leva  les  mains  au  Ciel ,  pour  implorer.' 

(*)  i*  Corixith.  4.  9. 


I  649. 


24  histoire  generale 

le  fecours  de  celui  ,  qui  eft  la  force  des  Foibles  ,  mais  on  les 
lui  fit  bailler ,  en  le  frappant  à  grands  coups  de  cordes.  Enfin 
les  deux  corps  n’étant  plus  qu’une  playe  ,  ce  fpectacle  bien 
loin  de  faire  horreur  aux  Iroquois ,  les  mit  de  bonne  humeur  ; 
ils  fe  difoient  les  uns  aux  autres  que  la  chair  des  François  de¬ 
voir  être  bonne,  &  ils  en  coupèrent  fur  lun  &  fur  1  autre 
de  grands  lambeaux ,  qu’ils  mangèrent.  Puis  ajoumnt  la  rad¬ 
ient  à  la  cruauté  ,  ils  dirent  au  P.  de  Brebeuf  Tu  nousaf- 
sûrois  tout  à  l’heure  que  plus  on  fouffre  fur  la  Terre  ,  plus  on 
eft  heureux  dans  le  Ciel  ;  c’eft  par  amine  pour  toi  que  nous 
nous  étudions  à  augmenter  tes  fouffrances ,  &  tu  nous  en  auras 

°k(fuekrues  momens  après  ils  lui  enlevèrent  toute  la  peau  de 
la  tête  ,  &  comme  il  refpiroit  encore  ,  un  Cher  lui  ouvrit  le 
côté  d’où  le  fang  fortant  en  abondance  ,  tous  les  Barbares  ac¬ 
coururent  pour  en  boire  ;  après  quoi  le  même  ,  qui  avoit  fait 
la  playe  ,  découvrit  le  cœur  ,  l’arracha  ,  &  le  dévora.  Le  P.  de 
Brebeuf  étoit  du  Diocèfe  de  Bayeux  ,  &  Oncle  duTiadu- 
&eur  de  la  Pharfale.  Il  étoit  d’une  taille  avantageufe  ,  & 

malgré  fon  abftinence  extrême ,  &  vint  années  du  plus  pé¬ 
nible  Apoflolat ,  il  avoir  affez  d’emjronpoint.  Sa  vie  fut  un 
Héroïfme  continuel ,  &  fa  mort  fut  l’etonnement  de  fes  Bour- 

Dès  qu’il  eut  expiré  ,  le  P.  Lallemant  fut  reconduit  dans  la 
Cabanne  ,  où  fon  Martyre  avoit  commence  ;  il  n  eft  pas  meme 
certain  qu’il  foit  demeuré  auprès  du  P.  de  Brebeuf  jufqu  a  ce 
que  celui-ci  eût  rendu  les  derniers  foûpirs  ;  on  ne  1  avoir  amené 
là,  que  pour  attendrir  fon  Compagnon,  &  arnolir,  s  il  etoit  poi- 
fiblé  ,  le  courage  de  ce  Héros.  Il  eft  au  moins  confiant  par  le 
témoignage  de  plufieurs  Iroquois ,  qui  furent  Afteurs  de  cette 
Tragédie,  que  ce  dernier  mourut  le  feize  ,  &  qu  il  ne  fut  que 
trois  heures  dans  le  feu ,  au  lieu  que  le  fupphce  du  P.  Lalle¬ 
mant  dura  dix-fept  heures ,  &  qu’il  ne  mourut  que  le  dix-fept. 

Quoiqu’il  en'foit,  fitôt  qu’il  fut  rentre  dans  fa  Cabanne  îLreçut 
amdeffus  de  l’oreille  gauche,  un  coup  d’hache  ,  qui  lui  ouvrit  le 
crâne  ,  &  lui  en  fit  fortir  de  la  cervelle.  On  lui  arracha  enfuite 
un  œil ,  à  la  place  duquel  on  mit  un  charbon  ardent  yc  eft  tou 
ce  qu’on  a  pu  fçavoir  de  ce  qui  fe  pafla  alors  jufqu  a  ce  quil 
eût  expiré  ;  tous  ceux  ,  qui  affilièrent  à  fa  mort  ,  s’étant  conten¬ 
tés  de  dire  qne  les  Bourreaux  s’etoient  furpaffes  en  cruauté.  Ils 
ajoutèrent  que  de  tems  en  tems  il  jettoit  des  cris  capables  de 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  295 

percer  les  cœurs  les  plus  durs  ,  &  qu’il  paroifloit  quelquefois  \<$  4 a. 
liors  de  lui-même  ;  mais  qu’aufîi-tôt  on  le  voyoit  s’élever  au- 
deffus  de  la  douleur  ,  &  offrir  à  Dieu  fes  fouffrances  avec  une 
ferveur  admirable.  Ainfi  la  chair  étoit  fouvent  foible ,  &  prête 
à  fuccomber  ;  mais  l’efprit  fut  toujours  prompt  à  la  relever  ,  & 
la  foûtint  jufqu’au  bout.  Le  P.  Laliemant  étoit  de  Paris ,  Fils  & 

Petit  Fils  de  Lieutenans  Criminels.  Il  étoit  extrêmement  mai¬ 
gre  ,  &  il  n’y  avoit  guère  que  fix  mois ,  qu’il  étoit  arrivé 
dans  la  Nouvelle  France.  Il  mourut  dans  fa  trente-neuvième 
année. 

Après  de  fi  rudes  échecs,  Tes  Hurons  défefpererent  abfolu-  hifperfio.ï 
ment  de  fe  foûtenir  ,  &  en  moins  de  huit  jours  toutes  les  Bour-  des  Hurous- 
gades  des  environs  de  Sainte  Marie  fe  trouvèrent  défertes.  Il 
ne  refia  de  la  plûpart ,  que  la  place,  quelles  avoient occupée  , 
les  Habitans  y  ayant  mis  le  feu  en  fe  retirant ,  les  uns  dans  les 
Forêts ,  les  autres  chez  les  Peuples  voifins.  Comme  ceux  ,  qui 
refloient  à  Sainte  Marie  ,  n’ofoient  fortir  ,  parce  qu’ils  ne  doti- 
toient  point  que  les  Iroquois  ne  tinffent  la  campagne  ,  la  fami¬ 
ne  fe  fit  bientôt  fentir  dans  cette  Bourgade  ,  &  il  n’y  avoit  point 
d’apparence  qu’on  y  pût  remedier  de  lontems  :  c’efl  ce  qui  fit 
naître  aux  Millionnaires  la  penfée  de  réunir  les  refies  difperfés 
de  cette  Nation  dans  quelque  lieu  allez  éloigné  ,  pour  qu’ils 
n  euffent  pas  à  craindre  d’y  être  inquiettés  par  un  Ennemi  ,  au¬ 
quel  ils  n’étoient  plus  .en  état  de  réfifter. 

Ils  propoferent  l’Ifle  Manitoualin  ,  qui  efl  dans  la  partie  Sep-  LaPlûP-mfe 
tentrionnale  du  Lac  Huron.  Cette  Me  a  environ  quarante  lieues  retirenr  à  l’tflc 
de  longueur  de  l’Efl  à  l’Ouefl,  mais  très  peu  de  largeur,  les  deS,Jofeek- 
Côtes  en  font  poiffonneufes  ;  le  Terreiny  efl  bon  en  plufieurs 
endroits  ,  &  comme  ellen’étoit  point  habitée  ,  on  y  voïoit  une 
quantité  prodigieufe  de  Bêtes  fauves.  La  proportion  des  Mif- 
fionnaires  ne  fut  pourtantpas  bien  reçue  ;  les  Hurons  ne  pou- 
voient  fe  refoudre  à  s’exiler  fi  loin  de  leur  Pays  ,  ils  ne  vouloient 
pas  même  1  abandonner ,  quoiqu’ils  n’euffent  pas  le  courage  de 
le  defendre  ,  &  il  fallut  que  les  PP.  euffent  la  complaifance  de  * 
les  fuivre  a  / IjledeS.  Jojeph  ,  qui  efl  fort  peu  éloignée  du  Con¬ 
tinent ,  ou  ils  étoient.  %  ^ 

La  tranfmigration  fe  fit  le  vint-cinquiéme  de  May  ,  &  en  Ce  qu’ift  eir- 
tres-peu  de  tenis  il  fe  forma  dans  cette  petite  Ifle  une  Bourgade  l-e.nt ^  y  füu£' 
de  cent  Cabannes  ,  les  unes  de  huit ,  les  autres  de  dix  feux  ;  nr* 
fans  compter  un  très-grand  nombre  de  Familles,  qui  fe  répan¬ 
du  eut  aux  environs ,  &  le  long  de  la  Côte ,  pour  la  commodité 


X 


6  49* 


r  HISTOIRE  -  GENERALE 

2hch*«t*i* 

lionnaires  eure  _ _  ,T  r^a  „P11  _  nu  Domt  du  tout ,  que 


^Kr,ïï.ï**v»i««  "zærjsrsxis 

>“  ’»  fo»>  homur  ,  cl  .1er  de 

trouva  réduit  a  des  extrem  ,^  ^  à  dgmi  corrompus  p0Ur 

Sng”  »"  3"s  Mères 

'  J 'fcSfe  i;“!«  dïï  cadavres  de  ce» ,  ,«i  k»  <mim 

“  tl£T  fsÆxs0” 

ies ,  &  cpie  ces  t  eu^  ?  fr  milieu  de  cette  de- 

fe  garantir  de  la  co‘  ‘^Ouwiers  Eva„?el.ques  recueillirent  les 

tl  n’v  eut  aucun  de  ce  N  phy  .  £  ^  du  Ciel ,  &  qui 

avec  ea,o„  de  gra.es  ,  U  »», 

Ce/êJ’,™  fon.  celle. ,  à  quoi  >«  S.«£®* tj? 

Faites  pour  votre  confervation  ,  ce  que  vous  fai  P 
falutdl  votre  Ime  ,  C’étoit  pourtant  quelque  c^fedeto 

SS  fi  capable  de  les  y  faire  revenir,  &  d  falloitj^  leu* 

'  point  de 

Témérité  te  llUpourbcomble  de  malheurs  on i  apprit = 

* s-  Œsxsxsgz:* ci”6  dt  >»  n““  -rs 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VII.  297 

de  toutes  parts  avertir  qu’on  fe  tînt  fur  fes  gardes.  Cet  avis  re- 
gardoit  furtout  les  Hurons  Tionnontate ç  qui  depuis  l’éva¬ 
cuation  de  Sainte  Marie  étaient  les  plus  expofés  aux  courfes 
des  Ennemis.  Leur  Canton  étoit  un  des  plus  peuplés  ,  &  dans 
une  feule  Bourgade ,  qui  portait  le  nom  de  S.  Jean  ,  on  comp¬ 
toir  plus  de  fix-cent  Familles.  On  y  regarda  l’entreprife  des 
trois-cent  Iroquois  comme  une  bravade  ;  &  pour  leur  montrer 
qu’on  ne  les  craignait  point ,  tous  ceux ,  qui  pouvoient  porter 
les  armes ,  fe  mirent  en  campagne  pour  les  aller  chercher. 

L’Ennemi  fut  bientôt  informé  de  cette  imprudente  démar¬ 
che  ,  &  refolut  d’ert  profiter  :  il  fit  une  fauffe  route ,  marcha 
par  des  chemins  détournés  ,  &  arriva  à  la  pointe  du  jour  à  la 
yûë  d,e  S.  Jean.  Le  P.  Charles  Garnier  ,  &  le  P.  Noël  Chaba- 
nel  y  gouvernaient  depuis  quelque  tems  une  nombreufe  Chré¬ 
tienté  ,  mais  deux  jours  auparavant  celui-ci  avoit  été  appelle 
ailleurs  ,  &  le  P.  Garnier  étoit  relié  feul.  Il  vifitoit  aéluelle- 
ment  les  Cabannes  ,  lorfque  les  Iroquois  firent  leur  cri ,  &  il 
comprit  aifément  que  tout  étoit  perdu.  Il  courut  d’abord  à  la 
Chapelle  ,  qu’il  trouva  pleine  de  Chrétiens  ,  que  la  peur  avoit 
faifis ,  &  il  leur  déclara  qu’il  n’y  avoit  de  falut  pour  eux  ,  que 
dans  la  fuite.  Il  les  exhorta  à  ne  point  perdre  le  tems  en  délibé¬ 
rations  inutiles  &  en  pleurs  fuperflus  ;  il  leur  dit  qu’il  alloit 
mourir  pour  faciliter  leur  évafion  ;  que  tant  qu’il  lui  relierait 
un  foufle  de  vie ,  il  n’abandonneroit  point  ceux,  qui  auraient 
befoin  de  fon  Miniftére  ,  &  qu’il  les  prioit  de  ne  jamais  oublier 
les  leçons  ,  qu’il  leur  avoit  données. 

Il  fortit  auffi-tôt ,  &  retourna  dans  les  Cabannes  ,  dont  quel¬ 
ques-unes  étoient  déjà  en  feu  :  il  baptifa  tous  les  Catéchumè¬ 
nes  ,  qu’il  rencontra  ,  &  fe  rendit  enfin  dans  la  Place  ,  où  l’on 
ne  voyoit  plus  que  des  Morts  &  des  B  Mes.  Quelques-uns  le 
conjurèrent  de  fe  retirer ,  mais  il  rejetta  bien  loin  cette  propo¬ 
rtion  ,  &  il  refia  au  milieu  <^e  ce  carnage  ,  animant  par  fa 
préfence  &  par  fes  difcours  fes  chers  Néophytes  à  bien  mou¬ 
rir.  Les  Iroquois  parurent  quelque  tems  l’admirer  &  le  refpe- 
£ler  ;  mais  à  la  fin  un  de  ces  Barbares  lui  lâcha  fon  fufil ,  où 
il  y  avoit  deux  balles ,  dont. l’une  le  perça  au  bas  de  la  poitrine  , 
&  l’autre  ,  après  lui  avoir  déchiré  le  petit  ventre  ,  lui  entra  dans 
la  cuiffe. 

Il  tomba  du  coup  fans  connoiflance  ,  &  celui ,  qui  l’avoit  tiré, 
le  croyant  mort ,  le  dépouilla.  Quelque  tems  après  il  revint  à 
lui  ,  &  comme  il  n’entendoit  plus  perfonne  ,  il  leva  la  tête  ,  & 
7  ome  /.  “ 


pP 


1649. 


Cette  Eour- 
°;ade  eft  dé- 
truitte  par  IeS 
Iroquois. 


Mort  héroï¬ 
que  du  P.  Gar¬ 
nier. 


1649* 


Mort  du  P. 
Chabaüel. 


,08  HISTOIRE  GENERALE 

a  divnas  un  Huron  ,  qui  rendoit  prefque  les  derniers 
fouplrs  üfit  un  effort  pour  élever  pour  l’aller  abfoudre 
ma’s  il  retomba  fur  le  champ  ;■  il  fe  releva  encore ,  mais  il  lut 
fut  impoffible  de  faire  un  pas ,  &  dans  le  moment  un t  Iroquc is 
accourut  &  lui  déchargea  fur  le  ventre  deux  coups  de  hache , 
dont  il  expira  fur  l’heure  dans  l’exercice,  &  pour  airj  divans, 
lefein  même  de  la  chanté.  Le  P.  Garnier  etoit  de  Pans  ,  ce 
pour  entrer  dans  la  carrière  Apoftolique  ,  avoir  faenfie  une  for- 
lune  brillante ,  &  réfifté  aux  larmes  d  une  Famill .dont  .1  etoit 
tendrement  aimé.  Il  avoir  fan  ce  facr.fice  avec  trop  de 
fité  pour  11e  pas  mériter  qvie  Dieu  lui  fit  a  giac 

mer  de  la  maniéré  la  plus  héroïque.  ,  j  c  rea„ 

T’ai  dit  crue  le  P.  Chabanel  avoir  ete  rappelle  de  Jean 
deux  .ours  avant  la  défolation  de  cette  Bourgade  ,  le  motif  de 
«  rappeï  fut  qu’on  ne  vouloir  pas  laitier  en  même teins  deux 
Ouvriers  dans  un  lieu  auffi  expofe  que  celui  -  la  aux  cou 
deslroauois  ■  mais  ils  étoient  tous  deux  egalement  murs  pot 
le  Cie^  Et  fi  l’un  évita  par  obéiffance  le  fer  des  Iroquois  ,  cet  e 
même  obéiffance  lui  procura  un  autre  genre  de  mort  >  fful  ’T°" 
n’avoir  point  eu  autant  d’éclat  aux  yeux  des  Hommes  ,  en  tu 
petu-être  pas  moins  précieux  devant  celui ,  qui  nous  juge  fu  - 
Tant  les  dïofitions  Se  notre  cœur  &  ne  nous  tient  pas  .noms 
compte  de  ce  que  nous  avons  voulu  faire  pour  lu.  ,  que  de 

que  nous  avons  réellement  fait  &  fouffert.  deDe- 

Le  P  Chabanel  étoit  parti  de  S.  Jean  le  cinq  ou  le : 
cembre ,  accompagné  de'  quelques  Chrétiens.  La  nuit,  qui  fiu- 
vit  la  mort  du  P.  Garnier,  le  furpnt  dans  un  Bois 1 ,  & .tou 

Compagnons  de  voyage  s  étant  endormis ,  1  chanter  II 

d’iroquois  ,  &  des  Murons  Captifs,  que  Ion  fanon  chanter.  1 
éveilfa  fes  Gens ,  à  qui  il  ne  fallut  pas  dire  deux  rois  de  fe  feu- 
ver.  Il  fe  mit  en  devoir  de  les  fuivre  ;  mais  n  ayant  pas  les  ja 
bes  auffi  bonnes  qu’eux ,  .1  les  perdit  bientôt  de  vue  ,  &  depuis 
ce  tems-là  on  n’a  jamais  pu  fç avoir  au  jufte  ce  quil  etoit  d 
nu.  Quelque  tems  après  un  Huron  Apoftat  dit :qu 1  1  avott  ren¬ 
contré  au  bord  d’une  Riviere  ,  qu  il  1  avoit  aide  a  la  traver 1er , 
&  qu’enfuite  ils  s’étoient  féparés  ;  ma.s  on  eut  ^ns  a  fmtepk  • 
d’une  raifon  de  foupçonner  ce  Malheureux  de  1  avoir  tm-  çpou 
J.  il*  cm  nar  haine  contre  la  Religion. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VII.  299 
de  fe  rétablir  jamais.  Des  Idolâtres  de  cette  Nation,  qui  fai- 
foient  encore  le  plus  grand  nombre  dans  une  Bourgade  ,  à  la¬ 
quelle  on  avoit  donné  le  nom  de  S.  Mathieu  ,  s’étant  perfua- 
dés  que  le  feul  moyen  de  mettre  fin  à  leurs  difgraces ,  étoit  de 
fe  défaire  des  Prédicateurs  de  l’Evangile  ,  ils  s’y  réfolurent. 
Pour  mieux  réufiir  dans  ce  deffein  ,  ils  entreprirent  d’y  enga¬ 
ger  des  Chrétiens  mêmes  ,  &  à  cet  effet  ils  publièrent  qu’011 
avoit  vû  des  Colliers  ,  envoyés  par  le  Gouverneur  Général  des 
François  aux  Cantons  Iroquois  ,  pour  les  exhorter  à  pouffer  à 
bout  les  Hurons  ,  en  les  affûrant  que  les  Peres  ,  qui  étoient  par¬ 
mi  ces  Sauvages ,  les  livreraient  entre  leurs  mains. 

Après  ce  qui  venoit  de  fe  paffer  ,  la  calomnie  n’avoit  pas  mê¬ 
me  de  vraifemblance  ,  mais  l’exige-t-011  toujours  des  Calom¬ 
niateurs  ,  pour  ajoûter  foi  à  leurs  difcours  ?  Et  les  Nations  les 
plus  policées  ont-elles  droit  de  faire  fur  cela  des  reproches  aux 
Sauvages  ?  Il  n’y  a  donc  pas  trop  lieu  de  s’étonner  que  ces  dif¬ 
cours  ayent  pu  faire  impreffion  fur  des  Gens  ,  qui  ne  fça- 
voient  plus  à  quoi  imputer  les  maux  ^  dont  ils  étoient  acca¬ 
blés.  D’ailleurs  ceux  ,  qui  les  débitoient ,  avoient  eu  foin  de 
donner  une  couleur  de  zélé  pour  le  bien  public  à  l’attentat , 
qu’ils  médiraient  :  outre  qu’ils  ne  demandoient  à  ceux  ,  qu’ils 
avoient  féduits ,  que  de  ne  s’y  pas  oppofer. 

Peu  de  jours  après  dçux  Miffionnaires  arrivèrent  à  Sc.  Mat¬ 
thieu  ,  &  à  leur  entrée  dans  le  Village  ils  furent  affez  furpris 
d’entendre  les  cris  ,  que  l’on  a  accoutumé  de  faire  ,  quand  on 
amené  des  Prifonniers.  Ils  firent  pourtant  bonne  contenance  , 
&  perfonne  n’ofa  mettre  la  main  fur  eux.  On  fe  contenta  de 
quelques  huées  ,  qu’ils  mépriferent  :  ils  vifiterent  toutes  les  Ca- 
bannes ,  ils  entendirent  tous  les  difcours ,  que  l’on  tenoit  fur 
leur  compte  ;  ils  comprirent  toute  la  grandeur  du  péril  ,  où  ils 
fe  trouvoient ,  mais  ils  n’en  firent  pas  femblant.  Cette  affûran- 
ce  ,  &  la  perfuafion  ,  où  furent  plufieurs  ,  que  le  Dieu  des 
Chrétiens  avoit  lie  les  bras  à  leurs  Ennemis  ,  firent  ouvrir  les 
yeux  aux  plus  prévenus  contre  eux  ,  &  avant  la  fin  du  jour  il 
yeneutjuiquà  dix-fept,qui  demandèrent  le  Baptême. 

Le  Ciel  donnoit  de  tems  en  tems  de  ces  marques  éclatantes 


1  6 


)  °* 


La  fermeté 
de  deux  de  ces 
Peres  décon¬ 
certe  leurs  me- 


utres. 


_  — —  w  w  w  A  WA  w  W  V  Traits  fîrtgtt- 

d  une  protection  vifible  fur  les  Paffeurs  &  fur  leurs  Ouailles.  liers  delà  Pro- 
Un  Huron  pris  en  guerre  étoit  fur  le  point  d’être  attaché  au 
poteau  pour  être  brûlé:  il  demanda  à  Dieu  avec  ferveur  d’être 
délivre  de  ce  terrible  genre  de  mort  ,  &  fa  priere  eut  fur  le 
champ  fon  effet.  On  le  délia  ,  &  on  lui  accorda  la  vie  ,  au  grand 

P  P  ij 


vidcnce  en  fa¬ 
veur  des  Chré¬ 
tiens. 


histoire  generale 

_ _  5,°  nnpment  de  tout  le  monde  ;  ceux-mêmes  ,  qui  lui  faifoient 

l65°-  cette  Pe,  ne  pouvant  pas  dire  pourquoi  ils  en  voient 

31  Une  bonne  Vieille  de  l’Ille  de  S'.  Jofeph  ,  qui  de  toutes  les 
Prières  qu’on  avoit  tâché  de  lui  apprendre ,  n  avoit  pu  rete¬ 
nir  que  ces  paroles  ,  Jefus  ,  ayez  pitié  de  moi ,  gageant :  u 
le  Lie  Huron ,  Te  trouva  faifie  d’un  fro.d  fi  exceffit  ^ue  tous 
ceux  qui  l’accompagnoient ,  en  moururent.  Elle  ht  la  Prieie 
&  avec  toute  la  ferveur  ,  dont  elle  étoit  capable ,  8e 
elle  a  depuis  alluré  ,  qu’à  chaque  fois  quelle  la  répètent ,  une 
chaleur  fenfible  la  ranimoit ,  ce  qui  dura  jufqu ace  qu  o 

ïîSyiSE  djefpnt  allez  grande  pour 
faire  impreîHon  fur  les  fens ,  ce  qui  eft  une  des  grandes  mer- 

•sr,v-  <™ .  ”  J»- 

de  ces  Miferables ,  qui  par  bonheur  pour  eux  n  «ment  f 
de  leur  Me  ,  qu’après  avoir  mis  ordre  aux  Mânes 

C°Cfeuxn,Cqui  étoient  reliés  à  S.  Jofeph  ,  &  dont  le  «ombre  ne 
montoit  pas  à  trois-cent ,  apprenant  le  trifte  fort  de  bu  J 
res  ne  doutèrent  plus  que  les  Iroquois  ne  vinllent  m#eua 
ment  les  attaquer  ;  &  après  plufieurs  Confeus  fur  kpa^ 
nn’ik  avoient  à  prendre  pour  éviter  ce  malheur  ,  i 
terent  à  celui-ci.  Les  plus  confidérables jallerent  trouver  e  ■ 
T>  qmieneau  qui  nouvernoit  cette  Million  ,  oc  lui  Q 

daifs  l’état  déplorable  ,  où  ils  fe  voy oient  réduits ,  ils  ni  ^ 
ginoient  plus  qu’un  feul  moyen  de  prévenir  la  ruine  ^nu 
de  leur  Nation  ;  que  ce  moyen  etoit  que  les  Peres  le  mille 
à  leur  tête  qu’ils  rafle  mblaffent  tout  ce  qu’ils  pourroien 
Hurons  difperfés ,  &  qu’ils  les  menaffent  à  Quebec  ,  ou  ^  » 
du  Fort  des  François,  &fous  laproteftion  de  leur 

.  ils  nnffent  cultiver  tranquillement  les  Terres ,  qu  o 


Plufieurs  def- 
cendent  à 
Quebec. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  301 
droit  bien  leur  abandonner  ,  &  où  ils  ne  penferoient  plus  -  I  ^ Q 
qu’à  employer  au  fervice  de  Dieu  les  jours  ,  qu’il  leur  avoit  5 
confervés. 

Le  P.  Ragueneau  ,  avant  que  de  leur  répondre  ,  voulut  con- 
fulter  les  autres  Millionnaires  ,  qui  fe  trouvoient  aux  environs  * 

&  tous  furent  de  l’avis  des  Sauvages,  Il  fembloit  en  effet  que 
ce  fût  là  l’unique  reffource ,  qui  reliât  à  ce  Peuple  infortuné. 

Tout  le  Pays  étoit  dans  la  derniere  confternation  ,  on  n’y 
voy oit  plus  que  des  Bourgades  détruites  ,  ou  défertes  ,  qui  com¬ 
mençaient  déjà  à  fe  peupler  de  Bêtes  fauves ,  dont  les  Hom¬ 
mes  ,  les  Femmes  &  les  Enfans  alloient  prendre  la  place  dans 
les  Forêts  &  fur  les  Montagnes  ;  &  il  n’y  avoit  pas  un  mo¬ 
ment  à  perdre  ,  fi  on  vouloit  fauver  les  trilles  débris  d’une  Na¬ 
tion  autrefois  (i  lloriffante. 

On  fe  mit  donc  en  chemin ,  fans  délibérer  davantage  ,,  &  fans 
trop  fç  avoir  de  quoi  011  vivroit  fur  la  route  ;  mais  la  faim  ne- 
toit  pas  moins  à  craindre  en  reliant  dans  Fille  &  dans  les  Bois  ; 

&  il  en  étoit  de  même  du  danger  de  tomber  dans  quelque  Parti 
Iroquois  ;  car  il  eft  vrai  que  la  moindre  Trouppe  de  Guerriers 
auroit  fuffi  pour  tailler  en  pièces  toute  cette  multitude  confufe , 
que  la  peur  avoit  faille  ,  &  que  la  mifere  &  les  maladies  avoient 
réduite  à  une  extrême  foibleffe.  On  choilit  la  voye  de  la  gran¬ 
de  Riviere  des  Outouais  ,  &  bien  qu’on  aperçût  tous  les  jours 
des  velliges  affez  recens  d’Iroquois  ,  on  fut  affez  heureux  pour 
n’être  pas  découvert  par  ces  Barbares.  Environ  à  la  moitié 
du  chemin  ces  pauvres  Exilés  rencontrèrent  le  P.  Breffani , 
lequel  avoit  hyverné  à  Quebec ,  &  retournoit  affez  bien  ac¬ 
compagné  à  fon  ancienne  Million ,  dont  il  ignoroit  encore  le 
défaltre. 

Il  avoit  été  efcorté  pendant  quelque  tems  par  quarante  Fran¬ 
çois  ,  &  peu  de  jours  après  que  cette  efcorte  l’eut  quitté  ,  il 
avoit  été  furpris  pendant  la  nuit  par  dix  Iroquois.  Âtiron- 
tha  ,  fameux  Chef  Huron  ,  brave  Homme  &  bon  Chrétien  , 
avoit  été  tué  d’abord  ,  &  le  Millionnaire  bleffé  de  trois  coups 
de  flèches ,  tandis  qu’il  couroit  de  tous  côtés  pour  éveiller  fes 
Gens  ;  mais  les  Iroquois  ayant  trop  tardé  à  faire  retraitte  , 
s’étoient  vûs  en  un  moment  invellis  de  toutes  parts  ;  on  en  avoit 
tué  fix  ,  deux  étoient  reliés  Prifonniers ,  deux  s’étoient  fauvés  ; 

&  les  Hurons  ,.qui  avoient  aulîi  perdu  fept  des  leurs  ,  conti- 
nuoient  leur  route  ,  bien  honteux  de  s’être  ainfi  laiffé  furpren- 
prendre  par  une  poignée  d’ Aventuriers. 


1650. 

De  quelle 
maniéré  ils 
font  reçus. 


Ce  que  de¬ 
vinrent  les 
autres. 


301  HISTOIRE  GENERALE 

Ils  furent  bien  plus  confternés  encore  ,  quand  ils  apprirent 
la  défolation  de  leur  Pays.  Ils  comprirent  que  ce  qu  ils  pou- 
voient  faire  de  mieux  ,  étoit  de  retourner  fur  leurs  pas  avec 
les  autres ,  &  ils  s’y  déterminèrent.  Ils  arrivèrent  tous  enlem- 
ble  à  Montreal ,  où  l’on  n’oublia  rien  pour  les  retenir  ;  mais  ils 
ne  s’y  crurent  pas  allez  en  sûreté  ,  &  apres  s  y  etie  repofes 
pendant  deux  jours  ,  ils  fe  rembarquèrent  ,  &  fe  rendirent  a 
Ouebec  le  vint-huit  de  Juillet  1650.  M.  d  Aillebout  leur  fit  un 
très-bon  accueil  ;  mais  il  y  avoit  alors  fi  peu  de  Perfonnes 
aifées  dans  la  Colonie  ,  qu  après  que  les  Communautés  ,  & 
quelques-uns  des  Principaux  de  la  Ville,  fe  furent  charges  de 
nourrir  un  nombre  de  Familles  ,  proportionne  a  leurs  facul¬ 
tés  ,  il  relia  encore  plus  de  deux-cent  Perfonnes  ,  qui 1  n  avoient 
de  reffource  ,  que  dans  la  Providence.  A  la  vente  elle  ne  '^r| 
manqua  point  ,  &  ils  fubftfterent  lontems ,  fans  qu  on  put  con- 

revoir  ce  oui  les  faifoit  fubfiitei .  .  . 

Le  fort  de  ceux  ,  qui  n’avoient  pu  fe  refoudre  a  abandonner 
leur  Pays  ,  fut  bien  trille.  Quelques-uns  fe  jetterent  entre  es 
bras  des  Nations  voifines  ,  fur  laquelle  ils  attirèrent  bientôt  les 
armes  des  Iroquois.  D  autres  alleient  du  cote  ,-S 
s’établirent  dans  ce  qu’on  appelle  aujourd  hui  h  Pe4y1™™' 
Il  y  en  eut  un  allez  grand  nombre  ,  qui  attires  par  les  Iroquois 
dans  une  embufeade  ,  fous  prétexte  d’un  accommodement ,  & 
s’étant  aperçus  à  tems  de  la  perfidie  de  ces  Barbares  ,  leur  op- 
poferent  une  contre-rufe  ,  qui  leur  réuffit  :  ils  furprirent  ceux  , 
qui  croyoient  les  furprendre  ,  en  tuerent  un  grand  nombre , 
puis  s’allerent  cantonner  dans  Fille  Mamtouahn ,  dou  quel¬ 
que  tems  après  ils  defeendirent  a  Quebec  ,  pour  y  join  re  eur 

Prefque  tous  les  Habitans  des  deux  Bourgades  de  Saint  Mi¬ 
chel  &  de  Saint  Jean-Baptifte  prirent  un  parti  fort  périlleux, 
&  qui  eut  néanmoins  allez  de  fuccès.  Ils  fe  prefenterent  aux 
Iroquois  mêmes  ,  s’offrirent  à  vivre  avec  eux  ,  &  en  turent 
bien  reçus.  Enfin  les  Ennemis  fçachantque  p  ufieurs  erroient 
de  côté  &  d’autre,  fans  pouvoir  fe  fixer  nulle  part,  mirent 
leur  Jeuneffeà  leurs  trouffes.  Prefque  tous  turent  pris  ,  on  n 
fit  quartier  à  aucun  ,  &  ce  qui  montre  à  quel  point  la  terreu 
du  nom  Iroquois  avoit  faifi  toutes  les  Nations  ,  non-leulement 
le  Pays  Huron  ,  mais  encore  tout  le  cours  de.  la  Riviere  de 
Outaouais  ,  qu’on  avoit  vu  fi  peuplé  peu  d’annees  auparavant , 
fe  trouvèrent  prefqu’entierement  deferts  ;  1  uns  quon  pu  Ç 


* 

DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  303 
voir  ce  qu’étoient  devenus  la  plûpart  des  Habitans.  1650-fi. 

On  s’étoit  flatté  5  qu’au  moins  les  Hurons,  qui  s’étoient  re-  Abandon, 
fugiés  à  Quebec  ,  y  feraient  à  l’abry  de  toutes  les  rniferes  ,  °^fe 
qui  accabloient  les  autres  ;  rien  n’étoit ,  ce  femble  ,  plus  aifé  Pleraia** 
que-  de  les  mettre  en  état  d’avoir  le  néceffaire  ,  fans  être  à  char¬ 
ge  à  la  Colonie  ,  qui  en  aurait  pu  même  tirer  avec  le  tems 
|  quelque  avantage  ,  &  le  P.  Jerome  Lallemant ,  Supérieur  Gé¬ 
néral  des  Millions ,  fit  exprès  le  voyage  de  France ,  pour  en 
j  traitter  avec  les  DireReurs  de  la  Compagnie  du  Canada.  Il 
leur  reprefenta  vivement  de  quelle  importance  il  étoit  de  ne 
pas  lai  fier  périr  tant  de  Chrétiens  ,  qui  s’étoient  jettes  dans 
notre  fein  ,  combien  il  étoit  facile  de  pourvoir  à  leur  fubfi- 
ftance ,  &  les  avantages ,  qu’on  en  pouvoit  retirer ,  foit  pour 
l’augmentation  du  commerce  ,  foit  pour  la  défenfi*  de  la  Co¬ 
lonie. 

Il  eut  beau  dire  ,  il  ne  fut  pas  écouté ,  d’où  il  arriva  ,  com-  Leur  peu  de 
me  nous  le  verrons  bientôt  ,  que  la  Colonie  Françoife  tomba  conduire, 
dans  un  li  grand  mépris  ,  que  pendant  plufieurs  années  les  Iro- 
quois  prirent  fur  elle  le  même  afcendant ,  que  nous  leur  avions 
! laiffé  prendre  fur  nos  Alliés.  Ceux-ci  de  leur  côté  fe  condui¬ 
sirent  fort  mal.  Il  fembloit  qu’un  efprit  de  vertige  fe  fût  em¬ 
paré  de  ces  Sauvages.  Ils  ne  fe  virent  pas  plûtôt  fous  le  canon 
de  Quebec  ,  qu’ils  pafferent  fans  milieu  de  l’excès  du  décou¬ 
ragement  à  celui  delà  préfomption.  Ils  fe  crurent  déformais 
!  invincibles  ,  &  quoiqu’ils  n’euflent  parmi  eux  que  très-peu  de 
Guerriers ,  ils  ne  fe  propoferent  rien  moins  ,  que  de  rendre 
auxlroqnois  tout  le  mal  ,  que  ceux-ci  leur  avoient  faif. 

Ils  engagèrent  les  Habitans  de  Sylleri  à  fe  joindre  à  eux  ,  & 
ils  formèrent  un  Parti  de  guerre',  devant  lequel  fils  s’imagi¬ 
nèrent  que  les  cinq  Cantons  11e  pourraient  jamais  tenir.  Les 
Algonquins  des  Trois  Rivières ,  8c  quelques  Hurons  ,  qui  fe 
rencontrèrent  au  même  lieu  ,  groflirent  encore  leur  Trouppe  ; 
cette  Armée  marcha  contre  les  Agniers  ,  &  comme  ils  étoient 
tous  Chietiens ,  ils  avoient  donne  à  cette  Expédition  un  air 
ce  Cioifade  ,  en  publiant  quils  n’avoient  pris  les  armes  ,  crue 
pour  obliger  l’implacable' Ennemi  du  Chrifiianifme  à  fe  réti- 
rer  de  defilis  les  Terres  des  Fidèles,  &  procurer  par-là  aux 
Millionnaires  les  moyens  de  faire  fleurir  la  véritable  Reli- 
gion. 

Comme  ils  approchoient  du  Village ,  où  ils  avoient  refolu  Exd'cT  • 
c  e  taire  leur  première  attaque  ,  un  Huron  8c  un  Algonquin  raalhemeufc 


1650-5 1 


où  périrent 

quantité  de 


Sauvages 
Chrétiens.  >y 


» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 


histoire  generale 

l 04  J.  il.  „nlir  aller  à  la  découverte.  Ces  deux  Hom- 
furent  détaché  |  premier  tomba  dans  un  Para  Iroquois , 

rSetaï  ,S  ’v  ne  fit  point  de  difficulté  de  trahi.-  fa 
Nation  &  fes  Alliés.  «  Mes  Frétés  diml en  abordant 

vous  :  je  me  fu  _  Trnrmois  &  les  Hurons  ne  font 


Hiftoire  d’un 
Algonquin  , 
brillé  par  les 
Iroquois. 


où^Vfpii'^ue^refoi^ment  les  Irm^ois^fi^les^Hurons^ie^ont 

leux  jours ,  que^el’ai  quitté  pVir  vous  avertir  de  vous  ten, 

fur  vos  garde*  ».  Servit  de  Guide  aux  Agniers, 

Le  Perfide  fit  bien  p  r,  /  •  les  trouvèrent  tous 

qui  allèrent  au  devant^d  décharge  de 

endormis.  Ils  ne  eu  ie  tems  &  la  faci- 

Vt° d^choifo  ceux  fur  qui  tomberaient  fes  premiers  coups, 
litede  choiin  ceu  ,  A,  /  refterent  morts  fur  la  place, 

les  plus  Braves  des  Conteder  s  rel  ere  t  ^  fes 

avant  qu’aucun  bien  battre,  &  à  la 

armes.  Plufieurs nelail  P  d  nombre  ,  qui 

faveur  de  cette  réfiftance,  il  y  «leutun  g«n  ^  ^ 

fe  fauverent  dans  esc  o^  ou  ^  ^  s’échappèrent ,  & 

d^fo  on  a  fçu  Les'  les  circonftances  de  cette  trille  aven- 

tUT*  c  Ipc  autres  Captifs  honnorerent  leur  Religion  ,  pour 
Tous  les  autr  P  •  •  |es  armes  ;  mais  celui, 

la  défenfè  de  laquelle  ils  avo en .pie8  ^  nommé 

qui  fe  diftingua  le .  plus  ,  fut  t ■  )  prefqu’Enfant  à  Sylle- 

’/t  «ssss.- 11  r  r  sa  l  *  -j* 

Gr'.ce i  rütocmon  conunw 

&  il  etoit  parvenu  a  u  ^  anifme.  Un  an  avant  fa  mort  il 
trJSSSStf*  b«,uc„p  «-fm 

maniéré  furprenante' 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  305 

Cet  Homme  ,  qui  trouva  lui-même  la  chofe  fort  extraordi¬ 
naire  ,  ne  laiffa  point  de  faire  les  cris  &  les  hurlemens  accoû- 
tumés  ;  mais  après  quelque  tems  il  changea  tout  à  coup  de 
ton ,  &  adreffant  la  parole  à  Onoharé  ,  qui  n’étoit  pas  loin  ,  il 
lui  fit  de  grandes  menaces.  Le  genereux  Chrétien  s’approche 
auffi-tôt ,  &  ne  doutant  point  que  ce  11e  fût  le  Démon ,  qui  par- 
loit  par  la  bouche  de  fon  Miniftre  :  J’adore ,  dit-il ,  celui  ,  « 
qui  de  rien  a  créé  le  Ciel  &  la  Terre ,  il  eft  mon  fouverain  « 
Seigneur  &  le  tien  ,  &  malgré  que  tu  en  ayes  ,  tu  es  contraint  “ 
de  le  reconnoître  auffi-bien  que  moi  en  cette  qualité  ».  Com¬ 
me  il  parloit  encore  ,  quoiqu’il  n’y  eût  perfonne  auprès  de  lui , 
il  fe  fentit  frapper  au  côté  avec  tant  de  violence  3  qu’il  en  per¬ 
dit  prefque  le  mouvement  &  la  refpiration.  Au  bout  de  trois 
jours  ,  fe  trouvant  encore  très-mal  ,  il  demanda  à  Dieu  fa  guéri- 
fbn  avec  ferveur  ;  il  fut  exaucé  ,  &  partit  pour  la  guerre  avec 
les  autres. 

Pendant  la  route  un  autre  Sauvage  ,  qui  avoit  apparemment 
eu  quelque  fâcheux  rêve  ,  l’aborda  un  matin  fort  émû ,  &  lui 
dit  qu’il  étoit  bien  fâché  de  s’être  engagé  dans  cette  Expédi¬ 
tion  avec  lui  :  que  fon  obflination  à  ne  vouloir  point  conful- 
ter  les  Efprits ,  attireroit  immanquablement  quelque  malheur 
à  toute  la  Trouppe.  Le  fervent  Chrétien  eut  pitié  de  l’aveugle¬ 
ment  de  cet  Homme  ,  &  tâcha  de  le  détromper  de  fes  erreurs. 
Tandis  qu’il  parloit  ,  ils  aperçurent  deux  Iroquois  ,  &  leur 
coururent  fus.  Onoharé  en  joignit  un,  &  le  tua  d’un  feul  coup  ; 
l’autre  fe  fauva.  Le  jeune  Chrétien  alla  enfuite  retrouver  fon 
Camarade  ,  qui  ne  s’étoit  pas  beaucoup  p relie  d’atteindre  l’En 


1650-51 


nemi 


&  lui  dit  que  fon  Manitou  l’avoit  fans  doute  averti  de 
ne  pas  trop  s’expofer.  »  Sçachez  donc  une  bonne  fois ,  ajoûta- 
t-il ,  qu’un  Chrétien  ,#qui  eft  fidèle  à  fon  Dieu ,  ne  craint  rien  , 
&  que  vos  démons  ne  peuvent  donner  aucun  fecours  à  ceux  , 
qui  les  invoquent  ». 

Le  dernier  a&e  de  la  vie  de  ce  fervent  Néophyte  fut  celui , 
où  il  parut  plus  grand  :  il  s’y  étoit  préparé  par  une  confelîion 
générale  ,  &  par  de  fréquentes  communions.  Dès  le  commen¬ 
cement  de  l’Expédition  ,  où  il  fut  pris  ,  il  avoit  eu  un  pref- 
fentiment ,  qu’il  n’en  reviendrait  pas  ;  &  comme  il  s’agiffoit  de 
combattre  les  Ennemis  de  Dieu  ,  il  fe  ralfûroit  par  l’efperance 
du  Martyre.  Rempli  de  cette  idée  ,  plus  il  fe  figurait  qu’on  lui 
feroit  louffrir  de  maux  ,  plus  il  relfentoit  de  joye  ,  &  il  11e  fe 
démentit  point  au  milieu  des  fupplices.  Il  ne  cefToit  d’exhorter 
Tome  /.  Qq 


« 

« 


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1050-5 1 


Ferveur 

Chrétiens. 


,06  HISTOIRE  GENER  AL  E 

fon  Compagnon  à  la  patience  ,  &  fes  Bourreaux  1  aérant  voulu 
contraindre  de  fe  taire  ,  il  leur  dit  hardiment  qu  .1  n  eto.t  pas  en 
leur  pouvoir  de  l’empêcher  de  publier  les  louanges  de  fon  Dieu,  _ 
&  deP  travailler  pour  fa  gloire.  Cette  reponfe  es  mit  en  u- 
reur  mais  ils  eurent  beau  inventer  les  tortures  les  plu»  inouïes 
pour  le  forcer  au .  filence  ,  ils  ne  purent  ébranler  fon  courage , 
ni  lui  arracher  un  foûpir ,  &  il  ne  ceffa  de  bemr  le  Seigneur , 

nu’en  ceffant  de  vivre.  ,  t 

:s  q  Cette  grande  défaite  &  plufieurs  autres  echecs  moins  con- 

fiderables  ,  quifuivirent  coup  fur  coup  ,  furent  pour  les  M  - 
fionnaires  &  pour  ceux ,  qui  s  intereffoient  au  progies de  E- 
vangile  ,  &  à  l’avancement  de  la  Colonie ,  un  grand  fujet .de 
douleur  ;  mais  ce  qui  confola  un  peu  les  premiers ,  c  elt  que 
les  Parens  &  les  amis  de  ceux  ,  qui  avoient  per.  en  cette  ren- 
contre  ,  ne  firent  prefqu’entrer  pour  rien  la  chair  &  le  lang 
dans  les  regrets,  qu’ils  témoignèrent  de  ïeur  perte,  &qu  ils  ne 
firent  paraître  que  des  fentimens  dignes  de  leur.  Rp  f 
n’entendit  parmi  eux  aucune  plainte  contre  la  Provfoe  e 
d’un  Dieu  ,  qui  mettoit  véritablement  leur  foi  &  leur  ver  u  < 
de  grandes  épreuves ,  mais  qui  ne  fe  montrait  n.  moins  pu.ffant, 
ni  moins  Pere  ,  en  leur  infpirant  une  refîgnation  f.  heroiqt  e. 

Ces  réfléxions ,  que  firent  les  Infidèles  memes  ,  en  cov 
tirent  plufieurs  ,  les  plus  entêtés ,  au  milieu  meme  de  leurs  in- 
veftives ,  fe  fentoient  tout-à-coup  changés  d  une  maniéré ,  qui 
les  étonnoit ,  &  les  Iroquois  eurent  pendant  une  annee  entie 
un  exemple  de  ce  grand  pouvoir  de  la  Grâce  ,  que  plufieurs 
d’entr’eux  ne  purent  fe  difpenfer  de  reconnoitre.  Ils  avoien 

parmi  leurs  Pionniers  une'  jeune  A  lgonqume  qui  eto.t  aveu¬ 
gle  ,  &  quoiqu’elle  fût  abfolument  hors  d’etat  de  leur  rend  e 
aucun fervice,  ils  la  laiffoient  vivre,  jans trop fçavoir pour- 


quoi 


Cette  Fille  étoit  Chrétienne ,  &  bien  inftru.te  de  fa  Refo 
gion  ,  elle  eut  le  courage  de  faire  parmi  fes  Maîtres  1  emploi 
3e  Catéchifte  ,  &  Dieu  opéra  plufieurs  convenons  par  Ion 
miniftere.  Il  y  en  eut  même ,  qui  firent  grand  bruit ,  &  JJ* 
aigrirent  beaucoup  contre  elle  les  Principaux  du  >  dlage: 
nlgnoroit  pas  à  quoi  l’expofoit  fon  zele  ,  mais  rien  m îfu _ca- 
panle  de  le  ralentir.  On  l’avertit  férieufement  de  prendre  garde 
a  fes  démarches ,  on  lui  fit  des  menaces  ,  dont  eÛe  avoinou 
lieu  de  craindre  l’exécution  ;  rien  ne  1  ébranla  ,  &  le  Dieu» 
quelle  fervoit  avec  tant  de  courage  ,  continua  de  la  pro 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VII.  307 
ger  d’une  maniéré  incompréhenfible  à  ceux  ,  qui  pouvant  ~~r  — — 

lecrafer  d’une  parole  ,  n’oferent  jamais  attenter  à  fa  vie  ,  ni  lui  1  >  • 

caufer  le  moindre  chagrin. 

Voilà  ce  qu’atteffoient  alors  tous  ceux,  qui  vivoient  dans 
la  Nouvelle  France  ,  ou  qui  y  faifoient  quelque  fejour  ,  &  nous 
en  avons  encore  vu  des  témoins ,  qui  ne  pourvoient  pas  être 
fufpe&s  d’exaggeration.  Je  me  fuis  peut-être  un  peu  plus  arrêté 
dans  ces  détails  ,  que  n’auroient  voulu  plufieurs  de  ceux ,  qui 
liront  cette  Hiftoire  ;  mais  j’ai  cru  qu’ils  étoient  néceffaires  pour 
donner  une  idée  jufte  de  cette  Chrétienté  Sauvage  ,  dont  quel¬ 
ques  Ecrivains ,  qui  n’en  ont  vu  que  la  décadence  ,  fe  font 
efforcés  de  ternir  l’éclat.  Quelques  qu’ayent  été  leurs  motifs , 
dont  je  laiffe  le  jugement  à  celui ,  qui  feul  a  le  pouvoir  &  le 
droit  de  fonder  les  cœurs  ,  quelle  créance  peut-on  donner  à 
l’autorité  de  Gens  ,  qui  n’ont  point  eu  d’autre  preuve,  pour 
traiter  de  fable  ce  qui  s’eff  paffé  loin  d’eux  ,  ou  avant  eux  ,  que 
de  n’en  avoir  pas  été  les  témoins. 

Au  tems ,  dont  je 
tout ,  &  fe  fentoit  de 
prelqu  înleparabie  :  il  commençoit  pourtant  a  y  avoir  quelque  caufer  des  dé¬ 
dérangement  parmi  les  Chrétiens  ,  qui  abordoient  à  Tadouf-  Torches  dans 
fac  ,  &  à  la  honte  des  Européens ,  c  etoit  eux  ,  qui  donnoient  ^^ues  Mlf' 
lieu  au  défordre  ,  tandis  que  des  Barbares  à  peine  baptifés  fai¬ 
foient  leur  poiîible  pour  l’arrêter.  Il  s’agiffoit  furtout  del’yvro- 
gnerie  ,  à  laquelle  ces  Peuples  ont  un  penchant ,  qu’ils  ne  con- 
noiffoient  point  avant  que  d’avoir  de  quoi  la  fatisfaire ,  &  dont 
ils  ne  font  prefque  plus  les  maîtres ,  quand  ils  ont  commencé 
d’en  former  l’habitude. 

Les  Chefs  de  la  Colonie  avoient  trop  de  religion  &  de  zélé , 
pour  ne  pas  s’oppofer  à  un  commerce  ,  qui  fervoit  d’amorce  au 
vice  &  le  fomentoit ,  &  ils  ne  furent  pas  même  foupçonnés  , 
comme  l’ont  été  quelques  -  uns  de  leurs  Succeffeurs  ,  d’avoir 
voulu  augmenter  leurs  revenus  aux  dépens  de  la  Religion  & 
du  bon  ordre.  Mais  il  n’y  avoit  à  T adouffac  que  des  Mifîion- 
naires  fans  Commandans  ,  parce  que  nous  n’y  avons  jamais  eu 
d  Etabhffement  fixe  :  &  quelque  crédit ,  que  donnaffent  à  ces 
Religieux  leur  caraffére  ,  leur  vertu  ,  &  les  ordres  du  Gouver¬ 
neur  Général ,  ils  éprouvoient  tous  les  jours  combien  une  au¬ 
torité  défarmée  eff  un  foible  frein  contre  certaines  pallions  , 

&  que  1  intérêt  de  la  Religion  eft  un  motif  peu  capable  de  tou¬ 
cher  des  cœurs  dominés  par  la  cupidité. 

Qq  ■) 


parle  ,  la  ferveur  etoit  encore  grande  par  La  Traittedc 
la  perfécution  &  l’adverfité  ,  dont  elle  eff  I’Eau-f1e-Vie 


1650-5 1 


,08  histoire  generale 

*  T  .  mal  fit  en  peu  de  tems  de  tels  progrès  ,  que  les  Chefs 
àe\' Sauvages  prièrent  mftamment  M.  d’Aillebout  de  bati-r  une 
nrifon  pour  y  enfermer  ceux  ,  qui  par  leurs  fcandales  trou- 
Ileroient  la  pieté  de  leurs  Freres.  Outre  les  Montagnez  ,  qui 
étoient  les  Habitans  naturels  des  environs  de  Tadouffac  ,  on 
voyoit  encore  fouvent  dans  ce  Parti  des  Berfianmes  ,  des  Pu- 
vïlachoh,  des  Oumamwueks ,  &  tous  avoient  déjà  des  Chré¬ 
tiens  ,  oui  étoient  redevables  de  la  première  connoiffance  du 
vràTüieu  à  des  Sauvages  Néophytes  ,  &  qu’  on  avoir  achevé 
dmftruire  à  Tadouffac  même ,  ou  les  Millionnaires  11e  r  ai 
ou  oient  jamais  de  fe  trouver  au  tems  de  la  lraite. 
q  Les  chofes  étoient  à  tous  égards  fur  un  bien  meilleur  pied 
aux  Trois  Rivières,  où  il  y  avoir  un  Gouverneur  vg 
zélé  (  a  )  ,  où  les  Jefuites  avoient  une  Maifon  ,  ou  plu 
Nations  du  Nord  fe  rendoient  pour  le  commerce  des  Pellete¬ 
ries  Elles  y  étoient  furtout  attirées  par  les  Amkamegues ,  & 
grands  Lemples  de  vertu  de  ce  bon  Peuple  prépare, oit 
dans  leurs  coeurs  les  voyes  aux  impreffions  de  k  Grâce.  On 
en  baptifoit  tous  les  ans  un  certain  nombre  ,  &  Neophy 
tes  ne  fe  croyoient  véritablement  Chrétiens  ,  qu  autant  qu  ils 
faifoient  des  conquêtes  pour  Jésus-Christ  ;  eurs  ns  ne 

vovoient  rien  que  d’édifiant  dans  la  conduite  des  François. 
L’iiyver  précédant  le  P.  Dreuillettes  avoir  parcouru  toutes  les 
Contrées  ,  qui  font  au  Septentrion  des  Trois  Rivières ,  il  re 
contra  des  Chrétiens  ,  &  des  Chrétiens  parfaitement  bien  m- 
ttrmts ,  où  il  ne  s'attendit  pas  de  trouver  des  Hommes  .  i  g 
menta  leur  nombre  ,  il  leur  admimftra  les-  Sacremen  r  leur 
promit  de  les  vifiter  le  plus  fouvent  qu  il  lui  feroit  poffible , 
&  il  les  laiffa  dans  des  difpofitions ,  dont  il  crut  pouvoir  tout 

efperer.  ,  ,  h  fnnefte  à  la  Nouvelle  France  parla 

fon  ,  Gouver-  deftru&ion  de  prefque  toute  la  Nation  Huronne  ,  &  par 

malheurs,  qui  en  furent  les  fuites  finit  par  le  changement  de 
lc  iance. ,  Gouverneur  Général.  M.  de  Laufon  ,  un  des  principaux  Mem¬ 
bres  de  la  Compagnie  du  Canada,  fut  nomme  pour  fucced* a. 
M.  d’Ailleboût ,  dont  les  trois  ans  etoient  expires  ;  mais  i il  «  w 
va  à  Quebec  que  l’année  fuivante.  M.  d  Aillebout  laiffa  fans 
gret  mie  Place,  où  il  ne  pouvoir  être,  que  le  témoin  delà 
lolationde  la  Colonie  ,  &  dont  on  ne  le  mettoit  point  en  état 
de  foûtenir  ia  Dignité.  Le  nouveau  Gouverneur  avoir  toujours 

(«)  M.  Dupleflis  Boçhart.. 


■ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lxv.  VIL  309 
eu  plus  de  part  que  perfonne  aux  affaires  de  la  Compagnie. 
Cetoit  lui  principalement ,  qui  avoit  ménagé  en  Angleterre  la 
feftitutfon  de  Quebec  ;  fa  pieté ,  fa  droiture  ,  fes  bonnes  inten¬ 
tions  étoient  connues ,  &  il  avoit  toujours  paru  s ’intéreffer  beau¬ 
coup  à  ce  qui  regardoit  le  Canada. 

Mais  il  le  trouva  dans  une  fituation  bien  plus  déplorable  en¬ 
core  ,  que  ne  l’avoit  reprefenté  le  P.  Lallemant ,  &  la  Golonie 
dépérifîoit  de  jour  en  jour.  Les  Iroquois  devenus  plus  hardis 
depuis  leurs  dernieres  victoires  ,  commençoientà  ne  plus  regar¬ 
der  nos  Forts  &  nos  Retranchemens  comme  des  barrières  capa¬ 
bles  de  les  arrêter  ;  ils  fe  repandoient  en  grandes  Trouppes  dans 
toutes  les  Habitations  Françoifes  ;  &  Ton  n  etoit  plus  nulle  part 
en  sûreté  contre  leurs  infultes.  Un  événement  funefle  ve- 
noit  encore  d’accroître  leur  infol ence.  Un  de  leur  Parti  s’étant 
approché  des  Trois  Rivières  ,  M.  Dupleffys-Bochart  ,  qui  en 
étoit  Gouverneur  ,  voulut  marcher  contre  eux  en  perfonne.  On 
eut  beau  lui  reprefenter  qu’il  s’expofoit  inutilement ,  que  toute 
fa  valeur  ne  pouvoit  rien  contre  un  Ennemi ,  qui  met  fa  prin¬ 
cipale  force  dans  la  furprife  ,  &  à  qui  fon  agilité  naturelle  ,  & 
la  proximité  des  Forêts  offrent  toujours  une  retraite  sûre  ;  & 
qu’ènfin  il  n’y  avoit  rien  à  gagner  à  fe  battre  contre  des  Gens , 
qui  11’avoient  rien  à  perdre^  Il  n’écouta  rien;  mais  il  porta  la 
peine  de  fon  obflination  :  il  fut  tué  ,  &  outre  que  fa  mort  priva 
la  Colonie  d’un  bon  Officier  ,  &  d’un  honnête  Homme  ,  elle 
donna  un  nouveau  relief  aux  armes  des  Iroquois. 

La  guerre ,  qu’ils  continuoient  de  faire  avec  acharnement 
contre  les  foibles  refies  de  la  Nation  Huronne  ,  &  contre  les 
Peuples,  qui  leur  avoient  donné  retraitte  ,  augmentoitde  jour 
en  jour  la  terreur  de  leur  nom  ,  &  leurs  forces  croiffoient  par 
le  nombre  des  Captifs ,  qu’ils  emmenoient  de  toutes  parts  ,  & 
dont  ils  fe  fervoient  pour  remplacer  ceux  des  leurs  ,  qu’ils  per- 
doient.  Enfin  Syllen  n’étant  plus  en  sûreté  avec  des  Paliifades , 
on  avoit  été  obligé  de  l’enfermer  de  murailles  ,  &  d’y  placer  du 
Canon.  Les  plus  affreux  déferts  &  les  plus  impénétrables  Can- 
*  tons  du  Nord  n’étoient  plus  des  retraittes  sûres  contre  la  rage 
de  ces  Barbares ,  &  contre  la  foif  hydropique  ,  qu’ils  avoient 
du  fang  humain. 

Le  P.  Jacques  Buteux  avoit  employé  tout  le  printems  de 
cette  année  1651.  à  parcourir  ces  vafles  Contrées;  il  avoit 
trouvé  tous  les  Attikamegues  Chrétiens  ,  ou  Catéchumènes  % 
quoique  jamais  aucun  Prêtre  n’eût  demeuré  parmi  eux  &leur- 


1650-5 1 . . 


Le  Couvert 
neur  des  Trois 
Rivières  eft 
tué  parles  Iro¬ 
quois. 


Ravages  de 
ceux-ci  dans  is 
Nord, 


1652, 


/ 


,1Q  HISTOIRE  generale 

—  innocence  le  charma.  Ils  avoient  dreffé  une  Chapelle  ,  où  ils 
1  6  5  2*  s’aflembloient  regulierement  pour  faire  leurs  Prières  en  com¬ 
mun  &  après  que  le  Millionnaire  eut  fansfait  a  1  empreile- 
ment  qu’ils  avoient  d’entendre  la  parole  de  Dieu  ,  &  de  par¬ 
ticiper  aux  Sacremens  de  l’Eglife  ,  ils  le  conduifirent  chez  une  . 
Nation  plus  éloignée  ,  où  ce  Religieux  fut  allez  heure u|' 
pour  faire  goûter  notre  fainte  Loi  a  un  petit  nombre  d  Elus., 

Il  fe  promettoit  bien  d’achever  l’année  fuivante  cequil  na- 
voit  encore  pu  qu’ébaucher  ;  mais  à  peine  étoit-il  de  retour  dans 
la  Colonie  ,  que  leslroquois  firent  une  irruption  dans  ces  lieux 
écartés ,  les  remplirent  de  fang  &  de  carnage  ,  &  n  y  lame-; 
rent  pas  un  feul  Village  ,  dont  ils  n’euffent  égorgé  ou  diffipe 
les  Habitans.  La  nouvelle  en  ayant  ete  portée  a  M.  de  Lau- 
fon  ,  lui  fit  comprendre  la  néceffite  d’oppofer  une  digue  ace 
torrent  ;  mais  il  n’avoit  amené  aucun  renfort  de  France  ,  &  il 
s’en  falloit  bien  qu’il  eût  trouvé  dans  la  Colonie  des  forces  ca¬ 
pables  d’v  rétablir  la  sûreté  &  la  tranquillité. 
iWsdela  Le  feul  endroit  de  la  Nouvelle  France  ,  ou  les  Iroquois 
Foy  p«mi  les  „’avoieiit  encore  ofé  ,  &  n’oferent  jamais  porter  leurs  armes 
Nations  Abé-  vi£torieufes  ,  étoit  le  Pays  occupe  par  les  Nations  Abena- 
naqutfes.  .  Nous  avons  vù  que  le  P.  Dreuillettes  y  avoit  jette  les 

fond'emens  d’une  Chrétienté ,  qui  donnoit  de  grandes  efperan- 
ces  :  je  n’ai  pu  fç avoir  les  raifons  ,  qu’il  eut  d  interrompre  les 
travaux  Apofioliques  parmi  ces  Peuples ,  pour  aller  exercer 
fon  zélé  jufqu’aux  extrémités  du  Nord.  Ce  qui  eit  certain  , 
c’efi;  qu’aucun  Millionnaire  ne  travailloit  alors  avec  plus  de 
fruit  dans  le  Canada ,  parce  que  le  Ciel  l’avoit  rendu  puif- 

fant  en  œuvres  ,  aulïi-bien  qu’en  paroles. 

Les  Sauvages ,  qui  1  accompagnoient  dans  les  cour  es  9  ne 
parloient  que  des  merveilles  opérées  par  fon  moyen  ,  ce  qui 
joint  aux  vertus  éminentes  ,  qu’ils  lui  voy oient  pratiquer  ,  lui 
rendoit  facile  tout  ce  qu’il  entreprenoit  pour  la  gloire  de 
Dieu.  Les  François  avoient  la  même  opinion  de  fa  laantete  ex 
de  fon  pouvoir  auprès  du  Seigneur.  J  ai  connu  aux  Trois  Ri¬ 
vières  une  Dame  (a),  qui  pendant  fon  enfance  étant  tombée 
dans  une  langueur  ,  que  les  Médecins  avoient  jugée  incura¬ 
ble  ,  fut  guérie  au  moment ,  que  le  Serviteur  de  Dieu  fit  fur 
fon  front  le  Signe  de  la  Croix  ;  &  c’efi:  de  la  Mere  meme  (b) 

(  *  JMadame  de  Cournover ,  Femme  Jon  Major  Trois  Rivières  lequel  émir  Pis 


Capitaine  des  Trouppes  de  la  Marine 

(  b  )  Madame  de  Iinetot ,  Femme  d’un 


de  M.  Godefroy,  qui  avoir  été  Ambafladeur . 
à  Bafton  avec  le  ï\  Dreuillettes. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  311 
de  cette  Dame  ,  &  qui  la  tenoit  entre  fes  bras ,  lorfqu’elle  fut 
guérie  ,  que  je  tiens  ce  fait. 

Il  paroît  néanmoins  que  le  P.  Dreuillettes  n’avoit  jamais 
perdu  tout-à-fait  de  vûë  fes  chers  Abénaquis  ,  parmi  lefquels 
fon  crédit  devint  fi  grand  ,  que  les  Anglois  ,  qui  avoient  in¬ 
térêt  à  ménager  ces  Sauvages  ,  leurs  V oifins  ,  crurent  devoir 
cultiver  avec  foin  fon  amitié ,  &  eurent  toujours  de  grands 
égards  pour  lui.  Il  y  répondit  de  fa  part  d’une  maniéré  ,  qui 
les  fatisnt  beaucoup  ,  &  il  profita  fi  bien  de  cette  bonne  intel¬ 
ligence  pour  avancer  l’œuvre  de  Dieu  ,  qu’il  fe  vit  en  très-peu 
de  tems  à  la  tête  d’une  Eglife  nombreufe  &  florifTante.  La  Nou¬ 
velle  Angleterre  eut  tout  lieu  dans  la  fuite  ,  &  lorfque  tous 
les  Abénaquis  fe  furent  attachés  aux  François  par  le  lien  de 
la  Religion  ,  de  fe  repentir  de  s’en  être  mal-à-propos  fait  des 
Ennemis  irrreconciliables. 

Vers  ce  même  tems  quelques  Familles  d’Attikamegues  in¬ 
vitèrent  le  P.  Buteux  à  les  accompagner  dans  leur  Pays  ,  pour 
y  raffembler  les  trilles  débris  de  leur  Nation.  Il  y  confentit 
d’autant  plus  volontiers  ,  que  plufieurs  autres  Sauvages ,  qui 
ne  connoiffoient  point  encore  Jesus-Christ  ,  dévoient  fe 
trouver  au  rendez-vous  ,  que  leur  avoient  donné  les  pre¬ 
miers.  Le  jour  du  départ  fut  fixé  au  quatrième  d’ Avril  1652. 
&  la  veille  le  Millionnaire  écrivit  à  fon  Supérieur  un  Billet , 
conçu  en  ces  termes  ;  On  me  fait  enfin  efperer  ,  mon  Reve- 
rend  Pere  ,  que  nous  allons  partir.  Dieu  veuille  qu’on  ne  chan¬ 
ge  pas  encore  de  refolution  ,  &  que  le  Ciel  foit  le  terme  de  no¬ 
tre  voyage.  Notre  Convoi  eft  compofé  de  foixante  Perfonnes  , 
Hommes,  Femmes  &  Enfans  :  tous  font  d’une  langueur  extrê¬ 
me  :  quant  aux  provifions  ,  elles  font  entre  les  mains  de  celui , 
qui  nourrit  les  Oifeaux  du  Ciel.  Je  pars  chargé  de  mes  péchés 
&  de  ma  mifere  ,  &  j’ai  grand  befoin  qu’on  prie  pour  moi.  Le 
cœur  me  dit  que  le  tems  de  mon  bonheur  approche  :  Dominüs 
ejl  y  quod  bonum  eft  in  oculis  fuis  facïat  (a). 

Il  falloir  être  en  effet  bien  refolu  à  tout ,  pour  entreprendre 
un  tel  voyage.  Après  que  ce  Religieux  eut  fouffert  pendant 
un  mois  tout  ce  que  la  difette  de  vivres ,  &  les  chemins  les 
plus  affreux  peuvent  avoir  de  plus  pénible  ,  on  jugea  qu’il 
étoit  bon  de  fe  partager ,  tant  pour  fubfiffer  plus  aifément ,  que 
pour  être  plus  en  état  d’éviter  les  Partis  Ennemis  ;  mais  avant 
que  de  fe  féparer  ,  tous  voulurent  fe  confeffer  ,  &  recevoir  le 
*  (a)  i-  Rcs-  3*  is. 


1652. 


Ee  P.  Buteux 
va  dans  le 
Nord  avec  un 
preflèntiment 
qu’il  n’en  re¬ 
viendra  point. 


« 


Il  eft  tue  par 
les  iroquois. 


IRE  GENERALE 


1  6  5  2. 


J{  15  T  O _ 

Sacrement  de  l’Autel.  Le  P.  Buteux  ne  garda  avec  lui  qu’un 
feune  François  &  un  Huron ,  &  comme  les  Rmeres  commen¬ 
cent  à  être  naviguables ,  ils  fabriquèrent  un  petit  Canot ,  & 

5  ^elendemafn  Us  furent  obligés  de  faire  plufieurs  portages , 

6  Us  étoient  occupés  autroiftéme  ,  lorfque  le  Huron ,  qui  mar- 
choit  un  peu  devant  les  autres  ,  fe  <em.t  wut^coup  fa,f,  au 
rnrns  nar  derrière.  Le  Millionnaire  &  le  François  turent  en 
même  fems  portés  par  terre  d’une  décharge  de  Mis.  Le  premier 
“  eut  deux  Galles  Lis  la  poitrine ,  &  une  tro.fieme  lu.  caffa  le 
bras  droit  II  n’eut  que  le  tems  dedire  deux  mots  a  fon  Corn 
naanon  qui  n’éton  pas  moins  bleffé  ,  pour  l’exhorter  a  bien 
mourir  d’offrir  lui-même  à  Dieu  le  faerffice  de :  fa  vie  ,1 
Iroquois  les  achevèrent  fur  le  champ  1  un  &  1  autre  les  de 
poüUlerent ,  &  jetterent  leurs  corps  ..danfS^  ,^e  de  s’évader  ; 

«=»«  Le  Huron  fut  deftine  au  feu  ,  on  dé’- 

Miffionnanes  il  arriva  le  huitième  de  Juin  au  ^  chercher  le 

repaient  en  1  trouppe  de  jeunes  Sauvages  pour  ader  chercher 

Europe.  tacha  Jais  ils  ne  purent  le  trouver.  Ainfi  il  ne 

toit  plus  en  âge  de  pouvoir  apprendre  une  nouvelje  laugue 

ainli  ils  furent  obligés  de  repafler  en  Europe.  Le  P.  »rell“‘ 
fm  de  ce  nombre  ,  &  il  a  depuis  prêché  dans  les  plus  grandes 
Villes  d’Italie  avec  un  applaudiffement ,  que  lui  attirent  bien 
mo  ns  fon  éloquence  véritablement  pathétique  que  fa  qualité 


Progrès  de  la 
Colonie  de 
Montreal. 


ne  dans  toute  la  purete ,  oc  uc  unv  '  ' 

emm  (üfnnata  Domini  Jefu  in  corpore  meo  porto. 

M  de  Maifonneuve  fut  o^hgé  d  aller  a  Pans  nom  y  cherc ber 


"UL1C  —  M.  de  Maifonneuve  lutomige  uduci  a  - J  , 

1653.  ies  ferours  qu’il  ne  pouvoit  obtenir  par  fes  Letties.  1 

vînt  en  avec  un  renfort  de  cent  Hommes  ;  mais  a 

plus  heureufe  acqu.fition  ,  qu.l  fit  dans  ce  voyage  fu  celle 
d’une  vertueufe  Fille ,  nomrnee  Marguerite  Bourgeois  , 


(  a  )  Galat,  6.  17. 


uve 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  313 

tivede  Langres  ,  qu’il  amena  à  Montreal ,  pour  y  avoir  foin  de  165  3T" 
fa  Maifon  ,  &  qui  a  depuis  rendu  fon  nom  cher  oc  refpeêlable  à 
toute  la  Colonie  par  fes  éminentes  vertus  ,  &  par  l’inflitution 
des  Filles  de  la  Congrégation  ;  Inftitut ,  dont  l’utilité  augmen¬ 
terons  les  jours  avec  le  norfrbre  de  celles  ,  qui  Font  embrafïe. 

J’en  ai  parlé  plus  amplement  dans  mon  Journal. 

Peu  de  tems  après  le  retour  de  M.  de  Maifonneuve ,  il  ar¬ 
riva  dans  fon  Me  une  chofe ,  qui  fut  regardée  de  toute  la  Co¬ 
lonie  comme  un  effet  de  la  proteêtion  vifible  de  la  Mere  de 
Dieu  ,  à  qui  elle  étoit  particulièrement  confacrée  ,  8c  où  l’on 
vivoit  véritablement  de  maniéré  à  mériter  fes  faveurs.  Vint- 
fix  Hommes  fe  trouvèrent  furpris  &  envelopés  par  deux-cent 
îroquois  ,  qui  firent  fur  eux  plufieurs  décharges  ,  fans  en  bleffer 
aucun  ,  au  lieu  qu’aucun  coup  de  ceux-ci  ne  porta  à  faux.  L’é¬ 
tonnement  des  Barbares  Fuit  extrême  ;  ils  ne  jugèrent  pas  à  pro¬ 
pos  de  donner  aux  François  le  tems  de  recharger ,  8c  ils  s’enfui¬ 
rent  à  toutes  jambes. 

Le  Gouverneur  prenoit  fes  mefures  pour  fe  garantir  de  pa-  Notrvéîles 
reilles  furprifes ,  lorfque  foixante  Onnontagués  parurent  à  la  négociation 
vûë  de  fon  Fort  :  quelques-uns  fe  détachèrent  enfuite  ,  8c  s’ap-  paii* 
prochant  avec  beaucoup  de  confiance,  firent  ligne  qu’ils  vou- 
loient  parler.  Leur  petit  nombre  fit  qu’on  n’eut  aucune  peine 
à  les  introduire  dans  la  Place  ,  &  ils  déclarèrent  que  leur  Can¬ 
eton  étoit  difpofé  à  la  paix  ,  fi  on  vouloit  bien  traiter  avec 
eux.  Ils  accompagnèrent  cette  proportion  de  préfens ,  8c  M. 
de  Maifonneuve  ,  en  les  acceptant ,  Ibur  fit  obferver  combien 
la  Nation  Françoife  étoit  éloignée  de  cette  perfidie  ,  qui  leur 
avoit  fi  fou  vent  fait  abufer  de  la  confiance  ,  qu’on  avoit  prife 
en  leur  parole  :  Qu’il  auroit  pu  en  cette  rencontre  ufer  de  re- 
nréfailles  ,  8c  les  traiter  en  Efpions  ,  toute  leur  conduite  p allée 
lui  en  donnant  le  droit  ;  mais  que  les  Chrétiens  fe  conduifoient 
par  d’autres  principes. 

Ils  convinrent  de  tout  ,  &  affûrerent  que  dans  peu  on  au¬ 
roit  des  preuves  certaines  de  leur  fincérité.  Ils  partirent  auffi- 
tôt  pour  aller  communiquer  à  leurs  Anciens  les  proportions 
du  Gouverneur ,  8c  ayant  pris  leur  chemin  par  Onneyouth  , 
ils  engagèrent  les  Chefs  de  ce  Canton  à  fe  joindre  à  eux.  Ce¬ 
lui  de  Goyogouin  Ht  la  même  chofe  ,  8c  envoya  même  en  fon 
nom  des  Députés  à  Montreal ,  avec  un  Collier ,  pour  avertir 
le  Gouverneur  que  cinq-cent  Agniers  étoient  en  campagne , 

3c  en  vouloient  aux  Trois  Rivières.  M.  de  Laufon  ,à  quiM. 

Tome  I.  R  r 


1653 


Prife  du  P. 
Poncet. 


,14  HISTOIRE  GENERAL  E 

de  Maifonneuve  fit  part  de  ces  nouvelles ,  arma  en  diligence 
tout  ce  qu’il  put  raffembler  de  Hurons.  Ceux-ci  ayant  joint  une 
nombreufe  Trouppe  d’Agniers  allez:  avantageufement  polies , 
l’attaquèrent  avec  tant  de  réfolution  ,  qu’ils  en  tuèrent  un  grand 
nombre  ,  firent  Prifonnier  le  Chef,  &  plufieurs  des  Princi¬ 
paux  ,&  mirent  le  relie  en  fuite.  ..  ,  . 

Un  autre  Parti  de  ces  Barbares  fut  plus  heureux.  Il  setoit 
avancé  jufqu’au  Portes  de  Quebec,  où  pendant  toutl  ete  il  don¬ 
na  de  fréquentes  allarmes ,  fit  par  tout  de  grands  defordres , 
maffacra  plufieurs  François ,  &  fit  quelque  Prifonmers  par¬ 
mi  lefquels  fut  le  P.  Poncet  (a).  Ce  Miffionnaire  etoit  fort 
aimé  dans  la  Colonie ,  on  n’eut  pas  plutôt  appris  dans  la  Ca- 
nitale  qu’il  étoit  entre  les  mains  des  Iroquois ,  que  quarante 
François ,  &  quantité  de  Sauvages  fe  mirent  aux  pouffes  des 
Aeniers,  réfolus  de  ne  point  revenir  gu  ils  ne  leuffent  dé¬ 
livré  ;  mais  on  les  retint  aux  Trois  Rivières  pour  renforcer 
la  Garnifon  de  ce  Polie  ,  que  les  Ennemis  tendent  bloque  de 

Avant  que  d’y  arriver  ,  ils  avoient  aperçu  deux  tetes  delfi- 
nées  fur  le  tronc  d’un  arbre  ,  &  au  bas  le  nom  du  P.  Poncet , 
&  celui  d’un  François ,  qui  avoir  été  pris  avec  ce  Religieux. 
Ils  trouvèrent  auffi  à  terre  un  petit  Livre  ,  ou  le  Pere  avoit 
,,  écrit  ces  mots  :  «  Six  Hurons  naturahfes  Iroquois ,  &  quatre 
»  Aeniers  nous  emmenent ,  &  ne  nous  ont  encore  fait  aucun 
*  mal,,.  Il  n’auroit  pu  en  dire  autant  peu  de  jours  apres;  car  il 
ne  fut  pas  plus  épargné  que  les  PP.  Jogues  &  Breffam  ne  la- 
voient  été  en  pareilles  rencontres  ,  foit  pendant  le  voyage  ,  loit 

à  fou  arrivée-  dans  le  Canton  d  Agnier. 

Un  jour,  qu’on  étoit  affemblé  pour  délibérer  de  foniort, 
&  de  celui  de  fon  Compagnon  ,  une  Femme  prefenta  une 
Branche  (é)  de  Porcelaine,  pour  avoir  la  permilhon  de  lu» 
faire  couper  un  doigt,  &  l’ayant  obtenue  ,  un  Sauvages  ap¬ 
procha  du  Pere  ,  &  lui  prit  la  main  droitte.  Tandis  quil  en 
confideroit  les  doigts  les  uns  après  les  autres ,  le  Millionnaire  » 
qui  avoit  un  preffentiment  qu’on  ne  le  feroit  pas  mourir  ,  de 
manda  à  Dieu  ,  qu’on  lui  mutilât  plûtôt  la  main  gauche ,  que 
la  main  droite ,  &  dans  le  moment  le  Sauvage  laiffant  la  main  , 
qu’il  tenoit ,  prit  l’autre  ,  &  en  fit  couper  le  doigt  index  par 


(a)  Ce  Pere  étoit  Oncle  de  feu  M.  l’E¬ 
vêque  d’Ulez. 

{b)  On  appelle  Branche  de  Porcelaine  un 


long  fil  ,  où  font  palTés  plufieurs  grains  de 
Porcelaine. 


i 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VII.  3M 

un  Enfant.  Pendant  l’opération  le  Serviteur  de  Dieu  chanta  ~7 — 
le  Vexilla  3  &  quand  elle  fut  finie  ,  on  lui  mit  au  cou  la  Bran-  ^  °  5  3  • 
che  de  Porcelaine  ,  &  fon  doigt  fut  donné  à  la  Femme  ,  oui 
l’avoit  demandé. 

Le  jour  fui  van  t  on  le  conduifit  de  Village  en  Village ,  &  par¬ 
tout  il  eut  beaucoup  à  fouffrir  ,  furtout  de  la  part  des  Enfans , 
aufquels  il  fut  abandonné  ,  &  qui  le  traitèrent  avec  une  pétu¬ 
lance  plus  que  barbare.  Il  fe  tint  enfin  un  Confeil,  dont  le 
réfultat  fut  que  le  jeune  François  feroit  brûlé  ,  &  le  Million¬ 
naire  livré  à  la  difcrétion  d’une  vieille  Matronne  ,  dont  le  Fre- 
re  avoit  été  pris  ou  tué.  Le  premier  fut  éxécuté  fur  le  champ  , 

&  la  Maîtreffe  du  fécond  lui  donna  la  vie.  Trois  jours  après 
un  Iroquois  arriva  des  Trois  Rivières  ,  &  dit  qu’on  étoitfur 
le  point  de  conclurre  la  paix  ;  qu’Ononthio  demandoit  pour 
préliminaire  la  liberté  du  P.  Poucet  ,  qu’on  avoit  été  obligé 
de  lui  donner  des  otages ,  dont  la  vie  dépendoit  de  celle  du 
Millionnaire  ,  &  qu  il  etoit  parti  en  diligence  pour  en  donner 
avis. 

Cette  nouvelle  changea  en  un  moment  l’état  du  Prifonnier  ;  il  eft  délivré, 
on  commença  par  le  mener  à  Orange  pour  lui  faire  faire  un 
habit  ;  car  le  fien  avoit  été  mis  en  pièces  ,  félon  la  coutume. 

De  retour  chez  les  Agniers  ,  il  fut  conduit  comme  en  triom¬ 
phe  dans  plufieurs  Bourgades  ,  &  par  tout  il  fut  régalé  avec 
des  démonflrations  de  la  plus  fincére  amitié.  Enfin  le  quin¬ 
ziéme  d’O&obre  il  partit  pour  Quebec  avec  un  Député  du 
Canton  ,  lequel  etoit  charge  de  prefens  pour  le  Gouverneur 
Général ,  Srpour  le  Supérieur  des  Millions.  Après  deux  jours 
de  marche  ils  furent  joints  par  un  Exprès,  qu’on  envoyoit  au 
Député  pour  lui  dire  que  les  otages  ,  qui  avoient  été  mis  entre 
les  mains  des  François  ,  étoient  aux  fers ,  qu’on  avoit  même 
caffé  la  tête  à  quelques-uns ,  &  qu’il  prîtfur  cela  fon  parti ,  avant 
que  d’aller  plus  loin. 

Cet  avis  embarraffa  le  Député  ;  mais  comme  il  eftimoit  le  Danger,  qu’il 
P.  Poncet ,  il  fe  contenta  d’en  tirer  parole  qu’il  ne  lui  feroit  courc  en  fe~ 
fait  aucun  mal ,  &  il  pourfuivit  fa  route.  Cette  première  al-  Quebec.1  * 
larme  rut  fuivie  de  quelques  autres  ,  qui  auroient  mis  le  Mif- 
fionnaire  en  grand  danger  ,  s’il  n’avoit  pas  eu  à  faire  à  un  Hom¬ 
me  prévenu  en  fa  faveur.  Ceux ,  qui  ont  pratiqué  les  Sauva¬ 
ges  ,  ne  s’étonnent  point  de  ces  incidens  ;  car  rien  n’eff  plus 
ordinaire  parmi  ces  Barbares ,  que  de  faire  courir  de  pareils 
bruits  ,  qui  n’ont  aucun  fondement.  Quelquefois  ils  font  caufés 

Rr  ij 


1 6  5  3- 


2a  paix  sft 
•aariclue; 


le  P.  le  Moy 
ne  va  à  On  no 


tagué  pour  y 
ratifier  le 


Traité. 


i  6  54 


Terveur  fies 
Hirïons  Cap¬ 
tifs  parmi  les 

îïCüUOiS. 


c  HISTOIRE  GENERALE 

oar  la  feule  démangeaifon  de  publier  des  chofes  nouvelles ,  & 
f  %,o,  on  ne  s’attend  point  ,  ou  par  l’env.e  de  faire  parler  , 
&cle  mettre  les  Gens  dans  1  embarras. 

%  a»  <rrél  js.t&*^tevss 

fion  priante ,  l'Àuieur  '.  ce  bruit  ne  cherchent  eÇ' e  btunlhr 
le,  cLes.  Le  f» 

vré  de  ces  Péris  par  h  confiance,  que  fon  Condufteur  avo  t 
rlf  “  enfa  pélr  au  Port.  Il  fit  naufrage  en  defeendant  le 
Sault  St  Louis  ,  &  fut  en  grand  danger  de  fe  noyer  .  il  arriva 
enfin  le  cinquième  de  Novembre  à  Quebec  ,  ou  il  fut  reçu 
comme  en  âomphe  ,  &  où  tant  qu’avoir  dure  fa  capt.vne  on. 
n’avoit  pas  manqué  un  feul  jour  fans  taire  des.  Pneres  publi. 

q  Lapaixétoit  déjà  conclue  ,  &  quelque  expenence ,  qu  on 
eût  delà  légèreté  &  delà  perfidie  des  Iroquois  ,  on  vouloi- 
bien  fe  flatter  quelle  feroit  durable.  Les  cinq  Cantons  s  y 
étoient  portés  fans  concert ,  &  les  Agmers  en  avoientfait  les- 
avances3  dans  le  tems  ,  qu’ils  paroiffoient  le  plus ^  animes  con¬ 
tre  nous  ,  &  qu’ils  n’avoient  rien  a  craindre  de  notre  paît.  te  l 
fit  juper  qu’etie  étoit  l’ouvrage  de  celui  ,  qui  peut  feul  la  do 
ner  au  Monde  ;  mais  il  ne  vouloit  apparemment  que  iufpen- 
dle  pour  un  tèms  affez  court  la  fureur  des  Ennemis  de  fon 
Nom  oui  n’avaient  nas  exécuté  tous  les  Arrêts  de  la  Juftice, 
Sonner  moyen  de  refpirer  à  une  Colonie  ,  où  il  avoir  encore- 
un  très-grand  nombre  de  véritables  Adorateurs. 

L’année  fuivante  le  P.  le  Moyne  fut  envoyé 
nour  v  ratifier  le  Traité  au  nom  du  Gouverneur  General,  « 

‘  t  sVpaffa  avec  beaucoup  de  fatisfaâion  de  part  &  d  autre- 
Le'  M^lio'nnaire  dit  aux  Sauvages  qu’il  voulait  avoir  fa  Ca- 
'  banne  dans  leur  Canton,  &  non-feulement  fon  offrefuta- 
centée  •  mais  on  lui  marqua  un  emplacement  ,  dont  P 
noffeiîion.  Ilfut  enfuite régalé  dans  plufieurs  Bourgades  ,  cha  - 

gé  de  préfens  de  la  part  de  tous  les  Chefs ,  &  reconduit  a  Q. 

beM  ùs)ia'ioy°n  qSlui  caufalm  fi  heureux  fuccès  de  fa  ne- 
goS  TÆ„  auprès  de  celle ,  qu’il  relient, tà  la  vue 

l’une  multitude  de  Hurons  Captifs  qui  formoient  au  m.lie 
.  ..  T..CJU . .  Coiife  femblable  à  celle,  des  hébreux- 


■  <  \ 

DË  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  317 
pendant  la  captivité  de  Babylone.  Leur  Foy  avoit  été  mife  '  l  ^ 
aux  plus  rudes  épreuves  ,  &  n’en  étoit  que  plus  vive.  L’exem-  ^ 
pie  de  leur  vertu  ,  &  les  exhortations  pathétiques  de  quelques- 
uns  avoient  fait  concevoir  aux  Iroquois  une  grande  eftime 
pour  la  Religion  ,  qu’ils  profeffoient  ,  plufieurs  mêmes  paroif- 
foient  difpofés  à  l’embraffer  ;  le  P.  le  Moyne  en  baptifa  quel¬ 
ques-uns  ,  &  l’extrême  envie ,  qu’il  avoit  de  voir  au  plûtôt 
une  Eglife  Iroquoife  bien  établie  ,  lui  ht  garder  à  fon  retour 
le  filence  fur  une  chofe  ,  qui  lui  arriva  dans  fa  route  ,  &  que 
l’on  a  fçu  dans  la  fuite  des  Iroquois  mêmes. 

Il  étoit  dans  un  Canot  avec  deux  Onnontagués  ;  des  Hurons  Aventure  du- 
èc  des  Algonquins  le  fuivoient  dans  d’autres.  Comme  ils  appro-  1K  le  Moyne 
choient  de  Montreal,  ils  furent  allez  furpris  de  fe  voir  environ-  ^  Aamcfsf^ 
nés  de  plufieurs  Canots ,  remplis  d’Agniers  ,  qui  firent  fur  eux 
une  décharge  de  tous  leurs  fufîls.  Les  Hurons  &  les  Algon¬ 
quins  furent  tous  tués  ,  un  des  deux  Onnontagués  le  fut  aufli, 
oc  le  P.  le  Moyne  pris  &  lié ,  comme  Prifonnier  de  guerre. 

On  déclara  enfuite  à  l’Onnontagué  ,  qui  refloit ,  qu’il  pouvoit 
retourner  chez  lui  ;  mais  il  protefla  qu’il  ne  pouvoit  abandon¬ 
ner  le  Millionnaire  ,  qui  lui  avoit  été  confié  par  les  Anciens  de 
fon  Canton  ,  &  il  menaça  les  Agniers  de  toute  la  colere  des 
Iroquois  Supérieurs. 

Ceux-ci  fe  mocquerent  d’abord  de  cette  menace  ,  mais  quand 
ils  virent  que  l’Onnontagué  tenoit  bon  ,  ils  changèrent  de  lan¬ 
gage  ,  délièrent  le  Prifonnier  ,  &  le  remirent  entre  les  mains 
de  Ion  fidèle  Conducteur  ,  qui  le  mena  à  Montreal.  La  Mere 
de  l’Incarnation  dans  fes  Lettres ,  qui  font  fi  eftimées  &  fi  bien 
écrites  ,  &  qui  renferment  d’excellens  Mémoires  de  ce  tems-là  „ 
rapporte  ce  fait  un  peu  différemment  :  elle  ajoûte  que  l’aêlion 
des  Agniers  fut  défavouée  par  leur  Canton  ,  qui  la  rejetta  fur 
un  Hollandois ,  né  d’une  Agniere  ,  lequel  avoit  été  élevé  dans 
la  Cabanne.de  fa  Mere ,  vivoit  avec  les  Sauvages ,  &  n’eff  con¬ 
nu  dans  nos  Relations  ,  que  fous  le  nom  de  Bâtard.  Flamand .. 

Quoiqu’il  en  foit ,  cet  accident  ,  qu’on  apprit  alfez  tard  ,  ne 
changea  rien  à  ce  qui  avoit  été  réglé  par  le  Traité  de  paix  con¬ 
clu  entre  les  deux  Nations.  Ce  ne  fut  pas  mêqje  la  feule  infulte  r, 
qu’on  reçut  de  la  part  des  Iroquois  ,  oc.  fur  quoi  on  jugea  à  pro¬ 
pos  de  fermer  les  yeux. 

Les  Hurons  étoient  alors  au  nombre  de  fix-cent  dans  l’Ifle  Pieté  des  m 
!  d’O  rleans ,  où  ils  commençoient  à  s’entretenir  du  travail  de>  ronSfkns  rifiç- 
leurs  mains.  Comme  c’étoit  la  fleur  des  Chrétiens  de  cette.  d0rkaas* 


i  6  5  4- 


Les  Agniers 
cherchent  à 
rompre  la 
paix. 


8  HISTOIRE  GENERALE 
Nation  qu'ils  n’avoient  point  abandonne  le  Seigneur  dans  les 
maux  dont  il  avoit  permis  qu’ilsfuffent  affligés,  &  qu’ils  avoient 
foûtenu  le  fcandale  de  la  Croix  avec  une  patience  &  une  re- 
fienation  admirable  ,  furtout  dans  des  Néophytes ,  on  peut  ju¬ 
ger  de  leur  ferveur  dans  un  tems  ,  où  tout  les  portent  a  a  re- 
connoiffance  envers  celui ,  qui  mortifie  ,  &  qui  vivifie  ,  &  tou¬ 
jours  pour  le  bien  de  fes  Elus.  Ils  ne  manquoient  d  ailleurs  d  au¬ 
cun  desfecours ,  qui  pouvoient  fervir  à  nourrir  leur  piete.  On 
avoit  formé  des  plus  fervens  deux  Congrégations  ,  une  pour 
les  Hommes  ,  &  l’autre  pour  les  Femmes  ,  &  ces  feintes  Affir¬ 
mations  ,  quoiqu’en  ait  écrit  un  Auteur  ,  qui  a™''  tout  lieu 
de  fe  défier  de  fes  Mémoires  ,  &  que  fa  Profeffion  devoir  ren¬ 
dre  plus  refervé  à  parler  de  chofes ,  dont  il  ne  pouyoït  etre 
inftruit  par  lui-même  ;  ces  Affociations  ,  dis-je  ,  produifoient 
parmi  ces  fervens  Sauvages  les  mêmes  fruits  de  faintete  ,  quon 
admiroit  alors  dans  toutes  les  parties  du  Monde  Chrétien  ,  ou 

elles  étoient  établies.  •  . 

Le  défir  d’imiter  la  Reine  des  Vierges  faifoit  embraffer  le 

Célibat  à  un  grand  nombre  de  Filles  ,  &  la  conduite  édifiante 
de  ces  Epoufes  de  J esus-Christ  rendoit  refpeûable  parmi  les 
Sauvaees  un  Etat ,  qui  peu  d’années  auparavant  y  avoir  ete  me- 
prifé  Les  autres  Millions  fedentaires  ne  donnoient  pas  moins 
d’édification  aux  François ,  &  la  tranquillité  ,  que  la  paix  avoit 
ramenée ,  faifoit  efperer  que  toutes  les  N  ations  du  Nord  &  de 
l’Eft  embrafferoient  bientôt  le  Chriftiamfme  ,  rien ,  ce  lemble , 
ne  les  empêchant  plus  de  s’approcher  de  nous ,  ni  nos  Million¬ 
naires  de  les  aller  vifiter.  ,  . 

Cependant  les  Agniers  remuoient  fous  main  ,  &  cherchoient 

une  occafion  pour  troubler  le  repos  ,  dont  nous  jouiffions , 
auffi-bien  que  nos  Alliés.  L’intérêt ,  motif  affez  peu  connu  juf- 
ques-là  parmi  ces  Peuples ,  mais  que  le  commerce  &  1  exem¬ 
ple  des  Européens  leur  avoit  infpire  ,  etoit  le  principal  fujet  de 
leur  mécontentement,  &  leur  jaloufre  contre  les  autres  Cantons 
avoit  ietté  de  grandes  femences  de  brouillenes  entr  eux.  1  out 
le  tems ,  qu’avoir  duré  la  guerre  ,  cette  Nation  n  avoir  trafi¬ 
qué  qu’avec  les  Hollandois ,  ce  qui  deplaifoit  fort  aux  Cantons 
Supérieurs ,  parce  que  le  chemin ,  qu’ils  étoient  obliges  ae  faire 
pour  aller  à  Orange  ,  étoit  fort  long  ,  &  parce  qu  il  leur  fal¬ 
loir  paffer  parles  Terres  des  Agniers ,  qui.  par-la  les  tenoient 
.  l  h  /  i  ii _ .  n,urû  mip  rpiiY-n  .  nnuveS  OU 


loit paner  paries  icnc»  «w  — ?  a— -  r  - 
dans  une  efpéce  de  dépendance  ;  outre  que  ceux-ci  ,  ap uyes 
voifinage  des  Hollandois  étoient  en  état  de  donner  la  Loi  a  tout 

le  Pays. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VII.  319  _ 

Tous  ces  avantages  ceffoient  par  la  paix ,  qui  ouvroit  le  1654. 
commerce  entre  les  François  &  les  Cantons  Supérieurs.  Ainfi  ils  recom- 
il  ne  faut  pas  s’étonner  fi  les  uns  s’étoient  portés  avec  tant  de  mencent  ies 
zélé  a  conclurre  le  Traite  ,  &  fi  les  autres  y  avoient  témoigné  a^Sinent* 
tant  de  répugnance  5  &  fe  repentirent  fitot  d’y  avoir  donné  Frere  jefuite. 
les  mains.  D’ailleurs  ceux-ci  n’avoient  jamais  voulu  y  com¬ 
prendre  nos  Alliés  ,  &  ne  cefferent  point  en  effet ,  ou  ne  dis¬ 
continuèrent  que  fort  peu  de  tems,  à  faire  des  courfes  fur  eux. 

Ils  fe  lafferent  même  bientôt  dë  garder  les  mefures  ,  dont  ils 
étoient  convenus  avec  nous  ,  &  qui  convoient  à  ne  point 
paroître  en  armes  dans  la  Colonie  ,  &  à  ne  point  inquietter 
nos  Millionnaires  dans  leurs  fondions.  Un  Frere  Jefuite  ,  nom¬ 
mé  Jean  Liégeois  ,  fut  trouvé  aux  environs  de  Sylleri  percé 
de  deux  coups  de  moufquet ,  la  tête  féparée  du  corps  ?  &  la 
chevelure  levée. 


On  vit  bien  alors  qu  il  n  y  avoit  plus  rien  à  ménager  avec  un  Belle  adKo» 
Ennemi ,  qui  ne  pouvoit  fe  contenir ,  &  on  crut  qu’il  falloir  fe  d  une  AIg0lt" 
hâter  de  le  réduire  ,  tandis  qu’on  pouvoit  efperer  qu’il  ne  feroit 
point  foûtenu  des  autres  Cantons.  On  mit  en  effet  tant  de  Par¬ 
tis  en  campagne  ,  qu  enfin  on  vint  à  bout  de  fe  faire  craindre 
de  ces  Barbares  ,  &  rien  n’y  contribua  peut-être  davantage 
que  1  action  d’une  Algonquine  de  Sylleri.  Elle  étoit  à  la  cam¬ 
pagne  avec  fon  mari  &  fes  Enfans  :  cinq  Agniers  parurent 
tout  a  coup  ,  fe  jetterent  fur  le  Mari ,  qui  ne  fe  déficit  de  rien  , 

&  le  lièrent  :  les  Enfans  étoient  trop  petits  pour  pouvoir  s’é- 
chaper  ,  &  par  la  même  raifon  on  négligea  de  lier  la  Femme. 

Cette  confiance  coûta  cher  aux  Iroquois.  Dans  le  tems  ,  qu’ils 
y  penfoient  le  moins  ,  la  courageufe  Chrétienne  faifit  une  ha¬ 
che  ,  en  caffa  la  tête  au  Chef  de  la  bande  ,  puis  à  un  autre 
cjui  etoit  accouru  pour  le  fecourir  ;  les  trois  ,  qui  reftoient , 
étonnés  dune  fi  grande  hardiefîe  ,  prirent  auflitôt  la  fuite, 
ailTant  notre  Heroine  avec  fon  Mari  ,  dont  elle  coupa  les 

fon  Village  S  En^nS  5  ^u  elle  ramena  triomphamment  dans 

Ces  mauvais  fuccès  rebutèrent  les  Agniers  ;  ils  demandèrent 
de  nouveau  la  paix  fans  aucune  refiri&ion  ;  &  comme  ils  fai- 
iojent  de  grandes  inftances  pour  avoir  un  Miffionnaire  ,  & 
que  le  i  .  le  Moyne  en  faifoit  de  plus  grandes  encore ,  pour  Millionnaire 
obtenir  la  permiffion  d’aller  chez  eix  ,  on  leur  accorda  œ  S 
ouhaittoient.  Le  Miffionnaire  fut  bien  reçu  ,  &  il  ne  lui  en  fal- 
lut  pas  davantage  pour  fe  perfuader  qu’à  ce  coup  les  Agniers 


les  Agniers 
renouvellent 
la  paix  :  on 
leur  donne  nu 


t  HISTOIRE  generale 

_  Ploient  bien  v>vre  avec  tout  le  monde.  Il  n’en  fut  pas  meme 

1  é  5  4' 

°ul£  ^fSnnes  uncaffe-tête  à  la  main  ,  en  criant  qu’.l 
voUuToi  tuer  Ondesson  :  c’étoit  le  nomlroquois  ,  qu’avo.t  pns 
le° Mdfionnaire  ,  &  que  le  P.  Jogues  aveu  l^neavantRu 
Tl  v  a  bien  de  l’apparence  que  ce  Furieux  eut  execute  ion 

deffem  ,  s’il  eût  trouvé  les  efprits  tant  Moyl^ 

prouver j  mais  perjbnn efa“e”^îS  qu’il  n’étoit  pas  encore 

îSe 

£lére  ,  étude  bien  néceffaire  à  quiconque  forme  un  p  1 

difficile  ,  qu’eft  celui  de  détruire  tous  les  préjugés  de  le(pm& 
toutes  les  pallions  du  cœur.  .  ,  i  r  rn:re  &■ 

Voyage  de  Les  Onnontagués  paroiffoient  agir  awc  p  emier 

deux  autres  ,  ,  envoya  les  PP.  Chaumonot  &  Dablon.  Le  pre  n 

"otrr  étoit  Italien  d’origine  &  le  plus  une  J- 

lé-  alors  dans 


!• _ alors  dans  la  Nouvelle  t  rance  ,  ouu  u  i  n  mémoire 

[655.  trême  vieilleffe  avec  mi  e  ’  faifoit  que  d’arri- 

«rd™»  S  a  “  orf/ps  S  î«  fcitr  »“  S™*  "Pf 

AnpKpr  If*  Hix-neuvieme  de  Septembre  1055*.  ' 

ft°Let  premier  Député  avoit  avec  lui  fa  Femme  ,  qui  eton» 
trêmement  charmée  de  tout  ce  qu  elle  avoi  v  P  ne 

XùJrd^reauT  (S  des  queftions  fur  nos 

jafei  ïÆ  ssfMsfe 

cours  du  Millionnaire  ,  &.à  leur  arrivée  dans  leur  Pay  ^ 
trouvèrent  en  état  de  recevoir  le  Bapteme ,  qu 
niftré  avec  beaucoup  d’appareil.  Ce  que  ®s  „0ife,lont 

des  François  avoient  produit  dans  le  cœu  1  £  ^  Je 

je  viens  de  parler  ,  la  ferveur  &  le  lele  des  Huro  £  ifo;ent 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  321 
faifoient  dans  les  differentes  Bourgades  ,  où  on  les  avoit  dif- 
perfés ,  &  les  PP.  y  trouvèrent  par  tout  une  véritable  eflime  du 
Chriftianifme  ,  &  des  cœurs  difpofés  à  l’embraffer. 

Ils  étoient  arrivés  dans  ce  Canton  le  5  e.  de  Novembre  ,  &  ils 
eurent  tout  lieu  de  bien  augurer  pour  la  fuite  par  la  réception  , 
qu’on  leur  fit  dans  la  principale  Bourgade.  Ils  étoient  chargés  de 
préfens  de  la  part  de  M.  de  Laufon  ;  ils  furent  acceptés  avec 
refpecl,  &  on  y  répondit  par  d’autres  préfens.  On  leur  affi- 
gna  enfuite  un  terrein  pour  leur  Habitation  ,  &  dès  qu’ils  s’y 
furent  logés  .  ils  firent  connoître  aux  Anciens  qu’ils  fouhait- 
toient  de  déclarer  en  plein  Confeil  ,  &  s’il  étoit  pofîible  ,  dans 
une  Affemblée  générale  du  Canton ,  les  intentions  de  ceux  , 
qui  les  avoient  envoyés.  Cette  proportion  fut  bien  reçue  ,  & 
l’AfTemblée  fut  des  plus  nombreufes. 

Le  P.  Chaumonoty  parla  de  la  Religion  Chrétienne  d’une 
maniéré  ,  qui  ravit  en  admiration  tous  les  Affiflans.  Il  infîfla 
beaucoup  fur  le  changement  merveilleux  ,  qu’opère  le  Chrif- 
tianifme  dans  les  cœurs  de  ceux  ,  qui  l’embraffent  fincérement , 
&  cette  partie  de  fon  difcours  fit  d’autant  plus  d’imprefîion  ,  qu’il 
ne  difoit  rien  ,  dont  011  n’eût  devant  les  yeux  des  exemples  fen- 
fibles.  Dès  qu’il  eut  fini ,  un  Orateur  le  remercia  au  nom  de  tous 
du  zélé  ,  qu’il  témoignoit  pour  leur  procurer  une  félicité  éter¬ 
nelle  ,  &  lui  dit  qu’au  prix  des  François  les  autres  Européens 
ne  fçavoient  point  parler. 

On  commença  aufïitôt  à  bâtir  une  Chapelle  ,  &  tant  de  Gens 
y  mirent  la  main ,  qu’elle  fut  achevée  en  un  jour  ,  &  que  ce 
jour-ià  même  on  y  baptifa  un  Catéchumène.  Dès  lors  les  Mif- 
fionnaires  firent  toutes  leurs  fondions  avec  la  même  liberté  , 
que  s’ils  eufTent  été  au  milieu  de  la  Colonie  ,  &  ils  rencontrè¬ 


rent  bien  des  cœurs  ,  dont  l’Efprit  Saint  avoit  déjà  pris  poffef- 
fion.  Une  jeune  Fille  ,  qui  n’étoit  pas  encore  baptifée  ,  refufa 
les  deux  meilleurs  partis  de  fa  Bourgade  ,  par  la  feule  raifon , 
que  les  Prétendans  étoient  Idolâtres  ;  peu  de  jours  après  un 
Chef  de  guerre  l’ayant  inutilement  follicitée  au  mal ,  voulut  em¬ 
ployer  la  violence  pour  la  réduire  ,  la  généreufe  Profelyte  eut 
la  force  de  fe  tirer  de  fes  mains  3  &  de  fe  mettre  en  sûreté  con¬ 
tre  fes  pourfuites.  Après  une  telle  épreuve  le  P.  Chaumonot  ne 
crut  pas  devoir  différer  à  lui  adminiftrer  le  Baptême  ,  qu’elle  fol- 
licitoit  avec  de  grandes  inftances  ,  &  il  eut  la  confolation  d’en¬ 
tendre  dire  aux  Infidèles  mêmes  qu’elle  méritoit  d’être  Chré¬ 
tienne.  Témoignage  décifif  en  faveur  d’une  Religion,  dont 
Tome  L  S  s  • 


1655. 


Us  s’y  éta. 
blfflent. 


Fruits  de 
leurs  premiers 
travaux. 


i  6 


)  5 


-22  histoire  generale 

le  libertinage  &  l’endurciffement  du  cœur  ne  peuvent  empê¬ 
cher  de  reclnnoître  la  fainteté. 

Une  Femme  fort  accréditée  dans  ce  Canton  s  etoit  rangée 
des  premières  parmi  ceux  ,  qui  vouloient  etre  baptifes ,  &  toute 
fa  famille  avoit  fuivi  fon  exemple.  Quelques  Idolaties  vou¬ 
lurent  lui  perfuader  quelle  s’en  repentirait ,  &  peu  de  teins- 
après  elle  tomba  dans  une  fort  grande  langueur.  Elle  avoit  un 
petit-Fils  de  dix  à  douze  ans  ,  quelle  aimoit  beaucoup  :  cet 
Enfant  fut  attaqué  du  même  mal ,  que  fon  Ayeule  ,  &-  fut  b 
fô”  réduit  à  une  maigreur  fi  extrême  ,  qu’il  fa.foit  horreur  a 
voir  Les  Ennemis  du  Chriftianifme  ne  manquèrent  pas  de 
triompher  de  ceîT'accidens  ;  mais  leur  triomphe  lut  bien  court  t 
Dieu  rnfpira  aux  Malades  une  confiance  &  unerefignation ,  qu 
devinrent  le  fujetdes  entretiens  &  de  1  admiration  de  toute  la 
Bourgade ,  &  au  moment ,  qu  ils  reçurent  le  Bapteii  , 

convrerent  une  fante  p3.rf3.1te.  ,  A 

Cette  merveille  ,  qui  fut  fuivie  de  plufieurs  autres ,  n  empê¬ 
cha  pourtant  point  lei  deux  Religieux"  d’eflmer  bien  des  contra- 
diftions ,  &  de  courir  bien  des  rifques  ,  principalement  de  la 
part  de  quelques  Hurons ,  qui  s’étant  endurcis  le  cœur  ,  tandis 
qu’ils  étoient  dans  leur  Pays ,  ne  ceffoient  d  infirmer  aux  Iro¬ 
quois  ,  que  s’ils  laiffoient  introduire  chez  eux  cette  Religion 
étranger  ,  elle  y  ferait  avec  le  tems  les  memes  ravages  ,  quon 
avoit°vûs  par  toi,  où  elle  avoit  été  prêchée  ;  & 
fait  plus  d’impre  filon  fur  l’efpnt  de  ces  Peuples ,  que  les 
ges  ils  en  imaginaient  tous  les  jours  de  nouveaux  ,  pour  ta- 
I her  d’amener  les  Onnontagués  à  leur  but  ;  mais  ils  n  y  reufiirent 
point ,  parce  qu’on  avoit  eu  foin  de  prévenir  fur  cela  les  Sat 

a  a.'  Vaf?e'fut  à  peu  près  dans  ce  même  tems ,  que  les  Iroquois  ache- 
*  verent  de  détruire  la  Nation  des  Eriez  ,  ou  du  Chut.  Les  com- 

Eriez.  mencemens  de  cette  guerre  ne  leur  avoient  pas  ete 
ble  ;  mais  ils  ne  fe  rebutèrent  point ,  &  ils  prirent  a  la 
lement  le  defîùs ,  que  fans  le  grand  Lac  ,  qui  Port®  ^ 

jourd’hui  le  nom  de  cette  Nation,  on  ne  fçauroit  pas 
quelle  eût  exifté.  On  craignit  avec  raifon  que  ces  nouveau, 
fiiccès  ne  fiffent  reprendre  aux  Iroquois  leur  première 
l’égard  des  François ,  mais  les  Onnontagués  n  en  parurent  qt 
plus  difpofés  à  s  unir  étroitement  avec  eux.  Ils  firen 
des  avances,  qu’on  jugea  d’autant  plus  finceres ,  qu  au  , 
intérêt  s’accordoit  avec  leurs  démarchés»  Enfin  le  .  ? 


ne 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  323 
de  concert  avec  eux  ,  fit  le  voyage  de  Quebec  pour  tâcher  de 
refoudre  M.  de  Laufon  à  leur  envoyer  un  bon  nombre  de  Fran¬ 
çois. 

Il  partit  le  deuxième  de  Mars  de  l’année  16 56.  avec  une  n om¬ 
bre  u  le  Efcorte  ,  &  n’arriva  à  Quebec  qu’au  commencement  ° 
d’Avril.  Il  n’eut  aucune  peine  à  faire  entrer  M.  de  Laufon 
dans  la  vûë  des  Iroquois  ,  &  quoique  pût  dire  à  ce  Général  un 
Huron,  qui  avoit  lontems  vécu  parmi  les  Onnontagués  .  pour  le 
détourner  de  fe  fier  à  ces  Sauvages ,  il  ne  le  fit  pas  changer  de 
fentiment.  Cinquante  François  furent  choifis  pour  aller  former 
l’EtablifTement  propofé  ,  &  le  Sieur  Dupuys  ,  Officier  de  la 
Garnifon  ,  leur  fut  donné  pour  Commandant.  Le  P.  François 
le  Mercier,  qui  avoit  fuccedé  au  P.  Jerome  Lallemant dans 
la  Charge  de  Supérieur  Général  des  Mifiions ,  voulut  conduire 
lui-même  ceux  de  fes  Religieux ,  qu’il  avoit  deftinés  pour  éta¬ 
blir  la  première  Eglife  Iroquoife  ,,  &  qui  furent  les  PP.  Fre- 
min  ,  Mefnard  &  Dablon  ;  leur  départ  fut  fixé'  au  feptiéme 
de  May  ,  &  quoique  la  récolté  eût  été  des  plus  médiocres  ,  on 
donna  au  Sieur  Dupuys  abondamment  de  quoi  nourrir  tout 
fon  Monde  pendant  une  année  entière  ,  &  de  quoi  enfemencer 
les  terres ,  dont  il  alloit  prendre  poffeffion. 

La  nouvelle  de  cette  entreprife  s’étant  répandue  par  tout ,  Hoftiiin 
donna  beaucoup  à  penfer  aux  Agniers ,  &  reveilla  toute  leur  des  Agniers 
jaloufie  contre  les  Onnontaguez.  Il  fe  fit  une  Affemblée  géné¬ 
rale  de  tout  le  Canton  pour  délibérer  fur  cette  affaire  ,  qui 
parut  des  plus  importantes  ,  &  on  y  conclut  qu’il  falloit  met¬ 
tre  tout  en  ufage  pour  s’oppofer  au  nouvel  Etabliffement.  En 
confequence  de  cette  Délibération  un  Parti  de  quatre -cent 
Hommes  fut  levé  ,  &  eut  ordre  de  diffiper ,  ou  de  tailler  en 
pièces  laTrouppe  de  M.  Dupuys  ;  mais  ils  la  manquèrent,  8c 
s  en  vengerentfur  quelques  Canots  écartés,  qui  furent  pillés. 
Quelques-uns  de  ceux  ,  qui  les  conduifoient  ,  furent  même 
blelfes ,  après  quoi  ces  Perfides  faifant  femblant  de  s’être  mé¬ 
pris  :  “  Nous  ne  fçavions  pas ,  dirent-ils  ,  que  vous  fuffiez  des 
François  ,  nous  vous  avons  pris  pour  des  Hurons  ,  ou  des  Al¬ 
gonquins. 

On  11e  jugea  pas  à  propos  de  tirer  pour  lors  raifon  de  cette 
infulte  ,  dans  l’elperance  qu’on  feroit  bientôt  en  état  d’en  ren-  mirons  de  r 
dre  la  vengeance  plus  sûre  &  plus  éclattante  ,  fi  les  Agniers  ne  fled’Orleans 
reparoient  par  eux-mêmes  leur  faute  ;  mais  ils  firent  bien  voir 
peu  de  tems  après  que  rien  n’étoit  plus  loin  de  leur  penfée. 

S®  •  _» 

s  1  j 


« 

« 


« 


Ils  enlèvent 
une  partie  des 
Hurons  de  l’I 


,,,  HISTOIRE  generale 

Ils  S’approchèrent  de  Me  d’Orléans,  &  un  matin  avant  le 
lever  Su  Soleil  ils  tombèrent  fur  une  Tjouppe  c  e  quatre-v  nt- 
dix  Hurons ,  de  tout  âge  &  de  tout  fexe  ,  qui  travaillée  t 
dans  un  champ,  en  tuerent  d’abord  fix  ,  lièrent  tous  le 
très  les  embarquèrent  dans  leurs  Canots ,  pallerent  here 
m- nt  devant  Ouebec  ,  firent  chanter  leurs  Prifonniers  vis-a- 

vi  duFon  comme  pour  défier  le  Gouverneur  General  de  les 
venir  tirer  d’entre  leurs  mains,  les  conduisent  jufques  dans 
leur  Village,  fans  avoir  ete  pourfuivis  >™b^reg  e  J™, 
cipaux  ,  diftribuerent  les  autres  dans  les  Cantons  ,  oc  les  e 

rent  dans  une  dure  captivité.  .  f  ~  tpîtpin^ 

On  a  fort  blâmé  M.  de  Laufon  d  avoir  fouffat  u«ie  teHe 

folence  ,  &  il  faut  avouer  que  fon  maâion  ,  ta  q 
levoit ,  pour  ainfi  dire  ,  d’entre  fes  bras  des  A  hes  ,  dont  la 
confervation  intéreffoit  également  1  bonnes  du  nom  Fran 
cois  &  celui  de  la  Religion ,  a  fait  a  fa 

que  toute  fa  vertu  n’a  pu  laver  ;  mais  c  eft  qu  il  eft  des  malheu  , 
que  les  Hommes  ne  pardonnent  point,  &  qui  dans  leur  eipnt 
cléshonnorent  autant  cpe  la  plus  grande  b  «  H  j 
par  une  fuite  de  la  prlfomptueufe  confiance  ,  dont  les  bauv^ 

ges  ne  font  point  capables  de  fe  corriger  ,  *  «oient  ailles  lu 

orendre  •  pour  les  arracher  aux  Iroquois  ,  il  eut  ta-llu  arme 
prendre  .  p^ui  ^  le  Gouverneur  General 

cinq  ou  fix-cent  Hommes ,  &  qua  d^  armer  &  les 

les  eût  eus  fous  fa  main ,  le  tems  neceiiaire  Puu  miefuf- 

embarquer  auroit  donné  à  ces  Barbares  une  av^  1  1  . 

fffantepour  rendre  inutiles  tous  les  efforts  ae  ceu  ,  q 

jeune Huroo  de c.u.T.uuppe 
tunée  ,  &  qui  fe  fauva  du  Village  ,  ou  il  etoit  Captif  ’  °e,S / 
ticularités  bien  édifiantes  de  lapiete  &  oe  a  cou i  a  . 
fervens  Néophytes  ,  dont  plusieurs  furent  traites  avec  u  e  inh 
manité  fans  pareille  ,  furtout  d  un  de  leurs  Chefs,  dont  le  iu^ 
plice  dura  trois  jours  ^pendant  lefquels  i  ne  ce,  ■  Derfe- 

Seigneur  ,  quoiqu’il  eût  reconnu  c  abord  que  ce  P  m. 

verance  dans  ce  faine  exercice  ,  qui  irntoit  fes  Bourreau-  , 

faifoit  prolonger  fon  Martyre.  te  Ou¬ 
ïs  des  Quinze  jours  après  que  ce  malheur  fut  arr  , 

cK  taouais  débarquèrent  à  Quebec  fous  la  conduite  de  deux  F| 
dus  cois  ,  &  chargés  de  Pelleteries  ;  mais  avant  que  de  rapport 

fuites ,  qu’eut  ce  voyage  ,  il  eft  bon  de  reprendre  les  c ho  - 
de  plus  Lut.  Les  Iroquois  n’eurent  pas  plutôt  thalle  les  il 


DELA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  325 

rons  de  leur  Pays  ,  qu’ils  entreprirent  de  faire  k  même  traite¬ 
ment  à  tous  leurs  Alliés  ;  les  Outaouais  étoient  de  ce  nombre  , 
&  comme  ils  ne  fe  virent  pas  en  état  de  refifter  aux  Vain¬ 
queurs  d’une  des  plus  braves  &  des  plus  publiantes  Nations 
de  ce  Continent ,  ils  ne  jugèrent  pas  à  propos  d’attendre  qu’on 
vînt  brûler  leurs  Villages  ,  &  les  y  égorger. 

Quelques-uns  s’étoient  déjà  retirés  dans  la  Baye  du  SaguT 
nan  3  d’autres  dans  Yan/è  du  Tonnerre  3  qui  font  l’une  &  l’autre 
dans  le  Lac  Huron  ,  plufieurs  dans  Fille  Manitoualin  ,  &  dans 
celle  de  Michillimakinac  ;  mais  le  gros  de  la  Nation  étoit  relié 
fur  le  bord  de  la  grande  Riviere  ,  qui  porte  leur  nom  ,  juf- 
qu’à  Fentiere  dellruêlion  des  Bourgades  Huronnes.  Alors  ils  le 
joignirent  aux  Hurons  Tionnontatez ,  avec  lefquels  ils  péné¬ 
trèrent  bien  avant  dans  les  Régions  Méridionnales.  Ils  firent 
d’abord  alliance  avec  les  Sïoux ,  puis  fe  broiiillerent  avec  eux , 
&  aguerrirent  à  leurs  dépens  ce  Peuple  ,  jufques-là  peu  brave 
&  peu  connu  en  deçà  du  MicilTipi.  Ils  fe  féparerent  enfuite  en 
plufieurs  bandes  ,  &  par  tout  lamifere  ,  où  ils  étoient  réduits 
portoit  la  terreur  du  nom  Ifoquois. 

Enfin  à  force  d’errer  dans  ces  valles  Contrées  ,  &  de  fe  divifer 
en  petites  bandes  ,  dont  plufieurs  n’ont  jamais  reparu,  les  uns  & 
les  autres  fe  trouvèrent  tellement  diminués  ,  qu’on  peut  dire  qu’il 
n’en  relie  pas  aujourd’hui  la  vintiéme  partie.  Cetoit  une  de  ces 
trouppes  feparées  delà  Nation  Outaouaife  ,  &  dans  laquelle  il 
y  avoit  quelques  Hurons  ,  que  les  deux  François  ,  dont  je  viens 
de  parler  ,  avoient  amenés  des  bords  du  Lac  Michigan  jufqu  a 
Quebec  ,  où  011  les  accueillit  d’autant  mieux,  que  leurs  C011- 
duéleurs  fe  louaient  fort  du  traitement ,  qu’ils  en  avoient  reçu. 
Le  commerce  des  Hurons  avoit  un  peu  adouci  les  mœurs  de  ce 
Peuple  ,  un  des  plus  grofiiers  du  Canada  ,  &  lui  avoit  même 
donné  quelque  legere  teinture  du  Chriltianifme* 

Les  deux  François ,  qui  étoient  Gens  de  bien  ,  avoient  bapti- 
fé  quelques-uns  de  leurs  Enfans  à  l’article  de  la  mort ,  &  ces  pe¬ 
tits  Innocens  étoient  allé  prendre  poffelîion  du  Ciel  au  nom  de 
leur  Nation  ,  à  laquelle  néanmoins  ,  malgré  de  fi  belles  efpe- 
rances  ,  &  les  foins  alîidus  des  Millionnaires  ,  on  n’a  jamais  pu 
faire  goûter  les  chofes  de  Dieu.  Il  en  elF  peu  dans  tout  ce 
Continent ,  auprès  de  qui  l’on  ait  plus  travaillé  pour  en  faire 
des  Chrétiens  ,  &  plus  infruêlueufement  ;  mais  on  n’avoit  alors 
aucun  fujet  d’en  juger  ainli ,  &  les  marchandifes  ,  dont  ceux , 
qui  venoient  d’arriver  à  Quebec  ,  étoient  chargés ,  firent  croire- 


1 


1656. 

On  donne 
des  Million 
n aires  à 
ques  uns  d’en 
tr'eux. 


,î<s  HISTOIRE  generale 

à  M.  de  Laufon  qu’il  ne  devoit  pas  négliger  cette  occaüon 
d’étendre  le  commerce  de  la  Colonie, 
lonne  Trente  jeunes  Gens  s’offrirent  pour  accompagner  les  Ou- 
ffion-  taouals  à  leur  retour  ,  &  le  P.  le  Quien  ,  qui  gouvernott  la  Mit 
fion  pendant  l’abfence  du  P.  le  Mercier ,  fe  laiffa  perfuader  de 
leur  donner  les  PP.  Dreuillettes  &  Garreau,  avec  un  Frere, 
nommé  Louis  le  Boesme  ,  qui  avoit  ete  eleve  par  le  P.  de  Bre- 
beuf  dans  les  Millions  Huronnes.  Ce  Convoi  parut  de  Que- 
bec  un  peu  avant  la  mi-Août ,  &  dès  le  lendemain  comme  .1 
aurochoit  des  Trois  Rivières ,  il  reçut  avis  par  un  Canot ,  que 
lui  envoyoit  le  Gouverneur  de  cette  Ville  ,  qu  un  Parti  dAg- 
niers  étoit  dans  le  voilinage.  Ce  Parti  avoit  de, a  découvert  les 
Outaouais,  &  leur  avoit  drefféune  embufcade  :  mais  ils  n  y  don¬ 
nèrent  point,  &  ils  arrivèrent  heureufement  aux  Trois  Riviei  es. 

Les  François ,  qui  les  aecompagnoient ,  firent  alors  reflexion 

que  ces  Sauvages  étoient  fort  mal  équipés ,  &  T11'5"® '  P°J?" 

roient  jamais  éviter  d’en  venir  aux  mains  avec  un  Ennen  , 
dont  les  forces  pouvoient  croître  à  tout  moment;  fur  quoi  ils 
refolurent  de  ne  pas  aller  plus  loin  ;  il  n’y  en  eut  que  trois , 
qui  ne  voulurent  point  abandonner  les  Jefuites.  Les  Outaouais 
ne  fe  furent  pas  plûtôt  rembarques  ,  qu’ils  s’apperçurent  que  es 
Agniers  étoient  à  leurs  trouffes  ,  ce  qui  ne  les  engagea  pourtant 
pas  à  voyager  avec  plus  de  précaution.  Ils  avoient  acheté  des 
armes  à  feu  ,  dont  l’ufage  leur  étoit  nouveau.  Ils  prenoient  plai- 
fir  à  les  effayer  ,  &  inftruifoient  ainfi  de  leur  marc^e]  le^* 
quois ,  qui  les  fuivoient ,  &  qui  eurent  tout  le  tems  &  le  moien 
de  choiffr  un  lieu  propre  pour  les  furprendre  ,  ou  pour  les  com 

lis  font  atta-  Ils  le  trouvèrent  fur  le  bord  du  Lac  des  deux  Montagnes  ,  qu 
qués  par  les  efl  la  décharge  delà  grande  Riviere  dans  le  fleuve  5.  l^aii 
V-  r e nt ,  au -de ffu s  de  l’Ifle  de  Montreal.  Ils  s’y  retranchèrent  fu 

une  petite  Colline  ,  d’où  ils  découvraient  de  fort  loin  ,  «  il 
pofterent  un  grand  nombre  de  F ufilliers  dans  des  brouffailles,  fur 
une  pointe  avancée  ,  que  les  Outaouais  dévoient  ranger 
prèsP  Six  Canots ,  où  il  n’y  avoir  que  des  Murons , .  avec  le  P. 
barreau  ,  étoient  à  la  tête  de  ce  Convoi ,  &  quand  ils  furent  a 
portée,  les  Agniers  firent  fur  eux  une  déchargé ,  qui  en tua  & 
bleffa  un  grand  nombre.  Ils  parurent  enfuite  la  hache  a  la  main, 
&  tout  ce  qui  ne  périt  point  dans  cette  première  cha.  ge  , 
Prifonnier ,  aufîî-bien  que  le  Millionnaire  ,  qui  avoit  eu  1  epinç 
du  dos  caffée  d’une  balle  de  fuhl. 


DE  LA  NOUVELLE  F  Pc  AN  CE.  Liv.  VIL  327 

Au  premier  bruit  de  cette  attaque  les  Outaouais  firent  force 
d’avirons  pour  fecourir  ou  pour  venger  leurs  Compagnons.  Ar¬ 
rivés  à  la  pointe  ,  où  les  Canots  des  Hurons  étoient  refiés  avec 
les  cadavres  de  ceux  ,  qui  avoient  été  tués  ,  ils  firent  leur  def- 
cente  fans  oppofition  ,,  &  peu  s’en  fallut  que  dans  l’ardeur ,  qui 
les  tranfportoit ,  ils  ne  forçai Tent  toutes  les  barrières  ;  mais  après 
un  allez  rude  combat ,  où  il  y  eut  bien  du  fang  répandu  de  part 
&  d’autre,  les  Afïaillans  furent  obligés  de  faire  retraite.  Us  ne 
s’éloignèrent  pourtant  pas  beaucoup  ,  &  ils  fe  retranchèrent  de 
leur  côté  ,  fort  refolus ,  ce  femble ,  de  ne  point  partir  de-là  , 
qu’ils  n’eulfent  eu  raifon  des  Iroquois  ;  mais  la  nuit  fuivante  ils 
decamperent  à  la  fourdine  ,  &  le  lendemain  on  ne  trouva  plus 
dans  leur  Retranchement  que  les  deux  Jefuites  ,  avec  les  trois 
François  de  leur  fuite. 

Sitôt  que  le  Chef  du  Parti  Ennemi  en  eut  été  informé ,  il 
alla  rendre  vifite  aux  deux  Religieux.  Ce  Chef  étoit  le  Bâtard 
Flamand  ,  dont  j’ai  déjà  parlé  ;  fon  compliment  roula  tout  en¬ 
tier  fur  le  chagrin  ,  où  il  étoit,  difoit-il ,  de  la  bleffure  du  P. 
Garreau  ,  &  il  protefta  qu’011  n’avoit  reconnu  le  Millionnaire* 
qu  apres  la  piemiere  charge  ,  ou  il  avoit  ete  bielle.  Rien  n’étoit 
moins  fincere  que  cette  excufe  ;  car  le  Fere  n’avoit  pas  été  plû- 
tôt  entre  les  mains  des  Agniers  ,  que ,  malgré  fa  blelfure ,  ils  Fa- 
voient  nus  tout  nud  ;  que  depuis  ce  tems-là  on  ne  lui  avoit  don¬ 
ne  111  à  boire ,  ni  à  manger ,  &  qu’on  n’avoit  pas  feulement  fon- 
ge  a  le  panfer.  Le  lendemain,  qui  étoit  le  fécond  jour  de  Sep¬ 
tembre  ,  il  fut  conduira  Montreal  par  quelques  Agniers  qui 
prefenterent  dallez  mauvaife  grâce  deux  Colliers  “  l’un  pour 
marquer  leur  regret  d’avoir  tiré  fur  lui ,  fans  le  connoître  ;  l’au¬ 
tre  pour  effuyer  les  larmes  de  fe  s  Confrères. 

Le  P.  Claude  Pijart  ,  qui  fe  rencontra  heureufement  à 

ontreal ,  reçut  le  Malade ,  auquel  il  n’étoit  plus  tems  de 
aire  des  remedes ,  &  qui  expira  le  quatrième  entre  fes  bras  , 
en  demandant  a  Dieu  la  converfion  de  fes  Meurtriers.  Le  P 
Leonard  Garreau  étoit  de  Limoges  ,  &  la  Nouvelle  *France 
perdit  en  lui  un  excellent  Ouvrier.  Après  fa  mort  le  P.  Douil¬ 
lettes  ce  Ion  Compagnon  reprirent  la  route  de  Quebec  ,  d’où  le 
premier  retourna  bientôt  chez  les  Abénaquis. 

Il  n’y  avoit  plus  moyen  de  douter  que  le  Canton  d’Aenier 
11e  vit  avec  beaucoup  de  chagrin.,  &  ne  cherchât  tous  les 
moyens  de  rompre  la  bonne  intelligence ,  qui  regnoit  entre 
les  Iroquois  Supérieurs  &  les  François.  Ceux-  ci  de  leur  côté  fe 


i  6  5  6. 


Bldïure  5c 
mort  du  P. 
Garreau, 


5  56- 


,î8  HISTOIRE  generale 

demeurer  tranquilles. 


mes  dans  leur  al hance ,  tôt  ou tara  -  ^demeurer  tranquilles, 

de  faire  comme  les  autres,  dunwtns  de  dem  i  de 

fcÆ=S,1SS^o!“ÆreiO,.»on4i. 


dans  la  crainte  a  eue  ie~^0;nt  de  faire  à  Onnontagué. 

f"  *»  T-.  W 

«r  x  .  étoit  parti  de  cette  iii 


les  François 
rivent  à 


)nnotagué. 


Réception , 
u’on  leur 


tems  auparavant.  neufheUres  dufoir,  on  entendit  du 

ge,  qui  approcha  avec  bien  ^P^xoédition  de  Fille  d’Or- 
ron ,  que  ,  a.  dit  s  être  f  P  à  mQitl'é  rôtie  ,  &  depuis  dix- 
leans.  Il  avoit  la  peau  r  •  f  nr;s  d’autre  nourri- 

*—  *• 

provifions  ,  &  on  1  envoya  a  Q-ue  ^  cela  près  qu’on 

r''?  rlTfl!  l’mie  &  l’autre  manquèrent ,  &  les  François, 
fur  la  Chafle  ,  V  /  u  îeûner  comme  les  Sauvages,  fe- 

qui  n’étoient  pas  accoutur  1  ’pi  Anciens  d’Onnon- 

roient  morts  cle  faim  pour  la  plupart , ,fi  les 
‘  _  -  m,, „  P„vové  au  devant  deux  des  Canots  cnarg 


roient  morts  de  taim  pou.  .a  i— my  —  r  ots  chareés  de 

tagué  n’euffent  envoyé  au  devant  ^ eux  ^  Cmo°  cùa  g 
rafraîchiffemens.  Ils  apprirent  par  la  meme- voye  quu  g 
_  .  j>t, _ de  tous  les  Cantons  ,  K  quantité 


rafraîchiffemens.  Ils  apprirent  par  ta  £  £ 

„„*•  d'iroquois  de  tous  les  Cantons^  &  S“““mota , 

k  Fépss.  po„ f.i,« f» «■* ■>« 

kA™.qu«  dtaiv.raulk»,  "Vf-'SftrS 

faire  une  décharge.  Il  fe  rembarqua  quart 

|toges  de  toute  £  Mo^ 

mo^tde^a^llus  re(^)eftueufen&  la  plus  Le^  jourfhRaut  > 

ftins ,  chants ,  danfes ,  nen  ne  fut  eP  S  douzième 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIL  329 

douzième  de  Juillet ,  le  Te  Deum  fut  chanté  à  la  fin  d’une  Mefle  1  6  5  6. 
folemnelle  ;  enfuite  les  Anciens  firent  les  préfens  ,  qu’on  a  coû- 
tume  de  faire  dans  les  Traités  d’alliance  ,  &  le  feiziéme  tous  les 
François  communièrent  avec  une  pieté  ,  qui  fut  d’un  grand 
exemple  ,  &  fit  beaucoup  d’impreffîon  fur  Tefprit  des  Sauva¬ 
ges.  Le  lendemain  on  commença  à  fe  loger  ,  &  le  P.  le  Mercier 
alla  vifiter  le  Bourg  d’Onnontagué  ,  où  il  fut  reçu  avec  de 
grandes  cérémonies. 

Le  vintquatre  il  fe  tint  un  Confeil  Général  ,  &  le  P.  Chau- 
monot  y  parla  de  la  Religion  Chrétienne  avec  la  même  élo¬ 
quence  ,  &  le  même  fuccès  ,  qu’il  avoir  fait  à  fon  arrivée  dans 
ce  Canton  ;  le  même  jour  les  Députés  du  Canton  de  Goyogouin 
vinrent  demander  un  Millionnaire  ,  &  011  leur  accorda  le  P. 

Mefnard.  Tout  paroifFoit  déjà  en  mouvement  dans  celui  d’On¬ 
nontagué  ,  pour  embraffer  le  ChrifHanifme  ^  &  il  fallut  ag'gran- 
dir  plus  de  moitié  la  Chapelle ,  qui  ne  pouvoit  plus  contenir  tous 
ceux  ,  qui  vouloient  être  inftruits  de  nos  Myfteres.  Il  y  eut  au 
mois  d’Août  des  chaleurs  excefîives  ,  qui  cauferent  de  grandes 
maladies  ;  mais  par  les  bons  foins  des  Sauvages  ,  tous  les  Mala¬ 
des  guérirent  en  peu  de  te  ms. 

Cette  derniere  marque  de  l’affeclion  de  ce  Peuple  perfuada 
les  moins  crédules  qu’on  pouvoit  déformais  compter  fur  lui  ; 
toutefois  les  plus  Sages  crurent  qu’il  falloir  fe  précautionner,  du 
moins  contre  fa  légèreté  ,  &  on  fe  trouva  fort  bien  d’avoir  fuivi 
leur  confeil.  Il  ne  manquoit  plus  pour  tenir  en  bride  ce  Can¬ 
ton  ,  &  par  fon  moyen  tous  les  autres ,  que  d’y  bâtir  un  Fort. 

Mais  tous  les  fonds  au  Canada  n’étoient  pas  fumfans  pour  four¬ 
nir  aune  telle  dépenfe  ,  &  parmi  les  Affociés  de  la  Compagnie 
de  la  Nouvelle  France  ,  perfonne  n’avoit  moins  de  crédit,  & 
n’étoit  moins  écouté  ,  que  ceux  ,  qui  avoient  le  plus  de  connoif- 
fance  du  Pays. 

1  andis  que  ces  chofes  fe  paffoient  à  Onnontagué  ,  les  Hurons  Une  partie 
de  l’Ifle  d’Orléans  ,  qui  ne  s’y  croy oient  plus  en  sûreté  ,  s’étoient  jîjj  dc 
réfugiés  à  Quebec  ,  &  dans  un  moment  de  dépit  d’avoir  été  offre  dck™ 
abandonnés  des  François,  ils  avoient  envoyé  fecrettement  pro-  donner  aux 
pofer  aux  Agniers  de  les  recevoir  dans  leur  Canton ,  pour  ne  ^gniers  5  & 
plus  taire  qu  un  Peuple  avec  eux.  ils  n  eurent  pas  plutôt  fait 
cette  démarche ,  qu’ils  s’en  repentirent  ;  mais  les  Agniers  les 
avoient  pris  au  mot  ;  &:  voyant  qu’ils  cherchoient  à  retirer  leur 
parole  ,  ils  prirent  des  melùres  pour  les  forcer  de  la  tenir.  Ils 
commencèrent  par  lâcher  contr’eux  plufieurs  Partis  ,  qui  maf- 
Tome  I.  X  t 


1656' 


ïierté  de 
ccux-ci. 


» 

» 


Embarras  des 
Hurons. 


HISTOIRE  generale 

Gcrerent  ou  enlevèrent  tous  ceux,  qui  secartoient  dans  la 
catupaànè,  &  quand  ils  crurent  que  ces  hoftilnes  les  avoient 
rendu  plus  traitlbles  ,  ils  envoyèrent  a  Quebec  trente  Députés 

P°Rien t/eft égkà'la fierté  ,  avec  laquelle  ces  Envoyés  s’ac- 

ciuitterent  de  feur  cotnmiffion  ;  Us  s’adrefferent  d  abord  a  M.  de 

Son  ils  lu!  demandèrent  à  être  ouis  dans  une  Affemb  e 
Lauton  ns  m  &  le  Gouverneur  General  y  ayant 

de  urons  Députation  porta  d’abord  la  parole  aux 

HuS1  & kur dit =  «  MoSVrere^ly  a  déjà  du  tems  ,  que 
,,  Huions  ,  «  leur  u  ier  de  te  conduire  dans  mon 

:  c?  »  ^ .  'f- 

“  eï  a.-» 

vivroient  avec  eux  ,  comme  avec  leurs  I  rei  es.  ^  {er. 

11  fe  tourna  enfuite  vers  le  General ,  &  lui  par_ 

.  mes  :  -  Oi.omhk.,  le»e  ses  bras ,  J  f  f,  “  “-i 

T.  £«“  5  fcSu  cSrlS  *„  voulant  les 
!  ne  portaffent  fur  toi.  Voilà  pour  élargir  tes  b  as  > 

:  p™\uï«cmni5t  ‘  &°;Xdore  l’Auteur  de  toutes  cho- 

»  fcai  pourquoi,  revienne  avec  lui  p°u  ’  1  Aie- 

„  je  n’ai  pas^ allez  de  Canots  pour  mener  tant  de  mond  ,  O 
„  moi  le  plaifir  de  meprêter  les  tiens  Il  apuya  ces  deux  deman 

des  de  deux  autres  Colliers  ,  &  fe  renia.  ,  ; 

On  aura  fans  doute  bien  de  la  peine  a  comprendre  ce  q 
obligea  M.  de  Laufon  à  fouffrir  cette  infolence  ,  dans  un  te  » 
où  iîn’avoit  point  d’autre  Ennemi  fur  ies  bras ,  que  le :  jeu 
Canton  d’Agmer.  Peut-être  vouloit-il  voir,  avant  que  d  l  éclat  ^ 
de  cruelle  maniéré  tourneraient  les  afiaires  a  Onnon  g  • 
aui^eft  certain  .  c’eft  qu’il  ne  témoigna  aux  Agmers  aucui 
fentiment  des  difeours  hautains  de  leur  Orateur  ;  ce  gufat  _ 

obfervé  des. Hurons ,  &  les  embarraffa  beaucoup.  Lexp 

ce  du  paffé  ,  &  la  conduite  des  Iroquois  leur  faifoiei 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VII.  331 
craindre  ,  &  quelque  parti,  qu’ils  priffent  ,  ils  croy oient 
leur  perte  certaine.  Dans  cette  perplexité  ils  fe  partagèrent  , 
les  uns  déclarèrent  qu’ils  ne  vouloient  point  quitter  les  Fran¬ 
çois  ,  d’autres  refolurent  de  fe  donner  aux  Onnontagués ,  avec 
lefquels  ils  avoient  déjà  pris  une  efpéce  d’engagement.  Il  n’y 
eut  que  la  Famille  de  l’Ours  ,  qui  s’en  tint  à  la  parole  ,  quelle 
avoit  donnée  aux  Agniers. 

Ces  refolutions  priles  „  le  Confeil  fe  raffembla  ,  &  quoique  le 
Gouverneur  Général  n’eût  pris  ,  ce  femble  ,  aucunes  mefures 
pour  y  faire  refpecler  fon  caraêlére  ,  il  voulut  bien  y  affilier. 
Le  P.  le  Moyne  ,  qui  lui  fervoit  d’interprête  ,  parla  le  premier , 
&  dit  :  »  Ononthio  aime  les  Murons  ,  ce  font  les  Enfans  ;  mais 
il  ne  les  tient  pas  en  tutele  ,  ils  font  en  âge  de  prendre  leur 
parti  d’eux-mêmes  ^  il  ouvre  les  bras ,  &  il  leur  1  aille  la  liberté 
d’aller  ,  où  ils  voudront.  Pour  moi  je  les  fuivrai  ,,  quelque 
part  qu’ils  aillent  :  s’ils  vont  chez  toi ,  Agnier ,  je  finflruirai 
auffi  de  quelle  maniéré  il  faut  prier ,  &  adorer  l’Auteur  de  tou¬ 
tes  chofes  ;  mais  je  n’ofe  efperer  que  tu  m’écoutes.  Je  te  con- 
nois  ,  &  je  fçai  jufqu’où  va  ton  indocilité  ;  mais  je  m’en  confo- 
lerai  avec  les  Murons.  Quant  aux  Canots  ,  que  tu  demandes , 
tu  vois  bien  que  nous  en  avons  à  peine  ce  qu’il  nous  en  faut , 
fais  -en  ,  li  tu  n’en  a  pas  allez. 

Le  Chef  des  Murons  de  l’Ours  prit  enfuite  la  parole ,  &  dit  : 
u  Mcm  Frere  ,  je  fuis  a  toi ,  je  nie  jette  les  yeux  fermés  dans  tes 
Canots  ,  refoiu  a  tout ,  même  à  mourir  ;  mais  je  veux  d’abord 
aller  feul  avec  ma  Cabanne  (  æ  ).  Je  ne  fouffrirai  point  que  d’au¬ 
tres  s’embarquent  avec  moi.  Si  dans  la  fuite  le  relie  de  ma  Na- 
ti on  veut  me  venir  joindre  ,  je  ne  m’y  oppoferai  pas  ;  mais  je 
fuis  bien  aife  qu  on  voye  auparavant  de  quelle  maniéré  tu  me 
traiteras  ».  Il  jetta  enluite  trois  Colliers  ,  qui  ne  tendoient  à  au¬ 
tre  chofe  ,  qu  a  engager  les  Agniers  à  en  bien  ufer  avec  lui  ,  à 
ne  rien  négliger  pour  lui  faire  perdre  le  fouvenir  de  ce  qu’il  lui 
jcii  oit ,  Sc  à  lui  faciliter  le  vovage.  Les  Députés  acceptèrent 
les  Colhers  &  parurent  fort  contens.  Ils  travaillèrent  enfuite 
a  taire  des  Canots  ,  &  quand  ils  furent  achevés  ,  ils  s’embar¬ 
quèrent  avec  les  Hurons  &  le  P.  le  Moyne. 

Peu  de  jours  après  leur  départ  des  Députés  d’Onnontagué 
arrivèrent  à  Qnebec  ,  pour  fommer  ceux  des  Hurons  ,  qui  s  e- 
toient  oflerts  à  eux  ,  de  leur  parole,  &  furent  très  -  choqués 
quand  ils  apprirent  que  la  Famille  de  l’Ours  avoit  fuivi  les  Ag- 

{  a  )  On  fe  fert  du  terme  de  Cabanne  .  pour  marquer  la  Famille. 

Tt  ij 


16^6, 


« 

« 

« 

« 

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« 

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« 

« 

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« 


Toute  une 
«  Tribu  Te 
livre  aux 


« 

« 

« 

« 

K 

« 


Agni 


mers. 


Des  Onnon- 
tagués  arri¬ 
vent  à  Que- 
bec  dans  le 
même  delTein. 


>  i 

i  '  i  r 


i  6  5  6. 


histoire  generale 

^  ?  2  T  Tj  ir0ns  s’excuferent  mal ,  &  furent  d  autant  plus  em- 
u6”  V  ^  e  François  ne  voulurent  pas  fe  brouiller  avec 
bf  rîntonq  oui  le  prenotfur  un  ton  fo/haut.  Enfin  le  Gou¬ 
verneur  Général  fil  dire  aux  Députés ,  niais  en  termes  a  ez 

nies  &  leurs  Enfans  avoient  eu -P*"  ^  fal  oi  veniAher- 
cher  de  devaient  s’en  retourner  chez  eux  ;  qu  onleur 

ilÉàéS3p^? 

s:s=ïs;sr|Sr;:|9|--. 

&  la  confiance  en  celui ,  dont  ils  etoient  les  Mimitres. 


333 

w  ‘è* :  ytfÿpy&w 

«■<>«■  m  !#«•«•«•  fH-  »  m-  Si-  «••■«■  SW  Si-  Si-  Si-  St-*  Si-  Si-  Si-  Si-  Si- 

HISTOIRE 

E  T 

DESCRIPTION  GENERALE 

DELA 

NOUVELLE  FRANCE. 

é 

LIVRE  HUITI  EM  E- 


A  bonne  intelligence  entre  nous  &  les  Iro- 
quois  Supérieurs  ne  parut  pas  d’abord  avoir 
reçu  aucune  atteinte  de  ce  qui  venoit  de  fe 
paffer  à  Quebec  au  fujet  des  Hurons  ;  mais 
pour  la  rendre  durable  il  eût  été  néceflaire 
que  leurs  Députés  enflent  pu  concevoir  une 
haute  idée  de  nos  forces  ,  &  malheureufe- 
ment  ils  venoient  d’être  témoins  de  notre  foibleffe  :  elle  leur 
devenoit  même  de  jour  en  jour  plus  manifefte  par  l’efpéce  d’in- 
fenfibilité  ,  avec  laquelle  nous  fondrions  les  incartades  des 
Agniers.  Perfonne  ne  faifoitfur  cela  des  reflexions  plus  affli¬ 
geantes  que  les  Millionnaires  ,  qui  connoiffant  mieux  le  ca- 
raêlere  des  Sauvages  ,  dont  ils  étaient  prefque  les  feuls  ,  qui 
fçu  fient  les  Langues  ,  n’ofoient  fe  flatter  que  l’Etabliflement 
d  Onnontagué  fût  bien  folide.  Ils  ne  manquèrent  pas  d’en  dire 
leur  penfée  à  qui  il  convenoit  ;  mais  il  étoit  encore  plus  de 
leur  Miniftere  de  profiter  des  difpofitions  préfentes  de  ce  Peu¬ 
ple  ,  pour  féconder  les  vûés  de  la  Providence  fur  le  falut  de 
plufieurs  ,  &  ils  ne  s’épargnèrent  en  rien  pour  répondre  à  ce 
qu’on  attendoit  de  leur  zélé» 


ï  65  7. 


V, 


HISTOIRE  generale 

”Lp.  Ch,—  étoit  allé  vifiter  lh  Canton ie  Tfonnon- 


rieurs 


» 


» 


_  Le  P.  Chaumonot  eion.  duc  -  ------ 

i  6  5  ?•  thouân  &  y  avoit  auffi  rencontre  un  très-grand  nombre  de 
Pt^dcla  Hurons  Chrétiens ,  dont  les  bons  exemples  soient  difpofe 
Rdipmo  par-  oup  d’Infidéles  à  recevoir  la  lumière  de  lEvangile.il 

îfJ»  fembïoit  que  Dieu  n’eût  difperfé  cette  Nation  parmi  les ;  autre 
Sauvages  comme  autrefois  les  Juits  dans  les  htats  des  Koys 
de  Babilone  &  de  Perfe ,  que  pour  y  faire  connaître  fon  Nom 
&  pour  s’y  préparer  des  Adorateurs.  Lapiete  des  François  ne 
nrolluifit  pas  de  moindres  fruits  à  Onnontague.  «  Quelle  dif¬ 
férence  ,  difoient  les  Sauvages  ,  entre  ces  Chrétiens  &  es 
Hollandois  ?  Ils  reconnoiffent  tous  le  meme  Dieu  ,  difent-ils, 
ÎS  s’en  faut  bien  que  la  conduite  des  uns  fo.t  auffi  régu¬ 
lé  que  celle  des  autres.  Quand  nous  allons  voir  les  Fran¬ 
çois  ’  nous  en  revenons  toujours  avec  un  vrai  defir  de  prier  : 
à  Orange  on  ne  nous  parle  jamais  de  la  Priere  ,  &  nous  ne 
feavons  pas  même  fi  on  y  prie  ,,  Plût  à  Dieu,  que  les  Peuples  du 
Canada  enflent  toujours  tenu  le  même  language  a  notre  fujet . 

Le  P.  Mefnard  eut  encore  plus  de  fuccès  dans  les  Cantons 
de  Govo2ouin&  d’Onneyouth.  Dès  la  première  anneeilcon- 
ferfleyBaptême  à  quatre-cent  Perfonnes  &  il  avoit  tout  lieu 
de  fe  promettre  une  plus  abondante  récolté  dans  la  fuite ,  mais 
les  deffeinsde  Dieu  font  impénétrables  :  dans  le  teins  ,  qu  on 
croyoit  pouvoir  le  plus  compter  fur  ces  Sauvages ,  ils  echape- 
i ?  n-m*  R?  la  Colonie  avoit  a  peine  eu  le  tems  de 


» 


» 


» 


» 


» 


Les  Onnon- 


taçnics  trait 


tent  mal  les 
H  utons. 


rent" à  la  Grâce  & la  Colonie  avoit  à  peine  eu  le  tems  , 

refpirer  après  fes  dernieres  pertes ,  qu’elle  fe  trouva  rejrlongee 
dans  toutes  les  horreurs  d’une  guerre ,  ou  il  y  avoit  tout .a  crai  - 
dre  pour  elle  ,  &  abfolument  rien  a  gagner.  Ce  fut  a  Mont 
reall  que  l’on  commença  de  s’appercevoir  dun  grand  chan- 
crement  dans  Fefprit  des  Iroquois  Supérieurs. 

8  Des  Onnontagués  étoient  arrivés  dans  cette  Ifle  pouryrj 
cevoir  les  Hurons ,  &  les  emmener  chez  eux  ,  comme  on  e 
Zok  convenu  l’année  précédente  :  quelques  François  &  deux 
Jefuites  dévoient  les  accompagner  ;  mais  on  fut  fort  furpris , 
iorfoue  le  jour  du  départ  les  Onnontagués  déclarèrent  quils 
!f  embarqueraient  queP les  Hurons.  Ils  fe  relâ, cherent ^neanmon» 
en  faveur  de  quelques  François;  mais  ils  sobfbnerent  a  e 
ciUrre  les  deuxWuites  ,  qui  de  leur  côté  ne  voulant  point  aban¬ 
donner  leurs  Néophytes  ,  furent  contraints  de  send|gg* 
dans  un  Canot,  qu’ils  trouvèrent  fur  le  rivage  ,  fans» 

orovifion  ,  cru  un  petit  fac  de  farine.  ,  /  • 

1  Cette  conduite  des  Onnontagués ,  a  laquelle  on  n  eto  p 


1  6  5  7* 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  335 

préparé  ,  parut  d’un  fâcheux  augure  pour  les  Hurons  ;  bien 
des  Gens  ne  les  virent  partir  qu’en  gemiffant  fur  le  triffce  fort , 
qui  les  attendoit ,  &  leurs  preffentimens  ne  furent  que  trop  ju¬ 
bés.  Ces  infortunés  Chrétiens  11’allerent  pas  bien  loin  ,  fans 
connoître  qu’ils  étoient  perdus  fans  reffource.  Une  jeune  Fem¬ 
me  n’ayant  pas  voulu  répondre  à  la  paffion  d’un  Chef  Iroquois, 
ce  Barbare  lui  calfa  la  tête  fur  le  champ  ,  &  comme  fi  on  n’eût 
attendu  que  ce  lignai  pour  lever  le  mafque  „  qui  couvroit  la 
plus  noire  des  perfidies  ,  un  grand  nombre  des  plus  confide- 
rables  Hurons  furent  maüacrés  le  moment  d’après  ;  les  autres 
ne  furent  plus  regardés  que  furie  pied  de  Captifs,  qu’on  ve- 
noit  de  prendre  en  guerre  ,  &  il  y  en  eut  même  quelques-uns 
de  brûles  ,  fans  qu’on  pût  fçavoir  la  caufe  d’un  traitement  fit 
indigne. 

Les  François  s’attendoient  bien  à  n’être  pas  plus  épargnés  que 
les  Hurons  ;  &  en  effet  la  réfolution  avoit  été  prife  de  faire  main 
baffe  fur  eux  ,  &  de  commencer  par  les  deux  Millionnaires. 

/e  n  ai  pu  fçavoir  ce  qui  en  empêcha  l’exécution  ;  mais  s’ils 
évitèrent  ce  danger  ,  ce  fut  pour  tomber  dans  un  autre  ,  où 
il  leur  parut  lontems  inévitable  de  périr.  La  première  chofe  , 
dont  ils  furent  inftruits  en  arrivant  à  Onnontagué  ,  fut  qu’on 
y  avoit  découvert  une  conspiration  contre  les  François  ,  & 
voici  a  quoi  1  on  a  communément  attribué  une  révolution  fi 
étrange. 

Une  Trouppe  d’Onneyouths  étant  allés  à  la  chaffe  du  côté  Les  Iroquois 
de  Montreal  ,  furprit  trois  François  dans  un  lieu  écarté  ,  les  conff  rey 
tua ,  &  en  apporta  les  chevelures  dans  le  Village  ,  d’où  elle  François^ 
etoit  partie.  M.  d’Ailleboût ,  qui  commandoità  Quebec  ,  par¬ 
ce  que  M.  de  Laufon  etoit  retourné  en  France  ,  fans  attendre 
fon  Succefîeur ,  demanda  juffice  de  cet  attentat ,  &  pour  obli- 
gei  la  Nation  a  la  lui  faire  ,  il  donna  ordre  qu’on  arrêtât  tout 
ce  qin  fe  trouveroit  d  Iroquois  dans  la  Colonie  :  il  fut  obéi ,  & 
le piemier  mouvement,  que  caufa  dans  les  Cantons  la  nou¬ 
velle  c'c'^ct  ordre  ,  y  fit  former  les  refolutions  les  plus  vio¬ 
lentes.  On  ne  les  fuivit  pourtant  pas  ,  &  on  s’en  tint  à  celle- 

ci ,  qui  fut  formée  de  fang  froid  ,  &  après  une  plus  mûre  dé¬ 
libération. 

le  ,M°yne  ,  qui  étoit  chez  les  Agniers  ,  devoit  être 
pue  daller  à  Quebec  ,  pour  y  traiter  de  la  délivrance  des  Iro¬ 
quois  ,  qu  on  avoit  arrêtés.  Sous  prétexte  de  lui  faire  honneur 

de  le  garantir  des  infultes  des  jeunes  Gens ,  fort  animés.contre 


i  6  5  7- 


La  confpira- 
tion  eft  dé¬ 
couverte. 


16)8. 


ht^TOIKE  generale 

336  f  1  1  Juj  donner  une  nombreufe  Ef- 

les  Fra  &°cle  lâcher  en  même  tems  divers  Partis  de  Guerriers 
corte  ,  ot  de  lacner  en  1  dès  au  ils  fçauroient 

qui  fe' répandraient  dans  la  C°  °ïïe ’té  ils  pilleroient  &  maf- 
5„e  leurs  Gens  fera.e««ms  «  rï  «r’enintrer  de  François 
facreroient  tout  ce  quils  pout  feroit  àOn- 

&  de  leurs  Alliés.  Après  quoi  la  meme  cnole 

nontagué.  .  t  nn:nt  &  ie  n’en  fçai 

Le  P.  le  Moyne  ne  FrtIt  je  l’année  fuivan- 

pas  la  raifon  ;  mais  des  T  s  d’Agniers  ,  d’On- 

te  on  vit  fortir  de  nombreufe  Trouppes  d  g  Guerriers. 

neyouths  ,  &  d’Onnontagues ,  ou  en  equ  p  g  ,  u 

Il  n’en  falloir  pas  tant  pour  donner  de  viol  PV  d  tout 

Dupuys  ,  lequel  fut  bientôt  /a  rs  un  grand  embarras , 

ce  qui  fe  tramo.t.  Ilfe  dilr  d’affaire,  qui 

&  en  effet  il  ne  voy  oit  aucu  «Ifortifier,  &  foûtenir  un  lié- 

**&£%*?£%*;*  «v*^r3i!ï 


n’eût  de  grands  inconveniens.  c  éviter  ,  parce  qu 

ce  ,  c’étoit  reculer  fa  perte  ,  non,  Pa  bec  qu’ji  ne 

n’y  avoit  aucun  fecours  a  e  pere  j  fapu  tôt  ou  tard  fe  ren- 

rrrgr^ombXnt,ou  enfin  moutarde  faim&  de 
mipou'r  fe  retirer  il 

Sr&ÏSK  c’Itoit  annoncer  fa  retrane ,  & 
impoffible.  11  tallort  neanmoins  e  re  °u  commença  par  envoler 
*  4“  lalonfpi  ration , 

Æi  rtr:  $  là  =£5-  *«  - 

“S  U  f-  o~£&*u£r 


Cela  fait ,  il  avertit  tous  les  “;f;:,Jun  fo  provi- 

tir  au  jour  ,  qu’dleur  marqua . ,  ng  donner  aucunfoup- 


fions  pour  le  Voyage  ,en i  obfef^ vaut  de  ne  donner  P 

çon  aux  Iroquois .  Il  ne  reltoit  plis  q  £  ^..vnces  ne  puf- 


con aux  Iroquois.  line  reltoit  puis  q^  r^  ne  puf„ 

pour  s’embarquer  fi  ^««“VneTes  François  fque  qJand 
fent  avoir  connoiffance  de  la  ret  „  J  craindre  d’être 

ceux-ci  auroient  affez  davan  ,  p  i  ftrata- 

pourfuivis ,  &  on  en  vint  heureufement  a  bout  par  un 

gême  affez  fingulier.  XJt 


ï  6  5  S, 

De  I’Adop- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  337 

Un  jeune  François  avoit  été  adopté  par  un  des  plus  con- 
•fiderables  Habitans  d’Onnontagué  :  ces  fortes  d’adoptions  , 
qui  devinrent  dans  la  fuite  allez  fréquentes  ,  ont  tous  les  a  van-  tîon  des  sau¬ 
tages  de  celles  ,  qui  fe  pratiquoient  parmi  les  Romains  ,  à  Ihé-  vascs- 
ritage  près  ,  qui  n’eft  rien  chez  les  Sauvages  :  d’ailleurs  elles 
n’en  ont  pas  les  charges  ,  &  elles  ne  reçoivent  même  aucune 
atteinte  des  guerres  ,  qui  peuvent  furvenir ,  d’où  il  eft  arrivé 
qu’on  s’eft  allez  fouvent  fervi  avec  fuccès  de  François  adoptés 
parles  Iroquois ,  pour  entamer  avec  eux  des  Traités  de  paix. 

Le  jeune  Homme  ,  dont  je  viens  de  parler  ,  alla  trouver  fon  Retraite  des 
Pere  d’adoption  ,  &  lui  dit  qu’il  avoit  rêvé  à  un  de  ces  fellins  Fian»ols- 
où  il  faut  manger  tout  ce  qui  ell  fervi  :  qu’il  le  prioit  d’en 
faire  un  de  cette  efpece  à  tout  le  Village  ,  &  qu’il  avoit  dans 
l’efprit ,  que  s’il  en  relloit  la  moindre  chofe  ,  il  mourroit.  Le 
Sauvage  lui  répondit  qu’il  auroit  bien  du  regret  de  le  voir  mou¬ 
rir  ,  qu’il  ordonnât  lui-même  fon  repas  ,  qu’il  auroit  foin  lui  de 
faire  les  invitations  ,  &  qu’alîùrement  il  11e  refteroit  rien. 

Sur  cette  parole  le  jeune  Homme  alïigna  pour  fa  Fête  le  dix- 
neuviéme  de  Mars ,  qui  étoit  le  jour  fixé  pour  le  départ  :  tout 
ce  qu’on  avoit  de  provisions  ,  dont  on  pouVoit  fe  palier ,  y  fut 
employé  ,  &  tous  les  Sauvages  y  furent  invités. 

Le  repas  commença  fur  le  foir,  &  pour  donner  aux  nôtres 
le  moyen  de  mettre  leurs  Batteaux  à  l’eau  ,  &  de  les  charger  , 
fans  qu’on  n’entendît  rien  dans  le  Village  ,  les  Tambours  8c  les 
Trompettes  11e  difeontinuerent  point  de  fonner  autour  de  la 
Cabanne  du  feftin.  Tout  étant  prêt,  le  jeune  Homme  ,  au  li¬ 
gnai  ,  qu’on  lui  fit ,  dit  à  fon  Pere  adoptif  qu’il  avoit  pitié  des 
Convives  ,  dont  la  plûpart  lui  avoient  déjà  demandé  quar¬ 
tier  ;  qu’on  pouvoit  ceffer  de  manger ,  &  fe  repofer  ,  &  qu’il 
alloit  procurer  un  fommeil  agréable  à  tout  le  monde.  Il  fe 
mit  auffitôt  à  jouer  de  la  Guitarre  ,  &  en  moins  d’un  quart 
d’heure ,  il  n’y  eut  pas  un  feul  Sauvage  ,  qui  ne  fût  endormi. 

Alors  ilfortit,  alla  joindre  la  petite  Flotte  ,  qui  dans  le  moment 
s’éloigna  du  rivage. 

Le  lendemain  matin  quantité  de  Sauvages  allèrent ,  félon  leur 
coutume  ,  à  leur  reveil ,  pour  voir  les  François  ,  &  trouvèrent 
toutes  les  portes  fermées  à  la  clef.  Cette  nouveauté  &  le  fi- 
lence  profond  ,  qui  regnoit  par  tout  ,  les  étonnèrent  :  ils  cru¬ 
rent  d  abord  qu’on  difoit  la  Melle ,  ou  qu’on  tenoit  Confeil  ; 
mais  après  avoir  inutilement  attendu  plufieurs  heures ,  ils  frap¬ 
pèrent  quelques  portes.  Des  Chiens ,  qu’on  avoit  laides  dans 
Tome  /.  y  y 


1658, 


Les  Iroquois 
recommen¬ 
cent  leurs  hof- 
tilicés. 


M.  n’Argen- 
fon  Gouver¬ 
neur  Général. 


,.g  HISTOIRE  generale 

les  Maifons ,  leur  répondirent  en  aboyant  ,  ils  apperçurent 
auffi  quelques  Volailles  à  travers  les  Paliffades  ;  mais  Peifonne 
ne  pafoiffoit.  Enfin  fur  le  foir  ils  enfoncèrent  les  portes ,  & 
four  furprife  fut  extrême  de  trouver  toutes  les  Maifons  vui- 

deiîs  furent  allez  lontems  fans  pouvoir  comprendre  comment 
les  François ,  qu’ils  fçavoient  n’avoir  point  de  Canots ; , avoient 
pu  s’en  aller  ,  &  il  n’eft  point  de  vilion  ,  qui  ne  leur  entrât 
dans  la  tête  ,  plûtôt  que  d’imaginer  de  quelle  maniéré  la  chofe 
s’étoit  paffée.  Cetoit  en  effet  la  première  lois  ,  quon  le  1er- 
voit  de  Batteaux  pour  de  pareils  voyages  ;  mais  quand  les 
François  auraient  eu  des  Canots ,  il  ne  leur  aurait  pas  etc 
poffible  de  s’en  fervir  ,  parce  que  les  Rivières  etoient  enco 
couvertes  de  glaces  ,  &  ce  fut  auffi  ce  qui  empecha  les 
ou  ois  de  les  pourfuivre. 

M.  Dupuys  ne  biffa  pourtant  pas  de  craindre  quils  ne len- 
trepriffent ,  &  il  ufa  d’une  telle  diligence  ,  que  maigre les  vents 
contraires,  qui  l’arrêtèrent  allez  lontems  fur  le  Lac  Ontario, 
il  arriva  en  quinze  jours  a  Montreal.  La  joye  c  e  e  v 
vré  d’un  fi  grand  danger  ne  (lattoit  pourtant  pas  allez  cet  Oi  - 
cier  ,  pour  T’empêcher  de  reffentir  ce  qu  une  fuite  fi  précipi¬ 
tée  avoit  de  honteux  pour  la  Nation,  &  de  regretter  que,  faute 
d’un  fecours  médiocre  ,  on  ne  l’eût  pas  mis  en  état  de  foute- 

nirun  Etabliffement  de  cette  importance ,  &  de  donner  la  Lo 

à  un  Peuple  ,  qui  ne  tirait  fa  force  ,  &  le  droit  de  nous 

fulter ,  que  de  notre  foibleffe.  v  A  « 

Il  trouva  toute  Hile  de  Montreal  en  de  très  -  grandes  alla 

mes.  On  ne  voyoit  de  tous  côtes  que  Partis  roquois  ,  q  » 
fans  fe  déclarer  ouvertement  Ennemis,  caufoient  par  tout  des 
défordres  affreux  ,  de  forte  que  Perforine  no  oit  par  i 
la  campagne.  Vers  la  fin  de  May  le  P.  b  Moyne  arriva  au 
même  endroit  ,  conduit  par  des  Agmers  ,  qui  lui  avoien 
né  parole  de  le  remettre  fain  &  faut  dans  une  Habitation  f  ra 
cône  ,  &  qui  la  lui  tinrent  exaftement  ;  apres  quoi  toute 
Nation  ceffa  de  feindre  ,  &  la  guerre  devint  plus  vive  ,  qi 
n’a  voit  jamais  été.  .  \ 

L’onzième  de  Juillet  le  Vicomte  dARGENSON  prit  ter 
Quebec  ,  &  fut  reçu  en  qualité  de  Gouverneur  General,  foe 
ci  i _ •  -i  e.,.  „<r„rr  rVcnfpndre  crier  aux  armes ,  c*- 


u  ueuec  ,  ex.  îui  icwu  wü  —  —  . 

lé  lendemain  41  fut  affez  furpris  d  entendre  crier  aux  armes 

on  vint  l’avertir  que  des  Algonquins  avoient  ete  ma  ac  e 
des  Iroquois  fous  le  Canon  du  Fort.  Il  détacha  dans 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  339 
ment  deux-cent  Hommes ,  François  &  Sauvages  pour  courir 
après  ces  Barbares  ;  mais  ils  ne  purent  les  joindre.  Ils  trou¬ 
vèrent  deux  Enfans  ,  qu’ils  avoient  abandonnés  pour  courir 
plus  vite  ,  &  trois  Femmes  dont  lune  étoit  morte  ,  &  les  deux 
autres  dangereufement  bleffées. 

Peu  de  tems  après  des  Agniers  s’approchèrent  des  Trois  Ri¬ 
vières  ,  dans  le  deffein  de  furprendre  ce  Pofte  ,  &  pour  mieux 
réunir  dans  leur  entreprife  ,  ils  détachèrent  huit  Hommes  ,  qui 
fous  prétexte  de  parlementer  ,  avoient  ordre  de  bien  obferver 
l’état  de  la  Place  ;  mais  M.  de  la  Potherie  ,  qui  y  corn- 
mandoit ,  en  retint  un  dans  fes  Prifons ,  &  envoya  les  autres  au 
Général,  lequel  en  fit  bonne  juftice.  Ce  coup  de  vigueur  eut 
tout  le  fuccès ,  qu’on  en  pouvoit  efperer  ,  &  procura  quelque 
repos  à  la  Colonie.  Les  Mifiionnaires  en  profitèrent  pour  com¬ 
mencer  leurs  courfes  Apofioliques  dans  le  Nord ,  &  décou¬ 
vrirent  plufieurs  routes  pour  aller  à  la  Baye  d’Hudfon. 

Telle  étoit  la  fituation  de  la  Nouvelle  France,  lorfque  le 
fixiéme  de  Juin  de  l’année  1659.  François  de  Laval  ,  connu 
auparavant  fous  le  nom  d’Abbé  de  Montigny  ,  Evêque  Ti¬ 
tulaire  de  Petrée  ,  &  pourvû  par  le  Souverain  Pontife  d’un 
Bref  de  Vicaire  Apoftolique ,  débarqua  à  Quebec.  Il  y  avoit 
déjà  quelques  années  que  les  Jefuites  ,  perfuadés  que  la  pré- 
fence  d’un  Supérieur  Ecclefiafiique  ,  revêtu  d’un  Caractère 
capable  d’impofer,  étoit  devenue  néceflaire  dans  la  Colonie, 
pour  remédier  à  certains  défordres,  qui  commençoient  à  s’y  in  ¬ 
troduire  ,  avoient  demandé  à  la  Cour  qu’on  y  envoiât  un  Evê¬ 
que.  La  Reine  Mere  ,  Anne  d’Autriche  ,  à  qui  ils  en  avoient 
fait  parler  pendant  fa  Regence  ,  fut  d’avis  que  pour  rem¬ 
plir  cette  Place  on  choisît  un  des  anciens  Mifiionnaires  ,  & 
jetta  même  ,  dit-on  ,  les  yeux  fur  le  P.  Paul  le  Jeune  ,  qui  avoit 
gouverné  la  Million  pendant  plufieurs  années  ,  &  qui  étoit 
alors  à  Paris  fort  occupé  de  la  direRion  des  Ames  ,  &  dans 
une  grande  eftime  de  fainteté  &  de  prudence  ;  mais  les  Je¬ 
fuites  reprefenterent  que  leur  Infiitut  ne  leur  permettoit  pas 
d’accepter  cette  Dignité ,  &  lui  propoferent  l’Abbé  de  Mon- 
tigny ,  qui  fut  agréé. 

Le  P.  Jerome  Lallemant ,  qui  n’étoit  point  repaffé  en  Amé¬ 
rique  ,  depuis  qu’il  étoit  venu  en  France,  pour  y  reprefenter  à 
la  Compagnie  du  Canada  les  hefoins  de  ce  Pays  ,  gouver- 
noit  alors  le  College  de  la  Flèche  ;  le  nouveau  Prélat  le  de¬ 
manda  à  fon  Général ,  comme  un  Homme  ,  qui  lui  étoit  né- 

V  v  ij 


1658. 


Arrivée  du 
premier  Evê¬ 
que  de  la  N. 
France. 

i  6  5  9. 


Changement 
dans  le  Gou¬ 
vernement  Ec- 
clefiaftique  du 
Canada. 


i  6  5  9' 


Des  Cures  du 
Canada* 


L’Ifle  de 
Mositseal  cé¬ 
dée  au  Sémi¬ 
naire  de  S» 


Salpice* 


EcabîifTement 
du  Séminaire 
de  Quebec. 


340  histoire  generale 

ceffaire ,  &  ce  Religieux  voulut  bien  confacrer  le  relie  de  fes 
iours  à  la  converfion  des  Sauvages  ,/ous  *es  °fdres  dun  Eve- 
aue  digne  delà  Primitive  Eglife.  Quelques  Ecclefiafhques 
rent  auffi  le  voyage  avec  M.  de  Petree  ,  d  autres  le  vinrent 
joindre  les  années  fuivantes ,  &  à  mefure  ,  au  ils  arrivèrent  on 
les  mit  en  poffeffion  des  Cures  ,  dont  mfques-la  les  Jetuites 
avoient  été  chargés  ,  parce  qu’ils  etoient  les  feuls  Pretres  dans 

la  Nouvelle  France.  .  ;  „  ,  ,  .  „ 

Les  nouveaux  Curés  ne  deffervirent  d  abord  les  Paroiffes , 
que  par  Commiffion  ,  ils  furent  même  très-lontems  amovibles  a 
la  volonté  de  l’Evêque  ,  &  quelquefois  des  Supérieurs  du  Sé¬ 
minaire  de  Quebec,  lefquels  étoient  eux-memes,&  font  en¬ 
core  nommés  par  les  Diseurs  de  celui  des  Millions  Etran¬ 
gères  de  Paris.  Les  chofes  ont  un  peu  change  a  cet  egard  ,  depuis 
Sue  la  Cour  a  ordonné  que  les  Cures  fuffent  fixes  en  Canada  , 
comme  dans  tout  le  Royaume;  mais  il  s  en  faut  bien  que  tou 
le  foient  encore  ,  &  l’Iflede  Montreal ,  avec  les  Parodies ,  qut 
en  dépendent ,  font  encore  fur  l’ancien  pied  ,  fous  la  direction 

de  Meilleurs  du  Séminaire  de  S.  Sulpice.  .  . 

Il  y  avoit  deux  ans ,  que  ce  Séminaire  avoit  acquis  tous  les 
■  droits  des  premiers  Proprietaires  de  cette  Me.  Plufieurs  années 
auparavant  M.  l’Abbé  de  Quelus  étoit  venua  Quebec  ,  mu¬ 
ni  d’une  Provifion  de  Grand  -  Vicaire  de  1  Archevêque  de 
Rouen  ;  mais  comme  la  Jurifdiction  de  ce  Prélat  fur  a  N  ou¬ 
velle  France  n’étoit  fondée  fur  aucun  titre  ,  &  que  les  Eve- 
nues  de  Nantes  &  de  la  Rochelle  avoient  les  memes  préten¬ 
tions  que  lui  ;  l’Abbé  de  Quelus  ne  fut  point  reconnu  en  qua¬ 
lité  de  Grand-Vicaire,  &  s’en  retourna  en  France*  Il  revint 
en  IÔS7.  avec  des  Députés  du  Séminaire  de  S.  Sulpice,  pour 
prendre  poffeffion  de  l’Ifle  de  Montreal ,  &  pour  y  fonder  un 
Séminaire  ,  à  quoi  il  ne  trouva  aucune  opposition  ,  toute  laE  - 
Ionie  étant  charmée  de  voir  un  Corps  accrédité  ,  pui-lant , 
fécond  en  excellens  Sujets ,  fe  charger  de  défricher  &  de  taire 
peupler  une  Ifle  ,  dont  les  premiers  Poffeffeurs  n  avoient  pa 
pouffé  l’Etabliffement  autant  qu’on  avoit  d’abord  eipere. 

En  1662.  M.  de  Petrée  étant  repaffé  en  France  ,  pour  les 
raifons ,  que  nous  verrons  en  fon  tems ,  propofa  au  Conien 
du  Roy  l'érection  d’un  Séminaire  à  Quebec  ;  _Sa_  Majette  y 

confentit ,  &  les  Lettres  Patentes  en  furent  expediees  au  mo  s. 

d’ Avril  de  l’année  fuivante  en  faveur  de  Meilleurs  du  Ner n 
naire  des  Millions  Etrangères.  Comme  ce  Séminaire  %  a11 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  341 
fiftême  alors  ,  devoir  fournir  des  Pafteurs  à  toute  la  Colo- 
nie  ,  le  Prélat  obtint  que  les  dixmes  feroient  payées  aux  Dire- 
Reurs  du  nouveau  Séminaire  ,  &  les  fit  taxer  au  treiziéme  de 
tout  ce  qui  doit  à  FEglife.  On  trouva  que  c’étoit  beaucoup 
pour  des  Colons ,  qui  n’étoient  pas  riches  ,  &  il  y  eut diverfes 
repréfentations  de  leur  part. 

Elles  furent  écoutées  ,  &  au  mois  de  Septembre  de  l’année  Divers  Re- 
1667.  le  Confeil  Supérieur  de  la  Nouvelle  France  rendit  un 
Arrêt  en  forme  de  Reglement ,  qui  portoit  que  par  Provifion , 

&fans  préjudice  des  Lettres  Patentes  accordées  parSaMajefté, 
les  dixmes  ne  feroient  levées  qu’au  vint-fixiéme  ;  mais  quelles 
feroient  payées  en  grains  ,  &  non  en  gerbes  ,  &  que  les  Terres 
nouvellement  défrichées  ne  payeraient  rien  les  cinq  premières 
années.  Ce  Reglement  fut  exécuté. 

Dans  la  fuite  la  Colonie  s’étant  accrûë  ,  il  fut  néceffaire  d’é¬ 
tablir  de  nouvelles  Cures.  Alors  on  demanda  que  les  Dixmes 
appartinrent  aux  Curés  „  &  l’on  commença  de  traitter  de  leur 
fixation.  Ces  deux  points  furent  ordonnés  par  un  Edit  du 
Roy  du  mois  de  May  1679.  cinq  ans  après  l’ére&ion  de  l’E- 
glife  de  Quebec  en  Evêché.  Ce  même  Edit  confirma  aufii  le 
Reglement  provifionnel  du  Confeil  Supérieur  touchant  les 
Dixmes;  mais  il  ajoûta  que  fi  les  Dixmes  11’étoient  point  fuf- 
fifantes  pour  l’entretien  des  Curés  ,  le  Confeil  y  pourvoirait 
d’un  fupplement ,  qui  feroit  fourni  par  les  Habitans  &  les  Sei¬ 
gneurs  ;  ce  qui  n’a  pourtant  point  eu  de  lieu  ,  parce  que  le  Roy 
a  bien  voulu  accorder  fur  fon  Domaine  la  fomme  de  fept  mille 
fi x-cent  livres  par  an  ,  pour  aider  à  la  fubfiftance  des  Curés ► 

Sur  la  fin  de  l’année  1683.  on  prit  une  autre  voye  pour 
contenter  les  Curés ,  à  qui  les  derniers  arrangement  du  Con¬ 
feil  n’avoient  point  paru  fuffifans.  M.  de  la  Barre,  Gou¬ 
verneur  Général  de  la  Nouvelle  France,  &  M  -  de  S.  Val- 
lier  ,  nommé  Evêque  de  Quebec  ,  voulurent  regler  les  por¬ 
tions  congrues  ,  qui  fe  payoient  fur  les  Dixmes  ,  à  cinq-cent 
livres;  mais  le  Roy  dans  une  Lettre  du  dixiéme  d’ Avril  1684. 
adreffée  au  premier  ,  lui  fit  entendre  que  ce  Reglement  ne  lui 
agréoit  pas.  w  J’ai  lu  ,  difoit  Sa  Majefié  ,  le  Mémoire  ,  que  « 
vous  avez  formé  avec  le  Sieur  Evêque  de  Quebec  ,  pour  la  « 
diftribution  des  Cures  ,  &  la  fubfiftance  des  Curés ,  &  je  vous  <* 
avoue  que  le  principe  ,  fur  lequel  vous  avez  travaillé  ,  me  pa-  « 
roit  très-préjudiciable  au  bien  de  la  Colonie.  Vous  reglez  la  « 

Portion  congrue  d’un  Curé  à  cinq-cent  livres ,  &  il  y  en  a  me-  * 


i<>59- 


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Le  Patronna- 
ge  des  Cures 
attribué  à  l’E- 
veque. 


Fondation 
<d’un  Hôpital  à 
Montreal. 


HISTOIRE  generale 

me  ,  à  qui  vous  donnez  davantage  ,  dans  un  Pays  nouvelle¬ 
ment  peuplé  d’Habitans  pauvres - ...  Vous  fçavez  quen 

France  ,  où  l’on  n’a  pas  les  mêmes  raifons ,  les  Portions  con¬ 
grues  les  plus  fortes  ne  vont  qu’à  cent  ecus ,  &  qu  il  y  a  un 
nombre  infini  de  Curés  ,  qui  n’ont  que  cent  cinquante  livres , 
&  ne  laiffent  pas  de  vivre  ,  &  de  taire  leurs  fondions  ;  &  ce 
qu’il  y  a  encore  de  plus  tâcheux  a  cet  egard  ,  ceft  que  ledit 
Sieur  Evêque  a  fi  bien  perfuadé  les  Prêtres  «puis  ne  peuvent 
nas  vivre  à  moins  de  cinq  cent  livres ,  qu  on  aura  peine  a^  les 
réduire  fur  un  autre  pied.  Cependant  je  veux  qu  on  accoutu¬ 
me  ceux ,  qui  n’ont  que  quatre-cent  livres  ,  a  vivre  pour  cette 

f°cTseMeffieurs  n’ont  pas  laiffé  de  tenter  à  diverfes  reprifes 
de  faire  remettre  les  Dixmes  au  treizième  ;  mais  le  Conteil  Su¬ 
périeur  de  Quebec  s’y  eif  toujours  oppofe  ,  &  comme  a  la  fin 
ils  en  appelèrent  au  Confeil  du  Roy  ,  cet  Appel  leur  a  attire 
un  Arrêt  du  douzième  de  Juillet  1707.  qui  les  deboutoit  fans 
retour  de  leurs  prétentions  à  cet  égard.  D  autre  part  ,  outre 
la  fournie  de  fept  mille  fix-cent  livres ,  que  le  Roy  leur  avoit 
affîgnée  pour  fupplément  des  Dixmes,  Sa  Majefte  en  a  enc 
accordé  une  deTux  mille  livres  pour  ceux  à  qui  leur  grand 
âge,  ou  leurs  infirmités  ne  permettoient  plus  de  deffervir  leu 
Cures  &  par  un  Arrêt  du  vint-neuvieme  de  Mars  1717.  n  tut 
réglé  que  cette  femme  feroit  divifée  en  cinq  portions  de  trois- 

cent  livres  ,&  une  de  deux-cent.  . 

Enfin  il  y  a  encore  deuxfommesde  treize-cent  cinquante  li¬ 
vres  chacune  ,  l’une  en  faveur  des  mêmes  Cures  ,  &  1  autre 
pour  la  bâtiffe  des  Eglifes  Paroifiiales ,  dont  le  Patronna^, 
par  un  Arrêt  du  vint-feptiéme  de  Mars  1699.  fut  attribue  a 
l’Evêque  ,  à  l’exclufion  des  Seigneurs  ,  lefquels  en  avoient  joui 
jufques-là  en  vertu  d’un  premier  Arrêt  du  mois  de  May  1679. 
&  ,1  fut  ordonné  par  le  dernier  que  ces  Eglifes  ferment  bâties 
de  pierres.  Au  relie  toutes  les  femmes ,  que  le  Roy  fournit  de 
fou  Domaine  pour  les  ufages ,  dont  je  viens  de  parler  ,  font  a 
la  difpofition  Se  l’Evêque.  Le  Chapitre  de  la  Cathédrale  eft 
compote  d’un  Doyen ,  d’un  Grand  Chantre  ,  d  un  Grand  Ar¬ 
chidiacre  ,  d’un  Théologal ,  8c  de  douze  Chanoines.  Le  Roy 
s’eft  refervé  la  nomination  aux  deux  premières  Dignités  ,  lisvt- 

que  nomme  à  tout  le  relie.  .  j- 

Pour  revenir  à  l’Ifle.  de  Montreal ,  &  finir  tout  ce  qui  regarde 
les  Etabliffemens  faits  en  Canada  pour  le  Spirituel ,  &  pourie 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  343 
Bonnes  œuvres ,  Meilleurs  du  Séminaire  de  S.  Sulpice  ne  fu¬ 
rent  pas  plûtôt  en  poffefîion  de  ce  beau  Domaine ,  qu’ils  fou¬ 
gère  nt  à  lui  procurer  un  Hôpital ,  &  ils  furent  allez  heureux: 
pour  engager  plufieurs  Perfonnes  dans  ce  pieux  deffein.  Ma¬ 
dame  de  Bullion  donna  foixante-deux  mille  livres  ,  M.  de 
LA  Doversiere  ,  Lieutenant  Général  au  Préfidial  de  la  Flè¬ 
che  ,  y  confacra  une  partie  de  fon  bien  ,  &  ce  fut  par  foncon- 
feil  que  l’on  choifît  pour  deffervir  cet  Hôpital,  des  Filles  de  l’Hô- 
tel-Dieu  de  cette  même  Ville  ,  dont  FInflitut  a  depuis  été  érigé 
en  Religion  par  le  S.  Siège.  Ce  fut  la  Demoifelle  Manfe  ,  dont 
j’ai  parlé  plus  haut ,  qui  reçut  les  Hofpitalieres  à  Montreal ,  & 
tant  quelle  vécut ,  elle  voulut  bien  être  chargée  de  l’adminif- 
tration  du  Temporel  de  leur  Maifon  ,  en  quoi  elle  fut  très- 
bien  fécondée  par  M.  de  Maifon  neuve  ,  qui  confentit  de  con¬ 
tinuer  de  gouverner  cette  petite  Colonie  ,  après  que  l’Ille  eut 
changé  de  Seigneur. 

Il  commençoit  à  s’y  former  une  Ville  ,  dont  la  fondation  fut 
marquée  par  un  Etabliffement ,  qui  fait  aujourd’hui  un  des  plus 
beaux  ornemens  de  la  Nouvelle  France.  Elle  le  doit  à  Margue¬ 
rite  Bourgeois  ,  cette  fainte  Fille  ,  qui  plulieurs  années  aupa¬ 
ravant  avoit  fuivi  M.  de  Maifonneuve  en  Canada.  Sans  autre 
refTource ,  que  fon  courage  &  fa  confiance  en  Dieu  ,  elle  entre¬ 
prit  de  procurer  à  toutes  les  jeunes  Perfonnes  de  fon  fexe  ,  quel¬ 
que  pauvres ,  &  quelque  abandonnées  qu’elles  fulfent ,  une 
éducation  ,  que  n’ont  point  dans  les  Royaumes  les  plus  poli¬ 
cés  ,  beaucoup  de  Filles  mêmes  de  condition  ,  &  elle  y  a  réufîi 
au  point ,  qu’on  voit  toujours  avec  un  nouvel  étonnement  des 
Femmes  jufques  dans  le  le  in  de  l’indigence  &  de  la  mifere , 
parfaitement  infimités  de  leur  Religion,  qui  n’ignorent  rien 
de  ce  qu’elles  doivent  fçavoir  ,  pour  s’occuper  utilement  dans 
leurs  Familles ,  &  qui  par  leurs  maniérés  ,  leur  façon  de  s’ex¬ 
primer  &  leur  politeffe  ,  ne  le  cèdent  point  à  celles ,  qui  parmi 
nous  ont  été  élevées  avec  plus  de  foin.  C’eft  la  juflice  ,  que  ren¬ 
dent  aux  Filles  de  la  Congrégation  tous  ceux  ,  qui  ont  fait  quel¬ 
que  fejour  en  Canada. 

Il  paroît  que  dans  la  fuite  on  avoit  eu  deffein  d’en  faire  des 
Religieufes  ;  car  en  1709.  elles  eurent  défenfe  de  fe  cloîtrer  , 
&  de  taire  des  Vœux.  Elles  répondirent  qu’elles  n’avoient  ja¬ 
mais  eu  intention  de  fe  renfermer,  la  Clôture  étant  abfolument 
incompatible  avec  leur  Inflitut  ;  que  par  la  même  raifon  elles 
ne  demandoient  point  à  faire  des  Vœux  folemnels  ?  qu’elles 


16  5  9- 


Inflitut  ion 
des  Filles  de  la 
Congréga¬ 
tion. 


i6?9' 


HISTOIRE  GENERALE 

fouhaittoient  feulement  qu’on  leur  permît  de  faire  des  V ceux 
(impies  ;  mais  comme  on  crut  que  ces  'Vœux  les  conduiroien 
peut-être  avec  le  tems  àfe  cloîtrer  ,  ce  qui  les  i  endroit  beau 
foup  moins  utiles  à  la  Colonie,  le  Confe.l  refufa  dy  con- 

feILes  Urfulines  de  Quebec  contribuoient  aulîi  beaucoup  de 
leur  côté  à  donner  aux  Perfonnes  de  leur  fexe  une  éducation 

convenable  ;  mais  hors  de  l’enceinte  de  cette p^vmé 
Filles  font  à  portée  de  fréquenter  leurs  Ecoles ,  &  la  pauvreté 
du  Pays  ne  leur  permet  pas  d’avoir  un  grand  nombie  e  - 
ftonnales.  On  avoit  eu  en  vûë  ,  lorfqu’on  les  établit  dans  la 
Nouvelle  France  ,  de  les  charger  de  l’éducation  des  Fllle^“‘ 
vases  ■  mais  l’exécution  n’a  pas  répondu  aux  efperances  ,  qu  on 
en^avoit  conçûës  &  bien  des  raifons  ont  fait  abandonner  ce 
proiet!  Les  principales  font  que  ces  Religieufes  ne  fe  font  pas 

trouvées  en Pétat  de  faire  la  dépenfe  neceffaire  pour  lexecuter, 

&  que  les  Sauvages  eux-mêmes  ne  fe  privent  pas  volontiers 
du  plaifir  d’avoir  leurs  Enfans  avec  eux.  D  ailleurs  ces  Enfans  , 
au  lortir  d’une  Maifon  Reguliere  ,  fe  retrouvant :  au  mdieu  de 
la  Barbarie  ,  &  expofées  à  toute  la  contagion  du  c°ml“er“ 
avec  les  Infidèles  ,  le  fang  &  la  nature  reprenoient  bientôt  le 
deffus  &  il  ne  leur  reftoit  de  la  bonne  éducation  ,  qu  on  leu 
X  donnée ,  que  plus  d’ouverture  d’efprit  &  des  comioiffan- 
ces ,  qui  leur  devenoient  permcieufes  par  1  abus ,  que  la  plu 

Païl  auroit  faUufê  borner  aux  Filles  des  Sau™Ses  Soient 
&  domiciliés  dans  la  Colonie  ;  mais  c  etoit  celles ,  qui  ^ 
moins  de  befoin  de  ce  fecours  ,  &  1  expenence  ^  fait  voir  au 
étoit  plus  à  propos  de  les  laifer  dans  leur  fimpliciœ  &  dan leur 
•nonnre  •  nue  les  Sauvages  peuvent  etre  de  bons  Uiret  eus , 
fl n°r  en  pœ^dr  de  notreSpoLelfe  &  de  notre  façon  de  vivre 
ou  du  moins  qu’il  falloir  laiffer  faire  au  tems  pour  les  tirer  de 
leur  grofïiereté,  qui  ne  les  empêche  pas  de  vivre  dans  u 
grande  innocence  ,  d’avoir  beaucoup  de  modeftie  ,  &  de  fervir 
f)ieu  avec  une  pieté  &  une  ferveur ,  qui  les  rendent  tres-prop 

aux  plus  fublimes  operations  de  la  Grâce. 

_ l’Fvpmifi  de  Petrée  avoit  a 


aUCer^ndlLitnrEvêque  de  Petrée  avoit  à  peine  pris  en  main 
,ïf™  CGr—  &  fon  Eglife  ,  ,£l  =«  ™  fg-g* 
*“■  couvert  plufieurs  Nations  au  Nord  &  a  1  Oueft du  LacHurg. 

il  longea  auffitôt  aux  moyens  de  les  faire  ec  aiier  c  j’^tre 
de  l’Evangile  ;  il  s’en  ouvrit  au  P.  Lailemant ,  qui  ven 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  345 

nommé  pour  la  fécondé  fois  Supérieur  Général  des  Millions  , 
&  il  prit  avec  lui  les  mefures  convenables  pour  l’exécution  de 
ce  delfein.  On  envoya  aulîi  un  renfort  de  Millionnaires  aux 
Nations  Abénaquifes  ,  qui  devenaient  infenliblement  toutes 
Chrétiennes  ;  mais  dont  la  vie  errante  empêchoit  que  le  pro¬ 
grès  de  l’Evangile  ne  fût  aulîi  rapide  parmi  elles ,  qu’on  fe  l’étoit 
promis  de  leur  docilité. 

Les  Peuples  les  plus  voiiins  du  Golphe  de  S.  Laurent 
étoient  toujours  en  guerre  avec  les  Eskimaux  ,  &  en  ame- 
noient  fouvent  des  Efclaves  ,  dont  on  eut  le  bonheur  de 
convertir  quelques-uns.  La  fervitude  ,  &  l’éloignement  de 
leur  Pays ,  adouciffoient  un  peu  les  mœurs  de  ces  Barbares  ; 
aulîi  féroces  ,  que  les  Loups  &  les  Ours  ,  dont  leurs  affreux 
Deferts  font  remplis  ;  fans  Loix  ,  fans  principes  ,  fans  focié- 
té  ,  ne  diférant  prefque  de  ces  Bruttes  ,  que  par  la  figure 
humaine  :  ils  devenaient  bientôt  doux  &  raifonnables  ,  dès 
qu’ils  fe  voy oient  parmi  des  Hommes  ,  qui  faifoient  ufage 
de  leur  raifon.  Dans  le  petit  nombre  de  ceux  ,  qui  furent 
alors  gagnés  à  Jesus-Christ  ,  la  converfion  d’une  Femme 
fut  accompagnée  de  circonflances  ,  qui  firent  beaucoup  d’im- 
prelfion  fur  fes  Compatriotes  ,  &  plus  encore  far  un  Proteftant. 
Pendant  qu’on  inflruifoit  cette  Femme  des  principes  de  la 
Foi ,  elle  parut  comme  pofiedée  du  Démon  ;  pour  s’affûrer  de 
la  nature  de  fon  mal  ,  on  lui  fit  quantité  de  remedes  ,  qui 
furent  tous  inutiles  ;  on  eut  enfin  recours  à  l’Eau-bénite  ,  qui 
lai  guérit  parfaitement  ;  elle  demanda  enfuite  le  Baptême  , 
dont  la  cérémonie  fut  fuivie  de  l’Abjuration  d’un  Cal  vinifie  , 
qui  11e  put  tenir  contre  un  miracle  fi  évident. 

L’année  fui  vante  ,  un  Algonquin  ,  qui  avoit  employé  deux 
années  entières  à  voyager  dans  le  Nord  ,  rencontra  aux  en¬ 
virons  de  la  Baye  d’Hudfon  quantité  de  fes  Compatriotes  , 
que  la  crainte  des  Iroquois  avoit  contraint  d’y  chercher  un 
afyle.  Il  y  trouva  aulîi  les  Naturels  du  pays  fort  difpofés  à 
fe  joindre  aux  François  ,  pour  réprimer  l’orgueil  de  cette 
Nation  ,  qui  s’étoit  fait  des  Ennemis  de  toutes  les  autres ,  & 
qui  commençoit  à  s’approcher  d’eux..  Ils  chargèrent  même 
1  Algonquin  de  préfens  pour  le  Gouverneur  Général  ;  &  ce 
Sauvage  ,  qui  étoit  allé  à  la  Baye  d’Hudfon  par  le  Lac  Su¬ 
périeur  ,  en  revint  par  le  Saguenay. 

Dans  le  même  tems ,  deux  François  après  avoir  hyverné 
fur  les  bords  du  Lac  Supérieur  ,  avec  un  grand  nombre  de 
Tome  L  Xx 


1659. 


Converfion 
de  quelques 
Eskimaux. 


Plusieurs  dé¬ 
couvertes. 

1  6  6  o. 


i  6  6  o. 


,46  HISTOIRE  GENER  ALE 

Familles  Aleonquines  ,  eurent  la  curiofité  de  pénétrer  plus 
nt  à  rOueft  ,  &' allèrent  jufqu’aux  Sioux.  Ils  rencontre- 

TU  1  _  _ /TV  r\  a  Mnmtic 


Huions. 


avant  a  i  uucu  ,  ^  ^  “r  ,  r  j  u 

rent  fur  leur  route  une  Bourgade  allez  nomoreufe  de  Hurons. 

Tionnontatés  ,  dont  ils  apprirent  quelques  particularités  ai- 
fez  curieufes.  Je  n’en  rapporterai  ,  que  ce  qui  fera  necellai- 
re  pour  la  fuite  de  cette  Hifioire.  Les  Sioux  non-feulement 
Ce  qui  fe  n’avoient  eu  jufques-là  aucune  connoiflance  des  François 
paife  entre  les  ma‘s  ^tojent  fort  peu  connus  des  Nations  Huronnes  oc  Al- 

s,OBX*  gonquines  ,  avec  lefqueUes  nous  étions  en  commerce  ;  dit 
moins  ,  à  en  juger  par  le  rapport  des  deux  François  ,  qui 
dirent ,  que  leurs  maniérés  parurent  fort  étranges  &  fort  ri¬ 
dicules  aux  Tionnontatés  &  aux  Outaouais  ,  lorfque  ceux- 

ci  fe  réfugièrent  chez  eux.  A  r 

Ils  ajoutèrent  que  ceux-ci  les  mfulterent  meme  en  plufieurs 
rencontres ,  fe  fiant  fur  leurs,  armes  à  feu  3  dont  leurs  hôtes 
ignoroient  encore  lïifage  ;  qu’ils  en  tuerent  quelques-uns  ; 
mais  qu’enfin  la  fureur  &  le  nombre  fuppleant  aux  avanta¬ 
ges  ,  qui  rendoient  les  Hurons  &  les  Outaouais  fi  infolens  * 
les  Sioux  en  maffacrerent  plufieurs.  Un  jour  entrautres  , 
ayant  attiré  beaucoup  de  Hurons  dans  une  eipece  de  Lac  , 
ou  de  Marais,  tout  couvert  de  F  olle- Avoine  ,  ils  les  y  enve¬ 
loppèrent  avec  leurs  Canots  dans  des  Filets  ,  que  ceux-ci 
ne  voyoient  point  *  après  quoi ,  ils  décochèrent  fur  eux  une 
fi  grande  quantité  de  Flèches  ,  qu’il  n’en  echapa  aucun  :  le 
refie  jugea  enfin  à  propos  de  s  éloigner  d  une  Nation  ,  avec 
laquelle  ils  ne  pouvoient  plus  efperer  de  fe  réconcilier  ,  a  - 
lerent  s’établir  au  Sud-Efl  de  la  pointe  Occidentale  du  Lac 
Supérieur  ,  où  nos  deux  Voyageurs  les  trouvèrent. 

De-là ,  ceux-ci  étant  paffés  chez  les  Sioux  ,  remarquèrent 
des  Femmes  à  qui  on  avoit  coupe  le  nez  ,  &  arrac  îe  une 
partie  de  la  peau  de  la  tête  :  ils  en  demandèrent  la  radon  , 
&  on  leur  répondit  ,  que  c’étoit  la  peine  ,  dont  on  pumüoit 
Fadultere  dans  les  perfonnes  de  ce  fexe  ;  ce  qui  leur  parut 
d’autant  plus  rigoureux  ,  que  la  Polygamie  eft  toxeree  parmi 
ce  Peuple.  Il  étoit  alors  fort  nombreux  ,  &  partage  en  qua¬ 
rante  Bourgades  ,  toutes  grandes  ,  &  très-peuplees  ;  &  com¬ 
me  ces  Bourgades  changent  fouvent  de  place  ,  le  Pays  Sioux 
avoit  une  étendue  immenfe.  Deux  Jefuites  ,  qui  en  lôbj.oc 
en  1689.  ont  fait  quelques  excurfions  parmi  eux  ,  en  ont 
parlé  comme  d’un  Peuple  fort  puiffant  ;  &  1  un  d  eux  (æ) 

La)  Le  P.  Jofeph  Marée. 


V 

P articulantes 
touchant  les 
Sioux. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  347 

fouvent  témoigné  ,  qu’il  regrettoit  beaucoup  de  n’avoir  pû 
fe  fixer  parmi  ces  Sauvages  ,  en  qui  il  avoit  trouvé  de  la  dou¬ 
ceur  &  du  bon  fens.  Il  ajoûtoit ,  que  les  Sioux  n’exerçoient 
point  envers  leurs  Prifonniers  ces  horreurs  ,  qui  déshonno- 
rent  la  plupart  des  autres  Nations  de  ce  Continent ,  8c  qu’ils 
ont  confervé  une  connoiffance  allez  difiin&e  d’un  feul  Dieu. 

.  J’ai  dit  ailleurs  qu’on  prétend  qu’ils  ont  l’accent  Chinois  ; 
c’efi  ce  qu’on  n’a  pû  encore  vérifier  jufqu’ici  ;  mais  leur  ma¬ 
niéré  de  vivre  reffemble  beaucoup  à  celle  des  Tartares.  Peu 
de  François  ont  appris  leur  Langue ,  qui  feroit  pourtant  d’u¬ 
ne  grande  utilité  pour  découvrir  tout  ce  qui  efi  au  Nord- 
Oueft  du  Micifiipi  ;  &  tout  nous  porte  à  croire  qu’on  y  fe¬ 
roit  des  découvertes  utiles  ,  fur-tout  par  rapport  à  la  Mer  du 
Sud  ,  dont  il  efi;  prefque  certain  qu’ils  ne  font  pas  extrême¬ 
ment  éloignés. 

Cependant  il  ne  venoit  aucun  fecours  de  France  ,  8c  la  Co¬ 
lonie  du  Canada  ne  fe  foûtenoit  plus  que  par  une  efpece  de 
miracle  :  on  11e  pouvoit  s’éloigner  des  Forts  ,  qu’011  ne  fût 
efcorté  ;  8c  en  bien  des  endroits  ,  on  11e  voyoit  nulle  appa¬ 
rence  de  faire  la  récolté  ,  dont  le  tems  approchoit.  Plufieurs 
jugeoient  qu’à  la  fin  il  faudroit  tout  abandonner  ;  8c  quel¬ 
ques-uns  commençoient  à  prendre  des  mefures  pour  repafiêr 
la  Mer.  Sept  cent  Iroquois  ,  qui  venoient  de  défaire  un  grand 
parti  de  François  &  de  Sauvages  ,  tenoient  Québec  comme 
bloqué;  les  Urfulines  &  les  Hofpitalieres  étoient  obligées  de 
fortir  la  nuit  de  leurs  Monafteres ,  où  on  ne  les  croyoit  pas  en 
sûrete  ,  &  fur  la  fin  de  l’Automne  ,  lorfqu’on  croyoit  ces  Bar¬ 
bares  retires  chez  eux  ,  on  eut  avis  qu’ils  tenoient  encore  la 
campagne  ,  ce  qui  jetta  par  tout  la  confirmation. 

Un  Huron  ,  qui  s’étoit  échapé  de  leurs  mains  ,  confirma 
cette  nouvelle  ,  8c  ajoûta  que  leur  deffein  avoit  été  d’attirer 
quelque  Millionnaire  à  un  pour-parler  ,  8c  de  l’arrêter,  pour  fer- 
vir  a  un  échangé  ;  que  quand  ils  auroient  retiré  par  ce  moyen 
tous  ceux  des  leurs  ,  qui  étoient  prifonniers  parmi  nous  ,  ils 
ne  garderaient  plus  de  mefures  :  qu’ils  fe  propofoient  fur  tout 
d  enlever  un  grand  nombre  d’Enfans  pour  repeupler  leur 
Pays  ;  mais  qu’il  leur  étoit  furvenu  un  accident  ,  qui  fans 
doute  leur  avoit  fait  rebroufier  chemin  ,  un  d’eux  ,  en  vou¬ 
lant  tuer  un  Cerf  ,  ayant  tiré  fur  le  Chef  du  Parti  ,  lequel 
en  étoit  mort. 

En  effet ,  ils  ne  parurent  plus  de  tout  le  refie  de  cette  an- 

Xx  ij 


1  660. 


Extrémité  , 
où  eft  réduit 
le  Canada. 


HofHlités  dc-S 
Iroquois. 


*  H 


i  6  6  î  . 


Maladies  8c 
î?ù  éno  menés. 


J48  histoire  generale 

née ,  mais  à  la  fin  de  l’Hyver  plufieurs  Partis  fe  montrèrent 
en  differens  endroits  de  la  Colonie  ,  &  y  firent  de  grands, 
ravages.  Un  Ecclefiaftique  du  Séminaire  de  Montreal ,  nom¬ 
mé  M.  le  Maître  ,  fut  tué  en  revenant  de  dire  li  Me..e  a 
la  campagne.  M.  de  Laufon  ,  Sénéchal  de  la  Nouvelle  Fran¬ 
ce  &  Eus  du  précédent  Gouverneur  General ,  étant  aile  à 
Fille  d’Orléans  pour  dégager  l'on  Beau-Frere  ,  qui  etoit  m- 
vefti  dans  fa  maifon  ,  tomba  dans  une  embufeade.  Les  lio- 
ciuois  ,  qui  le  connoiffoient ,  &  qui  fouhaitoient  avec  paflioi 
l’avoir  un  Prifonnier  de  cette  importance  ,  le  ménagèrent 
quelque-tems ,  ne  cherchant  qu’à  le  laffer  ;  mais  voyant  qui 
leur  tuoit  beaucoup  de  monde  ,  ils  tirèrent  fur  lui  ,  &  il 
tomba  mort ,  avant  qu’aucun  eut  ofe  1  approcher- 

Plufieurs  autres  perfonnes  de  confideration  ,  cv  un  ma  cl 
nombre  d’Habitans  &  de  Sauvages  eurent  le  meme  fort.  1  ren¬ 
te  Attikamegues  ,  parmi  lefquels  il  y  avoir  .quelques  Fran¬ 
çois  ,  furent  attaqués  par  quatre-vint  Iroquois  ,  &  fe  déten¬ 
dent  avec  une  valeur  ,  qui  auroit  pû  les  fauver  ,  s  ils  euf- 
fent  combattu  avec  plus  d'ordre  ;  les  Femmes  memes  fe  bat¬ 
tirent  iufqu’à  la  mort ,  &  pas  une  ne  voulut  fe  rendre.  En¬ 
fin  ,  depuis  Montreal  jufqua  Tadoulfac  ,  on  ne  voyou  que 
des  traces  fanglantes  du  paffage  de  ces  tiers  Ennemis. 

A  ce  terrible  fléau  le  Ciel  en  ajouta  un  autre  ,  qui  ache¬ 
va  de  réduire  la  Colonie  aux  abois.  Les  François  &  les  Sat- 
vaees  domiciliés  furent  attaqués  d’une  maladie ,  ciont  perfon- 
ne  ne  fut  exemt ,  &  qui  enleva  fur  tout  un  très-grand  nom¬ 
bre  d’Enfans  :  c’étoit  une  maniéré  de  coqueluche  ,  qu 
tournoie  en  pleurefie.  On  s’imagina  quil  y  avoir  du  male  - 
ce  ;  &  les  Médecins  furent  les  premiers  a  donner  cours  a 
cette  opinion.  Quand  le  Peuple  eff  une  fois  frappe ,  foTt  im  - 
gination  le  mene  bien  loin  ,  &  tout  eft  Peuple  en  certaines  ren¬ 
contres.  On  publia  enfuite  qu’on  avoit  vû  dans  1  air  une  Cou¬ 
ronne  de  feu  ;  qu’aux  Trois  Rivières  on  avoit entendu Mes  voix 
lamentables;  qu’auprès  de  Quebec  il  avoit- paru  un  Canot  de- 
feu  ,  &  dans  un  autre  endroit  un  Homme  tout  embraie  C- 
environné  d’un  tourbillon  de  flammes;  que  dans  lhle  Ut 
leans  une  Femme  enceinte  avoit  entendu  fon  fruit  le  pla 
dre,  &  tout  cela  fut  fuivi  de  l’apparition  c  lune  Comete  ,  qu 
acheva  d’effrayer  la  Multitude  ,  pour  laquelle  ce  Phenomene* 
n’eft  jamais  indifférent ,  furtout  dans  un  tems  c  e  ca  amite. 

m  J  r  .  j  r  • _  Q-r  jnc  fr^rf  rlp  1  ClV^Q  tt 

8  Antpfmc  ail  miliPil  HP 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  349  _ 

le  calme  parut  tout-à-coup.  On  apprit  par  quelques  Prifon-  1  6  6  1 . 
niers  ,  qui  s’étoient  évadés  des  Bourgades  Iroquoifes  ,  qu’il  On  apprend 
y  avoit  à  Onnontagué  une  vintaine  de  François  ,  à  qui  on  de  b°{nue* 
avoit  donné  la  vie  ,  &  qui  y  joiiiffoient  même  d’une  allez  gran-  p°ys  deïiro- 
de  liberté  :  que  dans  ce  même  Canton  on  avoit  converti  une  quois. 
Cabanne#en  une  Chapelle  ,  où  un  grand  nombre  de  Chré¬ 
tiens  ,  François  ,  Hurons  ,  Iroquois ,  &  Algonquins  s’affem- 
bloient  regulierement  pour  faire  leurs  Prières  :  que  les  Ma¬ 
rronnes  ,  qui  font  le  Corps  principal  de  l’Etat ,  n’avoient  point 
eu  de  part  à  la  confpiration ,  qui  avoit  obligé  M.  Dupuys  à 
fe  retirer ,  &  que  pendant  fept  jours  elles  avoient  pleuré  avec 
leurs  Enfans  le  départ  des  Millionnaires  ;  enfin  que  dans  les 
Cantons  de  Goyogouin  &  d’Onneyouth  j  il  y  avoit  des  Chré¬ 
tiens  ,  qui  confervoient  inviolablement  leur  Foy. 

Peu  de  tems  après  les  Partis  Ennemis  difparurent  prefqu’en-  Députés  rro- 
tiérement ,  &  vers  le  mois  de  Juillet  on  aperçut  de  Montreal  quois  à  Mont- 
deux  Canots  avec  un  Pavillon  blanc.  O11  les  laiffa  approcher  ,  leal‘ 

&  on  vit  des  Iroquois  débarquer  avec  autant  d’alfûrance  , 
qu’auroient  pu  faire  les  Alliés  les  plus  fidèles.  C’étoient  des 
Députés  des  Cantons  d’Onnontagué  &  de  Goyogouin  ,  & 
l’un  d’eux  étoit  le  Chef  le  plus  accrédité  de  ce  dernier  Can¬ 
ton,  l’ancien  Hôte  du  P.  Mefnard  ,  &  l’ami  le  plus  déclaré 
des  François  dans  tous  les  tems.  Ils  ramenoient  quatre  Fran¬ 
çois  ,  dont  ils  propoferent  l’échange  contre  huit  Goyogoui'ns , 

Prifonniers  à  Montreal ,  &  ils  promirent  même  de  rendre  tous 
les  autres  François  ,  dont  ils  etoient  les  Maîtres  ,  fi  on  vou- 
loit  délivrer  tous  les  Sujets  des  deux  Cantons  ,  que  nous  avions 
entre  les  mains. 

Ils  rendirent  aufîiàM.  de  Maifonneuve une  Lettre,  lignée 
de  tous  les  François  Captifs  dans  ces  mêmes  Cantons  :  elle  por- 
toit  qu’on  les  traitoit  affez  bien  ,  &  que  tous  les  efprits  paroif- 
foient  fort  portés  à  la  paix  ;  mais  que  fi  on  refufoit  d’écouter 
les  deux  Députés  ,  tout  ce  qu’ils  étoient  de  François  dans  le* 

Pays ,  feroient  impitoyablement  livrés  au  feu  à  leur  retour.  Le 
Gouverneur  répondit  aux  Députés  qu’il  alloit  écrire  à  M.  d’Ar- 
genfon ,  à  quifeul  il  appartenoit  d’accepter  ,  ou  de  rejetter  de 
pareilles  proportions  ,  &  qu’en  attendant  fes  ordres  ^  ils  pou- 
voient  relier  dans  le  Fort ,  où  ils  jouiraient  d’une  liberté  entière. 

Le  Vicomte  d’Argenfon  parut  d’abord  très-peu  difpofé  à  en-  ? 
trer  en  négociation  ;  mais  confiderant  que  dans  l’état ,  où  fe  nee  cônfent*' \ 
trouvoit  la  Colonie  ,  une  mauvaife  paix  ,  pourvu  qu’on  fe  Ie*  accomga- 


i  6  6  i . 

cner  dans  leur 
Pays. 


Le  Baron  d’A- 
vaugour  relè¬ 
ve  M.  d’Ar- 
veufon. 

«fe> 


Voyage  de 
deux  MilTion- 
n  ai  res  dans  le 
Nord. 


..0  HISTOIRE  generale 

tînt  fur  fes  gardes,  valoit  encore  mieux  ,  que  la  continuation 
d’une  guerre ,  qu’on  n’étoit  pas  en  état  de  foûtenir ,  il  changea 
de  penfée.  Un  Homme  ,  qui  fe  noie  ,  ne  laide  pas  de  s  attacher  a 
une  branche,  quil  prévoit  devoir  fe  cafter  entre  fes  mains,  quand 
il  n’en  trouve  point  d’autre.  La  plus  grande  difficulté  etoit  d .ac¬ 
corder  un  Millionnaire  aux  deux  Cantons  ,  qui  n^vouloient 
de  paix,  qu’à  cette  condition.  Le  Vicomte  fit  fonderie  P.  le 
Moyne  ,  oui  répondit  fans  balancer  qu’il  etoit  prêt  a  partir.  C  e- 
toit  pour  la  cinquième  fois  que  ce  Religieux  fe  facnnoit  en  pa¬ 
reilles  occafions  :  il  faifit  avec  avidité  celle-ci ,  qu il  croy Oit 
immanquable  de  donner  fa  vie  pour  la  caufe :  de  Dieu  ,  &  lefalut 

de  la  Colonie.  '  ,  ^ 

Sur  ces  entrefaites  le  Baron  d’AvAUGOUR  arriva  de  France 

pour  relever  M.  d’Argenfon  ,  auquel  fa  mauvaife  lante  ,  le  peu 
de  fecours,  qu’il  recevoir  de  la  Compagnie  de  la  Nouvelle  Fran¬ 
ce  ,  &  quelques  chagrins  particuliers  .,  que  de  mauvais  efprits 
ne  ceffoient  point  de  lui  caufer  ,  avoient  fait  demander  fon  rap¬ 
pel  avant  le  tems.  Le  nouveau  Gouverneur  fut  bien  étonné  de 
fe  voir  chargé  d’une  Colonie  auffi  délabrée.  Il  voulut  commen¬ 
cer  par  vifiter  tous  les  Polies ,  &  après  cette  vifite  il  dit  quil 
étoit  charmé  du  Canada  ;  qu’on  ignoroit  en  France  ce  quilpou- 
voit  valoir  ;  mais  qu’il  ne  comprenoit  point  comment  fes  Pre- 
déceffeurs  s’étoient  foûtenus,  comme  ils  avoient  fait,  avec  ii  peu 
de  forces  ;  qu’il  alloit  informer  le  Roy  de  toutes  choies  ,  & 
que  fi  on  ne  lui  envoyoit  inceffamment  les  Trouppes  ot  es 
munitions ,  qu’on  lui  avoit  promifes ,  il  n  attendi  oit  pas  pour 
retourner  en  France  ,  qu’on  lui  eût  donne  un  Succelleur.  e 
Général  étoit  Homme  de  refolution ,  &  d’une  grande  droiture  ; 
mais  il  s’en  picquoit  trop  ,  &  ne  fçavoit  pas  fe  repber.  1  avoit 
fait  la  guerre  en  Hongrie  avec  beaucoup  de  diftinction  ;  mais 
il  eut  moins  d’occafions  d’exercer  en  Canada  fes  bonnes  qua 
lités  ,  qu’il  n’en  eut  de  faire  paroîtrefes  défauts  ,  &  ils  lui  hrent 
effiiyer  bien  des  chagrins  dans  le  peu  de  tems ,  qu  il  gouver¬ 
na  cette  Colonie.  .  , 

'Le  P.  le  Moyne  étoit  parti ,  lorfque  M.  d’Avaugour  arriva  a 
Ouebec  ,  &  tandis  que  le  Millionnaire  alloit  travailler  a  nous 
reconcilier  avec  les  Iroquois ,  les  PP.  Dreuiilettes  &  Da  on 
tâchoient  de  pénétrer  à  la  Mer  du  Nord,  en  îemontant  le^  ague 
nay.  Au  commencement  de  Juillet  ,  deux  mois  api  es  eur 
départ ,  ils  fe  trouvèrent  à  la  fource  de  la  Riviere  A  ek  ou  a,  qu 
fe  décharge  dans  le  Lac  de  S .  Jean ,  &  y  effuierent  des  cha  eu 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  351 

exceflives  ,  qu  ils  attribuèrent  en  partie  a  la  hauteur  du  terrem  , 
ayant  fait  cent  lieues  ,  difoient-ils ,  en  montant  toujours. 

Le  Lac  S.  Jean  eft  la  véritable  four  ce  du  Saguenay  ,  &  de 
pluheurs  autres^  Rivières  :  il  a  vint  lieues  de  circuit ,  fa  figure  eft 
ovale  ;  quantité  d’Ifles  ,  dont  il  eft  femé  ,  y  font  des  points  de 
vûë  fort  agréables  ,  &  fes  bords  font  couverts  de  très  -  beaux 
arbres  ;  mais  on  ne  trouverait  peut-être  pas  ce  Pays  fi  char¬ 
mant ,  fi  avant  que  d’y  arriver  ,  il  ne  falloit  pas  traverfer  les 
plus  affreux  deferts.  C  eft  une  réflexion  ,  que  devraient  faire 
les  Voyageurs  ,  &  qui  les  empêcherait  fouventde  tomber  dans 
des  exaggérations  ,  qui  les  décréditent. 

Le  P.  Dablon  parle  dans  fon  Journal  d’une  maladie  fort  fin- 
guliere  ,  &  qu’on  lui  aiïûra  être  affez  commune  dans  ces  Con¬ 
trées  Septentrionnales.  UnePerfonne  devient  tout-à-coup  Lu¬ 
natique  &:  Hypocondriaque  ,  ce  qui  dégénéré  bientôt  en  phré- 
nefte.  En  cet  état  le  Malade  eft  fai  fi  d’une  faim  de  chair  hu¬ 
maine  fi  violente  ,  qu’il  fe  jette  comme  un  Loup  affamé  fur  tous 
ceux  ,  qu’il  rencontre.  A  mefure ,  qu’il  trouve  de  quoi  affouvir 
cette  faim  ,  elle  croît,  comme  la  foif  d’un  Hydropique  ;  aufii  ne 
manque-t-on  jamais  daffommer  d’abord  ceux,  qui  font  atta¬ 
qués  de  cette  maladie.  1 

La  Source  ae  la  Riviere  Nekouba  étoit  alors  un  lieu  de 
Traite  ,  ou  fe  rendoient  prefque  toutes  les  Nations  du  Nord. 
C’eft  pourtant  un  fi  mauvais  Pays ,  qu’on  difoit  par  maniéré 
de  proverbe  ,  que  les  Maringouins  mêmes  n’y  trouvoient 
pas  dequoi  vivre.  Les  deux  Millionnaires  y  rencontrèrent  un 
très-grand  nombre  de  Sauvages,  qui  les  attendoient ,  &  par¬ 
mi  lefquels  il  y  avoit  des  Chrétiens  &  des  Profelytes.  Us 
ies  mftruifirent  ,  &  leur  adminiftrerent  les  Sacremens  ;  ils 
annoncèrent  aux  Infidèles  le  Royaume  de  Dieu  ,  &  en  bap- 
tiferent  quelques-uns.  Ils  ne  purent  aller  plus  loin  ,  parce 
qu  on  eut  avis  que  les  Iroquois  approchoient  ,  &  qu’ils  ve¬ 
rraient  de  détruire  tout  récemment  une  Nation  ,  qui  portoit 
le  nom  de  /  Ecureuil .  1  r 

Un  autre  Miffionnaire  ,  nommé  le  P.  Bailloquet  ,  qui 
avqn  defcendu  le  Fleuve  S.  Laurent ,  depuis  Tadouffac  juf- 

T  a  1  enltree  Golphe  ,  fut  encore  plus  heureux.  Il  vifita 
lept  ou  huit  Bourgades ,  qui  compofoient  autant  de  Nations 
îfierentes  ,  toutes  de  la  Langue  Algonquine  :  il  trouva  par 
tout  des  Sauvages  ,  à  qui  il  ne  manquoit  pour  être  de  bons 
Chrétiens  ,  que  d’être  mftruits  :  il  en  baptifa  plufieurs  ?  & 


1  6  6  1. 

Defcription 
du  Lac  S. 
Jean. 


Maladie  ex¬ 
traordinaire. 


i  66  i. 


P.eception3 
faire  au  P»  Ie 
Moyne  à  On- 
nontagué. 


Caractère  de 

Cùrtihoiithié# 


Politique  ra- 
finée  de  ce 
Chef  Sauvage, 


histoire  generale 

ë“  SX“'«Cf,£  n",  pl»  ,  &  l'on 

««  fS..~  b,«»  d«  Loi 

°E”  MovPr£  îoSagn?.  C*  M 

tok  couru  dans  fa  route  bien  des  dangers  de  la  part  des 

***» •  de‘  °nT“S,dSSrn*rdl«“n™ 

lieues  d'Onnospoé  ,  &  d  7  =  |Sy  "àuem'Me  avec 

put^f  eut  bien  connu 

.  P  .  f  1  belles  aûions  à  la  guerre,  6c  la  clexterite  a  «» 
mer  les  efnrits  dans  les  Confeils  ,  lui  avoient  acquis  un  grand 
/  i-  j  fa  Nation  :  &  le  plus  ordinaire  emploi ,  qu  i  l 

donné  de  grandes  preuves  de  cette  affea.on  ,  en  retirant  ^ 

mains  des  Agniers  un  grand  nombre  dentr  eux  ,  dans  les 

qui  étoient  afluellement  captifs  dans  fon  Canto 
autres ,  lui  avoient  obligation  de  la  vie.  _ 

.  Par  une  délicateffe  de  politique  ,  quon  eft  furpns  d 
ver  dans  un  Sauvage,  il  ne  voulut  pas  menei  le  P,  e  Moy 
ne  dans  fa  Cabanne  ,  qtfil  ne  l’eût  auparavant  condu  h 
tous  les  Chefs ,  dont  il  croyoït  avoir  befoin  pour  le 
qu’il  avoit  formé  :  il  vouloir  que  tous  regardaient  la  ^ 

?  la mielle  il  travailloit ,  comme  leur  ouvrage  ,  pei  tu  S 
"i  ’eû  paru  en  faire  fon  affaire  ,  quelques-uns  s  y  ferment 
oppofés  par  jaloufie.  Cette  déference  es  lu.  ^ 

point  ,  qu’il  en  obtint  beaucoup  p  u  j 

rer.  Le  n„  d’AoÛt  au  fon  dune  doche  ,  qui  eto.t 
l’endroit ,  où  avoit  ete  la  Chapelle  des  Jeuutes  ,  ^ 


« 


« 


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DE  LA  «NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  333 
tes  cTOnnontagué  ,  de  Goyogouin  &  de  Tfonnonthouan  s’af- 
femblerent  dans  fa  Cabanne  ;  le  P.  le  Moyne  y  fut  invité  , 
&  après  une  courte  priere  ,  qu’il  fit  à  haute  voix  en  Langue 
Iroquoife  ,  il  déclara  qu’il  étoit  envoyé  par  Ononthio ,  dont 
il  alloit  expofer  les  intentions  :  il  mit  enfuite  fes  préfens  au 
milieu  de  l’Affemblée  ,  &  parla  ainfi  : 

„  C’efi:  à  toi  ,  Onnontagué  ,  que  j’adreffe  la  parole  :  Le 
Goyogouin  ton  fils  (a)  eft  venu,  me  dire  ,  qu’il  étoit  député 
de  ta  part ,  pour  réunir  toute  la  Nation  avec  moi  :  l’avois- 
tu  envoyé  ?  On  lui  répondit  que  le  Goyogouin  avoit  dit 
vrai.  Il  fit  un  préfent ,  &  continua  •:  il  m’a  ajoûté  que  fi  je 
délivrois  tous  les  Iroquois  détenus  dans  mes  prifons  ,  tu  me 
rendrois  tous  les  François  que  tu  retiens  captifs  :  l’avois-tu  « 
autorifé  à  cela  ?  le  Goyogouin  ,  lui  répliqua-t-on ,  a  eu  ordre  de 
parler  ainfi  ;  il  ne  fera  point  défavoiié.  Il  fit  un  fécond  préfent , 

&  réprit  fon  difcours  :  Tu  m’as  encore  fait  déclarer  ,  que  tu 
me  priois  d’enfoncer  fi  avant  dans  la  terre  les  os  des  Iroquois 
morts  pendant  la  guerre  ,  que  perfonne  ne  fongeât  plus  à  les 
venger  ,  &  que  tu  fouhaitois  qu’on  fît  de  même  de  ceux  des  « 
François  ;  efi-ce  tout  de  bon  que  tu  me  faifois  cette  propo 
fition  »  ?  On  Faillira  que  rien  n’é.toit  plus  fincere  ;  il  fit  ui 
troifiéme  préfent,  &  ajoûta  :  “  Et  toi ,  Tfonnonthouan  ,  eft-il 
vrai  que  tu  m’as  fait  dire  depuis  peu  que  tu  voulois  être  com¬ 
pris  dans  le  Traité  de  Paix  ,  &  que  tu  defirois  d’avoir  des  Fran¬ 
çois  ,  qui  vinffent  s’établir  dans  ton  Pays  »  ?  Un  Chef  répondit 
que  fon  Canton  avoit  véritablement  donné  cet  ordre  ;  le  Pere 
lui  donna  un  Collier ,  &  finit  endifant  :  «  L’Agnier  a  toujours 
un  mauvais  efprit ,  je  fçai  qu’il  envoit  fous  main  des  préfens 
pour  engager  les  autres  à  continuer  la  guerre  ,  je  n’ai  rien  à  lui 
dire  ,  finon  qu’il  trouvera  à  qui  parler  ».  Le  Millionnaire  quit¬ 
tant  enfuite  le  perfonnage  d’Envoyé  du  Gouverneur  Général , 
tourna  le  difcours  fur  la  Religion  ,  &  fut  écouté  avec  plaifir. 

Quelques  jours  après  on  fe  ralfembla  ,  &  l’Orareur  Iroquois 
déclara,  io.  qu’on  alloit  renvoyer  à  Ononthio  neuf  François  , 

&  que  fi  on  retenoit  les  autres  pendant  l’hyver  ,  ce  n’étoit  que 
pour  tenir  compagnie  à  Ondelïon  (  le  P.  le  Moyne  )•  20.  Que 
Garakonthié  étoit  nommé  Chef  de  l’Ambaffade  ,  &  que  ce  fe- 
roit  lui ,  qui  remettroit  les  neuf  François  à  Ononthio.  Le  Mif- 
fionnaire  parut  furpris  de  cette  réfolution  ,  &  reprefenta  qu’011 

(a)  Le  Canton  d’Onnontagué  eft  comme  le  Chef  de  tous  les  autres ,  c’eft  pourquoi  il 
2-ppelle  tous  les  autres  lès  Fils. 

Tome  I.  Y  y 


1661. 


un  « 
« 


« 


« 


« 


Difcours 
du  P.  le 
Moyne 
dans  un 
Confei!  de 
trois  Can¬ 
tons. 


Réfolution  de 
ce  Conleil, 


Eîoge  clu  Sr 
Hertel. 


HISTOIRE  generale 

_  avoit  promis  de  rendre  la  liberté  à  tous  les  François.  On  lur 
6  6  1 .  répondit  que  cela  ne  fe  pouvoit  pas ,  &  il  ne  jugea  point  a  pro¬ 
pos  d’influer  davantage  ,  perfuadé  que  ce  feroit  inutilement. 
D’ailleurs  les  Prifonniers  étoient  auffi  bien  traites,  qu  ils  le  pou- 

voient  fouhaiter.  .  A  •  . 

Il  n’en  étoit  pas  de  même  de  ceux  ,  que  les  Agmers  retenoient 

dans  leurs  fers  :  ils  y  avoient  beaucoup  à  fouffrir  ,  &  ils  ne  pou- 
voient  pas  fe  répondre  d’un  jour  de  vie.  Il  y  avoit  parmi  eux  un 
jeune  Homme  de  très-bonne  Famille  ,  nomme  François  Her¬ 
tel  ,  lequel  fanHifioit  fa  captivité  par  une  grande  innocence ,, 
une  réfignation  parfaite  aux  ordres  du  Ciel,  &  des  pratiques, 
de  pieté  ,  qui  le  rendirent  refpeHable  a  fes  Ennemis  memes.  On 
lui  brûla  un  doigt ,  on  lui  coupa  un  poulce  ,  &  il  fouffrit  ces  ru¬ 
des  opérations  avec  une  patience  inaltérable.  Je  1  ai  vu  en  i7iu 
âgé  de  quatre-vint  ans ,  plein  de  forces  &  de  Tante  ;  toute  la  Co¬ 
lonie  rendant  témoignage  à  fa  vertu  &  à  fon  mente.  La  fuite  de 
cette  Hiftoire  fera  voir  que  je  ne  devois  point  paffer  tous  bien- 
ce  l’honneur,  qu’il  fit  à  la  Religion  Chrétienne  parmi  fes  plus 
grands  Ennemis.  Je  reviens  à  l’Ambaffade  des  Iroquois. 

Garakonthié  s’embarqua  vers  la  mi-Septembre  ,  &  peu  de 
jours  après  il  rencontra  une  Trouppe  de  Guerriers  de  fon  Can¬ 
ton  ,  conduite  par  un  Chef  de  réputation  ,  nomme  OutrePu: 
hati.  Ce  Capitaine  avoit  été  dans  les  fers  a  Montreal,  &  il 
venoit  de  s’en  venger.  Il  étoit  chargé  de  chevelures  &  de  dé¬ 
pouillés  ,  &  il  faifoit  furtout  parade  de  la  foutane  de  M.  le 
Maître.  A  cette  vûë  Garakonthié  parut  embariaffe  :  fes  Gens 
étoient  d’avis  de  rebrouffer  chemin  ,  ne  pouvant  le  perluader, 
après  ce  qui  venoit  de  fe  paffer ,  qu’on  les  reçut  en  qualité 
d  Ambaffadeurs  ;  mais  toutes  réflexions  faites  ,  il  fut  d  avis  de 
continuer  fon  voyage;  ilaffûra  fes  Gens  qu’il  n  y  avoir  rien  a 
craindre  pour  eux  ,  tandis  qu’il  reftoit  des  François  dans  leu 
Canton  ,  &  que  la  feule  conlideration  du  P.  le  Moyne  leur  1er- 

viroit  de  fauvegarde.  .  ,  _ 

Rcccp-îon ,  Au  bout  de  quelques  jours  il  trouva  un  Parti  d  Onneyouths, 
i='on  ‘“i  fait-  il  leur  demanda ,  où  ils  alloient ,  &  ils  lui  repondirent  qu  i  s 
vouloient  manger  des  François  :  il  leur  fit  des  prefens  ,  &.iUes 
engagea  à  s’en  retourner.  Enfin  il  arriva  a  llfle  de  Montreal.  H 
y  fut  reçu  comme  le  méritoient  les  fervices ,  qu  il  avoit  rendus 
aux  François  Captifs  dans  fon  Pays  &  les  mouvemens ,  qu  u 
s’étoit  donnés  pour  procurer  la  paix.  Il  eut  avec  le  ouver 
Général  des  entretiens  particuliers ,  où  il  fit  paraître  une  g’-anae 


Garakonthié 
arrive  à 
Montreal. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  354 
fageffe  &  beaucoup  d’efprit.  Il  agréa  toutes  les  proportions ,  qui 
lui  furent  faites  ,  il  promit  d’être  de  retour  avant  la  fin  du  prin- 
tems  avec  le  refie  des  Prifonniers  François  ,  &  Ion  crut  telle¬ 
ment  pouvoir  compter  fur  fa  parole  ,  qu’on  lui  remit  tous  les 
Iroquois ,  qu’il  redemanda  ;  mais  on  ne  fit  pas  allez  de  réfle¬ 
xions  que  dans  un  Gouvernement  tel  ,  que  celui  des  Sauva¬ 
ges  ;  il  ne  faut  pas  toujours  fe  repofer  fur  les  paroles  d’un 
feul  Chef,  quelque  accrédité  ,  &  quelque  honnête  Homme 
qu’il  foit. 

Il  eft  vrai  que  l’efperance  d’une  paix  prochaine ,  &  beau¬ 
coup  plus  durable  ,  qu’aucune  de  celles  ,  qu’on  avoit  négociées 
jufques-là  avec  les  Iroquois  ,  netoit  pas  feulement  fondée  fur 
le  crédit  &  fur  les  bonnes  intentions  de  Garakonthié.  On  croïoit 
les  Cantons  Supérieurs  dans  une  lituation  à  la  regarder  comme 
néceffaire  ,  parce  que  les  Andaffes  les  avoient  attaqués  ,  &  les 
prefloient  vivement.  D’un  autre  côté  la  guerre  étoit  fort  vive 
entre  les  Agniers  &  les  Mahingans  ,  aufquels  s’étoient  jointes 
toutes  les  Nations  Abénaquifes  ;  mais  on  eut  bientôt  des  nou¬ 
velles  certaines  ,  qui  firent  connoître  que  les  Iroquois  n’étoient, 
ni  aufli  embarraffes  ,  qu’on  le  difoit ,  ni  aufli  difpofés  à  la  paix  , 
qu’on  s’en  étoit  flatté. 

On  apprit  que  les  Cantons  Supérieurs  ,  après  avoir  repou  fle 
les  Andaffes ,  avoient  fait  des  excurfions  jufqu’en  Virginie  ,  d’où 
plufieurs  pénétrèrent  bien  loin  du  côté  de  l’Oueft.  Ceux-ci 
rapportèrent  à  leur  retour  qu’ils  avoient  pouffé  jufqu’à  la  Mer  , 
&  qu’ils  avoient  vû  des  Peuples  de  la  même  Religion  ,  que  les 
François  ,  d’où  l’on  a  conjefturé  qu’ils  étoient  allés  jufqu’au 
Nouveau  Mexique  ,  &  au  Golphe  de  la  Californie,  commu¬ 
nément  appellé  La  Mer  Vermeille.  Il  y  a  aufli  bien  de  l’apparen¬ 
ce  que  les  Agniers  firent  bientôt  la  paix  avec  les  Mahingans , 
puifqu’ils  continuèrent  leurs  courfes ,  conjointement  avec  les 
Onneyouths ,  &  qu’ils  s’approchèrent  de  Montreal ,  où  ils  tuè¬ 
rent  un  Ecclefiaftique  ,  nommé  M.  Vignol. 

Enfin  deux-cent  Onnontagués  parcoururent  une  bonne  par¬ 
tie  de  la  Colonie ,  &  attaquèrent  en  plein  jour  plufieurs  Ha- 
bitans  de  l’Ifle  de  Montreal ,  qui  travaillaient  dans  la  campa¬ 
gne.  Le  Major  de  la  Ville  fortit  avec  vint-fix  Hommes  bien 
armés  pour  leur  faciliter  la  retraite  ;  mais  ayant  pris  par  les 
Bois  ,  pour  cacher  fa  marche  aux  Ennemis  ,  il  fe  trouva  tout- 
à-coup  entre  deux  feux.  Il  fe  battit  tout  le  jour  en  brave  Hom¬ 
me  ,  &  fut  très-bien  fécondé  de  fa  Trouppe  ,  jufqu’à  ce  qu’ac- 


66  2. 


A  Yen  tu  res  du 
T.  Mefnard. 


356  histoire  generale 

cable  par  le  nombre  ,  il  périt  avec  tous  les-  Tiens.  On  ne  rece- 
voit  de  toutes  parts  que  des  nouvelles  affligeantes  ,  & 
apprit  encore  dans  le  même  tems  de  bien  trilles  du  P.  Meb 
nard,  qu’on  avoir  accordé  avec  un  peu  trop  de  facilite  an 
mois  d’Août  de  l’année  1 660. à  une  fécondé  Bande  d  Outaouaisy 

descendue  des  environs  du  Lac  Supérieur.  h  .  , 

Quelque  empreffement ,  que  ces  Sauvages  euflent  témoigné 
pour  obtenir  ce  Miffionnaire  ,  il  s’apperçut  bientôt  qu  il  avoir 
peu  à  efperer  de  leur  difpofition  à  embraffer  la  Foy.  Non-feu¬ 
lement  ils  l’obligerent  de  nager  pendant  tout  le  voyage ,  en 
forte  qu’il  étoit  contraint  de  prendre  fur  Ton  fommeil  pour  ré¬ 
citer  fon  Office  ;  mais  ils  pouffèrent  encore  la  brutalité  juiqu-a 
lui  jetter  fon  Bréviaire  dans  l’eau.  D’ailleurs  les  vivres  leur 
ayant  manqué  ,  nomme  il  arrive  prefque  toujours  aux  Sauva¬ 
ges  le  P.  Mefnard  fe  trouva  réduit  à  une  telle  extrémité  ,  que 
la  nourriture  la  plus  infipide  &  la  plus  dégoûtante  étoit  deve¬ 
nue  pour  lui-  un  mets  délicieux. 

Ses  condufteurs  s’étoient  attendus  à  rencontrer  ,  en  en¬ 
trant  dans  le  Lac  Supérieur,  des  Sauvages ,  qui  leur  donne- 
roient  des  rafraîchilfemens  ,  &  ils  furent  fruftres  de  cette  et- 
perance.  Ouelque-tems  après  un  Arbre  en  tombant  bnla  ie 
Canot ,  où  étoit  le  Miffionnaire  ,  &  on  le  laiffa  feul  en  cet 
endroit  avec  trois  Hommes  fans  vivres.  Par  bonheur  ,  ils 
a pper curent  quantité  d’offemens  fur  le  rivage  ;  ils  les  pilè¬ 
rent  &  en  firent  une  efpece  de  bouillie  ,  qui  les  fuiienta 
pendant  quelque  -  tems.  Le  Serviteur  de  Dieu  affuroit  dans 
une  Lettre  ,  qu’on  reçut  après  fa  mort ,  que  rien  n  avoit  plus, 
fervi  à  le  foûtenir  au  milieu  de  tant  de  croix  ,  que  ces  paro  es , 
qui  lui  avoient  été  dites  par  M.  l’Evêque  de  Petree  ,  quit 
avoit  rencontré  entre  les  Trois  Rivières  &  Montreal  :  »  1  co¬ 
tes  fortes  de  raifons ,  mon  cher  Pere  ,  devroient  vous  retenir 
ici  ;  mais  Dieu  plus  fort  que  toutes  nos  raifons  vous  veut  dans. 

le  Pays  ,  où  vous  allez. 

Au  bout  de  fix  jours  ,  on  vint  le  chercher  pour  le  con¬ 
duire  au  lieu  ,  qu’on  avoit  choifi  pour  y  palier  FHyver ,  « 
qui  étoit  une  Anfe  de  la  partie  Méndionnale  du  Lac  Supé¬ 
rieur.  Il  y  arriva  le  quinziéme  d’Oélobre  ,  &  lui  donna  le 
nom  de  Sainte  Therefe  ,  dont  on  célébré  la  Fête  en  ce  jour. 
Il  y  trouva  quelques  Chrétiens  de  diverfes  Nations  ,  qui  oc 
euperent  allez  ,  &  il  augmenta  leur  nombie  de  que  ques 
Ames  prédeflinées  ,  pour  le  falut  defqu elles  il  lut  parut  que 


» 


» 


»■ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lry.  VIII.  357 
la  Providence  Divine  l’avoit  conduit  dans  ces  Deferts.  Ce  l  $ 
font-là  de  ces  refforts  fecrets  de  la  bonté  de  Dieu  ,  qui  ne 
fe  manifeftent  qu’à  ceux  ,  dont  elle  veut  bien  fe  fervir  pour 
operer  les  miracles  de  fa  Grâce  ,  &  dont  la  connoiffance 
répand  fur  leurs  travaux  une  on&ion  ,  qu’ils  font  feuls  ca¬ 
pables  de  goûter. 

Dans  la  Lettre  que  j’ai  déjà  citée  ,  l’Homme  Apoflolique 
ajoûtoit  ,  cjue  la  piété  de  quelques  François  ,  qui  l’avoient 
accompagne  dans  cette  expédition  >  contribuoit  encore  beau¬ 
coup  à  adoucir  le  chagrin  ,  qu’il  reffentoit  de  voir  l’endur- 
ciffement  de  la  plûpart  de  ceux  ,  pour  le  falut  defquels  il 
s’étoit  expofé  à  tant  de  rifques.  Ces  Barbares  continuoient 
toujours  à  le  traiter  ,  comme  ils  avoient  fait  pendant  la  rou¬ 
te  ;  &  il  s’apperçut  bientôt  que  ce  qui  les  empêchoit  de  l’é¬ 
couter  ,  quand  il  vouloit  leur  parler  de  la  Religion ,  étoit  la 
crainte  d’attirer  fur  eux  les  malheurs  ,  dont  les  Hurons  avoient 
été  accablés  -,  outre  que  la  polygamie  étoit  fort  en  ufage  par¬ 
mi  eux. 

Enfin  9  après  plus  de  huit  mois  de  féjour  dans  un  lieu  fi 
trifte ,  &  ou  il  n’avoit  guéres  vécu  que  de  glands  &  d’écor¬ 
ces  d’Arbres  pilées ,  avec  un  peu  d’huile  pour  tout  affaifon- 
nement  ,  il  fut  appellé  par  des  Hurons  ,  qui  s’étoient  établis 
dans  l’Ifle  Chagouamigon  (a)  ou  de  S.  Michel ,  à  l’extrémité 
Occidentale  du  Lac.  Parmi  les  François  de  fa  Trouppe  ,  il 
s’en  trouvoit ,  qui  avoient  fait  ce  voyage  ,  &  qui  mirent  tout 
en  œuvre  pour  le  détourner  de  l’entreprendre  :  ils  l’affûre- 
rent ,  qu’il  étoit  de  cent  lieues  au  moins  ;  que  les  chemins 
étoient  affreux  ,  &  que  dans  lepuifement ,  où  il  étoit  ,  il  y 
avoit  de  l’imprudence  à  s’y  engager.  Il  leur  répondit ,  qu’il 
ne  pouvoit  pas  finir  plus  glorieufement  fa  courfe ,  qu’en  cher¬ 
chant  à  gagner  des  Âmes  à  Jesus-Christ  ;  &  le  treiziéme 
de  Juin  de  l’année-  1661.  il  fe  mit  en  marche  avec  un  très- 
faint  Homme  ,  nommé  Jean  Guérin  ,  qui  depuis  vint  ans  étoit 
au  fervice  des  Miffionnaires. 

Il  fe  fépara  avec  regret  des  autres  François  &  de  fèsNéo-  Sa  mita 

phytes  ,  qui  avoient  fait  jufqu’alors  toute  fa  confolation  ;  il 
s  attendrit  fur  eux  en  leur  difant  adieu  ,  les  affûra  qu’ils  ne 
le  revenaient  plus  fur  la  terre  ,  &  les  laiffa  fort  touchés  de 
le  voir  courir  à  une  mort  prefque  certaine.  Quelques  Hu- 

(a)  On  donne  ordinairement  ce  nom  à  une  Anfe  célébré,  qui  eft  vis-à-vis  de  rifle  Si 
Michel  i  mais  c  efl  le  nom  propre  de  l’ifle  même. 


HISTOIRE  g 


L  E 


- —  rons  étoient  venus  n-»*  *  **  gu^es  >  ma3S  comme 

1662.  [ls  *  prochoient  de  leur  Village  ,  ils  le  quittèrent  en  difant , 

ou’ils  aboient  chercher  des  vivres.  Le  Pere  ,  qui  fe  fentoit 
eouifé  s’arrêta  pour  les  attendre  ;  mais  apres  avoir  attendu 
uuinze  iours  feL  qu’il  parût  perfonne  ,  il  s  embarqua  dans 
vin  Canot  ,  qu’il  trouva  par  hazard  au  bord  dune  Ri- 

ViLe  vintiéme  d’Août  ,  il  fut  obligé  de  marcher  quelque- 
tems  pour  éviter  un  rapide  ;  &  tandis  que  fon  Compa- 
rtrruoé  à  porter  le  Canot  ,  &  à  le  charger  ,  il 
entra  dans  le  Bois  ,  &  s’y  égara.  Guérin,  apres  lavoir  at¬ 
tendu  quelque-tems ,  fe  mit  à  crier  de  toute  la  forc^  pour  1  aç- 
r»ller  -  il  tira  enfuite  quelques  coups  de  fufil ,  &  tout  cela 
?"  lt;je  il  fit  plufieurs  tours  dans  le  Bois  ,  fans  rien 

découvrir.  Ne  fçachant  plus  que  faire  ,  &  perfuade  que  les 
H  urons  n’étoient  pas  loin.il  prit  le  parti  de  fe  rendre  a  leur 
V  liane  où  il  arriva  effeaivement  en  deux  jours.  Il  fit  en¬ 
tendre  le  mieux  qu’il  put  à  ces  Sauvages  1  accident  furvenu 
au  Millionnaire ,  &  il  en  engagea  un  ,  en  lui  donnant  de  la 
poudre  &  du  plomb  ,  à  l’aller  chercher  ;  mais  cet  homme  re¬ 
vint  au  bout  de  deux  heures ,  en  difant  qu  il  avoir  vu  En- 

idéc,  qu’on  ne'c'étoit  apparemment  une  défaite  :  quoiqu’il  en  fort  ,  onna 
avoit  partout  •  j  -  fcavoir  au  jufte  ce  qu’étoit  devenu  le  P.Mefnard. 
de  fa  LTfac  fut  trouvé  quelque-tems  après  entre  les  mains  d  un 

Sa  vane  J  ne  voulut  pas  dire  de  qui  il  l’avoit  eu  ;  &au 
boul  le  plufieurs  années  fa  foutanne  &  fon  Bréviaire  furent 
reconnus  dans  une  Cabanne  de  Sioux  ,  qui  leur  rendoient 
une  efoece  de  culte  ,  en  leur  préfentant  dans  leurs  feftmsde 
tous  les  mets  qu’on  fervoit.  C’étoit  un  effet  de  la  grande  re¬ 
nu  at  on  de  fainteté  ,  où  ce  Religieux  étoit  parmi  tous  les 
lPetroles  de  ces  quartiers-là.  Elle  n’étoit  pas  moindre  parmi 

"  i  MMmm  1»  Nouv.k  France  ».vo, 

point  alors  de  Miffionnaire  plus  accompli.  Le  Ciel  la  voit 
particulièrement  doiié  d’un  talent  rare  ,  pour  s  infinuer  dan 
Pefprit  des  Sauvages  ;  ce  qui  avoit  fur  tout  paru ,  dans  e  p 
de  tems  qu’il  avoit  paffé  chez  les  Goyogouins. 

Mon  fo„  Son  Domeftique  refta  fort  peu  ^tems  avecksHumns , 

Domeftiquc.  gj  retourna  joindre  les  François ,  qu  i  u-ntifa 

Sainte  Therefe  II  Y  paffa  l’Hyver  ,  pendant  lequel  il  baptiia 
nC  de  deux  cent  enfans  monbondS,  la  plûpart  Outoouais. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  359 

L’Eté  fuivant  9  il  fit  plufieurs  courfes  ;  &  un  jour  que  la 
pluye  l’avoit  obligé  de  fe  mettre  à  couvert  fous  fon  Canot , 
le  tu  fil  d’un  de  fes  Compagnons  s’étant  débandé  ,  le  tua  , 
tandis  qu’il  étoit  en  prières  j  il  n’eut  que  le  tems  de  pronon¬ 
cer  le  Saint  Nom  de  Jésus.  Tel  fut  le  fuccès  du  fécond 
voyage  que  les  Outaouais  firent  avec  des  Miffionnaires.  Ils 
n’en  ont  eu  dans  la  fuite  ,  que  quand  ils  fe  font  fixés  avec 
d’autres  Sauvages ,  mieux  difpofés  qu’eux  à  recevoir  l’Evan¬ 
gile  ,  &  n’ont  pas  plus  profité  des  fecours  que  le  Ciel  leur 
procuroit.  De  forte  que  jufqu’à  préfent ,  ils  n’ont  guéres  eu 
de  part  au  Royaume  de  Dieu  ,  que  par  les  Enfans  qu’on  a  pû 
baptifer  à  la  mort. 

Cependant ,  malgré  les  dernieres  hoffilités  des  Onnontagués  , 
le  P.  le  Moyne  exerçoit  allez  librement  dans  ce  Canton  tou¬ 
tes  les  fondions  de  fon  Miniffere.  Ce  n’eff  pas  qu’il  ne  s’aper¬ 
çût  bien  d’abord  ,  que  tous  les  efprits  n’étoient  pas  égale¬ 
ment  portés  à  la  paix  ;  mais  il  crut  devoir  diffimuler  ,  & 
cette  conduite  lui  réiiffit.  Garakonthié  étoit  revenu  chargé 
de  préfens  ,  &  charmé  des  bonnes  maniérés  des  François.  Il 
fut  affez  furpris  de  trouver  une  partie  de  fa  Nation  dans  des 
difpofitions  fi  differentes  de  celles  ,  où  il  les  avoit  laiffés  ;  & 
ce  qu’il  apprit  de  la  défaite  du  Major  de  Montreal ,  le  tou¬ 
cha  fenfiblement.  Il  reconnut  même  bientôt  qu’on  fe  mettoit 
en  garde  contre  lui  ;  &  s’il  n’eût  eu  une  fermeté  à  toute 
épreuve  ,  il  couroit  rifque  d’être  défavoué  par  ceux-là  mê¬ 
mes  ,  qui  1  avôient  député  vers  le  Gouverneur  Général. 

Il  fe  comporta,  en  cette  rencontre  avec  une  prudence  Sc 
une  dextérité  ,  qui  auroit  fait  honneur  à  un  Homme  élevé 
dans  le  manège  de  la  plus  raffinée  politique  ;  &  il  vint  en¬ 
fin  à  bout  de  confommer  fon  ouvrage.  Le  Traité  fut  ratifié 
par  les  Trois  Cantons  ,  &  tous  le  Prifonniers  François  fu¬ 
rent  rendus  au  P.  le  Moyne ,  qui  les  conduifit  à  Montreal , 
à  la  referve  d  un  feul  9  qui  mourut  martyre  de  la  chafteté 
conjugale.  On  1  avoit  voulu  forcer  à  fe  marier  dans  la  Ca- 
banne  ,  ou  il  etoit  efclave  :  il  s’en  étoit  défendu  fur  ce  qu’il 
avoit  une  Femme  ,  &  fur  ce  que  fa  Religion  ne  lui  permet- 
toit  pas  d  en  avoir  deux.  Cette  réponfe  ne  fit  point  changer 
de  refolution  a  fon  Maître  ,  qui  après  l’avoir  fouvent  mena¬ 
cé  de  le  tuer  ,  s’il  ne  confentoit  à  ce  qu’il  defiroit  de  lui  en 
vint  à  l’exécution  ,  &  lui  caffa  la  tête. 

Le  retour  des  autres ,  convainquit  bien  le  Baron  d’Avau- 


1  6  6  2. 


Le  P.  le  Moy¬ 
ne  retourne  à 
Montreal  avec 
tous  les  Pri¬ 
fonniers  Fran¬ 
çois.  Condui¬ 
te  de  Gara¬ 
konthié. 


HISTOIRE  generale 

-  Ê  °  f  Î  I  _  '  »  A  *■  A - V  4  A  -4^ 


befoins  de  la 
N.  France 


Le  Roy  y  en¬ 
voie  du  le- 
.cours. 


*<o  H  I  b  I  U  J  IV  -IL  VT  ^  X,  «  ~  -  -  - 

",66  ~  gour  que  Garakonthié  avoit  négocié  de  bonne  foi  ;  mais  les 
ï  o  o  i.  gour  que  vj ax  m  Ae  ce  mu  le  pafloit  dans 

m.  Boucher  avis  qu  il  recevoir  •  j e  <Jandes  inquiétudes.  Par  les  der- 
va  en  Cour  ipç  Gantons  ,  lui  caufoient  de  §  d  ,  p  '  '  1 

-5"  niers  Vaiffeaux  ,  qui  étoient  partis  de  Quel** ,  ce  General 
Qr  roilt  ce  au  il  y  avoit  de  perfonnes  en  place  dans  le  rays  , 

ÏÔ«»*n.  km  »  PC™r,  po»  ‘W1”'  ;US  t 

prendre  fous  fa  proteRion  une  Colonie ,  qui  fe  trou  t 
folirment  abandonnée  &  réduite  aux  derniers  abois.  Ils  avoient 
chareé  de  leurs  Mémoires  le  Sieur  Boucher  ,  qui  comman- 
doit  lux  Trois  Rivières  ;  &  ils  efperoient  beaucoup  duzele 

beaucoup  de  furprde  ,  en  apprenant  qu  i  M 
de  fes  Trouppes  ,  pour  y  renforcer  les  Garn.fons  des  portes 

Terre-Neuve.  Son  arrivée  a  Quebec  y  cauia  i  g 

SX  &  P- 

rx;  sixXE  «,r,«  >  »*  i.  n»».  f-  «. 

o voit  belom  de  plus  dune  forte.  .  n*  .fll] 

.  ,  ,  Tnfaues-là  les  Gouverneurs  Généraux  avoient  affez 

rrâiK  de  j  mJn  à  faire  exécuter  lés  ordres ,  qu’ils  avoient  eux •  ' '  ™e; 
l'Eau-de-vie.  “T”,  de  ne  oint  vendre  d’Eau-de-vie  aux  Sauvages  , 
Conduite  irre-  mes  donnes  cie  p  rprnz  de  s  oeines  tres-feve- 

guliere  du  Ba-  le  Baron  d  Avaugour  avo  .  .  Ordonnances 

rond* Avau-  trp  ceux  qui  contreviendroient  a  les  Ordon 

çrouràcefu-  res  contre  ccUX.’  S  t,  •  auune  Femme  de  Québec  fut 

fon  Le  P.  Lallemant ,  à  la  pnere  de  les  Farens ,  ^  V  . 
Amis  ,  crut  pouvoir  ,P&  qui  fans 

faire  réflexion  qu’il  n’y  a  point  d’mconfequence  dans  les  M 

niftres  d’un  Dieu  ,  qui  a  donné  fa  vie réprimé 

ché  &  fauver  le  Pécheur  ,  a  agir  a'x„  .  P  ^répondit 
%  à  demander  erace  pour  le  Cnminel  ,  lui  y 


jet. 


vice 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  5 61 

hrufquement  ,  que  puifque  la  Traite  de  l’Eau-de-vie  n’étoit  pas 
une  faute  puniffable  pour  cette  Femme  ,  elle  ne  le  feroit  défor¬ 
mais  pour  perfonne. 

Un  peu  plus  de  fang-froid  lui  auroit  fait  répondre  au  Su¬ 
périeur  ,  ?qu’il  faifoit  ion  devoir  en  implorant  fa  clémence 
pour  cette  Femme  ;  &  que  pour  lui,,  le  lien  Fobligeoit  de 
faire  juftice  :  mais  il  ne  confulta  que  fa  mauvaife  humeur  & 
fa  droiture  mal  entendue  ;  &  ce  qu’il  y  eut  de  pis  ,  c’eft  qu’il 
fe  ht  un  point  d’honneur  de  ne  point  rétracter  l’indifcrete 
parole  ,  qui  lui  étoit  échapée.  Le  Peuple  en  fut  bientôt  in- 
ftruit,  &  le  défordre  devint  extrême.  Ôn  commença  même 
à  inveâiver  tout  haut  contre  les  Confeffeurs ,  qui  avec  une 
fermeté  vraiment  facerdotale  vouloient  oppofer  une  digue  à 
ce  torrent.  On  n’épargna  point  l’Evêque  de  Petrée  ,  qui  avoit 
jugé  le  mal  affez  grand  ,  pour  employer  à  fa  guérifon  les  cen- 
fures  de  l’Eglife. 

Comme  ces  clameurs  ne  leur  firent  rien  relâcher  de  leur 
féverité  ,  les  plaintes  &  les  inveftives  redoublèrent.  Quel¬ 
ques  Jeunes  Gens  fans  religion,  récemment  arrivés  de  Fran¬ 
ce  ,  &  que  l’attention  des  Pafteurs  à  veiller  fur  leur  Trou¬ 
peau  incommodoit  beaucoup  ,  fe  joignirent  aux  Mécontens  ; 
on  cria  de  toutes  parts  que  les  coniciences  étoient  gênées, 
&  Ion  a  ete  lurpris ,  avec  raifon  ,  de  voir  cette  calomnie  re- 
nouvellée  depuis  dans  un  Livre  imprimé  fous  le  nom  d’un 
Religieux.  Enfin  quelques  Particuliers  fe  crurent  autorifés  à 
faire  fur  cela  des  Mémoires ,  &  à  les  envoyer  au  Confeil  du 
Roy  ;  mais  leurs  Requêtes  furent  d’autant  plus  mal  reçûës  , 
qu’outre  qu’on  pénétra  fans  peine  les  motifs ,  qui  les  faifoient 
parler  ,  les  faits  calomnieux  ,  dont  ils  avoient  voulu  appuyer 
leurs  plaintes ,  furent  démentis  par  des  Perfonnes  en  place , 
dont  le  témoignage  ne  pouvait  pas  être  fufpeft. 

D’ailleurs  l’Evêque  de  Petrée  ,  &  tout  ce  qu’il  y  avoit  d’Ec- 
clefiaftiques  en  Canada  avoient  une  réputation  trop  bien  éta¬ 
blie,  pour  être  entamée  par  de  pareilles  accufations.  Mais  fi 
les  Calomniateurs  ne  trouvèrent  point  d’appui  à  la  Cour  ,  le 
^  pas  des  progrès  moins  rapides  ;  &  le  défordre 
alla  n  loin  ,  que  bientôt  on  n  écouta  plus  ,  ni  Evêque  ,  ni  Pré¬ 
dicateurs  ,  ni  Confeffeurs  ,  &  que  ,  ni  les  menaces  de  lacole- 
îe  Divine  ,  ni  les  foudres  de  l’Eglife  ,  ne  purent  arrêter  un  tor¬ 
rent ,  qui  avoit  rompu  fes  digues.  Le  commerce  de  l’eau-de- 
vie  étant  ouvertement  toléré  par  celui-là-même  ,  qui  feul  pou- 
Jome  /.  jr z  1 


1  66  z. 


Calomnies 
intentées  à  cc 
fujet  contre 
l'Evêque  &  les 
Millionnaires. 


Scandales  ar¬ 
rivés  parmi  les 
Sauvages. 


i  6  6  2, 


L’Evêque  de  Alors  le  laillt  évêque  uw  *  —  — / -  f  i  •  tp<i  all 

Petrée  en  por-  fon  autorité  méprifée ,  prit  le  parti  da  1er  porter  fes  gi  jl  Obtint 

f  Sùioÿ  «. ’oZ, ,  qu'il  j»6«  nteüiir»  P™"'  f»'™ 

CSL-,  r  ËIÊ”  S  tZT.  CLt 


6l  HISTOIRE  generale 

voit  le  reprimer  efficacement ,  les  Sauvages ,  qui  ne  font  pas 
libres  de  s  en  abftenir ,  quand  on  leur  en  preiente  ,  &  en  qui  le 
moindre  effet  de  cette  boiffon  ,  eft  de  leur  ôter  le  jugement ,  fe 
portèrent  à  des  fcandales ,  qui  firent  verfer  bien les i  larmes 
ceux  ,  à  qui  il  en  avoit  tant  coûte  pour  les  engendrera  J esus- 

C  EAvaffi  les  Anciens  &  les  Chefs  des  Bourgades  mirent  tout 
en  ufage  pour  arrêter  ce  furieux  débordement  ;  envain  fup* 
pîierenf-ilF  le  Gouverneur  Général  d’interpofer  toute  fon  au¬ 
torité  pour  les  féconder  en  faifant  garder  fes  propres  Ordon¬ 
nances  ils  ne  gagnèrent  rien  fur  un  efpr.t  prévenu  quon  lui 
exaegeroit  le  mil.  Ainfile  défordre  alla  toujours  eroiffant  & 
gaall  les  plus  fervens  Néophytes  :  de  forte  qu  a  la  reperve  de 

ST4w .  p»»'  ë  p-Ë™:  i‘  "Si 

K  j  p(!  autres ,  qui  pour  le  meme  deffem  s  etoient  retires 
des^Trois  Rivières ,  &  réfugiés  au  Cap  de  la  Magdelwne  ^  tous 
ces  nouveaux  Chrétiens,  jufques-la  fi  exemplaires  ,  &  qui 
foient  l’admiration  des  Infidèles  mêmes ,  devinrent  lopprob 
du  Chriftianifme  ,  qu’ils  expoferent  aux  blafphemes  c.  a  la  r 

des  Ennemis  de  Dieu.  _  r  ,*  ■  o* 

Ai™. le liM tvêque  de  voy.,. <«*■ * 


«U 


le  commerce  îcanudicuA  ,  ^  — — -  — -  «  R 

Trounneau  *  niais  le  Ciel  les  avoit  déjà  prévenus  ,  &  pai  ui 


plus  libertines  ,  on  avoit  déjà  eu  la  confolauon  dans  la  Nou 
velle  France  de  voir  rentrer  dans  le  devoir  la  plus  grande  p 

tie  de  ceux  .  qui  sen  etoient  écartés.  . 

Le  que  je  vais  rapporter  ,  eft  fi  extraordinaire  ,  que 

ie  n’aurois  point  balancé  à  le  fupprimer  ,  ou  a  paffer  leger 
ment  deffus  ffi  le  témoignage  unanime  &  conftantdetoute  ime 
Colonie  ,  au  milieu  de  laquelle  il  eft  arrive  ,&  !*s  m 

effets  ,  qu’il  a  caufés ,  dont  quelques-uns  fubfiftent encore  , 

lui  avoient  acquis  une  notoriété,  qui  e  me  \ 

effronté  Pyrrhonifme.  Ce  n’eft  pas  que  te  prétende  en  gamnur 
toutes  les  circonftances ,  dont  on  a  rempli  certaines  Relation^, 
il  n’y  a  rien,  où  l’onfe  permetteplus  1  exaggera  ion  ,  q 
veîlL.v  .  mii  eft  bien  conftaté.  Je  me  bornerai  donc  aux  Me. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  363 
moires  les  plus  sûrs  ,  &  où  je  n’ai  rien  remarqué ,  qui  ne  fût  ' — .  — 

autorifé  par  une  Tradition  ,  dont  j’ai  connu  pluixeurs  témoins  1  OÙ  z' 
au-deffus  de  tout  reproche. 

Pendant  l’automne  de  1662.  peu  de  jours  après  le  départ  de  Phénomènes 
M.  de  Petrée,  on  vit  voler  dans  l’air  quantité  de  feux,  fous  dif-  farPrenans- 
ferentes  figures ,  toutes  affez  bizarres.  Sur  Quebec  &  fur  Mont-  1  b  b  3  • 
real  il  parut  une  nuit  un  globe  de  feu  ,  qui  jettoit  un  grand 
éclat ,  avec  cette  différence  ,  qu’à  Montreal  il  fembloit  s’être 
détaché  de  la  Lune  ,  qu’il  fût  accompagné  d’un  bruit  femblable 
à  celui  d’une  volée  de  canons  ,  &  qu’aprés  s’être  promené  dans 
l’air  l’efpace  d’environ  trois  lieues ,  il  alla  fe  perdre  derrière  la 
Montagne  ,  d’oùl’Iflea  pris  fon  nom;  au  lieu  qua  Quebec  il 
ne  fit  que  paffer  ,  &  n’eut  rien  de  particulier. 

Le  feptiéme  de  Janvier  de  l’année  fui  vante  une  vapeur  prefi 
qu’imperceptible  s’éleva  du  Fleuve  ,  &  frappée  des  premiers 
raions  du  Soleil,  devint  tranfparente,  de  forte  néanmoins  quelle 
avoit  allez  de  corps  pour  foûtenir  deux  Parelies  ,  qui  paru¬ 
rent  aux  deux  côtés  de  cet  Afire.  Ainfi  l’on  vit  en  même  tems 
comme  trois  Soleils  ,  rangés  fur  une  ligne  paralleile  àl’Horifon , 
éloignés  les  uns  des  autres  en  apparence  de  quelques  toifes  ,  & 
chacun  avec. fon  Iris  ,  dont  les  couleurs  variant  à  chaque  in- 
fiant ,  tantôt  étoient  femblables  à  celles  de  l’Arc-en-Ciel ,  & 
tantôt  d  un  blanc  lumineux  ,  comme  s’il  y  avoit  eu  derrière  un 
grand  feu.  Ce  fpeftacle  dura  deux  heures  entières ,  il  recom¬ 
mença  le  quatorze  ;  mais  ce  jour-là  il  fut  moins  fenfible. 

Ce  que  je  vais  ajoûter  n’a  pas  été  aufii  public  ,  &  chacun  en  Prédirions 
croira  ce  qu’il  jugera  à  propos  ;  mais  je  dois  faire  obferver  qu’il  d’un  TreraWe- 
ne  s’agit  point  de  prédirions  faites  après  coup  ,  que  celles ,  m™dcTct- 
qu’on  va  voir ,  ont  été  connues  avant  levenement  ;  que  cet 
événement  ,  à  en  juger  par  l’effet,  qu’il  produifit ,  a  tout  l’air 
dun  avertiffement  du  Ciel ,  &  que  la  conduite  ordinaire  de  la 
Providence  en  pareilles  occafions  ,  eff  de  faire  avertir  les  Cou¬ 
pables  que  la  Jufiice  divine  efi  prête  à  lancer  la  foudre  ;  ainfi 
le  Seigneur  en  ufa-t-il  a  1  egard  des  Ninivites  ,  qui  parèrent  le 
coup  ,  dont  ils  étoient  menacés  ,  par  une  pénitence  exem¬ 
plaire  ,  &  il  y  a  peut-être  ici  quelque  chofe  encore  de  plus  mar¬ 
que  ,  comme  nous  le  verrons  bientôt. 

Quoiqu’il  en  foi t,  au  commencement  de  Février  de  la  mê¬ 
me  annee  ,  il  fe  répandit  un  bruit  fourd  qu’il  y  aurait  bientôt 
un  Tremblement  de  Terre,  dontonn’avoit  point  d’exemple  dans 
1  Hifioire ,  &  ce  bruit  étoit  fondé  fur  les  difeours  d’une  Per- 

Zz  ij 


i  6 6  3* 


N 


•  64  HISTOIRE  GENE  RA  L  E 
fonne  éminente  en  pieté ,  qui  s’en  étoit  ouverte  à  un  petit  nom¬ 
bre  de  fes  Amis  ,  &  qui  fe  donnoit  de  grands  mouvemens  pou. 
engager  tout  le  monde  à  le  bien  mettre  avec  Dieu,  &  a  travai 
lerbde  tout  fon  pouvoir  à  calmer  le  courroux  du  Ciel  julte- 

ment  irrité  contre  la  Nouvelle  France. 

Le  troisième  du  même  mois  une  Algonqmne  ,  icri^nte  re¬ 
tienne  ,  étant  la  nuit  dans  fa  Cabanne  ,  eveillee  &  affîfe  fur  ori 
Ht,  cnit  entendre  une  voix,  qui  difotque  dans  deux  jours.! 
arriveroit  des  chofes  inouïes ,  &  le  lendemain ,  comme  e  e 
étoit  dans  la  Forêt  avec  fa  Sœur  ,  faifant  fa  provifion  de  bois  » 
elle  entendit  encore  très-diftinaement  a  meme  voix ,  qui  u 
dit  que  le  jour  fuivant  entre  cinq  &  fix  heures  du  foir  la  Terre 
trembleroit  d’une  maniéré  terrible.  Sa  Sœur  n  entendit  point  la 

voix  «  &  ne  s’aperçut  de  rien- 

Une  jeune  Fille  de  la  même  Nation  ,  qui rnenoit  une  vie  toute 

Anpeliaue  &  à  qui  fa  pieté  &  fa  confiance  en  la  vertu  de  la 
Croix  du  Sauveur ,  avoàent  mérité  la  guérifon  future  d  une  ma¬ 
ladie  ,  jugée  incurable  par  les  Médecins ,  crut  voir  en  fonge  la 
nuit  du  quatre  au  cinq  la  Mere  de  Dieu  ,  qui  lui  marque* 

l’heure  Sc  toutes  les  circonftances  de  ce  Tremblement.  Le  fo  r 

du  cinq  ,  très-peu  de  tems  avant  qu’il  commençât ,  elle  paru 
comme  hors  f  elle-même ,  &  fe  mit  à  crier  de  toute  fa  force  par 
deux  fois  ,  Ce  fera  bientôt ,  ce  qui  jetta  tous  ceux ,  qui  1  entendi¬ 
rent ,  dans  un  grand  laifille  ment.  _  .  ... 

Enfin  le  même  jour  la  Mere  Marie  de  l'Incarnation ,  cette 
illuftre  Fondatrice  des  Urfulines  de  la  Nouvelle  Fra«Çe ,  dont 
les  Ouvrages-,  fi  généralement  efttmes ,  font  voir  qu  elle  n  eto  t 
rien  moins  qu’un  efprit  foible  ,  après  avoir  reçu  c  u  _  16  P 
fieurs  avis  de  ce  qui  devoir  arriver  ,  &  dont  elle  avoir  fait  P 
au  P.  Lallemant ,  fon  Direfteur  ,  étant  fur  les  cinq  heures  &  de¬ 
mie  du  foir  en  Oraifon  (  a  )  ,  crut  voir  le  Seigneur  irrite  contre 
le  Canada  ,  &  fe  fentit  en  même  tems  portée  par  une  toi  ce  lu 
périeure  à  lui  demander  juftice  des  crimes ,  qui  s  y  commet- 
toient.  Tout  ce  quelle  put  faire  pour  adoucir  la  rigueui  decet 
ordre  ,  en  s’y  foûmettant ,  ce  fut  d’ajoûter  de  ferventes  ^r 
pour  obtenir  du  Ciel  que  les  âmes  ne  periûent  pom  av 

C°LTu  moment  après  elle  fe  fentit  comme  affûtée  que  la  ven¬ 
geance  divine  alloit  commencer  à  éclatter ,  &  que  le  mep  * 

(,)  Elle  raconte  tout  ceci  dans  fes  Lettres  en  tierce Peifonnc;  maison  a  tout  lieu  décrotté: 
«çie.  c’iîoit  d’dle-mênie  qu’elle  garloii- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  jô? 
que  l’on  faifoit  des  Ordonnances  de  l’Eglife  ,  étoit  fur  tout  ce  qui 
ailumoit  la  colere  divine.  Elle  aperçut  prefqu’auffitôt  quatre  Dé¬ 
mons  aux  quatre  extrémités  de  la  Ville  de  Quebec  ,  qui  agi- 
toient  1a.  Terre  avec  une  extrême  violence  ,  &  une  Perfonne 
d’un  port  majeftueux  ,  qui  de  tems  en  tems  lâchoit  la  bride  à 
leur  Fureur ,  puis  la  retirait.  Dans  le  même  infiant ,  le  Ciel  étant 
fort  ferein  ,  on  entendit  dans  toute  la  Ville  un  bruit  femblable 
à  celui ,  que  fait  un  très-grand  feu  ;  ce  qui  obligea  tout  le  mon¬ 
de  à  fortir  des  maifons. 

Alors  on  fut  extrêmement  fur  pris  de  voir  que  tous  les  Edifices 
étoient  fecoués  avec  tant  de  violence  ,  que  les  toits  touchoient 
prefqu’à  terre  ,  tantôt  d’un  côté  ,  &  tantôt  de  l’autre  ;  que  les 
portes  s’ouvroient  d’elles-mêmes  &  fe  refermoient  avec  un  très- 
grand  fracas  ;  que  toutes  les  Cloches  fonnoient ,  quoiqu’on 
n’y  touchât  point  ;  que  les  pieux  des  paliffades  ne  faifoient 
•que  familier  ;  que  les  murs  fe  fendoient  ;  que  les  planchers 
le  détachoient ,  &  s’écrouloient  ;  que  les  Animaux  pouffoient 
des  cris  &  des  hurlemens  effroyables  ;  que  la  furface  de  la 
Terre  avoit  un  mouvement  prefque  femblable  à  tcelui  d’une 
Mer  agitée  ;  que  les  Arbres  s’entrelaffoient  les  uns  dans  les 
autres  ,  &  que  plufieurs  fe  déracinoient  &  alloient  tomber 
affez  loin. 

On  entendit  enfuite  des  bruits  de  toutes  les  fortes  ;  tantôt 
c* étoit  celui  d’une  Mer  en  fureur  ,  qui  franchit  fes  bornes 
tantôt  celui,  que  pourroient  faire  un  grand  nombre  de  Carof- 
fes  ,  qui  rouleraient  fur  le  pavé  ;  &  tantôt  le  même  éclat  , 
que  feraient  des  Montagnes  de  rochers  &  de  marbre  ,  qui 
viendraient  à  s’ouvrir  &  à  fe  brifer.  Une  pouffiere  épaiffe  , 
qui  s’éleva  en  même-tems  ,  fut  prife  pour  une  fumée ,  &  fit 
craindre  un  embrafement  univerfel  :  Enfin  ,  quelques-uns 
s’imaginèrent  avoir  entendu  des  cris  de  Sauvages  ,  &  fe  perfua- 
doient  que  les  Iroquois  venoient  fondre  de  toutes  parts  fur- 
la  Colonie. 

L  effroi  étoit  fi  grand  &  fi  général-,  que  non-feulement  les 
Hommes ,  mais  les  Animaux  mêmes  paroiffoient  comme  frap¬ 
pes  de  la  foudre  ;  on  n’entendoit  par  tout  que  cris  &  que 
lamentations  ;  on  courait  de  tous  côtés  fans  fçavoir  ,  où  l’on 
vouloit  aller  ;  &  quelque  part  qu’on  allât  ,  on  rencontrait 
ce  R116  ^on  fiiyoit.  Les  Campagnes  n’offraient  que  des  pré¬ 
cipices  &:  l’on  s’attendoit  à  tous  momens  à  en  voir  ouvrir 
de  nouveaux  fous  fes  pieds..  Des  Montagnes  entières  fe.  dé- 


i  6 6 3. 


Il  commefr- 
cc  ;  Tes  effets» 


4 


i  6  6  }• 


,66  HISTOIRE  GENERALE 
racinerent,  &  allèrent  fe  placer  ailleurs  ;  quelques-unes  fe  trou¬ 
vèrent  au  milieu  des  Rivières ,  dont  elles  arrêtèrent  le  cours  : 
d’autres  s’abîmèrent  fi  profondément ,  qu’on  ne  voyoït  pas  me¬ 
me  la  cime  des  Arbres ,  dont  elles  étoient  couvertes. 

Il  y  eut  des  Arbres  ,  qui  s’élancèrent  en  1  air  avec  autant 
de  roideur  ,  que  fi  une  mine  eût  joué  fous  leurs  racines  ; 
&  on  en  trouva  ,  qui  s’étoient  réplantes  par  la  tete.  On  ne 
fe  croyoit  pas  plus  en  fureté  fur  l’eau  ,  que  fur  la  terre  ;  les 
glaces ,  qui Couvraient  le  Fleuve  Saint  Laurent  &  les  Riviè¬ 
res  ,  fe  fracafferent  en  s’entrechoquant  ;  de  gros  glaçons  lu¬ 
rent  lancés  en  l’air ,  &  de  l’endroit  ,  qu  ils  avoient  quitte  , 
on  vit  jaillir  quantité  de  fable  &  de  limon.  Plufieurs  Fontai¬ 
nes  &  de  petites  Rivières  furent  déflechees  ;  en  d  autres  , 
les  eaux  fe  trouvèrent  enfouffrées  ;  il  y  en  eut ,  dont  on  ne  put 
même  diftinguer  le  lit,  où  elles  avoient  coule. 

Ici  les  eaux  devenoient  rouges ,  là  elles  paroiffoient  jau¬ 
nes  ;  celles  du  Fleuve  furent  toutes  blanches  depuis  Quebec 
jufqu  a  Tadouffac  ,  c’eft-à-dire  ,  l’efpace  de  trente  lieues.  Lair 
eut  auffi  fes  Phénomènes.  On  y  entendoit  un  bourdonne¬ 
ment  continuel  ;  on  y  voyoit  ,  ou  l’on  s’y  figuroit  desSpe- 
Qres  &  des  Fantômes  de  feu  portant  en  main  des  flambeaux. 
Il  y  paroiffoit  des  flammes  ,  qui  prenoient  toutes  fortes  de 
figures ,  les  unes  de  Piques  ,  les  autres  de  Lances  ,  &  des 
Brandons  allumés  tomboient  fur  les  toits  fans  y  mettre  le  feu. 
De  tems  -  en  -  tems  des  voix  plaintives  augmentoient  la  ter¬ 
reur.  Des  Marfoüins  ,  ou  des  Vaches  marines  furent  enten¬ 
dues  mugir  devant  les  Trois  Rivières  ,  où  jamais  aucun  de, 
ces  Poiflons  n’avoient  paru  ;  &  ces  mugiflemens  n  avoient 
rien  de  femblable  â  ceux  d’aucun  Animal  connu. 

En  un  mot  ,  dans  toute  l’étendue  de  trois  cent  lieues  de 
l’Orient  à  l’Occident ,  &  de  plus  de  cent  cinquante  du  Mi¬ 
di  au  Septentrion  ,  la  Terre  ,  les  Fleuves  &  les  rivages  de  la 
Mer  furent  affez  lontems ,  mais  par  intervalles ,  dans  cette 
agitation  ,  que  le  Prophète  Roy  nous  repréfente  ,  lortquil 
nous  raconte  les  merveilles  ,  qui  accompagnèrent  la  lortie  d  - 
evpte  du  Peuple  de  Dieu.  Les  effets  de  ce  Tremblement  tu¬ 
rent  variés  à  l’infini  ;  &  jamais  peut-être  on  n’eut  plus  delujet 
de  croire  que  la  Nature  fe  détruifoit ,  &  que  le  Monde  ahoit 

finir 

La  première  fec oufTe  dura  une  demie-heure  ,  fans  prefque 
ffifcontinuer  \  mais  au  bout  d  un  quart  -  d  heure  e  e  co  . 


* 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIIL  367 

mença  à  fe  ralentir.  Le  même  jour  fur  les  huit  heures  du  foir  il  y 
en  eut  une  fécondé  auffi  violente  que  la  première  ;  &  dans 
l’efpace  d’une  demie  -  heure ,  il  y  en  eut  deux  autres.  Quel¬ 
ques-uns  en  comptèrent  la  nuit  fuivante  jufqua  trente-deux 


1663 


r  ^  w  ,  queues  ne  tetoient.  Uans  les 

intervalles  memes  de  ces  fecouffes  ,  on  étoit  fur  terre  comme 
dans  un  V aiffeau ,  qui  eft  à  l’ancre  ;  ce  qui  pouvoit  encore 
être  l’effet  d’une  imagination  effrayée.  Ce  qui  eft  certain 
ceft  que  bien  des  perfonnes  reffentirent  ces  foulevemens  de 
cœur  &  d  efïomach  ,  &  ces  tournoyemens  de  tête  ,  qu’on 

éprouvé  fur  Mer ,  quand  on  n’eft  pas  accoûtumé  à  cet  Elé¬ 
ment. 

Le  lendemain  fixiéme  ,  vers  les  trois  heures  du  matin  ,  il 
Y  eut  uJie  rude  Fecouffe  ,  qui  dura  lontems.  A  Tadouffac  il 
plut  de  la  cendre  pendant  fix  heures.  Dans  un  autre  endroit 
des  Sauvages  ,  qui  étoient  fortis  de  leurs  Cabannes  au  com¬ 
mencement  de  ces  agitations ,  ayant  voulu  ,y  rentrer  ,  trou- 
verent  à  fa  place  une  grande  marre  d’eau.  A  moitié  chemin 
de  1  adouliac  a  Quebec  ,  deux  Montagnes  s’applatirent ,  8c 
des  terres  ,  qui  s’en  étoient  éboulées  ,  il  fe  forma  une  poin¬ 
te  ,  qui  avançoit  un  demi  quart  de  lieue  dans  le  Fleuve. 
•Deux  François  5  qui  venoient  de  Gafpé  dans  une  Chaloup- 
pe  ,  ne  sapperçurent  de  rien  jufqu’à  ce  qu’ils  Ment  vis-à- 
V!S  du  Saguenay  pmais  alors  ,  quoiqu’il  ne  fît  point  de  vent  , 
leur  Chaiouppe  commença  d’être  auffi  agitée  ,  que  fi  elle  eût 
ete  fur  la  Mer  la  plus  orageufe. 

Ne  pouvant  comprendre  d’où  pouvoit  venir  une  chofe  fî 
ûngiinere  ,  ils  jetterent  les  yeux  du  côté  de  la  terre ,  &  ils 
aperçurent  une  Montagne  ,  qui  félon  l’expreffion  du  Pro¬ 
phète  ,  «bondifloit  comme  un  Belier,  puis  tournoya  quelque- 
dun  mouvement  de  tourbillon  3  s’abbaiffa  en- 
•>  1  parut  entièrement.  Un  Navire  ,  qui  fuivoit  cet- 

*e  Chaiouppe  ,  ne  fut  pas  moins  tourmenté  ;  les  Matelots  les 
plus  allures  ne  pouvaient  y  relier  debout  fans  fe  tenir  à 
quelque  chofe  ,  comme  il  arrive  dans  les  plus  grands  rou- 

caffa &  ^  Capitame  ayant  fal£  )etter  un  ancre  >  le  cable 

Allez  près  de  Quebec  ,  un  Feu  d’une  bonne  lieue  d’éten¬ 
due  parut  en  plein  jour  venant  du  Nord ,  traverfa  le  Fieu- 


i  6  6  3* 


histoire  generale 

368  «  il  rlifnaroître  fur  Fille  d’Orléans.  Vis-à-vis  du  Cap 
ve  ,  &  alla  difparoit  -  des  avalaifons  d’eaux  fauva- 

Tourmente  ,  il  y  eut  de  g  Montagnes  ,  que  tout  ce 

vages ,  qui  couloient  du  haut  des  Mon  g  ,  ^ 

p” dt 

"Z Aiÿetur’r.6t 

guéres  plus  épargné^  le  &yde  Rivieres  ,•  hors  le  tems 
cette  vafte  etendue  de  Terres  «  ü  un  mouvement  de 

arssæîi  ^“Ss  f  ne 

-  efpece  de  balancement  t  plu?  ou  moins  fie- 

les  étoient  fort  brulques ^ pCrX  quelque  ef- 

fet  fenfible.  Où  1  % Rembarras  ;  ailleurs ,  ce- 
viere  couler  tranquillemei  étoient  venus  fe  placer  au 

toit  tout  le  contraire  ;  des  Rochers^o.fibie 

milieu  dune  Riviere  ,  do  Homme  marchant  dans 

vant  rétardé  par  aucun  obftacle.  Un  Homme  ma 

la  Campagne  appercevoit  tout  a  coq)  J  {  hXolJt 

le  fuivrg!  L’agitation  étoit 

Montagnes  ,  mais  on  y  entendoit  ians  celle  g 
tamare. 


fut ,  que  ta 

pédt,  &  tous  &  ;  dura  plus  de  fix  mois ,  perfonne  nepe  -  U 

%~C'  loit^ans  doute  convertir  les  Péch,eursr’0SeZns  Tous  fi¬ 
che.  Auffi  vit-011  çar  tout  de  grandes  Co  &  piufleursles 
rent  des  revûës  generales  de  leur  con  ’  dans  le  coeur, 

firent  les  larmes  aux  yeux  &  la  componaiondans  J  ^ 
Des  Pécheurs  fcandaleux  declaroiei ît  pu  q  cilierent  ; 

initiations  ^de  leur  vie  paffée  ;  les  ^Z^  uaqu^-tems 
les  mauvais  commerces  cefferent  ;  &  pendant  que  q  b 

il  ne  fut  plus  qneftion  de  cet  od.eux  trafic  \  j* 

première  fource  de  tout  le  mal.  Le  J  ’  .  ■  n  ne  fut  ou- 
pélérinages ,  la  fréquentation  des  Sa'r^ef  e„fin  fléchir, 
blié  pour  défarmer  la  çolere  du  Ciel ,  qui  jvlais  : 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  369 

Mais  ,  quoique  la  Terre  eût  recouvré  fa  première  tien-  166-!. 
qualité  ,  on  ne  le  croyoit  pas  encore  au  bout  de  tous  fes  Suites 
maux.  Pluueurs  craignoient  que  les  feux  fouterains  ,  qui  Tremble- 
avoient  C3ufé  de  fi  grandes  fecouffes  ,  n’euffent  brûlé  la  ter-  m£lîC’ 
re ,  &  ne  leuffent  mis  pour  lontems  hors  d état  dé  rien  pro¬ 
duire  ,  outre  qu  après  les  femences  faites  ,  il  y  avoit  eu  des 
pluyes  fi  abondantes  ,  qu’on  avoit  fujet  d’appréhender  que  les 
grains  ne  fuflent  pourris  ;  mais  on  fut  agréablement  trompé 
&  la  récolté  fut  abondante.  1  5 

On  s’étoit  encore  attendu  que  tant  de  terres  remuées 
de  fi  grandes  révolutions  dans  les  eaux  ,  &  tant  d’exhala*- 
fons  dans  l’air  cauferoient  des  maladies  dangereufes  ;  cepen¬ 
dant  il  n’y  entamais  moins  de  malades.  Peu  à  peu  le  Pays 
reprit  fa  première  forme  dans  les  endroits ,  où  pour  ^réta¬ 
blir  il  n  eût  pas  fallu  un  fécond  Tremblement  femblame  au 
premier  ;  car  les  Montagnes  refterent ,  où  elles  avoient  été 
transportées  ;  quelques  Rivières  ne  retournèrent  point  dans 
leur  ancien  lit  ;  &  parmi  les  Mes,  qui  s’étoient  nouvellement 
foi  me  es  ,  quelques-unes  fubftfterent  ,  &  s’accrurent  même 
avec  le  tems  par  le  moyen  du  limon  ,  qui  s’y  attacha  ,  &  des 
Arbres ,  qui  s  y  arrêtèrent  ;  mais  les  autres  fe  difiperent  bien¬ 
tôt  par  la  force  du  courant. 

J’ai  remarqué  dans  mon  Journal ,  que  l’Me  aux  Couvres  , 
qui  eft  a  moitié  chemin  de  Tadouffae  à  Québec  ,  devint  alors 
beaucoup  plus  grande ,  quelle  n’étoit  auparavant  ;  mais  il 
11  ,  P^1  nt>  Qa*  ?  comme  quelques-uns  l’ont  avancé  ,  qu’elle 

ait  ete  formée  en  entier  par  une  Montagne  ,  qui  fauta  dans 
le  r  leuve  ,  &  à  la  place  de  laquelle  parut  pour  la  première 
fois  le  Goufre ,  qui  rend  ce  paffage  fi  dangereux  :  car  il  eft 
certain  que  ce  fut  Jacques  Cartier  ,  qui  donna  à  cette  Pie 
le  nom ,  quelle  porte.  Pour  ce  qui  eft  du  Goufre  ,  comme 
i  nen  eft  parle  s  ni  dans  les  Mémoires  de  ce  Voyageur  ,  ni 
dans  ceux  de  M.  de  Champlain  ,  &  que  l’un  &  l’autre  ne 
font  mention  que  d’un  Grand  Courant  dans  ce  Canal ,  il  peut 
Men  avoir  ete  ,  du  moins  en  partie  ,  un  effet  du  Tremblement 


,  D11  conçoit  ailément  ,  que  tandis  que  tous  les  Elémeiis  Nouvelles 
etoient  dans  1  agitation  ,  que  nous  venons  de  voir  ,  les  Iro-  5roP0,‘tions 
quo/s  ne  fongerent  pas  beaucoup  à  la  guerre  :  il  en  parut  néan-  ^ 
moins  quelques-uns  du  côté  de  Montreal  ;  mais  ils  n’y  firent 
rien  confifierable  :  ils  furent  mêmes  battus  en  quelques  pe- 

A  a  a 


i  6  6  3  • 


Arrivée  d’un 
nouveau  Gou¬ 
verneur  & 
d’un  Cornmif- 
faire  à  Que- 
bec. 


De  quelle 
maniéré  la  Ju- 
ftice  avoit  été 
adminiftrée 
jufques-là  en 
Canada. 


HISTOIRE  generale 

3tkes  rencontres.  D’ailleurs  ,  les  Agniers  &  les  Onneyouths 
reçurent  un  affez  grand  échec  de  la  part  des  Saulteurs  ,  & 
es  rois  autres  Cantons  étoient  de  nouveau  embarraffes  afe 
défendre  contre  les  Andaftes.  Enfin  ,  la  petite  verole  fe  mit 
dans  prefque  toutes  leurs  Bourgades  ,  &  y  fit  de i  grands ira- 
vacres  Auffi  fe  trouverent-ils  plus  que  jamais  dilpoLs  a  biei 
vivre  avec  nous  ;  les  Onnontagués  demandèrent  meme  que 
les  François  vinffent  reprendre  leur  ancien  Etabliffement  dans 
leur  Canton  ,  &  ils  s'offrirent, d’envoyer. àQueb. ÎC  au«“ 
voudroit  de  leurs  Filles,  pour  y  etre  elevees  chez  les  Urfulmes, 

«*•***  c.t» 

Fifé  Iroquois  répantlb  daFs  totite’s  les  Bondes  des  bruits  ,  qui 
firent" rompre  la  négociation.  Il  arnvoit  des  Trois  Rivieies ,  ou 
5  avoit  appris  ,  difoit-il ,  que  des  milliers  d’Hommes venoien . 
de  débarquer  à  Quebec  ,  &  que  les  François  etoïc  i  ^ 
point  de  venir  fondre  avec  toutes  leurs  forces  fur  le  Pays  1 
quois ,  refolus  de  n’y  pas  laiffer  une  Cabanne  fur  pied ,  &  d 

terminer  toute  la  Nation.  .  _  ,,  VFv&nie  de 

Ce  qu’il  y  avoit  de  vrai  en  ceci ,  c  eft  que  M.  q 
Petrée^  &k  de  MÉsy  ,  que  le  Roy  envoyoït  pour  relever  e 
Raron  d’Avaueour  ,  étoient  nouvellement  airives  Q, 
avec  des  Trouppes:  Ces  Meffieurs  étoient  encore  accompa¬ 
gnés  du  Sieur  Gaudais  ,  que  le  Roy  avoit  nomme  omi 
faire  Dour  prendre  poffeffion  au  nom  de  Sa  Majefte  de  tou 
fa  NoCelle  France^  dont  la  Compagnie  du  Canada  lui  avoit 
remis  le  Domaine  le  quatorzième  de  Février  de  cette 
année  ;  de  cent  Familles ,  qui  venoient  peupler  le  Pays ,  oi 
plufieurs  Officiers  de  Guerre  &  de  Juftice. 

P  Le  Commiffaire  commença  par  recevoir  le  fermer  a  * 

lité  de  tous  les  Habitans ,  puis  il  régla  la  Police  ’  J\  ,  J  f. 
fieurs  Ordonnances  ,  concernant  la  maniéré  de  rendie 
tire  Jufciues-là  il  n’y  avoit  point  eu  proprement  ae  Cou 
Juftice  en  Canada  :  les  Gouverneurs  Généraux  j 

affaires  d’une  maniéré  affez  fouverame  :  on  ne  s  avifoit  p 

ffappeller  de  leurs  Sentences  ;  mais  ils  ne  ondoient  ordfu- 

inutilement  tente  les  voyes 


d  apoelier  de  leurs  oeniexiccs  ,  “iau  ^  ;  .  ve<. 

rement  des  Arrêts  ,  qu’après  avoir  inutilement  tente  les  J  f_ 

de  l’Arbitrage  ,  &  l’on  convient  que  leurs  décidons  eto  P 
que  toujours  diCtées  par  le  bon  fens ,  &  félon  les  réglés  dUa 

to.  naturelle ,  qui  À  au-deffus  de  toutes  les  autres.  Le  B*ron 


DE  LANOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VITI.  371 

d  Avaugour  en  particulier  s  etoitfait  une  grande  réputation  par 
la  maniéré,  dont  il  vuidoit  tous  les  différends.  D’ailleurs  les 
Creoles  du  Canada  ,  quoique  de  race  Normande,  pour  la  plu 
part  5  n  a voient  nullement  lefpritproceffif,  &aimoient  mieux 
pour  1  ordinaire  ceder  quelque  chofe  de  leur  bon  droit ,  que  de 
perare  le  tems  à  plaider.  Il  fembloit  même  que  tous  les  biens 
riment  communs  dans  cette  Colonie  ;  du  moins  on  fut  affez 
lontemsfans  rien  fermer  fous  la  clef,  &  il  étoit  inoiri  qu’on 
en  abusât.  Il  eft  bien  étrange  &  bien  humiliant  pour  l’Homme 
que  les  précautions ,  quun  Prince  fage  prit  pour  éloigner  les 
chicanes,  &  faire  regner  la  juftice  ,  ayênt  prefque  été  l’époque 
de  la  naiffance  de  l’une  ,  &  de  l’affoibliffement  de  l’autre. 

'  1  1  jVr^i3rUe  *annèe  I^40.  il  y  avoit  un  Grand  Sé¬ 
néchal  de  la  Nouvelle  France,  &  qu’aux  Trois  Rivières  il  y 

avoit  une  Junfdiaion  ,  qui  reffortiffoit  au  Tribunal  de  ce  Ma- 
giltrat  d  £pee  ;  mais  il  paroît  que  celui -ci  étoit  fubordonné 
dans  les  fondions  aux  Gouverneurs  Généraux  ,  qui  s’étoient 
toujours  maintenus  dans  la  polTefîion  de  rendre  la  juftice  par 
eux-mêmes  ,  quand  on  avoit  recours  à  eux  ,,  &  que  cela  arri- 
vcnt  louvent.  Dans  les  affaires  importantes  ils  affembloient  une 
elpece  de  Comeil ,  compofé  du  Grand  Sénéchal  ,  du  Supérieur 
des  Jeiuites,  qui,  avant  l’arrivée  d’un  Evêque,  étoit  lefeul  Supé¬ 
rieur  Ecclefiaftique  du  Pays  ,  &  de  quelques-uns  des  plus 

notables  Habitans  ,  aufquels  on  donnoit  la  qualité  de  Con- 
ieiüers. 

Ainfi lorfqu  en  1651.  le  Sieur  Godefroy  futenvoyé  avec  le 
DreulUettes  dans  la  Nouvelle  Angleterre,  pour  y  traiter 
a  une  paix  perpétuelle  entre  les  deux  Colonies,  il  fut  qualifié 
dans  fes  Lettres  -de  Créance  de  Confeiller  au  Confeil  de  la 
Nouvelle  France;  mais  ce  Confeil n’étoit  point  permanent; 
le  Gouverneur  Général  letabliffoit  en  vertu  du  pouvoir 
c|iie  le  Roy  lui  en  donnoit ,  &  le  changeoit ,  fuivant  qu’il  le 
jugeoit  a  propos.  Cene  fut  donc  qu’en  cette  année  166;.  & 
apres  que  le  Roy  eut  nus  en  fa  main  le  Canada  ,  que  cette*  Co¬ 
lonie  eut  un  Confeil  fixe  établi  par  le  Prince  :  l’Edit  de  Créa- 
tion  eft  du  mois  de  Mars  de  cette  année  :  il  portoit  que  le  Con¬ 
fiai  ferait  compofe  de  M.  de  Mefy  ,  Gouverneur  Général  ;  de 
M.  de  Laval,  Evêque  de  Petrée  ,  Vicaire  Apoftolique dans 
laNouveUe  France  ;  de  M.  Robert  ,  Intendant;  de  quatre 
Vonleillers  ,  qui  feraient  nômmés  par  ces  trois  Meilleurs  & 
qui  pourraient  être  changés  ,  ou  continués  félon  leur  bonpîai- 

A  a  a  ij 


1663. 


histoire  generale 

_ V\  d.un  Procureur  Général  ,  &  d’un  Greffier  en  Chef. 

TddT  M  RobertTconfeiller  d’Etat ,  avoir  été  nomme  cette  meme 
M.  n.oDcrt  ,  p  i*  p  Finance  &  Marine  pour 

UNouvffiîe  nance"^  (es  dfcX- 

da’ei&  M1  Talon'!  qui  y  arriva  en  1665.  elt  le  premier, 
quiy  mt  eierc  é  cet  E^plo^  M.  ^CHESNEA^qut  Imffic- 

n,îendam  '  deVoîtCe  “ns  le'  Coffieil  la  fonffion  de  Premier 

neur  Général ,  &  la  leconde  a  i  ^V;C4U®'  «  i  Mem- 

feillers  fut  en  même  tems  augmente  de  deux ,  &  tou  les  Mem 
.  1  Pnnfeil  eurent  des  Provisions  de  la  Cour. 

-  br<TS  ^fonctions  de  Premier  Préfident  attribuées  à  l’Intendant , 
Terme  pie-  Les  tondions  cl  Général;  il  fit  Tes  reprefen- 

fente  du  Con-  chagrinèrent  fort  le  Gouvei  ,  ordonné  oar  un- 

fol  Supérieur,  -°ns  &  ne  fut  point  écouté  ;  mais  A  fut  ordon  p 

**  i  £^L“'ï‘itpSs*.'c&'  :ï  gL 

que  celle  de  leur  g  ’  Clerc  &  tr0;s  Laïques  :  ainfile  nom- 
a  un  “  q!iXUormmé  vt  m° «  ' ConfX^  ’&dmX'  aP|om- 

lieres  II  a  huit  cent  livres  par  an  :  es  “ ^.P1"8  “^d’Epï- 

smstfŒrwçi»  a?-  I 

le  l’affembler  extraordinairement,  ceft  au  meme  Inten  a 
t  marquer  le  jour  &  l’heure  ;  il  dort  en 

SlonX' Ordonnance^  du  Royaume ,  &  la  Coutume  de 

&»> r S;i  &yc-e“"t 


Sur  quel 
principe  on  y 


par 


_ „  fur  le  Jugement  des  Caufe 


lu 


^  reC£fc 

^furent  expliquées  par  un  autre  Edn  du  mois  d  Ma» 
il  émit  encore  déclaré  que  les  Procès,  ou  ie 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  373 
ciers  du  Confeil  feroient  intereffes  ,  fe  renvoyeroient  fur  la  re- 
qmfition  de  l'une  des  Parties  ,  par-devant  l’Intendant ,  qui  les 
terminerait  avec  des  Juges ,  qu’il  appellerait  à  cet  effet.  Il  fut 
aufli  permis  à  ceux  ,  qui  voudroient  revenir  par  Requêtes  Ci¬ 
viles,  dedes  préfenter  fur  fimple  Requête ,  &  il  fut  donné  pou¬ 
voir  au  Conleil  de  prononcer  en  jugeant  fur  le  Refcindant&  le 
Refcifoire  en  même  tems.  Enfin  par  ce  même  Edit  le  Confeil  fut 
autorifé  à  juger  les  Caufes  criminelles  au  nombre  de  cinq  Ju^es 
Il  y  a  encore  dans  cette  Colonie  trois  Juftices  Subalternes- 
celle  de  Quebec ,  celle  des  Trois  Rivières ,  &  celle  de  Mont¬ 
real.  Elles  font  compofées  d’un  Lieutenant  Général ,  d’un  Lieu¬ 
tenant  Particulier  ,  &  d’un  Procureur  du  Roy.  Leurs  appointe¬ 
ra»5  ont  été  réglés  par  une  Déclaration  de  Sa  Majefté  du  dou¬ 
zième  de  May  1678.  Les  Notaires,  Huiffiers  &  Serons  ont 
aufli  des  gages  ,  fans  quoi  ils  n  auraient  pas  de  quoi  vivre  le 
ca%l  fe  reduifant  prefqu’à  rien  dans  une  Colonie  fi  pauvre  & 
n  peu  peuplée.  *  r 

Jufquen  lannee  1692.  la  Juftice  particulière  de  Montreal 
appartenoit  à  Meffieurs  du  Séminaire  de  Saint  Sulpice  ,  en 
qualité  de  Seigneurs.  Ils  en  donnèrent  alors  leur  Démiffion 
au  Roy  à  condition  que  l’exercice  leur  en  refferoit  dans  l’en- 
clos  de  leur  Séminaire  ,  Sc  dans  leur  Ferme  de  Saint  Gabriel 
avec  la  propriété  perpétuelle  &  incommutable  du  Greffe  de 
la,  Juiïice  Royale  ,  qui  feroit  établie  dans  l’Iffe  ,  &  la  No¬ 
mination  du  premier  Juge  ;  ce  qui  fut  accordé  par  l’Edit  de 
création  de  la  nouvelle  Juffice  ,  datté  du  mois  de  Mars  de 
annee  fui  van  te  1693.  mais  quant  au  dernier  article  pour 
cette  fois  feulement.  Telles  ont  été  les  attentions  du  feu  Roy 
pour  procurer  à  fes  Sujets  de  la  Nouvelle  France  une  Juffi¬ 
ce  prompte  &  facile  ;  &  c ’eff  fur  le  modèle  du  Confeil  Su¬ 
périeur  de  Quebec  ,  qu’on  a  depuis  établi  ceux  de  la  Marti- 

Seils  fo„tad“ESemingUe  ’  &  de  k  L0Üifiane-  ToUS  Ces 

Le  Sieur  Gaudais  ne  devoit  pas  reffer  dans  la  Colonie  :  il 
avoit  un  ordre  exprès  de  retourner  en  France  par  les  mêmes 
Vailleaux  ,  qui  la  voient  porté  à  Quebec  ,  pour  rendre  au  Roy 
un  compte  exa£f  du  Pays,  l’informer  de  la  conduite  de  l’E- 

;  de  l’effet,  qu’auroit produit l’éta- 
b  iffement  du  Confeil  ;  de  ce  qu’il  y  avoir  de  réel  dans  les 
plaintes  ,  qu  on  avoir  faites  contre  le  Baron  d’Avau^our 
oc  de  la  maniéré  ,  dont  M.  de  Mefy  auroit  été  reçû,  Ce^Com- 


663. 


Des  JufHcss 
Subalternes. 


Mort  du  Ba¬ 
ron  d’Ayau-  • 


gour» 


/ 


i  66  3* 


■Nouvelles 
CQLirfcs  des 
Iroquois  dans 
le  Noid. 

i  6  6  4* 


Contretems 
fâcheux.  Con¬ 
duite  de  Gara- 
^onthié. 


Nouvelles 
proportions 
de  paix  :  Ré- 
n curie  de  M 
4e  Mcfy. 


histoire  generale 

37r-  •  ’  rml;na  en  honnête  Homme  de  fa  Charge  ;  &  tout 

miliaire  8  ^ccIultt^,ea.  w  Parties  Le  terrible  fléau  ,  aQnt 

f; 

?r:  tÏÏ3X“«£’8£Sl.  Fon  M  S*. 

S.î«n.  «?",„■  toujours  .,«,;»>»  k. 
raroilLm  point  dans  la  Colonie.  Us  vo«loie‘«  'PP""™" 
voir  quel  effet  produitotent  jaat  tappO|  a  ,  réélis. 

ceffoit  pourtant  pomt  de  travailler  a  . ,  d>efperer 

qu’U  avoit  tenue  dans  tous  es  ’  d"rce  contre  les 

de  nouveau 

Ca?UCtlM  C actifs  François  ,  qui  fe  trouvoient  dans  les 
raliemble  les  Captifs  rra  V  ’  l  .  erCOrtés  par  trente 
Cantons  ,  &  les  avoir  envoyés  a  Québec  ,  eicort  p 

Onnontagués,  ■  aVec  toute  la  féeurité  ,  que 

Comme  ceux-ci  voyageoient  avec  toute  ^  fur^t 

fembloit  leur  permettre  une  pareille  Coran  ^  des 

furpris  par  un  Pipti  d  Algonquins  ,  qui  P  Py  j  fi. 

Ennemis  ,  &  ne'  balancèrent  pomt  ^es  attaquer.  JJs&  ^ 

rent  li  brufquement  ,  que  plufieuis  r  q  François 

bord  ,  &  le  refte  obligé  de  F^^Hlns  ce  déforme, 
mêmes  eurent  bien  de  la  peine  a  s  echaper  cia 
Néanmoins  aucun  d’eux  ne  to  bleffe  II  y  avon  tout  fo_ 
craindre  que  ce  mal-entendu  n  eut  des  F  P  raifon 

nettes  ;  mais  Garakonthie  les  prévint ,  &  ht  entend 

aUOi?fut  agréablement  furpris  au  bout  de  aéîàp’arlé 

voir  arriver  à  Quebec  le  Chef  Goyogouin 
plufieurs  fois  ,  lequel  ,  fans  faire  aucune  «nem^ m  <h 

contre  des  Algonquins  ,  piefenta  •  7  uu;  d’ On¬ 

de  la  part  de  tous  les  Cantons  ,  a  la  referve 

Rr  de  la  fincere  difpofmon  ,  ou  iis  etoie 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  Vill  ,7Î 

de  VMre  Z  Pff  aV-£C  lui'  Ce  Général  lui  “«  accueil  fa-  -77— 
vorable  ,  &  il  le  mentoit  ;  mais  il  lui  dit,  que  fes  Prédécef-  1 

feurs  ayant  été  fi  fouvent  trompés  par  de  pareilles  propofi- 
«ons  ,  il  y  auroit  à  lui  de  l’imprudence  de  compter  fur  fa 
Nation  ;  &  il  lui  laiffa  entrevoir  que  le  defTein  étoit  pris  de 
fe  défaire  une  bonne  fois  d’un  Ennemi ,  fi  fouvent  reconcilié 
en  apparence  ,  &  toujours  irréconciliable  en  effet. 

croyôit  pouvoir  le  prendre  fur  ce  ton-là  ,  par-  Les  a„m  ■ 
ce  qu  il  fe  fento.t  fort  ,  &  qu’il  fe  tenoit  affuré  de  recevoir  * 

bientôt  un  i  puilîant  lecours  :  mais  cette  même  année  il  le  bt  IaN.ouvelle 
“ans  le  voifinage  des  Iroquois  un  changement ,  qui  changea  Be‘sllluc' 
entièrement  la  fituation  ,  où  fe  trouvoient  alors  les  IroquoTs 
&  auquel  on  doit  attribuer  une  bonne  partie  de  tout  ce  nue 
nous  avons  eu  depuis  ce  tems-là  à  fouft’rir  de  l’infolence  de 
cette  Nation.  Pour  bien  entendre  ceci ,  il  faut  reprendre  la 
choie  de  plus  haut ,  &  expliquer  un  peu  plus  au  long  ce  que 
je  nai  encore  fait  qu’indiquer  en  paffant.  ^ 

J  ai  dit  ,  que  Henry  Hudfon  avoit  découvert  en  iboo.  la 
Riviere  de  Manhatte  :  je  ne  fçai  fur  quel  fondement  il  fe 
crut  autonfea  difpofer  en  Maître  de  fa  Découverte  ;  ce  qui 
elf  certain ,  c  eff  que  des  la  même  année  il  la  vendit  aux  Etats- 
Oeneraux  ,  qui  en  1614.  commencèrent  à  défricher  le  Pavs 
?  y  envoyerent  des  Habitans  en  affez  grand  nombre.  Plu- 
fieurs  années  apres  le  Chevalier  Samuel  Argall ,  celui-là  mê¬ 
me  ,  qui  avoit  chaffé  les  François  de  Pentagoet  &  de  l’Aca- 
aie  ,  ayant  ete  pourvû  du  Gouvernement  général  de  la  Vir¬ 
ginie  ,  voulut  revendiquer  le  Pays  découvert  par  Hudfon 
prcteudam  que  ce  Navigateur  n’avoit  pû  le  vendre  ,  ni  II 
Etats  -  Generaux  1  acheter  ,  fans  la  permiffion  du  Roy  de  la 
Grande-Bretagne  ,  dont  le  premier  étoit  Sujet. 

te  Snlf'j  deS  TrouPR®s  &  des  Habitans  à  Manhat- 

SeleÎLA ■  Sais  T  f  emparaffent  d’lme  Part'e  de  la  Nouvelle 

meT l  cr  de la  PpitaIe  ’  VU*  aboient  ”om- 

a  peartfe0M'  auffi  ^  établis  dans 

paroît  oue  .nV  ”'1  P’U?  pr°dle  de  la  Vlrginie‘  Or  il 

curent  In  ^  ai?,nee  16641  Ces  trois  Nations  ve- 

curent  en  affez  bonne  intelligence.  Mais  cette  même  année 

le  Roy  d  Angleterre  Charles  II.  ayant  été  informé  que  les 


i  6  6  4* 


Nouveaux 
troubles  en 
Canada. 


,  HISTOIRE  generale 

HoUandoi^commençoient  à 

quatre  Commiffaires  avec  de  bon  es  T^gP^’e?  Amfterdam  , 
fans  réfiftance  maîtres  de  a  ^  g  ^  quqis  appelèrent 
qu’ils  nommèrent  ATw  J*  &  Château  de  La.va.re. 
Albany  ;  de  la  Vide  a  A  ’  entre  les  Anglois  & 

Il  y  eut  enfuite  un  accommodement  entrées  _ 

les  HoUandois  ;  plufieurs  de  ceux  .j  Souverain  ,  & 

tre  le  Roy  de  la  Grande  uietag  F.  DOffeflion  de  tous 
à  cette  condition  furent  conferve  r  dédommager  les 

leurs  biens.  Sa  Majefte  Bi lta^PlC^o  tati011  de  Surinam  au 
Etats  -  Généraux  leur  concéda  ^ 

'  voifinage  de  la  Guyanne  3  &  ^ la  Nouvelle  Bel- 
ques-unes  de  leurs  Places.  1  ■  *  York  &  les  François  du 
gique  a  pris  le  nom  de  que  les  Iroquois  , 

Canada  n  ont  point  tar  e  q  •  J?  devenus  moins  traitables, 

fiSÆÏ  c*r*b,i  *  8a'“' 

de  l’oppreffion  de  1  autre.  Canada  le  loifir  de  faire  at- 

tention  à  ce  qui  venoit  de  l  •  ju  envoyés  dans  la 

d’ailleurs  les  fecours ,  que  le  Roy  «  "  qu’on  fe  don- 

Nouvelle  France,  &  plus  encore  les  mouvem 

noit  pour  foûtenir  ces  premier  ,  ’  |  loi  aux  Iro^ 

que  nous  ferions  bientôt  en  état  de  don  fe  flattoit  d’avoir 
quois  ;  mais  par  malheur  e  c  n  ,  <1  ^  ^  aux  af- 

85  .*5**15.  “«“«>!“  & 

isrz  srr  s  -v» 

m-  **  v»  y 

dre  du  Baron  Avaueour  :  nonTeuUn^  ^  pQrté  la 
rappe  de  ce  General,  ma  s  le  R  y  f  Su‘ceffeur. 

complaifanee  jufqua  lui  fmller  le  tue  faifoit  pro- 

M.  cie  Mefy  Major  de  la  CitadeU  de  C»en  ta  ^ 

feffion  d’une  haute  piete  :  M.  de  Fetree  ,  qu  auRoy., 

particulièrement ,  jetta  les  yeux  .  ’  ,  qu’il 

&  Sa  Majefté  l’agréa.  Mais  a  peine  ftit-.l  en  place  , 

parut  tout  un  autre  Homme  ?  ou  que  ce  ?  q  du 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  VIII.  %T7 

lu  foible  de  fon  Prédéceffeur  ,  profitèrent’  du  fien  ,  (  car  — ~ 
où  efi:  l’Homme  ,  qui  n’en  ait  pas  quelqu’un  ?  )  pour  le  porter  1 
à  de  plus  grands  excès  encore  contre  l’Evêque  ,  &  contre  ceux  5 
qui  penfoient  comme  ce  Prélat. 

La  Métamorphofe  fut  fi  fubite  ,  &  le  feu  de  la  divifion  Conduite 
s’alluma  à  un  point ,  que  ce  fut  une  nécefiité  d’y  apporter  un  vi°W  de 

^remede.  On  ne  douta  point  au  Confeil  du  Roy  que  M* de  Mefr* 
Vlefy  ne  fût  coupable ,  fur  tout  lorfqu’on  vit  à  la  tête 
de  fes  Accufateurs  deux  des  principaux  Membres  du  Confeil , 
à  fç avoir  le  Sieur  de  Villeray  Confeiller  5  &  le  Sieur  Bour¬ 
don  Procureur  Général  ,  tous  deux  d’une,  probité  &  d’une 
fageffe  reconnues  ,  &  que  le  nouveay.  Gouverneur  avoit  fait 
embarquer  fans  aucune  forme  de  Juftice.  On  ne  laiffa  pour¬ 
tant  pas  de  faire  aufii  attention  aux  Mémoires  ,  qu’il  avoit 
envoyés  au  Minifire  pour  fa  défenfe  ;  &  quoiqu’ils  ne  l’euf- 
fent  pas  juftifié  ,  ils  firent  naître  des  foupçons ,  dont  quel¬ 
ques  personnes  eurent  dans  la  fuite  bien  de  la  peine  à  re¬ 
venir. 

Il  avoit  fur  tout  fort  infifté  fur  le  grand  crédit  que  les  Je- 
fuites  avoient  dans  la  Colonie  ;  &  comme  la  Cour  ne  s’étoit 
guéres  mêlée  jufques-là  des  affaires  de  la  Nouvelle  France  , 
qu  elle  avoit  en  quelque  façon  abandonnée  à  la  Compagnie  du 
Canada ,  &  que  dans  les  Relations ,  qu’on  en  recevoit  toutes 
les  années  ,  &  qui  fe  répandoient  par  tout  ,  il  étoit  beaucoup 
parlé  de  ces  Millionnaires  ,  que  leurs  fonctions  obligeoient 
d  entrer  dans  toutes  les  affaires  5  qui  regardoient  les  Sauva¬ 
ges  ,  bien  des  Gens  fe  perfuaderent ,  que  les  plaintes  du  Gou¬ 
verneur  nétoient  pas  fans  fondement  :  on  jugea  de  ce  qui  étoit 
par  ce  qui  pouvoit  être  ,  &  on  conclut  que  des  perfonnes ,  qui 
avoient  un  fi  grand  crédit ,  dévoient ,  naturellement  parlant , 
mettre  tout  en  ufage  pour  le  conferver ,  &  pouvoient  bien  en 
abufer  quelquefois. 

D  autre  part  ,  on  étoit  fort  perfuadé  dans  le  Confeil  ,  &  il  cft  révos 
on  ne  faifoit  même  aucune  difficulté  de  le  publier  ,  que  la  <ïué- 
Nouvelle  France  leur  avoit  en  bonne  partie  l’obligation  de 
s’être  foûtenuë  dans  les  circonftances  fâcheufes  ,  où  elle  s ’étoit 
trouvée  :  on  les  y  eftimoit  nécefiaires  par  rapport  aux  Na¬ 
turels  du  Pays  ,  qui  ne  connoiffoient  qu’eux ,  &  dont  on  ne  pou- 
voit  s’affûrer  que  par  leur  moyen  :  enfin  ,  M.  de  Mefy,  en  récri¬ 
minant  ,  ne  s’étoit  pas  difculpé  ,  &  l’Evêque  de  Petrée  avan¬ 
çât  contre  lui  des  faits  ,  dont  il  ne  fe  purgeoit  point.  M.  Col- 
Tomc  L  Bbb 


Q  HISTOIRE  GENERALE. 

s  &  M«““~  ■  fsf:,  c5:.r«t- 

qu’elle  a  lo.t  trop  loin  ; .  &  dans ^cette  vue  ^ 

tir  pour  la  Colonie  des  Che s, qm  Mient&  ,  ^  fouffrir 

^üu^r  s  rst  ’M^t 

S^^SsiHSSSJ 

SîBfe^r^  sri — 

voir  dans  le  Livre  fuivant# 


î 


K 

O 


E  T 


DESCRIPTION  GENERALE 

Pela 

nouvelle 


LIVRE  NEUVIEME • 

f  ‘  T'”  c*  '  v  •  .  _  ,  ^  -  .  -  f 

O  u  s  avons  vû  dans  quel  état  de  foîbleffe  16  6  4, 
&  de  langueur  la  Compagnie  des  Cent  Affo- 
ciés  érigée  en  1628.  pour  l’Etabliffement 
du  Canada  ,  quoiqu’une  des  plus  puifTantes  , 
qui  ait  jamais  été  formée  ,  foit  pour  le  nom¬ 
bre  ,  Coït  pour  la  qualité  de  fes  Membres , 

,  fQIt  Pour  ies  Privilèges  ,  qui  lui  furent  ac¬ 
cordés  ,  avoit  néanmoins  laide  cette  Colonie.  Elle  fe  laffa 
même  bientôt  du  peu  de  dépenfe  ,  qu  elle  j  faifoit  ;  &  dès 
Tannée  1644.  elle  abandonna  aux  Habitans  la  Traitte  de  là 
Pelleterie  ,  qui  étoit  prefque  le  feul  avantage  ,  quelle  en  tirât , 
ne  fe  réfervant  pour  fon  Droit  de  Seigneurie  ",  qu’une  rede¬ 
vance  annuelle  d’un  millier  de  Caflors. 

. , Enfn  en  1662.  fe  trouvant  réduite  à  quarante  -  cinq  Affo-  LeRoyce'dc 
cies ,  elle  remit  purement  &  fimplement  tous  fes  droits  à  Sa  Ie  Cana^  > 
Majefté ,  qui  peu  de  tems  après  comprit  la  Nouvelle  France 
dans  la  conceflion  ,  qu  elle  avoit  faite  des  Colonies  Françoi  -  cent  A /I  o  ci  es 
fes  de  I  Amérique  en  faveur  delà  Compagnie  des  Indes  Occi-  Iu!avoitre- 

^5"taIes  ’  avec  le  droit  de  nommer  les  Gouverneurs  &  tous  les  "o'LnT 
Officiers.  Il  eft  vrai  ,  que  comme  cette  nouvelle  Compagnie  ,  Compagnie. 
dit  M.  Colbert  dans  un  Mémoire  ,  que  j’ai  eu  entre  les  mains  ’ 

Bbbij 


ï  6  6  4. 


M.  de  Tracy 

eft  nommé 
Vice-Roy  de 
l’Amérique  ! 
par  Commif- 
iw». 


S,  SmVG»v’”™““  GénSS &  M. 'Robert  Imcnd.».  d« 

b  LeUdiÏneuvl"me  de  Novembre  de  la  "«me  année  1663. 

1  a.  un  Brevet  de  Lieutenaiu  Creiierai  ,  avec 

le  Pouvoir  &  la  Gomnuffion  de  Viceroy  dans  l’.A««ISF  > 
r°  „  ..Al„anjre  deProuville  ,  Marquis  de  iRA- 

CY  ™ lieutenant  Général  de  fes  Armées  ,  &  lui  donna  ordre 
L  fè  tranfporter  aux  Mes  du  Vent,  de  paffer  enflure  a  Saint- 

?y‘ ÆnWC£  MES  .WtSgj- 

mettant  les 

îrT°de  Vracypartit  au  commencement  de  l’année  fuivan- 
te  &  ce  fut  peu  de  tems  après  fon  départ ,  qu  on  reçut  a  la 

SpbSd'OTOT  dans  b  Nouvelle  France  des  Familles  pour 
laoeupler  &  cle  les  choifir  dans  l’Ifle  de  France  ,  dans  la  No  - 
^  iP  |  ’  Picardie  &  les  Provinces  circonvoiiines,  parce  qu« 
îes  Peupi  d  fïon  y  étoient  laborieux ,  induftrieux ,  pleins 
de  ReSon  au  lieu  que  dans  les  Provinces  les  plus  proches 
des  Ports  où  fe  faifoient  les  embarquemens ,  il  y  avoir  beau¬ 
coup ^Hérétiques ,  &  les  Habitans  y  «oient  moins  propres  a 

h  Dès^ueleRoy  fe  fut  déterminé  à  rappeller  M.  de  Mefy, 
il  lui  donna  pour  Succeffeur  Daniel  de  Remi  ,  Seigneur  de 
Coup  celles, Officier  de  mérite  &  d’expérience ,  &S.  M.choi- 
fitpour" prendre  la  place  de  M.  Robert, M LT  alon  qui  etou in¬ 
tendant  en  Hainaut.  Le  vint-umeme  de  Mars  1665  .  les  Prov 
fions  de  ces  Meilleurs  furent  fignées  ,  &  on  y  joignit  une  Com 
1  6  6  5  •  (j-,on  particulière  pour  informer,  conjointement  avec  le  Mar- 
qùfde  Cy  ,  contre  M.  de  Mefy  avec  ordre  au  cas  qu  .1 
fût  trouvé  coupable  des  faits ,  dont  il  etou  accufe ,  de  1  arrêter , 
&  de  lui  faire  Ion  procès.  Enfin  les  ordres  furent  donnes  p 
lever  des  Habitans ,  &  pour  faire  embarquer  le  Reg.ment  n 


M.  de  Cour- 
celles  eft  nom¬ 
mé  Gouver¬ 
neur  de  la  N. 
ï rance,  &M. 
Talon,  Inten¬ 
dant. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  381 

Carignan  -  Salières ,  nouvellement  arrivé  de  Hongrie  ,  où  il  — - 
s’étoit  fort  diflingué  dans  la  guerre  contre  les  Turcs  ,  8c  qui  1  5. 

étoit  defliné  pour  la  faire  aux  Iroquois. 

M.  de  Tracy  arriva  à  Quebec  au  mois  de  Juin  ,  avec  Grind  fa 
quelques  Compagnies  du  Régiment  de  Carignan,  qui  l’a-  cours  arrivé  aT 
voient  accompagné  aux  Mes  ,  &  il  en  détacha  une  partie  ^auad1 :  !cs 
avec  des  Sauvages  ,  fous  la  conduite  du  Sieur  deTilli  de  theT™  fe 
Repentigny  ,  Capitaine  ,  pour  donner  la  chaffe  aux  Iro¬ 
quois ,  qui  avoient  recommencé  leurs  courfes.  Il  n’en  fallut 
pas  davantage  pour  obliger  ces  Barbares  à  faire  retraite  ;  & 
le  fruit  de  cette  première  Expédition  fut  que  les  récoltés 
fe  firent  en  toute  fûreté.  Lerefte  du  Régiment  de  Carignan  , 
à  quelques  Compagnies  près ,  arriva  avec  M.  de  Salières  , 
qui  en  étoit  Colonel ,  fur  une  Efcadre  ,  qui  portoit  auffi 
MM.  de  Courcelles  &  Talon  ,  un  grand  nombre  de  Fa¬ 
milles  ,  quantité  d’Artifans  ,  des  Engagés  ,  les  premiers  Che¬ 
vaux  ,  qu’on  ait  vûs  en  Canada  ;  des  Bœufs  ,  des  Moutons  , 
en  un  mot ,  une  Colonie  plus  considérable  que  celle ,  qu’on 
venoit  renforcer. 

Le  Viceroi  ne  perdit  point  de  tems  :  dès  qu’il  eut  reçu  Forts  conf- 
ces  fecours ,  il  fe  mit  à  la  tête  de  toutes  les  Troupes,  &  ™ .da"s  h 
les  mena  à  l’entrée  de  la  Riviere  de  Richelieu  ,  où  il  les  fit  iroquoL 
travailler  en  même-tems  à  la  conflruêtion  de  trois  Forts.  Le 
premier  fut  placé  à  l’endroit  même  ,  où  avoit  été  celui  de  Ri¬ 
chelieu  ,  bâti  par  le  Chevalier  de  Montmagny  ,  &  dont  il  ne 
reftoit  guéres  que  les  ruines.  M.  de  Sorel  ,  Capitaine  dans 
Carignan ,  en  fut  chargé  ,  &  y  fut  laide  pour  Commandant  : 
c’eft  depuis  ce  tems-là  que  la  Riviere  a  pris  fon  nom ,  qu’il 
avoit  donné  au  Fort.  Le  fécond  fut  bâti  au  pied  du  Rapide  , 
que  j’ai  dit  qu’on  trouve  en  remontant  la  Riviere  :  on  lui 
donna  le  nom  de  Saint  Louis  ;  Mais  M.  de  Chambly  ,  Ca¬ 
pitaine  dans  le  même  Régiment ,  qui  en  eut  la  dire&ion  & 
le  commandement ,  ayant  depuis  acquis  le  terrein  ,  où  il  étoit 
fitue  ,  tout  ce  Canton  ,  &  le  Fort  de  pierres  qu’on  a  depuis 
construit  fur  les  ruines  de  l’ancien  ,  portent  préfentement  le 
nom  de  Chambly . 

M.  de  Salières  fe  chargea  du  troifiéme  ,  qu’il  appella  le  Fort 
de  Sainte  Therefe  }  parce  qu’il  fut  achevé  le  jour  de  la  Fête 
de  cette  Sainte  :  il  étoit  trois  lieues  plus  haut  que  le  fécond  ; 

&  le  Colonel  y  choifit  fon  Polie.  Ces  travaux  furent  finis  avec 
une  diligence  extrême  ;  &  il  efl  vrai  que  par-là  on  jetta  d’abord 

*  B  bb  iij 


_  h  Lyrar  parmi  l«Iroquois,  mais  ils  en  revinrent  bientôt  : 

la  r  ,  .  /  Dour  entrer  dans  la  Colo- 

s  06  ç.  on  ne  leur  bouchoit  quun  paiiagt  puui  c 

ni  V  ils  ne  tardèrent  point  à  s’en  ouvrir  plufieurs  autres. 

s!  aL  lîeu  d  "ces  trois  Forts ,  on  en  eut  fait  un  bon  à  Onnon- 

tagué  ,  ou  dans  le  Canton  d’Agmer  ,  &  qu  on  eut  eu  ioin  d  y 

entretenir  toujours  une  nombreufe  Garni.on  ,  on  les  eut 

beaucoup  plus  embarraiïés.  Celui ,  qO.  fubfifte  aujourdhma 

Chamtdy  /ne  laiffe  pas  de  couvrir  la  Colonie  du  cote  de  la 

Nouvelle  York  ,  &  des  Iroquois  Inferieurs. 

Pendant  ce  tems-là  M.  Talon  étoit  refte  a  Québec  ,  ou  il  ne 
demeurait  pas  oifif.  Il  s’y  inftruifit  parfaitement  des  forces  de 
la  nature  ,  &  des  r'effources  du  Pays  &  des  Mua» . d  Çj- 
tohre  il  avoit  achevé  un  Mémoire  raifonne  ,  qu  il  adch  ella  a  M. 
Colbert  11  lui  apprenoit  que  M.  de  Mefy  etoit  mort ,  avant 
que  la  nouvelle  dePia  révocation  fût  arrivée  en  Canada  Sju. 

avoit  été  iugé  à  propos  entre  M.  de  Tracy  ,  M.  de  Courceiies 
AHm  S  Point  informer  contre  la  conduite  de  ce  Gouver¬ 
neur  ’&  que  F  Evêque  de  Petrée  ,  les  Ecclefiaftiques  ,  le  Con- 
feilSÙpérieur  ,  en  tut  mot ,  tous  ceux ,  qu.  s’éto.ent  déclarés  le 
Parties  n’ayant  point  fait  de  nouvelles  inftances  a  ce  fujet ,  1 
avoient  cru  je  Sa  Majefté  " 


histoire  generale 


Mémoire  de 
M.  Talon  en¬ 
voyé  à  M. 
Çolberc. 


avoient  cru  que  oa  ma ^  r 

fes  fautes  fuffent  enfevelies  avec  lui  dans  fon  tombeau. 

Il  parle  enfuite  de  M.  de  Tracy  ,  &  dit  que  1  âge  &  les  1  ’ 
firmités  de  ce  Vice-Roy  faifoient  beaucoup  craindre  que 
Pavsme  le  /offedât  pas  lontems  ;  qu’il  ne  fe  ménageo.t  poin 
du  wut ,  &  que  quand  il  n’auroit  que  trente  ans ,  .1  ne  pourrait 
oas  fe  donner  plus  de  mouvemens  ,  qu’il  s  en  donnoit  .  que  foi 
grand  talent  pour  l’Employ  ,  que  Sa  Majefté  lui  avoir  confie, 
%  rendoit  néanmoins  fort  néceffaire  à  la  Nouvelle  * 

nue  fon  avis  fuppolé  qu’il  demandât  fon  cong~  ,  -  q 
Rov  ne  lui  donnât  point  le  dégoût  d’un  refus ,  mais  1  engagea 

continuer  fes  fermes ,  en  lui  laiffant  la  liberté  du  retour 
&  en  témoignant  qu’il  lui  feroit  plaifir  de  nen  ufer  ,  qu  apres 
fv“r  reconnu  que  fon  abfence  n’apportero.t  aucun  prqud.ee 

aUR  fXoiten  peS mots  for  M.  de  Courçelles  dont  il 
faifoit  au^un  fort  L  éloge ,  &  il  n’en  a  nen  rabhatu  dan 
tems  même  des  démêlés ,  qu’il  eut  avec  ce  Gouverneur  dans^ 
fuite.  Enfin  pour  venir  à  ce  qui  concernoit  la  Co.on  , 
tement  qu’il  ne  connoiffoit  point ,  pour  un  g«nd  vlmi  > 
me  lui,  de  plus  glorieufe  occupation,  que  les  loua  ,  q  ^ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  383 

roit  à  ce  pays  ,  n’y  en  ayant  point  dans  l’Amérique  ,  qui  pût  de-  — 77  ■ 

venir  plus  utile  au  Royaume.  1665. 

»  Mais,  continue -t -il  ,  fi  Sa  Majefté  veut  faire  quel-  « 
que  chofe  du  Canada ,  il  me  paroît  quelle  ne  réüfiira „  qu’en  « 
le  retirant  des  mains  de  la  Compagnie  des  Indes  Occidenta-  « 
les  ;  &  qu’en  y  donnant  une  grande  liberté  de  Commerce  « 
aux  Habkans ,  à  l’exclufion  des  feuls  Etrangers.  Si  au  con-  « 
traire  elle  ne  regarde  ce  Pays ,  que  comme  un  lieu  de  Coin-  « 
merce ,  propre  à  celui  des  Pelleteries  ,  &  au  débit  de  quel-  « 
ques  Denrées  ,  qui  fortent  de  fon  Royaume  ;  l’émolument ,  « 
qui  en  peut  revenir  ,  ne  vaut  pas  fon  application  ,  &  mé-  « 
rite  très-peu  la  vôtre.  Ainfi ,  il  fembleroit  plus  utile  d’en  laif-  « 
fer  l’entiere  direftion  à  la  Compagnie  en  la  maniéré ,  quelle  « 
a  celle  des  IHes.  Le  Roy  en  prenant  ce  parti  ,  pourroit  comp-  « 
ter  de  perdre  cette  Colonie;  car  fur  la  première  déclaration  ,  « 
que  la  Compagnie  a  faite  ,  de  ne  fouffrir  aucune  liberté  de  com-  « 
merce  ,  &  de  ne  pas  permettre  auxHabitans  de  faire  venir  « 
pour  leur  compte  des  denrées  de  France  ,  même  pour  leur  fub-  « 
fiftance ,  toutle  monde  a  été  révolté.  La  Compagnie,  par  cette  « 
conduite  ,  profitera  beaucoup  en  dégraiflant  le  Pays  ;  &  non-  « 
feulement  lui  ôtera  le  moyen  de  fubfifter,  mais  fera  un  obfia-  « 
cle  efientiel  à  fon  établiflement.  » 

Sur  la  fin  de  Décembre  ,  M.  de  Tracy  étant  de  retour  à  Garakomhié 
Quebec  ,  Garakonthié  y  arriva  avec  des  Députés  de  fon  àQuebec- 
Canton  ,  &  de  ceux  de  Goyogouin  &  de  Tfonnonthouan  ■ 
il  fit  de  fort  beaux  préfens  à  ce  Général ,  &  l’affûra  de  la  par¬ 
faite  fourmilion  des  Trois  Cantons.  Il  parla  avec  modefiie  , 
mais  avec  dignité  des  fervices,  qu’il  avoit  rendus  aux  Fran¬ 
çois  ;  puis  il  pleura  à  la  maniéré  du  Pays  le  P.  le  Moyne  ,  qui 
étoit  mort  depuis  peu  ,  &  pour  qui  la  Nation  Iroquoife  a  con¬ 
te1"^  une  grande  efiime.  11  dît  à  ce  fujet  des  chofes  fi  tou¬ 
chantes  &  fi  fpirituelles ,  que  le  Viceroy  &  tous  les  Affifians 
en  urent  extrêmement  furpris  :  il  conclut  en  demandant  la 
paix  ,  &  la  liberté  de  tous  les  Prifonniers ,  que  nous  avions 

*ajJvr  1  nr  ^ro^s5pantons  5  depuis  le  dernier  échange. 

.  de  Tracy  1  écouta  avec  bonté  ,  &  lui  fit  en  particulier  la  guerre  eft 

en  public  beaucoup  d  amitié  ;  il  lui  accorda  toutes  fes  de-  r^objë  contre 
mandes  à  des  conditions  très  -  raifonnables  ,  &  il  le  congé-  !es  Xmels  & 
dia  ,  auffi-bien  que  les  autres  Députés  ,  chargés  de  préfens.  youths.0'" 

Le  fiJence  des  Agmers  &  des  Onneyouths  ,  &  plus  encore  ~~i  6  60  ' 
leur  conduite  paflée ,  ne  laiffoit  aucun  doute  fur  leur  mauvaife 


i  6  6  6. 


les  On- 
neyouths  fe 
foLimectçnt. 


Brutalité  d’un 
Chef  des  Ag- 
niers  punie  fur 
le  champ. 


Expédition 
de  M.  de 
Çourcelles 


HISTOIRE  generale 

3 7  .  O.  :r  fut  réfolu  daller  au  plûtôt  leur  apprendre 
volonté  ,  ,  i  i  de  leurs  infultes  ,  &  de  leurs 

qU’fiaiest0DeuX  Corps  de  houppes  furent  commandés  pour 

:  le  fécond  marcha 

fous  les  ordres  de  M.  de  Sore  •  U  armé  de  ces  préparatifs ,  & 

U  Canton  f  «  I W  .  V‘ 

envoya  des  Oj»  ‘f  £  ,  Mémo.res  ,  qt» 

le  menaçoit.  Il  paiou  r  pl  :r  ÜOur  agir  au 

ces  Députés  avo.ent  un  'Jcote  def  Par- 

nom  des  Agniers  ,  m  .  furprit  &  tua  trois 

tis  en  campagne  ,  &  1™  ^  Ja«IS&  ^ARIN  ,  dont  le 
Officiers ,  MM.  de  Chasy  ,  Tracy’  Ce  ne'  fut  pourtant 
premier  étoit  Neveu  de  M.  tout-à-fait  la  Négociation 

commencée  par  les  uepuie  / 

"ï’j.wCf..  u  85 

gade  de  ce  Canton  ^Montr^u Flamand.  Il  fe  dit 

ners  ,  qui  avoient  a  lei  itaine  ,  fe  voyant  fort 

pofoit  à  le  charger  ,  lo^ue  ce  Capitaine  7 

inferieur  aux  François ^  &  fi  de  Sorei ,  &^ui  dit  d’un 
per,  prit  le  parti  d  aborder  JV  traiter  de  la  paix  avec 

air  fort  affûré  ,  qu  d  a^olt  ,a, ^  ie  conduiüt  lui-mê- 

M.  d«  T„cy  M  d«  g  ‘ ™  iut„  Chef  Agnio 

me  au  Yiceroy  ,  qui  le  reçu  &  fe  donna  encore 

arriva  peu  de  jours  apres  a  Q  ’  n£  douta  point  que 

pour  Député  de  fon  Canton.  difoofés  à  la  Paix  :  mais 

L  Agniers  ne  M»  i  ,ntKs  deû,  prére.d». 

un  jour,  que  M.  de  1  y  ,  tombé  fur  la  mort  de 

Députés  à  fa  Table,  le  Difcours  etan  tombe  lur  * 

M.'de  Chaf^UeChef  qQn 

ce  bras  ,  qui  avoir  caffe  la  tete  mj&m  ^ 

*  B“d  4  ’  ** re,i,n  p,“ 

fonnier.  rmirrelles  aul  ne  fçavoit  rien  de  ce 

D’autre  part  M.  de  Çourcelles  ,  q  >  dans  lg  Canton 

qui  fe  paffoit  dans  la  Capitale  , «  ies  hoftilités  ,  >1 

d’Agnier  ;  mais  avant  que  de  commencer 


i  6  6  6. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  385 

jugea  a  propos  d  aller  s  aboucher  avec  le  Commandant  de 
Corlar  ,  Bourgade  de  la  Nouvelle  York  ,  &  il  tira  parole  de 
cet  Officier  ,  qui!  ne  donnerait  aucun  fecours  aux  Iroquois.  concre les AS~ 
Il  fouffrit  beaucoup  dans  ce  Voyage  ,  quil  ht  au  cœur  de 
l’Hyver ,  les  Raquettes  aux  pieds  ,  &  portant  lui-même  fes 
provifions  &  fes,  armes  ,  comme  le  dernier  des  Soldats  ,  dont 
plufieurs  ,  qui  étoient  nouvellement  arrivés  de  France  ,  fu¬ 
rent  eftropiés  par  le  froid.  Un  peu  plus  d’experience  lui  au- 
roit  appris  ,  que  tandis  ,  qu’il  prenoit  à  fi  grands  frais  une 
précaution  inutne  ,  il  manquoit  fon  coup.  Il  s’en  apperçut 
bientôt  ;  car  étant  entré  dans  le  Canton  d’Agnier  ,  il  en 
trouva  tous  les  Villages  entièrement  deferts  :  les  Enfans ,  les 
Femmes  &  les  Vieillards  ,  seraient  mis  enfûreté  dans  les  Bois  ; 

&  tous  les  Guerriers  avoient  marche  contre  d’autres  Nations  9 
en  attendant  1  iffuë  des  Négociations  con^piencées  par  les  On- 
neyouths.  Il  y  eut  neanmoins  quelques  efc arm ouches  pen¬ 
dant  la  nuit  entre  les  nôtres  9  &  des  Coureurs  Aginers  9 
dont  quelques-uns  furent  tues  9  &  d’autres  demeurèrent  Pri- 
fonniers  :  aucun  François  n’y  fut  bielle  ;  mais  un  Officier  & 
quatre  ou  cinq  Soldats  périrent  dans  cette  Expédition  ,  je  ne 
fçai  par  quel  accident.  1  ^ 

M*  ^e  Courcelles  trouva  à  fon  retour  les  préparatifs  de  m.  de  Tracy 
1  Armement  contre  les  Onneyouths  &  les  Agniers  fort  avan-  marcJlc  contrc 
ces.  Six  cent  Soldats  de  Carignan ,  un  pareil  nombre  de  Ca-  ^™emeCan~ 
nadiens  ,  &  environ  cent  Sauvages  de  differentes  Nations  , 
compofoient  l’Armée  de  M.  de  Tracy  ,  qui  malgré  fon  âge 
plus  que  feptuagenaire ,  voulut  la  commander  en  perfonne. 

Deux  Pièces  de  Campagne  faifoient  toute  fon  Artillerie  ; 
mais  c  en  etoit  affez  pour  forcer  tous  les  retranchemens  des 
Iroquois.  Au  moment  ,  qu’il  fe  difpofoit  à  partir  ,  de  nou¬ 
veaux  Députés  des  deux  Cantons  arrivèrent  à  Quebec  :  il 
les  retint  Prifonniers  ,  &  fe  mit  auffi-tôt  en  marche  le  qua¬ 
torzième  de  Septembre. 

M.  de  Courcelles  menoit  l’Avant-garde  ,  qui  étoit  de  qua¬ 
tre  cent  Hommes.  M.  de  Tracy  étoit  au  Corps  de  Bataille , 
ayant  avec  lui  le  Chevalier  de  Chaumont ,  &  quantité  d’Of- 
fioers.  Mrs.  de  Sorel&  de  Berthier,  Capitaines ,  conduifoient 
Arnere-garde.  On  11  avoit  pris  de  provifions  ,  que  ce  qu’il  en 
talion ,  pour  gagner  le  Pays  ennemi  ,  où  l’on  fe  croïoit  affûré 
d  en  trouver  ;  mais  comme  011  n  eut  pas  affez  de  foin  de  les  mé¬ 
nager  ,  on  avoit  encore  bien  du  chemin  à  faire  ,  quand  elles 
lome  £ 


cc 


q  *  ui  S  T  O  IR  E  GENERALE 

386  H  un  mpnt  L’Armée  étoit  prête  à  fe  débander, 

>6  66.  urqaller  chercher  dequoi  vivre  ,  1°/^,“” ^fter '"fou’à 

Lis  de  Châtaigniers ,  qui  fourn.rent  dequo.  fubùher  julqua 

ce  qu’on  iùt  arrive  aux  premiers  A  il  g  Luva^es  •  tuais 
r  succès  de  fou  Le  Viceroy  s’étoit  flatte  de  furprenore  t  s  -  ‘ÿ  5  j" 

*,  Algonquins ,  qui  'Z 

avoient  donne  1  altarme  ,  "Vieillards  &  de  Femmes  , 

Villages  qu’un  petit  nombre  de  vieilfcrds  « ne 

r,  ■ïïfs  F»if S 

“F>»F:Æ 

trouva  des  vivres  en  abondance.  H  paro't  que i  c  ^ 

étoit  alors  plus  riche  ,  qu  il  n  a  e.e  depu  •  Y  /  .j 

roit  pû  en  nourrir  toute  la  Colonie  pendit  deux  ans  Les 
premières  Bourgades  furent  réduites  en  cendres  . 

dernieres  étoient  un  peu  éloignées  ;  "jals  ”  (  je  (Ju|. 

qui  avo.t  été  lontems  Efclave  dans  ce  Canton  fem t  de  ' Gm 
de  cour  v  aller.  La  plus  proche  fe  trouva  encore  ians ;  m 
bitàiis  •  L  ce  ne  fut  que  dans  la  dermere  ,  _qu  on  rencont 
enfin  l’Ennemi.  Il  s’étoit  perfuadé  ,  qu’on  n’o  eroit  Y  Je^ 

Mtayo.  J  »'of.  T'J  f“  £ 

taque ,  &  s’alla  mettre  à  couvert  dans  des  lieux  , 

pas  poffible  de  le  fuivre.  On  s’en  vengea  fur  e  ’ 

'&  il  n’en  relia  pas  une  feule  fur  pied  dans  tout  ce  Canton. 

11  ne svaflura  II  eft  certain  que,  fi  la  frayeur  navoit  pa  nds 

yohudu  Pais.  b ares  l’Armée  Françoife  eût  pû  fe  trouver  dans  d  S 

embarras  :  mais  h  tête  leur  tourna  ;  &  .h  ne  fongerent 
ni  à  profiter  de  l’avantage  ,  que  la  fituation  &  la ■ 
ce  des  lieux  pouvoient  leur  procurer  ,  ni  a  brûle  q 
ne  pouvoient  pas  emporter  de  leurs  rai  •  1.  par 

M.  'de  Tracy  ne  jugea  pas  à  propos  de  s  affttre  d  eux  :  p* 

un  bon  Fort  :  il  ne  vouloit  que  les  humi  1er  ,  Quand 

dre  que  les  François  étoient  en  état  de  les  foumettre  ,  q 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  387 
ils  voudraient.,  &  il  y  réüffit  :  d’ailleurs,  perfuadé  qué  par  ' 
le  moyen  des  Forts ,  qu’il  avoit  fait  conflruire  fur  la  Riviere 
de  Sorel ,  il  avoit  mis  fuffifamment  la  Colonie  à  couvert  des 
courfes  des  Iroquois  ,  il  crut,  qu’il  étoit  plus  convenable  de 
fortifier  &  d’augmenter  les  Etabliflemens  du  Fleuve  S.  Lau¬ 
rent  ,  &  c’étoit  tout  ce  qu’il  pouvoit  faire  avec  les  Trouppes , 
qu’il  avoit  en  fa  difpofition. 

Ce  point  étoit  un  de  ceux  ,  qui  avoientété  plus  expreffément 
recommandés  à  MM.  de  Coure  elle  s  &  Talon.  »  L’une  des 
chofes  ,  qui  a  apporté  plus  d’obftacle  à  la  peuplade  du  Cana-  « 
da  ,  difoit  M.  Colbert  dans  FinfiruRion  ,  qu’il  donnoit  à  Fin-  « 
tendant ,  a  été  que  les  Habitans  ont  fondé  leurs  Habitations  ,  « 
où  il  leur  a  plu  ,  &  fans  avoir  eu  la  précaution  de  les  joindre  « 
les  unes  aux  autres ,  pour  s’aider  &  s’entrefecourir.  Ainfi  ces  « 
Habitations  étant  éparfes  de  côté  &  d’autre  ,  fe  font  trouvées  « 
expofées  aux  embûches  des  Iroquois.  Pour  cette  raifon  le  Roy  « 
fit  rendre,  il  y  a  deux  ans,  un  Arrêt  de  fon  Confeil,  par  lequel  il  « 
fut  ordonné  que  dorefn avant  il  ne  ferait  plusv  fait  de  défriche-  « 
ment,  que  de  proche  en  proche,  &  que  Fon  réduirait  nos  Habi-  « 
tâtions  en  la  forme  de  nos  Paroiffes ,  autant  que  cela  ferait  pofii-  « 
ble.  Cet  Arrêt  eft  demeuré  fans  effet  fur  ce  que  ,  pour  réduire  « 
les  Habitans  dans  des  corps  de  Villages  ,  il  faudrait  les  affujet-  « 
tir  à  faire  de  nouveaux  défrichemens  ,  en  abandonnant  les  leurs.  « 
T.  outefois  comme  c  eff  un  mal  ,  auquel  il  faut  trouver  quelque 
remede  ,  Sa  Majefté  laiffe  à  la  prudence  du  Sieur  Talon  d’avi-  « 
fer  avec  le  Sieur  de  Courcelles ,  &  les  Officiers  du  Confeil  Sou- 
verain  ,  aux  moyens  de  faire  exécuter  fes  volontés.  « 

Il  y  avoit  fans  doute  de  l’inconvénient  à  s’établir  ainfi  dans 
des  lieux  fi  éloignés  les  uns  des  autres  ,  que  les  Habitans  ne 
fuflent  pas  a  portée  de  fe  prêter  fecours  en  cas  d’attaque  ;  mais 
il  paraît  que  le  plus  court  pour  y  remedier  étoit  de  bien  forti¬ 
fier  la  tète  du  Pays  contre  les  Ennemis  préfens  ,  &  contre  ceux, 
quil  etoit  facile  de  prévoir  qu’on  ne  manquerait  pas  d’avoir 
tôt  ou  taiffi  fur  les  bras.  Le  Reglement ,  dont  parle  ici  M,  Col¬ 
bert  ,  a  ete  renouvelle  plus  d’une  fois ,  mais  toujours  inutile¬ 
ment.  L  intérêt ,  plus  puiffant  que  la  crainte  ,  a  fouvent  porté 
les  Particuliers  a  fe  placer  dans  les  endroits  les  plus  expofés  , 
ou  la  facilite  de  la  Traitte  leur  ôtoit  la  vûë  du  péril  ,  &  les 
plus  fâcheufes  expériences  n’ont  pu  les  rendre  fages. 

Pour  revenir  à  M.  de  Tracy  ,  il  auroitbien  fouhaité  de  pou¬ 
voir  traiter  le  Canton  d’Onneyouth  ,  comme  il  venoit  de  faire 

Ccc  ij 


1  66  b. 


La  Cour  ne 

veut  pas 
qu’on  éten- 
de  trop  la 
Colonie. 


i  6  6  6* 


,oo  HISTOIRE  generale 

3  lui  (VA  pilier  •  mais  la  fin  d'Oftobre  approcboit,  &  pour  peu 

Ce3’U1f5it  Hifferé  fon  retour,  il  auroit  couru  nfque  de  trouver 

rilv ie£s Ï  acées  &  d’être  harcelé  dans  fa  retraite  par  un 
les  ruvieres  gia  ’  1  affaiblir  beaucoup.  Les  che- 

nieyaTd3  Lai  S 

plain  avec  quelques  Soldats.  fi  pendre  pour 

1  T  P  Vire -Roy  à  fon  arrivée  a  V^uenec  ,  nt  v 

moigné  beaucoup  de  bonte.^H  ç.  à  pIflPe  R0ya- 

&  qu’elle  fut  eut, ère- 

ment  abandonnée  quelques  années  apres.  rj,  repaffa  en 

ilSSép 

rtStrn  fait  la  précédente  ,  ainfi  que  M. 

SdtsŒsaïj 

o,.,,,.™  k  LÏmSton' J»  Iroquois  étoit  une 

i“.‘, domonPou,o«  protor^,  CTg.ge  ■  &  Jej  folSo. 

S  J.  i“  p^.*?C5^ifSSS 

mpfnre  nnon  s’v crutplus  en  furete  ;  ce  zele  pour  la  eu 
£  des’lnfidéles7,  don? tous  les  Habitans  avo 
là  suffi  animés  ,  que  les  Ouvriers  Evangéliques  ,  le  raL-n  p 
à  ueu  dam  “s  premiers;  &  les  féconds  ne  trouvèrent  plus  tou¬ 
jours  dans  les  Chefs  le  même  apuy  ,  quds  avoient  trouve  ^  ^ 
leurs  Prédéceffeurs.  De  forte  qu’ils  fe  virent  Çre^“e,ib  ^  & 
regretter  ces  tems  d’orage  &  de  calamite  ,  ou  e  fflêlé 

leur  vie  même  ne  tenoient  a  rien  ,  &  ou  leur  la  g , 

(  a  )  L’UIc  de  Cap  Breton. 


M.  de  Tracy 

retourne  en 
ïrance. 

1667. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  389  _ 

avec  leurs  fueurs ,  multiplioient  les  Chrétiens  à  vûë  d’œil.  1667. 

Le  relâchement  gagna  les  Néophytes  ,  mais  il  fit  d’abord  des  En  <.]ud 
progrès  allez  infenfibles.  Plufieurs  Bourgades  Sauvages  Ce  trou  voit 

Soutinrent  même  dans  leur  première  ferveur ,  tant  quelles  fub-  kTlIÛZl 
il  Itèrent  ;  mais  les  maladies  en  ayant  bientôt  dépeuplé  quel-  &  V.w 
ques-unes  ;  d’autres  s’étant  didipées  ,  fans  qu’on  en  ait  jamais  ç°is* 
bien  pu  fçavoir  la  caufe  ,  on  ne  fit  rien  pour  les  rétablir.  Par¬ 
mi  les  François  ,  au  tems ,  dont  je  parle ,  la  pieté  s  etoit  fi  bien 
affermie  depuis  le  Tremblement  de  Terre  ,  dont  on  reffentit 
encore  en  1665.  quelques  fecouffes  ,  accompagnées  de  ces 
Météores  ,  qui  effrayent  toujours  la  Multitude  ,  quelque  na¬ 
turels  qu’ils  foient ,  quelle  caufa  de  l’admiration  à  ceux ,  qui 
arrivèrent  de  France  les  années  fui  van  tes.  ’  1 

On  remarqua  même  que  parmi  les  nouveaux  venus  ,  les  plus 

libertins  ne  pouvoient  tenir  lontems  contre  les  exemples  de 
vertus  ,  qu’ils  avoient  fans  ceffe  devant  les  yeux  ,  &  qu’au  bout 
de  fix  mois  plufieurs  netoient  plus  reconnoiffabîes ,  &  ne  fe 
reconnoiffoient  plus  eux-mêmes.  Les  Soldats  ne  parloient  de 
la  guerre  des  Igoquois  ,  que  comme  d’une  guerre  fainte  ,  du 
fuccès  de  laquelle  dépendoit  la  converfion  des  Infidèles.  Deux 
Ecclefiafliques  &  deux  Jefuites  ,  qui  accompagnèrent *M.  de 
Tracydans  fon  Expédition,  ont affûré  à  leur  retour  que  bien 
des  Maifons  Regulieres  netoient  ni  mieux  réglées ,  ni  plus  édi¬ 
fiantes,  que  l’avoit  été  cette  petite  Armée.  Audi  avoit-elle  un 
Chef ,  dont  les  vertus  Chrétiennes  auroient  fait  honneur  aux 
Religieux  les  plus  parfaits.  Il  en  a  laide  dans  la  Nouvelle  France 
des  marques  ,  qui  ne  s’y  effaceront  jamais  ,  &  une  odeur  de 
pieté  ,  dont  l’impredion  dure  encore. 

Toute  l’Ide  de  Montreal  reffembloit  à- une  Communauté  Re- 
îgieufe.  On  avoir  eu  dès  le  commencement  une  attention  par¬ 
ticulière  à  n’y  recevoir  que  des  Habitans  d’une  régularité 
exemplaire  ,  ils  etoient  d’ailleurs  les  plus  expofés  de  tous  aux 
courfes  des  Iroquois  ,  &  ainfi  que  les  Ifraëhtes ,  au  retour  de  la 
captivité  de  Babylone  ,  ils  s  etoient  vû  obligés  en  bâtidfant  leurs 
Maifons  ,  &  en  défrichant  leurs  Terres ,  d’avoir  prefque  tou- 
jours  leurs  outils  d’une  mam  ,  &  leurs  armes  de  l’autre ,  pour 
fe  défendre  d un  Ennemi ,  qui  ne  fait  la  guerre  ,  que  par  fur- 
priie  ;  ainli  les  allarmes  ,  qui  les  tenoient  toujours  en  crainte 
avoient  beaucoup  fervi  à  conferver  leur  innocence  ,  &  à  ren¬ 
dre  leur  piété  plus  folide. 

Au  milieu  de  tant  de  fujets  de  confolation  une  chofe  in- 


i  66 7. 

On  veut 
francifer  les 
Sauvages. 


Pourqaoi  ce 
projet  ne  reul- 
lit  point. 


Des  Mines 
de  fer. 


HISTOIRE  generale 

auLtoit  extrêmement  les  Millionnaires.  Rien  n’avoit  été 
Sus  recommandé  à  M.  Talon  ,  que  d’engager  ces  Religieux 
à  inftruire  les  Enfans  des  Sauvages  dans 

a,  4  ies  accoûtumer  à  notre  façon  de  vivie.  J  ai  du  plus  haut 
mieux-mêmes  en  avoient  eu  la  penfée  plufteurs  années  aupa- 

®t,  teo'xî  s  sa  a«n  sas* 

communiqua  Us ^Ordres  duc  ^  ^  aJbuaà  renyie  dêtre 
üfeuL  Maître;  des  Sauvages ,  &  de  vouloir  par-là  fe  rendre 
—  qu-il.  n.  1-é.okm 

aefai  e  cecme  fouhaitoitlaCour;  mais  l’.nut.l.te  de  leurs  ef- 

fnrrs  iuftifia  bientôt  les  Millionnaires  ,  &  le  ISkrquis  de  Tra- 
rv  ne  contribua'pas  peu  dans  la  fuite  à  diffiper  les  ombrages, 

^  ;r  ;nfn;rés  au  Miniftre  contr’eux.  Il  avoit  entendu  par 

qu on  ^oit mlpires  au Mmiure  ^  ^ ^  f  ^  lieux;ll 

1er  du  projc  ,  g  Jefuites  combien  il  étoit  im- 

avoir  compris  auiii-bien  que  les  j  eiu  ,  rouelles  & 

pratiquable  &  dangereux  ,  &  quoique  M  .  j  en 

Talon  perfiftaflënt  dans  leurs  préjugés  ,  M.  Golber q 
reconnut  enfin  lïnjuftice ,  accorda  fmcerement  fon  amitie  a  ces 
Millionnaires ,  pour  qui  il  avoir  toujours  eir  ««e  jemable  e  l 
me  ■  fe  déclara  dans  toutes  les  occafions  leur  Frotetteu  , 

leur  témoigna  jufqu’à  la  fin  de  fa  vie  une  confiance  entière  pour 
leur  tune  g  J  J  r  c:ce  de  leurs  Fondions. 

toc33SS-««  tous  les  iours,de  nouveauex 

Cependant  a  Nouvelle  France  par  le  commerce. 

IM  fatîok  pour  cela  trouver  des  retours  proportionnés  aux  avait- 

tout  fort  à  cœur  les  Mines  de  fer  ,  quon  affuroit  V  erre  tr 

î::1  à  osé 

geurs  ,  trouver  de  l  arge  ,  s  d’Àoût  de  l’année  1666. 

plus  heureux  pour  le  fer  Des  ,e  dans  la  Baye 

al  avoit  envoyé  le  oieur  ac  l  a 


1667» 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  39, 

u*  ajb  ou  Çe  Mineur  découvrit  une  Mine,  qui  lui  parut  très- 
abondante  ;  il  efpera  même  d’y  trouver  du  cuivre ,  &  peut-ên-e 
de  1  argent.  Dans  le  Journal  ,  qu’il  fit  de  fon  voyage  il  re 
marqua  que  par  tout ,  où  il  travailla ,  la  Terre  étoii  encore  ren- 
veriee  par  le  I  remblement  de  Terre  de  166-. 

__M.  Talon  étant  retourné  en  France  en  166S.  engagea  M 
Colbert  a  luivre  ces  découvertes  ,  &  le  Sieur  de  la  Potar- 
diere  fut  envoyé  en  Canada  à  ce  delfein.  A  fon  arrivée  à  Qué¬ 
bec  on  lui  préfenta  des  épreuves  de  deux  Mines  ,  que  MT  de 
Courcelles  s’etoit  fait  apporter  des  environs  de  Champlain  & 
du  Cap  de  la  Magdeleine  (a).  L’une  étoit  en  fable ,  &  l’autre 
etoit  en  maffe  :  la  Potardiere  fe  tranfporta  fur  les  lieux ,  &  à  fon 
retour  a  Quebec  il  déclara  qu’il  n’étoit  pas  poffible  de  voir  des 

Mmes ,  qui  promirent  davantage  ,  foit  pour  la  bonté  du  fer  , 
ioit  pour  1  abondance.  y 

On  efperoit  auffi  beaucoup  d’une  Tannerie,  dont  les  pre-  Liberté  du 
miers  ellais  avoient  parfaitement  réiilïi  ;  ce  qui  ,  joint  à  la 
liberté  du  Commerce  ,  qui  fut  publiée  cette  même  année  1 668. 
taiioit  concevoir  de  grandes  efperances  à  ceux ,  qui  s’interef- 
foient  au  Canada.  Il  n’eft  pas  encore  bien  aifé  de  fçavoir  , 
ce  qui  les  a  fait  évanouir  :  il  eft  du  moins  certain  que  ces 
mmes  de  fer  que  1  œil  perçant  de  M.  Colbert  &  la  vigilan¬ 
ce  de  M.  Talon,  avoient  fait  découvrir  ,  après  avoir  pref- 
qu  entièrement  difparu  pendant  plus  de  foixante-dix  ans  ,  vieil- 
nent  dette  retrouvées  par  les  foins  de  ceux  ,  qui  occupent 
aujourd hui  leur  place  ,  &  qui  leur  reffemblent  trop,  p 
ne  pas  donner  lieu  d’efperer  ,  qu’ils  entreront  dans  le 

V  Ll  C .  j  ■ 


commerce  pu¬ 
bliée  en  Cana¬ 
da. 

166  8. 


)our 

leurs 


Tandis  que  ces  chofes  fe  paflbient  dans  le  centre  de  la 
Colonie ,  de  nouvelles  Miffions  fe  formoient  vers  le  Lac  Su- 
peneur.  Fort  peu  de  tems  après  qu’on  eut  reçu  à  Quebec 

11"  VVc  ,de  \T^r£  du  P’  MefnaM ,  les  mêmes  Oubliais 
avec  ldquds  ce  Miffionnaire  en  étoit  parti  y  revinrent  chari 

Pejftenes  comme  ils  perfiftoient  toujours  dans 
e  delfein  dattirer  chez  eux  les  François  ,  afin  de  s’éparenër 

'ore 'un  Jefifite"  ^  vo>ragês  ’  iIs  demanderenifen- 

ïroient  aSompagnÎ/Së^ pLT  '  ™  Y  V°U ' 

Le  trille  fort  des  deux  premiers  (  a  )  ,  qu’on  leur  avoit 

o)  ui  iï:  cndcîà  dcs  Trois  Ri™ra' 


Nouveau 
voyage  à 
rOueit  &  au 
Nord. 


i  6  6  8, 


Superftitions 
4^s  Outaouais. 


HISTOIRE  GENERALE  • 

% .  fe-s»  f?  S'SSîSu-r  5SÎ 
sp  «»  ;  t  p-irp». 

“  st,„“rie„dr'2ïSià  dl  Milite..  !  de  te  écout.r  ,  «... 

s:  bPtA«.  zssïïrjaæs.  c 

les  réglés  dune  prudenc  ^  p’(je  jamais  de  frapper  à 

P  $& s» 

s£Spr  *  £s*i;î; 

rent  punis  fur  le  champ  ;  a  P?"  V  Gèrent  tou  -  Le  Ser’ 
que  leur  Canot  tourna  ,  &  lls  ^"^fces  mauvais  trai- 

™»  * “TI  C  TSSS  !..  y.»  * 

temens  ,  s  il  eut  pu  venir  a  „ .  .  ,  ;s  ;[  COmpnt 

ces  Infidèles  fur  leurs  ndicu  es  P  uerverfe  &  que  rien 
bientôt  qu’il  avoit  affaire  a  une  Nation  perver  ,  1 

ne  pouvoir  amolir  la  durete  de  onJ'aj1jlrV  pouJre  qu’ils 
te  feu  avant  pris  un  jour  à  un  Baril  de  Poudre i ,  < ï« . 

avoient  apporté  de  Quebec  ,  plufieurs  ep  uren  Soleil  ;  les 
défaut  de  remedes  humains ,  ils  eurent  recou  b 

Jongleurs  s’affemblerent ,  &  préparèrent  P  .g  j’ex- 

qui  commença  par  des  Chants  accompagne  ^  p^rénéti  ues  ; 
travagances  :  on  auroit  dit  pne  1  rouppe  ae  J1  ju, 

&  cite  Scene,  qui  infpiroit  je  ne^,quelle  hormir^  du^ 

ra  fort  lontems.  Enfuite  ,  dix  ou  douze  d P '  _  1  ^  an(Js 
s’affirent  en  rond  autour  d’un  petit  feu  ;  us  pc >  «  S  ;f, 

cris ,  &  regardoient  fans  ceffe  le  Soleil  >  ,1e  plu* 

foient  offrir  la  flamme,  ou  la  fumee  de  cfn7'’ AftVe , 

vieux  delà  Trouppe  fe  leva  ,  &  fe «>«>>>  aux  Malades, 
il  le  conjura  à  haute  voix  ,  ^  rendre  la  fant i  auxM  ] 


W-  *  U  ïi  XBe  Soleil  ne  guérit  perfonne.  Alors ,  le 
Miffionnaire  ne  pouvant  P^^^X^hofo  fi  for’tes ,  qu’un 


i  6  <5  8, 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  m 
des  Chrétiens  ,  le  reconnoiffant  pour  lunique  Divinité  ,  qui 
méritât  d 'être  invoquée  ,  &  pour  le  Maître  fouverain  de  la 
maladie  &  de  la  fanté  ;  mais  l’Idolâtre  ,  que  le  Pere  avoit 
apoftrophé  ,  entra  dans  une  Iî  grande  fureur  contre  lui  ,  qu’on 
crut  qu’il  alloit  l’immoler  au  Soleil.  Tout  aboutit  néanmoins 
à  brûler  le  Canot ,  qui  l’avoit  porté. 

Le  premier  de  Septembre  ,  ils  arrivèrent  au  Sault  Sainte 
Marie  ,  qui  eft  ,  comme  je  l’ai  déjà  obfervé  ,  dans  le  Détroit , 
par  où  le  Lac  Supérieur  fe  décharge  dans  le  Lac  Huron.  Le 
P.  Allouez  ne  s’y  arrêta  point  j  il  employa  tout  le  mois  de 
Septembre  à  parcourir  la  Côte  Méridionnale  du  Lac  Su¬ 
périeur  ;  il  y  rencontra  plufieurs  Chrétiens  baptifés  par  le 
P.  Mefnard  ,  qui  furent  charmés  de  le  voir ,  &  qu’il  fortifia 
dans  la  Foy.  Il  eut  auffi  la  confolation  d’allûrer  par  le  Bap¬ 
tême  ,  le  falut  éternel  de  plufieurs  Enfans  moribonds  ;  &  le 
premier  d’Oftobre  ,  il  arriva  à  Chagouamigon.  Il  y  fut  reçu 
dans  une.  grande  Bourgade  ,  où  l’on  comptoit  au  moins  huit 
cent  Guerriers  de  differentes  Nations  :  il  commença  par  v 
bâtir  une  Chapelle  ,  qui  fut  bientôt  fréquentée  d’un  allez  bon 
nombre  de  Profélytes. 

Le  preihier  ,  qui  lui  demanda  le  Baptême  &  qui  le  reçut , 
fut  le  Malade ,  qui  pendant  le  voyage  ,  touché  de  fes  remon¬ 
trances  ,  avoit  renoncé  aux  remedes  fuperflitieux  ,  que  Ton 
commençoit  à  lui  faire  :  il  avoit  été  guéri  ,  après  s’être  adrefi- 
fé  au  Dieu  des  Chrétiens  ;  &  il  ne  doutoit  point  qu’il  ne 
lui  en  fût  uniquement  redevable.  Il  fe  fit  alors  une  Affem- 
blée  de  dix  ou  douze  Nations,  qui  entendoient  toutes  la  Lan¬ 
gue  Algonquine  ;  &  l’Homme  Apofiolique  ,  qui  fçavoit  fort 
bien  cette  Langue  ,  ne  manqua  pas  une  fi  belle  occafion 
d’exercer  fon  zélé.  Il  parla  lontems  de  la  Religion  Chrétien¬ 
ne  ,  d’une  maniéré  vive  &  pathétique  ,  mais  proportionnée 
à  la  capacité  de  fes  Auditeurs  :  il  fut  fort  applaudi  ;  mais  ce 
fut  tout  le  fruit  qu’il  en  tira. 

Outre  l’obftaçle  ,  qu’oppofoit  à  l’efficace  de  la  parole  de  Croyance  des 
Dieu  le  naturel  dur  &  féroce  des  Sauvages  de  ces  Contrées ,  Oucaouais' 
le  Millionnaire  des  trouva  tous  auffi  fuperfiitieux  que  les  Ou- 
taouais.  Il  raconte  dans  fes  Lettres  ,  que  paffant  dans  un 
Village  de  ces  derniers  ,  il  vit  une  Idole  élevée  au  milieu  de 
la  Place  ,  tout  le  monde  occupé  à  lui  facrifier  des  Chiens  , 
pour  obtenir  la  guérifon  d’une  maladie  populaire  ,  dont. plu¬ 
fieurs  éjtoient  déjà  morts.  Quelques-uns  lui  apportoient  aufii 
Tome  L  Ddd 


i  6  6  8. 


Leurs  moeurs 
8:  leurs  prati¬ 
ques. 


VM  histoire  generale 

des  offrandes  pour  d’autres  befoins  ;  &  outre  ces  Sacrifices 
oublies  ii  s’en  faifoit  encore  de  particuliers  dans  les  Laban- 
nes  :  mais  le  Millionnaire  n  explique  point  quelle  etoit  cette 
Divinité ,  &  peut-être  n’en  put-il  rien  apprendre  de  certain. 

Quand  les  Outaouais  naviguent  fur  les  Lacs  ,  &  quils  y 
font  furpris  d’une  tempête  ,  ils  égorgent  un  Chien  ,  ou  quei- 
qu’autre  Animal  ,  &  le  jettent  dans  l’eau  ,  en  difant  au  Dieu 
du  Lac,  Appaifi-toi  ,  voici  mon  Chien  ,  que  ie  te  donne.  Dans 
le  commencement  les  Néophytes  faifoient  la  meme  chofe  en 
l’honneur  du  vrai  Dieu  ;  &  on  eut  bien  de  la  peine  a  leur 
perfuader  qu’il  nevouloit  pas  être  adore  de  la  forte.  L  aveu¬ 
glement  de  ces  Peuples  alloit  jufqu’à  croire  que  le  Soleil 
étoit  un  Homme  ,  mais  d’une  efpéce  fort  fupeneure  a  la  no¬ 
tre  ,  &  que  la  Lune  étoit  fa  Femme.  Iis  difoient  la  meme 
chofe  de  la  Glace  &  de  la  Neige  ^  qu’ils  pretendoient  aller 

habiter  un  autre  pays  pendant  lEté.  .  , 

Iis  s’imaginoient  encore  que  les  Oyfeaux  avoient  entr  eu 
un  Langage  ,  qui  étoit  entendu  de  quelques  Hommes  :  ap¬ 
paremment  que  leurs  Jongleurs  leur  faifoient  accroire  qun 

en  avoient  l’intelligence.  Ils  difoient  que  1  Ame  d  un  - 
fon  mort  rentre  dans  le  corps  d’un  autre  Poiflon  ;  aufn  nen 
brûloient-ils  point  les  arrêtes ,  de  peur  de  xhoquer  ces  Ames , 
&  d’empêcher  que  les  Poiffons  ne  le  laiffaffent  point  prendre 
dans  leurs  filets.  Enfin  ,  ils  avoient  en  fmguhere  vénération 
un  certain  Animal  extraordinaire  ,  que  plufieurs  ailuroiei 
avoir  vû  en  fonge ,  mais  dont  ils  ne  pouvoient  pourtant  pas 
dire  quelle  étoit  la  figure  ;  quelques  -  uns  le  con^d^f 
avec  Mirabichi ,  le  Dieu  des  eaux  ,  dont  IHifloire  tabuleufe 
&  ridicule  ,  varie  félon  les  differentes  Nations  ,  qui  le  recon- 

Le  culte  relatif  à  une  croyance  fi  bizarre  ,  aboutiffoit  pief- 
que  toujours  à  des  feflins ,  des  chants  ,  des  danies  ,  des  de- 
bauches ,  des  cbfcenités ,  où  rien  n  étoit  voile.  La  polyga¬ 
mie  ,  la  diffolution  des  mariages  ,  le  libertinage  dans  les  deu 
fexes  reenoient  parmi  ces  Barbares  à  un  point  ,  que  me 
loin  d’avoir  honte  des  excès  les  plus  crians  ,  ils  y  avoie 
même  attaché  une  idée  de  Religion.  Quand  un  Sauvage  . 
mandoit  quelque  chofe  à  fon  Génie  familier  ,  il  jeunoit  jul- 
qua  ce  qu’il  eût  eu  un  fonge  ,  qui  f  affûtât  d  avoir  obtenu  ce 
qu’il  defiroit.  Quant  àce  qui  regarde  les  maladies  ,  le 
principe  de  leurs  Médecins  etoit  ,  qu  ordinairement  e  e 


'  DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lxv.  IX.  395 

viennent ,  que  de  ce  que  Ton  a  manqué  à  faire  un  fefiin  après  — T71C~ 
une  Chafie  ,  ou  une  Pêche.  Quelquefois  néanmoins  ils  les  1 
attribuoient  à  un  mauvais  Génie ,  qui  s’étoit  jette  fur  la  par¬ 
tie  malade  ,  &  qui  avoit  été  envoyé  par  un  Ennemi.  Le  Jon¬ 
gleur  appelle  pour  traiter  le  Malade  ,  après  avoir  fait  fes 
réflexions  ,  &  beaucoup  de  limagrées ,  ordonnoit  un  feflin , 

&  fe  retiroit  en  promettant  une  prompte  guérifon. 

Il  fe  rencontra  encore  à  Chagouamigon  un  grand  nombre  Ce  qui  & 
de  Hurons  Chrétiens  ,  en  qui  le  défaut  d’inftruâion  ,  &  la  Paffe  entre  ,c 
privation  des  Sacremens  avoient  un  peu  altéré  la  croyan-  fis  pouteoua- 
ce ,  &  dont  le  commerce  avec  tant  de  Nations  infidèles  avoient  tamis, 
encore  plus  corrompu  les  mœurs.  Le  P.  Allouez  travailla 
avec  zélé  à  les  remettre  dans  le  bon  chemin  ,  &  y  réüilit. 

Trois  c Qnt  Pouteouatamis  y  vinrent  a li fil  1  de  leurs  Ifies  ,  où 
toute  la  Nation  étoit  encore  réunie.  Dès  qu’ils  furent  arri¬ 
vés  ,  le  Millionnaire  les  vifita  ,  &  en  fut  reçu  avec  difiinc- 
tion  ,  mais  d’une  maniéré  affez  bizarre.  D’abord  celui ,  qui 
menoit  la  Bande  ,  lui  demanda  fes  fouliers  ;  le  Pere  les  lui 
donna,  &  après  que  ce  Sauvage  les  eut  bien  confiderés  ,  il 
voulut  les  lui  remettre  ,  en  difant  que  c’étoit  parmi  eux  une 
marque  de  refpeft.  Tous  charmèrent  le  P.  Allouez  par  leur 
douceur  ;  &  les  infirufiions  ,  qu’il  leur  fit  ,  ne  furent  pas 
inutiles. 

Il  y  avoit  parmi  eux  un  Vieillard  ,  qui  approchoit  fort  de 
fa  centième  année  ,  &  qui  paffoit  dans  fa  Nation  pour  un 
Homme  divin.  Il  jeûnoit,  difoit  -  on  ,  jufqu’à  vint  jours  de 
fuite ,  fans  rien  prendre  ,  &  voyoit  fouvent  l’Auteur  de  tou¬ 
tes  chofes.  C’eft  ainfi,  que  ces  Sauvages  s’exprimoient  ordi¬ 
nairement  ,  lorfqu’ils  parloient  du  vrai  Dieu.  Il  tomba  mala¬ 
de  à  Chagouamigon  ,  &  on  défcfpéra  bien-tôt  de  fa  vie.  Deux 
de  fes  Filles  ,  qui  avoient  été  des  plus  afîiduës  aux  infiruc- 
tions  du  Millionnaire  ,  &  en  avoient  été  touchées  ,  lui  redi¬ 
rent  tout  ce  qu’elles  en  avoient  pû  retenir  ,  &  rengagèrent  à 
s’en  infiruire  par  lui-même.  Il  y  confentit  ;  le  P.  Allouez  averti 
par  fes  deux  Profelytes  ,  lui  rendit  vifite  ,  le  trouva  extrême¬ 
ment  docile  ;  &  ne  jugeant  pas  qu’il  dût  aller  bien  loin  ,  le 
baptifa. 

Sur  ces  entrefaites  arriva  le  temps  de  la  Fête  des  Son- 
‘ges  :  le  Moribond  appella  le  Millionnaire  ^  &  le  pria  de  lui 
donner  une  couverture  bleue  ;  le  Pere  voulut  fçavoir  dans 
quelle  vûë  il  faifoii  cette  demande  :  C’efi  ,  dit  -  il  ,  que  * 

D  d  d  ij 


1 668 


„6  H  I  S  T  O  1  P.  E  GENERAL  E 
le9 bleu  eft  la  çouleur.du  Ciel  «h  j’e^e  aller  b-mot ,  & 


i.  bleu  elt  la  couleur  au  aiti ,  ^  j  ~  r  . 

„  dont  je  veux  déformais  m’occuper  u^uement  ,  &  ~ 

.  rut  peu  de  jours  après,  en  d.lant  aJD^avec  |  ^ 

£S°L? P^Td& nt  à  l’inhumer Ua  frgto 

g^onVe  £ü£ 

Peuple  ,  il  demanda  la  raifon  de  cette  nouveauté 
„  C’eft  ,  lui  répondit  un  Sauvage  ,  d  un  a.r  fort  eneux  ,  C|ue 

M  le  Pere  du  défunt  étoit  un  Lievre  ,  leclue^dE,Xns  fuffent 
:  Femme  ,  qu'il  ne  «ouvero.t  pas .bon ^  dont 

. .  mis  en  terre  après  leur  mort ,  étant  parens  ae  rai  &  > 
l’orieine  eft  célefte  :  il  ajouta  que  ,  fi  jamais  on  alloit  en  ce- 

;  lrr,.t«  .»»». ^  >■  » n%dvrS  /: 

1  c“  m  Vepnï  fc  ïïbrêï  lire  le  Mi*?“"ire  > 

*  qui  entreprît  enfuite  d’en  faire  fentir  l’abfurdite  aux  1  L^s ? 
mais  fes  Ifforts  furent  inutiles.  Les  deux  Filles  du  Vieillard, 
lefquelles  avoient  eu  tant  de  part  a  la  converfio 
re  ,  reçurent  du  Ciel  la  même  Grâce  que  lui ,  &  »n 
veré  jufqu’à  la  fin  dans  la  pratique  des  ver  ouatre- 

l’Evangile  Environ  fix-vint  Outagamis ,  deux  cent  Sa.,  ,  -  q 

prêché  à  plu-  •  t  Hiinois  fe  rendirent  vers  le  meme  mi  -0 

^  N3‘  Ion  ,  &  eurent  quelque  part  aux  bénéficions ,  que  le  C, 
répandit  fur  les  travaux  de  l’Homme  Apoftolique.  Des  lo 
on  parlolt  fies  Illinois  ,  comme  d’une  Nation  P«fque  Retrai¬ 
te  Dar  les  Iroquois  ;  toutefois  cinquante  ans  apres  ,  elle  cto 
encore  de  quamnte  mille  Ames.  Le  P.  Allouez  vit  auffi  quel¬ 
ques  Sioux  au  même  endroit  ;  mais  il  ne  put  traiter  avec :  eux  , 
que  par  Interprètes  ;  &  la  même  chofe  lui  arriva  avec  P 
fieurs  autres  Nations  ,  dont  je  ne  trouve  les  noms  ,  que  d 
fes  Mémoires.  Nous  les  connoiffons  peut  -  etre  aujourdbui 
fous  d’autres  noms ,  que  leur  donnent  des  Sauvages  plus  vo 

1  Les  Sioux  firent,  entendre  au  Millionnaire  que  leur  Pays  étoit 
l’extrémité  du  Monde  vers  le  Nord  ;  mais  il  y  a  bien  de  1  appa 
rence  qu’ils  comprenoient  fous  le  nom  de  Sioux  toutes  les  m 
tiens  /qui  parlent  des  Dialectes  de  leur  Langue  fur  tout  les 
Affinibods.  Au  Couchant,  ils  avoient  pour  voifins  les 
râs ,  au-delà  defquels  ,  ils  difoient  que  la  Terre  eft  coupee , 
&  qu’on  ne  voyoit  plus  que  de  1  eau  puante  .  c  eft  ain  q 


Du  Pays  des 
Sioux, 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  397 

delignent  la  Mer.  Au  Nord-Oueft  ,  ils  font  bornés  par  des 
Peuples  ,  qui  fe  nourriflent  de  chair  humaine ,  &  la  vendent 
crue.  Il  y  a  dans  le  voilinage  des  Aflinihoils  une  Nation  , 
dont  on  dit  la  même  chofe  ;  mais  il  périt  beaucoup  de  mon¬ 
de  dans  ce  Pays-là  par  les  dents  d’une  efpece  d’Ours  ,  d’une 
grandeur  énorme  ,  &  qui  ont  les  ongles  extrêmement  longs. 

Les  Kiliflinons  3  ou  Crijlinaux  3  que  nos  Canadiens  ap¬ 
pellent  Criques  s  faifoient  en  ce  tems-là  des  excurfions  jufqu’à 
cette  extrémité  du  Lac  Supérieur  5  &  le  P.  Allouez  ,  qui  y 
en  vit  plufieurs  ,  allure  qu’ils  adorent  le  Soleil  ,  auquel  ils 
facrifient  des  Chiens  ,  qu’ils  pendent  aux  Arbres  :  il  ajoute 
que  ces  Sauvages  font  grands  parleurs ,  &  parlent  fort  vite  , 
contre  l’ordinaire  de  tous  les  autres  de  ce  Continent  ;  nos 
Voyageurs  les  appellent  pour  cette  raifon  les  Gafcons  du 
Canada.  Leur  Langue  eh:  une  Dialefte  Algonquine  ,  &  ap¬ 
proche  fort  de  celle  des  Attikamegues  ;  ce  qui  joint  avec  le 
nom  de  ces  derniers  ,  qui  eh  celui  d’un  Poiffon  fort  com¬ 
mun  ( a )  à  l’extrémité  Septentrionnale  du  Lac  Huron  ,  peut 
faire  juger  ,  qu’ils  étoient  autrefois  Habitans  des  environs  du 
Lac  Supérieur. 

Au  commencement  de  l’année  i66j.  le  P.  Allouez  apprit 
que  des  Nipilfings  s’étoient  retirés  en  grand  nombre  fur  le 
bord  du  Lac  Alïmipegon  ,  qui  eh  au  Nord  du  Lac  Supé¬ 
rieur  ,  dans  lequel  il  le  décharge.  Il  s’y  tranfporta  ,  &  y  ar¬ 
riva  les  premiers  jours  du  mois  de  Juin  :  il  trouva  ces  in¬ 
fortunés  Fugitifs  ,  qui  étoient  Chrétiens  pour  la  plûpart  , 
dans  le  même  état ,  où  il  avoit  trouvé  les  Hurons  ;  &  quoi- 
qu  il  fût  extrêmement  fatigué  d’un  voyage  de  cinq  cent 
lieues  ,  qu’il  avoit  fait  avec  deux  Sauvages  ,  il  mit  d’abord 
la  main  a  1  œuvre  ,  &  eut  la  confolation  de  n’avoir  pas  tra¬ 
vaille  en  vain.  De-la  il  reprit  la  route  de  Chagouamigon  ,  où 
ayant  forme  le  delfein  d’établir  une  Million  fixe  ,  il  fe  joignit  à 
un  grand  convoi  d  Outaouais  ,  qui  alloient  porter  leurs  Pel¬ 
leteries  a  Montreal  ;  de-là  il  fe  rendit  à  Quebec ,  où  il  arri¬ 
va  au  mois  d’Aout  de  l’année  fuivante. 

Il  ny  reha  que  deux  jours ,  &  en  repartit  avec  le  P.  Louis 
Nicolas  ,  quil  avoit  engagé  à  venir  partager  avec  lui  les  tra¬ 
vaux  de  fa  pénible  Million  ,  un  Frere  ,  &  quatre  Ouvriers. 
Ils  retrouvèrent  a  Montreal  les  Outaouais  ,  qui  étoient  fur 
leur  départ  ;  mais  quand  il  fut  quehion  de  s’embarquer  3  ces 

{a)  On  l’appelle  plus  communément  le  Toi/fon  Blanc. 


i  o  o  8. 


Miffionnai- 
res  parmi  les 
Iioquois, 


Ce  qui  a  em¬ 
pêché  la  con- 
yerlicu  de  cè't- 
fp  Nation. 


, g  HISTOIRE  generale 

Barbares  ne  voulurent  recevoir  dans  leurs  Canots  ,  que  les 
deux  Peres  ,  qui  ne  craignirent  point  de  s  abandonner  en¬ 
tre  leurs  mains4,  feuls  ,  fans  provifions  ,  fans  appaience  de 
tirer  aucun  fecoùrs  de  leurs  Conduûeurs  ,  &  ne  pouvant  gue- 
res  compter  que  fur  la  Providence.  Nous  verrons  dans  fon 

tems  auel  fut  le  fuccés  de  leur  Voyage. 

Cependant,  les  Cantons  Iroquois  d’Agmer  &  dOnneyouth 
avoient  enfin  jugé  que  le  paru  le  plus  fage.pour  eux  etoit 
de°s  accommode  ° avec  les  François.  Peu  de  tems  apres 
nart  du  Marquis  de  Tracy,  ils  envoyèrent  a  M.  d„  Cour- 
celles  des  Députés  ,  qui  firent  leurs  founufiions  a  ce  Gene¬ 
ral  &  lui  demandèrent  des  Millionnaires.  Il  leur  obtint 
cette  grâce  ,  quoiqu’on  ne  l’eût  nas  encore  faite  aux ^  trois ; 
très  Cantons ,  &  le  choix  tomba  fur  les  PP.  B»msS 
Fremin.  Le  P.  Garnier  ,  qu  on  envoya  peu  de :  tem apres 
à  leur  fecours ,  étant  allé  vifiter  les  Chrétiens  dOnnonta  eue, 
Garakonthié  le  retint  ,  lui  bâtit  une  Cabanne  &  une :  C 
relie  &  lui  fit  promettre  de  ne  point  fortir  de  fon  Canton , 
qu’il  ne  fût  lui  même  de  retour  de  Queoec ,  ou  il  alknt ^  de¬ 
mander  des  Millionnaires  pour  fon  meme  Canton  ,  &  pour 

^ÏTpartit  en  effet  ,  &  au  bout  de  quelques  mois ,  il  revint 
avec ^es  PP.  de  Carheil  &  Milet.  Un  nombre  confide- 
rable  d’Iroquois  s’étoient  établis  à  l’extrêm.te  Occidenta le  du 
Lac  Ontario  ,  &  il  y  avoit  parmi  eux  plufieurs  Chrétiens  , 
l’Evêque  de  Petrée  ne  crut  pas  les  devoir  'a'ffer  fan  Pafteu  , 
&  ,1  leur  envoya  Meilleurs  de  Fenelon  &  Trouve.  Am 
fi  ,  à  la  réferve  du  Canton  de  1  fonnonthouan  ,  on  travail 
loit  à  rendre  Chrétienne  toute  cette  Nation  ,  celle i  de  tou 
le  Canada ,  qu’il  importoit  le  plus  de  gagner  a  Jesus-Chr^t  , 
&  d’affeâionner  à  la  Nation  Françqife  ,  tant  a  caufe  de 
putation  ,  qu’elle  s’étoit  acquife  par  les  armes  ,  qua |  radon  ^ de 
fa  fituation  de  fon  Pays  ,  qui  féparoit  de  ce  cote-la  les  Co- 

lonies  Angloifes  de  la  Nouvelle  France. 

Comme  j’ai  eu  le  bonheur  de  vivre  avec  la  plupart  de  ce  , 
qui  ont  le  plus  fouvent  travaille  à  cultiver  cette  .port 
fa  Vigne  du  Seigneur  ,  laquelle  ,  maigre  leurs  foins  ,  eft  d 
meuree  fauvage  dans  fon  terroir  naturel ,  je  me  u 
informé  de  quelques-uns  deux,  de  ce  qui  a/oit  emp 
grain  de  la  parole  de  prendre  racine  parmi  un  eup  ? 
ils  vantoient  beaucoup  Fefprit  ,  le  bon  Nns  ,  oc  es 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liy.  IX.  399 

mens  nobles  :  tous  m’ont  répondu  ,  que  ce  qui  avoit  fait  le  — -y-rrr 
plus  grand  mal  ,  étoit  le  voifinage  des  Anglois  &  des  Hol-  1  66'6' 
landois  ,  dont  le  peu  de  piété  ,  quoiqu’ils  fe  portaffent  pour 
Chrétiens  ,  avoit  fait  regarder  à  ces  Sauvages  le  Chriftianif- 
me  ,  comme  une  Religion  arbitraire. 

On  fçait  d’ailleurs  ,  que  les  Iroquois  fe  croyant  allurés 
d’être  fecourus  de  leurs  Voifins  ,  &  d’en  tirer  tout  ce  qui  leur 
étoit  néceffaire  ,  toutes  les  fois  que  nous  les  attaquerions  ,  ou 
qu’il  leur  prendrait  fantaifie  de  rompre  la  paix  ,  ils  ne  fe  font 
jamais  mis  en  peine  de  conferver  notre  alliance  ;  d’où  il  eft 
arrivé  que  nous  craignant  fort  peu  ,  on  ne  les  a  jamais  trou¬ 
vé  fort  dociles  fur  le  fait  de  la  Religion.  Les  mêmes  Million¬ 
naires  ajouraient  que  la  Traitte  de  l’Eau-de-vie,  que  les 
Barbares  faifoient  librement  dans  la  Nouvelle  York  ,  avoit 
auffi  toujours  été  un  obfiacle  infurmontable  à  leur  couver- 
fion.  Si  nous  jugeons  avec  juftice  que  des  Hérétiques  font 
coupables  d’avoir  mis  par  ce  commerce  un  auffi  grand  ob- 
ftacle  au  progrès  du  Chriftianifme  ;  quels  reproches  ne 
méritent  pas  des  Catholiques  ,  qui  par  la  même  voye  Font 
corrompu  parmi  des  Néophytes  ,  &  diffamé  parmi  les  Ido¬ 
lâtres  ? 

La  Nouvelle  France  jouiffoit  alors  d’une  paix  profonde,  Progrès* 
quelle  goûtoit  pour  la  première  fois  depuis  fon  établiffement.  la  Colonie. 
Ceux ,  qui  la  gouvernoient ,  &  à  qui  elle  en  étoit  redevable 
en  bonne  partie  ,  ne  négligeoient  rien  pour  en  profiter  ,  & 
pour  faire  prendre  à  cette  Colonie  une  forme  foiide ,  qui  la 
rendît  digne  de  l’attention  ,  que  le  Roy  continuoit  à  lui  don¬ 
ner.  La  meilleure  partie  du  Régiment  de  Carignan-Salieres 
y  étoit  demeurée  ;  &  après  la  fin  de  la  guerre  des  Iroquois  , 
prefque  tous  les  Soldats  s’y  étoient  faits  Habitans  ,  ayant  eu 
leui  conge  a  cette  condition.  On  y  renvoya  même  deux  ans 
api  ès  fix  Compagnies  du  même  Régiment  ,  qui  avoient  ac¬ 
compagne  M.  de  Tracy  a  fon  retour  en  France  ,  tant  pour 
renforcer  les  Garnifons  des  polies  les  plus  importans  ,  que 
pour  augmenter  le  nombre  des  Colons.  Pluüeurs  de  leurs 
Officiers  avoient  obtenu  des  Terres  avec  tous  les  droits  de 
Seigneurs  :  ils  s  établirent  prefque  tous  dans  le  Pays  ,  s’y 
marièrent  ,  &  leur  poflerité  y  fubfifle  encore.  La  plûpart 
etoient  Gentilshommes  ;  auffi  la  Nouvelle  France  a  - 1  -  elle 
plus  de  Nobleffe  ancienne  ,  qu’aucune  autre  de  nos  Colonies  , 

&  peut-être  que  toutes  les  autres  enfemble.  Enfin  par  tout  ’ 


ladies. 


histoire  generale 

__ _  t i°°ron  faifoit  des  défrichemens ,  le  terrein  fe  trouvoit  bon  ; 

fou.  égaler  la  vertu  ,  l’.nduftrie ,  &  amour  du  trava.l  des 
e„f  .  tous  furent  bien-tôt  en  état  de  fubfifter  ,  &  la -  Co¬ 
lonie  enVe  multipliant  ,  n’eut  pas  le  chagun  e  voir  a*  erer 

feTuœmoL&d’tSeldfcet‘te  même  année  ,  il  parut  à  Québec 

Comète;  ii  Comète  *  elle  étoit  en  forme  de  lance  ,  de  cou 

Tremblement  une  nouvelle  C  ’  ,  n  r  longue  ;  une  de  les 

de  Terre  i  Ma-  ieur  rougeâtre  ,  fort  enflammee  fis.  Ue  fuivoit  le  Soleil 

fvvrrèmités  étoit  cachée  fous  ihonlon  ,  eue  îuivuit 
co  chant  &  difparoiffoit ,  dès  que  la  Lune  étoit  levee.  Le 
Peuple  crut  qu’elle  lui  avoit  annoncé  quelques  fecouffes  d 
tremblement  cle  terre  ,  qui  fe  firent  fenm  quelque ms  apri es, 

&  des  maladies  ,  qui  coururent  1  automne  fuiv  •  ^ 

fnnd  Cffsfelle  eftlmimS™"  &  «""craignit  beaucoup 

therine  de  s!  Augustin  ,  y  mourut ,  après  avoir  rempli 
tout  le  Canada  de  l’odeur  de  fa  faintete  ;  &  le  tems  n  i  en¬ 
core  rien  diminué  de  la  vénération ,  qu’on  avoit  pour  elle  de 
vivant!  La  MeredeS.  Auguftin  étoit  Fille  de  Jacqu*  S MON 
c:eiir  <ie  Longpré  ,  &  naquit  le  troifteme  de  May  163 1.  a  a 
lauvem-le -Vicomè  ,  au  Diocèfe  de  Coutance.  Le  v.nt-qua  e 
Sa  bre  1646.  elle  prit  l'habit  de  Religion  chez  les  Hofpita- 
fleVes  de  Baveux  ,  où  elle  avoir  déjà  une  Sœur  ainee  ,  fa  Grand 
Mere  une  grande  Tante  ,  &  une  Confine  Germaine ,  qui  «o 

la  Fondatrice  de  çe  Couvent.  Dès  les  P^'^’^pe^iffion  de 
viciât  elle  demanda  avec  de  glandes  111.1  P,  f  Supé- 

paffer  dans  la  Nouvelle  France  ,  &  elle  1  obtint  de  i  ^  F  ^ 
rieurs  •  mais  comme  on  ne  la  lui  avoit  donnée  ,  que 
r  f  If  1  f  s  Parens ,  elle  lui  devint  inutile  alors ,  par 
que  foivPere  ,  bien  loin  de  lui  accorder  fon  agrément  obtint 
un  Arrêt  du  Parlement  de  Normandie  ,  qui  detendqit  a 

vice  de  fortir  de  la  Province.  ,  „  ,  p 

vidence  permit  qu’une  Relation  de  la  captivité ,  des  fouff  ances 
&  de  la  mort  du  P.  dogues,  lui  tombât  entre  les  mains  ;  il  la  lut. 


R  clip!  eu  fe 
Hofpitaliere 
morte  en 
odeur  de  fain 
tetç. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  401 

&  cè  qui  devoit ,  ce  femble ,  le  confirmer  dans  fes  premiers 
fentimens  au  fujet  de  fa  Fille  ,  lui  en  fit  prendre  de  tout  con¬ 
traires.  Je  trouve  dans  dallez  bons  Mémoires  qu’il  l’alla  voir, 
qu’il  lui  parla  en  Homme  touché  &  charmé  de  la  réfolution  , 
quelle  témoignoit ,  en  voulant  fe  tranfporter  dans  un  Pays  ,  où 
il  y  avoit  tant  de  fatigues  à  elfuyer ,  &  de  fi  grands  dangers  à 
courir  ;  que  comme  il  la  vit  plus  ferme  que  jamais  dans  fon  défi 
fein  ,  il  lui  dit  qu’il  donneroit  volontiers  les  mains  à  ce  quelle 
fouhaitoit,  fi  une  de  fes  Sœurs  ,  plus  jeune  qu’elle  ,  &  qui  étoit 
aufii  Novice  dans  le  même  Monafiere  ,  confentoit  à  l’accom¬ 
pagner  ;  que  la  condition  fut  remplie  d’abord  ,  &  qu’il  fe  défifta 
auflltôt  de  fon  oppofition  ;  mais  il  n’elf  point  fait  mention  dans 
la  Vie  imprimée  de  Catherine  de  S.  Auguftin  d’aucune  de  ces 
circonftances  ,  quoiqu’il  y  foit  dit  qu’elle  avoit  deux  Sœurs 
Religieufes  avec  elle  dans  fon  Couvent  de  Bayeux.  Il  y  elf 
marqué  feulement  que  M.  de  Longpré  étant  tombé  malade  , 
crut  que  Dieu  le  puniiïoit  de  fon  oppofition  aux  defleins  de 
Dieu  fur  fa  Fille  ,  &  qu’il  confentit  à  fon  voyage. 

Elle  partit  donc  pour  Nantes ,  où  on  lui  avoit  apparemment 
dit  que  l’Embarquement  fe  devoit  faire  ,  &  le  quatrième  de 
May  ,  comme  elle  étoit  entrée  la  veille  dans  fa  dix  -  feptiéme 
année,  elle  fit  fes  Vœux  entre  les  mains  du  P.  Vimond ,  qui 
retournoit  en  Canada  avec  le  nouveau  renfort  de  Mifiionnai- 
res  ,  &  qui  avoit  été  commis  pour  recevoir  fa  Profefiion  ,  dès 
qu’elle  auroit  l’âge  néceffaire  pour  cela.  Une  Religieufe  Hofi 
pitaliere  du  Couvent  de  Dieppe  ,  &  une  autre  de  celui  de  Van¬ 
nes  ,  s’étoient  aufii  rendues  avec  elle  à  Nantes ,  d’où  elles  fu¬ 
rent  obligées  d’aller  chercher  un  Navire  à  la  Rochelle.  Elles  s’y 
embarquèrent  le  vint-feptiéme  de  May  avec  le  P.  Vimond  & 
toute  fa  Trouppe  ,  &  le  dix-neuviéme  d’Août  elles  arrivèrent 
à  Quebec  ,  après  avoir  efîiiyé  de  très-mauvais  tems  ,  &  la  pelle, 
dont  la  jeune  Profefle  fut  malade  à  l’extrémité. 

Elle  fut  reçûë  comme  le  méritoient  fon  courage  ,  &  la  haute 
idée ,  qu’on  avoit  déjà  de  fa  vertu  ;  mais  on  s’aperçut  bientôt 
quelle  étoit  une  de  ces  Ames  privilégiées  ,  en  qui  Dieu  fe  plaît 
à  répandre  fans  mefure  tous  les  tréfors  de  fa  Grâce.  La  répu¬ 
tation  de  fa  fainteté  ne  demeura  pas  même  lontems  renfermée 
dans  l’enceinte  de  fon  Monaftere  ,  &  toute  la  Colonie  en  fut 
bientôt  imbue.  Il  fe  paffoit  effe&ivement  en  elle  des  chofes  mer- 
veilleufes  ,  que  l’innocence  de  fes  mœurs  ,  une  ferveur  héroï¬ 
que  ,  qui ,  malgré  fes  maladies  prefque  continuelles  ,  &  accom- 
Tome  I.  E  e  e 


1  668* 


i  6  6  8. 


HISTOIRE  generale 

caenées  des  plus  vives  douleurs ,  fe  portoit  à  tout  ce  qu’.l  y  avoir 
ckrplus  pénible  dans  les  Exercices  propres  de  fa  vocation  ;  fou 
humilité  profonde ,  fon  obéiffance  aux  moindres  figues  defes 
Supérieurs,  &  fa  docilité  àfuivreles  avis  des  Directeurs  de  fa 
confidence  ,  ne  permettoient  point  de  regarder  comme  des  îllu- 

fions  d’un  cfprit  trompe  »  ,  ,  ri 

Le  feint  Evêque  de  Petrée  ,  qui  l’a  examinée  avec  la  plus 

fcruouleufe  attention  ,  &  quiavoit  lui-même  une  fcience  pra- 
doue  des  voyes  les  plus  fublimes ,  &  le  P.  Ragueneau  ,  qui  fut 
lontems  chargé  de  (a  conduite  ,  Perfonnage  refpectable  parfes 
travaux  Apoffoliques  ,  &  par  fon  expenence  dans  a  direRion  , 
l’ont  “prouvée  en  tout ,  &  n’ont  point  fait  difficulté  de  la  regar¬ 
der  comme  une  de  ces  Epoufes  favorites ,  qui  compofent  la  plus 
précieufe  portion  du  Troupeau  de  Jesus-Christ.  Toutefois 
Fa  vie  écrite  par  le  même  P.  Ragueneau  n’a  pas  eu  une  appro¬ 
bation  univerfelle.  C’eft  que  dans  la  conduite  de  Dieu  a  egard 
des  Ames ,  à  qui  il  fait  part  de  fes  communications  les  plus  in¬ 
times  il  y  a  des  Myfteres  cachés  ,  qu’il  eft  inutile ,  &  quelque¬ 
fois  dangereux  de  dévoiler  aux  yeux  du  Public  :  outre  que  peu 
de  Perfonnes  font  capables  de  les comprendre  Jk 
point  dans  les  Livres  ,  mais  a  1  Ecole  du  S.  Efpnt ,  qu  on  peut 
s’en  inftruire ,  ils  deviennent  fouvent  des  pierres  de  fcandale 
pour  ceux  ,  à  qui  Dieu  n’en  a  pas  donne _1  intelligence.  On 
Fcauroit  trop ,  félon  l’avertiffement  du  feint  Condufteur  de  1  o- 
bie  ,  publie?  les  oeuvres,  par  lefquelles  le  Seigneur  veut .bien 
manirefter  au  Monde  fapuiflance  &  fe  bonté  ;  mais l  e R  cer- 
t nins  fecrets  ,  qu’il  révélé  rarement ,  &  uniquement  aux  Ames , 
qui  il  juge  à  propos  d’établir  fon  Régné  d’une  façon  toute 
Ique  ,  qu’il  n’eft  pas  -dinamemeiat  p^ant  a  te 


my: 
divul 
tem 


Occupation 
«les  Million¬ 
naires  parmi 
les  Iroquois. 


[il  II  II  G  IL  UcIj  ^  uiuniuuv  y  /7  A  A 

iilmier.  Sacmmemum  regis  abftcondere bonum  eft  ;  opéra  au- 
n  ]5ei  rcvekre  &  confiteri  honorificum  eft  {a).  ( 

Sur  la  fin  de  l’été  les  Tfonnonthouans  envoyèrent  a  Qué¬ 
bec  des  Députés ,  pour  prier  M.  de  Courcelles  de  leur  obten  r 

néral  des  Millions  à  leur accorder ■  e  .  ’  y  Ouoiaue 


fer  le  Chriftianifme  ,  il  ne  lailloit  pas  a  y  — ;n, 

bien  à  faire  dans  leurs  Bourgades.  N  eut-on  meme  ret  q 
les  apprivoifer ,  à  les  accoutumer  a  vivre  avec  les  François ,  oc 


{a  )  Tob.  Ii.  7» 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  403 
à  leur  infpirer  de  l’eftimë  pour  la  Religion  Chrétienne  *  c’étoit  1"I“^  g 
beaucoup;  mais  fai  déjà  obfervé  que  par  tout  il  y  avoit  des 
Enfans  moribonds  à  baptifer  ;  des  Efclaves  de  differentes  Na¬ 
tions  ,  que  l’on  trouvoit  ordinairement  plus  dociles  ;  des  Ma¬ 
lades  ,  qui  ne  peuvent  relifter  à  l’impreflion  ,  que  font  en  eux 
les  foins  empreffés  d’une  charité  inépuifable  &  délin téreffée.  En¬ 
fin  on  découvroit  de  te  ms  en  tems  de  ces  Ames  prédeftinées  , 
en  qui  Dieu  rend  fenlible  ce  que  dit  S.  Paul,  qu’il  ne  fait  ac¬ 
ception  de  Perfonne  :  les  plus  grands  miracles  de  fa  Mifericor- 
de  s’opérant  quelquefois  en  faveur  de  ceux  ,  qui  femblent  de¬ 
voir  attirer  tous  les  foudres  de  fa  Juftice. 

Les  Agniers  avoient  toujours  été  les  plus  déclarés  Ennemis 
des  Chrétiens  :  ils  étoient  les  plus  fiers  &  les  plus  feroces  des 
Iroquois  ;  on  avoit  remarqué  en  eux  de  tout  tems  une  ani- 
*  monté  contre  la  Nation  Françoife  ,  qui  leur  paroiffoit  natu¬ 
relle  ;  eux  feuls  jufques-là  avoient  trempé  leurs  mains  dans  le 
fang  des  Miniftres  de  l’Evangile ,  &  on  ne  pouvoit  douter 
qu’une  haine  plus  que  barbare  de  nos  SS.  Myfteres  ne  fût  en¬ 
trée  pour  beaucoup  dans  ces  fureurs  ,  que  nous  leur  avons  vû 
exercer  contre  les  Pafteurs  &  le  Trouppeau.  Ce  fut  néanmoins 
dans  ce  Canton  ,  que  le  progrès  de  l’Evangile  fut  plus  rapide  , 

&  la  récolté  plus  abondante.  On  y  vit  bientôt  une  Eglife  com- 
pofée  de  fervens  Néophytes  ,  qui  ont  depuis  fondé  ces  florif- 
fiantes  Millions  du  Sault  S.  Louis  s  &  de  la  Montagne  5  fi  fé¬ 
condes  en  Saints ,  &  dont  la  Colonie  a  tiré  de  fi  grands  avan¬ 
tages.  Enfin  c’eft  ce  même  Canton  ,  qui  a  donné  à  la  Nou¬ 
velle  France  la  Genevieve  de  l’Amérique  feptentrionnale  ,  cette 
illuftre  Catherine  Tegahkouita  ,  que  le  Ciel  continue  de¬ 
puis  près  de  foixante  &  dix  ans  à  rendre  célébré  par  des  mira¬ 
cles  d’une  autenticité  à  l’épreuve  de  la  plus  fevere  critique. 

Les  Onneyouths  étoient  alors  bien  moins  dociles  ,  qulees  Caradcrc  & 
Agniers  ,  &  les  Goyogouins  ,  qui  jufques-là  avoient  paru  fi 
bien  difpofés ,  répondoient  affez  mal  aux  foins ,  que  fe  donnoit 
le  P.  Etienne  de  Carheil ,  pour  en  faire  des  Chrétiens.  Du 
refte  ,  ils  en  ufoient  affez  bien  avec  lui  ,  &  ils  rendoient 
juftice  à  la  fuperiorité  de  fes  talens  ,  &  à  l’éminence  de  fa 
vertu.  Rien  ne  fait  mieux  voir  ,  que  les  Hommes  les  plus^ 
faints  ,  &  les  plus  eftimables  par  leurs  qualités  perfonnelles  * 
ne  font  dans  la  main  de  Dieu  ,  que  des  inftrumens  ,  dont 
il  peut  fe  paffer  ,  &  des  Serviteurs  inutiles  ,  que  ce  qui  eft 
arrivé  à  ce  Millionnaire ,  que  j’ai  1  aille  à  Quebec  en  1721. 


A 


i  6  6  8 


?lufieur$ 
Millions  éra- 
blies  parmi  les 
Nations  Al- 
gonquines. 


,0,  HISTOIRE  generale 

plein  de  vigueur  &  de  vivacité.  Il  avoit  facrifié  les  plus  grands 
falens  qui  puiffent  faire  honneur  à  un  Homme  de  fa  pro- 
feffion  ;  &  dPans  l’efperance  d’un  fort  pareil  à  celui  de  plufieurs 
de  fes  Freres  ,  qui  avoient  arrofe  le  Canada  de  leur  fang  » 
if  avoir  fait  une  efpece  de  violence  à  fes  Supérieurs  ,  pour 
obtenir  une  MiffZ,  dont  Fobfcurité  le  mît  à  l’abrr  de i  tou¬ 
te  ambition  ,  &  ne  lui  préfentat  que  des  Croix.  Il  y  a  tra¬ 
vaillé  infatigablement  pendant  puis  de  foixante  ans  .  “par¬ 
loir  les  Langues  Huronne  &  Iroquoife  avec  autant  de :  faci¬ 
lité  &  d’élégance  ,  que  fa  Langue  naturelle.  Les  François  & 
les  Sauvages  s'accordoient  à  le  regarder  comme  un  Sa  , 

&  un  Génie  du  premier  ordre.  Il  a  cependant  tait  affez  peu 
de  convenons.  11  s’en  humilioit  devant  Dieu  ’  &,ce“® 
miliation  fervoità  le  fanftifier  de  plus  en  plus.  lima  fouvent 
protellé  ,  qu’il  adoroit  les  deffems  de  la  Providence  fur  lui  » 
perfuadé  qu’il  auroit  rifqué  de  fe  perdre  par  les  fucces ,  qu  1 
auroit  pù  fe  promettre  fur  un  theatre  plus  éclatant  ,  &  que 
cette  penfée  le  confoloit  fans  peine  de  la  fterihte  dun  long 
&  pénible  Apoftolat.  J’ai  crû  devoir  rapporter  cet  exemple , 
pour  faire  comprendre  à  ceux  ,  qui  entrent  dans  la  carrière 
Évangélique ,  qu’ils  n’y  perdront  pas  leur  tems  &  leurs  pei¬ 
nes  s’ils  y  deviennent  des  Saints.  ;  que  la  conquête  des  An  e 
eft  uniquement  l’ouvrage  de  la  Grace^  ;  que  non  -  ^  ment 
les  talens  naturels ,  mais  les  vertus  memes  les  plus  fubhmes 
n’ont  d’efficace  pour  toucher  les  coeurs,  qu  autant  que  Dieu 
veut  bien  leur  en  donner  ;  &  qu’ils  doivent  fe  fouvemr  lorf- 
que  leurs  travaux  font  infn.aueux  ,  que  ces  Efprits  Adm.m  - 
trateurs  ,  qui  puifent  dans  le  fein  même  de  la  Divinité  ce  feu 
célefte  ,  dont  une  feule  étincelle  fuffiroit  pour  embiafer  e 
Monde  entier  du  divin  amour  ,  &  à  qui  la  garde  des  Koya  - 
mes  &  des  Particuliers  eft  fpécialement  comnufe  ,  en  lont 
fouvent  réduits  à  gémir  fur  l’aveuglement  des  Infidèles ,  &. 

l’endurciffement  des  Pécheurs.  . 

Mais  les  plus  précieux  fruits ,  qu’on  recueillit  de  la  paix , 
qui  régnoit  par  tout ,  furent  la  decouverte  de  phdàeurs  gran¬ 
des  Contrées ,  &  l’établiffement  cie  plufieurs  Millions  par¬ 
mi  les  Peuples  de  la  Langue  Algonqume.  Ces  Sauvages  ne 
craignant  plus  les  courfes  des  Iroquois  ,  etoient  prefque  t0“s 
revenus  dans  leurs  anciennes  demeures  ;  ce  qui  obligea  les 
Miffionnaires  à  fe  féparer,  pour  n’en  laiffer  aucune  fan Re¬ 
cours.  Heureufement  un  renfort,  qui  leur  etoit  venu  der 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  405 

ce  ,  les  mit  en  état  de  fournir  à  tout.  Le  P.  Dablon  &  le 
P.  Marquette  allèrent  prendre  leur  pofte  au  Sault  de  Sain¬ 
te  Marie ,  auquel  on  donna  alors  ce  nom. 

Les  Saulteurs ,  qui  les  y  avoient  attirés  ,  témoignèrent  encore 
le  même  empreffement  pour  fe  faire  inftruire  ,  qu  ils  avoient 
marqué  il  y  avoit  près  de  trente  ans,  &  tous  vouloient  da- 
bord  recevoir  le  Baptême.;  mais  la  fuite  fit  voir  qu’on  avoit 
eu  de  bonnes  raifons ,  pour  ne  fe  pas  rendre  a  leurs  inffan- 
ces ,  où  il  n’entroit  guéres  que  des  vûës  d’intérêt.  On  pro¬ 
fita  néanmoins  de  leur  bonne  volonté  ,  pour  baptifer  tous 
les  Enfans  ,  qui  fe  trouvoient  en  danger  de  mort  ,  &  pour 
l’infirudion  des  Adultes.  Un  petit  nombre  fut  fidèle  à  la  Gr⬠
ce  ,  qui  fe  préfentoit  à  tous  ;  elle  rendit  les  autres  inexcufables 
devant  Dieu  ,  &  juftifia  fa  Providence. 

Vers  le  même  tems  le  P.  Nicolas  ,  que  le  P.  Allouez  avoit 
mené  avec  lui  à  Chagouamigon  ,  conduifit  a  Quebec  des  Sau¬ 
vages  ,  que  nous  ne  connoiffons,  que  fous  le  nom  de  Ne ^ 
Percei.  C’eft  une  petite  Nation  Algonquine  ,  où  les  Hom¬ 
mes  &  les  Femmes  font  également  dans  lufage  de  fe  percer 
les  narines  ,  pour  y  fufpendre  des  grains  de  porcelaine  ,  & 
d’autres  femblables  bagatelles.  Après  qu’ils  eurent  fait  leur 
Traite  ,  ils  retournèrent  à  Chagouamigon  ,  d  ou  ils  etoient  par¬ 
tis  ,  &  où  les  deux  Miffionnaires  n’ayant  pas  dequoi  fuffifam- 
ment  s’occuper  ,  le  Pere  Allouez  alla  s  établir  dans  la  Baye 
du  Lac  Michigan  (cl)  :  il  y  travailla  beaucoup  ;  mais  les  pre¬ 
mières  années  ,  il  recueillit  allez  peu  de  fruit  cie  les  fatigues. 

Cette  même  année  M.  Talon  yepaffa  en  France,  &  fut  re¬ 
levé  par  M.  de  Bouteroue  ,  auquel  il  fut  particulièrement 
recommandé  de  modérer  fagement  la  trop  grande  fe  vérité 
des  ConfefTeurs  &  de  l’Evêque ,  &  de  maintenir  la  bonne  in¬ 
telligence  entre  tous  les  Ecclefiaftiques  du  Pays.  Ce  dernier 
article  de  fes  Inftruftions  netoit  fondé  fur  aucune  plainte  , 
l’union  étoit  parfaite  entre  tous  les  Corps  ,  qui  compofoient 
le  Clergé  féculier  &  régulier  ;  &  rien  n  edifioit  davantage  les 
Peuples  ,  que  ce  concert  :  mais  on  en  avoit  fait  beaucoup 
fur  le  premier  ;  &  nous  verrons  bientôt  ce  qui  y  avoit  donné 
lieu  ,  oc  le  remede  ,  qu’011  apporta  à  ce  prétendu  mal. 

M.  Talon  ne  quittoit  point  la  Nouvelle  France  dans  le 
deffein  de  n’y  plus  retourner  ;  &  nous  le  verrons  dans  peu 
d’années  y  reprendre  fon  Emploi.  Des  affaires  de  famille  de- 

[a}  Ccft  ce  qu’on  appelle  la  Baye  des  Puants,. 


i  668. 


M.  Ta  foi? 
retourne  en. 
France. 


t 


Caractère  de 
M.  de  Cour- 
celles.. 


i  668. 


Ere&ioti  d« 
l’Eglife  de 
Quebec  en 
Evêché. 

167O. 


40  6  HISTOIRE  generale 

mandoient  fa  préfence  à  Paris ,  &  il  avoit  eu  quelques  fujets 
de  mécontentement  en  Canada  qui  lui  faifoient  fouhaiter 
de  s’en  éloigner  pour  un  tems.  Il  eft certain  ,  qu  il  fe  pla 
anit  à  la  Cour  des  maniérés  de  M.  de  Courcelles  a  fon  egai  . 
Te  Général,  parmi  de  très-bonnes  qualités  ,  qui  en  ont  fait 
un  des  plus  accomplis  Gouverneurs  ,  qu’ait  eu  a  Nouvelle 
France  ,  avoir  quelques  défauts  ,  dont  un  des  plus  marques 
Lit  de  manquer  quelquefois  d’affivité ,  &  de  ne  vouloir  pas 
néanmoins  qu’on  y  fuppleât  ,  lorlque  les  affaires  le  deman- 

d°MÎ' Talon  de  fon  côté  croyoit  devoir  aller  toujours  fon 
chemin  fans  lui  communiquer  bien  des  chofes  ,  lorfau  il 
craignoit  un  retardement  préjudiciable  au  Service  de  Sa  Ma- 
jeftég,  &  au  bien  de  la  Colonie.  Il  paroît  encore  que  M.  de 
Courcelles  n’étoit  pas  toujours  dun  commerce  aife ,  &  quil 
n’approuvoit  pas  les  ménagemens ,  qu’on  fembloit  avoir  pour 
le  Clergé  contre  lequel  il  s’etoit  laiffe  un  peu  prévenir  ’ 
c’eft  ce  que  donne  à  entendre  une  Lettre  ,  que  M.  Colbert 
lui  écrivit  en  1670.  car  il  lui  mandoit  ,  quil  devoir  un 1  peu 
dus  fouffrir  de  ceux  ,  avec  qui  il  avoit  a  vivre  ;  qu  avec  le 
tems  il  pourroit  reconnoître  moins  de  défauts  ,  &  plus  de  bon¬ 
nes  qualités  dans  M.  de  Bouteroue  ,  lequel  etoit  à  la  Cour 
dans”  une  grande  eftime  ;  que  cet  Intendant  etoit  louable id  a-  _ 
voir  eu  de  la  déference  ,  &  d’avoir  marque  de  la  confidera- 
tion  pour  l’Evêque  de  Petrée  ,  &  pour  les  Jefuites  ;  &  quil 
n’y  avoir  pas  lieu  de  craindre  qu’il  s’en  laiffat  gouverner. 

7Ce  fut  cette  même  année  1670.  que  1  affaire  de  lereft  o 
de  FÉelife  de  Ouebec  en  Evêché  fut  confommee.  Ce  qui  la- 
voit  fait  traîner  fifort  en  longueur ,  eft  qu’il  y  eut  de  |ra"* 
des  conteftations  fur  la  dépendance  immédiate  du  S.  Sicge , 

dont  le  Pape  ne  voulut  point  fe  relâcher.  Cela  n  empeche  pou  - 
tant  pas  que  l’Evêché  de  Quebec  ne  foit  en  quelque  façon  uni 
au  Clergé  de  France  ,  en  la  maniéré  de  celui  du  Puy ,  lequel  re¬ 
lève  auffi  immédiatement  de  Rome.  Le  Roy, pour  doter le  nou- 
.  Fvêch“  &  le  Chapitre  de  la  Cathédrale ,  y  fit  reunir  les  deux 

M  S*  rAb&i.  f.M.ub.c,  &  M.  d.  S.  Vïlk,  ,  Sm*m 

j.  m.  de  Laval,  a  encore  obtenu  depuis  la  reunion  de  1  Ab¬ 
baye  de  Benevent  partie  à  l’Evêché  ,  &  partie  au  Chapitre. 
Le7 défaut  d’argent ,  pour  payer  les  Bulles ,  obligea  le  nouv 
Evêque  de  Quebec  à  paffer  en  France  ,  pour  demander  au  Roy 
dequoi  y  fatisfaire  ;  &  il  ne  put  les  avoir  quen  1674- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  407 

Il  fe  fit  auffi  alors  quelques  changemens  ,  par  rapport  au  Gou¬ 
vernement  de  Montreal.  M.  de  Maifonneuve  ayant  fouhai- 
té  'de  fe  retirer,  M.  de  Breton  villiers  ,  Supérieur  Géné¬ 
ral  du  Séminaire  de  Saint  Sulpice  ,  nomma  de  droit  pour  le 
remplacer  M.  Perrot,  qui  avoit  époufé  la  Nièce  de  M.  Ta¬ 
lon.  Ce  nouveau  Gouverneur  jugea  que  la  Commiffion  d’un 
fimple  Particulier  ne  lui  dortnoit  pas  un  cara&ere  ,  qui  con¬ 
vînt  à  un  Officier  du  Roy ,  &  craignit  peut-être  que  les  fer- 
vices  ,  qu’il  rendroit  dans  ce  pofte  ,  ne  lui  fuffent  pas  comp¬ 
tés.  Il  demanda  donc  &  obtint  des  Provifions  de  Sa  Majefté  , 
où  il  étoit  expreffément  marqué  ,  qu’elles  avoient  été  données 
fur  la  nomination  de  M.  de  B  reton  villiers. 

Cependant,  autant  que  M.  de  Courcelles  manquoit  d’a£H- 
vité  ,  &  paroiffoit  plein  d’ombrages  &  de  difficultés  en  tout 
ce  qui  concernait  les  affaires  du  dedans  de  la  Colonie ,  au¬ 
tant  avoit-il  d’attention  &  montroit-il  de  chaleur  3  lorfqu’il 
s’agiffoit  de  la  Guerre  &  des  Sauvages.  Ainfi ,  ayant  fçu  que 
les  Iroquois  avoient  envoyé  des  préfens  aux  Outaouais ,  pour 
les  engager  à  porter  chez  eux  leurs  Pelleteries  ,  dont  ils  vou¬ 
laient  faire  la  Traitte  avec  les  Anglais  de  la  Nouvelle  York  ; 
il  comprit  que  ,  fi  ce  projet  réümfïbit  ,,  il  ruineroit  fans  ref- 
fource  le  Commerce  de  la  Nouvelle  France.  Il  porta  même 
plus  loin  fes  vûës  ,  &  ne  douta  point  que  ,  fi  les  Cantons 
pouvoient  une  fois  détacher  les  Nations  Septentrionnales  de 
notre  alliance ,  ils  ne  recommençaffent  bientôt  leurs  hoftili- 
tés ,  que  la  feule  crainte  des  Armes  Françoifes  ,  jointes  avec 
celles  de  nos  Alliés  ,  avoit  reprimées. 

Pour  rompre  ce  coup,  il  réfolut  de  fe  montrer  lui- même 
aux  Iroquois  ,  &  fon  voyage  eut  tout  le  fuccès  ,  qu’il  en 
efperoit.  Il  jugea  même  à  propos  de  prendre  la  route  du  Fleu¬ 
ve  Saint  Laurent ,  laquelle  efl  extrêmement  embarraffée  de 
Chûtes  &  de  Rapides  depuis  Fille  de  Montreal  ,  jufqu’af- 
fez  près  du  Lac  Ontario  ,  parce  qu’il  vouloit  apprendre  à 
ces  Barbares  qu’on  pouvoir  aller  jufques  chez  eux  en  Bat- 
teaux  ;  ce  qui  n’eft  nullement  pratiquable  par  la  Riviere  de 
Soreh  II  efl  vrai  ,  que  cette  Expédition  altéra  confiderable- 
ment  fa  fanté  ;  ce  qui  l’obligea  de  demander  fon  rappel  en 
France  ,  afin  ,  difoit-il  ,  dans  fa  Lettre  au  Minifire  ,  que  s’il 
avoit  le  bonheur  de  recouvrer  fes  forces  ,  il  pût  aller  fe  faire 
tuer  pour  le  fervice  du  Roy  ,  comme  avoient  déjà  fait  tous 
fes  Freres. 


1670. 

Le  Gouver¬ 
neur  de  Mont¬ 
real  obtient 
des  Provifions 
du  Roy. 


Voyage  de 
M.  de  Cour¬ 
celles  aux  Iro¬ 
quois  ,  &  quel 
en  fut  le  mo¬ 
tif. 


j 


RALE 


„  HISTOIRE  G  E  N  E  __ 

4°  .  ■  davantase  le  M miftere  •>  par 


’aILjc  rapport  à  la  ^^''^XdVnoùVeaoTraFrance,  enver- 

du 


tu  du  Traité  de  Breda.  un  -  Solidité  /dont  elle 

donner  à  cette  Province  u  ^ceffaire  de  la  mettre  à  por- 
avoit  toujours  manqu  ,  •  Ouebec.  Mais  pour  bier 

1  '  ^ _ I  PII  Zx/u  Seffem  du  MiniftreP ,  il  fau 


t£t  çnsïsar  æsx*x  :  » 

reprendre  les  choses  de  plus  haut.  partie  Mé- 

-r  SIT'U  par  Anglois , 

ridionnale  de  la  IMOUv  firent  alors  aucune 

d6la  manl^  ^rrecoüvre  &  quoiqu’elle  eût  été  auffi-tôt 
tentative  pour  la  îecou  >  X  1  poUtri„Court  ,  qui  y 
abandonnée  ,  qu'envah  e  &  je  M.  de  K  ?onne 

fit  un  voyage  1  annee  fuivante  ,  ny ^ei  ^ 

en  état  de  lut  faire  obftacle  , 1  avon  vomu  y  ljez 

1.  .1.“  ruinés ,  &  1. 

tranquilles  le ^  chagnn  d  fuf  nouveaux  frais  à  rebâtir  le 

crainte  que ,  s  1  reco  Ç  encore  pen  déloger  , 

S.Rq7iUûttt»ps  du  S'y  fortifier ,  lu  por.ure».  .  y 

'T ’JlufrSuu.  année.  .  « 

Cour  du  Londres  fur  eu^beuuPav.,Bru[jge  en  avoi[  :  m[  pré- 


nomme  la  loui ,  y  comma  •  e  aue  e  vais  dire, 

va  avec  beaucoup  de  gloire  de  la  manière ,  que  ] 

Son  Pere  s’étant  trouvé  à  Londres  pendant  le  ^ge 

fru\  noiir  Quelle  affaire ,  y  avoit  epuiuc  , 


Belle  aaion  Son  Pere  s’étant  trouve  a  Londi  es  époufé  une 

du  Sieur  delà  Rochelle  ,  je  ne  fçai  pour  q Lie  ’  7  &  en  ïaveur  de 

Fille  d’Honneur  de  a  Reme  d  Ange  erre  ,  £  «  la  Jar. 

O.  «•»!«..  >™“  “S'nrtfdS  .  ..  Cour  dus  «tOTr 
retiere.  Soit  quil  eu =  P"?  £  fok  e  fa  nouvelle  digf 

mens  au  préjudice  de  Ion  ’  S ,  •  qu’fi  promit  au 

té  les  lui  euffent  fait  prendie  ,  AnploisenpoffelTion 

Roy  de  la  Grande-Bretage  de  mettre  les  Anglois  en  pou  ^ 


J 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.*IX.  409 

Poffce  ,  que  fon  Fis  occupoit  clans  l’Acadie  ,  8c  que  fur  cette 
affûrance  on  lui  donna  deux  Navires  de  guerre ,  fur  lefquels 
il  s’embarqua  avec  fa  nouvelle  Epoufe. 

Arrivé  à  la  vûë  du  Cap  de  Sable  ,  il  fe  lit  débarquer,  8c 
alla  feul  trouver  fon  Fils  ,  auquel  il  fit  un  expofé  magnifi¬ 
que  de  fon  crédit  à  la  Cdur  de  Londres  ,  8c  des  avantages  , 
qu’il  avoit  lieu  de  s’en  promettre.  Il  lui  ajouta  qu’il  ne  te¬ 
nait  qu’à  lui  de  s’en  procurer  d’auffi  confldérables  ;  qu’il  lui 
apportoit  le  Collier  de  la  Jarretière  ;  8c  qu’il  avoit  pouvoir  de 
le  confirmer  dans  fon  Gouvernement ,  s’il  vouloir  fe  décla¬ 
rer  pour  Sa  Majeflé  Britannique.  Le  jeune  Commandant  fut 
également  furpris  8c  choqué  de  ce  Difcours ,  8c  déclara  net¬ 
tement  à  fon  Pere  ,  qu’il  s’étoit  abufé ,  s’il  l’avoit  cru  capable 
de  livrer  fa  Place  aux  Ennemis  de  l’Etat  ;  qu’il  la  conferve- 
roit  au  Ro f  fon  Maître  ,  tant  qu’il  auroit  un  foufle  de  vie  ; 
qu’il  eflimoit  beaucoup  l’honneur ,  que  lui  vouloit  faire  le  Roy 
d’Angleterre  ,  mais  qu’il  ne  l’acheteroit  pas  au  prix  d’une  tra- 
hifon  ;  que  le  Prince  ,  qu’il  fervoit ,  étoit  allez  puiffant  pour 
le  récompenfer  de  maniéré  à  ne  lui  pas  donner  lieu  de  regret¬ 
ter  les  offres  ,  qu’on  lui  faifoit  ;  8c  qu’en  tout  cas  fa  fidélité 
lui  tiendroit  lieu  de  récompenfe. 

Le  Pere  ayant  reçu  cette  réponfe  ,  à  laquelle  il  ne  s’étoit 
pas  attendu  ,  retourna  à  fon  bord,  d’où  h  écrivit  le  lende- 
demain  à  fon  Fils  dans  les  termes  les  plus  tendres  8c  les  plus 
preffans  ;  mais  cette  Lettre  ne  produifit  encore  rien.  Enfin 
il  lui  fit  dire  qu’il  étoit  en  état  d’emporter  par  la  force  ce 
qu’il  n’avoit  pu  obtenir  par  fes  prières  ;  que  quand  il  auroit 
débarqué  fes  Trouppes ,  il  ne  feroit  plus  tems  pour  lui  de  fe 
repentir  d’avoir  rejetté  les  avantages ,  qu’il  lui  offrait ,  &  qu’il 
lui  confeilloit  comme  fon  Pere  ,  de  ne  pas  le  contraindre  à  le 
traiter  en  Ennemi. 

Ces  menaces  furent  auffi  inutiles  ,  que  les  follicitations  8c 
les  promeffes  l’avoient  été.  La  Tour  le  Pere  en  voulut  venir 
à  l’execution  ;  8c  les  Anglois  ayant  fait  leurs  approches  ,  le 
Commandant  fe  défendit  fi  bien  ,  qu’au  bout  de  deux  jours , 
le  Général  Anglois  ,  qui  n’avoit  pas  compté  fur  la  moindre 
refiffance  ,  8c  qui  avoit  déjà  perdu  plufieurs  de  fes  meilleurs 
Soldats  ,  ne  jugea  point  à  propos  de  s’opiniâtrer  davanta¬ 
ge  à  ce  Siège  :  il  le  déclara  à  la  Tour  le  Pere  5  qui  fe 
trouva  fort  embarraflé.  Il  n’ofoit  retourner  en  Angleterre  , 
beaucoup  moins  en  France  ;  8c  le  feul  parti ,  qui  lui  reliât 
Tome  I.  F  f  f 


4I0  histoire  generale 

—7—“  à  prendre  ,  étoit  de  recourir  à  la  clemence  de  fon  f  ils. 

67  11  s’en  ouvrit  à  fon  Epoufe  ,  &  lui  dit  qu  il  s  etoit  tenu  af¬ 

fûté  de  la  rendre  heureufe  en  Amérique  ;  mais  que  puilque 
fa  mauvaife  fortune  avoit  renverfé  fes  projets  ,  il  ne  vouloir 
pas  exiger  d’elle  qu’elle  y  vécut  malheureufe  ,  &  cm  il  lut 
laiffoit  une  liberté  entière  de  retourner  dans  fa  Famille.  La 
Dame  lui  répondit  qu’elle  ne  l’avoit  point  epoufe  pour  la- 
bandonner  ;  que  quelque  part ,  où  il  voudroit  la  mener  ,  & 
en  quelque  fituation  ,  qu’il  fe  trouvât,  elle  feroit  toujours  fe 
Compagne  fidèle  ,  &  mettroit  tout  fon  bonheur  a  adoucir  fes 
chagrins.  La  Tour  charmé  &  attendri  d  une  fi  grande  8e“®* 
rofité  fit  prier  fon  Fils  de  fouffnr  qu  il  demeurât  en  Acadie.. 

Le  jeune  Homme  lui  fit  réponfe  quil  ne  vouloir  pas  lex- 
pofer  à  porter  fa  tête  fur  un  échafaut  en  Angleterre  ;  quil 
lui  donneroit  volontiers  un  afyle  ;  mais  quil  ne  poux  oit  per¬ 
mettre  ,  ni  à  lui  ,  ni  à  fa  Femme  d’entrer  clans  fon  Fort  : 
qu’au  refie  il  leur  engageoit  fa  parole  de  ne  les  laifTer  man¬ 
quer  de  rien.  La  condition  parut  un  peu  dure,  mais  il  fal¬ 
lut  s’y  foûmettre.  Avec  la  permiffion  du  General  Anglois, 
les  deux  Epoux  débarquèrent  avec  tous  leurs  effets  ,  deux 
Valets  &  deux  Femmes  de  chambre  ,  &les  deux  Navires 
reprirent  la  route  d’Angleterre.  La  Tour  fit  conftruire  a  fon 
Pere  une  Maifon  propre  à  quelque  diflance  de  fon  fort  fur 
un  terreia  fertile  ,  &  dans  une  fituation  agréable  ,  &£  prit  loin 
de  leur  entretien..  Le  Sieur  Denys  rapporte  dans  fa  Defcripuon 
de  l’Amérique  Septentrionnale  qu’il  les  y  rencontra  en  163.5 .  cl 

qu’ils  étoient  affez  bien  établis.  ,  ,  .  j- 

Partage  des  Tout  ce  que  les  Anglois  nous  avoient  enleve  oaus  ea  i* 
Provinces,  qui  &  fu  r  la  CÔ£e  vojfme  pendant  &  avant  la  guerre  de  la  -Ko- 

«ouver™  '  cheik  ,  ayant. été  reftitué  en  163  r.  comme  je  1  ar  marque  plus 
ment  de  l’A-  }laut  tOLlte  cette  partie  de  la  Nouvelle  France  lut  paitage  . 

^ -  trois  Provinces ,  dont  le  Gouvernement  &  la  propriété  furent 

1 6 47-7  o-  accordés  au  Commandeur  de  Razilly  ,  au  jeune  la  four,  « 
à  M.  Denys.  Le  premier  eue  pour  fon  lot  le  Port  Royal , 
tout  ce  qui  eft  au  Sud  jufqu’à  la  Nouvelle  Angeture  , 
coud  eut  l’Acadie  proprement  dite  ,  depuis,  le  l  ort  Royal  jui- 
quaCamceaux;  &  le  troifieme  eut  la  Cote  nenta  e 
nada  depuis  Camceaux  jufquà  Gafpe.  Il  paroit  cependant  m 
le  premier  eut  d’abord  droit  fur  toute  1  Acadie  ,  mais  qu  ^ 
tommoda  avec  M.  de  la  Tour  ,  &  il  eft  certain  qu  1  ■lt.un  ,  ' 
bliffement  dans  le  Port  de  la  Heve  ,  qui  etoit ,  6c  qui  tut  ae- 


DE  LANOUVELLE  FRANCE.  Liv.îX.  411 

puis  dans  le  partage  de  celui-ci ,  qui  de  fon  côté  fit  la  même 
chofe  dans  la  Riviere  de  S.  Jean.  Il  y  a  bien  de  l’apparence 
que  ces  Meffieurs  firent  entr’eux  un  échange  à  l’amiable  de 
leurs  Domaines  ,  ou  du  moins  d’une  partie  ;  car  le  Fort  de  Pen- 
tagoet ,  qui  avoit  été  bâti  parla  Tour  avant  la  guerre  ,  refia 
au  Commandeur ,  pendant  la  vie  duquel  la  bonne  intelligence 
ne  reçut  aucune  atteinte  entre  les  trois  Gouverneurs. 

.  Après  la  mort  de  M.  de  Razilly  M.  TAunay  de  Charnisé 
entra  dans  fes  droits  par  un  accommodement ,  qu’il  fit  avec  les 
Freres  du  défunt ,  &  obtint  en  1 647.  des  Provifions  de  Gouver¬ 
neur  de  FAcadie,  ce  qui  ne  devoit  apparemment  s’entendre,  que 
de  cette  partie  de  la  prefqu’Ifle  ,  qui  portoit  plus  proprement  le 
nom  d’Acadie  ,  comme  je  Fai  déjà  remarqué  plufieurs  fois.  La 
première  chofe  ,  qu’il  fit  en  prenant  poffefîion  de  fon  Gouver¬ 
nement  ,  ce  fut  d’abandonner  la  Héve  ,  qui  efl  fans  contredit 
le  meilleur  Port  &  le  meilleur  terrein  de  tout  le  Pays.  Il  en 
tranfplanta  tous  les  Habitans  au  Port  Royal ,  où  il  commença 
un  grand  EtablifTement. 

Mais  foit  que  le  Port  Royal  appartînt  à  M.  de  la  Tour , 
en  vertu  du  Traité  d’échange  ,  qu’il  avoit  fait  avec  le  Com¬ 
mandeur  de  Razilly  ,  ou  que  les  deux  Gouverneurs  fuffent  trop 
voifins  pour  demeurer  lontems  amis  ,  la  méfintelligence  fe  mit 
bientôt  entr’eux  ,  &  ils  ne  tardèrent  pas  à  en  venir  aux  armes. 
Après  quelques  hoflilités  de  peu  d’importance  ,  Charnifé  ayant 
fçu  que  la  Tour  étoit  forti  de  fon  fort  de  S.  Jean  avec  la 
meilleure  partie  de  fa  Garnifon  ,  crut  l’occafion  favorable 
pour  s  en  rendre  le  maître  ,  &'y  marcha  avec  toutes  fes 
Trouppes. 

Mac  lame  de  la  Tour  y  étoit  reliée  ,  &  quoique  furprife  avec 
un  petit  nombre  de  Soldats ,  elle  refolut  de  fe  défendre  jufqu’à 
1  extrémité  ;  ce  qu’elle  fit  avec  tant  de  courage  pendant  trois 
jours  ,  quelle  obligea  les  Afîiegeans  à  s’éloigner;  mais  le  qua¬ 
trième  jour  ,  qui  étoit  le  Dimanche  de  Pâques  ,  elle  fut  trahie 
par  un  Suiffe  ,  qui  étoit  en  faélion  ,  &  que  M.  de  Charnifé 
avoit  trouve  le  moyen  de  corrompre.  Elle  ne  fe  crut  pourtant 
pas  encore  fans  refïburce  :  quand  elle  apprit  que  l’Ennemi  efca- 
ladoit  la  muraille  ,  elle  s’y  montra  pour  la  défendre  à  la  tête  de 
fa  petite  Garnifon. 

Charnifé  ,  qui  s’imagina  que  cette  Garnifon  étoit  plus  forte  , 
qu’il  ne  Favoit  cru  d’abord ,  &  qui  craignit  de  recevoir  un 
affront  ,  propofa  à  la  Dame  de  la  recevoir  à  compofition  ?  & 

F  f  f  ij 


1  6jo.‘ 


Guerre  civile 
entre  les  Frans 
çois. 


A£tio<n  indi¬ 
gne  de  M.  de 
Charnifé, 


\6j  o. 


Suite  des  di 
■vihons  de  l’A 
eadk. 


.I2i  histoire  generale 

elle  y  confentit  pour  fauver  lavie  à  ce  peu  de  braves  Gen^, 
nui  Tavoient  fi  bien  fecondee  ;  mais  Charmfe  ne  tut  pas  p+u 
?ôt  entré  dans  le  Fort ,  qu’il  eut  honte  d  avoir  capitule  a\ee 
une  Femme  qui  ne  lui  avoir  oppofé  que  fon  çourage  ,  &  une 
poignée  d’Hommes  ramaffés  ;  il  te  plaignit  qu  on il  avon  trom- 
né  &  il  fe  crut  en  droit  de  ne  garder  aucun  des  articles  de  la 

,  6.  f**  •«»  ‘“O™  d' f tZ'  «î  c» 

à  l’exception  d’un  feul ,  auquel  il  n  accorda  la  vie  ,  qua ‘ 
dition  qu’il  feroitle  Bourreau  de  tous  les  autres ,  &  oblig 
Prifonniere  d’affifter  à  l’exécution  la  corde  au  -cou-  « 

M  Denvs ,  qui  rapporte  ce  tragique  evenement ,  n  en  mar 
'•  i  i  Jtt  1ec  fuites  ;  il  fe  contente  de  nous  apprendre 

qu’après  la  mort  de  M.  de  Charnifé  ,  un  nommé  le  Borgne  , 
de  la  Rochelle,  obtint  un  Arrêt  du  Parlement  de  Paris ,  en  ver- 

«»  P?Mo„  ae  tout  ce  qui -JJ- 
dans  FAcadie  à  ce  Gentilhomme ,  dont  d ytoit  Creancier 
,e  trouve  dans  un  autre  Mémoire  que  M.  de  la  Tour,  qu 
avoir  apparemment  perdu  fa  Femme  peu  de  tems  apres  le 
heur ,  ci  ont  je  viens  "de  parler  ,  époufa 

mi  •  nue  non-feulement  il  redevint  le  Maître  du  b  ort  de  la  mvie 
re  de\  Jean  ,  mais  qu’il  poffeda encore  quelque  tems  celui  d^ 
Port  Royal ,  où  fa  fécondé  r  emme ,  qui  lui  fui  vécut , 

très-bel  Etabliffement  plufieurs  années  apres. 

I  e  Sieur  le  Borgne  de  fon  côté  n’oubhoit  rien  pour  taire  va 

pour  Seigneur  de  l’Acadie  II  entreprit  ^  de  chafe  Me 
fieurs  deïa  Tour  &Denys  de  leurs  Domaines  ,  & 
parce  dernier.  Ayant  fçu  qu’il  etoit  arrive  allfle i  Roya  e  ave 
une  Commiffion  de  la  Compagnie  des  Udes  Occ^en  ,  p 
y  établir  des  Habitans ,  il  y  envoya  fou* ^“fichè¬ 
rent  ordre  de  l’enlever.  Celui ,  qui  comma  avoir  mis 

ment ,  apprit  en  débarquant  que  M.  Denys  ’  ^P,  étoit 

toutfon  Monde  à  terre  pour  travailler  a  un  défi  icne 
allé  vifiter  le  Port  de  Sainte  Anne  ;  il  crut  l  occafio  * 
ble  pour  détruire  la  nouvelle  Habitation  ,  fa ns  i  tq 

il  furprit  les  Travailleurs  ,  qui  ne  croyoïent  pas  avoir 
à  des  Ennemis ,  les  fit  tous  Prifonmers ,  &  s.®nï"^d"„auantè 
qui  les  avoit  amenés ,  &  dont  la  charge  etoit  eftimee  c  q 

II  envoya  enfuitt  vint-cinq  Hommes  bien  ««e 

r  %  f 


■mm 


DE  LA  NOUVEI.L# FRANCE.  Liv.  IX.  415 

&  leur  commanda  de  lui  dreffer  une  embufcade  fur  le  chemin. 
Denys  ,  qui  ne  fe  doutoit  de  rien  ,  fe  trouva  invefti ,  lorsqu’il  y 
-  penfoit  le  moins  ,  &  conduit  au  Port  Royal ,  où  il  fut  enfer¬ 
mé  comme  un  Criminel  dans  un  cachot,  les  fers  aux  pieds.  Il 
avoit  encore  dans  rifle  Royale  un  Fort ,  qu’on  appelloit  le 
Fort  S .  Pierre .  L’année  fuivante  le  Borgne  s’en  rendit  le  Maî¬ 
tre  ,  &  y  mit  un  Commandant ,  fur  lequel  il  pouvoit  compter. 

Il  ne  s’en  tint  pas  là.  Ceux  de  fes  Gens,  qui  avoient  enlevé 
-M.  Denys  dans  rifle  Royale  *  p  allant  parla  Héve  ,  qui  depuis 
que  M.  de  Charnifé  s’en  étoit  retiré  ,  s’étoit  allez  bien  rétablie  , 
mirent  par  fon  ordre  le  feu  à  tous  les  Çâtimens  ,  fans  épargner 
même  la  Chapelle  ,  &  cette  perte  fut  eftimée  cent  mille  francs. 
Quelque  tems  après  le  Sieur  Denys  récouvra  fa  liberté ,  & 
p  alfa  en  France  pour  y  porter  fes  plaintes  au  Roy  &  à  la  Com¬ 
pagnie  ;  elles  furent  écoutées ,  &  il  obtint  de  la  Compagnie 
une  nouvelle  Commifiîon ,  qui  fut  confirmée  par  des  Lettres 
Patentes  de  Sa  Majefié  ,  &  qui  le  rétablit  dans  tous  fes  droits. 
Muni  de  ces  pièces  il  s’embarqua  en  1654.  &  à  fon  arrivée  en 
l’Ifle  Royale  ,  celui ,  qui  commandoit  dans  le  Fort  S.  Pierre  , 
fui  remit  cette  Place. 

Le  Borgne  apprit  cette  nouvelle  dans  le  tems ,  qu’il  fe  difpô- 
foit  àfurprendre  M.  delà  Tour  dans  la  Riviere  S.  Jean,  fous 
prétexte  de  lui  porter  des  vivres ,  dont  il  fçavoit  que  ce  Gen¬ 
tilhomme  manquoit  abfolument.  Il  jugea  plus  à  propos  de  re¬ 
mettre  ce  deflein  à  un  autre  tems  ,  quoiqu’il  fût  déjà  en  marche  , 
&  retourna  au  Port  Royal.  Son  projet  étoit  d’enlever  tous  les 
papiers  de  celui  ,  qui  étoit  venu  là  pour  lui  lignifier  la  C0111- 
miffion  de  M.  Denys  &  les  ordres  de  Sa  Majefié  ,  afin  d’aller 
enfuite  tomber  fur  ce  Gouverneur  ,  qu’il  efperoit  trouver  fans 
aucune  défiance.  Il  n’étoit  pas  encore  arrivé  au  Port  Royal  , 
que  les  Anglois  parurent  à  la  vûë  du  Fort  de  la  Riviere  Saint 
Jean,  &  fommerent  M.  de  la  Tour  de  le  leur  remettre  entre 
les  mains. 

Le  défaut  de  vivres  l’obligea  de  fe  rendre  ,  &  de  là  les  En¬ 
nemis  paflerent  au  Port  Royal ,  où  ils  firent  au  Sieur  le  Bor- 

fne  la  même  fommation  ,  qu’ils  venoient  de  faire  à  M.  de  la 
our.  Il  y  répondit  d’abord  a  fiez  fierement  ;  &  les  Anglois 
ayant  mis  trois  cent  Hommes  à  terre  pour  l’attaquer ,  il  en¬ 
voya  contre  eux  fon  Sergent  avec  une  partie  de  fon  Monde. 
On  en  vint  aux  mains  ,  &  les  François  combattirent  avec 
affez  de  valeur  ;  mais  le  Sergent  ayant  été  tué ,  tous  fes  Sol- 


f 


1654-70. 


Les  Angloîg 
s’emparent  de 
nouveau  de 
l’Acadie. 


1654-70. 


Leur  mauvaife 
foy. 


.  H  I  S  T  O  I  R  É  GENERALE. 

dats  prirent  la  fuite,  &  regagnèrent  le  Fort  en  défordre. 

Le  Borgne  fe  trouva  alors  très  embarraffe  ;  il  lui  reftoit 
encore  cent  cinquante  Hommes ,  en  comptant  les  Habitans , 
mais  il  ny  en  avoit  pas  un  feul ,  qui  fût  capable  de  comman¬ 
dement  ;  lui -même  ne  fçavoit  pas  la  guerre  ,  quil  navoit 
jamais  faite  :  ainfi  avec  une  affez  bonne  Garnifon  &  des  pro¬ 
visions  de  guerre  &  de  bouche  en  abondance  dans  une  Place, 
où  l’Ennemi  nétoit  pas  en  état  de  le  forcer  ,  il  jugea  a  propos 
de  fe  rendre  par  compofition.  Les  Anglois  lui  promirent  beau¬ 
coup  &  fe  mocquerent  enfuite  de  lui ,  ne  fe  cioyant  pas  , 
difoient-ils ,  obligés  de  tenir  parole  à  des  Gens  ,  qui  avoient 

montré  h  peu  de  courage.  c  •  t 

Pentagoët  eut  bientôt  le  même  fort  que  le  Fort  Saint  Jean , 

&  le  Port  Royal  ;  ainfi  toute  l’Acadie  &  la  partie  Meridion- 
nale  de  la  Nouvelle  France  fe  trouvèrent  pour  la  troiûeme 
fois  au  pouvoir  des  Anglois.  Quelque-tems  apres  le  ,u 

Sieur  le  Borgne  revint  en  Acadie  avec  un  Marchand  de  la 
Rochelle ,  nommé  Guilbaut  ,  qu’il  s’etoit  affocie ,  entra  dans 
le  Port  de  la  Heve  ,  &  y  conftruifit  un  Fort  de  pieux.  Les 
Anglois  n’en  furent  pas  iitôt  informes  ,  qu  ils  marchèrent  a  la 
Heve  ,  pour  en  déloger  les  François.  A  leur  approche  e  Bor¬ 
gne  ,  aulîi  peu  guerrier  que  fon  Pere  ,  fe  fauva  dans  le  Bo  s 
avec  quelques-uns  des  fiens  ;  ce  qui  nempecha  point  Guil¬ 
baut  de  fs  défendre  avec  vigueur.  Piufieurs  Anglois  furent 
tués  aux  premières  attaques  ,  &  leur  Commandant  fut  de  ce 
nombre  ,  ce  qui  obligea  les  autres  à  s’éloigner. 

Ils  fe  préparoient  cependant  à  revenir  a  la  charge  ,  lorfque 
Guilbaut ,  qui  n’avoit  à  la  Heve  d’autre  intérêt ,  que  celui  de 
fes  effets  ,  leur  fit  propofer  un  accommodement,  ils  I  accep-  . 
terent  ;  Guilbaut  convint  de  leur  remettre  le  Fort ,  a  condi¬ 
tion  que  tout  ce  qui  appartenait  à  lui  &  a  fes  gens  ,  leur  - 
roit  rendu  ;  ce  qui  fut  exécuté.  Il  pretendoit  bien  que  fon 
Affocié  ferait  compris  dans  ce  Traite  ;  mais  les  Anglois ;n  ayant 
point  trouvé  le  Borgne  dans  fon  Fort  ,  s  obftinerent  a  le  - 
clure  de  la  capitulation  ;  &  comme  la  faim  le  chaüa  bien¬ 
tôt  de  fa  retraite  ,  il  fut  contraint  de  fe  remettre  entre  les  mains 
des  Vainqueurs ,  qui  le  menèrent  Prifonmer  a  Bafton. 

Ils  l’y  retinrent  affez  lontems ,  apres  quoi  ils  le  délivrèrent, 
&  firent  avec  lui  un  Traité  ,  qui  ne  fut  pas  trop; bier 10 b  er- 
vé  de  leur  part  ;  ce  qui  caufa  bien  des  hofti  ltes  ,  1 

récit  n’a  rien  de  fort  int.ereffant  ?  &  nie  rpeneroit  îrop  .  , 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  415 

Il  fuffit  (te  fçavoir  que  les  nouvelles  Conquêtes  des  Anglois 
leur  reffer eut  jufquau  Traité  de  Breda  ,  dont  je  parlerai  bien¬ 
tôt.  Le  Sieur  Denys  délivré  des  appréhendons ,  que  lui  avoit 
caufé  le  Borgne  le  Pere  ,  avoit  profité  de  cet  intervalle  de 
calme  ,  pour  réparer  une* partie  de  fes  pertes,  •&  pour  fe for¬ 
tifier  contre  les^  Anglois  ,  dont  il  ne  devoit  pas  s’attendre  d’ê¬ 
tre  plus  épargné  que  fes  deux  Collègues. 

Mais  cet  intervalle  fut  bien  court  ;  &  quoique  les  Enne¬ 
mis  de  1  Etat  n  enflent  point  penfé  à  l’inquiéter  ,  fa  condition 
nen  fut  pas  plus  heurèufe.  Il  étoit  affez  tranquille  dans  un 
Fort ,  qu  il  avoit  conftruit  à  Chedabouctou.  fur  la  Côte  Orien¬ 
tale  ,  iorfqu  un  nomme  la  Giraudiere  ,  qui,  fur  un  faux 
expofé ,  avoit  obtenu  par  furprife  de  la  Compagnie  des  Indes 
Occidentales  une  Conceflion  du  Port  de  Camceaux  ,  arriva 
dans  ce  Port  ,  ou  il  fçavoit  que  M.  Denys  attendoit  incef- 
famment  un  Navire  charge  de  vivres.  Ce  Bâtiment  arriva 
en  effet ,  &  la  Giraudiere  fignifia  fa  Commiflion  au  Capitai¬ 
ne  ,  qui  le  commandoit  ,  lui  fit  defenfe  de  rien  délivrer  à 
M.  Denys  ,  &  envoya  fommer  ce  Gouverneur  de  lui  remet¬ 
tre  Chedabou&ou ,  avec  tout  ce  qu’il  poffedoit  jufquau  Cap 
Saint  Louis  ,  comme  étant  compris  dans  fa  Conceflion. 

M.  Denys  lui  fit  reponfe  que  la  Compagnie  avoit  été  fur¬ 
prife  ,  &  qu’il  n’étoit  pas  vraifemblable  quelle  eût  donné 
à  un  autre  ce  quelle  lui  avoit  déjà  vendu.  La  Giraudiere 
répliqua  qu  il  etoit  muni  d’une  Commiflion  en  bonne  forme , 
&  que  s’il  ne  vouloir  pas  lui  rendre  fon  Fort  de  bonne  gr⬠
ce  ,  il  avoit  dequoi  l’y  forcer.  En  même-tems  fix-vint  Hom¬ 
mes  ,  qui  etôient  avec  le  Sieur  Denys  ,  fçachant  que  fon  Na¬ 
vire  avoit  été  fai  fl  ,  &  fe  voyant  par-là  à  la  veille  de  man¬ 
quer  de  vivres,  lui  demandèrent  leur  congé.  Il  leur  dit  qu’il 
ne  prétendoit  pas  les  retenir  par  force  ;  mais  il  les  engagea 
par  fes  bonnes  maniérés  à  finir  les  ouvrages ,  qu’ils  avoient 
commences  ;  &  quand  il  fe  vit  en  état  de  ne  pas  craindre  la 
Giraudiere  ,  il  les  fit  tranfporter  à  Me  du  Cap  Breton  ,  à  l’ex¬ 
ception  de  douze  ,  qui  ne  voulurent  point  abandonner  leur 

Dès  que  la  Giraudiere  fut  inffruit  de  leur  départ ,  il  fe  mit 
en  devoir  de -réduire  Chedabou&ou  ;  mais  il  fut  bien  fur  pris 
dy  trouver  le  Gouverneur  bien  retranché,  avec  du  Canon 
&  des  Pierriers.  Il  ne  laiffa  pas  de  le  fommer  de  nouveau  de; 
lux  livrer  fa  Place  ,  &  il.  lui  fit  dire  qu’il  ne  feroit  pas  fage- 


% 


1654-70. 


Aventures 
du  Sieur  De¬ 
nys. 


r  HISTOIRE  GENERALE 

_ - mont  *r  rifquer  fa  vk  pou,  h  '  P^R  gp'L” 

,654-70.  &S&- lu,™  1» 

cm  d  nlqueroit  p  us  dg  fe  cau&  combattrait  en  fa 

défendant  ,&q  )  joint  par  fon  Frere  nom- 

-  -  ba5  ’  foi- 


mé  de  Bay  ,  relta  trois  ^Vrir  miêlque  endroit  foi- 

je™  •>  »■« 

_ _  «nint  trouve  .  il  îe  retira.  _  .  .  n _ 


\  J  j_  ^  Wj  H  ^  A,  • 


re  ou  mai.te  du  tort  «  o*'  “  „„tlqucs  contef- 


tâtions  fut  j  sjim  p,,,.,  au  Sieur  Denys  ,  qui 

g&TJiWî 

”m  Denis,  confenn.  t  la  Compagnie  déclara,»* 
S'Ü’f.XeE'f  le  dédon, 

tjx£ 

pretulre  ™Tde’  cÔ«“d£l>“  S  ce  fui  un  grand  «»lh™g£ 
cette  partie  de  la  Nouvelle  France  qui  n  a  jamais  eu  un  Com 

mandant  plus  capable .  gus  JTP  aux  François 

*3M  es  "IA  Lï  avoieftt  conquis  fur  eux  dans  lAmen- 

reftituées  à  la  tout  ce  que  6  .  mais  cette  reftitution  ne  fut  execu 

r tance  P.n  le  rique  Septentrionnale  j.  ™  .  T  ■„  i  cette  année  le  Che- 

Traité  de  Bre-  t£e  quen  1670.  Le  fepueme  dw  -  Grande- 

*■  valieV  Temple  muni  des  Pouvoirs,  du  Roy  de  la  gr 


t - valier  Temple  muni  des  Pouvoirs.  ;>?  Grand 

i667-7°-  Bretagne  ,  &  Hubert  d’Andigny  ,  Chevalier  de  t. 

Fontaine  ,  Plénipotentiaire  du  Roy  1  res  -  Chrétien  ,  «P 


I 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  4 17 

rent  à  Barton  un  Reglement  ,  qui  affûroit  à  la  France  tout 
le  Pays  ,  qui  s’étend  depuis  Pentagoët  jufqua  Fille  de  Cap 
Breton  inclufivement. 

Il  eft  vrai  ,  que  comme  le  tout  avoit  été  compris  dans  le 
Traité  fous  le  nom  d’Acadie  ,  fous  lequel  on  confondoit  quel¬ 
quefois  les  Côtes  voifines  ,  le  Chevalier  Temple  refufa  de 
rendre  Pentagoët ,  où  il  commandoit  ,  prétendant  que  cette 
Place  n’étoit  point  de  l’Acadie  :  il  difoit  vrai  ;  mais  comme 
les  deux  Rois  vivoient  alors  dans  une  très  -  bonne  intelligen¬ 
ce  ,  il  fut  obligé  dans  la  fuite  de  remettre  au  Chevalier  de 
Grand-Fontaine  ,  un  Porte  ,  qui ,  de  l’aveu  même  des  Anglois , 
lui  valoit plus  de quatre-vint  mille  livres  de  rente  (a).  La  Com- 
mirtion ,  en  vertu  de  laquelle  le  Gouverneur  François  fe  mit  en 
poflertion  de  cette  Place,  eft  du  cinquième  de  Mars  1670.  & 
marque  les  bornes  de  fon  Gouvernement  depuis  le  Quinibe- 
qui  jufqu’au  Fleuve  Saint  Laurent ,  conformément  à  la  prife 
de  poflertion  faite  en  1630.  au  nom  du  Roy  Louis  XIII.  par 
le  Commandeur  de  Razilly. 

Les  affaires  étant  ainrt  réglées  par  rapport  à  l’Acadie ,  & 
aux  Provinces  ,  qui  y  confinent ,  &  la  tour  de  France  ayant 
compris  que  ,  pour  les  mettre  à  l’abri  d’un'e  nouvelle  inva- 
flou ,  il  falloir  leur  faciliter  les  fecours  ,  quelles  pouvoient 
tirer  de  Quebec  ,  il  étoit  néceffaire  de  pratiquer  un  che¬ 
min  commode  entre  cette  Capitale  &  le  Port  Royal  ,  ou 
Pentagoët  ;  car  on  fe  borna  .d’abord  au  rétabliffement  de 
ces  deux  Portes  ;  M.  de  Courcelles  ,  dans  la  même  Lettre 
qu’il  écrivit  à  M.  Colbert ,  pour  demander  fon  rappel ,  man¬ 
da  à  ce  Minirtre  que ,  fans  fes  incommodités  ,  il  auroit  dé¬ 
jà  exécuté  par  lui-même  ce  projet. 

A  fon  defaut  M.  Colbert ,  qui  en  avoit  fort  à  cœur  l’exé¬ 
cution  ,  envoya  M.  Patoulet  Commiflaire  de  Marine  en 
Acadie  ,  avec  ordre  d’en  vifiter  tous  les  Portes  ,  &  de  lui  en 
rendre  un  compte  exach  La  vifite  fut  faite  avec  tout  le  foin 
poflible  ;  mais  le  chemin  projetté  ne  fe  fit  point ,  &  l’Aca¬ 
die  eft  toujours  demeurée  depuis  dans  le  même  état  de  lan¬ 
gueur  ,  d’où  il  paroiffoit  qu’on  étoit  réfolu  de  la  tirer.  Les 
Anglois  ont  continué  d’y  faire  une  abondante  pêche  ,  qui  a 


(a)  Il  y  a  bietj  de  l’apparence  que  le 
Gouvernement  de  Pentagoët,  dont  le  Che¬ 
valier  Temple  étoit  en  pofTeflion  à  la  paix  de 
Breda  ,  comprenoit  aufli  l’Acadie  &  Tes  Pc- 

Tome  I. 


ches  ,  puifqu’on  allure  que  des  feuls  droits, 
qu’il  tiroit  des  Anglois  ,  il  faifoic  tous  les  ans 
quatre-vint  mille  livres. 

Ggg 


1670. 


g  histoire  generale 

enrichi  la  Nouvelle  Angleterre  ,  &  cela  dans  le  tems ,  ou 
Ton  demandoit  en  France  de  quelle  utilité  pouvoir  etre  cette 
Province?  Ce  n’étoit  pourtant  là  que  la  moindre  pâme  des 
_ _ _  nrnmrer  au  Royaume. 


Affaires 
Terre-Neuve 


rruvmec  ;  -  A  d 

avantages  ,  quelle  pouvoir  procurer  au  Royaume.  , 
de  L’Iile  de  Terre-Neuve  n  avoitpas-  été  moins  négligée  ,  que 

ve.  o _  1  .  r>  ^ »  1 1 1 1  ^  *»  1 1  ÿ* p rl  F fl  0  "1 1  liîc S  1 U 1 


I  erre-rseuve  iuvuu  pas  1  0  P 

VA  radie  &  le  Roy  voulut  auffi  prendre  de  juftes  mefures  pour 
s’y  affûrer  le  Port  de  Plaifance  ,  &  toute  la  Cote  Meridion- 
nale  ,  où  ce  Port  eft  fitué.  En  parlant  de  cette  Iile  ,  ou  les 
François  dès  l’année  1504.  avoient  un  EtabMément ,  vers  Jte 
Cap  de  Rare  ,  nous  en  femmes  demeures  au  Voyage  du  C 
valL  Humbert  Humfrey  ,  qui  en  1583.  en  avoir  pris  poM- 

fion  pour  la  Reine  Elizabeth  d’Angleterrc  &  pour  lui-mfr 
me  ,  cette  Princeffe  lui  en  ayant  accorde  le  Dorname.  ^ 
Navire  ,  qui  le  reportoit  en  Europe,  ayant  échoué  fur  llfle 

de  Sable  ,qoù  quelques-uns  ont  affûré  fpf  ^urs 

fes  protêts  &  fes  prétentions  périrent  avec  lui ,  &  les  Fecheurs 
François  continuèrent  leurs  pêches  en  Terre  -  Neuve  ,  com¬ 
me  ils  faifoient  depuis  près  d’un  fiecle  ,  fans  fonger  a  y 

f°Enei6o8.  Jean  Guyas  de  Bristol  reprit  le  deffein  du 
Chevalier  Humfrey  :  U  fit  dans  la  Baye  de  la  Conception  un 
Etabliffement ,  qui  fut  dans  la  fuite  tranfporte  a  Saint  Jea  , 
&  les  Anelois  en  ont  dans  la  fuite  forme  plulieurs  au 
fur  la  même  Côte  Orientale  ,  depuis-  la  Baye  de  la  Concep¬ 
tion  jufqu’au  Cap  de  Raze  :  mais  au-dela  on  n  a  Rtnais  re 
connu  le  droit ,  que  cette  Nation  pretendoit  avoir  fur 
llfle  ,  ni  en  vertu  de  la  première  decouverte  de  Jean  « 
Sebaftien  Cabot  ,  fous  Henry  VIL  ni  en  vertu  de  la  pn 
poffefiion  de  Gilbert  Humfrey  ,  fous  celui  d  Elizabeth  ,  d  au 
tant  plus  que  l’une  &  l’autre  étoient  conteftees  par  les  Ba 
ques!  les  Bretons ,  &  les  Normands ,  pour  les  raifons  que ,  a. 

“Infin  les1  François  commencèrent  à  fe  fixer  dans 
de  Plaifance  ,  où  ils  trouvèrent  un  Port  commode ,  &  u 
plus  beaux  ,  que  la  Nature  ait  formés  dans  1  Amérique  S® 
tentrionnale.  Il  eft  vrai  que  ce  n  eft  quun  ort  ,  q 
n’y  peut  avoir  des  chofes  les  plus  neceffaires  a  la  vie  ,  q 
ce  qu’on  y  fait  venir  d’ailleurs  ;  mais  comme  la  Peche  d®  1 
morue  y  eft  extrêmement  abondante  ,  bt  qu  on  y  troy 
tes  fortes  de  facilités  pour  faire  fecher  le  poiffon  ,  ce 
fidération  feule  devoit  3  ce  femble  ,  fuflire  a  ceux  ?  qui 


'•'* Jllades/r 

■"C-,  ^ 


Hti’ic'rc  Pajouatc/nou 


Belles  i/nn 


C  Ail  T  E  D  E 

I SLE  DETERRE-NEUVE 


deux 


■ui  uel- 


I.iye  ■U!-XL- 


fJJVolre  Dame 
ap  S -Antoine.' 

.<•  Cornioranditres 

Julien 

JFu/iol— 

’clit  llleslrc. 


T.sean 


lier  a //e 

'■  sWuri/iierife^ 


o*eine\ir  nu 


7*i-ri'//r' 


Le  F, tic 
Cil  -  Eoujje 
fa.  ùiif/ir  1 
Boutitvu 


le  la  M 


(trois 


/  Bru/c'e  %. 
JF  (a  l  e 

IS-JcalH 


Je  jCa/vj/jan lient 


Grand  -  lfc  canna. 


Ppçorab  du  Ch, 
ap  d’Arycnl- 


?ctit  uffcc.um. 


Cap  1 
Cantine* 


Ûuapitvnjan 


•es  ,  te  /rm d  Je  plusieurs 
/Inferieur  de  l  J  s  le  sont 


i  sur 


.ites,  Je  meme  cjue 

entièrement-  inconnus 


Vtujotii  i 


f J- de  Fonanc 

=T o  u  lu/  u  cl~ 


,,  e»" 

do  B  onavifta 
ointe  .  f.  (ri  II  ex 
\if  Zorian 
g.  de  Finir 
^7*  a f  Fleurs. 


rois 


D  U 


B. toc  ./es  frais  Js /es  dotil- 
U’^/ottd  es/- inconnu 


Wt'ort  Catnlina 

~Iféxorç  Raaocd 
aip  des  oint  ils 


"'dr00 

Havre  de  lu  Truntc 


de  Bonn  a  venhtr 


de  Fourni  oc n litre- 


St  nids  Sonde 


(reor.jcs 


E  R  R  E 


\.B  acetlUoii 
te  Ferle 
de  Fia, ultra 

’  Guillaume 
^a  u  tuons 


Buda 
Tikle  f. 


,  Tel  de  Clan 
Co,  huera  ^ 
71  de  alfcsicltc 
Havre  de  lrrace*>0& 

J! -  .  I 


ap  S. François 


C  .a  /  .1  liai  tille 


tri’ ai/ 

'.'ointe  rolicfc 
B.tyedc  Lci/y 

b.  Jean 

d’Eau,  douce 


a  ne  de 


rat  ic 


Injure 
•rbetnni 
O  0,10/ 


7’eht  l/a  i 

.de  Ji  culte, 


g»-  Ms.  des  < 

TT?/lc/itt 
=pT  BJCeiaL, 
il.  anxB.dk, ,e  A 
lot  Æaru  hà  JS 
de  Br  o  île  J§ 


erre 


s7n.li. 


IB  a/. /u.  m  ~ 
JFlafî 

I  du  Pin./oniti 


B-  etesulf et  r tir, 

et  /•elitHuriir 


B-, le  Caphnet 
'eau ^  tarte  çS 
J'rerneuse.ff^ 
■r. 


Fcriili 


de  B  lad 
des  Ours 
Z-a nous 
S»*  d  eau  douce 
Voi  t  de  Chine 
9cn‘t  de  Clonie 
'il p  de  R.ize 


Ja  Per/e  *, 


Cap  Jet  Su  ail 

J.  S- Pierre 


•tics  Lom m tt ne. 


S'.s's 


a  st  es 


ii ne  a 


LjnqiluJ  « 


D/cu/land  Scalp. 


Echelle  Je  2.000  roUCS 


a  OOO  TenJeJ 


Pointe  au 
Xonnanci 


J-*.  ’ 


Basses  Ae  h 
s  fLmpuse 


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F  aux  U 


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P  Ointe 


Carte  des 
Rayes,  Rades  et  Port 

de  Plaisance 

dans  llslr  de  Time  Neuve 


Roue  de  Peai&atcce 

7 

6 


Pointe 

Verte 


A4 


fruits 


Drcjscc  sur  les  .  Manuscrits  au  Derol 


Jee  Cartes,  Plans  et  -  hnmuuuv  Je  la  .Uannc  ’ 
Par  .Y  fl  bu/entcur  Jn  Rov  et  Je  /a  .Manne, 

TT  4 


4. 


J» 


P/tsu/LmJ  JbuA' 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  419 

chargés  d’établir  F  Acadie  ,  pour  y  apporter  tous  leurs  foins  \6jo, 
à  la  culture  des  terres  ,  qui  font  excellentes  ;  ces  deux  Co¬ 
lonies  pouvant  aifément  fe  donner  la  main  ,  &  par  leur  mu¬ 
tuelle  correfpondance  fe  mettre  en  état  de  fubftfter  &  de  fe 
défendre  ,  fans  dépendre  des  fecours  de  France  &  de  Que- 
bec  ,  qui  leur  ont  prefque  toujours  manqué  au  befoin. 

La  Baye  de  Plaifance  a  dix-huit  lieues  de  profondeur ,  &  Defcription 
le  Port  eft  à  fon  extrémité.  L’entrée  de  la  Baye  eft  un  Gou-  de  la  Baye  de 
let ,  où  il  n’y  a  pâlfage  ,  que  pour  un  Navire  ;  mais  les  plus  plalfance* 
grands  Bâtimens  y  peuvent  paffer  ,  &  le  Port  en  peut  con¬ 
tenir  cent  cinquante  ,  qui  y  font  à  couvert  de  tous  les  vents , 

&  y  peuvent  faire  la  pêche  aufti  tranquillement,  que  dans  une 
Puviere.  Le  Goulet  eft  précédé  d’une  Rade  ,  qui  a  une  lieue 
&  demie  de  tendue  ;  mais  qui  n’eft  pas  alfez  à  l’abri  des  vents 
de  Nord  -  Nord  -  Oueft  ,  iefquels  fouflent  fouvent  fur  cette 
Côte  ,  &  font  prefque  toujours  impétueux.  Ce  qui  rend  le 
paffage  du  Goulet  fi  étroit ,  ce  font  des  Rochers  dangereux , 
qu’il  faut  laiffer  fur  la  droite ,  &  au  deffus  defquels  nous  avions 
conftruit  le  Fort  de  Saint  Louis.  Les  Courans  y  font  vio- 
lens ,  &  palfent  fur  les  Rochers  ;  de  forte  qu’on  ne  peut  les 
remonter  qu’à  la  Touë  (a)  ,  par  le  moyen  d’une  Aulfiere  , 
qu’on  porte  fur  la  grande  Greve  (b). 

Le  Fort  étoit  au  bas  d’une  Montagne ,  qui  a  un  peu  plus 
de  ftx-vint  pieds  de  haut  ,  &  fur  laquelle  on  avoit  bâti  une 
Redoute.  La  grande  Greve,  qui  a  une  lieue  d’étendue,  eft 
entre  deux  autres  Montagnes  fort  roides ,  dont  Fune  ,  qui  eft 
au  Sud-Sud-Oueft ,  eft  féparée  de  la  Greve  par  un  petit  Ruif- 
feau  ,  lequel  fort  du  Goulet ,  &  forme  une  efpece  de  Lac  , 
qu’on  appelle  la  petite  Baye .  On  y  pêche  quantité  de  Saul- 
mons.  La  grande  Greve  peut  contenir  en  même-tems  la  char¬ 
ge  de  foixante  Vaiffeaux.  Il  y  en  a  une  plus  petite  à  l’ufage 
des  Habitans ,  qui  font  leur  pêche  le  long  des  terres  ,  &  fur 
toutes  les  deux  on  peut  faire  fécher  le  poilfon  fans  rien  crain¬ 
dre.  Ce  font  des  Plages  couvertes  de  Galots  ,  ou  pierres 
plattes. 

Le  long  du  petit  Ruiffeau ,  dont  je  viens  de  parler  ,  on  dref-  Du  petit 
fa  dans  la  fuite  avec  des  feuillages  &  des  branches  de  Sapins  ,  Nord* 

aller.  Ces  cordes  font  à  trois  tourons  ,  &  fe 
nomment  Aujjteres. 

(b  )  On  dit  Grève  en  Amérique  ,  le  mot 
François  eft  Grave. 

Ggg  jj 


(a)  Toucr ,  ou  monter  à  la  touë  ,  c’eft  faire 
avancer  un  Navire  ,  en  tirant  fur  des  cordes 
attachées  à  une  ancre  ,  qu’on  porte  avec  la 
Chalouppe  bien  avant  du  côté  ,  où  l’on  veut 


N» 


xjïqTOIRE  generale 

410  H  1  ?  r  u  flPc  ou  on  nomme  Echafauts  ,  où  l’on 
— - -  des  maniérés  de  Cabannes ,  q  tems  de  pluye.  Les 

1  0  7  °*  faifoit  a u fii  fécher  la  morne  .  proches ,  &  formoient 

Maifons  des  Habitai*  »  etcent  affez  Le  Fort 

une  Rue ,  en  quoi  confiftoit  g  j  Partie  Méridion- 

de  S.  Louis  nous  rendort  Maîtres  de  to  font  vis- 

nale  de  Terre-Neuve  ,  &  des  fs de  \2_biJ  qu'au  Cha- 
à-vis ,  &  où  1  y  avoir  des  Hab de  foVôte.  Les 

peau  rouge ,  & :«»  T“kjues  „  plus  loin  en  un  lieu ,  qu’on 

Maloins  laifoient  leur  1  eci  F  1  n  nw  petit ,  que  dans 
a  nommé’le  Pau  Nord.  Le  de 

la  Baye  de  Plaifance  ,  mais  plus  propre  pour 

la  Méditerranée  &  du  Levant.  s’accordent  affez 

DU  climat  ae  Les  Auteurs  qui  ont  parle  de >  cetteU^  ,  ^  prefque  tQU. 
cette  Ifle,8é  de  \  entr’eux  :  les  uns  aifure  q  *  que  les  Campa- 

gnes  y  font  fleuries ,  &-  coi  fe  fruit  a  un  goût 

Sn’y  fo  nt  p r  efcIut‘Te  f  ^  fo„°  bon  nés  ,  qu’on  y  trouve  des 
merveilleux,  que  les  eat.  y  rans  culture  une  efpece 

V allons  très  -  fertiles ,  &  <1“ ±Jf  cibler  y  fo.fonne  de 

de  fegle  ,  qui  eft  fort  noutnffant  que  le  Canboux  ? 

ÆsÆ  E  O^Renards ,  les  Chevreuils, 

me  un  Pays  affreux  ,  &  difent  quecectelfle  nett,P.  ,  H.  J  ^ 
tout  qu’on  Rocher  couvert  de  moulie .  .J  framboifes  ; 

belle  îaifon  on  y  cueille  ^^Tles  Bois  n’y  font 

mais  quelle  ne  Por“  ^VTonenexcepte  celle  des  Per- 
bons  à  rien  ,  &  que  la  Chaffe  ,  impratiquable  ,  à  caufe 

drix  &  des  Oifeaux  de  Rmeres  ,  je  =  ^£,Vert  ;  que  les 
des  Montagnes  efcarpe-S  ,  dor  >  iufaues-là  &  que  ra- 

broüillards  du  Grand  Banc  fe  répandent 

rement  on  y  jouit  d  un  beau  >  ^  Poiffon  fur  les  Gré  - 

fes  ardeurs  font  mtolerables  &  brûlent  le  i  ^ 

ves.  Enfin  que  ftx  mois  de  1  an  y  diftinguer 

Pour  concilier  ces  deux  fentimens ,  .1  pa*  les 

les  difFérens  Quartiers  de  Hile,  q  ^  pEft  n’ont 

Européens.  Il  eft  vrai  que  les  Cotes  J Sud  ^  ^ 

pas  ordinairement  un  Ciel  bien  pu  5  j  ^  ne  un  brouiL 

cela  vient  du  voifinage  du  Gran  ai  \  des  Quartiers  du 

lard  prefqu’éternel.  Il  n  en  eft  pas  de  meme  des  partie 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  421  _ _ _ 

Nord  &  de  l’Ouefl  ,  où  l’hyver  &  l’été  font  fort  fer e ins.  Pour  1670. 
ce  qui  efl  de  l’intérieur  de  Fille ,  on  n’en  fçauroit  parler  ,  que 
par  conjeéfure  ;  car  il  efl  prefqu’impoffible  d’y  pénétrer  bien 
avant ,  &  je  n’ai  jamais  oüi  dire  que  Perfonne  l’ait  encore  fait. 

Parmi  ceux ,  qui  y  ont  le  plus  avancé  ,  il  fe  peut  faire  que  quel¬ 
ques-uns  ayent  aperçu  de  beaux  Vallons ,  &  que  les  autres  n’y 
ayent  découverts  que  des  P^ochers  efcarpés.  Il  n’efl  point  de 
Montagnes  fans  Vallées  ;  mais  ces  Vallées  font  quelquefois  des 
précipices ,  ou  remplies  elles-mêmes  de  Rochers ,  &  d’un  fa¬ 
ble  flérile.  D’ailleurs  ,  dans  un  Pays  fi  vafle  il  n’efl  pas  poffible 
qu’il  n’y  ait  quelque  variété. 

Aux  environs  du  Port  &  de  la  Baye  de  Plaifance  il  y  a  des 
Etangs  &  des  Ruiffeaux  ,  qui  y  attirent  le  Gibier  en  quantité  ; 
mais  il  n’eft  prefque  pas  poffible  de  donner  la  chalfe  aux  Bê¬ 
tes  fauves  dans  des  endroits  fi  peu  pratiqués  ,  &  fou  vent  fi  peu 
pratiquables.  Ainfi  elles  doivent  s’y  multiplier  à  l’infini ,  fans 
qu’on  puiffe  en  profiter ,  que  rarement  &  par  hazard.  Le  froid 
ne  fçauroit  auffi  manquer  d’être  bien  rude  dans  cette  Me  ,  non 
pas  tant  à  caufe  de  fa  fituation  entre  les  quarante-fix  &  les  cin¬ 
quante-deux  degrés  de  Latitude-Nord  ,  qu’à  raifon  de  fes  Mon¬ 
tagnes  &  de  fes  Bois  ,  des  vents  d’Oueft  &  de  Nord  ,  qui  y 
régnent  fouvent ,  &  furtout  de  ces  monflrueufes  glaces  ,  qui 
venant  des  Mers  du  Nord ,  fe  trouvent  arrêtées  fur  fes  rivages  , 

&  y  féjournent  lontems.  Enfin  il  n’eft  pas  étonnant  que  les  cha¬ 
leurs  y  foient  vives  dans  les  endroits  découverts,  ouïe  Soleil 
darde  fes  rayons  fur  des  Rochers  tout  nuds  ,  &  fur  des  Plages 
pleines  de  cailloux,  qui  les  réfléchiffent  de  toutes  parts. 

^  On  ne  convient  pas  davantage  fur  les  Habitans  Naturels  de  De  fes  rtaSi- 
Terre-Neuve  ,  que  fur  la  nature  de  l’intérieur  du  Pays.  De  la  tans  NaCurei?*’ 
maniéré  ,  dont  s’expriment  quelques  Hiftoriens ,  ils  donnent  à 
entendre  qu’ils  ont  cru  qu’il  étoit  habité  ;  mais  fuivant  la  plus 
commune  opinion,  il  ne  l’eft  par  aucune  Nation  fédentaire. 

On  n’a  jamais  vu  fur  fes  Côtes ,  que  des  Eskimaux  ,  qui  y  paf- 
fent  de  la  grande  Terre  de  Labrador  ,  pour  chaffer ,  &  pour 
faire  la  Traitte  avec  les  Européens  ;  mais  ces  Sauvages  ont 
fouvent  parlé  d’autres  Peuples  ,  avec  qui  ils  font  en  commer¬ 
ce.  Il  eft  vrai  qu’ils  mêlent  beaucoup  de  fables  dans  tout  ce 
qu’ils  en  difent ,  comme  je  l’ai  remarqué  ailleurs  ,  &  il  efl  allez: 
difficile  de  concevoir  que  des  Nations  entières  fe  tiennent  tel¬ 
lement  renfermées  dans  le  centre  d’une  Ifle  ,  quelque  vafle 
quelle  foit ,  qu’011  n’en  voye  jamais  Perfonne  fur  les  Côtes, 


HISTOIRE  generale 

.  .  r,  i’T/i^  /la  Tph-p-Npiivê  du  Continent 

—  Le  Canal ,  qui  fepare  llfle  de  ,  &  CQUrt 

Grande  de  ^Amérique  ,  f|  J^Oueft  Quand  on  l’a  paûé  en  defeen- 
Oueft ,  &  Su  J;®  e  parHes  cinquante  "degrés  ,  dans  le 

C°Fortnt  Jui  S«e  le’nom  d§e  PonchaLin  Ce  Porte  ap- 

ïe  de  Normandie  ,  nomme  Tilly  dtl^ovkj* 

.  v,.  A*  morue  v  eft  abondante  ;  mais  il  ny  a  point  ae  pru 
peche  de  morue  y  e  i  plus  intraitables 

ï  tSZ  XÏ.’Tfr  ftÊïi  Lpprivoifer  i„ 

Æfxrr,-”  as?,  psfâ  r»uri 

; •  ■J-a.'5ü  stæ»  i- 

^p&“^w,1“£nÏ 

Plaifançe"  qu’on  jugeoit  une  relacte  necel  aire  gour 

vires,  qui  revendent  , te. Mes  d 1  ^Xk  pas  des  Ports 
Efpagnoles  ;  comme  li  1  Acadie  ne  leur  T  ft  lus  fa_ 

*B  fefSÏSS  te  rote  .  <i»V  «« 

commodes  Voifins ,  dont  nous  ne  les  ayons  charte  p 

fois  ;  nos  braves  Canadiens  ayant  trouve  le  fe^t  oe  eu 

des  Lauriers  dans  le  Pays  du  Monde  le  ptas  ar.de  a 

toujours  au  milieu  des  fumats.  ,  £  Neuve , 

frnftrés  du  fruit  de  tant  de  v.ao.res.  Lille  de  Terre  Neuv  , 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  425 

toute  grande  quelle  eft  ,  n’a  pu  contenir  tous  nos  Pêcheurs 
&  ceux  d’Angleterre ,  comme  autrefois  la  Sicile  ne  put  con¬ 
tenter  l’ambition  des  Romains  &  des  Carthaginois  ;  avec 
cette  différence  néanmoins  ,  que  la  Sicile  demeura  toute  en¬ 
tière  à  ceux ,  qui  la  conquirent  fur  leurs  Rivaux  ;  au  lieu 
que  Terre-Neuve  eft  reliée  à  ceux,  qui  y  ont  toujours  été 
battus. 

Avant  l’année  1 660.  la  Cour  de  France  s’étoit  peu  mêlée 
de  cette  Me  ;  elle  lailfoit  prefque  tout  à  faire  à  des  Particu¬ 
liers  ,  qui  armoient  à  leurs  frais  ,  pour  y  envoyer  des  Pê¬ 
cheurs.  Enfin  cette  même  année  le  Sieur  Gargot  obtint  du 
Roy  la  Conceffion  du  Port  de  Plaifance  ,  avec  un  Brevet  de 
Gouverneur.  Il  trouva  de  grandes  oppositions  à  fa  prife  de 
polfeffion  ,  &  il  y  a  bien  de  l’apparence  qu’il  fut  obligé  de 
le  débiter  d’abord  de  fon  droit  de  conceffion ,  &  qu’il  garda 
peu  de  tems  le  titre  de  Gouverneur;  car  au  bout  de  quelques 
années  le  Sieur  de  la  Poype  ayant  été  envoyé  à  Plaifan¬ 
ce  avec  une  Commilîion  de  la  Cour  ,  pour  prendre  pofîeffion 
au  nom  du  Roy  du  Fort  &  de  l’Habitation  ,  &  pour  y  de¬ 
meurer  en  qualité  de  Gouverneur  ,  il  étoit  marqué  dans  fes 
Inltruêtions  :  Que  Sa  Majelté  avoit  été  excitée  à  s’alfûrer  de 
ce  lieu ,  &  à  y  établir  une  Colonie  ,  pour  maintenir  fes  Su¬ 
jets  dans  la  polfeffion ,  où  ils  étoient  depuis  lontems  d’y  al¬ 
ler  faire  chaque  année  une  pêche  confidérable  de  poilfon  fec , 
&  par  la  crainte  d’être  prévenue  par  les  Anglois  :  Quelle 
avoit  fait  annuellement  une  dépenfe  alfez  forte  ,  pour  parve¬ 
nir  à  mettre  les  Habitans  en  état  de  habiliter  de  leur  travail  • 
Que  la  Pêche  lui  avoit  paru  le  moyen  le  plus  alfûré  ,  &  le 
plus  à  la  main  pour  y  réiiffir  ;  mais  qu’il  fembloit  que  les  Com- 
mandans  avoient  voulu  s’en  prévaloir  ,  pour  obliger  les  Ha¬ 
bitans  de  leur  donner  une  portion  de  leur  pêche  ,  en  échan¬ 
ge  des  provilions  ,  qu’ils  leur  faifoient  diltribuer  ,  quoiqu'ils 
les  tiralfent  de  fes  magalins  :  Que  le  Sieur  de  la  Poype  de- 
voit  abfolument  faire  celfer  ce  défordre  ,  &  examiner ,  li  en 
lailfant  aux  Habitans  de  la  Colonie  tout  le  fruit  de  leur  tra¬ 
vail  ,  ils  feront  en  état  de  fublilter  toute  l’année ,  ou  du  moins 
une  partie  de  l’année  ,  &  qu’au  cas  qu’ils  eulfent  befoin  de 
fecours  ,  il  fît  fçavoirà  Sa  Majelté  ce  qu’ils  lui  demanderoient,. 
foit  de  provilions  ,  foit  de  marchandises  ,  contre  lefquelles  ils 
pourroient  troquer  le  profit  de  leur  pêche  ;  ce  qui  joint  à  la 
culture  des  terres ,  à  la  nourriture  des  beltiaux  *  &  à  la  chaf- 


v 


I  6  7  Or 

r 


Premier  Gotf-- 
verneur  de 
Plaifance. 


I  67  O* 

M.  Talon 
jrçtourne  en 
Canada. 


histoire  generale 

r  dont  ils  pourtoient  =«P»  s'aider  ,  U  ■»»»»  «J  P™  * 

#Xt  â&.'S&L  afefiSfc:  ' 

£  pf 'Kdï.™?;.  •*  i«r  »-,arr„k 

cet  article.  La  Compagnie  t0Uchées 

jours  refufé  fon  agrément  pou  les  «ulon  m ,  q  )  gélléral 

ailleurs  ;  &  ce  refus ,  quo'qupl  e  e  rega  a  £  ^  Ha- 

comme  Mendians ,  leur  avoir  ete  tre uns  &  c’é- 
bitatts  ,  les  fenumens  etoient  or  p  fnco’re  comme  avoit 
toit  le  plus  grand  nom  re  ,  pen  .  c’es  Religieux  , 

£1'E“r  %  ,»V<  atnres  défordres  ,  ,»i  m» 

mençoient  à  s’introduire  dans  la  Cok  ^  ^  ne  ceffoient 

râ  S-  dSSeS  oïco^^ 

Religieux  dans  1  Amérique  |,^““sn‘n|^;s  ce  tems-là  ren- 
duit  un  meilleur  effet.  Ces  f  ^  toute  cette  Co- 

S»  “  “ — 

»  »  -  "%•*  “ 

fraie  avec  eux.  tabliffement  .  le  r.  C>ciare  Onebec  le  qum- 

autres  Prêtres  &  d’un  Lare  ,  s  embarqua  pour^Quebec  teg  ^ 

-  ziéme  de  Juillet  de  la  meme  annee  avec  M.  1  a  ^ 
partie  des  cinq  cent  Familles  ,qmteAay  a  ès  trois 
à  cet  Intendant  pour  peuplai  le  Canada  , ^ma  P  -  * 

SS  Kssrisrffçs  va  r»« 

^Au  moiTde  May  fuivant  le  P.  Germain  Allard 


îl  y  ramène 
tes  Recollées. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  425 

vincial  des  Recollets  ,  &  depuis  Evêque  de  Vence,  s’embar-  ^  — 

qua  avec  M.  Talon  ,  lequel  avoit  réparé  fa  recrue  d’Habitans 
îar.  le  moyen  de  quelques  Compagnies  de  Carignan  9  qui  aQSüXctt 
et  oient  retournées  en  France  ;  trois  autres  Religieux  Prêtres ,  des  Recollas, 
-un  Diacre  ,  nommé  le  Frere  Luc  ,  effimé  pour  les  Peintures , 

&  un  Convers.  Leur  voyage  fut  heureux  ;  &  le  Provincial , 
après  avoir  mis  fes  Religieux  en  pofieffion  duTerrem  ,  qu’ils 
avoient  occupe  auprès  de  Quebec  avant  Tinvaiion  des  ~Àn- 
glois  ,  retourna  en  France.  L’accident  ,  qui  l’année  précé¬ 
dente  avoit  fait  périr  le  Vaille  au  de  M.  Talon ,  fut  comme 
une  tempête  generale  ,  qui  fe  fit  fentir  jufqu’à  Quebec  ,  où 
elle  caufa  un  dommage  de  cent  mille  francs.  On  s’y  confola 
neanmoins  plus  aifement  de  cette  perte  ,  que  de  celle  des  Habi- 
tans,dont  elleavoit  privé  la  Colonie,  On  ne  fongeoit  alors  qu’à 
peupler  le  Pays ,  &  on  n’étoit  plus  aufli  fcrupuleux  ,  que  par 
le  pane  9  fur  le  choix  des  Colons  ;  aufli  y  vit- on  bien  - tôt 
regner  des  vices  ,  qui  jufques-là  y  avoient  été  ignorés. 

Quelque-tems  avant  l’arrivée  de  M.  Talon,  trois  Soldats  sauvages  af- 
rrançois  ayant  rencontré  un  Capitaine  Iroquois  ,  qui  avoit  Affinés  par  des 
beaucoup  de  Pelleteries,  l’enyvrerent  &  l’affaffinerent.  Quel-  François‘ 
que  précaution  qu  ils  euffent  prife  pour  cacher  leur  crime  , 
ils  fuient  découverts  &  mis  enprifon.  Tandis  qu’on  inftrui- 
foit  leur  Procès ,  trois  autres  François  trouvèrent  fix  Mahin- 
§ans  ,  qui  avoient  pour  mille  écus  de  marchandées  ;  ils  les 
nrent  aufïï  boire ,  &  après  les  avoir  maffacrés  ,  ils  eurent  l’ef¬ 
fronterie  daller  vendre  leur  butin  ,  qu’ils  voulurent  faire  pafi- 
fer  pour  le  fruit  de  leur  chaffe  ;  ils  n’eurent  pas  même  l’atten¬ 
tion  d  enlever  les  corps  de  ce  s  Malheureux  ,  qui  furent  recon¬ 
nus  par  des  Sauvages  de  leur  Nation. 

Ceux-ci  foupçonnerent  d’abord  les  Iroquois  ,  avec  qui  ils  ccqui  ea 
\  enoient  de  conclure  un  Traite  de  paix  ,  &  ils  fe  préparoient  à  arriva, 
en  tiier  raifon ,  lonque  le  bruit  fe  répandit  que  c’étoient  des 
rrançois ,  qui  avoient  fait  le  coup.  Un  des  trois  meurtriers, 
mécontent  des  deux  autres  ,  en  fit  confidence  à  un  de  fes 
Amis  ,  qui  ne  lui  garda  point  le  fecret  ;  il  pafTa  bien-tôt  dé 
bouche  en  bouche  jufqu’aux  Sauvages ,  &  les  deux  Nations  , 

QP  point  de  fe  faire  une  cruelle  guerre  ,  fe 

réunirent  contre  nous.  Les  Mahingans  furent  les  premiers  en 
campagne  ,  &  quatre  d’entr’eux  oierent  bien  afiiéger  en  plein 
jour  une  maifon  Fran^oife.  Le  Maître  étoit  abfent ,  les  Va¬ 
lets  fe  défendirent  bien  ;  deux  Sauvages  furent  tués ,  mais  les 
Tome  I.  .  Hhh 


,  histoire  generale 

!  6  7  O.  Se  dae'rSein}dS  ni  d’en  SerkM^tS 

On  en  fait  Les  Iroquois  de  1®u^.  c{2  e  '  commis  en  Fa  perfonne  de  leur 

îuftice ,  &  on  Jes  circonllances  de  1  aflaiiinat  vramtrîp™  avoient 

Lato  i«  ï  ,  s.  nn  ]eur  affùra  même  que  deux  des  Meurtriers  avaient 

♦’vt-ssatJ? 

n*ax#&'  <*  -es  sïï  âs 

François  ,  quus  en  rurem  Chef  Iroquois  ,  & 

leur  fifcSr S  Se’eïSëur  préfence.  Une  Juffiçe^promp- 

e  défarma  les  Iroquois  qui  ne  PH^^/’J^fé^akles. 

pêcher  de  donner  des  larmes  au  «^ne  néSeeroit  rien  pour 
te  Gouverneur  General  ajouta  qu  il  ne neg  g  f 

„  f,  pniteç  i«  *;•«■»£  Str  èS5"!  i*- 
tXSl  £25  fS&S».  -  —  ““  • & 

l’Affemblée  fe  fépara  très-fatisfaite.  ft  } 

Cette  affaire  ainfi  heureufement  terminée  ,  u  en  rei 
autre  qui  n  droit  ni  moins  importante ,  m  moins  delica  -  tf^ 

Outaouais  &  les  Iroquois 

les  uns  fur  les  autres ,  &  il  etoi  ,  ^  i  tu  he  Coureelles  ,  qui 

produififfent  un  embrafement  généra  *  *  j£S  Sauvages  , 

l’avoit  toujours  pris  fur  un  ton  erefp e&er  fit  déclarer  aux 
&  oui  par-là  les  av oit  accoutumes  a  le re “  0  lus  Ion- 

«svçssrs  art  ssa .  ** 

Venoit  d’exercer  à  leurs  yeux  fur  «  Fra  Ç  raifonM, 


M.  de  Cour, 
celles  oblige 
toutes  les  Na 
tions  à  de¬ 
meurer  ea 


I 


1670* 


Baptême  de 
Garakonthié» 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  427 

Lies,  Ainfi  que  les  uns  &  les  autres  euffent  à  lui  envoyer  des 
Députés  ?  qu’il  écouteroit  leurs  griefs  ,  &  qu’il  feroit  juftice  à 
tous. 

Il  fut  obéi  ;  les  Chefs  de  toutes  les  Nations  fe  rendirent  à 
Quebec  ;  ceux ,  qui  fe  eroyoient  offenfés  ,  firent  leurs  plain¬ 
tes  ,  &  par  la  prudence  de  Garakontié  ,  qui  étoit  venu  de'  la 

Fart  de  fon  Canton  ,  &  la  fermeté  du  Gouverneur  Général , 
accord  fut  conclu  à  la  latisfaftion  de  tout  le  Monde.  Gara- 
konthié  parla  enfuite  aux  Outaouais  fur  la  maniéré  indigne  , 
dont  ils  traitoîent  les  Millionnaires  ,  qu’on  avoit ,  leur  dit-il , 
la  bonté  de  leur  confier  ,  &  comme  s’il  eût  attendu  l’occafion 
d’une  fi  nombreufe  Affemblée  ,  pour  faire  profeflion  de  fa  Foy , 
ilfe  déclara  publiquement  Adorateur  de  Jésus-Christ. 

Il  ajouta  qu’il  étoit  depuis  lontems  Chrétien  dans  le  cœur  , 
qu’il  avoit  toute  fa  vie  détefhé  la  fuperflition  ,  dans  laquelle  il 
avoit  été  élevé  ,  &  qu’il  ne  pouvoit  plus  différer  de  fe  procu¬ 
rer  à  lui-même  l’avantage  ,  qu’il  avoit  procuré  à  tant  d’autres. 

Puis  s’adreffant  à  l’Evêque  ,  qui  étoit  préfent ,  il  le  conjura  de 
le  recevoir  fans  délai  au  nombre  des  Enfans  de  Dieu.  Tout  con¬ 
courait  à  engager  le  Prélat  à  accorder  à  un  tel  Profelyte  ce 
qu’il  demandait  ayec  tant  d’inftance.  Apôtre  avant  que  de  fe 
déclarer  Chrétien  ,  il  avoit  toujours  paru  avoir  autant  à  cœur 
rEtabliffement  du  Chriffianifme  dans  fa  Nation  ,  que  les  Mif- 
fionnaires  mêmes ,  &  toute  la  Colonie  lui  avoit  de  grandes 
obligations. 

D’ailleurs  ,  rien  n  étoit  plus  capable  de  donner  du  crédit  à 
la  Religion  parmi  toutes  les  Nations  de  ce  Continent ,  que  de 
rendre  leurs  Député!  témoyis  de  la  converfion  d  un  Homme 
auffi  généralement  eflimé. L’Evêque  ne  fit  donc  aucune  difficulté 
de  faire  entrer  cet  illuflre  Profelyte  dans  le  fein  de  l’Eglife  ,  il 
fçavoit  qu’il  étoit  fufHfamment  inffruit  &  le  baptifa  lui-même.  Le 
Gouverneur  Général  voulut  lui  fervir  de  Parrain  ,  &  Made- 
moifelle  de  Bouterouë  ,  Fille  de  l’Intendant ,  fut  faMaraine.  Le 
premier  lui  donna  le  nom  de  Daniel ,  qu’il  portoit  lui-même. 

On  n’omit  rien  pour  rendre  cette  a&ion  célébré ,  tous  les  Dé¬ 
putés  des  Nations  y  afMerent ,  de  furent  enfuite  régalés  avec 
profufion. 

Tandis  que  M.  de  Courcelles  maintenoit  ainfi  fa  Colo-  Mortalité 
nie  dans  une  paix*profonde  ,  de  prenoit  les  mefures  les  plus  dans  le  Nolc1, 
jufles  pour  aller  au  devant  de  tout  ce  qui  pouvoit  troubler 
la  bonne  intelligence  entre  les  François  &  les  Sauvages  ,  le 

Hhh  ij 


i  67  o 


. ,g  HISTOIRE  generale 

Nord  du  Canada  étoit  ravagé  par  une  maladie^ 

acheva  de  dépeupler  piefqu  entier  de  leur  Bap- 

Plufieurs  Chrétiens  en  moururent  à  confoler 

tême  ,  &  dans  des  fentimens  ,  hu  1  Les  Attikamegues 

les  Ouvriers  Evangéliques  de  tan  d  p  *  &  ^  refte 

bien  que  les  Trois  Rmeres  ,  , dou i  les .  A  W  e  differeiw 
tent  au  Cap  de  la  M^gdelem  »  ^  Fra£  ois  fe  maintinrent 
ce  entre  ces  deux  Poltes  ,  q  ,  nous  n  avions  au- 

dans  le  dernier,,  au  heu  que  ep  ^  V  fur  tout 

cun  Etabliffément  fixe  ,  eft  demeure  d  ert  Cetott  ^ 

la  Petite-Vérole  ,  qui  caufoit  cette  mort  ,  K  q  P 
années  après  détru.fit  entièrement  la  Bour|de  ^  ^  ^ 
Quinze  cent  Sauvages  en  lurent  attaqu  ,  P 

8t";  Huions  ,  quoique  ™i«»«  fgffe 

qui  ont  communique  aux  Sauvages  ^  ^  même  tems  ? 

mieux  prélervés  que  les  autres  ;  &  ce  hwæc*  ^ - 

que  le  P.  Chaumonot  les  ayant  tous  «1^  de  Loret- 

3e  Quebec,  donna  commencent :a  “réle  ceux  ,  qui 
te  ,  aujourd  hui  plus  flonffante  f 1  jj  rr;va  auffi  alors 

habitent  ce  Defert ,  que  par  leur  point  en 

une  chofe  ,  qui  fit  connaître  qu  Cantons  Iro- 

c,„,  „„r.  opef  ssS&rsm  *-  w  -g**  «y*» 

&  s’avisent  dV  t ils  Speroient  de  venir  plus 

S,;=f  X  n*t“f  Hsl..  »»,rT<  fZtrsZ  Tt  r  t 

r*ri  i;  ï&££*i.  Ch* 

leur  avoit  enfeigné  fur  tous  ces  alt1,^®  •  ,  Millionnaires 

lurent  enfuite  leur  inlp.rer  de  la  défiance  des 
îl«  réiifTirent  encore  moins  par  cette  voye  , 


Etabliflement 
de  la  Bourgade 
Huronne  de 
Lorerte. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  IX.  4*9 
tiennes  leur  répondirent  même  d’une  maniéré  ,  qui  les  cou- 
vrit  de  confufion  5  leur  reprochant  qu’on  ne  remarquoit  en 
eux  ,  ni  la  piété  ,  ni  la  régularité  ,  ni  le  défintereffement  ,  qui 
leur  rendoient  leurs  Pafteurs  fi  refpechbles ,  &  leur  avoit  pa¬ 
ru  de  tout  tems  un  grand  préjugé  en  faveur  de  la  DoRrine  , 
qu’ils  enfeignoient. 

Les  Holiandois  crurent  qu’ils  avanceroient  plus  en  les  inti¬ 
midant  ,  &  ils  leur  firent  entendre  qu’il  n’y  avoit  pas  trop  de 
fûreté  pour  elles  à  paroître  dans  les  Habitations  de  la  Nou¬ 
velle  York  avec  leurs  Chapelets,  &  les  autres  marques  de  la 
Religion  Romaine  ;  mais  elles  fe  mocquerent  de  ces  mena¬ 
ces  j  &  protefterent  quelles  s’eftimeroient  heureufes  de  don¬ 
ner  leur  vie  pour  la  défenfe  de  leur  Foy.  Il  y  en  eut  même 
une  affez  hardie  pour  aller  dans  un  Prêche  ,  dans  le  tems  que 
le  Miniftre  y  faifoit  Finit  ruRi  on  ,  &  pour  y  réciter  fes  Priè¬ 
res  devant  tout  le  monde.  Ces  Héroïnes  ,  qui  étoient  pour  la 
plûpart  des  Chefs  de  Cabannes  ,  ne  témoignoient  pas  moins 
de  zélé  pour  empêcher  qu’il  fe  fît  rien  dans  les  Bourgades  au 
préjudice  du  Chriftianifme  :  elles  prenoient  un  très-grand  foin 
de  bien  inftruire  leurs  Enfans  ,  &  leur  ferveur  ,  foûtenuë  de 
leur  crédit,  faifoit  concevoir  aux  Prédicateurs  de  la  Foy  de 
grandes  efperances  de  voir  un  jour  la  Religion  Chrétienne  de¬ 
venir  la  Religion  Dominante  dans  ce  Canton. 

Il  s’y  étoit  préfenté  d’abord  affez  peu  d’ Adultes  pour  recevoir  In<Jüftye 
le  Baptême ,  &  tous  ceux  ,  qui  1  avoient  demande  ,  ne  i  avoient  naire  ,  &  queï 
pas  obtenu  ,,  foit  faute  de  perféverance  ,  ou  parce  qu’ils  ne  en  fut  le  (uc- 
vouloient  pas  renoncer  à  leurs  guerres  injuftes  ,  ni  à  leurs  ces- 
fuperffitions  ;  mais  une  bagatelle  ,,  dont  le  P.  Pearon  ,  qui 
gouverndit  cette  Eglife  ,  eut  l’adreffe  de  faire  une  affaire  fé- 
rieufe  ,  difpofa  quantité  de  Perfonnes  à  fe  mettre  au  rang  des 
Profelytes.  Un  Capitaine  s’avifa  un  jour  de  lui  impofer  filen- 
ce  dans  une  Affemblée  ,  &  dans  une  autre  occafion  lui  com¬ 
manda  de  fortir  du  Confeil ,  où  il  vouloit  être  en  liberté  pour 
quelque  cérémonie  fuperflitieufe  ,  qu’il  fçavoit  bien  que  le  Mil¬ 
lionnaire  n’approuveroit  pas.  Le  Pere  jugea  à  propos  d’en 
marquer  quelque  mécontentement? ;  il  déclara  même  qu’il  ne 
pouvoit  pas  demeurer  dans  un  lieu ,  où  on  ne  craignoit  pas 
de  l’infulter  ;  mais  qu’il  ne  répondoit  point  de  la  maniéré  ,  dont 
Ononthio  prendroit  fa  retraitte  ,  quand  il  fçauroit  ce  qui  l’avoit 
obligé  de  fe  retirer. 

Il  s’en  falloit  bien  que  le  Miffionnaire  eût  dans  le  cœur  au- 


i  6  7  o. 


o  HISTOIRE  GENERALE  • 

tant  de  reffentiment ,  qu’il  en  faifoit  paroître  ;  mais  parmi  les 
Sauvages  un  affront  en  attire  un  autre  ,  rend  mepri  able  ce- 
i,u  nui  le  fouffre  ,  &  lui  ôte  tout  crédit.  La  véritable  patien¬ 
ce  'oui  eft  le  fruit  de  la  charité  &  de  l’humilité  de  cœur ,  doit , 
ordinairement  parlant ,  nous  élever  au-deffus  de  toutes  ces  con- 
iîdérations  ;  mais  la  prudence  doit  la  regler  félon  les  occur¬ 
rences.  Il  a  fallu  du  tems  pour  rendre  les  Sauvages  capables 
de  connoître  toute  la  grandeur  d’ame  ,  que  renferme  1  humilité 
Chrétienne ,  &  le  P.  Pearon  étoit  fort  perfuade  que  les  Iro- 
quois  n’omettroient  rien  pour  l’adoucir,  &  pour  lempecher 
de  porter  fes  plaintes  au  Gouverneur  General  :  il  ne  fut  trom¬ 
pé-,  qu’en  ce  qu’il  gagna  encore  plus ,  qu’il  n  avoit  efpere, 
Lecluiftia-  1  Le*  Capitaine  Iroquois  vint  dès  le  meme  jour  lui  faire  en 
mime  fait  de  pViblic  de  grandes  exeufes  de  l’avoir  outrage ,  &  le  Pere  ,  apr 
grands  Pro-  [  avoir  afl-ez  bjen  reçUës  ,  profita  de  la  difpofition ,  ou  U 

Îlîrùl  voyoit  tous  les  efprits,  pour  témoigner  fa  peine  fur  le  peu  de 
nier-  docilité  de  la  plûpart  à  fe  rendre  aux  grandes  ventes ,  qu  u 

leur  annonçoit  :  il  ajoûta  qu’il  ne  pouvoit  plus  fouffnr  tant  de 
coûtumes  bizarres ,  ni  leur  attachement  a  des  fables ,  dont  il 
leur  avoit  fi  fouvent  fait  fentir  l’extravagance  ;  que  puiiqu  il 
perdoit  fon  tems  à  parler  à  un  Peuple  ,  qui  ne  vouloir  ecouter , 
ni  la  voix  du  Ciel ,  ni  celle  de  la  radon ,  il  jugeoit  a  propos 
de  porter  ailleurs  la  parole  de  Dieu  :  le  Capitaine  voulut  a 
iuftifier  ;  mais  le  Pere  ayant  répliqué  fur  le  ton  ,  mi  il  avor 
pris  d’abord,  &  dont  il  entrevoyoït  déjà  le  bon  eftet ,  Je 
vois  bien,  reprit  le  Sauvage  ,  que  pour  t  appaifer  ,  il  nous  fat 
»  faire  tous  Chrétiens ,  il  ne  tiendra  pas  a  moi ,  que  tu  nayes 

»  bientôt  cette  Satisfaction.  .  , 

Il  le  prit  enfuite  en  particulier  ,  &  lui  Suggéra  les  moyens  , 
qu’il  ejftimoit  les  plus  propres  ,  pour  venir  à  bout  de  ce  quU 
defiroit  ;  il  lui  promit  de  faire  tous  fes  efforts  pour  gagner _1« 
Anciens  :  il  les  vifita  tous  ,  &  quand  il  les  crut  dans  es  difpo* 
fitions,  oh  il  les  vouloit ,  il  convoqua  une  Affemblee  gene¬ 
rale,  dans  laquelle  il  parla  en  vrai  Millionnaire.  Le  Pere 
Pearon  prit  enfuite  la  parole  ,  &  acheva  debranler  tous  les 
Affiftans  ;  en  quoi  il  fut  encore  mervsiüeufement  f«onde 
par  Garakonthié ,  que  le  hazard ,  ou  plutôt  la  divine  Piovi- 
dence  avoit  conduit  dans  ce  Village  :  de  orte  qpe  ui 
fentement  unanime  on  prit  trois  refolutions  ,  qui  u  Ç 
puyées  de  préfens ,  &  de  tout  ce  qui  pouvoir  es  îen  re 

vocables. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  ÏX.  431 

La  première  ,  de  ne  plus  fouffrir  qu’on -invoquât  publique¬ 
ment  ,  &  de  ne  plus  même  reconnoitre  ÂGREskouÉ  (a)  pour 
l’Auteur  de  la  vie  :  la  fécondé  *  de  ne  plus  appeller  les  Jon¬ 
gleurs  pourvoir  les  Malades  :  &  la  troisième  ,  d’abolir  les  dan- 
fes  fuperflitieufes  &  indécentes.  C’étoit-là  prefque  déclarer  au- 
tentiquement  la  Religion  Chrétienne  ,  la  feule  ,  dont  il  fut  per¬ 
mis  de  faire  une  proféffion  ouverte  ;  &  en  effet  toute  la  Bour¬ 
gade  fe  rendit  depuis  très-affiduë  aux  Inflruftions  du  Miffion- 
naire.  Il  efl  vrai  que  la  fuite  ne  répondit  pas  aux  efperances , 
qu’on  avoit  pu  concevoir  d’un  événement  fi  bien  ménagé  ; 
mais  la  plûpart  de  ceux  qui  fçurent  profiter  de  ce  premier 
rayon  de  la  Grâce ,  8c  ne  différèrent  pas  trop  à  fe  déclarer 
Chrétiens  ,  ont  toujours  inviolablement  garde  les  promeffes 
de  leur  Baptême  ,  8c  ont  mérité  d’être  les  Fondateurs  d’une  des 
plus  dormantes  Chrétientés  ,  qu’ait  vûë  l’Amérique  Septen- 
trionriale ,  comme  nous  le  dirons  bientôt. 

Le  P.  Bruyas  ne  faifoit  pas,  à  beaucoup  près,  autant  de 
fruit  dans  le  Canton  d’Onneyouth.  On  y  avoit  apporté  quan¬ 
tité  d’Eau-de-vie  de  la  Nouvelle  York,  8c  l’yvrognerie  y  cau- 
foit  des  défordres  effroïables.  D’ailleurs  nul  Homme  de  marque, 
&  nulle  Marronne  accréditée  ne  s’étoit  déclarée  en  faveur  du 
Millionnaire  ;  on  n’alloit  pas  même  écouter  fes  inffru&ions  ,  8c 
toute  fa  confolation  étoit  dans  un  grand  nombre  d’Enfans , 
qu’il  baptifoit  à  la  mort,  &  dont  il  peuploit  le  Ciel.  Un  vo'ff- 
ge  ,  que  fit  Garakonthié  dans  ce  Canton  ,  fit  naître  quelque 
lueur  d’efpe rance  que  les  chofes  y  changeroient  de  face  ,  8c 
il  ne  tint  point  à  ce  zélé  Néophyte  que  les  Onneyouths  ne 
repondiffent  aux  impreffions  de  la  Grâce  ,  qui  lés  follici- 
toit  ;  mais  il  ne  retira  prefque  aucun  fruit  de  fon  zélé.  Tout 
alloit  beaucoup  mieux  dans  les  trois  autres  Cantons  :  l’Eau- 
de-vie  des  Anglois  &  des  Hollandois  n’y  pénétroit  pas  auffi 
aifement  qua  Onneyouth.  Garakonthié  y  avoit  plus  de  cré¬ 
dit  ,  les  Hurons  Chrétiens  y  étoient  en  plus  grand  nombre  ,  8c 
la  guerre  des  Andaffes  ,  où  les  Iroquois  Supérieurs  avoientfait 
depuis  peu  d  allez  grandes  pertes  ,  ayant  abbattu  leur  fierté ,  les 
rendoit  auffi  plus  dociles. 

Après  les  Millions  Iroquoifes  ,  celles  ,  qui  étoient  éta¬ 
blies  parmi  les  Algonquins  Supérieurs  ,  attiraient  plus  particu¬ 
lièrement  l’attention  de  ceux  ,  qui  gouvernoient  la  Nouvel¬ 
le  France.  Elles  ouvroient  un  vafte  champ  à  la  publication 

(*)  Les  Hurons  difent  Arishui ,  &  les  Iroquois ,  Agreskont? 


I  6  7  O. 


Etat  de  la  R <■;«* 
ligion  dans  les 
autres  Can¬ 
tons  , 


Et  dans  les 
Nations  Al- 
gonquines» 


w 


% 


i  6yo. 


histoire  generale. 

i3  2  l’H'vanp'ile  &  donnoient  une  grande  liberté  au  com- 
les  Sauvages ,  les  Miffionnaires  7  firent  de  grands  defri* 

Snt  pLSes^TonrLsTnfans  moribonds  firent  apparent, 
ment  le  plus  grand  nombre. 


HISTOIRE 


433 


*#*#**#**  #  #  * 
€/?!&^^^6^*^e/s<^^eva#s/3£/5£<3  e/aaot^cysc/acvaîrfî.cya&'se/a 

5£%oib^5ofo(Kf^ 

HISTOIRE 

E  T 

DESCRIPTION  GENERALE 

DELA 

NOUVELLE  FRANCE. 

LIVRE  DIXIEME • 


M_\EW  W  \i/  M' 


UE  L  Q  U  E  attention  ,  qu’apportât  M.  de 
Courcelles  à  maintenir  en  paix  les  Nations 
du  Canada,  il  étoit  difficile  quelle  fubfiftât 
lontems  parmi  tant  de  Peuples  divers  ,  que 
le  moindre  mécontentement  arme  les  uns 
contre  les  autres  ,  &  qu’une  Puiffance  fu- 
périeure  ne  contient ,  qu’autant  qu’ils  la  crai¬ 
gnent  ,  ou  qu  iis  en  efperent  quelque  choie.  Par  malheur  pour 
le  Gouverneur  Général ,  on  ne  continuoit  pas  à  lui  envoyer 
les  fecours  ,  qu’on  lui  avoit  promis  ,  &  il  ne  foûtenoit  fon  cré¬ 
dit  auprès  des  Sauvages  ,  que  par  l’afcendant  ,  qu’il  avoit  fçu 
prendre  fur  eux  depuis  l’expédition  de  M.  de  Tracy  contre 
les  Agniers.  Il  ne  put  enfin  empêcher  que  les  T fonnonthouans , 
les  plus  éloignés  de  tous  les  Iroquois  des  Habitations  Fran- 
çoiles ,  ne  fe  laiflaffent  emporter  au  penchant ,  qui  les  entrai- 
noit  à  faire  la  guerre. 

Lorfqu’on  s’y  attendoit  le  moins  ,  ils  attaquèrent  les  Pou- 
teouatamis  ;  M.  de  Courcelles  en  fut  bientôt  infiruit ,  &  leur 
fit  dire  qu’il  trouvoit  fort  mauvais  que  ,  malgré  fes  ordres  ,  & 
contre  la«parole  ,  qu’ils  lui  avoient  donnée  3  &  attefiée  par  fer- 
Tornc  /.  lii 


1670. 


Guerre  entre 
les  Sauvages  ; 
conduite  de 
M.  de  Cour¬ 
celles  en  cet- 


i  6  7  1  • 

te  occafion. 


Baptême  cîu 
Grand  Chef 
des  Goyo- 
gouins. 


4, 4  HISTOIRE  GENERALE 

ment,  ils  euffent  ofé  attaquer  un  Peuple  pacifique,  &  qui  fe 
repofoit  fur  la  foy  des  Traités:  qu’il  ne  fouffriroit  pas  quils 
troublaffent  une  paix  ,  qu’ils  dévoient  refpefter  comme  fon 
ouvrage  :  qu’il  vouloir  qu’ils  lui  remiffent  les  Pnfonmers  qu  ils 
avoient  faits  fur  fes  Alliés  ,  &  que  s’ils  refufo.ent  de  les  lut 
envoyer  fains  &  en  bon  état ,  il  iroit  les  leur  arracher  des 
mains ,  &  traiter'  leur  Canton  ,  comme  il  avoir  fait  celui 

Ü  UnTfommation fi  fiere  irrita  les  Tfonnonthouans:  ils  de¬ 
mandèrent  fi  tous  les  Peuples  de  ce  grand  Continent  ,  des 
que  les  Millionnaires  s’étoient  établis  chez  eux  ,  devenoient 
Suiets  des  François  ,  &  s’il  n’étoit  plus  permis  de  tirer  raifon 
des  infultes ,  qu’on  recevoir  ?  Que  les  Cantons  Iroquo.s  avoient 
fait  la  paix  avec  Ononthio  ;  mais  que  pour  cela  ils  ne  pre  en- 

doient  pas  être  devenus  fes  Vaffaux  ;  qu  ils  Pe,r”‘ 
nue  de  donner  la  moindre  atteinte  a  leur  libelle  &-  a  leur  ind 
tendance  &  qu’on  pouvoit  fe  fouvemr  quils  avoient  plus 
(Tune  fois  fait  fentir  aux  François  qu’ils  n’étoieht  point  ^es i  A  - 
liés  ,  quon  dût  traiter  avec  tant  de  hauteur  ,  ni  des  hnnemis 

a  fe  difolt  n4anmoins  en  particulier  ,  &  avant  qu’on 

eût  fait  de  férieufes  reflexions  fur  les  fuites  d  une  rupture ,  a 
laquelle  on  n’étoit  point  préparé.  Les  Tfonnonthouans  ta  ¬ 
rent  confeil  pour  délibérer  mûrement  fur  le  parti ,  quils  d 
-voient  prendre  ,  &  le  réfultat  fut  qu’on  enverrait  a  M  de 
Courcelles  huit  Prifonniers  ,  de  trente-cmq,  qu  on  avoittut 
fur  les  Pouteouatamis.  Le  Général  crut ,  ou  fit  peut-etre  fom, 
blantde  croire  qu’il  n’y  en  avoit  pas  davantage  ■ ,  &  «jugea 
pas  à  propos  de  pouffer  à  bout  des  Gens ,  quil  avoit  encore 

'^cëfot  le  Grand  Chef  des  Goyogouins ,  qui  'uip^fema ks 
Captifs,  &  quand  il  fe  fut  acquitte  de  fa  Commiffion  ,  il  d 
Clara  que  ce  qui  l’avoit  engagé  à  s’en  charger  ,etoit  le  defir  de 
recevoir  le  Baptême  des  mains  de  1  Eveque ,  &  en  pretence  de 
fonPere  Ononthio.  Ce  Chef  étoit  le  même ,  dont  nous  avons 
déjà  parlé  plus  d’une  fois,  &  après  Garakonth.e,  le  illuftre 
Iroquois  des  cinq  Cantons.  Le  Baptême  lu,  fut  adm.n.ftre  avec 
4  r_  AU _ :h  M.  Ta  on,  oui  etoit  arrive  depuis 


au  nom  de  ce  Néophyte  ,  un  grand  feftin  à  tous  les  Cuvages 
Chrétiens ,  qui  fe  trouvèrent  à  Quebec  ,  a  Loretta ,  Y 
lery. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  435 
Ce  fut  aufîi  vers  ce  même  tems  ,  que  la  plupart  des  Agniers , 
qui  avoient  embraffé  le  Chriftianifme  ,  prévoyant  qu’ils  n’au- 
roient  jamais  dans  leur  Pays  une  liberté  entière  de  vivre  félon 
les  Maximes  de  leur  Religion ,  projetterent  d’aller  vivre  avec 
les  Hurons  de  Lorette.  De  ce  nombre  étoit  une  Femme  diflin- 
guée  par  la  qualité  ftOyender  qui  lui  donnoit  un  grand  cré¬ 
dit  dans  fon  Canton  ,  &  le  droit  d’afîifter  aux  Confeils  les  plus 
fecrets.  Ses  Parens  la  troubloient  dans  fes  dévotions ,  &  elle 
leur  déclara  enfin  quelle  étoit  refoluë de defcendre  à  Quebec , 

Î)Our  y  finir  fes  jours  avec  les  Chrétiens.  On  n’omit  rien  pour 
ni  faire  changer  de  deffein  ,  &  après  bien  des  efforts  inutiles  , 
on  la  dégrada  en  plein  Confeil.  Bien  loin  d’être  fenfible  à  cet 
affront ,  elle  n’en  témoigna  que  plus  d’ardeur  pour  fe  procu¬ 
rer  la  liberté  de  vivre  en  Chrétienne  ,  qu’elle  défefperoit  de 
trouver  dans  fa  Patrie  ,  &  elle  fe  rendit  à  Lorette ,  où  elle 
foûtint  jufqu’au  bout  la  généreufe  démarche  ,  quelle  venoit  de 
faire. 

La  converfion  d’une  autre  Femme  du  même  Canton  a  quel¬ 
que  chofe  d’affez  merveilleux ,  pour  trouver  place  dans  une 
Hiftoire  ,  où  je  me  fuis  propofé  de  ne  rien  omettre  de  remar¬ 
quable  ,  qui  puiffe  édifier  mes  Lefteurs  ,  &  détromper  ceux  , 
auprès  defquels  l’on  a  fort  mal  à  propos  publié  que  les  Sauva¬ 
ges  s’étoient  rendus  fourds  à  la  voix  des  Prédicateurs  de  l’E¬ 
vangile.  Cette  Fermée  faifant  voyage  ,  tomba  dans  un  Parti 
de  Mahingans  ,  dont  elle  reçut  deux  ou  trois  coups  de  hache 
fur  la  tête.  Elle  fe  fentit  auffitôt  infpirée  d’avoir  recours  au 
Dieu  des  Chrétiens ,  &  le  conjura  de  ne  point  permettre  qu’elle 
mourût  fans  Baptême. 

A  peine  avoit-elle  fini  fa  Priere  ,  qu’elle  ne  vit  plus  d’Enne- 
mis  ,  &  jamais  elle  n’a  pu  dire  ce  qu’ils  étoient  devenus ,  quoi¬ 
qu’elle  n’eût  pas  perdu  la  connoiffance  un  feul  moment.  Elle 
fe  trouva  même  affez  de  force  &  de  courage  pour  fe  traîner  juf- 
qu’à  fa  Bourgade  ,  raconta  fon  aventure  au  P.  Pearon  ,  &  lui 
ajoûta  qu’elle  feroit  bien  aife  de  fe  retirer  à  Lorette ,  parce 
qu’elle  n’ofoit  pas  fe  promettre  une  grande  fidélité  ,  fi  elle  de¬ 
meurait  parmi  fes  Parens.  Le  Millionnaire  fe  donna  tout  le 
tems  de  l’éprouver  &  de  l’inftruire  ;  il  la  trouva  docile  &  fer¬ 
me  dans  fa  réfolution ,  elle  recouvra  en  très-peu  de  tems  une 
fanté  parfaite  ,  elle  gagna  fon  Mari ,  &  l’engagea  de  l’accom¬ 
pagner  à  Lorette  ,  où  ils  furent  baptifés  l’un  &  l’autre  ,  avec 
une  petite  Fille  ,  qu’-ils  avoient. 

lll  ij 


16  71. 

Les  Iroquois 
Chrétiens  fon- 
gent  à  fortir 
de  leur  Pays. 


Converfion 
finguliere  d’u- 
ae  Iroquoife. 


1671* 

Commence¬ 
ment  de  la 
Million  da 
Saule  S.  Louis, 


Mefures,  que 
prend  M.  Ta¬ 
lon  pour  affil¬ 
ier  à  la  France 
tout  le  Nord 
du  Canada. 


HISTOIRE  GENERALE 

43  M.  de  Courcelles ,  qu’on  avoir  foin  d Intouire  de  tout  fut 
1  1  vn;r  ies  Néophytes  Iroquois  dans  le  deliein  de 

s'établir  parmi  les  FrarrçoSs  1  il  eompri,  que  leur  naiéa  rsij- 

»»“»■  ïirrEsî  ûS’iîii .  ü  >* 

8“"'  recommenîok.  Il 

h™  :T,d“?ï"cm  vü'i  Se  H=l  *«*£ 
^D’iutreTanquandtéde  Peuples  de  la  Langue  Algonquine, 

T1  fe  ET f  ’ 

ÎXSoïent  fait  jufques-là  &  M.  Ta^mde^ pro- 

Lr  de  ce«e  f  fpofoionjajorabk  pour  ^  u  en 

avoît  conçu ïe  deffSndès  fon  premier  voyage,  Sc  avant^que 

de  partir  de  France  pour  venn  ^  ué  qù’il  fe- 

roit  à  propos  d’envoyer  aux  N^n°X  t  enler  à  fe  trouver 
Homme  ,  qui  en  fut  connu ,  afin  de  les  e  g  g 
par  Députes  dans  un  lieu  commode  ,  ou  1  on  put  traiter  avec 

^Perfonne  ^’éloit  plus”  propre  Jour  cette  importante  Com- 

«  ,ÏV  -oit  quel- 


un 

me  étude.  Lanécellitè  lavoir  om.gc  ^ 
jes  Jefuites,  ce  qui  lui  avoir  donne  occafion  de  «  «r  ave_ 
la  plupart  des  Peuples  du  Canada  &  J  apprend^ 

££  leSëÇt^etetTone’,  quël  leu/perfoadou :  aifoment 
tout  ce  qu’il  vouloir.  M.  de  Çourceüesjetta  \es /^/debl r- 

5  à  QueÊec  fur  ces  entrefaites ,  approuva  ce  choix  ,  & 
nartir  Perrot  avec  de  bonnes  inftructions. 


1 


DE  LANOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  437 

Ce  Député  vifita  toutes  les  Nations  du  Nord  ,  avec  qui  nous 
avions  quelque  commerce  ,  &  les  invita  à  fe  trouver  au  prin- 
tems  fuivant  au  Sault  Sainte  Marie  ,  où  le  Grand  Ononthio  des 
François  ,  c’eft-à-dire ,  le  Roy  de  France  ,  leur  enverrait  un 
de  Tes  Capitaines ,  qui  leur  déclarerait  fes  volontés.  Tous  lui 
ayant  promis  d’y  envoyer  des  Députés  ,  il  paffa  aux  Quartiers 
de  l’Oueft  ;  mais  il  rabatit  au  Sud  ,  &  alla  jufqu’à  Chicagou  , 
dans  le  fond  du  Lac  Michigan  ,  où  étoient  alors  les  Miamis. 
Comme  il  approchoit  de  leur  Village  avec  une  Efcorte  de 
Pouteouatamis,  qu’on  lui  avoit  donnée  en  paffant  par  la  Baye  , 
parce  qu’il  y  avoit  quelque  commencement  de  guerre  entre 
les  Sioux  &  les  Mafcoutins  ,  une  Trouppe  de  jeunes  Gens  de 
cette  Efcorte  fe  détacha ,  pour  aller  avertir  de  fon  arrivée  le 
Grand  Chef  des  Miamis  ,  qui  fe  nommoit  Tetinchoua. 

Ce  Chef  pouvoit  mettre  fur  pied  quatre  à  cinq  mille  Com- 
battans  ,  &  ne  marchoit  jamais ,  qu’avec  une  Garde  de  qua¬ 
rante  Soldats  9  qui  faifoient  auffi  jour  &  nuit  la  Sentinelle  au¬ 
tour  de  fa  Cabanne  ,  quand  il  y  étoit.  Perrot ,  des  Mémoires 
duquel  j’ai  tiré  ces  particularités,  ajoûte  que  Tetinchoua  fe 
communiquoit  rarement  à  fes  Sujets ,  fe  contentant  de  leur 
faire  intimer  fes  ordres  par  un  de  fes  Officiers.  Je  ne  garantis 
point  ces  faits  ;  mais  il  eit  certain  que  ,  fi  Perrot  n’a  point  un 
peu  ajoûté  à  la  vérité  ,  les  chofes  ont  beaucoup  changé  de¬ 
puis  ce  tems-là  :  il  eft  cependant  vrai  ,  &  j’en  ai  été  moi-même 
le  témoin ,  que  les  Chefs  des  Miamis  font  plus  refpeftés ,  & 
moins  aifés  à  aborder  ,  que  ceux  de  la  plûpart  des  autres  Na¬ 
tions  Sauvages  du  Canada. 

Quoiqu’il  en  foit,  Tetinchoua  ,  dit  Perrot ,  infiruit  de  l’ar¬ 
rivée  d’un  Envoyé  du  Général  des  François ,  voulut  lui  faire 
une  réception  ,  qui  lui  donnât  une  idée  de  fa  Puiffance.  Il  fit 
marcher  un  Détachement  pour  aller  au  devant  de  lui ,  &  or¬ 
donna  qu’on  le  reçût  en  Guerrier.  Le  Détachement  s’avança 
en  ordre  de  Bataille  ,  tous  les  Soldats  étant  parés  de  plumages  , 
armés  de  toutes  pièces  ,  &  de  tems  en  tems  faifant  les  cris  de 
guerre.  Les  Pouteouatamis  ,  qui  efcortoient  Perrot ,  les  voyant 
venir  en  cet  équipage  ,  fe  préparèrent  à  les  recevoir  de  la  mê¬ 
me  maniéré ,  &  Perrot  fe  mit  à  leur  tête.  Quand  les  deux 
Troupes  furent  en  préfence  ,  elles  s’arrêtèrent  comme  pour 
prendre  haleine ,  puis  tout-à-coup  celle  de  Perrot  prit  fur  la 
droitte ,  les  Miamis  prirent  fur  la  gauche  ,  courant  tous  à  la 
file  ,  comme  s’ilseuilent  voulu  prendre  leur  avantage  pour  fe 
charger. 


Ain  ■  — 

1671. 


Ï5u  Grand 
Chef  des 
Miamis. 


Réception  * 
qu’il  fait  à  uis 
Envoyé  du 
Général. 


i  6  y  i. 


Prife  de  pof- 
felTion  de  tous 
les  environs 
des  Lacs. 


438  HISTOIRE  generale 

Mais  les  Miamis  setant  recourbés  en  arc,  les  Pouteoua- 
tamis  fe  trouvèrent  invertis  de  toutes  parts.  Alois  les  uns  oc 
les  autres  jetterent  de  grands  cris  5  qui  furent  le  fignal  dune 
efpéce  de  combat.  Les  Miamis  firent  une  de  chai  ge  de  leurs 
fufils ,  où  il  n  y  avoit  que  de  la  poudre  ,  &  les  Pouteouatamis 
leur  répondirent  de  même  ;  après  quoi  on  fe  mêla ,  le  Lalle- 
têteàla  main,  tous  les  coups  portant  fur  les  Cafle-tetes.  Un 
fit  enfuite  la  paix  ;  les  Miamis  préfenterent  le  Calumet  a  i  er- 
rot  &  le  conduisirent  avec  toute  fon  Efcorte  dans  la  prin¬ 
cipale  Bourgade  ,  où  le  Grand  Chef  lui  affigna  une  Garde  de 
cinquante  Hommes  ,  le  regala  fplendidement ,  a  la  maniéré  du 
Pays  ,  &  lui  donna  le  diversement  du  Jeu  de  la  Crofie.  . 

Perrot  après  avoir  parte  quelques  jours  chez  les  Miamis  , 
&  traité  avec  leur  Chef,  fui  vaut  fes  inflruftions ,  retourna  au 
Sault  Sainte  Marie  :  Tetinchoua  vouloit  lÿ  accompagner  en 
perfonne  ;  mais  fon  grand  âge  &  fes  infirmités  firent  craindre 
a  fes  Sujets  qu’il  ne  pût  réfifter  aux  fatigues  de  ce  voiage,  &  ils 
rengagèrent  à  refter  chez  lui  :  il  ne  députa  meme  perfonne  de 
fa  Nation  à  l’Affemblée  Générale  ;  mais  il  donna  aux  Pouteoua- 
tamis  un  plein  pouvoir  pour  agir  en  fon  nom.  Le  tems  ne  per-1 
mit  pas  apparemment  à  Perrot  d’aller  inviter  les  Mafcoutins 
&  les  Kicapous  à  fe  trouver  au  rendez-vous  encore  moins 
les  Illinois ,  qui  habitoient  alors  les  bords  du  Miciffipi ,  &  chez 
lefquels  on  n’avoit  point  encore  pénétré.  Ce  qui  elt  certain  , 
c’eft  qu’il  n’y  parut  aucun  Sauvage  de  ces  trois  Mations,  m 

Perfonne ,  qui  les  reprefentât.  „  .  ,  XT  , 

Mais  on  y  vit  des  Députés  de  toutes  les  Nations  du  Nord, 
&  même  des  Monfonis ,  Habitans  du  fond  de  la  Baye  d  Hud- 
fon.  Le  Sieur  de  S'.  Luffon  ,  Subdélégué  de  l’Intendant  de  la 
Nouvelle  France  ,  fe  rendit  au  Sault  Sainte  Marie  au  mois  de 
May  1671.  chargé  d’une  Commiffion  fpéciale  pour  prendre 
poffeffion  de  tous  les  Pays  occupés  par  ces  Peuples  ,  &  les 
mettre  fous  la  proteftion  du  Roy.  La  Ceremonie  commença 
par  un  Difcours ,  que  le  P.  Allouez  fit  en  Algonquin ,  &  dans 
lequel ,  après  avoir  donné  à  tous  ces  Sauvages  une  grande  idee 
de  la  puiffance  du  Roy  ,  il  tâcha  de  leur  perl'uader  qu  il  ne  leur 
pouvoit  rien  arriver  de  plus  avantageux  ,  que  de  mériter  a  pr 
te&ion  d’un  tel  Monarque  ,  ce  qu’ils  obtiendroient ,  ajouta-M  * 

en  le  reconnoiffant  pour  leur  Grand  Chef.  .  , 

M.  de  Sc.  Luffon  parla  enfuite  en  peu  de  mots,  &  finition 
Difcours  en  demandant  ?  fi  tout  le  Monde  confentoit  a  ce  q 


— - - 


XlTCUIK-IItEVIOC'ETCUS 


Fond  de  /- / Bbdi:  IIcdson \ 


Na  tic  n  de  la  Loutre 


1 TTI  K- IRIS  10  CB  TCIIS 

Ju  Caribou  UcTduf. 


'  S'  Françoise 
S  François 
c  S  L  ouïs 
tir  Ju  Ciniou 


La juste  position 
incertain  r  On  dit  if 


environs 


Cto  C/uirtis 

f$Bcllc  IsU 


LES  0  INES  CiIPI 


Tbra.es  beKOvchÀs ( 

ki  .U-m-iouari  £ -  J 


.Portée 
I Albontl 


L  Poupe 


1 

y  y  . 


R.  Je  Dm  Se 


de  B  an. w  n  t 


C"°  < 

(hueolnh 


Terre-neuve 


.  Uvruttr 


Stmùhs 


cours 


Intérieur  . 
K.  ictères 


^  '-naJeurs 

'I'  Chl'l Juin!  JtuSl  Lm. 


LJcs  delà  Madebj 

I.  Ju  Corps  mm  pjÊâ 


üpêegfr 


C-ifTS 

Marie 


Je  ÙCtjsnuAs 


Uttbani 


Carte 

DE  LA  PARTIE  O  fl 


"Keseben 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE 

OTT  DU  Canada 


■  Ju  Istes 


VEDLEE 

ctir  le  Comte  de*  Maurcj 
rc  et  Secrétaire  dEtat^ 
ideur  des  Ordres  du  Roy 
Luicnicur  Je  la  ulfannc 


J;  Stnceniirc  ")  po 


Lieues  Commun. 


mm  ,i  .t~f  ). 

Lieue.'  Ji.i 


Orndrnlnh 


JJarèrurlùi 


■■■■■■■ 


1 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  439 
venoit  d’être  propofé  ?  Comme  il  avoit  parlé  en  François  ,  le 
P.  Allouez  répéta  en  Algonquin  ce  qu’il  venoit  de  dire ,  & 
tous  répondirent  d’abord  par  des  préfens ,  &  puis  par  de  grands 
cris  de  Vive  le  Roy .  Alors  le  Commiffaire  fit  creufer  par  Per¬ 
rot  deux  trous  en  Terre  ,  &  planter  dans  l’un  un  grand  po¬ 
teau  de  Cèdre  ,  &  dans  l’autre  ,  une  Croix  de  même  matière  , 
tandis  qu’on  chantoit  le  Vexilla .  Enfuite  on  attacha  au  po¬ 
teau  &  à  la  Croix  les  Armes  de  France  ;  puis  on  entonna 
XExaudiat .  Cela  fait,,  M.  deScc  Luffon  déclara  par  la  bouche  du 
P.  Allouez  qu’il  mettoit  tout  le  Pays  en  la  main  du  Roy  , 
tous  les  Habitans  fous  la  protection  de  Sa  Majefté. 

Les  Députés  s’écrièrent  tous  qu’ils  ne  vouloient  plus  avoir 
d’autre  Pere  ,,  que  le  Grand  Ononthio  des  François  ,  &  le 
Subdélégué  ,  après  les  avoir  beaucoup  careffés  ,  les  affûra  que 
ce  Prince  ne  les  laifferoit  jamais  manquer  de  rien ,  tandis  qu’ils 
lui  garderaient  la  fidélité  ,  qu’ils  venoient  de  lui  promettre. 
Le  tout  finit  par  le  Te  Daim ,  précédé  &  fuivi  de  plufieurs 
décharges  de  Moufqueterie ,  à  quoi  il  ne  faut  point  douter 
qu’on  n’ajoutât,  fuivant  la  coûtume,  un  grand  feftin. 

Saint  Luffon  ,  immédiatement  avant  que  de  fe  rendre  à  Sainte 
Marie  ,  avoit  fait  par  ordre  de  M.  Talon  un  voyage  à  la  Cô¬ 
te  Méridionnale  du  Canada  ,  &  avoit  trouvé  les  bords  du  Ki- 
nibequi  &  toute  la  Côte  de  la  Mer  ,  femé  d’Habitations  An- 
gloifes  ,  bien  bâties  ,  &  en  très-bon  état.  Il  fut  par- tout  fort 
bien  reçu  ;  les  deux  Cours  de  France  &  d’Angleterre  étoient 
alors  très-unies  ,  &  depuis  le  Traité  de  Breda  ,  ces  deux  Na¬ 
tions  n’avoient  rien  eu  à  démêler  enfemble  dans  l’Amérique. 
Le  Sieur  de  Saint  Luffon  ne  laiffa  pas  d’avertir  ces  Habitans  qu’ils 
étoient  furie  Terrein  du  Roy  de  France-;  mais  ils  lui  répon¬ 
dirent  qu’ils  étoient  charmés  de  vivre  fous  l’obéiffance  d’un  fi 
grand  Roy  ,  &  qu’ils  le  prioient  d’affûrer  le  Gouverneur  Gé¬ 
néral  &  1  Intendant  de  la  Nouvelle  France  ,  qu’ils  fe  compor¬ 
teraient  toujours  en  Sujets  très-fidéles  &  très-fournis. 

Il  eft  néanmoins  vraifemblable  qu’ils  furent  peu  de  tems 
après  rappellés  dans  la  Nouvelle  Angleterre  ;  &  la  Lettre  de 
M.  Talon  à  M.  Colbert,  d’où  j’ai  tiré  ces  circonffances  des 
voyages  deM.  de  Saint  Luffon  ,  faifant  entrevoir  que  l’Inten¬ 
dant  doutoit  un  peu  de  la  fincérité  des  Anglois ,  donne  lieu 
de  juger  que  ce  rappel  fe  fit  fur  les  remontrances  du  Con- 
feil  du  Roy.  Au  moins^eft-il  certain  que  dès  ce  tems-là  leKini- 
bequi  étoit  regardé  comme  faifant  de  ce  côté-là  la  féparationdes 


1671. 


6 


Les  Angîoîs 
s’établiilenc 
fur  les  Terres 
des  François , 
&  quoiqu’ils 
vécuflent  de 
bonne  intelli¬ 
gence  avec 
eux ,  on  ençra- 

T  ^ 

ge  le  Roy 
d’Angleterre  à 
les  en  rappel-» 
Ier. 


i  6  7  1  -  v 

Les  Hurons à 
Michillima- 
kinac. 


Phénomè¬ 
nes  finguliers, 
Obfervations 
fur  les  Marées 
&  fur  les  Cou- 
rans, 


Aïo  histoire  generale 

deux  Colonies  ,  ainfi  qu’il  avoit  été  réglé  par  le  Traite  de  Breda* 
Enfin  cette  même  année  les  Hurons  Tionnontatez  las  de 
mener  une  vie  errante  ,  qui  n’a  jamais  ete  du  goût  de  cette 
Nation  ,  s’établirent  à  Michillimakinac  :  ^ Je  placere* 

point  dans  l’Ifle  même  ,  qui  porte  ce  nom ,  &  V»  * 

une  partie  du  Continent  voifin  ;  mais  fur  une  pointe  de  ce 
Continent,  laquelle  avance  au  Sud,  &  regarde  une  autre 
pointe  tournée  au  Nord.  Ces  deux  pointes  formen  un  D  - 
troit ,  par  où  le  Lac  Huron  communique  avec  le  Lac  Mich 
gan.  Ce  fut  le  P.  Marquette  ,  qui  amena  les  Hurons  dans 

Cen°.îeft  pïs’ai^édefçavoirpar  quelle  raifon ce .Mifficmruûre 
le  choifit  préférablement  à  tant  d’autres ,  qui  paroiffoient  be  u 
coup  plusPavantageux  pour  un  pareil  Etal  iffement.  11  en  par- 
le  luwnême  dansfes  Mémoires  ,  comme  d  un  lieu  fort  incom- 
mod  ,  &où  le  froid  eft  exceffif  ;  ce  qui  vient  fans  doute  de 
ce  que  les  trois  Lacs,  entre  lefquels  il  te  trouve .  “ 

moindre  (a)  a  trois-cent  lieues  de  circuit ,  fans  compter  une 
Baye  (b)  de  vint-huit  lieues  de  profondeur  ,  qui  s  y  decha  g  , 
font  ordinairement  agités  de  vents  très-impetueux. 

Le  P.  Marquette  ajoute  que  1  inégalité  des  Marees  dera  g 
Beaucoup  la  navigation  de  ces  Lacs  :  en  effet  )  ai  déjà  oblerve 
quX  ï’ontTelde  réglé,  &  qu’elles  font  aflez :  I 

quelques  endroits.  Aux  environs  de  la  petite  Me  de  Mich.11^ 
makmac  elles  montent  &  déferaient  une  fois  * * 

toujours  dans  le  Lac  Michigan.  Il  n’eft  pas  meme  douteux  qu  n - 
dépendemment  des  Marées  ,  il  n’y  ait  un  Couran  ,  A  1 
touiours  du  Lac  Huron  dans  le  dernier ,  ce  qui  eft  W^r® 
mem  caufé  par  des  Sources  ,  telles  ,  qu’on  en  trouve  aflez  fou- 

^cVcourànt  n’empêche  pourtant  pas  le  Courant  ««uM  du 
Michigan ,  lequel  décharge  fes  eaux  dans  le  Lac  Huro  , 
bien  oue  le  Lac  Supérieur.  Le  premier  de  ces  deux  Coura  , 
c’eft-à-dire  ,  celui  du  Lac  Huron  dans  le  Lac  Michigan ,  eft 
plus  fenfible  ,  quand  le  vent  foufle  de  la  partie  oppolee  ,  qu 

Scelle  d,,  Sud ,  8c  l'on  .  vû  .loç.  de.  *»J*»*,; 
lui-là  dans  celui-ci  avec  autant  de  viteffe  ,  que  le 
Navire  ,  qui  auroit  le  vent  en  poupe..  On  fçait  que  la 
chofe  arrive  au  Canal  de  Bahama. 


(a)  Le  Michigan.  (&)  La  Baye  dçs  Puants, 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  44* 

Le  P.  Marquette  obferve  encore  que  dans  le  Détroit ,  par 
■  où  le  Lac  Supérieur  fe  jette  dans  le  Lac  HurOn  ,  i Ijy  a  fous 
i’eau  des  courans  en  grand  nombre  ,  &  fi  forts  ,  qu’ils  em¬ 
portent  quelquefois  les  filets  des  Pêcheurs  ,  d’où  il  conjecture 
que  ce  grand  Lac  décharge  une  partie  de  fes  eaux  dans  le  Mi¬ 
chigan  par  des  Canaux  fouterrains  ,  qu’il  s’efi:  creufés  ,  de  la 
même  maniéré  ,  qu’on  juge  que  la  Mer  Cafpienne  communi¬ 
que  avec  le  Pont  Euxin  ,  &  celui-ci  avec  la  Méditerranée  ;  & 
cela  efi:  d’autant  plus  vraifemblable ,  que  le  Lac  Supérieur  re¬ 
cevant  au  moins  quarante  Rivières  ,  dont  il  y  en  a  dix  ou  dou¬ 
ze  aufii  larges  ,  que  le  Détroit  même ,  il  ne  rendroit  pas  à  beau¬ 
coup  près  ,  autant  d’eau  ,  qu’il  en  reçoit ,  s’il  n’avoit  point 
d’autre  ififuê\  que  ce  Canal. 

Il  me  paroît  qu’il  faut  dire  la  même  chofe  du  Michigan  ,  le¬ 
quel  outre  les  eaux  de  la  grande  Baye  ,  reçoit  encore  un  grand 
nombfe  de  Rivières  ,  dont  plufieurs  font  très-larges ,  &  vien¬ 
nent  de  fort  loin.  Car  il  faut  nécefiairement  qu’outre  fadéchar- 

fe  vifible  dans  le  Lac  Huron  ,  il  s’en  foit  encore  creufé  fous 
’erre  ,  comme  je  viens  de  le  remarquer  du  Lac  Supérieur  ?  au 
fujet  duquel  on  a  fait  une  découverte  ,  qui  fortifie  la  conjefture 
du  P.  Marquette.  C’eft  que  tous  les  Rochers  ,  qu’on  trouve 
à  une  certaine  profondeur  dans  le  Détroit  du  Sault  de  Sainte 
Marie  ,  font  percés  comme  des  éponges  ,  &  plufieurs  mêmes 
creufés  en  forme  de  Grottes  ;  ce  qui  paroît  venir  des  Courans , 
dont  j’ai  parlé. 

A  la  fin  de  l’année  précédente  ,  &  au  commencement  de  cel¬ 
le-ci  il  arriva  quelque  cjiofe  d’affez  fingulier  dans  cette  partie 
du  Canada.  L’hyver  n’y  commença  qu’à  la  mi- Janvier  1671. 
&  finit  à  la  mi-Mars  ;  ce  qui  étoit  fans  exemple  ;  &  ces  deux  ter¬ 
mes  furent  marqués  par  des  Phénomènes  ,  qui  furprirent  beau¬ 
coup  les  Sauvages.  Le  vint-uniéme  de  Janvier  il  parut  dans  la 
Baye  deux  Parelies  environ  deux  heures  avant  le  coucher  du 
Soleil  :  ils  étoient  accompagnés  d’un  croiffant ,  dont  les  cornes 
étoient  en  haut.  Le  vrai  Soleil  étoit  également  éloigné  de  l’un 
&  de  l’autre  Parelie  ;  un  petit  nuage  ,  qui  avoit  toutes  les  cou¬ 
leurs  de  l’Arc-en-Ciel ,  mais  fort  tranfparent ,  couvroit  un  des 
deux ,  &  l’obfcurciffoit  un  peu  ,  &  une  grande  lueur  faifoit 
aufii  à  l’autre  une  efpéce  de  voile.  Les  Sauvages  crurent  que 
c’étoit  un  ligne  infaillible  de  froid  ,  &  il  gela  excefiivement  le 
lendemain. 

Le  douzième  du  mois  de  Mars  fuivant ,  on  vit  trois  Parelies 
Tome  I.  -  K  k  k 


1671 


Phénomène? 

fînguliers. 


1671* 


44i  histoire  generale 

en  trois  endroits  differens  ,  &  qui  differoient  auffi  par  rapport 
à  leur  pofition  ,  à  leur  nombre  ,  Sc  au  te  ms  ,  auquel  ils  paru- 
rent.  A  Michillimakinac  la  diftance  apparente  des  trois  Soleils* 
qu  on  y  apperçut ,  étoit  d’une  demie-lieue  ;  1  un  des  deux  Pa- 
relies  n’étoit  guère  ,  que  comme  une  Iris  de  forme  ovale  ,  cou¬ 
ronnée  d’un  filet  d’or  *.  l’autre  etoit  fi  eclattant ,  qu  on  eût  eu  de 
la  peine  à  le  difcerner  du  vrai  Soleil ,  fans  une  bande  de  cou¬ 
leur  d’écarlatte  ^  qui  le  bqrdoit  du  côte  oppofe  a  celui-ci.  Ce 
Phénomène  dura  plufieurs  jours  :  on  le  voyoit  le  matin  peu 
après  le  lever  du  Soleil ,  &  le  foir  avant  fon  coucher.  Le  Mé¬ 
moire  ,  qui  rapporte  le  fait  ,  ajoute  que  celui  des  deux  Pare- 
lies  ,  qui  le  matin  étoit  au  Midi ,  fe  voyoit  le  foir  au  Septen¬ 
trion  ,  &  que  l’autre  prenoit  fa  place  ;  mais  il  y  a  bien  de 
l’apparence  qu’ils  changeoient  plûtôt  de  figure  ,  que  de  po¬ 
fition.  .  .  ,  r  c 

Dans  l’Ifle  Manitoualin  ,  où  il  y  avoit  quantité  de  Sau¬ 
vages  Saulteurs  en  hyvernement,  trois  Soleils  parurent  vers  le 
Couchant  fur  une  ligne  parallèle  a  la  Terre  ;  ils  etoient  égaux 
en  grandeur  ,  le  véritable  à  l’Oueft-Sud-Oueft  \  un  des  deux 
Parelies  à  l’Oueft ,  &  l’autre  auSud-Oueft.  On  vit  en  même 
tems  deux  Hemi-Cycles  parallèles  à  1  Horizon.  Ils  etoient  de 
couleur  bleue  à  leur  centre  ,  de  couleur  d  aurore  au-deffus  ,  oc 
d’un  gris  obfcur  Sc  cendré  à  la  circonférence.  Le  Ciel  etoit 
un  peu  chargé  de  ce  côté-là  ,  &  par  tout  ailleurs  même  il  n  e- 
toit  pas  fort  ferein  ,  quoiqu’on  n’aperçût  aucun  nuage.  ^ 

Un  quart  de  cercle  perpendiculaire  a  1  Horizon  ayant  a  peu 
près  les  mêmes  couleurs ,  que  les  Parelies  ,  touchoit  celui,  qui 
étoit  au  Sud-Oueft  ;  puis  coupant  un  des  deux  Hemi-Cycles 
parallèles  à  l’Horizon  ,  alloit  fe  perdre  dans  1  autre.  Quelque¬ 
fois  les  trois  Soleils  difparoifloient  ;  mais  le  véritable  fe  cachent 
plus  rarement ,  que  les  autres.  Enfin  un  troifieme  Parelie  fe  fit 
voir  au-  deffus  du  Soleil  ;  mais  il  dura  peu.  Les  deux  premiers 
en  difparoilfant  pour  la  derniere  fois,  Different  deux  Arcs-en- 
Ciel  fort  lumineux  ,  Sc  les  deux  Hemi-Cycles  refierent  encore 

lontems  après.  ^ 

Au  Sault  Sainte  Marie  on  vit  un  matin  trois  Soleils  ,  com¬ 
me  aux  deux  autres  endroits  ;  mais  un  peu  après  midi  il  en  pa¬ 
rut  huit  tout  à  la  fois  ,  rangés  en  cet  ordre.  Le  vrai  Soleil  etoit 
au  centre  d’un  cercle  ,  formé  des  couleurs  de  l’Iris  :  quatre  Pa¬ 
relies  partageoient  ce  cercle  en  quatre  parties  égalés  ,  Sc  etoient 
pofés  perpendiculairement  Sc  horizontalement.  Un  autre  cer« 


t)E  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lxv.  X.  443 

cle  femblable  au  premier  pour  les  couleurs  ,  mais  beaucoup 
plus  grand  ,  paffoit  par  le  centre  du  véritable  Soleil ,  qui  en 
yOccupoit  le  haut  ,  &  trois  autres  Parelies  le  divifoient  avec 
lui ,  comme  les  quatre  premiers  divifoient  le  petit  cercle.  Les 
Sauvages  s  imaginèrent  que  tous  ces  Parelies  étoientles  Fem¬ 
mes  du  vrai  Soleil  ,  qui  avoit  bien  voulu  fe  faire  voir  aux 
Hommes  avec  toutes  fes'Compagnes  ;  mais  on  les  détrompa  en 
leur  expliquant  ces  Phénomènes  d’une  maniéré  naturelle  ,  & 
cela  donna  occafion  de  leur  faire  connoitre  que  cet  Affre  11’é- 
toit  rien  moins  ,  qu’un  Génie  ,  comme  ils  fe  l’imaginoient. 

Sur  la  fin  de  cette  année  les  Iroquois  terminèrent  heureu- 
fement  la  guerre  ,  qu  ils  faifoient  depuis  plufieurs  années  aux 
Andaffes,  &  aux  Chaouanons  ,  leurs Voifins.  Les  fuccès  avoient 
ete  allez  lontems  partagés  :  enfin  ces  deux  Peuples  furent  pref- 
qu  entièrement  exterminés  ,  &  les  Vainqueurs  incorporèrent 
dans  leurs  Cantons ,  furtout  dans  celui  de  Tfonnonthouan  , 
un  grand  nombre  de  Captifs  ,  qu’ils  avoient  faits  fur  l’un  &  fur 
1  autre.  Telle  a  toujours  été  leur  politique,  de  réparer  aux 
dépens  de  leurs  Ennemis  les  brèches  ,  que  la  guerre  avoit  faites 
à  leur  Nation. 

Alors  M.  de  Courcelles  ,  perfuadé  plus  que  jamais  de  la  né* 
cefiite  d  oppofer  une  barrière  à  un  Peuple  inquiet ,  qui  n’a- 
voit  plus  d  occupation  au  dehors  ,  &  dont  la  puilfance  &  la 
réputation  augmentaient  chaque  jour  ,  fit  dire  aux  princi¬ 
paux  Chefs  des  Cantons  qu’il  avoit  une  affaire  importante  à 
leur  communiquer,  &  qu’il  iroit inceffamment  les  attendre  à 
Catarocouy .  Ils  s’y  rendirent  en  grand  nombre  ,  &  le  Général, 
apres  leur  avoir  fait  de  grandes  careffes  &  de  fort  beaux  pré- 
fens ,  leur  déclara  qu  il  avoit  defiein  de  bâtir  en  ce  heu-là  un 
Fort,  ou  ils  puffent venir  plus  commodément  faire  la  Traite 
avec  les  François. 

Ils  11e  s  aperçurent  pas  d’abord  que  ,  fous  prétexte  de  cher¬ 
cher  leur  utilité  ,  le  Gouverneur  n’avoit  en  vûè  ,  que  de  les 
tenir  en  bride  ,  &  de  s’affûrer  un  entrepôt  pour  fes  vivres  & 
fes  munitions ,  au  cas  qu’ils  l’obligeaffent  à  reprendre  les  ar¬ 
mes.  Ils  répondirent  donc  que  ce  projet  leur  paroiffoit  bien 
imagine  ,  &  fur  le  champ  les  mefures  furent  prifes  pour  l’exé¬ 
cuter  ;  mais  M.  de  Courcelles  n’en  eut  pas  le  tems.  Nous  avons 
vû  qu  il  avoit  demandé  fon  rappel  en  France ,  &  en  arrivant  à 
Quebec  ,  au  retour  de  Catarocouy  ,  il  trouva  le  Comte  de 
Frontenac ,  qui  venoit  le  relever.  Il  n’eut  pas  de  peine  à  lui 

Kkk  ij 


1671. 


1  672. 

Projet  d’un 
Fort  à  Cataro¬ 
couy. 


M.  de  Côur- 
celles  retourne 
en  France  :  Ton 
SuccetFeur  b⬠
tit  le  Fort  de 
Catarocouy'. 


i  6  7  ï  • 


M.  Talon 
demande  Ton 
rappel  en 
Pran ce  ,  8C 
pourquoi l 


Caractère  de 

M-  de  Cour- 
adies. 


Caradtére  du 
Comte  de 
?rontenac  , 
onSuccelTeur. 


<  HISTOIRE  GENERALE 

iSe  goûter  le  deÇ» 

nier  voyage  ; ,  &  P  “^VœXùk’e  le  Fort ,  qui  alon- 

tlsp'ortl  fon nom  ,  aufl&en  que  le  Lac ( .)  ,  à  l’entree  du- 

qUM  ‘  Talon  de  fon  côté  nes’endormoit  pas  ,  fon  zélé 

les  dégoûts,  quilcontinuoitdeffuyerd  JP  de 

celles ,  &  ceux  ,  T ''  ’  oomt  àiomwître  le  caraftére ,  le 

Frontenac  ,  dont  il  ne  P  .  .  ti  inpea  qu’il  y  auroit  de' 

firent  penfer  de  nouveau  a  taretrartte  Il]u  gea^y 

l’imprudence  à  fe  commettre  avec  ceGeireral  ^ 

mande  cru  on  fe  lelache  ,  q  ^  de  Courcelles  fut  une 

Tout  bien  confiée  S’il  n’âvoit  pas  des  qua- 

vraye  perte  pom  la  Mouv  rr  il  n’eut  que  les  mom- 

dits  deîesé  défauts  !  &  Fe"  pliions  <^£“P  “t 

leur  marquer  de  la  confiance  dm  ^  autor  jfer  dans  toutes 

mete  ,  &  la  fagefle  ,  aveT  j^faifoient  refpefter  des  Sauvages, 
du  cher  aux  François  ,  &£  le  iailoient  re p  ^  n,aurok  ja_ 

Il  y  a  bien  de  l’appaienee  que  a  p  ès  Jui ,  étoiênt  en- 

fuivi  les  traces,  qu’il  leur  afoit 

îSSTf 

légitime  &  avoir  mérite  la  confiance  du  ou  and  lit  y 
Eülifî.  cœur  encore  pj»  g™d ,  ,u«  a  ne. ,  1  *f 

prit  vif ,  pénétrant ,  terme  ,  fécond  ^  &  lo  ramhle  de 

Itoit  fufceptible  des  plus  injultes  préventions ,  &.  P 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  454  _ 

les  porter  fort  loin.  Il  vouloit  dominer  feul ,  &  il  n’eft  rien  qu’il  1  6  7  1 . 
ne  fît  pour  écarter  ceux  ,  qu’il  craignoit  de  trouver  en  fon  che¬ 
min.  Sa  valeur  &  fa  capacité  étoient  égales  ;  perfonne  ne  fçut 
mieux  prendre  fur  les  Peuples  ,  qu’il  gouverna  ,  ou  avec  qui  il 
eut  à  traiter  ,  cet  afcendant  fi  néceftaire  pour  les  retenir  dans 
le  devoir  &  le  refpecl.  Il  gagna  ,  quand  il  le  voulut ,  l’amitié 
des  François  &  de  leurs  Alliés  ,  &  jamais  Général  n’a  traité  fes 
Ennemis  avec  plus  de  hauteur  &  de  Nobleffe.  Ses  vues  pour 
l’agrandiflement  de  la  Colonie  étoient  grandes  &  juftes ,  &  il 
ne  tint  pas  à  lui  qu’on  n’ouvrît  les  yeux  furies  avantages  ,  qu’en 
pouvoit  retirer  le  Royaume  ;  mais  fes  préjugés  empêchèrent 
quelquefois  l’exécution  des  projets ,  qui  dépendoient  de  lui.  On 
avoit  de  la  peine  à  concilier  la  régularité  ,  &  même  la  pieté  , 
dont  il  faifoit  profeffion  ,  avec  cette  aigreur  &  cet  acharne¬ 
ment  ,  qu’il  témoignoit  contre  ceux  ,  qui  lui  faifoient  ombra¬ 
ge  ,  ou  qu’il  n’aimoit  point  ;  &  il  donna  lieu  de  juger  dans  une 
des  plus  importantes  occafions  de  fa  vie,  que  fon  ambition,  & 
le  defir  de  conferver  fon  autorité  ,  avoient  plus  de  pouvoir  fur 
lui ,  que  le  zélé  du  bien  public.  C’eft  qu’il  n’efl  point  de  vertu  , 
qui  ne  fe' démente  ,  quand  on  a  laiffe  prendre  le  deflus  a  une 
pafîion  dominante.  Le  Comte  de  Frontenac  eût  pû  être  un 
grand  Prince  5  fi  le  Ciel  F  avoit  place  fur  le  Throne  ;  mais  il 
avoit  des  défauts  dangereux  dans  un  Sujet ,  qui  ne  s’eff  pas 
bien  perfuadé  que  fa  gloire  conftfte  à  tout  facnfier  pour  le  fer- 
vice  de  fon  Souverain  ,  &  pour  l’utilité  publique. 

Cependant  M.  Talon  employoit  lepeudetems,  qu’il  avoit  ^o™qr<, 
à  refier  dans  la  Colonie  ,  d’une  maniéré  bien  capable  de  l’y  tLl  101  ipiv 
faire  regretter.  Après  avoir  établi  le  droit  du  Roy  fon  Maître 
jufq  u’aux  extrémités  du  Nord  &  fort  avant  à  FOueft ,  il  entre¬ 
prit  de  faire  de  nouvelles  découvertes.  On  fçavoit  en  général, 
parle  rapport  des  Sauvages  ,  qu’il  y  avoit  à  l’Occident  de  la 
Nouvelle  France  un  grand  Fleuve  ,  nommé  MeckaJJipi  par  les 
uns  ,  &  MiciJJlpi  par  les  autres  ,  lequel  ne  couloit  ni  au  Nord  , 
ni  à  l’Eft  ;  ainfi  on  ne  doutoit  point  que  par  fon  moyen  on  ne 
pût  avoir  communication  ,  ou  avec  le  Golphe  Mexique  ,  s  il 
avoit  fon  cours  au  Sud  ;  ou  avec  la  Mer  du  Sud  ,  s  il  alloit  fe 
décharger  à  FOueft  ;  &  Fon  efperoit  de  tirer  un  grand  avantage 
de  l’une  ou  de  l’autre  navigation. 

L’Intendant  ne  voulut  point  partir  de  l’Amerique  ,  fans  avoir 
éclairci  ce  point  important  ;  il  chargea  de  cette  decouverte  le 
P.  Marquette  l  lequel  avoit  déjà  parcouru  prefque  toutes  les 


% 


,  ,6  HISTOIRE  GENERALE 

- -  Contrées  du  Canada ,  &  qui  étoitfort  refpeaé  des  Sauvages  , 

1672-73-  &  illui  a(î-ocia  un  Bourgeois  de  Quebec  ,  nomme  Joliet  , 
Homme  d’efprit  &  d’expérience.  Ils  partirent  enfemble  de  la 
Baye  du  Lac  Michigan  ,  s’embarquèrent  fur  la  Rivzere  des  Re¬ 
nards  (a) ,  qui  s’y  décharge,  &  la  remontèrent  mfqu  affez  près  de 
fa  fource  ,  malgré  les  Rapides ,  qui  en  rendent  la  navigation 

infiniment  pénible.  Ils  la  quittèrent  enfuite  ,  marchèrent  quel- 

quetems,  puis  fe  rembarquèrent  fur  1  Ouifconfing  ,  &  navi¬ 
guant  toujours  à  l’Oueft ,  ils  fe  trouvèrent  fur  le  Micilïipi  par  la 
hauteur  d’environ  quarante-deux  degres  &demi  de  Latitude- 
Nord.  Ce  fut  le  dix-feptiéme  de  Juin  de  l  annee  1673.  qu  ils 
entrèrent  dans  ce  fameux  Fleuve  ,  dont  la  largeur  ,  &  plus  en¬ 
core  la  profondeur  ,  leur  parut  répondre  a  1  idee  ,  que  leur  en 

avoient  donné  les  Sauvages.  .  ,  n 

Ils  fe  laifferent  conduire  à  fon  Courant ,  qui  n  eft  pas  encore 
bien  rapide  en  cet  endroit  5&  ils  n’eurent  pas  fait  beaucoup 
de  chemin  ,  qu’ils  eurent  connoiffance  des  Illinois  .  Ils  rencon¬ 
trèrent  trois  Bourgades  de  cette  Nation  trois  lieues  au-deflous 
de  d’endroit ,  où  le  Miffouri ,  que  le  P.  Marquette  anpelle 
Pekitanoni  dans  fa  Relation  ,  joint  fes  eaux  a  celles  du  Micil- 
fipi.  Ces  Sauvages  furent  d’autant  plus  charmes  de  voir  des 
François  chez  eux  ,  qu’ils  fouhaitoient  depuis  lontems  leur  al¬ 
liance  ,  par  la  raifon ,  que  les  Iroquois  commençoientalaire 
des  excurfions  dans  leur  Pays ,  &  qu’ils  craigno.ent  une  guer¬ 
re  ,  qu’ils  n’étoient  point  en  état  de  foutemr  feuls.  Ils  firent 
donc  au  P.  Marquette ,  &  au  Sieur  Joliet  tout  le  bon  accueil 
poffible ,  &  les  engagèrent  à  leur  promettre  leurs  bons  ottices 

auprès  du  Gouverneur  Général. 

Les  deux  Voïageurs  ,  après  s’être  repofes  quelque  tems  chez 
les  Illinois ,  pourluivirent  leur  route ,  &  defcendirent  le  l  leu.- 
ve  jufques  aux  Akanfis  ,  vers  les  trente-trois  degres  de  Lati¬ 
tude.  Alors  comme  les  vivres  &  les  munitions  commençoient 
à  leur  manquer;  d’ailleurs  confiderant  qu’avec  trois  ou  qua¬ 
tre  Hommes ,  il  n’étoit  pas  prudent  de  s’engager  trop  avant  dans 
un  Pays  dont  ils  ne  connoilfoient  point  les  Habitans  ,  oc 
qu’ils  ne  pouvoient  plus  douter  que  le  Micilfipi  ne  fe  déchar¬ 
geât  dans  le  Golphe  Mexique  ,  ils  reprirent  la  route  du  Ca¬ 
nada,  remontèrent  le  Fleuve  jufqu’à  la  Riviere  des  Illinois , 
où  ils  entrèrent.  Arrivés  à  Chicagou  ,  fur  le  Lac  Michigan ,  ils 
.  fe  féparerent.  Le  P.  Marquette  relia  chez  les  Miamis  ,  « 

(  4  )  Le  nom  propre  de  ces  Sauvages  eft  Outagamis » 


9 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  A47 

Joliet  alla  à  Quebec  pour  rendre  compte  de  fon  voyage  à  M. 
Talon,  qu’il  trouva  parti  pour  la  France.  '  ° 

Le  Miffionnaire  fut  très-bien  reçu  du  Grand  Chef  des  Mia- 
mis  ,  fixa  fa  demeure  dans  la  principale  Bourgade  de  ces  Sau¬ 
vages  ,  &  employa  les  dernieres  années  de  fa  vie  à  leur  an¬ 
noncer  Jesus-Christ.  L’année  précédente  les  PP.  Allouez 
&  Dablon  avoient  parcouru  avec  de  grandes  fatigues  tous  les 
Pays,  qui  font  au  Midi  de  la  grande  Baye  ,  fans  recueillir 
beaucoup  de  fruits  de  leurs  travaux.  En  remontant  la  Riviere 
des  Renards  ,  ils  aperçurent  au  bord  d’un  de  ces  Rapides 
que  j’ai  déjà  dit  être  fort  fréquens  fur  cette  Riviere  ,  une  ef- 
pece  d’idole  fort  mal  faite  ,  &  qui  paroiffoit  plûtôt  un  de  ces 
caprices  de  la  Nature,  où  l’on  croit  trouver  quelque  reffem- 
blance  avec  les  ouvrages  de  l’Art.  C ’étoit  un  Rocher ,  dont  le 
fommet  paroiffoit  de  loin  une  tête  d’Homme  ,  [&  les  Sauvages 
favoient  pris  pour  le  Dieu  Tutelaire  de  leur  Pays.  Ils  le  bar¬ 
bouillaient  fouvent  de  toutes  fortes  de  couleurs  ,  &  ne  paf- 
foient  jamais  près  de-là  ,  fans  lui  offrir  du  Petun  ,  des  Flèches  , 
ou  autres  chofes  femblables.  Les  Millionnaires  ,  pour  convain¬ 
cre  ces  Infidèles  de  l’impuiffance  de  leur  prétendue  Divinité , 
renverferent  ce  Rocher  dans  l’eau  ,  &  depuis  ce  tems-là  il  n’en 
a  plus  été  parlé. 

Quand  les  Rapides  font  paffés  ,  on  trouve  la  Riviere  belle  , 
&  qui  roule  tranquillement  fes  eaux  dans  un  Pays  charmant. 
Le  climat  y  eft  fort  doux,  les  Forêts  y  font  entrecoupées  d’a- 
greables  Prairies ,  &  l’on  y  rencontre  par  milliers  toute  forte 
de  Bêtes  fauves  ,  furtout  de  ces  Bœufs  Illinois  ,  qui  portent  de 
la  laine.  Plufîeurs  petites  Rivières  viennent  fejetter  dans  celle 
des  Renards ,  &  font  couvertes  de  folle  avoine ,  qui  y  attire 
pendant  l’automne  une  quantité  prodigieufe  de  Gibier.  Les  Vi- 

gneSnd^nt  leS  B°is  font  {emés  ’  y  Portent  fans  culture  d’affez 
gi  os  Ramns  ;  les  Prunes  ,  les  Pommes  &  plufîeurs  autres  fruits , 
quoique  fauvages  ,  n’y  font  pas  défagréables  au  goût  fe¬ 
rment  excellens ,  s’ils  étoient  cultivés. 

En  tirant  au  Sud  on  entre  dans  le  Pays  des  Mafcoutins  , 
mamue  dans  quelques-unes  de  nos  Cartes  fous  le  nom  de  Terre 
de  Feu  :  les  Mafcoutins  font  aufîî  nommés  par  quelques  Géo¬ 
graphes  La  N ation  du  Feu  ,  &  une  erreur  fondée  fur  une  équi¬ 
voque  a  donné  lieu  à  cette  dénomination.  Mafcoutenec  qui  eff 
le  vrai  nom  de  ce  Pays  ,  &  du  Peuple ,  qui  l’habite ,  fignife  un 
Pays  découvert ,  &  en  effet  les  Bois  y  font  plus  rares ,  que 


1672-73. 

Defcription 
du  Pays  des 
Outagamis  & 
des  Mafcou¬ 
tins  :  erreur 
des  Géogra¬ 
phes  fur  ces 
derniers. 


i6ji~74' 


Réception , 
que  les  Maf- 
coutins  font 
à  deux  Mif- 
lionnaires. 


..8  histoire  generale 

^prétend  que  quelques  François  ayautomdj,  S^uvages^qiu 

æST  fcSSBSBS  .*  «5^ 

r  *Tation  du  Ft 


arcsr5.«<».4-*» 

purs  étpé»nl*^r&Dablon  rencontrèrent  Tetinchoua  avec 

^r^qït  ssr 

pi  £ts «3:  rJs 

qu*X Hommefordinatres ,  sjadreff XYÎdeT ’& T  autres 
Genies ,  pour  obtenu  la  g“^n//L^lX  à  lfurs  Dieux. 

g  OnleS1nv1tar)otuàtm&ftm^ntl^ü^  ^  a_ 

que  c’etoit  un  feftm  déjugé. ,  U.  -  ^  fflP  niere  de  Trophée , 

hanne  très^vafte  ou  0  fone  de  hache  d’arme , 

charge  d  Àtcs ,  de  Mecne  ,  ,  des  provlf10nS 

ses  ssîsfisS  * 

P“““  •  &,.JS  ‘J  "«'"u  Chkhikooé  &  le  Tambour.  Dès 

m  r  ksssbS 

Un ,  .J  Uu,  »  “>  ■  S  tZiZc.A 

ment ,  dont  la  fubfiftanc  *  ^  n  Soient  fur  le  poini 

guerre  à foûtenir  contre  les  Sioux  ,  qui  Teunefle 

&  ^les'p^ent  de®  SrTÆT^oire  contre  leur: 

ETf Pères  fondi^quj  «^eXi/h  SS“,  « 

les  Serviteurs  de  celui,  de  qu  P  s /  •  i  r^-péateu 

à  qui  ils  dévoient  adreffer  leurs  ^ux  ;  que  c  eto>t  le  Crea^ 

&  le  Dieu  du  Ciel  &  de  la  Terre  ,  qu  il  etoit  par  toi  ,  q 
S  A  bornes .  &  U  fa  bonté  égala 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  449 

fon  p  ouvoir.  Ce  difcours  parut  faire  beaucoup  d,e  plaihr  aux 
Affiftans ,  &  le  P.  Dablon  ,  dans  la  Lettre  ,  où  il  décrit  les 
particularités  de  ce  voyage  ,  regrette  beaucoup  de  n’avoir  pu 
faire  un  plus  long  fejour  parmi  ces  Peuples  ;  mais  il  fut  rap- 
,pellé  à  Quebec  ,  &  le  P.  Allouez  alla  chez  les  Outagamis. 

Il  ne  s’attendoit  pas  à  en  être  bien  reçu  ,  parce  que  quel¬ 
ques-uns  de  ces  Sauvages  avoient  été  maltraités  à  Montreal 
par  des  François  ,  .«&  que  toute  la  Nation  avoit  juré  de  s’en 
venger.  On  comptoit  alors  parmi  les  Outagamis  environ  mille 
Familles.  Les  Miamis  &  les  Mafcoutins  mirent  tout  en  œu¬ 
vre  pour  diffuader  le  Millionnaire  de  fe  livrer  feul  à  la  fureur 
d’un  Peuple  hrité  j  &  qui  d’ailleurs  n’avoit  jamais  paru  bien 
difpofé  à  entendre  parler  du  Chriffianifme  ;  mais  rien  ne  put  lui 
faire  changer  de  deffein  ,  &  Dieu  bénit  fon  courage.  Il  prê¬ 
cha  Jesus-Christ  aux  Outagamis,  qui  admirèrent  fa  réfo- 
lution  &  fa  patience  ,  &  peu  à  peu  s’humaniferent  à  fon  égard. 
Il  baptifa  des  Moribonds  ,  &  furtout  des  Enfans  ;  plulieurs  mê¬ 
mes  le  prièrent  à  fon  départ  de  les  revenir  voir ,  &*  l’affûre- 
rent  que ,  quandil  voudroit  s’établir  chez  eux  ,  il  trouveroit 
une  Cabanne  &  une  Chapelle  toutes  dreffées. 

Le  P.  Marquette  travailloit  de  fon  côté  affez  utilement  chez 
les  Miamis  de  Chicagou.  Il  y  relia  jufqu’en  1675.  qu’il  en 
partit  pour  fe  rendre  à  Michillimakinac  ;  mais  il  mourut  en 
chemin  de  la  maniéré ,  que  j’ai  rapportée  dans  mon  Journal. 
Le  P.  Allouez  alla  peu  de  tems  après  prendre  fa  place  chez 
les  Miamis ,  dont  il  a  eu  le  bonheur  de  convertir  un  affez 
grand  nombre.  Ce  Peuple  ,  qu’on  croit  avoir  la  même  origine  , 
que  les  Illinois ,  ell  d’une  humeur  affez  douce  ,  &  fi  leurs  Mil¬ 
lionnaires  n’avoient  pas  été  traverfés  par  ceux-là-mêmes ,  qui 
dévoient  les  foûtenir  dans  leurs  travaux  Apolloliques  ;  il  y  a 
bien  de  l’apparence  que  toute  cette  Nation  feroit  préfentement 
Chrétienne. 

La  Cour  paroiffoit  toujours  avoir  fort  à  cœur  l’Etabliffement 
de  l’Acadie  ;  mais  elle  fut  mal  fervie  par  les  Particuliers  ,  qu’elle 
avoit  intéreffés  dans  cette  entreprife  ,  &  qui  ne  vouloient  pas 
comprendre  qu’en  faifant  bien  les  affaires  du  Pcoy ,  ils  travail- 
leroient  utilement  pour  eux  ;  ils  n’eurent  pas  même  la  précau¬ 
tion  d’y  bâtir  un  feul  Fort  ,  fe  croyant  fuffifamment  à  cou¬ 
vert  par  celui  de  Pentagoët ,  où  le  Chevalier  de  Grandfon- 
taine  faifoitfarélidence  ,  &par  celui  de  laRiviere  de  S.  Jean  , 
oùM.  de  Marson  commandoit  au  nom  de  ce  Gouverneur, 
Tome  /.  LU 


1673. 


Excurfîon 
P.  Allouez 
chez  les  Ouià- 
gamis. 


Mort  du  p, 
Marquett-el 


Afnùrcs  u£ 
l’Acadie. 


6?3-74‘ 


les  Anglois 
emparent  de 
’entagaet ,  & 
lu  Fort  de  la 
liviere.  S. 


HISTOIRE  generale 

M  Talon  ,  en  demandant  au  Roy  fon  congé  abfolu  ,  avoit 
nromis  à  M.  Colbert  de  prendre  fa  route  par  l’ Acadie  ,  &  de 
faire  la  vhite  de  cette  Province.  Il  -reçut  une  reponle  favo¬ 
rable  ,  &  le  Miniftre  en  lui  envoyant!  agrément  de  b  a  Ma- 
tefté  pour  fon  retour  en  France  ,  lui  marqua  dans  la  Lettre, 
dattée  du  quatrième  de  Juin  ié7z.  qu’il  lui i  ferait  plailir  de 
partir  le  plus  tard  ,  qu’il  pourroit ,  &  de  laiffer  toutes  choies 
en  bon  état  dans  la  Nouvelle  France  ;  a  quoi  il  ajoutent  que 
le  Roy  approuvoit  fort  le  deffein ,  où  il  étoit  de  palier  par 
l’Acadie.  Outre  les  raifons  ,  qui  avoient  porte  llntendant  a 
propofer  ce  voyage ,  il  en  étoit  furvenu  une  autre  beaucoup 

pllLel  Chevalier  Temple  avoir  déclaré  à  M.  Colbert  qu’il  fou- 
haittoit  de  fe  retirer  fur  les  Terres  de  France  ;  M.  Talon  eut 
ordre  de  traiter  avec  lui ,  &  de  l’affurer  que  Sa  Majefte  Très- 
Chrétienne  lui  accordoit  des  Lettres  de  Naturalité  ,  &  lui  le- 
roit  encore  d’auti es  grâces.  On  efperoit  que  1  Acadie  retire-- 
roitde  grands  avantages  de  cette  négociation  ;  mais  elle  n  eut  . 
point  de  fuite  ,  &  je  n’ai  pu  fçavoir  ce  qui  l  ayon  fait  echouer. 
L’année  fuivante  M.  de  Chambly  releva  le  Chevalier  de  Grand- 
fontaine  à  Pentagoet  ,  &  il  y  avoir  tout  au  jalus  un  an  ,  qu  il 
étoit  dans  ce  Fort ,  lorfque  le  dixième  d  Août  de  1  année  1 674. 
un  Anglois  ,  qui  avoit  demeuré  quatre  jours  deguife  dans  fa. 
Place  ,°le  vint  attaquer  avec  l'Equipage  d  un  Corfaire  Fia 

m  Cet  Aventurier  avoit  cent  dix  Hommes,  &  M.  de  Cham¬ 
bly  n’en  avoit  que  trente  ,  d’ailleurs  Pentagoet  n  etoit  pas  en 
fit  de  défenfe  ,  &  le  Gouverneur  fut  furpris ,  parce  que  les- 
deux  Couronnes  étoient  en  paix.  Il  fe  défendit  neanmoins 
avec  beaucoup  de  valeur  ;  mais  après  une  heure  de  combat,, 
il  reçut  un  coup  de  moufqnet  au  travers  du  corps  ,  qui  1  obli¬ 
gea  de  fe  retirer.  Alors  fon  Enfeigne  &  tous  fes  Gens  ,  qui. 
étoient  mal  armés ,  &  plus  mal  intentionnés  encore  ,  (e  rendi- 

rent  à  diferetion.  _ ,  .  v 

Les  Ennemis  envoyèrent  aufikôt  un  Détachement  au  Fort 

de  Ganefie  dans  la  Riviere  S.  Jean  pour  enlever  M.  de  Mar- 
fon  ,  qui  y  commandoit,  &  cela  fut  execute  fans  relance.. 
Ainlî  l’Acadie  ,  dont  ces  deux  Forts  faiioient  toute  la  delente  »■ 
demeura  expofée  aux  courfes  des  Anglois.  L  Auteur  de  cette 
hoftilite  n’avoit  point  de  Commiffion,  &  fut  désavoué  ;onjçu 
néanmoins  qu’on  lui  avoit  donne  a.  Ballon  un  Pi  ote  ng  r 


-  .-yv; 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  451 
■&  Ton  étoit  inftruit  que  les  Baftonnois  foudroient  très-impa¬ 
tiemment  que  les  François  demeuraient  les  Maîtres  de  Pen- 
tagoè't ,  &  du  Fort  de  S.  Jean. 

Si  la  Nouvelle  France  eût  été  tranquille  ,  on  eût  pu  repa¬ 
rer  fur  le  champ  ces  pertes  ,  Bc  prendre  de  bonnes  me/ures  , 
pour  ne  pas  laifier  les  Provinces  voifines  de  la  Nouvelle  An¬ 
gleterre  expofées  à  de  pareilles  infultes  ;  mais  tout  étoit  en 
trouble  dans  la  Colonie.  Le  Gouverneur  Général  s’étoit 
brouillé  avec  les  Ecclefiafiiques  &  les  Millionnaires  ,  &  fe 
brouilla  bientôt  avec  M.  du  Chefneau  ,  qui  avoit  relevé  M. 
Talon,  L’Abbé  de  Salxgnac  Fenelon  ,  qui  étoit  du  Sémi¬ 
naire  de  S.  Sulpice  ,  fut  mis  en  prifon  ,  fous  prétexte  qu’il  avoit 
prêché  contre  le  Comte  de  Frontenac  ,  &  qu’il  avoit  tiré  des 
attestions  des  Habitans  de  Montreal  en  faveur  de  M.  Per¬ 
rot  ,  leur  Gouverneur  ,  que  le  Général  avoit  fait  mettre  aux 
arrêts. 

On  fe  plaignoit  encore  que  M.  de  Frontenac  avoit  compo- 
fé  le  Confeil  Supérieur  de  Gens ,  qui  étoient  à  fa  dévotion  , 
&  que  par-là  il  s’étoit  rendu  l’Arbitre  fouverain  de  la  Juflice  , 
&  tenoit  tout  le  Monde  fous  le  joug  ;  qu’on  ne  voyoit  que 
Sergens  en  campagne  ,  &  que  depuis  fix  ou  fept  mois  il  y 
avoit  eu  plus  de  procès  dans  la  Nouvelle  France ,  qu’on  n’y 
en  avoit  vû  depuis  foixante  ans.  En  un  mot  ,  que  le  Pays 
étoit  dans  une  extrême  confufion  ,  &  que  fi  cela  duroit  en¬ 
core  quelque  tems  ,  il  y  avoit  tout  à  craindre  pour  la  Co¬ 
lonie. 

Il  faut  pourtant  avouer  que  tous  les  coups  de  vigueur  ,  que 
fit  alors  le  Comte  de  Frontenac  ,  ne  furent  pas  réprehenfibles 
-quant  au  fond  ;  mais  lors  même  qu’il  ufoit  le  plus  à  propos 
de  févérité  ,  il  le  faifoit  avec  un  air  de  violence  ,  &  des  ma¬ 
niérés  fi  hautaines,  qu’il  diminuoit  beaucoup  le  tort  des  Cou¬ 
pables  ,  en  rendant  le  châtiment  odieux  ;  ce  qui  le  jettoit 
fouvent ,  &  quelquefois  même  la  Cour  ,  dans  de  très-grands 
embarras.  Il  s’étoit  furtout  extrêmement  laifie  prévenir  contre 
les  Millionnaires ,  &  il  ne  tint  pas  à  lui  que  fa  mauvaife  hu¬ 
meur  contre  eux  ne  fît  perdre  à  la  Colonie  une  de  fes  plus 
fortes  Barrières. 

MM.  de  Courcelles  &  Talon  avoient  jugé  que,  pour  tenir 
en  bride  les  Cantons  Iroquois ,  il  étoit  néceffaire  d’attirer  le 
plus  qu’il  feroit  pofiîble  ae  ces  Sauvages  à  la  Prairie  de  la 
Magdeleine  ,  où  nous  avons  vû  que  plufieurs  setoient  déjà 

LU  ij  . 


1673-74. 


Violences  clé 
M.  de  Fronte¬ 
nac. 


T 

; 


/ 


1  U;  7  4‘ 


,  HISTOIRE  GENERALE 

établis.  On  avoit  chargé  de  cette  Commiffion  le  P.  Fremin 
oui  s’en  étoit  acquité  avec  luccès  ;  mais  on  reconnut  bien¬ 
tôt  que  le  Terrein  de  la  Prairie  n’étoit  pas  propre  a  porter  les 
grains  ,  que  les  Sauvages  ont  coutume  de  fenier  ;  &  la  -amine- 
commençant  à  fe  faire  fentir ,  la  nouvelle  Peuplade  lut  me¬ 
nacée  d’une  défertion  generale.  , 

Pour  éviter  ce  malheur  les  Millionnaires  demandèrent  au 
Gouverneur  &  à  l’Intendant  un  autre  emplacement  vis-a-vis 
du  Sault  S.  Louis.  Le  Comte  de  Frontenac  ne  répondit  rien- 
à  leur  Requête;  mais  M.  du  Chefneau  ,  qui  jugea  la  retrai¬ 
té  des  Sauvages  inévitable  ,  fi  on  leur  refufoit  ce  qu  ils i  de- 
inandoient,  le  leur  accorda,  &  ils  s  en  mirent  en  poiteffion. 
Ôn  avoit  bien  prévû  que  le  Général  n’approuveroit  pas  cette 
vovede  fait;  mais  on  n’auroit  jamais  imagine  qu  il  dut  porter 
l’emportement  auffi  loin  ,  qu’il  le  fit  ;  il  s’oublia  véritablement 
en  cette  rencontre  dune  maniéré,  qui  ne  parut  pas  meme  ex^  % 

cufable  à  fes  meilleurs  Amis.  ,  .  c  u  ç 

Les  Iroquois  Chrétiens  reftërent  neanmoins  au  hault  b. 

•  0_  Z"1  „ .  ,  il  1  rroa  fpf  FtahliiTement  nécelTaire  ,  les 


Lou",&Tcour,  bougea  cet  Etabliffement nécelTaire  les 
y  maintint  malgré  le  Comte  de  Frontenac  Ce  fur- 

un  lie8  dans  la  Colonie  Françoife ,  c’eft  que  les  Hol  andois. 
ayant  en  16-73.  repris  Manhatte,  &  reconquis  toute  la  1S .ou 
velle  York ,  qu’ils  ne  gardèrent  pourtant  pas  lontems  ,  avoient. 
menacé  les  Millionnaires  ,  qui  etoient  dans  le  Canton  d  g 
nier  de  les  en  chaffer  ,  s’ils  ne  le  retiraient  pas  deux  memes- 
Us  enufoient  ainfi  ,  parce  qu’ils  craignoient  tout  de  la  pan 
des  Iroquois  ,  fi  cette  Nation  s’uniffoit  aux  François  par  le  lieir 

Ü”lTy  a  auffi  - bien  de  l’apparence  que  dès  lors  il  fe  formoit 
quelque  intrigue  parmi  ces  Barbares  pour  recommencer  a 
guerre  contre  nous;  car  dès  lannee  fuivante  1674-  M. 
frontenac  manda  à  M.  Colbert  que  ,  n  les  principaux  Chefs, 
de  la  Nation  n’avoient  pas  ete  gagnes  par  .es  carei.es  &  pa 
fespréfens,  il  ne  relierait  pas  un  feul  François  en  Canada.. 
C’étoit  un  peu  trop  dire  ;  mais  il  eft  certain  que  les  Holla 
dois  follicitoient  fous  mains  les  Iroquois  a  reprendre  les  ar-. 

mes  &  le  Gouverneur  General  profita  des  avis ,  qu  il  en 

kit pour  perfuader  à  la  Cour  la  nécefiite.  de  confervcr  fon. 
Fort  de  Catarocouy-  Il  ne  s'attenuoit  pas  que  la  Cour  en  co 
durait  ,  comme  elle  lit  ,  qu  il  n  etoit  pas  moins  imgor 


DE’  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  453 
de  maintenir  FEtabliffement  des  Iroquois  Chrétiens  au  Sault 

S.  Louis. 

M.  du  Chefneau  n’avoit  pas  moins  à  fouffrir  des  hauteurs 
du  Générai ,  que  les  Ecclefiaftiques  &  les  Millionnaires  ,  & 
leur  brouillerie  avoit  commencé  au  fujet  du  Confeil  Supé¬ 
rieur- ,  dont  le  Comte  de  Frontenac  vouloir  réduire  à  lui 
toute  l’autorité  ,  jufqu’à  s’approprier  le  titre  &  les  fondions  de 
Préfident.  Le  Roy ,  pour  faire  ceffer  ces  difputes ,  qui  allu- 
moient  le  feu  de  la  difcorde,  dans  toutes  les  parties  cte  la  Co¬ 
lonie  ,  parce  que  les  deux  Chefs  avoient  chacun  leurs  Parti- 
fans.,  rendit  le  cinquième  de  Juin  1675.  une  Ordonnance, 
qui  réglait  toutes  chofes  ,  de  maniéré  à  donner  lieu  d’efperer 
que  toute  vaine  prétention  cefferoit  de  part  &  d’autre.  Sa 
Majefté  y  conftrmoit  ce  qui  avoir  déjà  été, décidé,  àfçavoir  , 
que  le  Gouverneur  Général  auroit  la  première  place  dans  le 
Confeil ,  que  l’Evêque  auroit  la  fécondé  ,  &  l'Intendant  la 
troifiéme  ;  mais  que  ce  feroit  à  ce  dernier  à  demander  les  opi¬ 
nions  ,  à  recueillir  les  voix  ,  &  à  prononcer  les  Arrêts, 

Le  Comte  de  Frontenac  ne  fe  rendit  pourtant  pas ,  &  fous 
différais  prétextes  traita  fort  mal  tous  ceux  ,  qui  en  cela  , 
comme  en  toute  autre  chofe  ,  s’oppoferent  à  fes  volontés.  11 
ofa  même  exiler  de  fa  propre  autorité  le  Procureur  Général  & 
deux  Confeillers  ;  il  rompit  ouvertement  avec  l’Intendant ,  & 
il  ne  craignit  point  de  dire  qu’il  étoit  bien  fâché  de  ne  l’avoir 
pas  fait  mettre  en  prifon  immédiatement  après  le  départ  des 
Vaiffeaux  ,  qu’il  auroit  eu  le  plaifir  de  l’y  tenir  deux  années 
entières ,  parce  qu’il  falloir  ce  tems-là  pour  avoir  un  Ordre  de 
la  Cour  ,  qui  l’en  fit  fortir. 

On  ne  put  cacher  lontems  au  Roy  une  conduite  fi  peu  fou- 
tenable;  mais  il  paroît  qu’on  diîîimula  d’abord  à  Sa  Majefte 
une  partie  des  écarts  de  ce  Général,  qui  avoit  en  Cour  de 
puiflans  Protecteurs  ,  &  de  grandes  Alliances.  C’eft  ce  qu’on 
peut  inférer  de  deux  Lettres  écrites  au  nom  de  ce  Prince  ,  & 
dattées  du  29.  d’Avril  1679.  Dans  l’une,  qui  étoit  adreflée  à 
M.  du  Chefneau N,  le  Roy  marquoit  à  cet  Intendant  qu’il  au¬ 
roit  évité  toutes  les  violences  ,  dont  ilfeplaignoit  ,fi  ,  fuivarrt 
fes  ordres ,  il  s  etoit  contenté  d’expofer  fes  raifons  à  M.  de  Fron¬ 
tenac  ,  &  s’il  lui  eût  obéi ,  en  l’avertiflant  qu’il  donneroit  avis 
de  tout  au  Confeil. 

Dans  l’autre  ,  qui  étoit  pour  le  Comte  de  Frontenac  ,  Sa 
Majefté  j  après  lui  avoir  reproché  que  par  fes  prétentions  il 


1675. 

Prétention  de 
M.  de  Fronte¬ 
nac  au  (ujet  de 
la  fonction  de 
Prélident  du 
Confeil  Supé¬ 
rieur. 


lettres  du 
Roy  à  l’Inten¬ 
dant  &  au 
Gouverneur 
Général. 


454  ~  ~  - 

!  575.  troubloit  la  tranquillité  de  la  Nouvelle  France  ,  ajoûtoit  : 

V  Vous  avez  voulu  que  clans  les  Regiftres  du  Confeil  Sou- 
verain  vous  fufîiez  qualifié  de  Chef  &  de  Prefident  de  ce  Con- 
»  feil  ,  ce  qui  eft  entièrement  contraire  à  mon  Edit  concernant 
„  cet  Etablnîement.  le  fuis  d’autant  plus  furpris  de  cette  pr éten- 
»  tion  ,  que  je  fuis  bien  affuré  qu’il  n’y  a  que  vous  feul  dans  mon 
»  Royaume  ,  qui  étant  honoré  du  titre  de  Gouverneur  &  Lieu- 
»  tenant  Général  dans-un  Pays ,  eût  déliré  dette  qualifié  Chef 
»  &  Préfident  d’un  Confeil ,  pareil  a  celui  du  Canada.  Je  deliie 
»  donc  que  vous  abandonniez  cette  prétention  ,  &  que  vous 
»  vous  contentiez  du  titre  de  mon  Gouverneui  &  Lieutenant 
»  Général.  Je  ne  défire  point  non  plus  qu’on. donne  le  titre  de 
»  Préfident  de  ce  Confeil  à  l’Intendant  ;  mais  bien  qu’il  en  ait 
»  toutes  les  fondions  ;  c’eft-  à- dire  ,  que  vous  n’avez  aucune 
»  autorité  de  faire  tenir  les  Regiftres  du  Confeil  chez  vous ,  ainii 
»  que  vous  l’avez  prétendu  ,  &  que  vous  lavez  exige  ,  encore 
»  moins  de  recueillir  les  voix  ,  &  de  prononcer  les  A|  rets  ;  tou- 
»  tes  ces  fondions  appartiennent  à  la  Charge  de  Prefident ,  que 
»  j’ai  attachée  à  celle  d’intendant. 

La  Traite  de  Le  Roy  dans  cette  même  Lettre  renouvelle  fes  ordres  au 
fujet  de  ces  Vagabonds  ,  qu’on  nommait  ordinairement  Cou¬ 
reurs  de  Bois ,  &  déclare  au  Général  qu’il  ne  recevra  fur  cet 
article  aucune  excufe ,  perfuade  qu  il  ne  tenoit  qu  a  lui  d  ar¬ 
rêter  le  cours  d’un  tel  defordre ,  qui  ruinoit  &  depeuploit  le 
Pays  ,  &  ançantiffoit  le  commerce.  Un  autre  jaoint ,  plus  im¬ 
portant  encore  ,  fut  un  nouveau  fujet  de  démêlé  entre  le  Gou¬ 
verneur  Général  &  l’Lveque.  Nous  avons  vu  les  defordres  9 
que  caufoit  parmi  les  Sauvages  Chrétiens  la  Traite  de  1  Eau- 
de-vie  ;  elle  avoit  recommencé  depuis  quelques  années  ,  <x 
produifoit  les  mêmes  effets  ,  qui  avoient  déjà  coûte  tant  de 
larmes  à  tous  ceux  ,  qui  s’intereffoient  au  falut  de  ces  Peuples. 
On  prévient  L’Evêque  5  le  Clergé  ,  &  les  Millionnaires  s’en  plaignirent  ; 

la  Cour  en  fa-  mais  on  avoit  trouve  le  fecret  de  perfuader  au  Conleil  du 
Roy  que  ce  commerce  étoit  abfolument  néceffaire  pour  nous 
attacher  les  Naturels  du  Pays  ;  que  les  abus  ,  dont  les  Eccle- 
fiaftiques  faifoient  tant  de  bruit ,  s’ils  n’étoient  pas  tout-à-fait 
imaginaires  ,  étoient  du  moins  fort  exaggeres ,  &  que  leur 
zélé  fur  cet  article  ne  fervoit  guéres  que  de  prétexte  pour  per- 
fécuter  ceux  ,  qui  les  empechoient  de  dominer  dans  le  Pays  9 
&  pour  folliciter  leur  révocation. 

La  prévention  alla  même  fi  loin  ,  que  M.  du  Chefneau  ayant 


HISTOIRE  GENERALE 


LEau-de-vie 
recommence 
,en  Canada. 


veur  de  ce 
commerce. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  455 

écrità  M.  Colbert  en  termes  très-forts  pour  apuyer  le  fenti-  - * 

ment  du  Prélat ,  qui  avoit  fait  un  cas  refçrvé  de  la  Traite  de  1  5* 

l’Eau-de-vie  ,  ce  Minière  lui  répondit  quen  cela  il  n’agiffoit 
point  en  Intendant,  &  qu’il  devoit  fçavoir  qu  avant  que  d’in¬ 
terdire  aux  Habitans  un  commerce  de  cette  nature ,  il  falloit 
bien  s’affûrer  de  la  réalité  des  crimes ,  qu’on  prétendoit  qu’il 
enfantoit  ;  mais  la  pénétration  de  M.  Colbert  ne  le  laiffa  pas 
lontems  dans  l’erreur  à  ce  fujet ,  &  la  pieté  du  Roy  ne  lui  per¬ 
mit  pas  de  relier  indécis  fur  une  affaire  ,  que  tant  de  Perfon- 
nes  ,  dont  Sa  Majeffé  ne  pouvoit  s’empêcher  d’effimer  la  ver¬ 
tu  &  les  lumières  ,  ne  ceffoient  point  de  porter  au  pied  de  fon 
Thrône,  comme  la  chofe  du  monde  ,  qui  intéreffoit  le  plus  la 
Religion  dans  la  Nouvelle  France. 

.  Il  7  eut  donc  en  1678.  un  Arrêt  du  Confeil ,  datté  du  dou-  Edit  du  r0v 
ziéme  de  May  ,  lequel  ordonnoit  qu’il  feroit  fait  une  Affem-  à  ce  fujet.  7 
blée  devint  des  principaux  Habitans  de  la  Nouvelle  France  ,  1676-78. 
pour  avoir  leurs  avis  touchant  la  Traite  en  queffion.  Cela 
fait ,  &  les  raifons  apportées  de  part  &  d’autre  ,  le  Roy  vou¬ 
lut  que  l’Archevêque  de  Paris ,  &  le  P.  de  la  Chaise  ,  Con¬ 
fie  ffeur  de  8a  Majeffé  ,  donnaffent  leur  Jugement  définitif;  & 
l’un  &  l’autre  ,  après  avoir  conféré  avec  l’Evêque  de  Quebec , 
qui  étoit  venu  en  France  ,  jugèrent  que  la  Traite  de  l’Eau-de- 
vie  dans  les  Habitations  des  Sauvages  devoit  être  défendue 
fous  les  peines  les  plus  griéves.  Il  y  eut  une  Ordonnance  du 
Roy  ,  qui  apuya  ce  Jugement ,  &  elle  fut  envoyée  à  M.  de 
Frontenac,  à  qui  il  fut  expreffément  enjoint  de  la  faire  exé¬ 
cuter  ;  1  Evêque  ayant  de  fon  cote  engagé  fa  parole  de  réduire 
le  cas  refervé  aux  termes  ,  dans  lefquels  l’Ordonnance  étoit  • 
exprimée. 

Cependant  le  départ  de  M.  Talon  ,  &  la  mort  du  P.  Mar-  Arrivée  d* 
quette  avoient  fait  perdre  de  vue  le  Miciflipi  ,  &  on  ne  pre-  sieur  delà  Sa- 
noit  aucune  mefure  pour  en  achever  la  découverte.  Enfin 
Robert  Cavelier  ,  Sieur  de  la  Sale  ,  qui  étoit  paffé  depuis 
quelques  années  en  Amérique  ,  &  qui  ny  étoit  allé  ,  que  pour 
tenter  quelque  entreprife  ,  capable  de  l’enrichir  &  de  lui  faire 
honneur  ,  comprit  que  rien  n  étoit  plus  propre  pour  le  faire  par¬ 
venir  à  fon  but ,  que  d’entrer  dans  les  vûës  de  M.  Talon  fur 
la  découverte  de  ce  grand  Fleuve  ,  &  du  Pays  ,  qu’il  arrofe. 

Il  étoit  né  à  Rouen  d’une  Famille  aifée  ;  mais  ayant  paffé 
plufieurs  années  parmi  les  Jefuites  ,  il  n’avoit  point  eu  de  part 
à  l’héritage  de  fes  Parens.  Il  avoit  l’efprit  cultivé ,  il  vouloir fe- 


F  ï  S  T  O  I  R-  E  GENERALE. 

Va-  er  &  il  fe  fentoit  allez  de  génie  &  de  courage  pour 

^  î»F*vfes  tf*  M  rsss. 

reparer  fes  pertes  ;  mais  il  n  Ç  P  ,  vj  eut  de  l’auto- 

hauteur.  Avec  de  -tels  dé- 


Miciffîpi. 


Avec  de  teis  dé- 

fauts  il  ne  pouvoit  pas  etr^  heureux  ^  r  gea  à  oaffer 

il  entreprend  Le  premier  piojet,  q  "  «qfPiae  au  Japon  &  à  la  Chine 
d'achever  la  i  T\4ers  fut  de  chercher  un  paiiabc  ai  p  •  rUnouii- 
découverte  du  K*™**’  T  L  mr  VOueft  du  Canada;  &  quoique  depour 
par  le  Nord ,  °«P“  l  i  étoit  néceffaire  pour  une  pa- 

vu  généralement  -  ^rouvât  même  les  premières  an- 

reille  entrepii  w  ,  -  q  0ù  ün’avoit  rien  apporte  , 

nées  ton  a  1  étroit  dans  un J  ’  l’indigence  ,j1  ne  fe 

“SZ^Tc,  fecou,s  ,  ta.  d  pouvoit 

avoir  befoin  pour  fonentrepine.  ,  àM  nt- 

II  étoit  dans  cette  o^^jSU,  il  ne 
real  avec  la  nouvelle  a-  L  Vnvapeur  que  le  Mi- 

douta  point ,  quand  il  eut  entrer  e"““  e  ma*s  il  fe 

eiffipi  ne  -fe  déchargeât  dans  le  Goton*  M  ®*“^or’d  ,  d  p0ur- 
flatta  encore  qu’en  remontant  ce  cjierches ,  &  qu’en 

roit  découvrir  ce  obj ■ s^eeXuChure  le’  condui- 

tout  cas  la  feme  aeco  ,t-  •  r  fortune  &  fa  reputa- 

ss  F»- 

mit  de  l’aider  de  tout  f°n  pouvoir  c’étoit  à  fe  met-- 

La  première  cnofe  ,  a  quoi  il  -  S  ,  p  £ajre  revêtir 

tre  en  fonds  pour  les  frais  .®5ett|^^0^tenjr,d€S  forces  capa- 
d’un  caraftére  ,  qui  1  autori  a  ,  g a\e  avoit  fait  à  loi* 

bfa  a.  J“ 6 

fir  toutes  ces  reflet  ,  ,P  ratarocouy  tenoit  au  coeur 

tête.  Il  fçavoit  combien  le  Fo  fe  Ga^°C^  augmenter  les 
du  Comte  de  Fronce  ;  J V lm  prop^ ^  £  le  défen- 
fortihcations ,  cUy  mettre  une  oient faire  les  Iroquois, 

d,0  co.„«  les  «"«F;  »  .  d  «  573“  J.  H.b,lJ .  .«» 


Il  pafle  en 
France  -,  ce 
qu’il  obtient 
du  Roy. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  417 
d’en  pouvoir  tirer  dans  le  hefoin  des  Hommes  &  des  provi-  ~7~;  ~ 

fions  d’y  conftruire  des  Barques  pour  naviguer  fur  le  Lac  l67°' 
Ontario. 

Rien  n’étoit  mieux  penfié  ,  n’y  regardât-on  que  l’utilité  de 
la  Colonie ,  &  le  Général  fut  d’avis  que  la  Sale  paffât  en 
France  pour  communiquer  fon  deffein  au  Minière.  Il  s’em¬ 
barqua  donc  fur  le  premier  Bâtiment  ,  qui  partit  de  Que- 
bec.  En  arrivant  à  la  Cour  .,  il  apprit  la  mort  de  M.  Col¬ 
bert  ,  &  rendit  au  Marquis  de  Seignelay  ,  qui  occupoit  la 
place  de  fon  Pere  dans  le  Département  de  la  Marine  ,  la  Let¬ 
tre  du  Comte  de  Frontenac  ,  dont  il  étoit  Porteur  :  il  eut 
enfuite  .plufieurs  entretiens  particuliers  avec  lui ,  &  ce  Mini- 
lire  ,  qui  goûta  fon  efprit  ,  lui  fit  obtenir  du  Roy  tout  ce 
qu’il  pouvoit  fouhaitter.  Sa  Majefié  lui  fit  expédier  des  Let¬ 
tres  de  Nobleffe  lui  accorda  la  Seigneurie  de  Catarocouy  , 

&  le  Gouvernement  du  Fort,  à  condition  qu’il  le  bâtiroit  de 
pierres ,  &  le  revêtit  de  tous  les  pouvoirs  néceffaires  pour  faire 
librement  le  commerce  ,  &  pour  continuer  les  decouvertes 
commencées. 

Le  Prince  de  Conti ,  auprès  duquel  il  avoit  trouvé  de  l’ac- 
cès  ,  1  avoit  fort  apuye  auprès  du  Roy  ,  &  avoit  beaucoup 
contribue  a  lui  faire  obtenir  toutes  les  grâces  ,  dont  je  viens  * 
de  parler.  Pour  toute  reconnoiffance  il  exigea  de  lui  qu’il  ac¬ 
ceptât  un  Officier  ,  que  ce  Prince  honoroit  de  fa  bienveil¬ 
lance  &  de  fon  e  fia  me.  Il  fe  nommoit  le  Chevalier  de  Tonti  , 
ôc  il  avoit  déjà  dans  la  Nouvelle  France  un  Frere ,  qui  y  efi; 
mort  Capitaine  (  ) .  La  Sale  regarda  cette  demande  du  Prin¬ 
ce  comme  une  nouvelle  faveur  ,  &  en  effet  Tonti  a  toujours 
ete  tres-attache  à  fes  interets,  &  lui  a  rendu  de  très-grands  fer- 
vices.  Il  avoit  fervi  en  Sicile,  où  il  avoit  eu  une  main  em¬ 
portée  d  un  éclat  de  Grenade  ,  &  il  s’en  étoit  fait  mettre  une  de 
fer ,  dont  il  fe  fervoit  très-bien. 

Le  quatorzième  de  Juillet  1Û78.  la  Sale  &  Tonti  s’embar¬ 
quèrent  à  la  Rochelle  avec  trente  Hommes  ,  parmi  lefquels 
il  y  avoit  des  Pilotes  &  des'  Ouvriers ,  &  ils  arrivèrent  à  Que- 
bec  le  quinzième  de  Septembre.  Ils  y  fejournerent  fort  peu  , 
paice  qu  ils  vouloient  profiter  de  la  belle  faifon  pour  fe  rendre 
à  Catarocouy  ,  où  ils  menèrent  avec  eux  le  P.  Louis  Henne- 
piN ,  Recollet  Flamand ,  qui  les  accompagna  depuis  dans  la 
plûpart  de  leurs  voyages.  Le  premier  fom  de  M.  de  la  Sale  en 


Le  Clievalicn 
de  Tonti  fc 
oint  à  lui. 


Divcrfcs 
aventures  de 
M.  de  la  Sale. 

I  678. 


(•*  )  Ils  ctoient  Fils  de  l’Auteur  de  la  Tontine. 

Tome  I. 


M  m  m 


î  678, 


16  79 


Il  fait  une 
perte  conûdé- 
jrable. 


Q  .HISTOIRE  GENERALE 

.  ,  (^af-,roCouv  fut  de  faire  travailler  au  Fort ,  qui 

“'mitoue  de  pieux  fil’  fit  en  même  tems  conftruire  une  Bar- 
11  £p  Si  ces  travaux  furent  achevés  avec  une  promptitude , 

*■  —  Go“- 

njuili.  «Mtt f*. B“n .'âSÏÏT ot 

il  traça  un  nouveau  Fort  :  il  en  chargea  le  Chevalier. cte  i  on 
conft£ 

Xn"nd  iras  vss 

l£  heureufement;  mais  le  Pilote  l’ayant  un  jour  trop  apro- 

chée  de  Terre  ,  elle  fe  brifa.  .  ,  ,  ,  c  ie  .  ;i  répara 

•  Ce  contretems  ne  déconcerta  point  M.  de  la  Sale  .  H 

bientôt  cette  perte ,  s’occupa  tout  le  F"  &  «utUte^ 

iSfea  &££££  «4  ™>«  ^ 

sszrà ffiSü  fis = 

xr'r  i 

“mrî  JSerKr  les  engager  preF 

dÆl^la^ar 

gée  de’peîleteries  à  Niagara.  Pour  lui  il  fe  de 

L  Rivtere  S.Jf*^ 5efo!cès,& 

Sr  ClXlierd;  Tonti  l’alla 

lontems.  Tonti  defcend.t  aux  Illinois ,  &  a  Sale  retoum  & 

Catarocouy  ,  Oü  il  ap^it  e^mvan  q  ^  a  w 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  459 

de  nouvelles  bien  certaines  depuis  fon  départ  de  la  Baye. 

Quelques-uns  ont  rapporté  que  tes  Sauvages  n’eurent  pas 
plutôt  aperçu  ce  grand  Bâtiment  voguer  fur.  leurs  Lacs  ,  qu’ils 
le  crurent  perdus  ,  s’ils  ne  venoient  à  bout  de  dégoûter  les 
François  de  cette  maniéré  de  naviguer  ;  que  les  Iroquois  en 
particulier  longeant  dès  lors  à  rompre  avec  nous,  profitèrent  de 
cette  occalion  pour  jetter  de  la  défiance  contre  nous  parmi  les 
Nations  Algonquines  ;  qu’ils  réunirent  furtout  à  l’égard  des  Ou- 
taouais  ,  &  qu’une  Trouppe  de  ces  derniers  ayant  vû  le  Grif¬ 
fon  al  ancre  dans  une  Aille,  y  étoit  accourue  ,  fous  prétexte 
de  voir  une  chofe  aulîi  nouvelle  pour  eux  ;  que  comme  on  11e 
le  defioit  point  deux  ,  on  les  laiffa  entrer  dans  la  Barque  ,  où 
il  n  y  avoit  que  cinq  Hommes  ,  qui  furent  égorgés  par  ces  Bar¬ 
bares  ;  que  les  Affaiblis  enlevèrent  toute  la  charge  du  Bâti¬ 
ment,  &  y  mirent  enfui  te  le  feu.  Mais  comment  auroit  -  on 
pu  fç avoir  toutes  ces  circonflances  ,  puifque  d’ailleurs  on  affû- 
re  qu’aucun  Outaouais  n’en  a  jamais  parlé  ? 

Ce  malheur  fut  fuivi  d’un  autre  ,  auquel  M.  de  la  Sale  ne 
fut *pas  moins  fenfible.  La  Nation  ,  fur  laquelle  il  avoit  le  plus 
compté  pour  le  fuccès  de  fon  entreprife  ,  étoit  l’Illinoife  ,  alors 
très-n ombreufe  ,  &  qui  occupoit  plufieurs  Polies ,  dont  on  pou- 
vmt  faire  des .  entrepôts  commodes  entre  le  Canada  &  le  Mi- 
cimpi.  C  étoit  pour  s’affûrer  de  ces  Sauvages  ,  que  le  Cheva¬ 
lier  de  Tonti  s  etoit  avance  de  ce  coté-là ,  &  il  avoit  réufli  fans 
peine  à  les  mettre  dans  fes  intérêts  ;  mais  comme  il  étoit  très- 
peu  accompagné  ,  il  ne  put  empêcher  fes  nouveaux  Alliés  de 
recevoir  prefque  fous  fes  yeux  un  rude  échec  de  la  part  des 
Iroquois ,  qui  n’ayant  pu  venir  à  bout  de  les  brouiller  avec 
les  François  ,  vouloient ,  avant  que  de  nous  déclarer  la  guer¬ 
re  ,  les  mettre  hors  d  état  de  nous  fecourir  ,  les  furprirent ,  & 
en  taillèrent  en  pièces  un  très-grand  nombre. 

La  Sale  fe  voyoit  alors  dans  une  lîtuation  bien  fâcheufe  ; 
il  avoit  tout  à  craindre  de  la  part  des  Iroquois ,  qu’il  devoit 
s  attendre  de  trouver  par  tout  dans  fon  chemin  ;  les  Outaouais 
etoient  fufpe&s  ,  &  il  ne  pouvoit  fe  fer  à  ceux-mêmes  d’entre 
les  François  ,  qui  étoient  fous  fes  ordres ,  &  dont  quelques- 
uns  attentèrent ,  dit-on  ,  plufieurs  fois  à  fa  vie.  Ils  firent  plus , 

nT^S  ^  aî$*ter  foy  à  ce  qui  s’en  publia  dans  le  tems 
ils  folliciterent  plufieurs  fois  fes  propres  Alliés  à  fe  fouiever  con- 
tre  lui ,  &  pour  les  y  engager  ,  ils  n’eurent  point  honte  de  leur 
dire  qu  il  s'entendait  avec  les  Iroquois  pour  les  faire  tous  périr. 

Mmm  ij 


1  67  9. 


Les  Illinois' 
font  défaits 
par  les  Iro¬ 
quois. 


Fermeté  de 
M.  de  la  Sale 
dans  fes  mal¬ 
heurs. 


x  6 7  9- 


On  veut 
l’empoifon-- 


nciv 


.  HISTOIRE  generale 

41,  L  ...  «MO  *•  'n  ZtJ:  ÎTS 

bientôt  qu’lis  étoient  un  feu  change  tQUte  Cette  Nation ,  & 

même  au  moment  d  avoir  fui  Siens.  p  ne  fit  néan- 

de  ne  pouvoir  compter  fur  a  -  contraire  jamais  il  ne  mon-  . 

moins  paroître  aucune  Gr^“  on'parlà  il  fi  fit  eftimer  ;  mais  " 
tra  plus  de  fermeté  &  dt itrfaluüon.  Far  la  ^  ^  (oujours  fon, 

il  voulut  un  peu  trop  e  a,r  ‘  de  fes  malheurs.  Il  ne  put 
grand  défaut ,  &  la  principale  fource  u  &  de  s’huma- 

auffi  jamais  gagner  fur  foi  d  eue  _  befoin  ,  &  il  ne  fit  pas 
nifer  avec  ceux  ,  dont  il  avoir  le  p  u  debelo  ^  , 

jfpïrtSeSii  i;i: .  *  « 

Gens  ,  &  de  ceux-mêmes ,  en  qui ^ JJ  f  &  de  faire  le 
Perfides  avoient  complotte  d  F ronnoiffoient  lui  être  plus 

même  traitement  a  tous  ceux  ,  qu  &  ils  n’eurent 

fmcérement  affeâionnes.  s  u  ,  fauver  comme  ils  fi- 
plus  d’autre  parti  à  prendre  ,  que- ^  %laUVêr  ^  ■  s  mi¬ 
rent.  La  Sale  les  remplaça  par  une  Troupe  de  J  ^  ^ 

«“’d-VR!™,;  SK,  &  »  **  h»  •  ** 

fa  fource,  "  ^ 


Il  fait  remon- 
ær  le  Micifli- 
pi  par  le  Sieur 
Dacan  &  le  P. 
Hennepin. 


.v.  fource,  -  .  in  port  Je  Crevecœar  le 

Ces  deux  Voyageurs  Plurent  d  ^  ^  Midffipi  ?  le  re_ 

vint-huit  deFevner  ,  &  e  a  dégrés  de  Latitude- 


vint-huit  de  Février  ,  &  étant  désrés  de  Latitude- 

montèrent  jufques  vers  les  )  |te  J^an  allez  haute  r 

Nord  :  là  ils  forent  arrêtes  pa.  une  Ue  le  p  Hem 


l  6  8  o. 


Nord:  là  ils  forent  arrêtes  par  une  cnmeu^iie  lt  p.  Hen- 

qui  tient  toute  la  largeur  du  ^  J  ■  J} Padoue .  Ils  tom. 
-pin  donna  le  nom  de  Wt  Antom^  ,  ^  ^  mains 

berent  alors ,  je  ne  iç  P  %  lontems  Prifonmers  ;  mais 
des  Sioux,  qui  les  retmren  ?3r  ^ 

qui  ne  les  maltraiteient  pou  •  q  defcendirent  le  Fieu- 

J„So«  du  „  F  d,  Crevp 

ve  jufqua  la  Mer  ,  puis  de  confiderable  ;  <pioi- 

cœur,  fans  quil  leur  ‘t.  ^  ,  Chevalier  de  Ton* 

qu’en  dife  le  Roman  pu  ne  s  Habitations  Françoifes 

qui  leur  Al'L^'^uVoiirce  de  ce  Fleuve  fur  une  haute 


ti ,  qui  leur  fait  rencontrer  plu.ieurs  oRu^  ^  ^  f^ü* 

fur  le  Miciffipi  ,  trouver  la  foui  ce  de  d  Afliniboils.- 

Montagne ,  &  pouffer  leur  courie  jufqu  au  Lac  des  a 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  461 

Il  £*ut  dire  la  même  chofedes  Millions  des  Recollets ,  qu’on 
trouve  marquées  fur  ies  Cartes  en  plaideurs  endroits,  &  qui 
désignent  tout  au  plus  des  lieux  ,  où  le  P.  Hennepin  a  dit  la 
MelFe  ,  ou  plante  des  Croix.  Ce  Religieux  ne  fçavoit  pas  un  mot 
des  Langues  de  tous  ces  Peuples  ,  &  ne  s’eft  jamais  arrêté  chez 
aucun  Peuple  ,  que  pendant  fa  captivité  chez  les  Sioux.  La 
fource  duMiciffipi  eft  encore  inconnue  ;  le  Lac  des  Affiniboiîs 
efl  fort  éloigné  des  lieux  ,  où  ont  été  les  deux  Voyageurs ,  &  il 
eh:  certain  qu’alors  les  François  n’avoient  aucun  Etabli  ffement 
fur  les  bords  du  Fleuve  ,  qu’ils  defcendirent.  Il  eft  même  affez 
difficile  de  comprendre  comment  ils  ont  pu  aller  jufqu’à  fon 
embouchure,  le  defcendre  &  le  remonter  jufqu’aux  quarante  ilx 
dégres  ,  relier  Pnfonniers  pendant  plufieurs  mois  parmi  les 
Sioux ,  &  cela  en  moins  d’une  année.  Auffi  n’a-t’on  jamais 
cru  en  Canada  qu’ils  ayent  fait  autre  chofe  ,  que  de  retour¬ 
ner  au  Fort  de  Crevecœur  par  le  même  chemin  ,  qu’ils  avoient 
pris  en  montant  jufqu’au  SaultS.  Antoine. 

Quoiqu’il  en  foit ,  de  nouveaux  embarras  furvenus  à  M. 
de  la  Sale ,  après  le  départ  de  Dacan  &  du  P.  Hennepin  ,  le  re¬ 
tinrent  dans  fon  Fort  de  Crevecœur  jufqu’au  mois  de  Novem- 
bre  ,  &  1  obligèrent  enfuite  à  retourner  à  Catarocouy.  Che¬ 
min  faifant  il  aperçut  fur  la  Riviere  des  Illinois  ,  qu’il  remon¬ 
toir,  un  emplacement ,  qui  lui  parut  fort  avantageux  pour  la 
conilruclion  d’un  noùveau  Fort  ;  il  en  traça  le  plan  ,  appella 
M.  de  Tonti ,  qu  i!  chargea  de  le  bâtir  ,  &  continua  fa  route. 
Tonti  avoit  à  peine  commencé  l’ouvrage  ,  qu’il  reçut  avis  que 
les  François  ,  qu’il  avoit  laiffés  dans  le  Fort  de  Crevecœur  , 
s  etoient  foule vés.  Il  y  courut ,  &  n’y  trouva  plus  que  fept  ou 
huit  Hommes  ,  le  re/le  s’étoit  fauvé  avec  tout  ce  qu’ils  avoient 
pu  emporter. 

Peu  de  tems  après  les  Iroquois  parurent  au  nombre  de  fix- 
cent  Guerriers  à  la  vûè  des  Habitations  Illinoifes  ,  cette  ir¬ 
ruption  ayant  augmenté  la  défiance  des  Illinois  contre  les 
François  ,  le  Chevalier  de  Tonti  fe  trouva  dans  un  étrange 
embarras.  Le  parti  ,  quil  prit ,  fut  de  fe  faire  Médiateur  entre 
les  deux  Nations  Sauvages  ,  &  il  employa  avec  fuccès  dans 
cette  négociation  les  PP.  Gabriel  de  la  Ri  bourde  ,  &  Ze- 
nobe  Mambré  ,  Recollets  ,  qui  étoient  demeurés  avec  lui  à 
Crevecœur.  Mais  la  paix  ne  fut  pas  de  durée,  &  les  Iroquois 
devenus  plus  fiers  par  la  crainte  ,  qu’on  paroiffoit  avoir  d’eux 
jecommencerent  bientôt  leurs  hofiilités.. 


1  6  8  o. 


Il  bâtit  un 
nouveau  Fort. 


Nouvelles  h'o- 
ffilitésdes  Iro- 
quois  contre 
les  Illinois.- 


i  6  8  o* 


Les  Anglois 


font  foupçon- 
nés  d’animer 
les  Sauvages 
contre  nous  Sc 
nos  Alliés. 


L’Acadie  ref- 
tituée  à  la 
fiance. 


Les  Anglois 
s’en  emparent 
de  nouveau. 


f  HISTOIRE  GE  N  E  R  A  L  E 

4  M  de  Frontenac  ,  dans  une  Lettre  ,  qu’il  écrivit  au  Roy  le 
fécond  de  Novembre  de  l’année  fuiyante  168.  prétend  que 
_ne  auerre  des  Iroquois  contre  les  Illinois  etoit  fomentee  par 
les  Anglois ,  &  par’  les  Ennemis  de  M.  de  la  Sale  ;  mais  il 
n’exulique  point  quels  étoient  ces  Ennemis  de  M.  de  laSal  . 
ATa  vérité  ce  Voyageur  en*  avoit  un  grand  nombre  dans  la 
rolonië  &c’étoitfon  Privilège  exclulifpour  le  commerce, 

&  plus  encore  la  maniéré ,  dont  il  le  faifoit  valoir  ,  qui  les  lu 

avoient  fufeités  ;  mais  il  n’eft  guère  vraifemblable  qu  ils  eufl 
i  ^  i  t^At'rlrp  s’exnofer  à  fo  perdre  eux-memes.  Je 

fçai  que^a.1  paffon  mene  quelquefois  beaucoup  plus  loin  5 
au’on  ne  voudrait  aller  ;  mais  il  faut  quelque  choie  de  plus , 

^  p  rVq  conie&ures  pour  former  de  pareilles  accufations ,  & 
Tdes  dK  du  cLnte  de  Fronteilac  étoitde  donner  une 

grSnfaux  AngÊ^ëëoit  plus  d’une  raifon  de  les  croire 
Ameurfde  cette  rupture  ,  &  cen’étoit  pas  feulement  du  cote 
des  Illinois ,  qu’ils  ëherchoient  à  nous^  fufciter  des  affaires  par 
le  moyen  des  Iroquois.  Voici  quelle  etoit  en  cela  leur  • 

T 'Acadie  le  Fort  de  la  Riviere  de  S.  Jean  ,  &  celui  de  Pen- 
rntoTt  avoient  été  pour  la  quatrième  fois  reftituesala  Fran- 
ceSparlès  Anglois  ,P&  M.  de  Chambly  en  avoit  ete  nomme 
Gouverneur  ,  n’ayant  eu  auparavant  ’  P  ® 

Nouvelle  France ,  mais  qui  fut  toujours  fubordonne  au  Gau- 

i  i  |  a  1-,  vérité  rien netoit  plus  miforable 5  que 
verneur  General.  A  la  vente  rien  *  i  Qu 

cet  Etabliffement ,  &  quoique  tous  ceux  ,  que  e  ’ 

leurs  affaires  particulières  conduifoient dans  ces  Quai i  ers  la, 
në  ceffXnt  té  reprefenter  le  tort,  qu’on  avoit  de  négliger  de 
peupler  &  de  fortifier  de  fi  belles  Provinces.  Leurs  remon¬ 
tantes  ne  produifirent  rien,  & .ne  firent  ! point  taire :  «u  , 

“fqttls  «  TTéemTppàtëiwk  le  trouvereiu  très-mauvais , 

&  les  Anglois  s’aperçurent  bientôt  qu  ils  avoient  dans  ces  bau 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  463 

vages  de  fâcheux  Voifins.  Ils  crurent  que  pour  n’en  avoir  rien  —7-7- - 

à  craindre  ,  il  falloit  les  mettre  aux  prifes  avec  les  Iroquois  ,  1  6  b  °* 

qui  ne  fe  firent  pas  beaucoup  prier  pour  entrer  en  guerre  avec 
les  Abénaquis.  Ceux-ci  trop  foibles  pour  réfifier  en  même  tems 
aux  Anglois  &  aux  Iroquois  5  furent  contraints  de  s’accom¬ 
moder  avec  les  premiers. 

Alors  le  Commandant  du  Fort  de  Pemkuit  porta  fes  pré¬ 
tentions  plus  loin ,  &  il  ne  fe  trouva  Perfonne  pour  lui  faire 
obftacle.  M.  de  Chambly  venoit  de  pafier  au  Gouvernement 
de  la  Grenade ,  &  l’Acadie  n’avoit  point  encore  de  Gou¬ 
verneur  nommé  :  elle  n ’étoit  foutenuë ,  ni  du  côté  de  Quebec , 
ni  du  côté  de  la  France  ;  de  forte  que  Pentagoët  &  le  Fort  de 
la  Riviere  S.  Jean  furent  envahis  fans  réfifiance.  Les  Habi¬ 
tons  du  Port  Royal ,  qui  virent  l’orage  prêt  à  fondre  fur  eux  , 
prirent  le  parti  de  traiter  avec  les  Anglois  ,  fans  que  M.  de 
la  Valliere  3  qui  les  commandoit  fur  une  fimple  Commifiion 
du  Comte  de  Frontenac  ,  pût  les  en  empêcher.  Ainfi  les  An¬ 
glois  devinrent  pour  la  cinquième  fois  Maîtres  de  l’Acadie , 

&  de  tout  ce  qui  la  fépare  de  la  Nouvelle  Angleterre. 

Jufques-là  les  Iroquois  ne  s’étoient  point  encore  ouverte-  Le  chevalier 
ment  déclarés  contre  les  François  :  ils  entreprirent  enfin  de  les  de  Tonti  eft 
chafîer  de  la  Riviere  des  Illinois  ,  &  le  Chevalier  de  Tonti  donne/ia^I 
ayant  eu  avis  qu  une  Armée  de  ces  Barbares  venoit  pour  l’in-  vîeredes  iiii- 
vefiir  dans  fon  Fort  de  Crevecœur  ,  ne  crut  pas  devoir  les  y  uois‘ 
attendre  ,  &  fe  retira.  M.  de  Frontenac  dans  fa  Lettre  au  Roy , 
que  j’ai  déjà  citée  ,  dit  que  Tonti  avoit  été  pourfuivi  &  bleflé  , 

&  le  P.  Gabriel  de  laRibourde  tué  par  les  Iroquois.  Il  le  crut 
ainfi  apparemment  fur  les  premiers  bruits  ,  qui  prefque  tou¬ 
jours  exaggerent  les  défavantages.  La  vérité  efi  que  Tonti  ne 
fe  croyant  pas  en  état  de  défendre  fon  Fort  contre  les  Iro¬ 
quois  ,  en  fortit  l’onzième  de  Septembre  1680.  avec  cinq  Fran¬ 
çois  ,  qui  failbient  toute  fa  Garnifon ,  &  les  deux  Peres  Re¬ 
collets  ,  que  j’ai  déjà  nommés  ;  mais  il  ne  fut  point  fuivi ,  ou 
du  moins  il  n  y  eut  aucune  aclion  entre  lui  &  les  Iroquois. 

Apres  qu  il  eut  fait  cinq  lieues  en  remontant  la  Riviere  Un  Pere  Re- 
des  Illinois  ,  il  s’arrêta  pour  faire  fecher  des  Pelleteries  &  le  foIlec. tué  Par 
P.  Gabriel  setant  un  peu  écarté  dans  le  Bois  ,  en  recitant  fon  cs  Klcapou'- 
Office  3  fut  rencontré  par  des  Kicapous ,  qui  le  tuerent ,  appa¬ 
remment  jiour  avoir  fa  dépoiiille.  C’étoit  un  faint  Religieux, 
fort  efiimé  dans  la  Nouvelle  France  pour  fa  vertu  &  fa  mode» 
fiie ,  &  qui  avoit  plus  confulté  fon  courage  ,  que  fes  forces , 


1681-83 


HISTOIRE  generale 

4  4  mie  de  s'engager  dans  une  expédition ,  de  laquelle  foa 

1680.  “Valje1bixante  &§ onze  ans  ne  devoit  pas  lui  repondre  qui 
age  de  i To.xa «e  «  °n“f  retarda  de  quelques  jours  la  mar- 

Zï  Ai.  t»  *  p*11"  nv,“  *“ la 

Baye  du  Lac  Michigan.  .  c  ,  j  ..  retraite  &  il  fut 

m. de  la  Sale  M.  de  laSale  n’avoit  pu  etre  informe  •  tems  de  l’an- 

defcend  le  ,•  furpris  forfqu’au  commencement  du  prmtensaei 
Miciiïipi  juf-  l31/61  P  5  ,  ^  iu  au Fort  de  Crevecœur  ,uny  trouva 

qu'à  la  Mer. —  nee  fuivante  ,  nouvelle  Garnifon ,  envoya  des  Ou- 

perfonne.  I  y  nutjine  ^  ?  m  t  trace 

vners  ,  pour  travamei  '  [e  fort  de  Saint 

l’année  d’auparavant ,  SL..  ' akinac  où  le  Chevalier  de 

Louis  ,  &  fe  rendit  a  Michillimakinac  ,  ou  ils 

-V  arrivé  lin  oeu  auparavant  avec  la  1  rouppe  ,  ns» 
Tonti  etoit  arrive  u“  ? bmble  vers  la  fin  d’Août ,  pour  al- 

f1  ^‘cmarocouy  ,  &  trois  mois  s’étant  paffés  à  courir  de 

Zé  sï  t  sr  S-S* 

MÏÏ'e  “  »ôuv,  d  deux  Fort.  d„,  K». 
OÙ  il  les  avoit  laiffés.  ,  ,ij-  is  gc  le  deuxième 

I, t rSSTfcto  M®.  Le  quatrième 

de  Février  ™es  cérémonies  ordinaires  poffef- 

de  Mars  il  prit  avec  neuvième  d’Avril  il  recon* 

fion  du  Pays  des  Akanfas ,  &  le  !£"e  ^elle  rife  de 

nUVmfflbThUfes  “ed^c’k  tout  ce  qu’on  a  de  bien  cer- 
poffeffion  dans  les  reg  .  ce  qui  eft  des  circonf- 

tain  touchant  ce  Voyage  Car^pour  «  ^  chevalier 

tances  rapportées  dans  P  ,  foi  doit  donner 

de  Tonti  ,  on  jugera  de  la  calculs  de  M-  de 

par  ce  qui  elt  dit  a  ia  n  ,  4  ntre  \es  vint-deux  & 

la  Salle ,  l’embouchure i  du ^  M.ciffip.  t  eft  ^  &  forme 

S  £“3Z  &«Z'rt6S,  très- profond  &  «*- 

rfir  ï.  prt  \  Ær  •  sSzss 

Et  ZisTntS;  c'ti—  t  cn,«Lè  l..u«.  1= 


Il  repafle  en 
France. 


(4)  Ferdinand  de  Soto  a  traverse  plus 
d‘u.ne  fois  le  Miciffipi,  que  Ton  Hiftoncn 
aomme  G ucagu*.  U  y  a  meme  ete  jette  apres 


fa  mort  -,  mais  il  n’y  a  fait  aucun  Etabliflç- 
ment. 


premier 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  465 
•premier  jour,  comme  le  prétend  la  Relation,  que  je  viens 
de  citer  ;  car  011  eft  fort  heureux  ,  quand  on  en  peut  faire 
fept  ou  huit ,  en  remontant  ce  Fleuve  avec  des  Canots.  Le 
quinziéme  de  May  il  tomba  malade  ,  &  détacha  le  Cheva¬ 
lier  de  Tonti  ,  à  qui  il  recommanda  de  faire  la  plus  grande 
diligence  ,  qui  feroit  poffible  ,  pour  fe  rendre  à  Michilli- 
makinac  ;  pour  lui  il  alla  pafler  une  partie  de  Fhyver  à  la 
Baye  ,  &  n’arriva  à  Quebec  qu’au  printems  de  l’année  fui- 
vante  1683.  Il  s’embarqua  quelques  mois  après  pour  la  Fran¬ 
ce,  menant  avec  lui  le -fleur  de  la  Forest  ,  Major  de  Ca- 
tarocouy  ,  fort  honnête  Homme  ,  bon  Officier ,  &  qui  a  très- 
bien  fervi  le  Roy  en  Amérique. 

Il  étoit  arrivé  dans  la  Colonie  bien  du  changement  pen¬ 
dant  l’abfence  de  M.  de  la  Sale  ,  &  les  efprits  n’y  étoient 
pas  auffi  bien  difpofés  en  fa  faveur,  que  lorsqu’il  avoit  com¬ 
mencé  fes  découvertes.  La  meflntelligence  entre  le  Gouver¬ 
neur  Général  &  l’Intendant  étoit  allée  à  un  point ,  qu’il  n’é- 
toit  plus  poffible  qu’ils  demeuraflent  enfemble.  Il  eh  certain 
que  la  Cour  donna  le  plus  grand  tort  au  Comte  de  Fronte¬ 
nac  ;  mais  M.  du  Chefneau ,  tout  homme  de  bien  qu’il  étoit, 
n’avoit  pas  eu  la  complaifance  de  fouflrir  les  maniérés  hautes , 
&  l’humeur  dominante  du  Général ,  quoique  le  Miniflre  & 
le  Roy  même  ne  lui  enflent  rien  tant  recommandé  :  ainlî , 
faute  de  patience ,  pour  laifler  le  Comte  de  Frontenac  dans 
fon  tort ,  il  le  partagea  quelquefois  avec  lui ,  &  Sa  Majeflé 
crut  devoir  les  rappeller  tous  les  deux. 

M.  le  Fevre  de  la  Barre  fut  nommé  Gouverneur 
Général,  Sc  M.  de  Meules  Intendant;  les  Provifions  de 
l’un  &  de  l’autre  font  du  mois  de  May  1682.  Le  Roy  dans 
les  inflruflions  ,  qu’il  y  joignit ,  y  recommandoit  furtout  au 
premier  d’entretenir  une  parfaite  correfpondance  avec  le 
Comte  de  Blenac  ,  Gouverneur  Général  des  Mes  de  l’A- 
merique  ,  parce  que  l’on  étoit  alors  perfuadé  que  ces  deux 
Colonies  pouvoient  tirer  de  grands  avantages  du  commerce 
réciproque  de  leurs  Denrees.  Sa  Majeflé  inlifloit  beaucoup 
dans  les  inflruflions  ,  qu  elle  donna  a  M.  de  Meules  ,  fur  ce 
qu’elle  avoit  fl  fouvent ,  &  fl  inutilement  ordonné  à  fon  Pré- 
decefleur  ,  d’apporter  tous  fes  foins  pour  bien  vivre  avec  le 
Gouverneur  Général  ;  ajoutant  que  s’il'voyoit  faire  à  M.  de 
la  Barre  dans  l’exercice  de  fa  Charge  des  chofes  manifefle- 
ment  contraires  au  bien  du  Service  ,  il  fe  contentât  de  lui 
Tome  I.  jq  n  n 


1682-83. 


MM.  de 
Frontenac  & 
du  Chefneau 
font  rappelles. 


Leurs  Succef- 
feurs;&  les  in- 
ftruftions  , 
qu’on  leur 
donne. 


1682.-83. 


Origine  de 
paierie  des 
Iroquois. 


,66  HISTOIRE  GENERALE 

“Si. -Aj»*  ■“*  »  *  pafc“ 

,  'Yi  wiiixx . 'î-ru|j  ^azc:rJr:z 

W^ÊÊÊS^S 

Colonie  en  1679,  p  r  s  fans  y  comprendre  le 

mille  cinq  cent  qu.nze  Pcrfonnes  P  de  Mon. 

Gouvernement  de  1  Acad  ,  Iroauois  ne  gardoient  pas 

de.  Nous  avons  déjà  V1*  ff  c  .  %  t  on  £toit  convenu 

ou  à  nous  rendre  inutiles  tous  nos  Allies.  ^  nou_ 

Plufieurs  chofes  ayoïent  “ntnb^  *  ”°Uque  la  Nouvelle 

veau  cette  Nation  fur  \es  , .  U1  *  ,P  ^melois,  le  Colonel 
York  étoit  rentrée  fous  lobe.lfance  es  A  nde 

Dongan,  qui  en  etoit  Gouverneur  ,  Marchanlifes  à 

attention  à  ‘faire  donner  aux  les  François ,  par- 

meilleur  marche  ,  que  ne  /  tout  le  Commerce 

ce  que  la  Compagnie  ,  qui  fa.fo.t  alo  s  »ut  ^  Caftors  ^ 

des^elleteries ,  prenoit  Pre^®“f  Foun.res ,  &  achetoit 

le  dixiéme  des  Cuirs ,  &  des  »  Outre  cela  il  étoit  fur- 
tout  le  relie  à  un  prix  affez  modiq  e  Outrera. ^  ^  ^ 

venu  quelques  aftanes  allez  a  ’ '  ‘  des  Sauvages  vers 

efprits  :  deux  François  ayant  ete  ti.  P  mains  de  qui 

,A,c  s“p»“virr  fa «. P.X.“”  '  — •  D’“'* 

tombèrent  les  Affainm  ,  p?ufieurï  infultes ,  qu’on  avoit 

part  on  avoit  larffe ’  *®PU  P^  qul  noUs  avo.t 

reçues  de  ces  Barbares  ,  ^  ^  fieur  du  Luth  pour 

attiré  leur  mepns  ,  fit  p  F  •  >d  force  de  fouffrir  des 

une  violence  ;  comme  fi  les  FV^a  ïorc^ 

affronts  ,  avoient  peidu  e  ^  QÎtre  toute  la  mauvaife 

Enfin  un  accident  nrsprevt  rfo  Au  mois  de  Septem- 

difpofition  des  Iroquois  a  noue  g  f  tué  à  Michil- 

bre  1681 .  un  Capitaine  Tfonnomhoua,^ 
îimpkînac  nar  un  Illinois  5  avec  c[ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  467 

démêlé  particulier.  Dans  ces  rencontres,  ce  tfeft ,  ni  fur  le - 

Meurtrier  ,  ni  fur  fa  Nation  que  tombe  le  premier  reffenti-  1  o2"®3- 
ment  de  ceux  ,  qui  ont  été  oftenfés ,  mais  fur  les  Maîtres  du 
heu_,  ou  l’offenfe  a  été  faite  :  ainfi  cetoit  aux  Kiskacons  , 

Nation  Outaouaife  ,  chez  qui  le  Tfonnonthouan  avoit  été 
tue,  a  faire  fatisfaRion  aux  Iroquois,  &  dès  le  premier  avis 

^  *1  *  W  Al/  ^  ce  qui  venoit  d’arri¬ 

ver  ,  il  avoit  aepeche  aux  Cantons  un  Homme  de  confian¬ 
ce ,  pour  leur  perfuader  de  fufpendre  toute  hoftilité  ,  jufqu  a  ce 
qu  il  eut  le  tems  de  leur  faire  rendre  iuftice  par  les  Kiskacons 

Die*  invita  en  même  tems  à  lui  envoyer  à  Cataracouy , 
ou  il  le  rendrait  en  perfonne,  des  Députés,  avec  qui  il  pût  mfofenl«<k 
traiter  de  cette  affaire ,  &  de  tous  les  autres  fujets  de  plain-  m!  detrome- 
te ,  qu  on  pouvoir  avoir  de  part  &  d’autre.  Peu  de  jours  ,uc- 
apres  il  reçut  une  Lettre  d’Onnontagué ,  par  laquelle  on  lui 
mandoit  que  ces  Sauvages  exigeoient  qu’il  s’avançât  jufqu’à 
1  entres  de  la  Riviere  de  Chouguen  (a)  ,  &  on  lui  ajoûtoit 
qu  on  ne  doutoit  point  que  ce  ne  fût  le  Colonel  Dongan , 
qui  leur  avoit  infpiré  une  prétention  lï  arrogante,  dans,  la 
penfee  que  le  Gouverneur  Général  la  remettant  avec  mépris , 
romprait  toute  négociation  avec  les  Cantons  Iroquois. 

,  f-n  effet  M.  de  Frontenac  répondit  à  celui  ,  qui  lui  avoit  Rcponfede 
•écrit  la  Lettre  ,  quil  ne  fe  réfoudroit  jamais  à  faire  une  telle  GénéraL 
démarché;  premièrement,  parce  que  cette  condefcèndance  ne 
reroit  qu  accroître  1  infolence  des  Iroquois  :  en  fécond  lieu 
parce  que  ,  quand  bien  même  il  ne  feroit  pas  contre  fa  digni¬ 
té  de  le  faire  ,  il  ne  pouvoir  entreprendre  ce  voyage  avec  bfen- 
feance  ,  &  avec  fureté  pour  fa  perfonne ,  fans  de  grandes  dé- 
penfes  :  troifjemement ,  parce  qu’il  n’avoit  point  encore  vû  les 
Kiskacons  ,  &  qu  il  ne  fçavoit  pas  quelle  réfolution  ils  avoient 
pnfe.  Il  fimffoit  en  priant  l’Auteur  de  la  Lettre  de  mettre  tout 
en  œuvre  pour  faire  prendre  aux  Onnontagués  des  fentimens 
plus  railonnables  &  plus  refpe&ueux. 

Celui-ci ,  non-feulement  ne  crut  pas  la  chofe  poffible  ;  mais 
il  jugea  meme  qu  il  etoit  dangereux  de  la  tenter  ,  &  manda  au 
General  que  les  principaux  Chefs  de  la  Nation  Iroquoife ,  & 
eeuMemes,  qui  étoient  les  plus  affeâionnés  aux  François  , 
perliitoient  dans  la  demande  d’une  entrevue  avec  lui  à  l’entrée 
de  la  Riviere  de  Chouguen  ;  &  que  s’il  la  refufoit ,  il  y  avoit 

Lac  Onunfto.1C  F°pre  de  la  Riviere  ^’Ounontagué ,  laquelle  fe  décharge  dans  le 

N nn  ii 


ce 


1682-83 


le  parti,  qu’il 
|rs.nd. 


/Q  HISTOIRE  GENERALE  t 

4^8  ,  .1  Sauvages  ne  fe  portaient  a  quel- 

tout  lieu  de  cendre  que  n’avoir  pas  prévenue, 

que  extrémité  ,  quon  le  îcp  *  ,  Lettre  fut  rendue  au 

ï)ans  le  même  tems  que ^«tte J*'  {JetemeM  de  daller  point 
Comte  de  Frontenac  ,  o  /  &  que  les  ïroquois , 

à  Chouguen  ,  fans  etre  bien  a  P  S  ’  rort  infolemment. 
contre  leur  coutume ,  avoient  par  ^  J  de  prontenac  eut 

De  quelque  part ,  que  vint  eet  av  ,  le  déterminer 

grand  foin  de  le  répandre  ;  mais  ce  ^  P  c’eft  qu’il  s’é- 

enfin  à  ne  point  faire  le  v°y^g  lr0quois  l’eftimoient ,  &  ne 
toit  mis  dans  la  tete  qu  au  rond  5  .  c  [e  parti  de  ne  rien 

vouloient  point  lui  faire  la  guerre.  Il  P ^  d  pexePmple  de  M.  de 
rabattre  de  cette  hauteur  ,  avec  laqu  U  ’Sauvages.  11  déclara 
Courcelles ,  il  avoit  toujoui  Droteflion  les  Outaouais , 

publiquement  qu.1  prenoit  fo  aux  Kiskacons  de  con- 

luTr^dînouveaux  Forts’,  pot/s’y  défendre ,  fi  on  venoit  les 

atïiqfitplus  ;  quelques!,—  , 

Lamberville  ,  leur  M.ffionna.re  s  étant  ^ 

confentir  qu’on  traitai  a  Catal?  J  p,  ies  froquois  vouloient 
pas  plus  loin  que  Montreal  ,  &  qi  mo;s  de  Juin  ;  mais  que 
fui  parler ,  il  les  y  attendre*  Cet«  réponfe  irri- 

ce  terme  expire  ,  il  retournetoi  Q.  qu’jls  ne  voû¬ 

ta  les  ïroquois  ,  &ils  d^uvememFSé,4u  qu’à  Chou- 
loient  mus  traiter  : ave  J  ^ »n  ^  Queb  à  M.  de 

guen.  Surquoi  M.  du  ^nemea  Juillet  à  Montreal,. 

Frontenac  ,  qui  étoit  encore  aV  ^  perfonnes  d’expérience^ 

quefonfentiment  &  celui  de  9 

etoit  qu’on  accordai  ans ^^“O'  qdvoit  de  France  ,  on  n’en 
tant  plus  que  ,  fuivant  les  av  ,  q 

devoit  efperer  aucun  fecours.  dette  démarche  ,. 

11  rCCÎL  fa  pionne  ;àfe 


Expédient ,,  Il  ajoutoit  qu  il  y  -voit  un  ^eXp0fer  fa  Perfonne  ;  àfça- 

que  lui  fugge-  fans  déroger  a  fa  dignité  ,  &■  *ai  V  ferait  fuivie  d’un  B  ri¬ 
re  l’intendant,  .  ,  mnntpt*  une  Barque,  laquelle  leroit  n 

&  pourquoi  il  voir,  de  monter  une  naq  5  \  ^c  Chouguen,  daj)- 

ibrefufe*  gantm ,  &  que  quand  il  y  «aoonfe  du  Gène- 

peller  les  Députés  ïroquois  à  fon  bo  qudl  ne 

ral  fut  qu’il  ne  d^prouvoit  poi  &  F  u  maniére  mfo- 
pouvoir  fe  reioudre  a  senie  ,  1  i  •  propofv- 

ente,  dont  les  Barbares  avo,cnt  reçu  fierté, 

lions  ,  qu’il  leur  avoir  faites,  ce  difpofé 

que  dé  les  aller  chercher  chez.  eux  :  qu  il  etoit  toujours  e 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  469 

â  les  écouter  ,  quand  il  auroitvû  les  Kiskacons ,  pourvu,  qu’ils 
fe  rangeaient  à  leur  devoir  ;  mais  qu’il  étoit  bon  de  faire  les 
préparatifs  néceffaires  pour  foûtenir  la  guerre  ,  &  qu’ils  dé¬ 
voient  tous  deux  agir  de  concert  en  cette  occaiion  ,  quoiqu’ils 
euifent  nouvelle  qu’on  leur  avoit  nommé  des  Succeffeurs  ,  par¬ 
ce  que  peut-être  ces  Meilleurs  n’arriveroient  pas  à  teins  pourfe 
mettre  en  état  de  faire  tête  à  un  Ennemi  ,  qui  étoit  toujours 
prêt  à  commencer  les  hoftilités. 

Peu  de  tems  après  le  Général  faifant  la  viiite  des  Côtes  de 
de  Montreal ,  rencontra  le  Sieur  de  la  Forêt ,  Major  de  Cata- 
rocouy  ,  qui  lui  amenoit  cinq  Iroquois.  C’étoit  des  Députés  des 
cinq  Cantons ,  qui  avoient  ordre  d’aiïurer  leur  Pere  Ononthio 
qu’ils  étoient  dans  la  difpofition  de  bien  vivre  avec  lui ,  &  avec 
fes  Alliés.  Le  Chef  de  cette  Députation  étoit  un  Capitaine  On- 
nontagué  ,  nommé  Teganissorens  ,  fort  affectionné  à  la  Na¬ 
tion  Françoife  ,  lequel  s’étoit  ^donné  de  grands  mouvement 
pour  calmer  les  efprits  de  fa  Nation  ,  &  croyoit  y  avoir  réufli. 

M.  de  Frontenac  lui  donna  audience  l’onzième  de  Septem¬ 
bre  ,  &  le  lendemain  lui  répondit ,  qu’il  ne  tiendroit  jamais  à  lui 
que  la  bonne  intelligence  ne  fe  rétablît  entre  les  deux  Nations  ; 
mais  comme  les  Illinois  étoient  exceptés  de  la  paix ,  que  les 
Cantons  vouloient  bien  maintenir  avec  nos  Alliés ,  &  que  Te- 
ganifforens  avoit  déclaré  qu’on  fe  préparait  à  leur  faire  vive¬ 
ment  la  guerre  ,  le  Général  ht  à  ce  Député  de  fort  beaux  pré.- 
fens  pour  l’engager  à  détourner  ce  coup.  Il  le  promit  ;  mais 
nous  verrons  bientôt  qu’il  n’avoit  pas  le  fecret  de  fa  Na¬ 
tion  ,  &  quelle  fe  fervoit de  lui  pour  cacher  fes  véritables 
deifeins. 

A  peine  étoit-il  parti  de  Montreal  ,  que  d’autres  Députés 
arrivèrent  de  la  part  des  Kiskacons des  Hurons  de  Michil- 
limakinac  ,  &  des  Miamis  ;  &  le  Comte  de  Frontenac  n’ou¬ 
blia  rien  pour  perfuader  aux  premiers  de  fatisfaire  les  Tfon- 
nonthouans  au  fujet  du  meurtre  ,  dont  j’ai  parlé.  Ils  répondi¬ 
rent  qu’ils  avoient  chargé  les  Hurons  de  leur  préfenter  des  Col¬ 
liers  de  leur  part ,  qu’ils  n’étoient  pas  obligés  à  autre  chofe , 
n’étant  pas  les  Auteurs  de  raffaiTinat  ;  mais  que  les  Hurons  ,  nui 
ne  cherchoient  qu’à  brouiller  ,  bien  loin  de  s’acquitter  de  leur 
Commiiîion,  avoient  encore  aigri  les  Iroquois  contre  eux.  Le 
Général  eut  beau  infiiler  pour  les  engager  à  quelqu’autre  dé¬ 
marche  pour  le  bien  de  la  paix  ,  tout  ce  qu’il  put  obtenir  5  cefut- 
qii’ils  demeureraient  fur  la  défeniive». 


1682-83. 


Députés  fro- 
quoisà  Mont¬ 
real. 


Députés  des; 
autres  Na¬ 
tions. 


Arrivée  de 
MM 
Barre 
Meules 


M.  de  la  Bar¬ 
re  écrit  à  la 
Cour  contre 


histoire  generale 

_ 4"Les  chofes  étoient  en  ces  termes  ,  lorfque  Meilleurs  de  la 

1682-83.  p  &des  Meules  arrivèrent  à  Quebec  ;  on  venoit  mem 
Arrivée  de  Rapprendre  que  la  Députation  de  Teganifforens  n  avoitpoin 
•de  ï  euTautre  motif  de  la  part  des  Cantons  ,  que  d’amufer  les  Fran- 
cois  &  que  la  guerre  étoit  commencée  contre  les  Ulmois. 
Âinfi  on  s  attendoit  à  voir  bientôt  les  Iroquois  en  armes  au 1 
lieu  de  la  Colonie.  D’autre  part  on  ne  fut  pas  lontems  a  ap 
percevoir  que  les  Créatures1  du  Comte  de  Frontenac  ne  trou- 
veroient  4s  dans  fon  Succeffeur  la  meme  proteftion  ,&d 
„anjt  en  effet  que  M.  de  la  Barre,  ou  etoit  arrive  de  Fia 
Çy,a  prévend  ?ou  fe  laiffa  d’abord  prévenir  contre  le  Sieur  de 
la  Sale  au  fujet  duquel  il  fe  déclara  trop  tôt ,  pour  ne  pas 
donner’lieude  jugerqquil  le  Mbit  fans  avoir  bien  examine 

nar  lui-même  la  conduite  de  ce  Voyageur.  a  . 

Dès  le  Quatorzième  de  Novembre  de  cette  meme  année  , 

«  écnc  a  .a  écrivit  au  îdiniftre  que  l’imprudence  de  la  Sale  avoir  allume  a 
CMÎ  iTf  m, erre  entre  les  François  &  les  Iroquois,  &  que  la  Colonie 
M  lounoit  bien  être  attaquée,  avant  qu’elle  fût  en  état  de  fe  de- 

Ç°  dre  II  aioûtoit  que  le  P.  Zenobe  ,  Recollet ,  qui  venoit  d  ar¬ 
river  à  Ouébec  pour  paffer  en  France  ,  n’avoit  voulu  lu,  rien 
communiquer  cîes  nouvelles  découvertes  ;  mais  qu  il  ne  croioit 
„  nu  on  pût  compter  beaucoup  fur  tout  ce  que  ceRe  g 
Œt  ni  regarder  ces  découvertes  comme  fort  importan¬ 
tes  :  enfin  que  lalaleparoiffoit  avoir  de  fort  mauvais  deffeins. 

Dans  une  autre  Lettre  dattée  du  trentième  d  Avri de l  an 
î-ée  fuivante  ,  il  dit  qu’il  eft  enfin  convaincu  de  la  faullete  ü 
tout  ce  qffon  àvoit  publié  des  découvertes ,  dont  la  Sale  avo  t 
topât?  au Mini  J  par  un  Pere  Recollet  ;  eue  ce  Voyageur 
èroit  actuellement  avec  vue  vintaine  de  Vagabonds ,  f  ia  * 

&  Saïvapes  d  ans  le  fond  de  la  Baye  ,  où  ,1  tranchoir  du  Sou- 
tera  n  pfo n  &  rançonnok  ceux"  de  fa  Nation ,  expofoit  les 
Peuples  Lux  mendions  des  Iroquois  ,  &  couvrent t  toutes**  vio- 
lences  du  prétexte  de  la  permiffion  ,  qu  il  avoir  de  SaMajelte  , 
de  fe  re  4,1  le  commerce  dans  les  Pays  qud  pourroi. :  dé¬ 
couvrir  •  en  quoi  il  étoit  d’autant  moins  fonde  ,  que  la  Baye 
&fes  environs  étoient  connus  &  fréquentes  par  les  François 
lontems  avant  qu’il  arrivât  en  Amérique.  Enfin  que  le  terme 
de  fon  Privilège  expiroit  au  douzième  du  mois  de  May  pro- 
après  qSuoi  li  feudroit  bien  qu’il  e  rendit  a  Quebec 
oùfes  Créanciers,  à  qui  il  étoit  redevable  de  plus  de  trente 
mille  écus  ,  l’attendoient  avec  impatience. 


DE  LANOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  47i 

j  Teieft  k  fon  de  ces  Hommes,  qu’un  mélange  de  grands 
defauts ,  &  de  grandes  vertus  tire  de  lafphére  commune.  Leurs 
pâmons  leur  font  commettre  des  fautes  ;  &  s’ils  font  ce  que 
d  autres  ne  pourraient  faire,  leurs  entreprifes  ne  font  pas  du 
goût  de  tout  le  monde  ;  leurs  fuccès  excitent  la  jaloufie  de 
ceux  ,  qui  demeurent  dans  l’obfcurité  ;  ils  font  du  bien  aux  uns 
&  du  mal  aux  autres  ;  ceux-ci  fe  vengent  en  les  décriant  fans 
modeiation  ;  ceux  -  la  exaggerent  leur  mérite.  De  -  là  les  por¬ 
traits  fi  differens ,  qu  on  en  fait  ,  St  dont  aucun  n’eft  rell’em 
blant  ;  mais  comme  la  haine  St  la  démangeaifon  de  médire 
vont  toujours  plus  loin  ,  que  la  reconnoiffance  St  l’amitié  & 
que  la  calomnie  trouve  plus  aifément  croyance  dans  le  Pu- 
blic  ,  que  les  éloges  &  les  louanges  ,  les  Ennemis  du  Sieur  de 
la  Sale  defigurerent  bien  plus  fon  portrait ,  que  fes  Amis  ne 

Par  bonheur  pour  lui  fa  Caufe  fut  portée  à  un  Tribunal  où 
I  on  etoit  prévenu  en  fa  faveur  ,  St  comme  il  fuivit  de  près  à  la 
Cour  les  Lettres ,  qu’on  y  avoit  écrites  contre  lui ,  fa  préfence 
effaça  au  moins  une  partie  des  impreffions  ,  qu’on  y  avoit  vou¬ 
lu  donner  contre  fa  conduite.  Ce  n’efl  pas  que  M.  de  Seirnie- 
lay  le  crut  tout-à-fait  exempt  des  défauts  ,  qu’on  lui  repro¬ 
chait  ;  mais  jugeant  par  lui-même  de  fes  talens  ,  il  crut  devoir 
les  employer.  11  lui  donna  néanmoins  de  bons  avis  fur  fa  con¬ 
duite  paffee  ,  St  le  malheur  de  la  Sale  vint  de  ce  qu’il  ne  fcut 
pas  en  profiter ,  ainfi  que  nous  le  verrons  dans  la  fuite 

Cependant  M.  de  la  Barre  n’eut  pas  plûtôt  pris  en  main  les 
reines  du  Gouvernement ,  qu’il  comprit  que  la  Nouvelle  Fran¬ 
ce  fe  trouvoit  dans  des  conjonaures  infiniment  délicates  ;  c’efl 
ce  qui  obligea  de  convoquer  une  Affemhlée  ,  à  laquelle  il  in¬ 
vita  non-feulement  llntendant  St  l’Evêque  ;  mais  encore  les 
principaux  Officiers  des  Troupes  ,  plufieurs  Membres  du  Con- 
/  .  Supérieur  ,  les  Chefs  des  Junfdiaions  Subalternes  ,  le  Su¬ 
périeur  du  Séminaire  ,  &  celui  des  Millions  ;  &  il  les  pria  tous 
de  lui  dire  leur  avis  fur  les  caufes  &  la  nature  du  mal  ,  &  fur  les 
îemedes  ,  quony*devoit  apporter. 

.  91\,fit„d  abo,rd  obferver,  au  Général  que  le  but  des  Iroquois 
etoit  d  attirer  a  eux  tout  le  commerce  du  Canada ,  pour  le 

transporter  aux  Anglois  &  aux  Hollantlois  de  la  Nouvelle 
York ,  par  confequent  qu’il  falloir  regarder  ces  deux  Nations 
comme  nos  premiers  Ennemis  ,  &  qu’en  effet  depuis  lontems 
elles  ne  cefloiem  point  d’exciter  fous  main  les  Cantons  à  rom! 


I682-83. 


Effet ,  que 
ptoduifeuc  les 
Lettres. 


Affemblce 
des  Notables 
de  la  Colonie, 


Elle  înffruit 
le  nouveau 
Gouverneur 
de  la  fftuatio'n 
des  affaires'. 


1682-83  • 


HISTOIRE  GENER  AL  E 

47 Î  H  1  ^  c  Rqrhares  pour  n’avoir  point  a  faire 

pre  avec  nous  :  que  Barbares  ,,  po  ^  ^  ^  qu,;lg 

à  trop  forte  parue  ,  c  ,  nos  Alliés  ou  à  détruire,  les  uns 

travailloient  à  nous  ^^^Xne  pouvotent  détacher  de  nos 
après  les  autres,  tous  ”UX  ^encé  pPar  les  Illinois  ;  qu’il  nous 
intérêts  :  qu  ils  avoien  d’empêcher  que  ces  Sauva- 

étoit  d’une  très-grande  importance  ce  n- toit  pas 

ges  ne  fuccombaffent  Q  •  DOUVoit  mettre  au  plus  mille 

une  choie  arfee  ;  que  la  C  P  j  même  p  faudroit  faire 

Hommes  fous  les  armes ,  &  ^  P^'  e. 

ceffer  une  partie  des  travau'  ">avantque  de  prendre  ouverte- 
On  lui  reprefenta  enfui .  ,  q  ^  M^afins  bien  fournis  de 
ment  les  armes ,  il .  a  ,  ,  ès  qU’il  fe  pourroit  de  1  Enne- 

vivres  &  de  munitions , le  ,Plu LP  J  feuiement  d’effrayer  les 
mi  :  par  la  raifon  ,  que  ne  s  ag.ffant  du  t£ffls  de  M. 

Iroquois ,  comme  on  s  eto t  co  qu’ds  ne  fuffent  plus 

de  Tracy  ,  mais  de  redune  au  potnt^.q,  ^  ^ 
en  état  de  nous  inquiéter  s  on  &le  Fort  de  Cataro- 

dans  leur  Pays ,  ou  “«^did  pour  ce  deffein  ,  pmfque 
eouy  étoit  dune  gran  £0js  vbit-quatre  heures  tom- 

de  ce  Pofte  on  pouvoit  en  deu.  nhis->éloiené  de  tous  : 

ber  fur  le  Canton  de  £  quatreSBarques  fur 

qu’on  ne  pouvoir  fe  Pal  ,  ;  les  munitions ,  &  une 

le  Lac  Ontario  ,  pour  porter  les  rg  .  c’étoit  aux  n- 

partie  des  Hommes ,  ou  il  Rroit  j’abord  ter  ia 

vages  des  Tfonnonthouans  ,  f "‘‘dans  une  pareille  entre- 
guerre  ;  mais  qu’avant  que  de  5  e‘‘°aS  ;  cent  Soldats  , 

prife  ,  il  falloir  demande. -au .X*y les  Forts  de  Ca- 
dont  une  partie  feroit  mife  en 1  g  ,  h  tête  de  la  Colonie , 
tarocouy  ,  &  de  la  Galet»  pPRj  Jbon  .  qu’ü  convenoit  de 
tandis  que  toutes  les  fo  (  ,,  dans  le  Pays  mille,  ou 

fupplier  auffi  Sa  Majefte  Y  jes  Terres  dans  l’abfence 

quinze  cent  Engagés  pour  cultiver  les  l  e  &  ^  conft  u, 

des  Habitans ,  &  des  t01ld  r  le8  Roy  à  faire  cette  dé, 

Rien  des  Barques  :  que  pour  g  g  née/ffité  de  la  guerre  , 
penfe  ,  il  éto.t  befo-n  de  1 ‘"foune  de  la^  ^  &  de  lul  re. 

&  de  l’infufhfance  de  la  C  »  de  France  comme» 

prefenter  furtout  que  U ,defo au  iieu  que  ,  fi  ces 

çoit  à  nous  attirer  le  meP"Sps  Taupes  ïrançoifes ,  les  Iroquois 

Peuples  voyoïent  arriver  des  Troupes  ï ^  que  de  nous  atta. 

ÇS  isLlSï  tatoemien.  pas  à  nous  p««  mm 


Æillc  Jslcs 


'at~iSivames 


jVIansfcld 


d/uimpùm 


Honneur 


sfculpadc 


Cap  J/nidi  ou 
\Cap  duFo/ycrort 


connu 


du.  h 

1.  jtfcut  ou  Da/nnsC 


[Port  Nelson  j, 

Wtepourbon  <uy  r Fort  d  York 

/  jjjÿF^^LTalnzati 

(  y^^ÈÊPliirmà  de  lOu&Jtr 

\  ^ PlunuO  de  l&rt 

dÊSdL  TPamerr 

Wj^FocJic  Noire 


Lliircsc  ^ 

r^  nax/^  *| 


rjjiart 

u^coUUt 
.  C  AW"'--''’U'  M  U1C 

W  J  ye 

I  des  Ours 


l'stsiuvesa  van  c 


Cap  Jaune 


5S*W^  quâft 

Las  de  QuvtcludccJiouan 
ou  Lac  S.eubms . 
Les  ^diiplois  l  appellent 
Fisqotapamy 


Petites  Ours 


TlitThunns 


Var N.  Bcllm  Ingénieur  de  (a  Jfanne  1744. 

Echelles 

Lieues  YFannes  de  France  et  drlnplsterrc  de  20.  auJDcprc 


'F.  S1  Germain 

'±Jkj’r'I  de 


" lins  J 'culpsi 


W  vèpchp  Brujpes 

la  Douzaine  du  ' 

Botdmçcr  ^ 

7™*“- 

1  ÔO 

aide 

HirniroimiiiiiifiTr -  mamamt - vmàmrnA 

- iBiwmanmnmw - ~  ■mmamui - m 

j  Longit 

Occidentale 

du  Alerid  ien 

de  Fans  b^\ 

DE  LA  NOUVELLE  FRANCE,  Lxv.  X.  473 

forte  contre  une  Nation ,  dont  ils  redoutoient  la  puiffance  ;  168 2-8  71 
mais  dont  ils  fe  croiroient  affûrés  de  triompher  ,  s’ils  nous 
voyoient  en  état  de  les  fecourir  puiflamment. 

M.  de  la  Barre  fit  drefler  un  A£te  de  cette  Délibération  ,  &  Le  Roy  en- 

l’envoya  en  Cour.  Elle  y  fut  fort  approuvée  ,  &  le  Roy  don-  ^senCanada" 
na  fes  ordres  pour  faire  embarquer  au  plûtôt  deux-cent  Sol-  pCSen  ana"a' 
dats.  Sa  Majefté  écrivit  au  Gouverneur  Général ,  &  dans  fa 
Lettre  ,  qui  eft  dattéedu  cinquième  d’Août  1673.  e^e  lui  don¬ 
na  avis  que  le  Colonel  Dongan  ,  Gouverneur  de  la  Nou¬ 
velle  York  ,  devoir  avoir  reçu  un  Commandement  très  -  ex¬ 
près  du  Roy  de  la  Grande  Bretagne  ,  d’entretenir  une  bonne 
correfpondance  avec  les  François  ,  &  quelle  ne  doutoit  point 
qu’il  ne  s’y  conformât.  Dongan  reçut  véritablement  cet  or¬ 
dre  ;  mais  nous  verrons  bientôt  qu’il  ne  fit  femblant  d’y  défé¬ 
rer  ,  que  pour  mieux  tromper  les  François  ,  &  qu’il  fut  le  prin¬ 
cipal  Moteur  de  la  fanglante  guerre  ,  que  nous  firent  les  Iro- 
quois  pendant  près  de  trente  ans.  Le  Roy  par  la  même  Lettre  , 
dont  je  viens  de  parler  ,  recommandoit  à  M.  de  la  Barre  d’em¬ 
pêcher  , .  autant  qu’il  lui  feroit  pofùble  ,  les  Anglois  de  s’é¬ 
tablir  dans  la  Baye  d’Hudfon  ,  dont  nous  avions  pris  poffef- 
fion  plufieurs  années  auparavant ,  &  dont  il  eft  néceffaire  de 
mettre  en  peu  de  mots  les  Lecteur  en  état  de  fe  former  au 
moins  une  legere  notice. 

Après  qu’on  a  doublé  la  pointe  Septentrionnale  de  Fille  de  Defcriptiois 
Terre-neuve  en  faifant  le  Nord- Ou  eft ,  &  côtoyant  toujours  JHIuadraye  ' 
la  Terre  de  Labrador,  on  s’élève  jufques  vers  les  foixante-  1 

trois  dégrés  de  Latitude-Nord  ,  &  l’on  trouve  un  Détroit  ,  * 
qui  porte  le  nom  d zHudfon.  Ce  Détroit  court  Eft  &  Oueft  , 
en  prenant  du  Nord-Oueft  ,  &  fa  fortie  eft  par  les  foixante- 
quatre  dégrés.  En  cet*  endroit  la  Mer  forme  une  Baye  de 
trois-cent  lieues  ,  ou  environ  de  profondeur  ,  &  c’eft  ce  qu’on 
appelle  la  Baye  d’Hudfon.  Sa  largeur  eft  inégale  ;  car  en  allant 
du  Nord  au  Sud  elle  diminue  toujours  depuis  deux-cent  lieues 
jufqu  a  trente-cinq.  Son  extrémité  Méridionnale  eft  parles  cin¬ 
quante-un  dégrès. 

Rien  n’eft  plus  affreux  que  le  Pays ,  dont  elle  eft  environ¬ 
née  ;  de  quelque  côté  ,  qu’on  jette  les  yeux  ,  on  n’aperçoit 
que  des  Terres  incultes  &  fauvages  ,  &  des  Rochers  efcarpés  , 
qui  s’élèvent  jufqu’aux  Nues  ,  qui  font  entrecoupés  de  Ravines 
profondes  &  de  Vallées  ftériles  ,  où  le  Soleil  11e  pénétre 
point ,  &  que  les  neiges  &  les  glaçons ,  qui  ne  fondent  ja~ 

Tome  I.  O  00 


HISTOIRE  generale 

_ _  fjs  rendent  inabordables.  La  Mer  n’y  eft  bien  libre  ,  que 

1681-83.  .  u;s  le  commencement  de  Juillet  jufqu  a  la  fin  de  Septem- 

hi  encore  y  rencontre-t’on  quelquefois  alors  des  glaces 
d’une  eroffeur  énorme ,  qui  jettent  les  Navigateurs  dans  de 
très-erands  embarras  ;  car  dans  le  tems  qu  on  y  penfe  le  moins , 
^larée  ou  un  Courant  affez  fort  pour  entraîner  le  Na¬ 
vire  &  l’empêcher  de  gouverner  ,  l’inveftit  tout-a-coup  d  un 
fi  grand  nombre  de  ces  écueils  flottans ,  qu  auffi  loin  que  puiffe 
norter  la  vûë  ,  on  ne  découvre  que  des  glaces. 

Il  n’y  a  pas  d’autre  moyen  de  s’en  garantir ,  que  de  fe  gra- 
L  L  plus  groffes,  &  d’écarter  les  autres  avec  de 
,  ,  .  L-.^An  il  faut  avoir  foin  de  fe  munir  > 


Obrervations 
far  les  glaces 
de  ces  Mers. 


F1"6"  hâtons  ferrés  ,  dont  il  faut  avoir  foin  de  fe  munir  , 
quand  ^on  entreprend  cette  périlleufe  Navigation.  Mais  des 
rinVm  s’eft  ouvert  un  paffage  ,  il  en  faut  profiter  au  plutôt, 
Sr  fi  malheureufement  il  furvient  une  Tempete ,  tandis  quon 
eft  ainfi  afliegé  par  les  glaçons,  c’eft  un  grand  hafard ,  fi  on 
Vn  tire.  Ces” glaçons  font  ordinairement  formes  de  1  eau  de 
plufieurs  Torrens ,  qui  fe  déchargent  dans  la  Baye  :  la  cha- 
Feur  du  Soleil,  au  milieu  même  des  ardeurs  de  la  Canicule, 
ne  feauroit  les  fondre  ,  &  ne  peut  tout  au  plus  que  les  de- 
1  1  '  ce  nui  fe  fait  avec  un  bruit  affreux ,  en  entramant 

taC  mfté  de  Ferres,  &  quelquefois  d’affez  gros  Rochers.  Com- 
mTon  entend  affez  foSvenî  dans  cette  Baye  des  bourdonne- 
qui  pourroient  inquietter  les  Navigateurs ,  il  eft  bon 
Hu‘  r  ,  . _ . ^rvnrrihnent  les  Torrens , 


“•T  Vq“lem  au’out«ce  qu’y  contribuent  les  Torrens 
oui*  du^haut  dès  Rochers  fe  précipitent  dans  la  Mer ,  leur 
principale  caufe  eft  une  efpece  de  bouillonnement ,  que  for- 
\es  Ifles ,  &  les  Bancs  de  glace  ,  dont  tous  les  bords 
de  la  Baye  font  femés  :  &  voici  comment  on  conçoit  que 

^Le^fotT  qui  vient  de  l’Océan  avec  impétuofité  pour  en¬ 
trer  dans  là  Baye  ,  eft  arrêté  par  les  glaces  :  cette  refiftance 
lui  fait  changer  fa  direftion  ,  &  cela  produit  des  remouts  de 
Marée  qui  fl  croifent ,  ce  qui  joint  au  mtre ,  dont  ces  Me  s 
font  remplies ,  produit  une  fermentation  ,  qui  fait  bouillon¬ 
ner  la  forface  les  Eaux.  Je  dis  que  ces  Mers  font  remplies 
i  &r  rPia  ne  oeut  être  autrement ,  vu  la  quantité  de 

1,1  fonduës  &  dl  glaces  ,  qu’elles  reçoivent?  D’ailleurs 
Fn?  remarqué  que  les  plaques  de  plomb  ,  dont  on  couvre 
la  lumière  des  canons ,  fe  trouvent  tous  les  matins  couvertes 
de  nitre,  &  que  quand  quelquun  s  eft  fait  faigner  fur 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  475 

Vaiffeaux  ,  ou  dans  les  Forts,  l’ouverture  de  la  veine  en  eft 
bientôt  toute  bordée.  Or  il  eft  certain  que  cette  abondance 
de  nitre  ,  jointe  au  changement  de  Climat ,  aux  nourritures 
falées ,  auxquelles  on  eft  réduit  dans  ces  voyages ,  &  au  peu 
d’exercice  ,  qu’on  y  fait  ,  caufe  de  grandes  maladies  ;  aufîi 
eft -il  rare  qu’un  V  aiffeau  n’y  perde  pas  la  moitié  de  fou 
Equipage. 

Un  autre  Phénomène  ,  qui  paroît  dans  l’Air  ,  mériterait 
bien  qu’on  s’étudiât  à  en  découvrir  la  caufe.  Dans  le  teins 
le  plus  ferein  ,  on  apperçoit  tout  à  coup  au  milieu  de  la 
nuit  des  nuages  d’une  blancheur  extraordinaire  ,  &  au  tra¬ 
vers  de  ces  nuages  une  lumière  très -éclatante.  Lors  même 
qu’on  ne  fent  pas  un  foufle  de  vent ,  ces  nuages  font  chaf- 
fés  avec  une  très-grande  vîteffe ,  &  prennent  toutes  fortes  de 
ligures.  Plus  la  nuit  eft  obfcure  ,  plus  la  lumière  eft  vive  : 
elle  l’eft  même  quelquefois  à  un  point  ^  qu’on  peut  lire  à  fa 
lueur  beaucoup  plus  aifément ,  qu’à  celle  de  la  Lune  dans 
fon  plein. 

On  dira  peut-être  que  ce  n’eft  qu’ürje  réfra&ion  des  raïons 
du  Soleil ,  qui  par  cette  hauteur  ne  s’éloigne  pas  beaucoup  de 
l’horifon  pendant  les  nuits  de  l’été ,  &  qu’encore  qu’il  n’y  ait 
point  de  vent  dans  la  baffe  région  de  l’air  ,  il  peut  y  en 
avoir  dans  la  fupérieure  ,  ce  qui  eft  vrai  ;  mais  ce  qui  me 
fait  juger  qu’il  y  a  encore  une  autre  caufe  de  ce  Méteore  , 
c’eft  que  pendant  l’hyver  même  ,  la  Lune  paroît  fouvent  en¬ 
vironnée  d’Arcs-en-Ciel  de  couleurs  differentes ,  &  toutes 
très-vives.  Pour  moi  je  fuis  perfuadé  que  ces  effets  doivent 
être  attribués  en  partie  à  des  exhalaifons  nitreufes  ,  qui  pen¬ 
dant  le  jour  ont  été  attirées  ,  &  enflammées  par  le  Soleil. 

Mais  croirait  -  on  que  fur  ces  glaces  énormes  ,  dont  quel¬ 
ques-unes  n’ont  pas  moins  d’étenduë  que  plufteurs  des  Mes  de 
la  Baye  d’Hudfon  ,  on  rencontre  des  Hommes ,  qui  s’y  font 
embarqués  exprès  ?  On  affûre  pourtant  qu’on  y  a  plus  d’une 
fois  aperçu  des  Efquimaux  ;  ik  il  eft  certain  que  ,  fi  en  les 
voyant  ainfi  errer  fur  ces  écueils  flottans  au  gré  des  courans 
&  des  vagues  ,  on  eft  effrayé  pour  eux  ,  ils  ne  le  font  pas 
moins  ,  &  le  font  peut  -  être  avec  plus  de  fondement  pour 
ceux  ,  qu’ils  voyent  fe  rifquer  entre  ces  mêmes  glaces  fur  des 
Vaiffeaux.  Car,  comme  ces  Barbares  portent  par  tout  avec 
eux  leurs  Canots ,  ils  ne  font  jamais  !embarraffés  ,  quoiqu’il 
arrive  ,  &  quelque  tems  qu’il  faffe.  Si  les  glaces  fe  touchent 

O  o  o  ij 


1683. 


Phénomènes 
dans  l’air. 


Maniéré  cfe 
voyager  fur 
les  glaces. 


Y 


1083. 


I  HISTOIRE  generale 

rie  nrès  ils  fautent  fans  peine  de  1  une  a  1  autre  *.  il  elles  laif- 
fr/t  libres  des  intervalles  allez  confidérables ,  ils  s’embarquent , 

leUL  1  /r*  1  .  ...  _ Jo.nf  1~  1m,r  nprmpttpnt. 


lent  iiDreb  ucaiiituA  v  o-xive»  — . — - /  x 

&  naviguent  auffi  lontems ,  que  les  glaces  le  leur  permettent. 
Sont-ils  près  d’un  glaçon,  qu’ils  ne  peuvent  éviter  .  ils  iau- 
tent  deffus  ,  &  l’écueil  même  ,  qui  menaçoit  de^  les  faire  pé¬ 
rir  les  garantit  du  naufrage.  Il  n’en  eftpas  de  même  de  ceux , 
aui’font  embarqués  fur  un  Navire.  Si  leur  Bâtiment  vient  a  fe 
fracaffer  entre  deux  glaces ,  toute  leur  reflource  eft  de  le  lau- 
verfur  l’une,  ou  fur  l’autre;  mais  la  difficulté  eft  dy  lubii- 
fter  ou  d’en  fortir.  Quoiqu’il  en  foit  ,  on  peut  bien  juger 
au  une  Mer ,  où  il  eft  fi  dangereux  de  naviguer  ,  n  eft  pas  en¬ 
core  bien  connue  :  auffi  à  l’exception  de  quelques  Mes  ,  que 
les  François  &les  Anglois  ont  rencontrées  lui-  leur  paliage  ,  02 
des  endroits  de  la  Côte  ,  où  ils  ont  eu  des  Etabliffeméns ,  tout 

le  refte  n’a  encore  été  vû  que  de  loin.  ,  M 

Il  n’eft  point  douteux  que  parmi  un  grand  nombre  de  JNa- 
vieateurs  de  différentes  Nations  ,  qui  fur  la  fin  du  leizieme  lie» 
de  ,  &  dans  le  cours  du  dix-feptiéme  ont  entrepris  de  decou* 
vrir  par  le  Nord  de  l’Aînérique  un  paflage  a  la  Chine  &  au 
Japon  ,  plufieurs  n’ayant  eu  connoiflance  de  cette  gran  e 
Baye  ,  qui  communique  à  la  MerChriftiane  ;  mais  il  et  cer 
tain  que  ce  fut  Henry  Hudson,  Anglois ,  qui  en  1611.  don¬ 
na  fou  nom  ,  &  à  la  Baye  ,  &  au  Détroit ,  par  ou  il  y  entra. 
On  ne  fçait  rien  de  ce  qu’il  y  fit ,  on  ignore  meme  s  il  y  pé¬ 
nétra  bien  avant.,Les  prétendues  prîtes  de  poffeffion  de  Nel 
son,  de  Thomas  Button  ,  &  de  Luxfox  ,  faites  en  divers 
tems  de  tout  ce  Pays  ,  quand  elles  ferment  auffi  conftatees , 
quelles  le  font  peu  ,  netabliffent  pas  mieux  les  dioits  ,  que 
cette  Nation  s’attribuoit  fur  cette  Baye  au  tems  ,  dont  je  paile-, 
que  celles  de  Verazani  fous  le  régné  de  François  I.  «e  nous, 
donnoit.  celui  de  revendiquer  la  Caroline  ,  la\  îiginie  ,  &.  les 
autres  Provinces  de  l’Amérique  Septentnonnale-,  qui  tout  au- 
iourd’hui  occupées  par  la  Couronne  cl  Angleterre  ,  puifquil 
eft  certain  que  les  Anglois  ns  poffedoient  rien  aux  environs 
de  cette  Baye  ,  lorfqu’en  165  F.  le  Sieur  Bourdon  y  fut  envoie 
pour  en  affûrer  la  poffeffion  à  la  France  :  Ceremonie ,  qui  fut 
plufieurs  fois-  renouvellée  dans  la  fuite. 

Il  eft  vrai  qu’en  1663.  deux  Transfuges  François  nommes 
Medard  Chouard  des  Groseilliers  ,  &  Pierre-Efpri 
de  Radisson,  pour  fe  venger  de  je  ne  fçai  quel  méconten¬ 
tement  ,  qu’on  leur,  avoir  donne  ,  conduifirent  des  Anglais, 


Prétentions 
Jes  François. 
&  des  Anglois 
fur  la  Baye 
J'Hudfon. 


Deux  Trans¬ 
fuges  Fran¬ 
çois  y  condui- 
fent  les  An- 


giois. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE..  Liv..  X.  477 

dans  la  Riviere  de  Nemifcau ,  qui  fe  décharge  dans  le  fond 
de  la  Baye  ,  &  que  ceux-ci  bâtirent  à  Pemboucliure  de  cette 
Riviere,  un  Fort,  qui  fut  nommé  Rupert;  que  dans  la  fuite 
ils  en  conffruifirent  un  fécond  chez  les  Monfinis  3  &  puis  un 
troifiéme  à  Quitchitchouen  ;  mais  on  regarda  en  ^France  &  en 
Canada  ces  entreprifes  comme  des  uftirpations. 

Toutefois  M.  Colbert  crut  devoir  diffimüler  quelque  tems 
à  caufe  de  l’étroite  union  ,  qui  regnoit  alors  entre  les  deux 
Couronnes.  Mais  pour  empêcher  la  prefcription ,  M.  Talon 
ayant  Formé  le  deffein  de  chercher  un  chemin  facile  pour  aller 
par  le  Saguenay  à  la  Baye  d’Hudfon  ,  profita  d’une  nouvelle 
Députation  des  Sauvages  de  ces  QuartierSTà  ,  dont  le  motif 
étoit  encore  d’avoir  des  Millionnaires.  Il  choifit  pour  les  ac¬ 
compagner  à  leur  retour  le  P.  Charles  Albanel  ,  &  lui  don¬ 
na  pour  Adjoints  deux  François ,  dont  l’un  étoit  le  Sieur  De- 
nys  de  S.  Simon,  Gentilhomme  Canadien,  &  Neveu  de  ce.- 
lui  ,  dont  j’ai  fi  fouvent  cité  les  Mémoires  au  fujet  de  l’Acadie. 

Ils  partirent  de  Quebec  le  vint-deux  du  mois  d’ Août  1671 . 
&  dès  le  dix-feptiéme  de  Septembre  ils  eurent  avis  que  deux 
Navires  Anglois  étoient  mouillés  dans  le  fond  de  la  Baye 
d’Hudfon,  &  y  faifoient  la  Traite  avec  les  Sauvages.  Cette 
nouvelle  les  obligea  d’envoyer  à  Quebec  demander  des  Paf- 
feports ,  qui  leur  furent  délivrés  fur  le  champ  ;  mais  ce  retar¬ 
dement  leur  avoit  fait  perdre  la  faifon  propre  pour  naviguer 
fur  la  Riviere  ,  &  ils  furent  contraints  d’hyverner  fur  les 
bords  du  Lac  de  S.  Jean.  Ils  fe  remirent  en  marche  le  pre¬ 
mier  de  Juin  de  l’année  fuivante  1672.  &  le  treiziéme  dix- 
huit  Canots  remplis  de  Sauvages  Miflajjlns  parurent  en  po- 
fture  de  Gens ,  qui  vouloient  leur  députer  le  paffage.  Le  Pere 
Albanel  s’avança  feul  pour  leur  parier ,  &  leur  dit  que  les 
François  ayant  purgé  le  Pays  des  Partis  Iroquois ,  il  étoit  bien 
juffe  qu’il  leur  fût  permis  d’y  paffer. 

Il  les  exhorta  enfuite  à  reprendre  leur  ancienne  coûtume 
de  venir  en  Traite  au  Lac  S.  Jean,  où  ils  rie  manqu croient 
jamais  de  trouver  des  marchandées  ,  &  où  ils  rencontreraient 
toujours  un  Millionnaire  ,  pour  les  inffruire  ,  comme  on  avoit 
fait  par  le  paffé  ,  &  ce  que  les  Anglois  11e  faifoient  point.  Le 
Chef  des  Miffaffins  remercia  le  Pere  de  la  paix  ,  que  leur 
avoient  procuré  les  François  ,  &  du  zélé  ,  qu’il  témoignoit 
pour  leur  inftru&ion  :  il  le  conjura  même  de  relier  avec  lui  j 
mais  le  Pere  lui  dit  que  pour  le  préfent  une  affaire  indifpen- 


I  68  3. 


Voyage  du  P. 
‘Albanel  &  de 
M.  de  Saint 
Simon  à  la 
Baye  d’Hud¬ 
fon  par  le  Sa¬ 
guenay. 


ï  68  3 


47g  HISTOIRE  generale 

fable  l’appelloit  ailleurs  ,  &  le  pria  de  l’attendre  à  fon  retour 
au  Lac  de  S*  Jean. 

Le  dix-huitiéme  les  Voyageurs  entrèrent  dans  le  Lac  des 
Miftaffins  ,  dont  on  ne  peut  faire ,  dit-on  ,  le  tour  ,  qu’en  vint 
jours  de  beau  tenis  ;  &  le  vingt-cinquienie  ils  arrivèrent  au 
bord  de  celui  de  Nemifcau ,  qui  eft  beaucoup  plus  petit.  Le 
premier  de  Juillet  ils  fe  rendirent  en  un  lieu  ,  nomme  MiJ- 
coutena.aech.it  ,  où  les  Sauvages,  qui  avoient  demande  un  Mil¬ 
lionnaire  ,  les  attendoient  ,  &  les  reçurent  avec  de  grandes 
démonftrations  de  joye.  Le  P.  Albanel  s’aperçut  neanmoins 
qu’ils  craignoient  qu’on  ne  voulût  s  oppofer  au  commerce  des 
Anclois  ,  qui  s’étoîent  avancés  jufques-là  ,  &  y  avoient  bâti 
une^ Maifon  pour  la  Traite  ;  mais  il  les  raffûra  ,  &  leur  dit 
qu’il  n’avoit  en  vue  ,  que  le  falut  de  leurs  Aines  j  &  que  les 
François  ne  fongeoient  qu’à  affûrer  la  tranquillité  ,  &  la  surete 
du  Pays  contre  les  Iroquois. 


Quatrième  Quelques  jours  après  il  partit  de  ce  Village  avec  fes  deux 
Je.P°.f-  Compagnons ,  parcourut  tous  les  environs  du  Lac  Nemifcau , 
B*r  &  s’étant  embarqué  fur  la  Riviere  de  même  nom ,  il  entra 
dans  la  Baye ,  où  elle  fe  décharge.  Il  fit  en  plufieurs  endroits 
des  A£tes  de  prife  de  poffeffion  ,  fui vant  les  01  ares ,  qu  il  en 
avoir ,  les  ligna  avec  le  Sieur  de  S.  Simon ,  &  les  fit  aulli  li- 
gner  par  les  Chefs  de  dix  ou  douze  Nations  Sauvages  ,  qu  il 
avoit  eu  la  précaution  de  raffembler  ,  pour  être  témoins  de 
cette  cérémonie.  Les  chofes  demeurèrent  néanmoins  lur  le  me¬ 
me  pied  pendant  quelques  années  par  raport  aux  Anglais  ,  qui 
s’enrichiffoient  dans  la  Baye  d  Hudfon ,  tandis  que  la  Cour  de 
France  fe  contentoit  d’y  affûrer  fon  droit.  . 

D’autre  part  les  deux  Transfuges ,  qui  y  a  voient  conduit  les 
Anelois ,  foit  pour  quelque  mécontentement  particulier  ,  loit 
par  un  retour  d’affeûion  pour  leur  Patrie  étoient  revenus  en 
France ,  quoique  Radiffon  eût  époufé  la  Fille  du  Chevalier 
Kirke  ,  &  Sa  Majefté  leur  avoit  permis  cle  retourner  en  Ca¬ 
nada  ,  où  elle  leur  avoit  même  accordé  des  grâces,  qu’ils 
n  a  voient  point  méritées.  Quelques  années  après  il  fe  forma  a 
Québec  une  Compagnie  du  Nord  ,  laquelle  entreprit  de  chaf- 
férles  Anglois  de  la  Baye  d’Hudfon.  Elle  ne  crut  pas  pouvoir 
employer  à  cette  entreprife  des  Perfonnes  plus  capables  de  la 
faire  réuffir  ,  que  ceux  ,  qui  avoient  fait  le  mal  &  qui  s’etoient 
offerts  d’eux-mêmes  ,  outre  qu  ils  etoient  les  feu! s  ,  qui  connui- 
fent  bien  le  Pays  :  il  n’y  eut  Perfonne  ?  qui  ne  jugeât  qu  ils 


Les  deux 
Transfuges 
François  re¬ 
tournent  en 
Canada. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  479 

faifiroient  vivement  une  occafion  fi  favorable  de  réparer  leur 
faute,  &  peut-être  de  venger  leurs  propres  injures. 

Ils  partirent  en  1682.  avec  deux  "Navires  allez  mal  équipés  , 
&  allèrent  droit  au  premier  Fort  des  Anglois  ;  mais  ils  les  y 
trouvèrent  fi  bien  retranchés  ,  qu’ils  n’oferent  les  attaquer.  Ils 
rangèrent  enfuite  la  Côte  Occidentale  de  la  Baye  ,  cherchant 
un  Polie  avantageux  ,  où  ils  puffent  établir  la  Traite  des 
Pelleteries  ,  &  le  vint-fixiéme  d’Août  ils  entrèrent  dans  une 
Anfe  ,  où  fe  déchargent  deux  grandes  Rivières  ,  oui  fe  réu¬ 
nifient  à  leur  embouchure.  L’une  efl  la  Riviere  Bourbon  ,  que 
l’on  a  remontée  fort  loin  ,  fans  trouver  fa  fource.  Un  Na¬ 
vire  François  y  avoit  hyverné  en  1  6  7  5 .  &  lui  avoit  don¬ 
né  le  nom  ,  qu’elle  porte  ;  Des  Grofeilliers  donna  à  l’autre  le 
nom  de  Sainte  Therefe  ,  qui  étoit  celui  de  fa  Femme  ^  Sœur  de 
Radiflon.  C’efl  la  petite  Baye  ,  où  ces  deux  Rivières  fe  joi¬ 
gnent  9  que  les  Anglois  ont  appellé  le  Port  Nelfon ,  préten¬ 
dant  que  Nelfon  ,  Pilote  d’Henry  Hudfon  ,  l’avoit  décou¬ 
verte  en  1611. 

Le  Sieur  Jeremie  ,  dont  nous  avons  une  allez  bonne  Re¬ 
lation  de  la  Baye  d’Hudfon  ,  où  il  a  fait  un  très-long  fejour  ,  & 
où  il  commandoit  au  terns  du  Traité  d’Utrecht  ,  prétend  que 
tandis  que  Radiflon ,  &  fon  Beau-Frere  hyvernoient  dans  la 
Riviere  de  Sainte  Therefe  ,  des  Anglois  étoient  campés  fur  les 
bords  de  la  Riviere  Bourbon  ,  que  les  premiers  ayant  décou¬ 
vert  les  féconds  ,  fans  que  ceux-ci  euffent  le  moindre  foup- 
çon  qu’ils  euffent  des  Voifins  fi  proches  ;  ils  les  attaquèrent 
pendant  qu’ils  étoient  yvres ,  &  les  firent  tous  Prifonniers  au 
nombre  de  quatre -vint,  quoiqu’ils  n’euffent  avec  eux  ,  que 
douze  Hommes  :  qu’affez  près  de-là  ils  trouvèrent  encore  fix 
Matelots  Anglois  ,  lefquels  y  avoient  été  dégradés  par  un 
Navire  de  Ballon ,  qui  manquait  de  vivres,  &  n’avoient au¬ 
cune  connoiffance  de  ceux  de  leurs  Compatriottes ,  qui  étoient 
dans  la  Riviere  Bourbon. 


168 


3 


Ils  entrepren¬ 
nent  de  cha£- 
fer  les  Anglois 
de  la  Baye. 


Ce  qui  fepnf- 
fe  entre  eux  3c 
les  Anglois. 

iD 


Mais  un  Mémoire  ,  qui  fut  préfenté  l’année  fuivante  à  M. 
de  Seignelai ,  &  dont  j’ai  eu  en  main  l’original  ,  rapporte  la 
chofe  tout  autrement ,  &  mérite  fans  doute  plus  de  créance  , 
que  le  récit  de  ce  Voyageur  ,  Homme  d’ailleurs  fort  judi¬ 
cieux  ,  &  fur  le  témoignage  duquel  on  peut  compter  ,  quand 
il  parle  de  faits  ,  dont  il  a  été  à  portée  de  s’inflruire  par  lui*- 
même.  Suivant  ce  Mémoire  Radiflon  &  fon  Beau-Frere  avoient. 
à  peine  commencé  à  fe  loger  fur  les  bords  de  la  Riviere  de 


683 


48o  HISTOIRE  generale  _  ^  ' 

Sainte  Therefe ,  lorfqu’une  Barque  venant  de  Bafton  parut  a 
l’entrée  de  cette  Riviere  ,  allez  près  de  leur  Campement. 
Quelques  jours  après  ,  un  grand  Navire  de  Londres  vint 

mouiller  au  même  endroit  ,&  fit  grand  peur  aux  Baftonno  s  , 

oui n’avoient point  de  Commiffion  ,  &aux  François,  qui  ne 
toient  pas  encore  affez  bien  retranchés  pour  fe  defendre  ;  fi  on 
les  attaquoit ,  comme  U  y  avoit  bien  de  1  apparence  quon  - 
roit  •  mais  il  excita  bientôt  la  compaffion  des  uns  &  des  au¬ 
tres’ De  greffes  glaces  pouffées  par  la  Maree  ,  le  heuiterent  fi 
"fdèment ,  qu’il!  firent  perdre  Terre  à  Ces  ancres  &  1  empor- 
terent  au  large ,  ou  malgré  tous  les  efforts  de  1  équipage  ,  i 

fii p  brifé  par  d autres  plaçons.  A 

Tous  ceux  ,  oui  étoient  dedans  fe  fauverent  fur  ces  memes 
daces  qu  avo  ent  caufé  leur  malheur  ,  &  qui  les  reporte- 

SS  à  ?«...*  <k  la  *  Sainte  Thei.fe.  A  o„  •  Corn- 

mandant,  qui  à  fon  arrivée  avoir  fomme  les  François  de _le 
retirer  d’un  Pays  ,  qui  appartenoit ,  difoit-il ,  au  Koy  ion  M 
tre  leur  fit  demander1  ï’hofpitalité  ,  &  l’obtint  fans  peine. 
Radiffon  &  Des  Grofeilliers  lui  donnèrent  meme  des  vivres  , 
dont  il  manquoit  abfolument ,  &  lui  permirent  dedrefferdes 
Barraques  fur  les  bords  de  la  Riviere  Bourbon  ,  apres  lm  avoir 
fait  promettre  par  Ecrit  qu’il  ne  s’y  fortifierait  point ,  &  qu  i 
ne  ferait  aucun  Afte  ,  qui  pût  préjudicier  aux  dioits  du  oy 

T  Cette  promeffe  fut  mal  gardée  ;  les  Anglois  n’eurent  pas 
plutôt  réfléchi  fur  la  fupénonté  de  leur  nonmre,  5“ i  s  tra 
vaillerent  à  fe  rétrancher  :  ils  prirent  enfante  des  mefure 1  po 

furprendre  les  François,  &  les  mettie  101s  e  j,  Le  Mè¬ 
re  ;  mais  ceux-ci  les  prévinrent ,  &  s  affurerent  d  eux  Le  Me 
moire  ,  d’où  j’ai  tiré  ce  détail ,  ne  dit  point  de  quelle  ma 
niere  cela  fe  fit ,  &  il  eft  affez  vraisemblable  que  Raddfon  & 
Des  Grofeilliers  profitèrent  de  quelque  moment , ou  les 
olois  n’étoient  point  fur  leurs  gardes ,  ou  meme  s  etoient  eny- 

!ré  comme  il  eft  marqué  dans  la  Relation  du  Sieur  Jeremie. 

Quoiqu’il  eu  foit,  un  fi  grand  nombre  de  Prifonmers  em- 
barfiaffa  bientôt  les  François,  outre  que  ^vivras 

coient  à  leur  manquer  :  ainfi  ,  des  que  a  P  .  - 

mettre  en  Mer  ,  ils  embarquèrent  une  partie  des  Andois  fur 
un  des  deux  Bâtimens  ,  qu’ils  avoient  amenés  de  Québec  ,  K 
leur  Différent  la  liberté  d’aller  ,  où  bon  If't  fembleroit.  I  s 
partirent  enfuite  eux-mêmes  avec  le  refte  &es  Prifonmers  lu 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  X.  481 

wle  Navire  ,  qu’ils  s’étoient  refervés  ,  &  fur  la  Barque  de  Baf- 
ton  ,  dont  ils  n’avoient  pas  eu  beaucoup  de  peine  à  fe  faifir ,  & 
fe  rendirent  à  Quebec  ,  011  la  conduite  ,  qu’ils  avoient  tenue 
à  l’égard  des  Anglois  ,  ne  plut  pas  aux  IntérefTés  de  la  Compa¬ 
gnie  du  Nord.  On  les  chagrina  enfuite  fur  plufieurs  articles  , 
qui  concernoient  la  Traite  des  Pelleteries  ,  dont  ils  avoient 
néanmoins  rapporté  une  grande  carguaifon  ;  ce  qui  les  obligea 
de  repaffer  en  France  ,  où  ils  efperoient  qu’on  leur  rendroit 
plus  de  juflice. 

Soit  qu’ils  fuflent  véritablement  coupables  ,  ou  que  leurs 
Ennemis  effilent  prévenu  le  Miniflre  ,  leur  efperance  fut  trom¬ 
pée  ,  &  le  défefpoir  ,  qu’ils  en  conçurent ,  les  fit  recourir  une 
fécondé  fois  aux  Anglois.  Milord  Preston  étoit  alors  Am- 
bafïadeurde  la  Grande  Bretagne  à  la  Cour  de  France.  Il  apprit 
leur  mécontentement  ,  &  perfuada  à  RadifTon  de  palier  à 
Londres.  RadifTon  fuivit  fon  confeil,  le  Chevalier  Kirke  re¬ 
çut  fort  bien  fon  Gendre  ,  &  lui  obtint  de  la  Cour  une  pen- 
fion  de  douze-cent  livres  ,  dont  il  a  joui  jufqu’à  fa  mort.  L’an¬ 
née  fuivante  1685.  on  lui  donna  deux  Navires  pour  aller  fe 
faifir  du  Fort,  que  lui-même  avoit  conffruit  à  l’entrée  de  la 
Riviere  de  Sainte  Therefe ,  &  où  Chouart ,  fon  Neveu ,  Fils  de 
Des  Grofeilliers ,  étoit  refié  avec  huit  Hommes  feulement  ;  ar¬ 
rivé  à  la  vûë  du  Fort ,  &  ayant  fait  les  fignaux  ,  dont  ce 
jeune  Commandant  étoit  convenu  avec  fon  Pere  &  fon  On¬ 
cle  ,  il  y  fut  reçu  fans  difficulté. 

Suivant  un  autre  Mémoire  ,  c’étoitDes  Grofeilliers  le  Pere, 
qui  étoit  refié  dans  la  Baye  d’Hudfon  ;  car  l’Auteur  prétend 
que  RadifTon  &  le  jeune  Chouard ,  fon  Neveu  traitèrent ,  avec 
Milord  Preflon  par  l’entremife  d’un  nommé  Gods.  Cepen¬ 
dant  je  trouve  dans  une  Lettre  du  Roy  au  Marquis  de  DÉ- 
nonville  ,  que  ce  Général  eut  ordre  d’affûrer  le  jeune 
Chouard  qu’il  feroit  recompenfé  ,  &  de  promettre  cinquante 
pifloles  à  quiconque  pourroit  fe  faifîr  de  RadifTon  ,  &  le  li¬ 
vrer  aux  Officiers  de  Sa  Majeflé  ;  il  efl  certain  d’ailleurs  que 
Chouard  efl  mort  en  Canada  ,  &  RadifTon  en  Angleterre. 
Suivant  le  Mémoire  ,  que  je  viens  de  citer  ,  ce  fut  alors  que 
les  Anglois  donnèrent  le  nom  de  Port  Nelfon  à  l’embouchure 
de  la  Riviere  de  Sainte  Therefe. 

La  perte ,  que  firent  les  François  en  cette  occafion  ,  peut 
faire  juger  de  quelle  importance  étoit  ce  Pofle  pour  le  com¬ 
merce  j  car  on  la  fait  monter  à  trente-deux  milliers  de  Caf- 
Tome  /.  P  p  p 


1683. 


Ils  livrent  de 
nouveau  aux 
Anglois  la 
Baye  d’Hud- 
fon. 

1684. 


/ 


i  6  8  4» 


482  histoire  generale. 

tors ,  fix  balles  de  Martres ,  deux  de  Loutres  ,  &  autres  me¬ 
nues  Pelleteries  ;  le  tout  eftimé  quatre-cent  mille  livres.  Le 
n’étoit  néanmoins  que  le  produit  de  la  Traite  dune  annee  , 
puifque  Radiffon  avoir  porté  à  Quebec  tout  ce  qui  s  elon 
trouvé  dans  fes  Magafins ,  lorfqu’il  partit  de  la  Baye.  Mous 
verrons  les  mefures ,  que  prit  la  Compagnie  du  Mord  pour 
avoir  raifon  de  cette  perfidie ,  après  que  nous  aurons  rap¬ 
porté  ce  qui  fe-paffa,  dans  la  Colonie  durant  cet  intervalle. 


*  4&3 

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HISTOIRE 

E  T 

DESCRIPTION  GENERALE 

DELA 

NOUVELLE  FRANCE. 

LIVRE  ONZIEME- 


/ 


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/\x/\\m- 


ON  SI  EU  R  de  la  Barre  fe  préparait  à  la  1  <5 8  3 « 
guerre  contre  les  Iroquois  ,  fans  néanmoins 
avoir  perdu  toute  efperance  d’accommode¬ 
ment  avec  ces  Barbares  ,  &  toujours  difpofé 
*  à  traiter  avec  eux  ,  s’il  le  pouvoit  faire  avec 
honneur.  Ainfi  ayant  été  informé  qu’ils 
etoient  fur  le  point  de  marcher  au  nombre 

K  ■»  P  •  ©  m  ^ 


de  quinze-cent  Hommes  contre  les  Miamis  &  les  Outaouais  ; 
quoiqu  ils  euûent  publie  qu’ils  n’en  vouloient  qu’aux  Illinois  , 
il  leur  envoya  un  Homme  de  confiance,  qui  arriva  au  grand 
Village  des  Onnontagués  ,  où  étoit  le  rendez-vous  des  Guer¬ 
riers  ,  la  veille  du  jour  ,  qu  ils  en  dévoient  partir  pour  fe  met¬ 
tre  en  campagne. 

Cet  Envoyé  fut  allez  bien  reçu  ,  &  n’eut  pas  beaucoup  de  Mauvalfc  foi 
peine  à  tirer  des  Iroquois  une  promeffe  de  fufpendre  FExpé-  des  Iroquois. 
dition  ,  &  d’envoier  quelques-uns  d’entr’eux  à  Montreal ,  pour 
y  traiter  avec  le  Général  ;  mais  on  reconnut  bientôt  qu’ils  n’a- 
voient  ainfi  parlé  ,  que  pour  endormir  les  François.  Ils  avoient 
affûté  que  leurs  Députés  feraient  à  Montreal  avant  la  fin  du 
inois  de  Juin.,  &  dès  le  mois  de  May  M.  de  la  Barre  eut  avis 

Ppp  ij 


i  6  8  3* 


M.  de  la  Bar¬ 
re  demande 
du  fecours  au 
Roy. 


Fierté  deslro 
cjuois  ;  intri- 
rrues  du  Gou 

O 

verneur  de  1 

Nouvelle 

York. 


484  HISTOIRE  GENERALE 

nue  fept  à  huit  cent  Hommes  des  Cantons  d’Onnontague.,  de 
Goyogouin&  d’Onneyouth  ,  étoient  en  marche  pour  a  1er 
attaquer  les  Hurons  ,  les  Miamis  ,  &  les  Outaouais  ;  &  que 
les  Tfonnonthouans  avec  quelques  Goyogouins  devoientlur  « 
la  fin  de  l’Eté  fe  répandre  par  Trouppes  dans  nos  Habita- 

U°Le  Général ,  en  donnant  part  au  Miniftre  de  cette  nouvelle , 
lui  manda  que  ce  projet  avoit  été  formé  M’mftigation  des  An- 
glois ,  qui  fe  fervoient  ,  pour  ces  négociations  de  François 
Transfuges  ,  dont  ils  favorifoient  la  defertion  ,  &  qu  ils  ven- 
doient  enfuite  en  qualité  d’Engagés  aux  Habitans  de  la  Ja¬ 
maïque  :  qu’autant  qu’il  pouvoir  juger  de  la  difpofition  pre- 
fente  des  Cantons  Iroquois  ,  il  falloir  fe  refoudre  a  abandon¬ 
ner  absolument  le  Canada  ,  ou  faire  un  effort  pour  détruire 
au  moins  les  Tfonnonthouans  &  les  Goyogouins ,  les  plus  ani¬ 
més  de  tous  contre  les  François ,  &  qui  pouvoient  alternent 
mettre  plus  de  deux  mille  Hommes  en  campagne  :  quil  e 
prioit  donc  d’engager  le  Roy  à  lui  envoyer  de  bonne  heure 
quatre  cent  Hommes ,  afin  qu’au  commencement  du  mois 
d’Août  ,  au  plus  tard  ,  il  pût  entrer  dans  le  Pays  Ennemi 
avec  des  forces  fuflifantes  pour  ranger  ces  Barbares  a  la  ra  - 
fon  :  mais  qu’il  croïoitnéceffaire  d’obtenir,  avant  toutes  choies, 
du  Duc  d’York  ,  à  qui  la  Nouvelle  York  appartenait ,  un 
ordre  pour  le  Gouverneur  de  cette  Province ,  de  ne  e  poin 

traverfer  dans  fon  Expédition.  .  ,  .  , 

Quelque  tems  après  le  départ  de  la  Barque  ,  qui  et°it  cha  - 

gée  de  cette  Lettre,  le  Gouverneur  Général  jugea  a  piopos 
de  faire  encore  une  tentative  auprès  des  Cantons. 
voya  demander  en  quel  tems  ils  comptoient  que  ... 

pûtes  fe  rendraient  à  Montréal  pour  dégager  la  paroie  ,  qu 
fui  avoient  donnée  ;  ils  répondirent  qu’ils  ne  fe  fouvenoient 
pas  de  lui  avoir  rien  promis ,  &  que  s’il  avoit  quelque  cho¬ 
ie  à  leur  faire  fçavoir  ,  il  pouvoir  les  venir  trouver  chez, 
eux.  Il  eut  en  même  tems.  des  preuves  certaines  que  les  n- 
plois  de  la  Nouvelle  York,  à  qui  le  Commerce  avec  les 
froauois  apportoit  depuis  quelques  années  des  pi ofits  con  1- 
dérables  ,  avoient  donné  à ‘ces  Sauvages  des  Marchandises a 
perte,  dans  le  deffein  de  nous  rendre  odieux  a  la  JNatioi  , 
en  lui  perfuadant  que  les  François  n’avoient  en  vue  que  de 
les  dépouiller  :  qu’ils  ne  ceffoient  point  de  les  exciter  a  ex- 
terminer  tous  les  Peuples,  avec  qui  nous  tanions  le  Commère  ? 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  485 

&  que  tout  fe  difpofoit  dans  les  Cantons  à  nous  déclarer  une 
guerre  irréconciliable. 

Dans  le  fond  ,  les  Iroquois  trouvoient  beaucoup  mieux 
leur  compte  avec  les  Anglois  &  les  Hollandois ,  qu’avec  les 
François ,  parce  que  le  Caffor  ne  payoit  point  de  Droits  dans 
la  Nouvelle  York,  &  que  le  Commerce  en  étoit  permis  à 
tous  les  Particuliers ,  par  conféquent  qu’il  y  avoit  plus  de  pro¬ 
fit  à  faire  pour  les  Acheteurs  ;  ce  qui  les  mettoit  en  état  de 
donner  leurs  Marchandées  à  plus  bas  prix.  Cependant  com¬ 
me  les  Cantons  ne  vouloient  employer  la  force  ouverte  qu’à 
l’extrémité,  &  qu’ils  craignoient  beaucoup  plus  les  François, 
qu’ils  ne  le  vouloient  paroître  ,  *des  Députés  des  cinq  Can¬ 
tons  arrivèrent  au  mois  d’Août  à  Montreal  ;  mais  ils  n’étoient 
chargés  que  de  faire  des  proteffations  vagues  d’un  attache¬ 
ment  fincere,  &  l’on  n’en  put  tirer  rien  de  plus. 

Bien  des  chofes  concouroient  à  rendre  cette  Ambaffade  fuf- 
pe£le  ,  &  les  moins  clair-voyans  étoient  convaincus  ,  que  les 
Cantons  ne  vouloient  que  gagner  du  tems  ,  pour  empêcher 
le  Général  de  fe  tenir  fur  fes  gardes.  En  effet  ils  11e  diffimu- 
loient  plus  le  deffein  ,  où  ils  étoient  de  faire  la  guerre  à  nos 
Alliés  ;  on  fçavoit  d’ailleurs  qu’un  de  leurs  Partis  s’étoit  ap¬ 
proché  du  Fort  de  Catarocouy  ,  réfolu  d’y  furprendre  la 
Garnifon  ,  &  de  fe  cantonner  dans  ce  Pofle.  Enfin  les  Mil¬ 
lionnaires  ,  qui  étoient  parmi  ces  Sauvages  ,  &  tous  ceux  , 
qui  connoiffoient  mieux  le  caraélere  de  la  Nation  ,  avertif- 
foient  M.  de  la  Barre  de  s’en  défier  ;  mais  il  n’eut  égard  ni 
aux  avis  des  uns  ,  ni  aux  remontrances  des  autres  ,  il  reçut 
très -bien  les  Députés  Iroquois ,  les  careffa  beaucoup  ,  &  les 
renvoya  comblés  de  préfens. 

Ce  qui  lui  fit  encore  plus  de  tort  dans  l’efprit  de  plufieurs , 
c’eft  qu’il  s’empara  du  Fort  de  Catarocouy  ,  qui  appartenoit 
à  M.  de  la  Sale  ,  ou  à  fes  Créanciers ,  &  de  celui  de  S.  Louys 
aux  Illinois  ,  où  il  envoya  M.  de  Baugy  ,  Lieutenant  de 
fes  Gardes ,  pour  y  commander  en  fon  nom.  Pour  comble  de 
malheurs  ,  il  fut  trompé  par  les  Iroquois  ,  &  ceux  ,  qui  le 
ménagèrent  le  plus ,  difoient  hautement  que  fon  grand  âge  le 
rendoit  crédule  ,  lorfqu’il  devoit  fe  défier  ,  timide  lorlqu’il 
falloit  entreprendre  ,  ombrageux  &  défiant  à  l’égard  de  ceux , 
qui  méritoient  fa  confiance,  &  qu’il  lui  ôtoit  la  vigueur  ne- 
ceffaire  pour  agir ,  comme  il  convenoit  dans  la  conjoncture , 
où  fe  trou  voit  la  Colonie. 


1683. 

Les  Iroquois 
amufent  le 
Général. 


4 


Conduite 
étrange  de  M. 
de  la  Barre, 


48S  histoire  generale 

T/'s ~ï~  Quoiqu’il  en  foit,  dans  le  tems  même  qu’il  fe  repofoit  avec 

Les  Iroqu'ois  plus  d’atfûrance  fur  les  protections  des  Iroquois  ,  une  Ar- 
piilent  des  Juée'de  ces  Sauvages  fe  mit  en  campagne  pour  aller  enlever 
Voyageurs.  le  Fort  de  Saint  Louys.  Ils  rencontrèrent  fur  leur  route  qua- 
torze  François  ,  qui  alloient  en  traite  chez  les  Illinois  ,  oc 
qui  voyageoient  (ans  défiance  ;  ils  les  chargèrent ,  les  défi¬ 
rent  ,  &  leur  enlevèrent  pour  quinze  mille  francs  de  Mar¬ 
chandées.  Ils  s’excuferent  dans  la  fuite  fur  ce  qu’ils  avoient 
pris  ces  Traiteurs  pour  des  Gens  de  M.  de  la  Sale  ,  que  M. 
de  la  Barre  leur  avoit  permis  de  piller  ,  ce  qui  netoit  pas 
fans  quelque  fondement.  Ceci  fe  pafla  le  dernier  jour  de  fé¬ 
vrier  de  l’année  1684.  Les  Itoquois  pourfuivirent  leur  route 
vers  la  Riviere  des  Illinois,  &  parurent  à  la  vûë  du  Fort  de 
Saint  Louys ,  où  ils  fe  perfuadoient  qu’011  ne  les  attendoit  pas. 
ih  font  rc-  Ils  fe  trompèrent  ;  le  fieur  de  Baugy  &  le  Chevalier  de 
fouiiés  du.  Tonti  avoient  été  avertis  de  leur  marche  ,  &  fe  tenoient  prêts 

s'  à  les  recevoir.  Ils  s’en  apperçurent  dès  la  première  attaque  , 

où  plufieurs  furent  tués  ,  &  le  vinthuit  de  Mars  iis  firent  ie- 
traite.  M.  de  la  Dürantaye  Gentilhomme  Breton  ,  &  qui 
avoit  été  Capitaine  dans  Carignan  ,  étoit  paru  de  Michilh- 
makinac  au  premier  bruit  de  leur  marche  ,  pour  aller  au  re¬ 
cours  de  la  Place  ;  mais  il  y  a  bien  de  l’apparence  qu’il  apprit 
en  chemin  la  levée  du  Siège ,  &  qu  il  retourna  fur  le  champ  a 
fou  Pofte  ,  d’où  nous  le  verrons  bientôt  fortir  pour  une  ex¬ 
pédition  plus  importante.  .  , 

M.de  la  Bai--  Cependant  M.  de  la  Barre  revint  enfin,  quoiquun  peu 
■rc  Le  réfout  à  tard  ,  de  fon  affoupiffement ,  &  ne  penfa  plus  qu  à  taire,  la 
k guerre.  rre-  „u;  fervjt  Je  plus  à  le  réveiller ,  fut  un  avis  ,  qu  on 

lui  donna,  que  tous  les  Cantons  faifoient  de  grands  prépara¬ 
tifs.,  &  avoient  envoyé  des  Ambafladeurs  aux  Sauvages  de  la 
Virginie  ,  pour  s’atfûrer  qu  ils  n  en  feroient  point  attaques  , 
tandis  ciu’ils  teroient  -occupes  contre  nous.  Cette  refolution 
prife ,  le*  Général  crut  qu’il  étoit  plus  aifé  &  moins  dangereux 
de  prévenir  ces  Barbares  ,  en  portant  la  guerre  chez  eux , 
que  de  les  chaflér  de  la  Colonie ,  s’ils  y  avoient  une  fois  nus 
le  pied.  Mais  comme  les  fecours ,  qu’il  avoit  reçûs  de  France  , 
étoient  très-peu  de  chofe  ,  &  que  ceux  ,  qu  on  lui  faifoit  el- 
perer  ,  ne  pouvoient  pas  arriver  fitôt ,  il  fut  oblige  d  avoir 

recours  aux  Sauvages  Alliés.  _  . 

M.  de  la  Dürantaye  ,  qui  commandoit  a  Michillimakinac  , 
.&  M.  du  Luth  fon  Lieutenant,  qui  étoit  à  la  Baye,  eurent 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XI.  487 

ordre  d’avertir  les  Nations  de  ces  quartiers -  là  qu’Ononthio 
alloit  marcher  pour  détruire  les  Iroquois  ;  qu’il  vouloir  com¬ 
mencer  par  les  Tfonnonthouans  ,  &  qu’il  les  invitoit  à  fe 
trouver  à  Niagara ,  où  il  fe  rendroit  vers  le  quinziéme  d’Août 
avec  toutes  fes  Forces.  La  plûpart  de  ces  Peuples  11’étoient 
gueres  moins  intereffes  que  les  François  à  la  deftruaion  des 
Iroquois  ,  qui  fembloient  vouloir  exercer  une  efpece  de  do¬ 
mination  fur  tout  ce  grand  Continent ,  &  fe  rendre  les  feuls 
Maîtres  du  Commerce  :  toutefois  MM.  de  la  Durantaye  & 

du  Luth  eurent  bien  de  la  peine  à  faire  les  levées ,  dont  ils 
étoient  chargés. 

Ceux  des  environs  de  la  Baye  fe  montrèrent  les  plus  dif¬ 
ficiles  ,  &  l’on  avoit  dû  s’y  attendre.  Il  y  avoit  eu  des  dé¬ 
mêlés  affez  vifs  entr  eux  &  les  François  ,  parce  que  M.  de 
la  Saie ,  pour  empêcher  que  perfonne  ne  fît  la  traite  dans*  les 
lieux,  qui  lui  étoient  réfervés,  avoit  ordonné  aux  Sauvages 
.JP*  er  Marchandées  de  quiconque  n’auroit  pas  com- 
miffion  de  lui ,  &  cet  ordre ,  qu’il  ne  convient  jamais  de  don¬ 
ner  à  ces  Barbares,  avoit  été  fur  le  point  d’allumer ‘une 
guerre  fanglante  entr’eux  &  nous.  Les  efprits  y  étoient  en¬ 
core.  un  peu  aigris  de  part  &  d’autre,  &  la  conjonaure  n’é- 
toit  nullement  favorable  pour  engager  ces  Nations  Occiden¬ 
tales  à  joindre  leurs  Forces  avec  les  nôtres  contre  l’Ennemi 
commun. 


1684. 


Il  engage 
avec  peine  nos 
Alliés  à  fe 
joindre  à  lui. 


Par  bonheur ,  Nicolas  Perrot ,  qui  n’étoit  pas  loin ,  vint 
au  iecours  du  Sieur  du  Luth.  Il  fit  comprendre  aux  Sauva¬ 
ges  qu’il  y  alloit  encore  plus  de  leur  intérêt,  que  de  celui  des 
rrançois  ,  d  exterminer  une  Nation  ,  qui  vo.uloit  faire  la  Loi 
a  toutes  les  autres,  &  dont  apres  tout  nous  n’avions  rien  à 
craindre  pour  nous-mêmes.  AinfiM.  de  la  Durantaye  fe  trou¬ 
va  bientôt  à  la  tête  de  cinq-cent  Guerriers  ,  Hurons  ,  Ou- 
taouais,  Outagamis#&  autres  Habitans  de  la  Baye  &  de 
deux-cent  Canadiens  ;  mais  ce  netoit  pas  tout  d’avoir  raffem- 
ble  tant  de  Monde ,  &  le  Commandant  n’eut  pas  peu  à  faire 
pour  venir  à  bout  de  conduire  ces  Troupes  auxiliaires  uif- 
qu  a  Niagara.  J 

La  pJûpart  des  Sauvages  fe  mirent  je  ne  fçai  comment  ,  Ccsà»,**, 
dans  la  tete  que  1  Expédition  ae  M.  ae  la  Barre  ne  feroit  pas  ffe rencontrent 
heureufe  ,  &  divers  accidens  ,  furvenus  pendant  la  marche  Point  M-deîa 
leur  avoient  entièrement  renverfé  l’efpnt  ;  de  forte  qu’ils  fu-  dl™,“ 
rent  cent  fois  fur  le  point  de  fe  débander.  Ce  fut  bien  pis  tîu’iIle“ravoiî 


marque. 


1685* 


Leur  mécon¬ 
tentement  à  la 
nouvelle  de  la 
paix. 


^  . 

M.  de  la  Bar¬ 
re  traite  avec 
le  Gouverneur 
de  la  Nouvel¬ 
le  York. 


00  HISTOIRE  GENERA  LE^ 

contrèrent  m  le  Gencid  ,  £s  “voit  t>r&  de  leur  Pays  , 

>  &/Ü^tnX.lieU  ^ 

craindre  J  ^P‘fe: qhTgnoroie^eux-mêmes  la  caufe  de 
ce  S— ^-t  dlbord  l’attribuer  aux  vents  con-  # 
traires ,  qui  depuis  quelque  tems  fctdkuen  tur  le 

fjsss:.  ;«  s  Ai  s%ss%* 

mais  Ononthio  ne  les  feroit  laifferoient  vuider  fes 

leur  conviendrez  de  le  laite  ,  &  qu  ils  J*  fçauroient 

différends  avec  les  Iroquois  ,  con  Soient  attaÇqués. 

bien  fe  détendre  fans  lui ,  quau< •  n’omirent  rien  pour  les 
La  Durantaye  ,  du  Luth  &  j-  errot  n  o  perfua- 

appaifer  ,  &  fe  datèrent  meme  ya  >  le  Traité  de  paix  , 
dant  qu’ils  n’avoient  point  ete  oublies  dans  Ijai te  .P  ^ 

qui  venoit  d’etre  conclu  ;  que  M  d>avoir  fur  fc* 

ouvrage  ,  puifqu  il  ny  q  ngafTer  les  Iroquois  a 

tranquille  meut  chez  eux.  1  nre~  fe  fuffent  paffées 

Mais  il  s’en  falloir  bien  que  le: s  chofes  le  U  oPfficiers 

auffi  honorablement  pour  ••  P  cèaènk  ayant  fait  fes  pré- 

paratifs  ,  par  s’affembler.  Pendant  fa  marche  il 

Troupes  avoient  01  die  de  1  j)onaan  Gouver- 

envoya  le  Sieur  Bourdon  au  Colonel  ^ °’iigvouloit  venger 
neur  de  la  Nouvelle  York,  pour  lui  dire  que,  s  .1  vouloir  b 


( 


1684. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  ,489 
le  fang  de  vint-fix  Anglois  du  Mariland  ,  qui  avoient  été  tués 
l’hyver  précédent  par  les  Tfonnonthouans  ,  il  pouvoir  fe 
joindre  à  lui  ;  mais  qu’au  moins  il  comptoir  affez  fur  les  pro¬ 
cédés  ,  qu’il  lui  avoit  faites  en  conféquence  des  ordres  du 
Duc  d’York,  pour  s’affûrer  qu’il  ne  traverferoit  en  aucune 
maniéré  une  Expédition  auffi  jufte  ,  que  celle  ,  qu’il  avoit 
entreprife  ;  qu’il  s’agiffoit  de  réprimer  une  Nation  infolente  , 
qui  n’épargneroit  pas  les  Anglois  ,  fi  elle  pouvoit  parvenir  à 
n’avoir  plus  rien  à  craindre  de  la  part  des  François. 

Cette  démarche  ne  fut  pas  généralement  approuvée  ,  plu- 
fieurs  appréhendant  que  cette  Négociation  ne  donnât  aux 
Iroquois  tout  le  tems  de  fe  fortifier  ,  &  ne  fournît  aux  An¬ 
glois  ,  dont  les  difpofitions  n’étoient  pas  équivoques  ,  les 
moyens  de  fecourir  ces  Barbares  ;  mais  il  paroît  qu’il  y  avoit 
un  peu  de  prévention  &  de  mauvaife  humeur  dans  cette  crain¬ 
te  ;  &  en  effet  nous  verrons  tout-à-l’heure  que  rien  ne  con¬ 
tribua  davantage  à  amener  les  Iroquois  à  un  accommode¬ 
ment  ,  que  cette  conduite  de  M.  de  la  Barre.  Mais  il  eft  f⬠
cheux  pour  un  Homme ,  qui  occupe  une  première  place ,  de 
s’être  fait  des  Ennemis  perfonnels  par  des  voyes  ,  qu’on  peut 
foupçonner  de  n’avoir  pas  pour  objet  le  bien  public  ,  &  de 
n’avoir  pas  fçu  fe  faire  effimer. 

Le  General  prit  encore  une  précaution  ,  qui  naturellement 
devoit  affûrer  le  fuccès  de  fon  entreprife  ,  ce  fut  de  divifer  les 
Cantons  ,  pour  n’avoir  pas  à  faire  à  tous  en  même  tems.  A 
cet  effet  il  envoya  des  Colliers  aux  Onnontagués  ,  aux  Ag- 
niers  &  aux  Onneyouths  pour  les  engager  à  demeurer  neu¬ 
tres  entre  lui  &  les  Tfonnonthouans  ,  qui  l’avoient  offenfé  , 

&  à  qui  feuls  il  en  vouloit.  Il  fit  enfuite  partir  le  Sieur  du 
Tast,  Capitaine,  avec  cinquante -fix  Soldats  d’Elite ,  pour 
porter  un  grand  Convoi  de  vivres  &  de  munitions  à  Cataro- 
couy,  &  pour  garder  ce  Poffe  ;  M.  ROrvilliers  ,  qui  y 
commandoit ,  ayant  eu  ordre  dès  le  commencement  du  prin- 
tems  d’aller  reconnoître  le  Pays  Ennemi ,  &  de  marquer  l’en¬ 
droit  le  plus  propre  pour  le  débarquement. 

D’Orvilliers  s’etoit  parfaitemement  bien  acquitté  de  fa  Com-  Etatdel’Ar- 
mifflon  ,  auffi  étoit-il  un  des  Officiers  de  la  Colonie  ,  fur  la  £ce  Françm' 
prudence  ,  le  génie ,  &  la  fermeté  duquel  les  Gouverneurs 
Généraux  de  la  Nouvelle  France  comptèrent  le  plus ,  tandis 
qu’ils  le  poffederent.  Tout  étant  ainfi  difpofé  ,  l’Armée  eut  or¬ 
dre  de  marcher.  Elle  étoit  compofée  de  fept-cent  Canadiens  3 
Tome  1.  Qqq 


Ses  prépara¬ 
tifs. 


i  6  84. 


Avis  ,  que 
M.  de  la  Barre 
reçoit  dans  la 
marche. 


Une  mauvaife 
manœuvre  du 
Colonel  Don- 
can  fauve  la 
Colonie. 


49o  HISTOIRE  GENERALE 

de  cent  trente  Soldats ,  &  de  deux-cent  Sauvages  ,  la  plupart 
Iroquois  du  Sault  Saint  Louis ,  &  Hurons  de  Loretta.  Elle 
fut  partagée  en  trois  Corps ,  &  le  General  partit  de  Québec 
le  neuvième  de  Juillet  à  la  tête  du  premier ,  ayant  avec  lui 
le  Baron  de  Bekancourt  ,  &  fon  Frere,  le  Chevalier  de 

Il  arriva  le  vint -unième  à  Montreal  ,  ou  les  deux  autres 
Corps  ,  commandés  par  MM.  d’Orvilliers  &  du  Gue  ,  le  joi¬ 
gnirent  peu  de  jours  après.  Toutes  les  Troupes  s  embarquè¬ 
rent  le  vint-fix ,  ou  le  vint-fept,  &  le  premier  dAotu  M.  de 
la  Barre  apprit  par  des  voyes ,  qui  ne  pouvoient  pas  etre  lui- 
pectes ,  que  les  Cantons  d’Onnontague  ,  d  Onneyouth  ,  G  de 
Goyogouin  avoient  obligé  celui  de  Tfonnonthouan  a  les  pren¬ 
dre  pour  Médiateurs  entre  lui  &  les  François  ,  &  deman- 
doient  le  Sieur  le  Moyne  pour  négocier  cette  importante  af> 

Le  Général  reçut  en  même  tems  une  Lettre  d’Unnonta- 
gué  ,  écrite  par  une  Perfonne  très-fûre  ,  qui  lui  mandoit  que 
la  guerre  ,  qu’on  fe  difpofoit  à  faire  aux  1  ionnonthouans ,  ne 
leur  feroit  pas  beaucoup  de  mal ,  quel  qu’en  fut  le  fucces ,  par¬ 
ce  que  ces  Sauvages  s’étoient  mis  en  lieu  de  furete  avec  tou¬ 
tes  leurs  provifions ,  &  quelle  n’auroit  point  d  autre  ertet  , 
que  de  réunir  toute  la  Nation  contre  nous  ;  manque  ,  ù  on 
vouloit  fe  contenter  d’une  fatisfachon  de  la  part  ae  ce  Can¬ 
ton  ,  on  l’y  trouveroit  difpofé  ;  les  Chefs  aiant  fait  dire  en  fecret 
à  celui ,  qui  écrivoit ,  que ,  fi  on  vouloir  oublier  le  paffe  ,  ils  te- 
roient  même  plus  qu’on  n’exigeroit  d’eux  ,  oc  qu  ils  cefferoient 
toute  hoftilite  contre  nos  Alliés:  qu’au  refte,  sds  faifoient  ces 
avances  ,  ce  n’étoit  pas  qu’ils  cruffent  avoir  rien  a  craindre  , 
puifque  le  Gouverneur  de  la  Nouvelle  York  leur  avoir  lait 
offrir  qtiatre-cent  Chevaux  ,  &  autant  d  Hommes  de  pied  , 

s’ils  vouloient  foûtenir  la  guerre. 

Il  ny  a  pourtant  aucun  lieu  de  douter  que ,  ù  le  Colonel 

Dongan  s’en  fût  tenu  à  ces  offres ,  elles  n’euffent  ete  accep¬ 
tées  ,  &  que  M.  de  la  Barre  ne  fe  fût  trouve  dans  un  tres- 
crand  embarras  ;  mais  il  voulut  faire  payer  trop  cher  le  e- 
cours  ,  qu’il  offroit ,  &  il  le  prit  fur  un  ton  trop  haut  avec 
une  Nation  fiere  ,  qui  n’a  jamais  aime  ,  ni  eft.me  les  Anglois. 
Ce  Gouverneur  avoir  commencé  par  faire  arborer  dans  tout 
le  Pays  Iroquois  les  Armes  du  Duc  d’York  :  il  envoya  en- 
fuite  défendre  aux  Cantons  de  la  part  de  ce  Prince,  qui! 


f 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XI.  49, 

qualifîoit  de  leur  Souverain  ,  de  traiter  fans  fa  participation  ' — ~r~~ — ■ 
avec  les  François.  Enfin  il  dépêcha  à  Onnontagué  un  nom-  1  ®  ^  4* 
nié  Arnaud  ,  avec  ordre  de  propofer  à  ce  Canton  ,  &  par 
Ton  entremife  aux  quatre  autres  ,  de  profiter  du  fecours ,  qu’il 
vouloit  bien  leur  donner  ,  pour  fe  délivrer  une  bonne  fois  de 
la  tyrannie  des  François. 

Cette  Commiffion  fut  auffi  mal  exécutée  ,  quelle  avoit  été 
donnée  avec  imprudence.  Arnaud  parla  en  Maître  aux  On- 
nontagues ,  &  leur  demanda  s’ils  ne  vouloient  pas  obéir  au 
Gouverneur  delà  Province  ,  qui  reprefentoit  le  Duc  d’York  , 
leur  Prince  légitimé  ?  Ce  début  choqua  les  Onnontagués  :  un 
de  leurs  Chefs  prit  fur  le  champ  le  Ciel  à  témoin  de  l’inju- 
re  ,  qui  etoit  faite  a  toute  la  Nation  ,  &  du  mauvais  procé¬ 
dé  de  l’Ambaffadeur  Anglois  ,  qui  vouloit  troubler  la  Terre. 

Il  lui  adrefîa  enfuite  la  parole  ,  &  d’un  ton ,  qui  devoit  lui 
faire  fentir fon  imprudence  ,  &  l’indignation  ,  quelle  avoit 
caufée  à  tous  les  A /Mans ,  il  lui  dit  : 

»  Apprens  que  l’Onnontagué  fe  met  entre  Ononthio  ,  fon  « 

Pere  ,  &  le  Tfonnonthouan  ,  fon  Frere  ,  pour  les  empêcher  de  « 
fe  battre.  J  aurois  cru  que  Corlar  ( a )  fe  mettroit  derrière  moi ,  « 

&  me  crieroit  :  Courage  ,  Onnontagué  ,  ne  fouffre  pas  que  le  « 

Pere  &  le  Fils  s  entretuent.  Je  fuis  très-furpris  que  fon  En-  « 
voyé  me  tienne  un  langage  tout  contraire,  &  s’oppofe  à  ce  « 
que  j’arrête  le  bras  de  l’un  &  de  l’autre.  Arnaud  „  je  ne  puis  « 
cioire  que  Corlar  ait  lefpnt  auffi  mal  fait  3  que  tu  le  dis.  « 
Ononthio  me  fait  bien  de  l’honneur  de  vouloir  travailler  à  u 
la  paix  dans  ma  Cabanne  :  veut-on  que  le  Fils  déshonore  4< 
fon  Pere?  Corlar,  écoute  ma  voix;  Ononthio  m’a  adopté  u 
pour  fon  Fils ,  il  m’a  traitté  à  Montreal ,  &  m’a  habillé  en  u 
cette  qualité  :  nous  y  avons  planté  l’arbre  de  la  paix  ,  &  nous  <# 

1  avons  auffi  plante  a  Onnontagué  ,  ou  mon  Pere  envoyé  or-  u 
dinairement  fes  Ambaffadeurs ,  parce  que  le  Tfonnonthouan  « 
na  point  d’efprit  ;  fes  Prédéceffeurs  en  ont  ufé  de  même,  &  “ 
chacun  s  en  efi  bien  trouve.  J  ai  deux  bras  ,  j’en  étens  un  fur  u 
Montreal ,  pour  y  apuïer  l’arbre  de  la  paix  ;  l’autre  eff  fur  la  « 
tête  de  Corlar ,  qui  depuis  lontems  eft  mon  Frere.  Ononthio  ** 
efl:  depuis  dix  ans  mon  Pere  ,  Corlar  eft  depuis  lontems  mon  « 

Frere ,  &  cela  parce  que  je  l’ai  bien  voulu  :  ni  l’un  ni  l’autre  “ 
n’eft  mon  Maître.  Celui ,  qui'  a  fait  le  Monde  ,  m’a  donné  la  “ 

(  a  )  J’ai  déjà  dit  que  les  Sauvages  appelaient  ainfi  le  Gouverneur  de  la  Nouvelle 

York. 

Qqq  îj 


HISTOIRE  g  EN E  R  A  LE 


1684. 


» 

»  que 


Extrémité,  où 
fc  trouve  M.. 
de  la  Barre. 


"  h  ’  qUe/°sC  de  mé  Jom.tnde^TVperfonne 

;  ^i^sssssst 

„  'ferer  plus  lontems  de  me  rendre  aupresde  mon  Pere  , >  P' 
qu’il  a  pris  la  peine  de  venir  jufqu  a  ma  poite  ,  ô.  qu 
?ue  des  jwopoutions  raiformables  a^me  faire^»  ^  ^  arriu 

vé^dans°ce  Canton  avantrKnvoyé  du^Gouvernevmde^la^Uju- 

& par«°rÿü^ft<ritrdmé' Çondugt  un  Tfon- 

M  T  Æ™  m  1."  -»  £  0““«r 

3ÏS  i  taïSi réTonnote  qu'il  1»  donne.  <ou,=  & 

d'Aoic  .V'q-V,™  È/f'ot 

S, on,  k  Moyne ,  uup* 

imnnoup  arrivèrent  a  la  cxaietic ,  .  ,  /  •  rr> 

du  Gouverneur  Général ,  ils  lui  apprirent  ce^isewtt  pa 
entre  Arnaud  &  les  Onnontagues &  les  difpoûtions  , 

étoient  ces  derniers  au  fujet  e  aLambêrviUeTqui  e^toit  fort 

izi  dr„:“ ës: , 1  «.  ço„v«r  »  *  >.  n»- 

velk  Y ork ,  pour  tinta.™  de  1»  condone  de  ion  Envoyé  , 
dont  ils  eraignoient  que  le  raport  ne  fut  pas  fidele. 

Ces  nouvelles  cauferent  d’autant  plus  de  ,oye  a  M  de  la 
Barre  que  les  maladies  ,  caufees  par  le  defau  ,  P  , 

de  fe  retirer?  fans  attendre  les  Députés  Iroquois  ,  ce  qui  e  t. 

Miniftre  que  les  vivres  n’auroient  pas  manque  a  lArmee  ,  li 
on  ,f  eût  pas  inutilement  perdu  fc  ou  douze  jours  a  Mont- 

Si  dr  k'Zr  conduite  du 

G4q““  .p»-.  -  tf  mv  dfkT,'r, 


U  fait  la  paix  On  ne  peut  en  tuti  'î  ,  j  i„  Rorre 

'ides  condi-  c]10fe  >d  redire  dans  les  mefures ,  que  pu  •  , 

“X  pour  faire  la  guerre  avec  dignité  ,  &  plus  encore  dans  la  ma 


^ _ ; 


1684. 


üE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XI.  493 

niere  ,  dont  la  paix  fut  conclue.  Non-feulement  on.  marqua  , 
pour  y  déterminer  les  Iroquois  ,  un  empreffement ,  dont  ces 
Barbares  ne  s’aperçurent  que  trop  ;  mais  on  fouffrit  qu’ils  la 
miffent  au  plus  haut  prix  ,  &  qu’ils  nous  donnaient  en  quel¬ 
que  façon  laloy.  Il  elt  vrai  que  l’état ,  où  les  Députés  des 
Cantons  trouvèrent  notre  Armée  ,  leur  fit  comprendre  d’a¬ 
bord  que  nous  n’étions  pas  en  pouvoir  de  faire  beaucoup  de 
mal  aux  Tfonnonthouans  ;  mais  il  n’étoit  pas  difficile  de  leur 
perfuader  que  nous  n’en  étions  pas  réduits  à  ce  qu’ils  voioient , 

&  il  falloit  le  faire.  Ils  rencontrèrent  M.  de  la  Barre  campé 
fur  le  bord  du  Lac  Ontario  ,  à  quatre  ou  cinq  lieues  en-deçà 
de  l’embouchure  de  leur  Riviere  du  côté- de  Montreal ,  dans  une 
Anfe  9  à  laquelle  l’extrême  difette  *  que  l’on  fouffroit  depuis 
quinze  jours  ,  a  fait  donner  le  nom  de  la  Famine . 

Garakonthié  &  Oureouati  ,  les  deux  principaux  Chefs  de 
la  Députation  ,  parlèrent  fort  bien  ,  &  s’ils  euffent  été  feuls , 
tout  fe  feroit  pafféà  la  fatisfaélion  du  Général  François  ;  mais 
le  Député  Tfonnonthouan  fit  un  Difcours  plein  d’arrogan¬ 
ce  ;  &  fur  la  propofition  ,  qui  lui  fut  faite  de  laiffer  les  Illi¬ 
nois  en  repos  ,  il  répondit  qu’il  ne  les  lâcheroit  point  ,  qu’un 
des  deux  Partis  n’eût  entièrement  détruit  l’autre.  Cette  info- 
lence  indigna  extrêmement  toute  l’Armée  ;  mais  on  fut  bien 
plus  furpris  encore  ,  quand  on  vit  M.  de  la  Barre  fe  conten¬ 
ter  de  lui  répliquer  ,  que  du  moins  il  prît  garde  qu’en  vou¬ 
lant  frapper  les  Illinois  ,  fa  hache  ne  tombât  fur  les  Fran¬ 
çois  ,  qui  demeuraient  avec  eux.  Il  le  promit ,  &  la  paix  fut 
conclue  à  cette  feule  condition.  Les  Députés  d’Onnontagué  fe 
rendirent  Garans  que  les  Tfonnonthouans  répareraient  le 
tort ,  que  leurs  Guerriers  avoient  fait  aux  François  ,  qu’ils 
avoient  pillés  en  allant  faire  la  guerre  aux  Illinois  ;  mais  on 
exigea  du  Général  que  fon  Armée  décamperait  dès  le  lende¬ 
main  ,  &  il  partit  lui-même  fur  le  champ  ,  après  avoir  donné 
fes  ordres  pour  l’exécution  de  ce  dernier  article. 

On  ne  s’étoit  point  attendu  à  la  Cour  que  cette  guerre  fini-  _ 

roit  fitôt ,  encore  moins  qu’elle  fe  terminerait  d’une  maniéré  Z,°^e  ^es 
Ü  peu  honnorable  à  la  Nation  ;  M.  de  la  Barre  étoit  à  peine  canada!' 
arrivé  à  Quebec  ,  qu’il  y  reçut  un  renfort  de  Troupes ,  qui 
l’aurait  pu  mettre  en  état  de  donner  la  Loi  à  ceux ,  de  qui  il 
venoit  de  la  recevoir.  Ces  Troupes  étoient  commandées  par 
Meilleurs  de  Montortier  &  Desnos  ,  Capitaines  de  Vaif- 
feaux ,  aufquels  quelques  Mémoires  joignent  un  troifiéme  ,  à 


le  Roy  en- 


en 


i  6  8  4« 


» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 


M.  de  Callie- 
res  eft  nommé 
Gouverneur 
de  Montreal , 
&  M.  Perrot 
pafle  au  Gou¬ 
vernement  de 
l’Acadie. 


494  HISTOIRE  generale 

fç  avoir  ,  M.  du  Rivau  ;  mais  la  Lettre  du  Roy  ,  quils  ren¬ 
dirent  au  Gouverneur  Général ,  n’en  parloit  point.  ,  . 

Cette  Lettre  portoit  que  l’intention  de  Sa  Majefte  etoit 
que  MM.  de  Montortier  &  Defnos  commandaffent  dans  les 
Polies  les  plus  avancés  &  les  plus  importais  de  la  Colonie , 

&  il  paroilioit  même  par  les  ternies  de  la  Lettre  ,  que  leur  au¬ 
torité  y  devoit  être  indépendante  de  M.  de  la  Barre  ;  ce  qui 
donna  lieu  aux  Ennemis  de  ce  Général  de  dire  que  ces  deux 
Officiers  étoient  des  Surveillans  ,  que  le  Roy  avoit  charges 
d’éclairer  fa  conduite  ;  mais  il  eft  bien  plus  naturel  de  croi¬ 
re  que  Sa  Majellé  le  croyant  engagé  dans  une  guerre  difficile, 
&  perfuadée  que  fon  grand  âge  ne  lui  permettoit  pas  de  le 
tranfporter  aifément  dans  tous  les  lieux  ,  où  la  prefence  d  un 
Officier  principal  feroit  nécelîaire  ,  les  lui  avoit  envoyés  com¬ 
me  des  Perfonnes  ,  fur  qui  il  pouvoir  fe  repofer  de  bien  des 

chofes.  ,  , 

La  Lettre  ,  dont  je  viens  de  parler ,  etoit  du  cinquième 

d’Août  ;  dans  une  autre  ,  dattée  du  dernier  de  Juillet  ,  le 
Roy  difoit  à  M.  de  la  Barre  :  »  Comme  il  importe  au  bien 
de  mon  Service  de  diminuer  ,  autant  qu’il  fe  pourra  ,  le  nom¬ 
bre  des  Iroquois  ,  &  que  d’ailleurs  ces  Sauvages  ,  qui  font 
forts  &  robultes  ,  ferviront  utilement  fur  mes  Galeres  ,  je 
veux  que  vous  faffiez  tout  ce  qui  fera  poffible  pour  en  faire 
un  grand  nombre  de  Prifonniers  de  guerre ,  &  que  vous  les 
faffiez  paffer  en  France  ».  Il  n’étoit  plus  queflion  dexecuter 
cet  ordre  ,  quand  M.  de  la  Barre  le  reçut  ;  mais  je  nelcaiü 
dans  la  fuite  il  fut  renouvelle  à  fon  Succeffeur  ,  ou  s  il  lui 
fervit  de  régie  ,  quand  la  guerre  recommença  avec  les  Iro¬ 
quois.  Nous  verrons  en  fon  te  ms  le  mauvais  effet ,  quilpro- 

duifit ,  quand  on  y  eut  déféré.  .  „  . 

Cette  même  année  la  Nouvelle  France  acquit  un  Officier 
d’un  grand  mérite,  &  qui  lui  a  rendu  les  fervices  les  p  us  im- 
portans,  M.  Perrot  Gouverneur  de  Montreal  s’etant  brouille 
avec  MM.  du  Séminaire  de  S.  Sulpice ,  lefquels  ,  ainfi  que 
je  l’ai  déjà  dit ,  avoient ,  en  qualité  de  Seigneurs  ,  le  droit  de 
préfenter  à  ce  Gouvernement  ,  le  Roy  ,  pour  le  bien  de  a 
paix  ,  lui  donna  celui  de  l’Acadie ,  &  nomma  pour  lui  uc- 
céder  le  Chevalier  de  Callieres  ,  ancien  Capitaine  au  lie- 
giment  de  Navarre.  'Les  limites  de  fon  Gouvernement  furent 
marquées  l’année  fui  vante  au  Lac  de  S.  Pierre. 

Cependant  on  ne  comptoit  pas  beaucoup  dans  la  Colonie 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  495 
fur  la  paix  ,  qui  avoit  été  conclue  à  l’Anfe  de  la  Famine.  Les 

T  •  A.  11 


Iroquôis  nous  y  avoient  vûs  dans  une  ïfituation  ,  qui  n’étoit  o„lL 
pas  fort  propre  à  leur  donner  une  grande  idée  de  notre  puif-  peu  fe'iTpaU 
iance  ;  d’ailleurs  ils  n’avoient  jamais  voulu  y  comprendre  nos  en  Canada- 
Alliés  3  quoiqu’ils  enflent  promis  de  ne  les  point  molefler. 

Ils  en  avoient  même  exclu  expreffément  les  Illinois  ,  &  nous 
avions  un  fi  grand  intérêt  à  la  confervation  de  ce  Peuple 
que  nous  ne  pouvions  nous  difpenfer  de  le  défendre  ,  au 
cas  qu’il  fût  attaqué  ,  ce  qu’on  ne  doutoit  point  qui  n’ar¬ 
rivât  bientôt.  Auffi  jugea  -  ton  que  les  derniers  fecours  ve¬ 
nus  de  France ,  quoiqu’arrivés  après  la  publication  de  la  paix  , 
n’étoient  rien  moins  qu’inutiles.  Toutefois  on  fut  près  d’une 
annee  entière  ,  fans  entendre  parler  des  Iroquois  ,  mais  vers 
la  fin  de  Juillet  de  l’année  fuivante  1685.  M.  delà  Barre  re¬ 
çut  deux  Lettres  du  P.  de  Lamberville  ,  Millionnaire  à  On- 
nontagué  ,  lefquelles  lui  donnèrent  beaucoup  à  penfer. 

Ce  Religieux  lui  mandoit  que  les  Tfonnonthouans  étoient  Di  vers  avis , 
refiés  chez  eux  tout  l’hyver ,  fans  aller  à  la  chaffe  ,  dans  la  qu’°rn  re^k 
crainte  que. les  François  ne  fe  jettafTent  dans  leur  Canton, 
s’ils  apprenoient  qu’il  fût  dégarni  d’Hommes  :  qu’ils  fe  plai- 
gnoiern  que  les  Mafcoutins  &  les  Miamis ,  fiers  de  la  prote- 
£Iion  déclarée  d’Ononthio  ,  leur  avoient  fait  la  guerre  ,  & 
avoient  pris  &  tué  quelques-uns  des  leurs  :  que  les  Mafcou¬ 
tins  avoient  même  brûlé  leurs  Prifonniers  ,  &  s  etoient  van¬ 
tés  qu'ils  l’avoient  fait  à  l’infligation  du  même  Gouverneur 
Général  :  que  les  cinq  Cantons  avoienrdepuis  peu  renouvellé 
leur  Alliance  ,  pour  fe  fortifier  ,  difoient-ils ,  contre  les  Fran¬ 
çois  ,  en  cas  de  rupture  :  que  les  Mahingans  leur  avoient  pro¬ 
mis  un  Lcours  de  douze  —  cent  Hommes ,  Sc  les  Anglois  un 
plus  confidérable  encore  ,  avec  toutes  fortes  d’armes  &r  de 
Munitions  :  qu’il  y  avoit  acluellement  plufieurs  Partis  d’Iro- 


quois  en  campagne  contre  les  Miamis  :  que  les  Tfonnon- 
thôuans  refufoient  de  livrer  les  mille  Caflors  ,  dont  on  étoit 


convenu  avec  eux  pour  le  premier  terme  du  payement  de  ce 
ou’ils  dévoient  aux  François  ,  pillés  fur  la  route  des  Illinois  , 
&  qu’ils  s’excufoient  de  ce  délai  fur  plufieurs  pertes  ,  qu’ils 
prétendoient  avoir  faites  depuis  peu  ,  tandis  qu’011  fçavoit 
qu’ils  portoient  plus  de  dix  mille  Caflors  à  Orange. 

Quanta  la  parole  ,  qu’ils  avoient  donnée  d’aller  trouver  le 
Gouverneur  Général  ,  pour  prendre  avec  lui  des  mefures 
convenables  à  la  fituation  des  affaires  ,  le  P.  Lamberville 


i  6  8  4* 


Général. 


,o6  HISTOIRE  generale 

mandoit  qu’ils  s’en  croyoient  abfolument  dégagés ,  i°.  par- 
«  q  e  es  Chemins  ét oient  mauvais  ,  z»  parce  quun  de 
feurs  Jeunes  Gens,  qui  retournoit  l’Eté  dernier  de Que- 
bec  ,  s’étant  imaginé  qu’on  vouloir  le  tuer  , ,  seto 
travers  des  Bois ,  où  il  étoit  mort  de  faim  ,  &  que  !“  J 
cois  oui ,  félon  eux  ,  étoient  caufe  de  fa  mort ,  ne  1  avoi  ^  , 
nlplèuré ,  ni  couve,’.  <«).  Enfin  ,ue  le,  Onnon.,™» 
voient  rien  négligé  pour  les  porter  a  tenir  leur  parole  ,  ma 
que  pour  "outlrlponfe  on  leur  avoit  dit  :  >,  Vous  devez  aller 
”  bientôt  à  Montreal  pour  vos  affaires  ,  faites  -  y  tout  ce  que 
”  vous  hieerez  à  propos,  &  vous  ne  ferez  point defavoues 
”  Façon  de  parler  ,  qui  parmi  les  Sauvages  n  eft  qu  un  pur  com- 

,  ,  D  Pli?nv  Wmf  qtfqueîqüeTjours  que  cette  Lettre  avoit  été 
nonviUe  arf-  rendue'  à  M.  d!  la  Barre  lorfque  le  Marqms  de  Denonviüe 
»  Pnt  terre  à  Quebec  avec  de  n  ife  Troupe^  ^  ^ 

fin  de  l’année  précédente  ,  c’eft-a-d.re  ,  immédiatement  a|>res 
le  retour  des  Vaiffeaux  ,  qui  avoient  porte  en  Canada  MM 

‘SSZt.  BÏÏS  U-gj 

avoit  faitPchoix  du  Marquis  deDenonville  £ota*lde  &  Va 
cr0ns  également  eftimable  par  fa  valeur  ,  • 

piété  ,  &  s’étoit  réfolu  à  faire  un  nouvel  effort  pour  le  me 

en  état  d  affûrer  la  tranquillité  du  Pays.  • 

M.  deDenonville  fe  donna  à  peine  quelques  jouis  de  re 
pos  ,  pour  fe  délaffer  d’une  navigation  ,  qui  avoit  ete  très 
mde  &  monta  auffitôt  à  Catarocouy.  Le  Sieur  de  la  Foret 
y  îvo.t  été  rétabli  par  ordre  de  la  Cour  ,  pour  y  comman¬ 
der  au  nom  de  M.  de  la  Sale  ;  mais  ayant  demande  la  per 
million  de  faire  un  voyage  aux  Illinois ,  ou  ,1  comptouque 
le  Sieur  de  la  Sale  ne  tardèrent  pas  a  le  lendie  ,  Y 

nas  déi a  arrivé  ;  M.  d’Orvilliers  avoit  été  de  nouveau  charge 
<le  h  earde  de  ce  Pofie.  Pendant  le  féjour,  pue  le  Gouver¬ 
neur  fîénéral  y  fit ,  il  apprit  qu’on  avoit  infp.re  auxlroquois 

(.)  C’eft-à-dite ,  qu’ils  navoient  point  fait  do  compliment ,  ni  de  ptéfensa  (a  Fa- 
mille.  UftÇ 


Il  croit  la 
«ruerre  nécef- 
laire  avec  les 
Iroquois. 


« 


« 


« 


« 

« 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  497 

«ne  grande  défiance  des  François ,  &  il  n’omit  rien  pour  les  j  ^  o 
raflurer  :  il  comprit  néanmoins  que  cette  Nation  étoit  montée 
fur  un  ton  d’infolence  ,  qu’il  falloit  nécefiairement  rabattre  , 

&  il  manda  au  Miniftre  que  les  hofiilités  ,  qu’elle  continuoit 
à  faire  fur  les  Illinois  ,  étoit  un  motif  fuffifant  pour  lui  faire  la 
guerre  ;  mais  qu’il  falloit  être  prêt ,  avant  que  de  la  déclarer  , 
parce  que  les  Sauvages  le  font  toujours. 

Il  y  a  quelque  apparence  qu’on  avoit  réitéré  à  ce  nouveau  En  quel  fax. 
Général  les  inftances  ,  fi  fouvent  faites  àfes  Prédéceffeurs  ,  de  11  trouve  la 
travailler  à  francifer  les  Peuples  de  ce  Continent,  ainfi  qu’011  eoonic- 
s’exprimoit  alors  ;  car  voici  ce  qu’il  écrivit  fur  ce  fujet  dans 
la  même  Lettre  ,  que  je  viens  de  citer.  »  On  a  cru  lontems 
qu’il  falloit  approcher  les  Sauvages  de  nous ,  pour  les  fran¬ 
cifer  ;  on  a  tout  lieu  de  reconnoître  qu’011  fe  trompoit.  Ceux  , 
qui  fe  font  approchés  de  nous ,  ne  fe  font  pas  rendus  Fran-  <c 
çois  ,  &  les  François  ,  qui  les  ont  hantés  ,  font  devenus  Sau-  « 
vages.  On  affeRe  de  fe  mettre  comme  eux ,  &  de  vivre  com-  « 
me  eux  :  il  n’en  eft  pas  de  même  des  Sauvages  affemblés  en 
Bourgades  au  milieu  de  la  Colonie.  Rien  n’efi:  mieux  réglé. 

Il  ajoûte  en  finifiant ,  qu’il  a  trouvé  la  Colonie  toute  ouver¬ 
te  ;  c’étoit  une  ancienne  plainte  ,  qui  fe  renouvelioit  toutes 
les  années  ,  &  toujours  inutilement. 

J’ai  déjà  obfervé  qu’en  défrichant  de  nouvelles  Terres  ,  on 
ne  fongeoit  qu’à  s’écarter  les  uns  des  autres  ,  afin  de  pouvoir 
s’étendre  davantage ,  fans  çonfidérer  que  par-là  on  fe  mettoit 
hors  de  portée  de  fe  fe  courir  mutuellement ,  &  qu’en  em- 
braffant  un  Pays  immenfe  ,  eu  égard  au  peu  de  Monde  ,  dont 
la  Colonie  étoit  compofée  ,  Perfonne  n’y  pouvoit  être  à  cou¬ 
vert  des  infultes  de  l’Ennemi  ;  mais  la  Cour  eut  beau  don¬ 
ner  des  ordres  pour  remedier  à  un  fi  grand  mal  ^  &  pour  ré¬ 
duire  les  Parodies  en  Bourgades  ,  il  ne  fut  jamais  pofiible  de 
les  faire  exécuter.  Chacun  craignoit  pour  le  Public  ,  &  Per¬ 
fonne  ne  craignoit  pour  foi  en  particulier.  L’expérience  mê¬ 
me  ne  rendoit  pas  plus  fages  ceux  ,  qui  avoient  été  les  vi£li- 
mes  de  leur  imprudence  :  on  réparoit  fes  pertes  ,  quand  on 
étoit  en  état  de  le  faire  ;  on  oublioit  bientôt  les  malheurs  , 
qui  ne  fe  pouvoient  pas  réparer ,  &  la  vue  d’un  petit  intérêt 
préfent  aveugloit  tout  le  monde  fur  l’avenir.  C’efi-là  le  vrai 
génie  des  Sauvages  ,  &  il  femble  qu’on  le  refpire  avec  Fair 
cle  leur  Pays. 

Les  connoiflançes ,  que  le  nouveau  Gouverneur  prit  des 
Tome  I.  R  r  r 


i  6  8  5  • 


Projet  d’un 
Port  a  Niaga 
ra. 

I  6  8  6. 


498  HISTOIRE  GENERALE 

affaires  du  Canada ,  aufquelles  il  s’appliqua  beaucoup  pen¬ 
dant  l’Hyver  ,  le  confirmèrent  dans  la  penfée  ,  que  nous  n  au¬ 
rions  jamais  les  Iroquois  pour  Amis  ,  &  que  pour  n  avoir  pa& 
toujours  fur  les  bras  un  Ennemi  incommode  &  dangereux  , 
il  falloit ,  à  quelque  prix  ,  que  ce  fut ,  le  détruire  ,  ou  du  moins 
l’humilier  &  Faffoiblir  de  forte  ,  qu’il  fût  contraint  de  recher¬ 
cher  notre  Alliance ,  &  de  s’y  maintenir.  Il  fut  fur  tout  per- 
fuade  qu’il  n’y  avoit  que  ce  ieul  moyen  de  foûtenir  le  com¬ 
merce,  qu’on  pouvoit  compter  de  voir  bientôt  réduit  a  rien  , 
poûr  peu  que  les  chofes  demeuraffent  dans  1  état  ,  ou  elles 
étoient  ,  &  que  les  feuls  Iroquois  arrêtoient  les  progrès  de 
l’Evangile  parmi  les  Sauvages  ;  ce  qui  touchoit  pour  le  moins 
autant  le  Marquis  de  Dénonville  ,  que  le  foin  de  confeiver 
la  Colonie. 

D’un  autre  côté  toute  l’Acadie  &  les  Cotes  voifines  etoient 
en  proye  aux  courfes  des  Anglais  ;  &  M.  de  Meules  ,  qui 
l’année  précédente  s’y  étoit  tranfpor té  pour  en  faire  la  vifi- 
te  ,  avoit  trouvé  ce  beau  Pays  ,  &  toutes  les  Habitations' 
Françoifes  dans  la  derniere  défolation.  Radiffon  etoit  aum 
toujours  à  la  tête  des  Anglois  dans  la  Baye  d’Hudfon  ,  &  il 
n’étoit  prefque  plus  pofîible  aux  François  de  trafiquer  dans  le 
Nord.  Enfin  le  commerce  n’étoit  guéres  plus  libre  à  1  Oueft  , 
depuis  que  les  Tfonnonthouans  avoient  attire  les  Anglois  a 
Niagara  ,  d’où  ceux-ci  par  le  moyen  des  Lacs  ,  dont  ils  nous 
coupoient  la  communication  ,  pouvoient  faire  des  courfes 
jufqu’à  Michillimakinac.  Ils  avoient  même  déjà  commence  a 
fe  montrer  aux  environs  de  ce  Polie ,  &  ils  travailloient  for¬ 
tement  par  le  moyen  des  Iroquois  à  nous  débaucher  les  Sau¬ 
vages  de  ces  Contrées  ,  qui  étoient  notre  plus  grande  renource 
par  raport  à  la  Traite  des  Pelleteries.  .  5/ 

Pour  garantir  la  Nouvelle  France  dun  malheur,  qui  ne- 
toit  pas  auffi  éloigné,  que  plufieurs  le  penfoient ,  leMaïquis 
-  de  Dénonville  propofa  au  Miniftre  par  fa  Lettre  du  huitiè¬ 
me  de  May  1686.  de  conllruire  à  Niagara  un  Fort  de  Pierres  ^ 
capable  de  contenir  quatre  à  cinq  cent  Hommes.  Il  lui  re- 
prefenta  que  ce  Pofte  ainfi  gardé  fermeroit  abfolument  aux 
Anglois  le  pafiage  des  Lacs  ,  &  nous  mettroit  en  état  d  em¬ 
pêcher  les  Iroquois  de  leur  porter  leurs  Pelleteries  ,  d  autant 
plus  que  par  le  moyen  du  Fort  de  Catarocouy  ,  où  1  on  pouvoit 
tenir  des  Barques  à  couvert  des  vents  pendant  lHyver  j  il 
feroit  aile  de  naviguer  librement  fur  le  Lac  Ontario ,  dont 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  499 
nous  commanderions  les  deux  extrémités  ,  &  que  ces  Sauvages 
dont  le  Pays  s  étend  le  long  de  ce  Lac ,  n’auroient  plus  aucune 
iliuè  pour  leur  C  halle  ,  qu  autant  que  nous  voudrions  bien 
leur  en  donner  ;  qu  alors  comme  ils  ne  peuvent  guéres  chaffer 
fur  leurs  Terres,  où  il  n’y  a  prefque  point  de  Bêtes  fauves, 
&  pas  un  Seul  Cafior  ,  ils  feraient  à  notre  difcretion  pour  la 
Traite  ;  ce  qui  ferait  pour  les  Anglois  une  perte  de  ouatre- 
cent  mille  francs  tous  les  ans ,  dont  nous  profiterions. 

De  plus  ,  ajoutoit-il ,  fi  nous  voulons  que  nos  Alliés  puif- 
fent  nous  fecounr ,  quand  nous  aurons  la  guerre  contre  les 
Iroquois  ,  il  efi  dune  neceiîlté  abfoluë  d’avoir  un  Pofte  ,  où 
ils  puiffent  s’affembler  ,  &  fe  réfugier  en  cas  de  difgrace  ’  ou 
de  mauvais  tems.  Enfin  il  ne  lui  paroifloit  pas  douteux  qu’une 
pareille  For  te  refie  ,  a  la  porte  des  Iroquois  ,  les  ti  endroit  en 
crainte  &  en  refpeR  ,  arrêterait  ce  grand  nombre  de  Déser¬ 
teurs  François  ,  qui  aboient  ordinairement  par-là  chez  les  An- 
glois ,  &  leui  fer  voient  enfuite  de  Guides  pour  reconnoître  les 
Pofies  avances  de  la  Colonie.  Outre  qu’on  viendrait  peut- 
être  à  bout  avec  le  tems  de  gagner  les  Iroquois  ,  en  leur  don¬ 
nant  lieu  de  mieux  consoitre  la  différence  de  nos  mœurs  d’a¬ 
vec  celles  des  Eiabitans  de  la  Nouvelle  York. 

Açrès  avoir  ainfi  montré  la  néceffité  de  cet  Etabliflement , 
le  Général ,  pour  prévenir  l’obje&ion  ,  qu’on  lui  pouvoit  faire 
par  rapoit  a  la  depenfe  ,  Suggéra  au  Miniftre  d’établir  une 
Ferme  ,  dont  le  fonds  feroit  le  commerce  exclufif  dans  ce 
Pofie  ,  qui  deviendrait,  bientôt  le  centre  de  tout  celui  du  Ca¬ 
nada.  Il  pietendoit  quavec  le  tems  cette  Ferme  produirait  au 
Roy  des  Sommes  tres-confiderables ,  &  qu  elle  ne  feroit  d’ail¬ 
leurs  aucun  tort  aux  Habitans  de  la  Nouvelle  France  ,  par¬ 
ce  que  toutes  les  Pelleteries ,  qu’on  traiterait  à  Niagara  3  ai- 
loient  aux  Anglois.  Au  refie  M.  de  Dénonville  n’étoit  pas  le 
leul ,  qui  penfàt  ainfi;  car  la  Compagnie  des  Marchands  de 
Quebec  pour  le  commerce  du  Nord  demandoit  avec  infian- 
ces  ce  parti  ,  s  engageant ,  fi  on  le  lui  accordoit ,  de  fournir 
les  Magafins  de  Niagara  de  toutes  les  marchandées  ,  qui  fe 
pouvoient  échanger  pour  les  Pelleteries  ,  de  prendre  le  Bail 
poui  neuf  ans  ,  N  de  payer  a  Sa  Majefié  pour  le  Privilège 
une  Somme  de  tiente  mille  livres  chaque  année.  Nous  verrons 
dans  peu  ce  qui  empêcha  l’exécution  de  ce  projet. 

Environ  un  mois  après  que  le  Général  eut  écrit  cette  Let¬ 
tre  ,  il  en  reçut  une  du  Colonel  Dongan  ,  dattée  du  vint- 

il  r  r  ij 


1686. 


Lettre  da 
Gouverneur 
delà  Nouvelle 


/ 


i  6  8  6. 

York  à  M. 
Dénonville* 


Rcponfe  de  ce 
Général. 


,oo  HISTOIRE  GENERALE- 

d»ux  de  May  ,  qui  portoit  en  fubftance  que  les  grands  amas 
de  vivres  ,  qui  fe  faifoient  à  Catarocouy  ,  perfuadoient  aux 
Iroquois  qu’on  avoir  deffein  de  leur  déclarer  la  guerre  5 j**8. 
ces  Peuples  étant  Sujets  de  la  Couronne  d  Angleterre  ,  les  a 
raquer  ,  ferait  une  infraftion  mamfefte  a  la  paix  ,  qui  etoit :t :  - 
tre  les  deux  Rois  ;  qu’il  avoir  auffi  appris  qu’on  avo, tdeflem 
de  conftruire  un  Fort  à  Niagara ,  &  que  cette  nouvelle  1  avoir 
d’autant  plus  étonné  ,  qu’on  ne  devoit  pas  ignoiei  ® 
da  que  tout  ce  Pays  étoit  de  la  dépendance  de  la  Nouvelle 

^  °La  Réponfe  de  M.  de  Dénonville  fe.  que  les  Iroquois 

craignoient  le  châtiment ,  parce  qu  ils  fe  ten  oi-i - ■  P 

blés  •  que  cependant  les  provifions ,  qu  il  avoir  envoyées  a 
Catarocouy  ,  n’avoient  pas  dû  les  ailarmer  :  qu  y  ayant  tou- 
jours une  greffe  Garnit  dans  ce  Pofte  &  les  occafions  de 
le  fournir  de  vivres  ,  ne  fe  trouvant  pas  aifement ,  il  eto 
ceffaire,  quand  elles  fe  préfentoient ,  u  en  pro  el’.P  F ,  . 
paffer  des  Convois  confidérables  :  qu’il  fe  pouvoir  bien  faire 
que  quelques  Transfuges  François  euffent  fait  naître ■ 
apuye  les  foupçons  des  Iroquois  ;  mais  que  les  à  Jouri A 
ces  Vagabonds  ne  méritoient  aucune  creance,  d  autant  plus 
qu’ils  avoient  un  véritable  intérêt  à  mettre  le  troub  e&  a  di- 
vifion  entre  les  deux  Colonies  :  que  1  Angleterre  etoit  mal  ton 
dée  dans  fes  prétentions  fur  le  Domaine  du  Pays  des  Ira  ^ 
quois,  &  qu’on  y  devoit  fçavoir  que  les  Franç  Nqu_ 

pris  poffeffion  ,  avant  qu  i!  y  eut  des  Ang  ois  . 

velle  York  :  qu’au  relie  les  deux  Rois  ,  leurs  Maîtres  ,  v 
vaut  dans  une  parfaite  intelligence  ,  .1  ne  convenoit  point 
leurs  Lieutenans  Généraux  de  la  vouloir  trou  eu 

Cette  démarche  du  Colonel  Dongan  n  avoir  rien  ,  qui foi 
furprendre  le  Marquis  de  Dénonville;  toute  la  conduite  d 
ce  Gouverneur ,  depuis  qu  il  etoit  en  place  ,  av  P 
les  François  qu’ils  le  trouveroient  toujours  en  leur  chen  , 
&  l’on  étoit  fort  inftruit  qu’il  ne  manquerait  aucune  occahon 
d’animer  les  Iroquois  contre  eux;  mais  on  ne  feavott  peut- 
être  pas  encore  tout  ce  qu’on  avoit  a  craindre  dunlid g 
reux  voilin  ,  que  toute  l’autorité  du  Duc  d  York  ,  de  qu. 

dépendoit  immédiatement ,  n’avoit  jama.spu engager  ,  depuis 

même  que  ce  Prince  étoit  monte  fur  le  Throne  ,  a  demeurer 
Speftateur  tranquille  de  tout  ce  qui  fe  paffoit  entre  nous  &  les 
Iroquois.  On  en  fut  enfin  éclairci  peu  de  tems  apies  p 
voye  ,  qui  ne  pouyoit  être  iuipetïe. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  501 
On  apprit  pendant  l’Eté  que  les  Iroquois  avoient  fait  une  ir- 


168^ 


O. 


ruption  dans  le  Saguinam  {a)  ,  &  y  avoient  attaqué  les  Ou-  Entreprîfe 
taouais  de  Michiiliniakinac  ,  qui  y  alloient  ordinairement  en  Colonel  Don- 
chaffe.  Le  P.  de  Lamberville  découvrit  à  Onnontagué  que  San* 
cette  hofbilité  étoit  le  fruit  d’une  Délibération  de  tous  les 
Cantons ,  dont  le  Colonel  Dongan  avoit  affemblé  les  Dépu¬ 
tés  à  Orange  ;  qu’il  les  avoit  avertis  que  le  nouveau  Général 
des  François  étoit  réfolu  de  leur  déclarer  la  guerre  ;  qu’il  les 
avoit  exhortés  à  le  prévenir  ,  à  piller  les  François  &  leurs  Al¬ 
liés  par  tout  ;  où  ils  les  rencontreroient ,  ajoutant  qu’ils  en  au¬ 
raient  bon  marché  ,  parce  qu’ils  les  trouveraient  fans  défiance  , 

&  qu’il  les  avoit  alluré  que  ,  quoiqu’il  en  arrivât ,  il  ne  les  aban¬ 
donnerait  point. 

Le  Millionnaire  avoit  été  averti  de  toutes  ces  menées  par 
des  Iroquois  Chrétiens ,  &  par  des  Idolâtres  mêmes ,  qui  Fai- 
moient  beaucoup  ;  il  n’avoit  pu  empêcher  l’Alfemblée  d’O- 
range  ;  mais  il  avoit  heureufement  travaillé  à  détourner  une 
partie  de  l’orage  ,  qui  s’y  étoit  formé  ,  &  après  avoir  tiré  pa¬ 
role  des  principaux  Chefs  du  Canton  d’Onnontagué  ,  qu’ils 
11e  confentiroient  jamais  à  aucune  entreprife  pendant  fonab- 
fence  ,  il  partit  pour  aller  informer  M.  de  Dénonville  de  tout 
ce  qu’il  fçavoit.  Dongan ,  qui  fut  bientôt  informé  de  fon  dé¬ 
part  ,  en  devina  le  motif,  &  ce  fut  alors  ,  qu’il  écrivit  au 
GénéralFrançois  la  Lettre  ,  dont  j’ai  parlé,  il  n’y  a  pas  lon- 
tems ,  &  qui  arriva  avant  le  P.  de  Lamberville. 

Il  envoya  en  même  tems  des  Exprès  à  tous  les  Cantons , 
pour  hâter  l’exécution  du  deffein  conçu  à  Orange  ,  &  il  fom- 
ma  celui  d’Onnontagué  de  lui  remettre  le  P.  Jacques  de  Lam¬ 
berville  ,  Frere  de  celui ,  qui  étoit  allé  à  Québec ,  &  qu’il 
avoit  laide  comme  en  otage  dans  ce  Canton.  Il  fît  plus  ,  il 
entreprit  de  nous  débaucher  les  Iroquois  Chrétiens  du  Sault 
S.  Louis ,  &  de  la  Montagne  :  il  leur  fît  dire  qu’il  leur  don¬ 
nerait  dans  fon  Gouvernement  un  Terrein,  où  ils  feraient 
beaucoup  mieux  ,  &  plus  en  fûreté  ,  que  dans  la  Colonie  Fran- 
çoife  ;  &  comme  il  n’ignoroit  pas  que  ce  qui  les  retenoit  fur- 
tout  dans  nos  intérêts  ,  c’étoit  la  crainte  de  perdre  leur  Re¬ 
ligion  parmi  les  Anglois  ,  il  leur  fit  donner  fur  cela  toutes 
les  affûrances  ,  qu’ils  pouvoient  fouhaiter  ,  ajoûtant  que  le 
Roy,  fon  Maitre  ,  &  lui-même  étoient  Catholiques  ,  &  qu’ils 
auraient  dans  la  Nouvelle  York  des  Miffionnaires  de  la  même 

{  a  )  Ceft  une  Anfe  fort  profonde  fur  la  Côte  Occidentale  du  Lac  Huron. 


^02  histoire  generale 

— ‘  p—  Religion.  Il  ne  gagna  pourtant  rien,  ni  du  côté  des  Iroquois 
1  6  8  6.  ^ ^retiens  ,  ni  auprès  des  Infidèles  mêmes  ,  &  le  Canton d’On- 

nontagué  refufa  de  lui  livrer  le  P.  de  Lamberville. 

.Les  Angiois  II  fut  plus  heureux  d’abord  à  Michillimakinac ,  où  depuis 
font  reçus  à  w  tems  tous  les  Sauvages ,  quon  avoit  raffemblés  au 

kinac|llima"  Sault  Sainte  Marie  ,  seraient  retirés.  Il  leur  envoya  des  Trai- 
tans  Angiois  ,  qui  eurent  grand  foin  de  faire  publier  d  avance 
qu’ils  donneraient  leurs  marchandises  à  beaucoup  meilleur 
compte  ,  que  ne  pou  voient  faire  les  François  ,  &c  ils  y  furent 
très-bien  reçus.  Ils  firent  leur  Traite  en  toute  liberté  ,  paice 
que  ,  par  malheur ,  M.  de  la  Durantaye  étoit  abfent.  Il  arriva 
prefqu’au  moment ,  qu’ils  venoient  de  partir  ,  &  il  vouloit 
faire  courir  après  eux  fur  le  champ  ;  mais  les  Hurons  le  pré¬ 
vinrent  ,  &  envoyèrent  aux  Angiois  une  Efcorte  ,  qui  les  con- 
duifit  jufqu’à  ce  qu’ils  euffent  rencontré  les  Tfonnonthouans  , 
qui  venoient  au  devant  deux. 

Rien  lierait  d’une  conféquence  plus  dangereufe  ,  que  ce 
commencement  de  commerce  entre  la  Nouvelle  York  ,&  les 
Peuples,  que  nous  avions  jufques- là  regardés  comme  nos 
plus  fidèles  Alliés.  Auffi  M.  de  Dénonville  crut -il  dès-lors 
qu’il  ne  falloir  plus  différer  de  faire  la  guerre  aux  Tfon¬ 
nonthouans  ,  qui  en  étoient  les  Entremetteurs  ;  mais  avant 
toutes  chofes  il  falloir  etre  en  état  de  faire  face  de  toute 
part ,  avoir  une  forte  Garnifon  à  Catarocouy  ,  envoyer  un 
Détachement  confidérable  par  la  Riviere  de  Sorel  du  côte 
des  Agniers  ,  pour  tenir  en  échec  ce  Canton  ,  &  donner  de 
lajaloufieau  Colonel  Dongan. 

rorces  de  la  II  n’étoit  pas  moins  néceffaire  d’avoir  des  Magafins  en  plu- 
Çolonie.  fieurs  endroits  ,  &  de  les  mettre  hors  d’infulte.  Pour  tout 
cela  ,  &  pour  compofer  l’Armée  ,  que  le  General  vouloir 
commander  en  Perfonne  ,  on  ne  pouvoir  tirer  de  la  Colo¬ 
nie  ,  que  huit  cent  Hommes ,  &  il  n.’y  avoit  pas  beaucoup  à 
compter  fur  les  Troupes  reglees  ,  qui  etoient  peu  aguenies , 
mal  armées  pour  la  plupart ,  &  n’avoient  nulle  çonnoiffance 
de  la  maniéré  de  faire  la  guerre  dans  le  Pays.  Ainfi  c  etoit  une 
nécefiité  de  diffimuler  jufqua  1  arrivée  du  fe cours  ,  quon  at-* 
tendoit  de  France  ;  &  il  ne  s  agiffoit  plus  que  de  chercher  des 
prétextes  ,  pour  couvrir  tant  de  préparatifs.  ;  ; 

Lc p.  ac  La  première  chofe  ,  à  quoi  penfa  le  Gouverneur  General, 
Lamberville  fut  à  renvoyer  le  P.  de  Lamberville  dans  la  Million  «  &  il  le 
uoàîobdf  chargea  de  préfens  pour  tous  ceux  des  Chefs  Onnontagués, 


DE  LANOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XI.  503 


^  ^  c  t  -  '  *  JL*  )  ^  J 

qu  il  y  avoit  plus  d’efperance  de  gagner ,  &  de  conferver  dans  TdSôT 
nos  interets.  Il  etoit  tems  que  ce  Millionnaire  arrivât  dans  commcnccr 
ce  Canton  ;  le  Gouverneur  de  la  Nouvelle  York  avoit  pro-  SŒ&. 
iite  de  Ion  abfence  pour  reveiller  dans  l’efprit  des  Sauvages  la 
crainte,  que  les  François  ne  vinffent  fondre  Fur  eux,  tandis 
ou  ils  y  peineraient  le  moins  :  il  leur  avoit  perfuadé  que  le 
1.  de  Lamberville  n  avoit  pas  voulu  fe  trouver  avec' eux 
quand  les  Troupes  de  fa  Nation  viendroient  porter  le  fer  & 
le  feu  dans^  leurs  Villages ,  &  qu’il  fe  donnerait  bien  de  arde 
dy  reparaître.  Enfin  il  avoit  fi  bien  négocié  ,  que  to5s  Fs 
Cantons  seraient  affemblés  ,  &  qu’une  partie  des  Guerriers 
etoit  déjà  en  marche  ?  lorfque  ce  Religieux  reparut  à  Gn- 
nontague.  1 

Sa  préfence  changea  en  un  moment  la  face  des  affaires  •  il 
parla  aux  Chefs  avec  cette  franchife  &  fes  maniérés  infinuan- 

teiS  5  aV°ient  8aSRé  reflime  &  raffeftion  de  ce  Peu- 

pie;  il  diffipa  prefque  tous  les  foupçons ,  qu’on  lui  avoit  in  fi 
pires  3  &  les  prefens  ,  qu’il  fçut  difpenfer  à  propos  ,  achevant 
ce  que  les  bonnes  façons  avoient  fi  heureufement  commencé 
les  Guerriers  furent  rappellés ,  &  on  ne  parla  plus  de  rom’ 
pre  avec  les  François.  Le  refie  de  l’Eté  fe  paffa  en  négocia¬ 
tions  ,  tantôt  pour  retirer  les  Prifonniers  ,  qu’on  avoir  faits 
de  part  6c  d  autre  ,  &  tantôt  pour  faire  reprendre  à  nos  Alliés 
des  fentimens  plus  conformes  à  leurs  véritables  intérêts.  Ceux 
qui  furent  chargés  de  ce  dernier  article  ,  y  réuffirent  de  telle 

i  uf-  ’  q,U1S  engagerent  les  Murons  &  les  Outaouais  de  Mi- 
chillimakmac  à  defeendre  jufqu’à  Catarocouy  ,  pour  y  con- 
.  ferer  avec  le  Gouverneur  Général» 

Vers  la  fin  de  Septembre  le  P.  de  Lamberville  revint  èn-  , . 

nF  anQlJtTC,VP°rr  7  r£ndr?  ComPte  au  Marquis  de  Dé- 
n]°.nvi\[e  Re  la  difpofition  ,  ou  fe  trouvoient  alors  les  Iroquois  :  Nation* 
il  lui  dit  que  les  feuls  Onnontagués  avoient  rendu  les  Prifon¬ 
niers  qu  ils  avoient  faits  fur  nos  Alliés  ,  &  que  les  Tfon- 
nonthouans  s  en  etoient  exeufés  ,  en  difant  que  leurs  Cat3tifs 
ne  youloient  pas  s’en  retourner  chez  eux.  Ce  raport  confir¬ 
ma  le  General  dans  la  penfée  ,  qu’on  per  doit  le  tems  à  traiter 
avec  cette  Nation.  Il  avoit  même  déjà  pris  fon  parti  ;  mais 
il  ne  voulut  pas  s’en  ouvrir  au  Miffionnaire  :  il  lui  laifla  feu¬ 
lement  entrevoir  qu’il  étoit  réfolu  de  pouffer  à  bout  les  Tfon- 
nonthouans. 

Ce  Pere,  dit-il,  dans  une  Lettre  ,  qu’il  écrivit  à  M.  du  « 


1 686. 


» 


» 

» 


_n,  HISTOIRE  generale 

c  •  P uv  &  nui  eft  datée  du  huitième  de  Novembre ,  »,  aime 

Ke'g  rono  cÎ  Sauvages  ,  quoiqu’il  foit  tous  les  jours  en  dan- 
beaucoup  ces  i.auvab  >  4  H  _  „-„lirno;ns  ,1  avoue  quil 


"N 


» 


» 

» 

» 


» 


Affaires  delà 
Bayte  d’Hud- 


fon. 


„  ps  3 

ÿiû  n“  ».  «  ™W«  £  “Slr'af  CoC 

„  venir  enfuite  ’  \ ;areffe  beaucoup  nos  Déferteurs  , 

„  Dongan.  Ce  Gouverneur  car  r  m0  -même  de 

:  dont  il  tire  de  ^"’fce^e  eVms’ en étapes  châtier.  J’ai 

»  les  mcnager,  jufqua  ceq  ordre  de  convoquer  tou- 

renvoyé  le  P.  de  Camnervin  le  Printems  pro¬ 
cès  les  Nations  Eoquo.fes  &  comme  il  eft  néceffaire 

„  chain,  pour  pailei  de  ’  les  pp.  Recollets,  Au- 

»,  d’y  avoir  un  l*J«*Pre“  f !  ^  1  s  !a  Langue,  &  que  tous 

»  mômers  de  5®. P° î Vexception  d’un  Fils  du  Sieur  le  Moyne  , 

:  font  des  Ignorans  f que  la guerre 
„  PP.  Recollets  de  lui  ladlel, la, ’dqre.  Le  P.  de  Lam- 
„  foit  finie  ,  avec  promefle  de  a;t  moins  de 

„  berville  doit  me  renvoyer  on  >  S  foait  pourtant - 

„  peine  à  fe  retirer  tout  feu.  Lejauvre^  ere  Ç  fapprens 

rien  de  nos  dehems &  parti  contre  les  Miamis , 

que  les  cinq  Cantons  to  :i°  ont  ruiné  un  Village  de  ceux- ■ 

&  les  Sauvages  de  la  Baye  :  ns  ont  ruine  un  b 

„  d;  mais  lesWeurs  -’f-^^hTlls  ont  fait  depuis 
»  battus  ;  ils  veulent  avoir  q  ne  gardent  plus  au- 

:  ?r«lrëir^5^nos  CaLs  par  tout,  * 

”  '^Tandis'que  ces  chofes  fe  ptogS&ta 
;lied  leS  ffiSTS  eAnngloisUregardoient  toujours  notre 
Etablmement  dans  la  Rmere  ^  Sa, ^^fonfor  ce  point  à 

ufurpation  ;  mais  on  av  f  Rois  étoient  convenus  que 

la  Cour  de  Londres ,  <x  .  £  au’ji  occupoit.  On 

chacun  demeureroit  en  p  y  ,  o  /tnccr;t(i  dans  les  deux  Cours  5 
agiffoitfans  doute lavée  ;  rfeft  ^  ffaç- 

mais  comme  en  Angle. ei  re  ,  jes  Délibérations  du 

cord  avec  le  Souverain ,  &  ne  regtmtepas  les  u  ü 

Confeil  comme  des fîf  ^^SRec  laCour  ;  c’eft  ce 
faut  prendre  fes  fuietes  ,  qua  ayons  vu  ce 

qu’on  n  avoir  pas  fongé  à  taire  jufques-la ,  w  nous  Qa 

auienétoit  arrivé. 


» 


» 


Dcjbrujhru  Sculfifît- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  joj 

On  a  fçu  depuis  que  le  Colonel  Dongan  ,  qui  pour  lors  ~  ■- 

exerçoit  par  intérim  i’Employ  de  Gouverneur  Général  dans  1 
la  Nouvelle  Angleterre  ,  avoit  eu  beaucoup  de  part  dans  la 
trahifon  ,  qui  nous  avoit  fait  perdre  le  Fort  de  la  Riviere  de 
Sainte  Therefe  ,  &  dont  le  Roy  Très-Chrétien  avoit  fait  faire 
inutilement  de  grandes  plaintes  au  Roy  de  la  Grande  Breta¬ 
gne  par  M.  de  Barillon  ,  fon  Ambafïadeur  auprès  de  ce 
Prince.  Charles  II.  défavoua  fes  Sujets  ;  mais  il  n’eut  pas  le 
crédit  de  faire  reflituer  à  fon  Allié  ce  qui  lui  avoit  été  en¬ 
levé  par  la  perfidie  d’un  Transfuge. 

D’autre  parties  Intéreffés  dans  la  Compagnie  du  Nord  ,  à  Onfedifpofc 
qui  le  Roy  avoit  concédé  le  Fort ,  dont  les  Anglois  s’étoient  “  chafler  les 
rendus  les  Maîtres  ,  ne  voyant  nulle  apparence  d’obtenir  de  Anglois.^  ** 
Sa  Majefté  des  forces  fuffifantes  pour  s’en  remettre  en  pofïef- 
lîon  ,  prirent  le  parti  d’en  faire  eux-mêmes  les  frais.  Ils  deman¬ 
dèrent  à  M.  de  Dénonville  des  Soldats  ,  &  un  Officier  pour 
les  commander  ;  &  ce  Général  leur  accorda  quatre-vint  Hom¬ 
mes  ,  prelque  tous  Canadiens  ,  &  pour  Commandant  le  Cheva¬ 
lier  de  Troye  ,  ancien  Capitaine  &  Homme  de  réfolution.  STE 
Helene  ,  d’Iberville  ,  &  Maricourt  ,  tous  trois  Fils  de 
M.  le  Moyne,  voulurent  être  de  la  partie  ;  cette  petite  Troupe 
fe  mit  en  marche  au  mois  de  Mars  de  cette  année  1 686. 
après  avoir  eiïuyé  bien  des  fatigues  ,  arriva  au  fond  de  la  Baye 
d’Hudfon  le  vi.ntiéme  de  Juin. 

Elle  entra  d’abord  en  a  Ri  on  ,  &  le  premier  Fort  ,  auquel  Succès  de  cette 
le  Chevalier  de  Troye  s’attacha  ,  fut  celui  de  Monjipi  dans  la  ExPédlU0a> 
Riviere  de  Monfoni.  11  étoit  bâti  de  pieux ,  &  avoit  quatre 
Radions  revêtus  de  terre.  Au  milieu  il  y  avoit  une  Maifon  de 
quarante  pieds  en  quarré  ,  &  d’autant  de  hauteur  ,  terminée 
en  plate  forme.  Ce  Fort  fut  d’abord  efcaladé ,  &  les  pieux 
coupés  avec  des  haches.  Le  feul  Canonnier  fe  mit  en  défen¬ 
de  ,  &  y  périt  en  Brave;  tous  les  autres  demandèrent  quar¬ 
tier,  de  on  les  reçut  Prifonniers  de  guerre.  Us  étoient  au 
nombre  de  feize  ,  &  ils  avoient  douze  Canons  de  huit  &  de 
fix  ,  trois  milliers  de  poudre  ,  &  dix  de  plomb. 

D’Iberville  s’embarqua  enfuite  avec  neuf  Hommes  dans 
deux  Canots  d’écorce  ,  &  alla  aborder  un  petit  Bâtiment , 
qui  étoit  à  l’ancre  ,  &  où  il  y  avoit  quatorze  Hommes  ,  le  Gé¬ 
néral  de  la  Baye  y  étoit  en  perfonne  ;  cependant  ils  firent  très* 
pen  de  réfi fiance  ,  &  fe  rendirent ,  fans  autre  condition  ,  que 
la  vie  fauve.  Sainte  Heleine  avoit  été  détaché  en  même  tems 

Tome  /.  $  s  s 


i  6  8  6. 


Projet  <Pun 
accord  pour 
le  Port  Nel¬ 
fon  jugé  im¬ 
praticable. 


,  hisTOIRE  GENERALE  ^ 

Ivec  cinquante  Hommes ,  &  ayant  auffi  rencontré  à  la  Côte 
un  Bâtiment,  mais  nui  n’étoit  point  garde,  il  s  y  «nbarcma 
avec  fa  Troupe ,  &  fit  voile  vers  le  Fort  Rupert ,  éloigné  de 
mùnze  à  vint  lieues  de  Monfipi ,  &  finie ,  ainfi  que  je  1  ai  de  a 
dit  fur  la  Riviere  Nemifcau.  Il  débarqua  fort  pres  se  la 
Place  fans  aucune  oppofition,  &  monta  auffitot  a  laffaut  ; 
'maTs  la  Garnifon  étonnée  de  cette  hardieffe  ,  ayant  demande 
miartier  &  mis  bas  les  armes ,  il  n’y  eut  perlonne  de  tue. 
?le  Fort’étoit  nouvellement  rebâti  ,  &  le  Canon  n  y  etoit  pas 

pnrore  monte  fur  les  tiffuts •  •  _  .  >  * 

Ames  cet'e  fécondé  conquête ,  tous  les  François  fe  reuni- 
remP  s’embarquèrent  fur  les  deux  prifes  de  dlberville  &  de 
Sainte  Helene  ,  &  tournèrent  vers  le  Fort  de  Quitchitchouen  , 
dont  la  réduâion  ne  leur  coûta  que  le  voyage  ,  de  la  pou¬ 
dre  &  des  boulets  de  canon.  La  Garnifon  s  y  laiffa  canon- 
ner  a&z  lontems ,  puis  elle  capitula.  Les  grands  Magafins  des 
A  "lois  étoient  dans  cette  Place,  &  furent  le  principal  fruit 
de  cette  Expédition  ,  qui  rendit  les  François  Maîtres  de  toute 
la  partie  Mlridionnàle  de  la  Baye  d’Hudlon.  On  n’y  trouva 
néanmoins  que  pour  cinquante  mille  ecus  de  Pelleteries,  ce  qui 
fit  iuger  que  les  Sauvages  n’y  venoient  pas  en  fort  grand  noffl- 
bri  ^ou  que  les  Anglois  ne  fçavoientpas  encore  traiter  avec 
ces  Peuples.  La  Garnifon  de  Quitchitchouen  fut  envoyée  au 
Pnri-  Nelfon  fur  un  Bâtiment ,  qu’on  lui  donna. 

P  II  paroît  par  quelques  Lettres  écrites  fur  la  fin  de  cette  an¬ 
née  Pque  l’on  fe  récria  fort  à  Londres  fur  cette  entrepnfe  ,  & 
ileft  certain  que  l’on  en  fit  un  crime  au  Roy  d’Angleterte  , 
à  qui  fes  Sujets  attribuoient  dès  lors  tout  ce  qui  leur  arrivent 
de  fâcheux.  Ce  qui  eft  encore  plus  étonnant  ,  ceft  que  les 
Mirfiftres  Plénipotentiaires  de  la  Reine  Anne  au  Congres 
d’Utrech  ,  demandèrent  àce  fujet  des  dedommagemens ,  quils 
faifoient  monter  fort  haut ,  comme  fi  nous  n  euffions  pas  ete 

nous-mêmes  en  droit  d’en  exiger  de  Plu*  con[lder,:J  f ,  aP°^ 
l’invafion  du  Fort  de  la  Riviere  de  Sainte  Therefe  ,  dont  la  pn- 
fe  des  trois  Forts  du  fond  de  la  Baye  n’étoit  quune  julle  re- 

F' Quelque  tems  après  l’Expédition  du  Chevalier  de  Troye, 
il  St  réglé  entre  les  deux  Rois  que  le  Port  Nelfon  demeu¬ 
reront  communaux  deux  Nations  ,  &  quelles  pourroien  y 
faire  le  commerce  en  toute  liberté  ;  mais  ce  projet  ,  qui  firp- 
pofoit  les  Sujets  auffi-bien  difpofés  que  leurs  Souverains  avivre 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  507 
en  bonne  intelligence  ,  fut  juge  impratiquable  par  tous  ceux  5  — p-r— 
qui  voyoient  les  chofes  de  plus  près.  Le  Marquis  de  Dénoir  1 
ville  reprefenta  donc  au  Roy  fon  Maître  ,  que  le  voifînage 
des  Anglois  dans  des  lieux  fi  éloignés  feroit  une  fource  conti¬ 
nuelle  d’hoflilités  réciproques  ,  &  un  appas  dangereux  pour 
quantité  de  Libertins  ,  que  le  moindre  fujet  de  mécontente- 
ment  porteroit  à  fe  réfugier  au  Port  Nelfon. 

Il  ajoûta  que  les  Marchands  Anglois  achetant  le  Caftor 
plus  cher  que  les  François  ,  ils  auroient  toujours  la  préféren¬ 
ce,  &  par  conféquent  feroient  feuls  prefque  tout  le  commer¬ 
ce  ;  qu’au  cas  qu’on  jugeât  à  propos  de  faire  un  accommode¬ 
ment  dans  la  Baye  d’Hudfon  entre  les  Sujets  des  deux  Cou¬ 
ronnes  ,  il  vaudrait  mieux  retirer  le  Port  Nelfon  des  mains 
des  Anglois ,  &  leur  reflituer  les  trois  Forts ,  qu’on  venoit 
de  prendre  fur  eux;  que  tous  les  trois  enfemble  ne  valoient 
pas  ,  à  beaucoup  près  ,  pour  le  commerce  ,  le  feul  Port  Nel¬ 
fon  ;  &  qu’à  la  première  rupture  il  feroit  fort  aifé  de  les  repren¬ 
dre  en  allant  par  Terre  ,  comme  avoit  fait  le  Chevalier  de 
Troye. 

Au  Prmtems  de  1  annee  fin  vante  le  Gouverneur  Général  Traité  de 
reçut  un  ordre  du  Roy  ,  qui  eût  été  plus  efficace  pour  ob-  ^eutra^t:é  cu¬ 
vier  à  tous  les  inconvéniens  ,  que  le  Général  vouloit  éviter,  gîois&Ye's 
&  pour  obliger  les  Iroquois  a  demeurer  tranquilles  ,  que  la  FranÇ°is  p°ue 
plus  heureufe  Expédition ,  fi.  les  Anglois,  qui  l’avoient Tolli-  rAmérique-  _ 
cité  ,  euffent  agi  de  bonne  foy  :  »  Ayant  été  informé  ,  difoit  "  1687. 
Sa  Majefié ,  par  M.  de  Barrillon  ,  mon  Ambaffadeur  Ex-  * 
traordinaire  auprès  du  Roy  d’Angleterre  ,  que  les  Minières  * 
de  Sa  Majefté  Britannique  lui  a  voient  propofé  un  Traité  de  " 
Neutralité  entre  mes  Sujets  &  les  Tiens  dans  les  Blés  &  Pays  * 
de  Teire  ferme  de  1  Amérique  ;  &  ayant  confideré  que  je  ne  (< 
pouvois  rien  faire  de  plus  avantageux  à  mefdits  Sujets ,  que  *  * 
de  leur  procurer  les  moyens  de  faire  leur  commerce  ,  de  cul-  <v 
tiver  leurs  Terres ,  &  de  faire  valoir  leurs  Habitations  fans  u 
interruption.  Jauiois  agréé  cette  propofition ,  Sc  aurois  en-  ** 
voye  audit  Sieur  de  Barrillon  les  pouvoirs  néceffaires  pour 
conclurre  ce  Traité  ,  qui  a  été  heureufement  terminé  le  trei-  « 
zieme  du  mois  de  Septembre  dernier  ;  je  vous  fais  cette  Lettre  4< 
pour  vous  dire  que  mon  intention  eft  que  vous  le  faffiez  pu-  « 
bîier  &  enregiftrer  au  Confeil  Souverain  de  Quebec  ,  que  « 
vous  teniez  exaâement  la  main  à  fon  exécution  ,  fans  vous  * 
en  départir  pour  quelque  raifon  que  ce  foit.  Et  comme  par  les  « 


1687. 


» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 


les  Âogîois 
y  contrevien¬ 
nent* 


le  Gouver¬ 
neur  Général 
fe  difpofe  à 
marcher  con- 
sre  les  Iro- 
suois. 


o  HISTOIRE  GENER  AL  E 

\  1  c  nnatorze  &  quinze  de  ce  Traité  on  eft  particulière- 

Articles  quat  q  ,  d  or£jres  aux  Gouverneurs 

iZnesbTcJs  pour  pouXivre  comme  Pirates  tous  les  Ar- 

vous  faffiez  procéder  co;ltre  e“|  T  •  é  pouvoit  être 

Tî  o  fl-  Vinrs  de  doute  cru  un  pareil  i  raite  ,  »  r  , 

Il  elt  hors  H  fero£  égaiement  avantageux  a  toutes 

|S^“i0M  on  dïE'S’5'il  Xrï.î?K?S“m“prâV' 

Wloisne  l’obferveroient  point ,  &  on  avo.t  tout  lieu  de 
Sent dans  h  Nouvelle  France,  &  ils  ne  tardèrent  pas  beau- 

"ai  »•  «' ™  ™  f  rït£ 

que  nous  nous  en e*  •  Jes  repouffa  avec  perte' ,  leur 

fecours ,  endevenoient  de  jour  en  jour  p  us  bénon- 

vr^u  i  S,p.„b«  de 

‘“cIgSu™ reçu  dès  1».  Mt  h.  fe- 
'  cours  qu’il  avoit  demandés  en  France  ,  puifqu  ayant  écrit  a 
M  de’Semnelay  le  fixiéme  de  Juin  de  cette  meme  annee , 
au’il  ne  pouvon  tirer  de  la  Colonie  pour  cette  guerre  que 

Sauvages  domiciliés  ;  mais  la  déclaration  de  guerre  fut  pre- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  509 

cédée  d’une  démarche ,  qu’il  n’eft  pas  fur  prenant  que  le  Roy 
eût  ordonnée ,  comme  nous  avons  vû  que  ce  Prince  avoit 
fait  dès  le  tems  même  de  M.  de  la  Barre  ;  mais  qu’on  ne  fçau- 
roit  pardonner  à  M.  de  Dénonville  d’avoir  entreprife ,  fans  en 
avoir  prévû  &  reprefenté  les  fuites  fâcheufes  :  encore  moins 
de  l’avoir  exécutée  d’une  maniéré  ,  qui  ne  pouvoit  pas  lui  avoir 
été  prefcrite. 

Le  projet  du  Roy  de  fortifier  les  Chiourmes  de  fes  Gale- 
res  de  tout  ce  qu’on  pouvoit  faire  de  Prifonniers  fur  les  Iro- 
quois  ,  n’avoit  rien  que  de  légitimé ,  après  les  trahifons  réi¬ 
térées  de  ce  Peuple  féroce  ,  lequel  avoit  prefque  toujours  re¬ 
tenu  les  François  ,  qui  avoient  eu  le  malheur  de  tomber  entre 
leurs  mains  ,  dans  une  captivité  beaucoup  plus  dure  que  celle 
de  nos  Galériens  ;  fans  parler  de  ceux  ,  qu’ils  avoient  fait  ex-- 
pirer  dans  les  plus  affreux  tourmens.  A  quoi  on  peut  ajoûter 
le  droit  de  conquête  dans  le  Canton  d’Agnier  fous  M.  de  Tra- 
cy  ,  &  les  prifes  de  poffeffion  faites  à  la  vue  des  Iroquois  mê-- 
mes ,  &  en  quelque  façon  de  leur  aveu  ;  mais  on  connoiÎToit 
peu  les  Sauvages ,  fi  on  s’imaginoit  qu’ils  prétendiffent  en¬ 
gager  leur  liberté  par  ce  cérémonial ,  &  quand  bien  même 
tout  cela  auroit  donné  droit  de  les  regarder  comme  Sujets  de 
la  Couronne  ,  ce  que  je  n’ai  garde  de  contefier  ,  il  me  paroît 

Sue  rien  ne  peut  juffifier  la  perfidie ,  dont  on  ufa  à  leur  égard. 

eft  certain  du  moins  que  le  Roy  ,  dans  l’ordre  ,  qu’il  donna 
à  M.  de  la  Barre  de  les  envoyer  aux  Galeres ,  ne  parla  que 
de  ceux  ,  qu’on  feroit  Prifonniers  de  guerre  ,  &  fuppofant 
toujours  qu’ils  étoient  des  Sujets  révoltés. 

Quoiqu’il  en  foit ,  M.  de  Dénonville  crut  qu’il  lui  étoit 
permis  cl’ufer  de  toutes  les  voyes  poffibles  pour  affoiblir  & 
pour  intimider  des  Barbares  ,  que  leurs  perfidies  ,  leurs 
cruautés  inouies  ,  &  toute  la  fuite  de  leur  procédé  rendoient 
indignes  qu’on  obfervât  à  leur  égard  les  régies  ordinai¬ 
res.  Sur  ce  principe  ,  &  ne  faifant  pas  affez  réfléxion  qu’il 
fe  devoit  à  lui- même  ce  qu’il  jugeoit  ne  devoir  pas  aux  Iro¬ 
quois  j  avant  que  de  leur  déclarer  la  guerre  ,  il  attira  fous 
différens  prétextes  plufieurs  de  leurs  principaux  Chefs  à  Ca- 
tarocouy  ,  &  quand  ils  y  furent  arrivés  ,  il  les  fit  enchaîner 
il  les  envoya  enfuite  fous  bonne  garde  à  Quebec  ,  avec  or¬ 
dre  au  Commandant  de  les  embarquer  fur  les  Navires  de  Fran¬ 
ce  ,  pour  être  conduits  aux  Galeres  :  en  quoi  on  ne  peut  dif- 
convenir  qu’il  fit  encore  plufieurs  fautes  ,  qu’on  ne  peut  exçu- 


1  6  8  7* 


On  fe  fai  fît 
par  furprife 
des  principauï' 
Chefs  Iro¬ 
quois  ,  &  on 
les  envoie  aus- 
Galeres. 


i  .6  8-7* 

Mauvais  effet 
de  cette  dé¬ 
marche. 


Captivité  du 
P.  Milet. 


.,0  histoire  generale 

fer  qu’en  difant  qu’il  ne  connoiffoit  pas  affez  les  Sauvages , 
&  oifilfe  livra  trop  à  de  mauvais  confeils. 

La  première  eft  ,  que  pour  faire  donner  dans  le  piege  les 
Chefs  lroquois  ,  il  fe  fervit  dé  deux  Millionnaires  qui  furent 
les  PP.  de  Lamberville  &  Milet ,  a  qui  il  avoir  fait  myftere 
de  fon  deffein  ,  &  il  ne  fit  pas  attention  que  par  -  la  il  s  expo- 
foit  à  décréditer  pour  toujours  le  Min.ftere  des  Ouvriers 
Evangéliques  dans  l’efpnt,  non-feulement  de  cette  Nation  , 
mais  encore  de  toutes  les  autres  de  ce  Continent.  Lafeconue,. 
qu’il  ne  pouvoir  éviter  de  punir  des  Innocens  avec  les  Cou¬ 
pables  ;  car  il  pouvoitbien  juger  que  ceux  ,  qui  fur  fa ^parole 
fe  rendraient  à  Catarocouy,  ne  feraient  pas  les  feuls  Auteurs, 
du  mal ,  comme  il  arriva  en  effet.  En  troifieme  lieu  ,  il  ne  pou¬ 
voir  pas  s’affûter  de.fubjuguer  entièrement  une  Nation  ,  qu  un 
coupF  d’un  fi  grand  éclat  devoir  naturellement  nous  rendre 
irréconciliable  ,  &  porter  aux  plus  grands  excès  de  fureur 
contre  nous.  Enfin  les  circonftances  de  cet  enlevement  eurent 
quelque  chofe  de  fort  odieux  ,  &  par  malheur  i  nen  relia 
que  cela.  M.  de  Dénonville  s’étoit  promis  d  humilier  ces  Sau¬ 
vages  ,  &  l’obligation  ,  où  l’on  fe  trouva  de  le  defavouer , 
les  rendit  plus  infolens  ,  il  les  aigrit  beaucoup  plus ,  quil  ne 
les  affoiblit ,  &  en  les  mettant  dans  la  neceffite  d  avoir  re¬ 
cours  aux  Anglois  pour  fe  venger  de  nous  ,  il  donna  a  ceux- 
ci  un  grand  avantage  pour  fe  les  attacher.^  , 

Def  deux  Miffionnaires  ,  dont  le  General  avoir  employé 
lentremife  pour  faire  donner  les  lroquois  dans  le  piege,  i  un, 
oui  fut  le  P.  Milet ,  tomba  peu  deterns  apres  entre  les  mains 
Ües  Onneyouths ,  qui  le  deftinerent  d’abord  au  feu 
firent  fouffrir  tous  les  maux ,  qui  ont  accoutume  de  fervir  de 

_ 1 1 . ,  j ~  a  fnnnlîre.  Il  en  fut  neanmoins  preferve,pref 


Conduite  gé- 
néreufe  Sc  no¬ 
ble  des  On- 
nontagués  par 
raport  au  P.  de 
lamberville. 


ta  ,  le  retira  dans  la  Cabanne  ,  oc  ie  iraiid  mcn. 

fion  d’en  parler  dans  la  fuite  ,  &  de  dire  de  quelle  maniéré  le 

Ciel  récompenfa  une  fi  belle  aRion. 

Pour  ce  qui  eft  du  P.  de  Lamberville ,  fur  le  fort  duquel 

M.  de  Dénonville  avoit  eu  avec  raifon  tant  d  inquielide  .  par¬ 
ce  qu’il  étoit  demeuré  entre  les  mains  des  Onnontagues  ,  il  dut 
fon Valut  &  fa  liberté  à  la  grande  eft.me  ,  j&  au  fincere  atta, 
chement ,  que  l’on  avoit  pour  lui  dans  ce  Canton.  A  ^pre¬ 
mière  nouvelle  ,  qu’on  y  reçut  de  ce  qui  venoit  de  fe  paffer  a 
Catarocouy ,  les  Anciens  le  firent  appeller  ,  &  apres  lui  avons 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  511 

èxpofé  le  fait  avec  toute  l’énergie  ,  dont  on  eft  capable  dans  le 
premier  mouvement  dune  indignation ,  qu’on  croit  jufte  ,  lorf-  ' 

qu’il  s’atten doit  à  éprouver  les  plus  funeftes  effets  de  la  fureur  , 
qu’il  voyoit  peinte  fur  tous  les  vifages ,  un  des  Anciens  lui 
parla  en  ces  termes  ,  que  nous  avons  appris  de  lui- même. 

»  On  ne  fçauroit  difconvenir  que  toutes  fortes  de  raifons  h 
ne  nous  autonfent  a  te  traiter  en  Ennemi  j  mais  nous  ne  pou-  M 
vous  nous  y  refoudre.  Nous  te  connoiffons  trop  ,  pour n’être  ^ 
pas  perfuadés  que  ton  cœur  n’a  point  eu  de  part  à  la  trahi-  « 
fon  ,  que  tu  nous  as  faite  ;  &  nous  ne  fommes  pas  affez  in-  « 
juftes  pour  te  punir  d’un  crime  ,  dont  nous  te  croyons  in-  « 
nocent ,  que  tu  dételles  fans  doute  autant  que  nous  ,  &  dont  « 
nous  fommes  convaincus  que  tu  es  au  défefpoir  d’avoir  été  « 
linftrument.  Il  n eff  pourtant  pas  a  propos  que  tu  relies  ici,  « 
tout  le  monde  ne  t’y  rendroit  peut-être  pas  la  jullice  ,  que  « 
nous  te  rendons  ,  &  quand  une  fois  notre  Jeuneffe  aura  chan-  « 
té  la  guerre  ,  elle  ne  verra  plus  en  toi  qu’un  Perfide  ,  qui  a  « 
livré  nos  Chefs  à  un  rude  &  indigne  efclavage  ,  &  elle  ne-  « 
coûtera  plus  que  fa  fureur  ,  a  laquelle  nous  ne  ferions  plus  les  « 

Maîtres  de  te  fouflraire.  Iis  firent  plus  ,  ils  l’obhgerent  à  partir  « 
fur  le  champ  ,  &  lui  donnèrent  des  Guides  ,  qui  le  conduilî- 
rent  par  des  routes  détournées  &  ne  le  quittèrent  point ,  que 
quand  il  fut  hors  de  tout  danger.  On  n’a  point  douté 
que  Garakonthié  n’ait  été  le  principal  Auteur  d’un  procédé  fi 
noble  ;  ce  Sauvage  étoit  attaché  de  cœur  au  P.  de  Lamber- 
ville  ,  &  la  tendreffe  ,  que  ce  Millionnaire  conferva  toujours 
pour  lui,  a  donne  tout  lieu  de  croire  qu’il  le  regardoit  comme 
fon  Libérateur. 

Tout  étoit  prêt  pour  commencer  la  guerre  ,  lorfque  M.  de  1%,,  *  b 
Denonville  le  deciara  de  la  maniéré «  que  nous  venons  de  CamPagne 
voir.  Ses  mefures  étoient  affez  bien  prifes ,  &  il  faut  conve-  rconÙl 
mr  que  ,  fi  le  fuccès  de  fon  Expédition  ne  répondit  pas  tout-  thouanT" 
a-fait  a  fes  efperances  ,  il  y  eut  plus  de  malheur ,  que  de  fa 
faute.  Rien  n’étoit  mieux  imaginé  que  le  plan  de  cette  Cam¬ 
pagne.  Le  Chevalier  de  Tond,  de  retour  d’un  voyage  -,  qu’il 
avoit  fait  a  l  embouchure  du  JVlicilîipi  3  pour  y  apprendre  des 
nouvelles  de  M.  de  la  Sale  ,  s  étant  trouve  à  Montreal  au  mois 
de  Juillet  de  l’année  précédente  ,  avoit  eu  ordre  de  repartir 
fur  le  champ  pour  fe  rendre  chez  les  Illinois ,  d’y  publier  la 
guerre ,  d’y  affembler  le  plus  qu’il  feroit  polfible  de  ces  Sau¬ 
vages,  de  les  conduire  au  mois  de  Juin  de  cette  année  dans 


\ 


1687. 


histoire  generale 

TÆ  Ç  “f  “S  t'Æ  iS«.  £5 

contre  les  Iroquois,  qui  leur  ^v01^[1  is  D^énonville  n’avoit 

nombre  «K  <«]«&. r« ,  pou, 

pas  manque  de  piohter  a  pourtant  pas  a 

les  engager  à  groffir  fon  Armee.  U  ne  ju^^p  ^ 

propos  de  leur  communiai  Ç  avoit  chargé  de  fe 

prier  de  fe  joindre  a  M.  du  1 Li 11  ’  5.é  duLae  Huron  ;  Pofte 

retrancher  à  la  tete  du  e  r  „  fâtct£  des  différens  Partis , 

ïœrÜinS  ks  Quartiers  du  Canada  au  ren- 

le  Micfffipi  ,  averUSnte  tec  rous  les  François  .  qui 

au  tems ,  qu  on  leur  matq  ^  voifinage  ,  à  la  referve  de 

néceffaire  de  Mer  »  «MgJ 

roit  bien  les  en  faire  repentir.  cofflmandoit  toujours  à 

Enfin  M.  de  la  Durantay  ,  H  r  vigilance,  fia  fer- 

Michillimakinac  ,  &  qui  par  fa  g  ’  pa|eaion  de  tous 
meté  &  fa  douceur  avoit  gagne  Ufti l“' ^e  de  raffembler 
les  Sauvages  ,  établis  dans  ce  Poite  ,&em  ^  ^  ,  Njaga_ 

tous  ces  divers  Coips  de  P  u arceier  l’Ennemi ,  en 

ra ,  d’y  bien  reconnoitre  le  ay  5  Y  ,  js  de  diftin- 
att’en/ant  l’Armée  ,  s’il  arrivon  avant  el  e  ma 
guer  les  Onnontagués  ,  &  de  fe  con item ter  ^  au. 

hiers  ,  tant  parce  qu  ils  s  eft01rf  V^Sanees^vec  les  deux  PP. 
très  Iroquois ,  que  pour  faire  des  echa  ^  ■  n’euffent 

*  ^  »™»<  1.  déclara, 

valrcr  de  Tomi  »Ç  P“*  P”  *J  oit  c0Sptd  ■  parce  qu'ili  au. 

ffi-  «»•»■  »  S 


DE  LÀ  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XI.  513 

venir  fondre  fur  leurs  Villages.  L’avis  étoit  vrai  ;  mais  ce  Parti 
ayant  ete  informe  par  un  Envoyé  du  Gouverneur  de  la  Nou¬ 
velle  York  que  les  François  étoient  fur  le  point  d’entrer  en 
armes  dans  leur  Canton  ,  fut  contraint  de  retourner  fur  fes 
pas.  Cependant  Tonti  fe  voyant  trop  peu  accomi  agné  pour 
executer  tout  ce  que  M.  de  Dénonville  lui  avoir  pré  cm  n’eut 
point  d’autre  paru  à  prendre  ,  que  d’aller  joindre  M.  du  Luth 
a  1  entree  du  Detroit. 

Ce  n  étoit  pas  non  plus  fans  de  grandes  peines  ,  qu’on  avoit 
pu  reioudre  la  plupart  des  autres  Sauvages  à  prendre  les  ar- 
mes.  pour  cette  Expédition.  Les  Hurons  &  les  Outaouais 
avaient  même  été  fur  le  point  de  faire  alliance  avec  les  Iro- 
cjuois  ,  &  quoique  MM.  de  la  Durantaye  &  du  Luth  ,  qui 
e  toi  eut  a  la  tete  d  un  affez  grand  nombre  de  François  les  tinf- 
ent  en  refpeêl  ,  fi  les  Millionnaires  n’eulfent  trouvé  le  le- 
cret  de  gagner  les  deux  principaux  Chefs  de  ces  Nations  • 
011  ne  douta  point  alors  quelles  ne  fe  fulfent  jointes  aux 
llonnonthouans  3  ou  quelles  ne  fulfent  demeurées  dans  l’inac¬ 
tion  ;  le  Gouverneur  Général  manda  au  Minière  que  ces 
Peres  avqient  en  cette  occafion  détourné  le  plus  grand  mal¬ 
heur  ,  qui  pût  arriver  à  la  Colonie.  Il  y  contribua  beaucoup 
lui-meme  ;  car  les  deux  Chefs  ,  dont  je  viens  de  parler  ,  étant 
venus  le  trouver ,  a  la  perfuafion  des  Millionnaires  ,  il  fçut 
par  fes  bonnes  maniérés  les  engager  dans  fes  intérêts.  S 

Tous  ces  arrangemens  étoient  pris,  &  en  partie  exécutés 
avant  la  déclaration  de  la  guerre  ,  fans  que  les  Iroquois  fuf- 
fent  inftruits  de  ce  qui  le  tramoit  contre  eux.  Les  premiers 
avis ,  qu’ils  en  reçurent  par  le  Colonel  Dongan  ,  ne  produi¬ 
sent  même  d’autre  effet ,  que  de  les  rendre  un  peu  plus  at¬ 
tentifs  à  nos  démarches  ;  encore  fe  tranquilliferent-ils  bientôt. 
Le  départ  du  P.  de  Lamberville  le  jeune ,  qui  avoit  été  colo¬ 
re  d  un  prétexte  plaufible  ,  ne  leur  avoit  point  décillé  les 
yeux  ,  &  la  prefence  de  laine,  qui  paroiffoit  fort  tranquille  , 
&  qui  ne  fe  doutoit  effeéiiv ement  de  rien  ,  les  raffûroit  abfi> 
luttent. 

Le  Gouverneur  de  la  Nouvelle  York  ne  celfoit  cependant 
de  mettre  tout  en  ufage  pour  les  reveiller  de  cet  afîoupiffe- 
ment ,  &  voyant  qu’il  n’en  pouvoir  venir  à  bout ,  il  tourna 
toutes  fes  vûës  du  côté  de  M.  de  Dénonville ,  qu’il  fe  data  de 
pouvoir  amufer  ;  mais  il  n’y  réuffit  point.  Enfin  ayant  fçu  que 

tous  les  François  &  les  Sauvages  étoient  fur  le  point  de  fe 
Tome  /.  J 1 1 


1  <387. 


Les  Million¬ 
naires  empê¬ 
chent  les  Hu¬ 
rons  &  les  Ou¬ 
taouais  de  fe 
joindre  aux 
Irocjuois. 


Ceux  -  cl 
s’endorment 
fur  nos  prépa¬ 
ratifs. 


Le  Colonel 
Dongan  les  re¬ 
veille  de  cet 
alïbupiflç- 


menc. 


i  6  87» 


L’Armée 
Françoife  fe 
met  en  mar¬ 
che* 


Lettre  du  Co¬ 
lonel  Don- 
çan  à  M.  de 
Dénon  ville. 


Réponfe  du 
Général. 


<14  HISTOIRE  generale 

mettre  en  marche  ,  il  en  fit  avertir  les  Iroquois  ,  qui  com¬ 
mencèrent  à  entrer  en  défiance  ;  ce  qui  ne  les  empecha  pour¬ 
tant  point  d’envoyer  leurs  Chefs  à  Catarocouy  ,  ou  ds  fe  flat- 
toient  d’intimider  le  Général ,  ou  de  1  engager  dans  quelque 
négociation ,  qui  leur  donnât  le  tems  de  le  prévenir. 

Mais  l’Armée  Françoife  étoit  déjà  campee  dans  la  peu  e 
Iûe  de  Sainte  Helene  ,  qui  eft  vis-à-vis  de  Montreal,  &  le 
feptiéme  de  Juin ,  M.  de  Champigni  Noroi  qui  1  annee  pre¬ 
cedente  avoit  fuccédéàM.  de  Meules  dans  1  Intendance  de  la 
Nouvelle  France  ,  s’y  rendit  avec  le  Chevalier  de  Vau- 
dreuil,  lequel  étoit  arrivé  depuis  peu  dans  la  Colonie  avec 
la  qualité  de  Commandant  des  Troupes.  Tout  etoit  prêt ,  & 
l’onzième ,  l’Armée  fe  mit  en  marche  fur  deux-cent  Bateaux , 

&  autant  de  Canots  Sauvages.  Elle  étoit  compofee  de  hu.t- 
cent  trente-deux  Hommes  des  Troupes  du  Roy  ,  duiviro 
mille  Canadiens  &  de  trois-cent  Sauvages. 

La  parfaite  intelligence  ,  qui  regnoit  entre  le  Gouverneur 
Général  &  le  nouvel  Intendant ,  &  qui  etoit  fondée  fur  la 
vertu  la  plus  vraye  ,  &  un  zélé  égal  dans  tous  les  deux  pour 
le  fervice  du  Roy  ,  avoit  répandu  ce  meme  concert  dans  tou: 
les  Corps ,  dont  cette  petite  Armee  etoit  formée  ,  &  y  t  - 
l'oit  regner  l’abondance.  M.  de  Champigny  1  accompagna  pen¬ 
dant  trois  jours,  au  bout  defquels  il  prit  le  devant  avec  un 
Détachement  de  trente  Hommes ,  dans  le  deflein  de  preve 
ti  bien  tout  ce  qui  pouvoit  arrêter  les  Troupes  a  Cataiocouy , 
quelles  ne  fuffent  pas  obligées  d’y  féjourner  lontems ;  mais  la 
vigilance  &  l’aftivité  de  M.  d’Orvilliers  y  avoient  pourvu, 
l’Intendant  ne  trouva  prefque  rien  à  faire.  , 

M.  de  Dénonville  le  iuivit  de  près,  &ceGeneiaI,  e.i  ar¬ 
rivant  à  Catarocouy  ,  reçut  une  Lettre  du  Colonel  Dongai  , 
écrite  à  peu  près  fur  le  même  ton,  que  ce  Gouvei  nevir  ayoi 
accoutumé  de  prendre  ,  lorfqu’il  s’agiffoit  des  Iroquois  ;  c  eft- 
à-dire  ,  qu’il  faifoit  de  grandes  plaintes  de  ce  que  les  François 
faifoient  la  guerre  aux  Sujets  du  Roy  d  Angleterre;  il  ajoutoi 
que  M.  de  la  Barre  n’avoit  pas  cru  devoir  s  engager  dans 
une  pareille  Expédition  ,  fans  lui  en  avoir  auparavant  donne 

^M.  de  Dénonville  lui  fit  réponfe  qu’ils  étoient  bien  loin  de 
compte,  s’il  regardoit  les  Iroquois  comme  des  Sujets  de  Sa 
Majefté  Britannique.  ;  &  quant  a  la  démarché  de  M.  de  la 
Barre ,  dont  il  prétendoit  s’apuyer  ,  il  lui  déclara  que  ce  ne 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL 

feroit  pas  pour  lui  un  exemple  à  fuivre.  11  parloit  avec  d’au- 
tant  plus  de  fermeté  ,  qu’il  venoit  d’apprendre  par  le  Sieur  de 
la  h  orêt  une  nouvelle  ,  qui  lui  démafquoit  parfaitement  le 
Gouverneur  de  la  Nouvelle  York.  Voici  dequoi  il  s  aeiflbit. 

M.  de  la  Durantaye  avoit  rencontré  fur  le  Lac  Huronfoi- 
xante  Anglois ,  partagés  en  deux  Troupes  ,  efcortés  par  des 
i  lonnonthouans  ,  conduits  par  un  Déferteur  François 
&  qui  portoient  des  marchandées  pour  traiter  à  Michillima- 
kmac;  Cela  étoit.  formellement  contre  les  conventions  faites 
entre  les  deux  Couronnes  ;  &  le  Colonel  Dongan  ne  l’igno- 
roit  pas.  Auffi  la  Durantaye  ne  balança-fil  point  à  attaquer 
ce  Convoi.  Tous  ceux  ,  qui  le  conduifoient ,  furent  pris, 
oc  leurs  marchandiles  difinbuees  aux  Sauvages.  Il  n’y  a 
POI!}£  de  doute  que  ,  fi  ces  Traiteurs  fuffent  arrivés  à  Mi- 
clullnnakmac ,  tandis  que  le  Commandant  étoit  abfent  ils 
neunent  de  nouveau  engagé  les  Sauvages  à  prendre  les  in¬ 
terets  des  iroquois  ,  ou  du  moins  à  demeurer  neutres.  On  eut 
meRîe  deu  de  croire  que  c  etoit  là  leur  principal  deffein. 

M.  de  la  Durantaye  ,  après  avoir  fi  heureufement  rompu 
leurs  meiures  ,  alla  joindre  MM.  du  Luth  &  de  Tonti  à  l’en- 
tree  du  Detroit,  &  fe  rendit  avec  eux  à  Niagara.  Ils  y  étoient 
a  peine  arrives  ,  que  le  Sieur  de  la  Forêt  leur  apporta  un  or¬ 
dre  du  Gouverneur  Général  de  fe  trouver  le  dix  à  la  Ri- 
viere  des  Sables  en-deçà  de  la  Baye  des  Tfonnonthouans  du 
cote  de  Catarocouy.  M.  de  Dénonviile  s’y  rendit  lui -même 
avec  toute  l’Armée  ,  &  par  un  hazard  ,  dont  les  Sauvages  ne 
manquèrent  point  de  tirer  un  heureux  préfage  ,  ils  y  entre¬ 
ront  tous  en  même  tems.  On  travailla  auffitot  à  faire  fur  le 
boid  du  Lac  un  peu  au-defius  de. la  Riviere  ,  un  Retran¬ 
chement  de  Paliüades  ,  pour  y  mettre  les  Magafins  ;  il  fut 
achevé  en  deux  jours  ,  &  M.  d’Orvilliers  y  rot  laide  avec 

quatre-cent  Hommes  pour  le  garder ,  &  pour  affûrer  les  der- 
neres  de  LArmee. 

Le  Général ,  avant  que  de  partir  de  là  ,  y  fit  paflèr  par  les 
armes  le  François ,  qui  avoit  fervi  de  Guide  aux  Anglois 
pour  aller  à  Michilhmakinac ,  &  qui  avoit  été  pris  en  com¬ 
battant  contre  le  fervice  de  fon  Prince.  Sur  quoi  le  Baron  de 
la  Hontan  s  ecrie  a  1  injuftice ,  parce  que  ,  dit-il ,  nous  avions 
alors  la  paix  avec  l’Angleterre  ,  &  que  les  Anglois  fe  pré- 
tendoient  les  Maîtres  des  Lacs.  Comme  fi  cette  prétention 
chimérique  ,  &  dont  je  ne  fçache  Perfonne  ,  qui  ait  jamais 

T  1 1  ij 


1687. 


Des  Anglois 
font  défaits 
dans  le  Lac 
Huron. 


Fort  des  Sa¬ 
bles. 


,l6  histoire  generale 

_ _  5  , ,  „11P  ret  Auteur  ,  rendoit  innocent  un  Transfuge ,  qui 

1  6  8  7-  Fe^voit  Iles  Etrangers  au  préjudice  de  fon  Souverain. 

Combat  con-  Du  Fort  des  Sables  l'Armée  prit  fon  chemm  P« ^  T- 
trclcsTfon-  res ,  &  le  treize,  après  avoir  pafie  deux  aemes  trc  & 
#onthouans.  eiie  arr;va  à  un  troifiéme  ,  ou  elle  fut  vigoureu 

tî  deliouvelles  Troupes  ;  &  cette  crainte V°  f  *  ! 

dans  un  lieu  défavantageux  ,  caufa  d  abord 

tordre.  Pluft.ur.  S«™»  ,  plu.  à 

îsæs 1  ioSrx  t*--  «.  - 

™K  de  toute.  para,  &  voyant  h  pante  top  «.égalé  ■  te 

"S.C' d^t,S-ény^o=^ 

d^feLeîreî  àPMmderSeCignela;  ,  dit  que  la  Nouvelle  France 
avoit  de  grandes  obligations  a  ce  Millionnaire ,  qu 

ir!“r  fa  WffîsÊ* 

commis’  premiers  furent  d'abord  mt.  en  pieees ,  &  manges 
par  les  Outaouais  ,  qui  firent  beaucoup  mieux  ]y[  Seigne- 
Morts ,  dit  M.  de  Dénonville  dans  fa  Lettre  a  M.  de  oe  g 
lav  ou’ils  ne  Favoient  faite  aux  Vivans.  # 

Vn^n  fut  Pas  de  même  des  Hurons ,  qui  étoient  venus  avec 
eux  ils  firem  très-bien  leur  devoir  ,  &  ceux  de  Lorette  ,  les 
Iroqùois  du  SaultS.Louis  &  de  la  Montagne £*£?££ 
Lefeul  Homme  de  marque  ,  qu  on  perd  dans  ce te  o  « 
fion,  fut  un  Capitaine  Agmer  (a)  ^  Sault  S^Lou 
m  b  la  Cendre  chaude  :  il  avoit  ete  un  des  Bourreaux  du  Jer 
j„  Rrebeuf  &  il  attribuoit  fa  converfion  aux  lucres  du 
Saim  Zf  II  avoit  fi  bien  réparé  fon  crime  ,  que  peu 

ta,  )  M.  de  la  Potherie  dit  qu'il  étoie  Oimeyouth  ;  mais  il  s’eü  trompe. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XI.  517 

de  Millionnaires  ont  gagné  à  Dieu  autant  d’infidèles  ,  que  lui.  1687. 
Les  Canadiens  fe  battirent  avec  leur  bravoure  ordinaire  ;  mais 
les  Soldats  fe  firent  peu  d’honneur  dans  toute  cette  campa¬ 
gne.  On  s’y  étoit  affez  attendu:  Que  peut-on  faire  avec  de  tels 
Gens  /  difoit  M.  de  Dénon  ville  ,  dans  une  autre  Lettre  au 
Miniftre. 

Le  quatorzième  ,  l’Armée  alla  camper  dans  un  des  quatre  Suites  de  ce 
grands  Villages  ,  qui  compofoient  le  Canton  des  Tfonnon-  combatv 
thouans ,  &  qui  étoit  éloigné  de  fept  ou  huit  lieues  du  Fort 
des  Sables.  Elle  n’y  trouva  Personne  5  &  il  fut  brûlé  ;  elle  pé* 
nétra  enfuite  plus  avant  dans  le  Pays ,  &  pendant  dix  jours  , 
quelle  mit  à  le  parcourir  ,  elle  ne  rencontra  pas  une  ame.  Le 
plus  grand  nombre  s’étoit  réfugié  chez  les  Goyogouins  ,  & 
l’on  a  fçu  depuis  que  pîufieurs  avoient  paffé  dans  la  Nou¬ 
velle  York-;  que  le  Colonel  Dongan  avoit  fourni  des  muni¬ 
tions  de  guerre  à  ceux ,  qui  avoient  attaqué  les  François  ,  8c 
que  le  Roy  d’Angleterre  ayant  envoyé  à  Manhatte  un  Inten- 
dant  pour  y  faire  exécuter  le  Traité  de  Neutralité  5  le  Gou¬ 
verneur  l’avoit  fait  rembarquer  fur  le  champ  ,  &  renvoyé  en 
Europe. 

Pour  revenir  à  notre  Armée  ,  les  dix  jours  ,  quelle  refia 
dans  le  Pays  Ennemi ,  furent  employés  à  le  ravager  ,  &  fur- 
tout  à  brûler  quatre-cent  mille  minots  de  bled.  On  y  tua  aufil 
un  nombre  prodigieux  de  Cochons  ,  qui  cauferent  bien  de  ma¬ 
ladies  ;  ce  qui  joint  à  la  fatigue  de  deux  jours  de  marche  dans  des 
chemins  affreux  fdc  à  la  crainte  ,  où  étoit  le  Général  ,  de  fe 
voir  abandonné  des  Sauvages  ,  qui  l’en  menaçoient  fans  ceffe  , 
l’obligea  de  borner  là  fes  Exploits.  Ainfi  ,  après  avoir  de  nou¬ 
veau  pris  poffeffion  du  Pays  ,  qu’il  venoit  de  conquérir  ,  il  fe 
raprocha  de  la  Riviere  de  Niagara. 

^  Il  eft  certain  que  M.  de  Dénonville  fit  tout  ce  qui  étoit  pof- 
fible  dans  les  circonftances  ,  où  il  fe  trouvoit  ,  pour  mettre 
une  bonne  fois  toute  la  Nation  hors  d’état  de  remuer  jamais  y 
qu’il  ne  s’épargna  en  rien ,  qu’il  fatigua  comme  le  fimple  Sol¬ 
dat ,  &  qu’il  fit  paroître  beaucoup  cf intrépidité  dans  l’a&ion , 
dont  je  viens  de  parler  :  que  les  T fonnonthouans  furent  véri¬ 
tablement  humiliés  ,  &  tous  les  Iroquois  détrompés  de  l’opi¬ 
nion  ,  où  ils  étoient ,  qu’avec  la  prote&ion  des  Anglois  ils 
n’avoient  rien  à  craindre  des  armes  Françoifes  ;  qu’ils  com¬ 
prirent  que  ,  fi  les  coups  ,  qu’on  leur  avoit  portés  ,  ne  les  ab¬ 
outirent  pas  entièrement  ,  &  leur  firent  même  affez  peu  de 


i  687* 


Tort  bâti  à 
Niagara  ,  Sc 
peu  de  tems 
après  aban¬ 
donné. 


Nouvelles  in¬ 
trigues  du  Co¬ 
lonel  Don- 
gan. 


5i8  histoire  generale 

mal  ils  en  étoient  redevables  à  des  accidens  ,  quon  na- 
voit  pas  dû  prévoir,  &  qu’ils  ne  dévoient  pas  s’expofer  lé¬ 
gèrement  aux  mêmes  rifques,  qu’ils  venoient  de  courir  ;  mais 
après  tout  la  Colonie  n’en  a  retiré  aucune  utilité. 

Le  Gouverneur  Général  avoit  toujours  extrêmement  à  cœur 
de  conffruire  un  Fort  à  Niagara ,  &  l’occafion  d’exécuter  ce 
deffein  étoit  trop  belle  ,  pour  la  manquer.  Le  Fort  fut  bâti , 
&  le  Chevalier  de  Troye  y  fut  laiffé  avec  cent  Hommes  pour 
le  garder.  Nos  Alliés  en  témoignèrent  beaucoup  de  joye ,  oc 
la  fuite  fera  voir  que  l’on  n’auroit  dû  rien  négliger  pour  con- 
ferver  ce  Polie  ,  malgré  les  difficultés  ,  qui  s’y  rencontrèrent  ; 
mais  la  maladie  s’étant  mife  bientôt  après  dans  la  Garniion  , 
qui  y  périt  toute  entière  ,  on  attribua  ce  malheur  a  1  air  du 
Pais.  Il  y  a  cependant  bien  de  l’apparence  qu’il  fut  uniquement 
caufé  par  les  vivres ,  qui  étoient  gâtés  ;  quoiqu’il  en  loit ,  cette 
importante  Place  fut  peu  de  tems  après  abandonnée  5c  ruinee  , 
au  grand  regret  de  M.  de  Dénonvilie  (a). 


Un  Iroquois 
du  Saule  S. 
Louis  travail¬ 
le  utilement 
pour  la  Reli¬ 
gion  &  pour  la 
Colonie. 


Cependant  le  Gouverneur  de  la  Nouvelle  York  fuivoit 
toujours  fon  plan  ,  qui  confiftoit  à  tâcher  de  nous  débaucher 
nos  Alliés ,  de  s’attirer  tout  le  commerce  du  Canada  ,  5c  de 
nous  rendre  les  Iroquois  irréconciliables.  Il  fit  déclarer  aux 
Cantons  qu’il  ne  vouloit  plus  qu’ils  allaient  à  Catarocouy  , 
ni  qu’ils  euffent  d’autres  Millionnaires  ,  que  de  fon  choix  :  il 
les  engagea  même  à  renvoyer  aux  Hurons  &  aux  Outaouais 
de  Miçhillimakinaç  tous  les  Prifonniers ,  qu’ils  avoient  faits 
fur  eux  :  il  fit  dire  de  nouveau  aux  Iroquois  lu  Saint  5.  Louis 
&  de  la  Montagne  ,  que  s’ils  vouloient  le  rapprocher  de  ui , 
il  leur  donneroit  des  Jefuites  Anglois  pour  Millionnaires ,  5c 
un  T  errein  beaucoup  plus  avantageux,  que  celui,  qu 1  s  oc 
cupoient.  Enfin  il  manda  au  Marquis  de  Dénonvilie  que  ,  s  il 
continuoit  à  molefier  les  Iroquois  ,  il  ne  pourroit  le  diipenler 

de  les  fecourir  à  force  ouverte. 

Le  Général  fe  moçqua  de  fes  Menaces ,  &  ne  voyant  plus 
aucune  apparence  de  réduire  les  Iroquois  par  la  force  des 
armes  ,  il  mit  toute  fon  application  à  les  divifer.  il  navoit 
encore  pu  pénétrer  en  quelle  difpofition  etoit  le  Canton  d  Ag- 
nier  :  un  des  Chefs  du  Sault  S.  Louis  ,  qui  étoit  de  ce  Can¬ 
ton  ,  &  qu’on  appelloit  dans  la  Colonie  ïe  Grand  Agmer , 
s’offrit  d’y  aller  lui  fixiéme  ,  &  promit  d’en  raporter  des  nou- 

(æ)  On  y  a  depuis  quelques  années  I  tans  s’y  (ont  établis ,  &  petfonne  ne  s  y 
confirme  un  nouveau  Tort  ?  plufîeurs  Habi-  l  plaint  de  1  intempene  e  air. 


N 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XI.  o9 

velles  certaines.  Son  offre  fut  acceptée,  &  comme  il  traver-  - 

loit  le  Lac  Champlain  ,  il  rencontra  un  Parti  de  foixante  1  6  8  7- 
Agniers ,  que  le  Colonel  Dongan  avoit  envoyé  pour  faire 
des  Plafonniers.  Il  les  aborda  fans  crainte  ,  leur  déclara  qu’O- 
nonthio  ne  vouloit  point  leur  faire  la  guerre  ,  &  leur  parla 
avec  tant  de  force  ,  qu’il  leur  perfuada  de  s’en  retourner  chez 
eux.  Il  leur  prêcha  même  -Jésus-Christ  d’une  maniéré,  oui 

les  toucha  beaucoup  ,  &  il  en  amena  quatre  au  Sault  Saint 
Louis. 

Il  envoya  enfuite  fon  Neveu  avec  un  autre  Sauvage  aux 
Cantons  dOnneyouth  &  d’Onnontagué  pour  leur  donner  les 
memes  affurances ,  qu’il  venoit  de  donner  à  fes  Compatrio¬ 
tes  ;  &  le  grand  crédit ,  que  fon  mérite  &  fa  vertu  lui  avoient 
acquis  ,  loutenu  des  bons  fervices  de  Garakonthié  ,  qui  arrê- 
toit  toutes  les  réfolutions  violentes  dans  fon  Canton  ,  furent 
pour  quelque  tems  une  puiffante  digue  ,  que  tous  les’  efforts 
du  Couverneur  de  la  Nouvelle  York  ne  purent  forcer  :  à 
quoi  fervit  auffi  beaucoup  la  crainte  d’un  traitement  pareil  à 
celui ,  que  le  Canton  de  Tfonnonthouan  venoit  d’éprouver, 
^affaires  étoient  toujours  fur  le  même  pied  dans  la  Baye  Bc'ie  a*- 
d  Hudfon  ;  mais  il  s’y  était  paffé  l’automne  précédente  une  dedêux  F«n- 
attion  trop  linguliere ,  pour  ne  pas  trouver  place  dans  cette  lois  ^ 
Hiïiouy:  jelai  tiree  d’une  Lettre  du  Marquis  de  Dénonvil-  foT 
leUqUImeu  ^  reÇU.k  nouvelle  àfon  retour  de  Niagara. 

j*/  i  CrV1  e?  qiïl  commandoit  ^ujours  dans  les  f  orts  du 
tond  de  la  Baye,  ayant  eu  avis  qu’un  Navire  d’Angleterre 
étoit  dans  les  glaces  près  de  Charlejlon  petit  Fort  bâti  de¬ 
puis  peu  par  les  Anglois  à  fix  lieues  de  Sainte  Anne  ,  envoya 
quatre  Hommes  pour  le  reconnoître.  Un  des  quatre  tomba 
malade  lur  la  route  ,  &  fut  contraint  de  retourner  fur  fes  pas  • 
les  trois  autres  ne  furent  pas  apparemment  alfez  fur  leurs  gar- 
des  ;  ris  Ce  laifferent  furprendre  par  l’Equipage  du  Navire. 

Lorfqu  ds  s  y  attendoient  le  moins  ,  oh  fit  fur  eux  une  déchar¬ 
ge  de  f  ufils  ,  qui  ne  blefla  pourtant  Perfonne  :  ils  voulurent 
fuir,  on  les ;  pourfuivit  ;  un  d’eux  fe  fauva  :  les  deux  autres 
furent  pris  &  lies  ;  on  les  embarqua  fur  le  Navire  ,  &  on  les 
enferma  dans  le  fond  de  calle. 

Le_tems  propre  à  la  navigation  étant  venu  ,  &  le  Patron 
du  Navire  s’étant  noyé  en  courant  fur  des  glaces  ,  dont  une  * 
ie  calU  fous  fes  pieds  ;  l’Equipage  ,  qui  étoit  réduit  à  fix  Hom¬ 
mes  ,  fe  trouva  trop  foible  pour  manœuvrer  ,  délia  un  de  fes 


! 


il 


ï  68  7' 


«lo  HISTOIRE  generale 

Prisonniers  ,  &  choifit  celui- des  deux,  qui  leur  parut  moins 
réfolu  ;  mais  il  fe  trompa.  Un  jour  que  quatre  Anglois  etoient 
nrrimés  fur  les  vergues  à  quelque  manœuvre  ,  le  r ,  ançois  ne 
vovant  auprès  de  lui  que  deux  Matelots ,  prit  une  hache, 
fam  qu’ds ‘In  aperçurent ,  &  leur  caffa  la  tête  ;  .1  courut 
luffitôt  délier  fon  Camarade  &  tous  deux  s  étant  armes  de 
toutes  pièces ,  obligèrent  les  Angiois  a /  A’n  *  .&  ils 

fermèrent.  Ils  prirent  enfuite  la  route  de  Sainte  Anne , ,« 
n’avoient  pas  encore  fait  beaucoup  de  chemin  ,  loriqu  ils  ren 

contrèrent^ M.  d’Iberville ,  lequel  ayant  aPPr^  leuï 
tion  venoit  pour  les  reprendre  ,  ou  les  venger.  Le  ba 
ment  qu’ils  conduifoient ,  étoit  giffe*  richement  charge  ,  & 
bien  pourvû  de  marcbnndifes  ,  qui  vinrent  fort  a  propos 
pour  ravitailler  le  Fort  de  Sainte  Anne  ,  &  pour  remplir  fes 

'agaiins. 


K 


wrete  ifS  falloir  bien  qu’on  eût d’auffi  bonnes  nouvelles .  k 
Angiois  fur  mander  en  Cour  de  l’Acadie  &  des  environs.  On  continuoit 
‘'Acadiç'  à  laiffer  ces  Provinces  Méridionales  du  Canac  a  ^  al* 

fecours,  &  les  Angiois  manquo.ent  tarement  es  occaùons 

S  c,PV.S.  te  1.  Régiment  de  Ç.rign»  ,  = 

s’v  loper  après  l’avoir  un  peu  repare  ;  mais-  quelque  tems 
2rèsgîe  Gouverneur  Génlral  de  la  Nouvelle  Angleterre 
l’envoya  fommer  d’en  fortir  ,  prétendant  que  tout  le  Pays  ) 
qu’à  l’Ifle  de  Sainte  Croix  ,  étoit  de  fon  Gouvernement, 

XSi  m“  Dén°3e”po«r  fe  pl.indrjd. 

<^^isÿtr^sssex 

gences  dans  le  Pays.  Au  refte  l’abandon  ,  ou  on  laiffoit  ces 
lelles  Provinces  ,  etoit  d’autant  plus  furprenant ,  que  les  an¬ 
nées  précédentes  la  Courfembloit  avoir  fort  a  cœur  d  enti 
tons  les  avantages  ,  quelles  pouvoient  procurer  a  la  fcraqce. 
Avis  de  M.  de  j  »  j  jit  qUe  M?  de  Meules  en  avoitfait  la  vifite  fur  la  finde  ÏW* 
Meules  fur  ce  ,  ^  x  r  rptniir  àOuebec  il  avoit  mande  au  Mmiftrp 

~  gv  srsK  w  *  «** 

pour  çe  Pays.  ^  v  *  '  Americjue , 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  521 

Amérique  ,  étoit  celui  de  l’Acadie.  Il  écrivit  en  même  tems 
au  Roy  que  la  Nouvelle  France  ne  pouvoit  fe  foûtenir  par 
fes  feules  forces  en  l’état ,  où  elle  étoit  ,  &  que  le  commerce 
des  Pelleteries  ne  fuffifoit  pas  pour  la  faire  fubfifter  :  que  c’é- 
toit  bien  dommage  ,  les  Colons  y  étant  propres  à  tout  :  qu’à 
la  vérité  ,  fi  nous  avions  toutes  les  Pelleteries  du  Canada  ,  ce 
feroit  un  objet  confidérable  ;  mais  qu’il  n’y  falloit  pas  compter, 
tant  qu’il  y  auroit  des  Iroquois  dans  le  Pays  ,  &  des  An- 
glois  dans  leur  voifinage. 

Qu’il  n’en  étoit  pas  de  même  de  l’Acadie  ,  que  rien  n’em- 
pêchoit  qu’on  n’y  établît  des  Pêches  ;  mais  que  pour  le  pou¬ 
voir  faire  avec  fureté ,  il  étoit  néceffaire  de  peupler  &  de 
fortifier  le  Port  Royal  ,  8c  de  bâtir  un  bon  Fort  à  Penta- 
goët ,  pour  fervir  de  barrière  à  l’Acadie  contre  les  Anglois  : 
que ,  fi  avec  cela  on  pouvoit  faire  quelque  dépenfe  au  Port 
de  la  Héve  ,  dans  l’Ifle  de  Cap  Breton  ,  dans  l’Ille  Percée  ,  8c 
fortifier  Plaifance  en  Terre-Neuve  ,  où  le  Sieur  Parât  qui 
y  commandoit ,  étoit  trop  foible  pour  fe  défendre  ,  s’il  étoit 
attaqué  ,  la  France  feroit  feule  Maîtrefle  de  la  Morue  ;  mais 
qu’il  étoit  à  propos  que  Sa  Majefié  fît  toutes  les  avances  ,  8c 
ne  mît  pas  ütôt  la  Pêche  en  parti  :  qu’en  lailfant  faire  quel¬ 
que  profit  à  ceux ,  qui  Fentreprendroient  ,  elle  feroit  bientôt 
dédommagée  de  fes  frais.  Il  ajoûtoit  qu’ayant  fait  le  dé¬ 
nombrement  de  tout  ce  qui  dépendoit  du  Gouvernement.de 
l’Acadie ,  il  n’y  avoit  pas  trouvé  neuf-cent  Perfonnes. 

Sur  la  fin  de  l’Eté  il  y  eut  ui>e  grande  mortalité  en  Cana¬ 
da,  &  ce  fut  principalement  ce  qui  empêcha  M.  de  Dénon- 
ville  d’exécuter  le  projet  ,  qu’il  avoit  formé,  d’une  fécondé 
Expédition  contre  les  Tfonnonthouans  ;  outre  qu’il  pouvoit 
moins  que  jamais  compter  fur  les  Sauvages  des  Quartiers 
Occidentaux  ,  particulièrement  fur  les  Hurons  de  Michillima- 
kinac  ;  car  il  avoit  découvert  que  ces  derniers  entretenoient 
de  fecretes  correfpondances  avec  les  Iroquois ,  avant  même 
la  campagne  précédente  ,  quoiqu’ils  y  euffent  fort  bien  fait 
leur  devoir.  D’ailleurs  les  Anglois  nous  faifoient  une  guerre 
ouverte  du  côté  de  l’Acadie  ,  &  011  ne  pouvoit  douter  qu’ils 
ne  fuffent  toujours  difpofés  à  fecourir  nos  Ennemis  ,  quand 
nous  voudrions  les  attaquer. 

Le  plus  grand  embarras  du  Général  venoit  des  ordres  , 
qu’il  recevoir  de  la  Cour ,  de  ne  leur  donner  aucun  fujet  de 
plainte  ;  mais  ces  ordres  fuppofoient  fans  doute  que  les  An- 
Tome  1 .  V  v  v 


1687. 


Ce  qui  empê 
chc  M.  de  Dé 
nonville  de 
marcher  une 
fécondé  fois 
contre  les 
Tfonnon¬ 
thouans. 


Réflexions 
fur  la  condui 
te  de  ce  Géné 
ral. 


5i2  HISTOIRE  GENERALE 

alois  de  leur  côté  en  uferoient  de  même  à  notre  égard  *  ce  qui 
n’étoit  pas.  11  eft  certain  qu’une  conduite  plus  ferme  &  plus^ 
haute  avec  des  Voifins  de  ce  cara&ére ,  &  qui  ne  gardoient 
aucun  des  articles  du  Traité  de  Neutralité,  n’auroit  point  ete 
défaprouvée.  Ce  n’eft  point  défobéir  au  Souverain  ,  que  d  in¬ 
terpréter  fes  volontés  ,  &  de  faire  ce  qu’il  feroit  lui-même  , 
s’il  étoit  inflruit  de  l’état  préfent  des  chofes.  Cela  eft  furtout 
vrai  dans  une  Colonie  éloignée  ,  où  un  Gouverneur  Général 
peut  fuppofer  que  fon  Maître  n’exige  pas  ^  de  lui  une  defe- 
rence  aveugle ,  &  où  il  doit  fçavoir  que  c  eft  a  lui  a  conci¬ 
lier  l’intérêt  de  l’Etat ,  &  la  gloire  du  Prince  avec  les  inftru- 
êfions  ,  qu’il  reçoit.  Louis  XIV .  s’en  eft  explique  plus  d  une 
fois ,  même  par  raport  aux  Commandans  des  Poftes^  éloi¬ 
gnés  ;  &  c’eft  à  quoi  M.  de  Dénonville  ne  fit  pas  allez  de 
réflexion  • 

D’ailleurs  il  ne  s’étoit  pas  allez  mis  par  lui-même  au  fait 
des  affaires  du  Pays  ,  ou  plûtôt  parmi  ceux  ,  qu’il  confultoit 
pour  s’en  inftruire  ;  tous  ne  méritoient  pas  la  confiance ,  qu  il 
avoit  en  eux.  Plusieurs  mêmes  en  abuferent ,  pour  lui  faire 
fuivre  leurs  idées  particulières  ,  ou  pour  aller  a  leurs  fins. 
Sous  un  Chef  déclaré  pour  la  vertu  ,*  &  qui  ne  fe  defie^  pas 
affez  de  ceux ,  qui  l’environnent ,  il  n’en  coûte  a  1  intérêt ,  a 
l’ambition  ,  &  aux  autres  pallions,  que  de  prendre  un  mal- 
que  ;  la  chofe  du  monde  la  plus  facile  à  quiconque  ne  fuit  pas 
pour  guides  la  confidence  &  l’honneur. 

»  Jamais  ceci  ne  fut  plus  fenfible  ,  que  fous  le  Gouvernement 
du  Marquis  de  Dénonville.  Ce  Général  avoit  au  fouverain 
dégré  tout  ce  qui  peut  faire  le  parfait  honnête  Homme  aux 
yeux  de  Dieu  ,  &  aux  yeux  des  Hommes:  il  ne  lui  manquent 
rien  de  ce  qui  eft  néceffaire  pour  former  1  efprit  &  le  cœur  d  un 
jeune  Prince  ,  deftiné  à  gouverner  un  grand  Royaume  ;  & 
l’on  fçait  combien  fes  exemples  ont  fait  refpeéfer  la  vertu  oc 
la  Religion  à  la  Cour.  Il  avoit  d’ailleurs  une  bravoure  éprou¬ 
vée  :  il  entendoit  fort  bien  la  guerre  :  il  n  avoit  en  vûë  que 
l’utilité  de  la  Colonie  &  l’avancement  de  la  Religion  ,  &  il 
embraffoit  avec  zélé  tout  ce  qu’on  lui  propofoit  pour  îen- 
dre  l’une  &  l’autre  fîoriffante.  Perfonne  na  donne  a  la  Cour 
des  avis  plus  juftes  &  plus  fenfés  fur  ce  quil  y  avoit  a  faire 
en  Canada,  &  l’on  n’a  guère  vû  ,  que  de  fon  tems  ,  les  trois 
Têtes  ,  qui  y  partageoient  l’autorité  ,fe  gouverner  avec  cette 
bonne  intelligence  ,  fi  néceffaire  pour  le  bonheur  des  Peuples , 
&  pour  le  bien  du  fervice. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  523 

Mais  il  manqua  quelquefois  d’a£f ivitë  &  de  vigueur  ;  il  ne  i6Sy, 
s’appliqua  point  à  bien  connoître  ceux,  qui  l’approchoient ,  Fautes , qu’il 
&  ne  foûtint  pas  toujours  ce  qu’il  avoit  commencé.  Témoin  fit/  ’  15 
îe  Fort  de  Niagara. ,  Il  falloit ,  avant  que  de  faire  cet  Etablif- 
fement  être  bien  réfolu  à  le  maintenir ,  fans  fe  rebuter  des 
difficultés ,  &  ne  pas  s’expofer  au  mépris  de  toutes  les  Na¬ 
tions,  en  l’abandonnant.  Déplus  la  mortalité  ,  quiyfurvint  , 
qui  fit  perdre  à  la  Colonie  un  Officier  d’un  grand  mérite  (  a  )  ’ 

&  toute  une  Garnifon  de  cent  Hommes ,  &  qui  ne  fit  gué- 
res  moins  de  ravages  à  Catarocouy ,  ne  vint  pas  feulement , 
comme  le  crut  M.  de  Dénonville  ,  de  ce  qu’on  y  fut  tou¬ 
jours  harcélé ,  &  en  quelque  forte  bloqué  par  les  Ennemis  ; 
de  maniéré ,  qu’on  n’avoit  pas  même  la  liberté  de  fe  procu¬ 
rer  le  moindre  rafraîchiffement  par  le  moyen  de  la  chaffe  & 
de  la  pêche  ;  mais  de  ce  que  la  plûpart  des  vivres ,  qu’on  y 
laifïa  ,  fe  trouvèrent  gâtés  ,  &  cauferent  le  fcorbut  ;  &  de  ce 
qu’on  n’avoit  pas  eu  l’attention  d’y  envoyer  des  remèdes  : 
fautes  ,  qui  n  auroient  pas  été  faites  ,  ou  qui  ne  feroient  pas 
demeurées  impunies  fous  un  Gouvernement  plus  ferme. 

On  a  publie  que  M.  de  Dénonville  avoit  une  fi  grande 
horreur  des  Sauvages  ,  qu’il  ne  pouvoit  prefque  en  foûtenir 
la  vûë  ,  fans  être  en  quelque  façon  hors  de  lui-même  ;  mais 
rien  n’eft  plus  injufle  que  le  reproche,  qu’on  lui  a  fait  à  ce  - 
fujet  ;  car  fi  la  chofe  étoit  vraye ,  ce  défaut  purement  natu¬ 
rel  ne  pourroit  tourner  qu’à  fa  gloire  ,  puifqu’ilne  l’empêcha 
jamais  de  traiter  avec  ces  Barbares ,  foit  en  public  ,  foit  en 
particulier  ,  quand  il  en  fut  befoin  ;  ce  qu’il  n’auroit  pu  fai¬ 
re  fans  prendre  infiniment  fur  lui ,  en  quoi  confifte  le  vé¬ 
ritable  courage. 

Pour  revenir  aux  ïroquois,  tandis  qu’on  fe  repofoit  un  peu  Dîverfeshof- 
trop  fur  la  crainte  ,  ou  ils  avoient  paru  être  d’une  nouvelle  ^es  *ro~ 
irruption  dans  leur  Pays  ,  &  peut-être  auffi  fur  de  nouveaux  qums‘ 
ordres ,  qui  etoient  venus  au  Colonel  Dongan  ,  de  travail¬ 
ler  a  la  fjaix  entre  les  Cantons  &  nous  ,  avec  de  très  -  ex- 
preffes  défenfes  de  leur  fournir  des  armes  ,  ni  aucune  forte 
de  munitions  ;  le  troifiéme  de  Novembre  le  Fort  de  Cham- 
bly  fut  tout -à- coup  affiegé  par  un  gros  Parti  d’Agniers  & 
de  Mahingans  ;  &  l’on  apprit  depuis  que  cette  entreprife  étoit 
1  ouvrage  du  Gouverneur  de  la  Nouvelle  York. 

Il  eft  vrai  que  la’réfiftance  ,  qu’ils  y  trouvèrent ,  les  obligea 

(  *  )  Le  Chevalier  de  Troye. 

V  V  V  ij 


'  histoire  generale 

-  de  décamper  dès  le  lendemain  ;  mais  ce  ne  fut  qu’après  avoir 

i687 •  brûlé  quelques  Habitations  écartées ,  &  fait  pluheurs  Pri- 
fonniers.  le  mauvais  fuccès  de  cette  Expédition ,  &  1  avis  s 
que  reçut  le  Colonel  Dongan  quon  etoit^ informe  de  la  part, 
qu’il  y  avoit  eue,  lui  fit  craindre  une  reprefaille  .  lallarme 
L  même  fi  grande  à  Orange ,  que  les  Habitans  de  la  Cam¬ 
pagne  y  envoyèrent  tout  ce  qu’ils  avoient  de  plus  précieux , 
&8qu’mi  Corps  de  douze-cent  Sauvages  paffa  tout  lHyvet 
aux  environs  de  cette  Ville  pour  la  couvrir. 

A  peu  près  dans  le  meme  tems  que  Chambly  fut  afheg , 

quarante  Onnontagués  s’aprocherent  de  Catar°f  ^  ^  He 

levèrent  auprès  de  ce  Fort  trois  Soldats  ,  &  la  Demoileüe 
d’AlonnePM.  d’Orvilliers ,  à  qui  cette  Demoifelle  trouva 
moyen  de  faire  fçavoir  le  malheur  ,  qui  lui  etoit  arrive  ,  en¬ 
voya  propofer  aux  Ennemis  une  conférence  dans  le  heu  me¬ 
me  ,  où  ils  s’étoient  arrêtés;  elle  fut  acceptée,  &  le  P  de 
Lamberville ,  qui  par  bonheur Je  trouvo.t  alors  a  Cataro- 
couy  ,  voulut  bien  fe  charger  daller  negociei  avec  eux.. 
Millionnaire  commença  par  leur  demander  pourquoi  ik 
avoient  fait  cette  hoftilite  ,  tandis  que  nous  n  étions  8“® 
qu’avec  les  Tfoniionthouans  ?  Ils  repondirent  qu  Ononthio 
ayant  arreté  leurs  Chefs ,  avoit  rompu  la  paix. 

(a)  Vos  Chefs,  répliqua  le  Pere  ,  font  a  Quebec  ,  01 
l  les  a  arrêtés ,  que  parce  que  vous  nous  avez  donne  heu  de  nous 

„  défier  de  vous.  Et  comment  ,  reprirent  les Iroquo  s  fmu-ds 

„  traités  à  Quebec  ?  A  cela  près,  repondit-il ,  qu  on  leur  a  mis  e 
fers  aux  pieds,  de  peur  qu’ils  ne  s evadaffent  ils  no .  ^ 

fujet  de  fe  plaindre  du  traitement,  quon  leur  fait.  En  ac 
vaut  ces  mots,  il  leur  préfenta  deux  Colliers;  lun,  pour  les 
engager  à  ne  faire  aucun  mal  à  leurs  Plafonniers  ,  &  autre  , 
pour  les  exhorter  à  ne  point  entrer  dans  la  quereUe  des  l  foir- 
nonthouans  ,  qui  s’étoient  attire  mal-a-propos  l  indigna 
de  leur  Pere.  Ils  reçurent  les  Colliers  ,  &  on  fe  lepara .  les 
Prifonniers  furent  conduits  à  Onnontague  ,  ou  on  les  trai¬ 
ta  allez  doucement  ;  mais  les  Colliers  furent  envoyés 

Gouverneur  de  la  Nouvelle  York.  ,  „ 

Si  les  Iroquois  faifis  à  Catarocouy  etoient  encore  a  Que- 

,  1  TTl  -1  .  T  -,  .v.  la  rs  t-i  r  i  !  1  ra 


» 

» 


Proportions 
du  Colonel 
Dongan  à  M.. 
de  Déaonvil- 
le. 


Si  les  Iroquois  faifis  à  Catarocouy  étoient .encore  a  Que¬ 
bec ,  lorfque  le  P.  de  Lamberville  l’affûroit  fi  pofitivement , 

«  f  / 


(  a  )  Il  y  a  bien  de  l’apparence  que  les  Iro¬ 
quois  étoient  déjà  embarqués  ,  &  partis  pour 
JFrance  j  mais  que  l’on  continuoit  à  diflimu- 


ler  avec  le  P.  de  Lamberville.  Quelques  Mé¬ 
moires  difent  que  les  Y  aideaux  etoient  ei&* 
coie  en  r  ads- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XI.  525 

il  eft  certain  qu’ils  n’y  étoient  plus  ,  lorfque  le  Gouverneur 
Général  apprit  ce  qui  venoit  de  fe  palier.  Environ  un  mois 
après  un  Envoyé  du  Colonel  Dongan  arriva  à  la  Capitale 
avec  une  Lettre  de  ce  Gouverneur  ,  qui  demandoit  l’explica¬ 
tion  des  deux  Colliers  préfentés  par  le  Millionnaire  aux  Onnon- 
tagués  ;  &  le  Général ,  qui  n’étoit  pas  encore  informé  du  fait  9 
répondit  de  bouche  ,  qu’il  enverroit  fa  réponfe  ,  quand  il  fç au¬ 
rait  de  quoi  il  s’agilfoit. 

Il  lit  en  effet  partir  peu  de  tems  après  pour  Manhatte  le 
P.  Vaillant  de  Gueslis  ,  auquel  il  recommanda  de  voir  à 
fon  retour  les  Agniers  ,  dont  ce  Millionnaire  étoit  fort  aimé  : 
de  ne  faire  aucune  propolition  au  Colonel  Dongan  ,  &  de 
fçavoir  feulement  li  ce  Gouverneur  en  avoit  quelqu’une  à  lui 
faire.  Le  P  * Vaillant  fe  mit  en  chemin  le  dernier  jour  de  l’an¬ 
née  1687.  &  dans  le  premier  entretien  ,  qu’il  eut  avec  le 
Gouverneur  Anglois  ,  il  n’en  put  rien  tirer  ,  linon  qu’il  11’avoit 
envoyé  un  Exprès  au  Marquis  de  Dénonville  ,  que  pour  avoir 
l’explication  de  deux  Colliers  ,  que  le  P.  de  Lamberville  avoit 
prélentés  aux  Onnontagués. 

Peu  à  peu  néanmoins  le  Millionnaire  l’engagea  à  s’expli¬ 
quer  davantage  ,  &  Dongan  lui  déclara  enfin  nettement  que 
les  François  ne  dévoient  point  efperer  de  paix  avec  les  Iro- 
quois  ,  qu’à  ces  quatre  conditions.  i°.  Qu’on  ferait  revenir 
de  France  les  Sauvages  ,  qu’on  y  avoit  envoyés  pour  fervir 
fur  les  Galeres.  20.  Qu’on  obligeroit  les  Iroquois  Chrétiens 
du  Sault  S.  Louis  &  de  la  Montagne  à  retourner  dans  leurs 
Cantons.  30.  Qu’on  raferoit  les  Forts  de  Niagara  &  de  Ca- 
tarocouy.  40.  Qu’on  rellitueroit  aux  Tfonnonthouans  tout 
ce  qu’on  avoit  enlevé  dans  leurs  Villages.  Il  congédia- enfuite 
le  Millionnaire  ,  fans  lui  permettre  de  voir  les  Agniers. 

Il  manda  aulîitôt  à  Orange  les  principaux  Chefs  des  cinq 
Cantons  ,  aufquels  il  dit  que  le  Gouverneur  Général  des 
François  l’avoit  envoyé  prier  de  ménager  la  paix  entr’eux 
&  lui  :  qu’il  n’avoit  pas  jugé  à  propos  de  refufer  d’entrer  en 
négociation  ,  &  qu’il  lui  avoit  propofé  des  conditions ,  dont 
ils  auraient  tout  lieu  d’être  contens.  Il  leur  expliqua  ces  con¬ 
ditions  ,  puis  il  ajoûta  :  »  Je  fouhaite  que  vous  mettiez  bas 
la  hache  ;  mais  je  ne  veux  point  que  vous  l’enterriez  :  con¬ 
tentez-vous  de  la  cacher  fous  l’herbe  ,  afin  que  vous  puilîiez 
aifément  la  reprendre  ,  quand  il  en  fera  befoin.  Le  Roy  ,  mon 
Maître ,  m’a  défendu  de  vous  fournir  des  armes  &  des  muni- 


1688. 


Celui-ci  îu% 
envoyé  le  Pr 
Vaillant, 


Le  Gouver¬ 
neur  Anglois 
s’explique 
avec  ce  Pere.- 


Avis,  qu'ii 
donne  aux 
Iroquois. 


« 

« 

« 

« 

4* 


1 68  8 . 


5  2  <5 
tions 


HISTOIRE  generale 

au  cas  que  vous  continuiez  de  faire  la  guerre 


aux 


» 


» 


» 


» 


» 


Ces  Sauvages 
recommen¬ 
cent  leurs  ho- 
iliiités. 


Négociations 

r> 

avec  les  On- 
nontagués. 


tions  ,  au  ws  tjiic  vuu,  . n  »  .  c. 

François  ;  niais  que  cette  defenie  ne  vous  aiiarme  point,  oi 
les  François  rejettent  les  conditions,  que  je  leur  ai  propofées  , 

^  vous  ne  manquerez  de  rien  de  ce  qui  fera  neceffaire  pour 
„  vous  faire  juftice.  Je  vous  le  fournirai  plûtot  a  nies  dépens  , 
qUe  de  vous  abandonner  dans  une  li  jufte  caufe.  Ce  que  je 
M  vous  confeille  préfentement ,  eif  de  vous  tenir  fur  vos  gar¬ 
des  ,  de  peur  de  quelque  nouvelle  trahifon  de  la  part  de  \os 
Ennemis  ,  &  de  faire  fecretement  vos  préparatifs  pour  fon¬ 
dre  fur  eux  pir  le  Lac  Champlain,  &  par  Catarocouy  ,  quand 
vous  ferez  obligé  de  recommencer  la  guerre. 

Les  Députés  Iroquois  comprirent  tout  ce  que  le  Gouver¬ 
neur  vouloir  leur  faire  entendre ,  &  demeurèrent  affès  tram 
quilles  pendant  le  refte  de  l’hyver.  Dès  que  la  navigation  des 
Rivières  fut  libre  ,  M.  de  Dénonvill e  envoya  un  grand  Con- 
voy  à  Catarocouy  ,  avec  ordre  à  celui  ,  qui  le  comman- 
doit  de  s’informer  de  l’Etat ,  où  fe  trouvoit  la  Garmfon  de 
Niagara ,  &  d’y  envoyer  une  Recrue  ,  fuppofé  qu’il  en  tut 
befoin.Xe  Convoi  fit  affez  heureufement  le  voyage  ;  mais 
comme  ceux ,  qui  l’avoient  conduit  ,  retournoient  à  Mont¬ 
real ,  vint-cinq,  ou  trente  Iroquois  furprirent  un  des  Canots , 

fr  coupèrent  la  tête  à  deux  Hommes  a  la  vue  du  Comman- 
ant ,  lequel ,  au  lieu  d’aller  au  fecours  de  ces  Miferables  , 
fit  brifer  dix-fept  de  fes  Canots  ,  pour  renforcer  les  équipa¬ 
ges  des  autres,  &  s’enfuir  plus  vite.  M.  de  Dénonville  con¬ 
te  la  chofe  autrement  dans  une  de  fes  Lettres  ,  &  apparem¬ 
ment  comme  l’Officier  la  lui  avoit  raportée  ;  il  dit  feulement 
que  cinq  Hommes  de  ce  Convoi  s’étant  un  peu  écartés  pour 

chaffer,  avoient  été  tués  par  les  Iroquois. 

Hétoit  évident  que  ces  Barbares  ne  vouloient  plus  enten¬ 
dre  parler  de  paix  ;  &  le  Gouverneur  Général  ,  qui  ne  le 
voyoit  nullement  en  état  de  faire  la  guerre  ,  fe  trouvoit  tort 
embarraffé.  La  feule  reffource  ,  qui  lui  reliât ,  étoit  de  gagner 
les  Onnontagués  ,  &  de  les  détacher  de  la  Ligue.  Il  en  écrivit 
au  F.  de  Lamberville  ,  qui  étoit  toujours  a  Catarocouy  ,  où 
on  l’avoit  amené  fur  les  glaces  prefque  moribond  ;  &  dans  le 
même  tems  ,  que  la  Lettre  du  Général  fut  rendue  à  ce  Mii- 
fionnaire  ,  le  P.  Vaillant  arriva  à  Catarocouy  avec  deux  Sau¬ 
vages  ,  que  le  Colonel  Dongan  lui  avoit  donnés  pour  l’accom¬ 
pagner  àfon  retour  ^  &  pour  lempechei  de  pafier  dans  le 
Canton  d’Agnier. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  527 
,  Le  de  Lamberville  gagna  un  de  ces  deux  Sauvages  ,  & 
l’engagea  d’aller  à  Onnontagué  pour  donner  avis  à  ce  Can- 
ton ,  que  le  Gouverneur  de  la  Nouvelle  York  n’avoit  en 
vûë  que  les  intérêts  ,  en  travaillant  à  les  engager  dans  la 
guerre  avec  les  François.  Le  Sauvage  trouva  tous  les  Can¬ 
tons  affembles ,  &.  un  Parti  d  environ  nulle  Hommes  prêt  à 
fondre  fur  îes>  Habitations  Françoifes.  Il  eut  bien  de  la  pei¬ 
ne  à  les  détromper  des  fauffes  impreffions  ,  que  leur  avoit 
données  le  Coionel  Dongan  ,  que  les  François  machinaient 
contre  eux  quelque  nouvelle  tralufon  ;  il  y  réuffit  néanmoins 
en  partie  ,  &  les  engagea  même  à  envoyer  à  M.  de  Dénon- 
ville  des  Députés  pour  traiter  avec  lui  ;  mais  cinq  cent  Guer¬ 
riers  voulurent  accompagner  ces  Députés  ,  fous  prétexte  de 
leur  faire  efcorte. 

Lorfqu’ils  furent  arrivés  près  de  Catarocouy  ,  un  des  Dé¬ 
putés  ,  nommé  Haaskouaun  (  a  )  ,  fe  détacha  avec  fix  Hom¬ 
mes ,  entia  dans  le  Fort,  &  demanda  au  Commandant  un 
de  fes  Officiers  ,  pour  aller  avec  lui  à  Montreal.  M.  d’Or- 
vilhers  lui  donna  le  Sieur  de  la  Perelle  ,  fon  Lieutenant, 
lequel  s  étant  embarque  dans  le  Canot  de  ce  Sauvage  ,  fut 
allez  furpns  de  fe  trouver  au  milieu  de  fix-cent  Hommes  de 
guerre  ,  bien  armés ,  &  d’en  être  reçu  de  manier e  à  lui  faire 
craindre  qu’il  ne  fût  leur  Prifonnier. 

Ils  ne  vouloient  cependant  que  fe  divertir ,  en  lui  faifant 
peur;  ils  le  conduifirent  jufqu’au  Lac  de  S.  François,  où  il 
îencontra  un  nouveau  Corps  dlroquois,  auffi  nombreux  que 
le  premier.  Les  uns  &  les  autres  s’arrêtèrent  en  cet  endroit , 
&:  laiffierent  là  Perelle  continuer  fon  chemin  jufqu  a  Mont¬ 
real  avec  les  feuls  Députés.  Ils  y  trouvèrent  le  Gouverneur 
Général ,  qui  leur  donna  audience  fur  le  champ  :  Haaskouaun , 
qui  poitoit  la  parole ,  commença  par  expofer  en  termes  ex¬ 
trêmement  emphatiques  la  fituation  avantageufe  ,  où  fe  trou- 
voit  fa  Nation  ,  la  foibleffe  des  François  ,  &  la  facilité  ,  que 
les  Cantons  auroient  à  les  exterminer ,  ou  à  les  obliger  de  for- 
tir  du  Canada. 

. Pour  moi  ?  ajoûta-t’il ,  je  les  ai  toujours  aimés  ,  &  j’en  * 
viens  de  donner  une  preuve  ,  qui  n’eif  point  équivoque  ;  car  « 
ayant  appris  le  deffein ,  que  nos  Guerriers  avoient  formé  de  « 
venir  brûler  vos  Forts  ,  vos  Maifons ,  vos  Granges  ,  &  vos  « 
grains ,  afin  qu  apres  vous  avoir  affames  ,  ils  pu  fient  avoir  « 

(«)  Les  Relations  Françoifes  le  nomment  la  Grand’Gucuk . 


1 6  B  8 .  » 
» 
» 
» 
» 
» 


Confirmation 
de  la  Colonie. 


les  Iroquois 
bloquent  Ca¬ 
tarocouy  ,  8c 
fe  retirent 
après  avoir 
fait  beaucoup 
de  dégât. 


,q  HISTOIRE  generale 

bon  marché  de  vous  ,  j’ai  fi  bien  follicité  en  votre  faveur  , 
aue  j’ai  obtenu. la  permiflion  d’avertir  Ononthio  ,  quilpou- 
vôit  éviter  ce  malheur,  en 'acceptant  la  paix  aux  conditions 
propofées  par  Corlar.  Au  refte  je  ne  puis  vous  donner  que 
quatre  jours  pour  vous  réfoudre,  &fi  vous  différez  davan¬ 
tage  à  prendre  votre  parti ,  je  ne  vous  répons  de  rien.  Ce  Sau¬ 
vage  étoit  Tfonnonthouan  ,  &  le  même ,  qui  avoir  parle  avec 
tant  d’infolence  à  M.  de  la  Barre  au  Camp  de  la  famine. 

Un  difeours  fi  fier  ,  &  douze-cent  Iroquois  au  Lac  de  b. 
François ,  d’où  ils  pouvoient  en  moins  de  deux  jours  tom¬ 
ber  fur  rifle  de  Montreal  ,  jetterent  la  confternation  dans 
tous  les  efprits.  Pour  comblé  de  difgrace  on  veno.t  d  appren¬ 
dre  la  mort  du  Chevalier  de  Troye  &  de  toute 
fon  •  &  on  fçavoit  que  depuis  la  Riviere  de  Sorel  jufqu  a 
Prairie  de  la  Magdeleine  ,  les  Habitans  ne  pouvoient  fortir 
de  chez  eux ,  fans  courir  rifque  de  tomber  dans  cFelJlu,e 
Parti  Ennemi.  Ce  qui  embafraffa  le  plus  le  Marqu.s  de  De- 
nonville  ,  c’eft  qu’il  craigno.t  en  repouffant  ces  Parus  par 
la  force  ouverte  ,  de  rompre  les  négociations  commencées 
avec^let  Ormontagués  ,  aufquels 

fieurs  Prifonniers ;  il  avoit  meme  charge  1  un  deux  des  coi 
dirions ,  aufquelles  il  vouloir  traiter  avec  ce  Canton. 

Ces  Prifonniers  en  arrivant  à  Catarocouy  troub®re^  ûlé 
Fort  inverti  par  huit-cent  Iroquois  ,  qui  avoient  dej 
tous  les  foins  avec  des  flèches*  allumées ,  &  tu i  tous  les , bef- 
tiaux  Le  Lac  Ontario  étoit  aufli  tout  couvert  de  Canots  d  Ln 
nemis ,  Lrtjuels  au  nombre  de  quane-cent  attaquèrent  une 
Baraue  qui  portoit  des  Hommes  &  des  provifions  a  JNia 
garai  Deux  Canots  oferent  même  tenter  1  abordage  ,  ^  a 
deux  coups  de  Pierriers ,  tirés  fort  a  propos  ,  fa  «««» ent 
&  le  vent,  qui  furvint  dans  le  moment ,  mit  la  Barque  hors 

depar  bonheur  le  Chef ,  qui  commandoit  au  blocus  de  Ca- 
tarocouv  étoit  Oncle  du  Sauvage  Pnfonmer ,  que  le  Gou 
verneuryGénéral  avoir  chargé  de  faire  connaître  fes  inten¬ 
dons  aux  Onnontagués  Ce  Capitaine  fut  tres-fenfibU  a i  U 
liberté,  qu’on  avoir  rendue  a  fon  Neveu,  &  fa  reco 
fance  le  porta  à  s’éloigner  avec  toutes  fes  Troupes.  Ainit 
Catarocouy  fut  dégafé  au  moment  qu  on  defefpero.t^de 
fauver  cette  Place.  Le  huitième  de  Juin  les  Député 
nontagué ,  d’Onneyouth  &  de  Goyogoum  arrivèrent  a  M°» 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  529 

real ,  &  demandèrent  la  paix  au  nom  de  toute  la  Nation. 

Ces  deux  événemens  inefperés  perfuaderent  toute  la  Colo¬ 
nie  que  la  Providence  veilloit  dune  façon  particulière  à 
fa  confervation.  Le  Général  de  fon  côté  crut  devoir  fe  ren¬ 
dre  d’autant  plus  difficile  ,  que  fes  Ennemis  faifoient  plus  de 
démarches  pour  fe  raprocher  de  lui  :  il  répondit  qu’il  confen- 
tiroit  volontiers  à  la  paix  ;  mais  qu’il  ne  la  donnerait  qu’à  ces 
conditions  ;  i°.  Que  tous  fes  Alliés  y  feraient  compris.  20. 
Que  les  Cantons  d’Agnier  &  de  Tfonnonthouan  lui  enver¬ 
raient  auffi  des  Députés  pour  le  même  fujet.  30.  Que  toute 
hoftilité  céderait  de  part  &  d’autre.  40.  Qu’il  pourrait  en  toute 
liberté  ravitailler  le  Fort  de  Catarocouy. 

Il  ne  parla  point  de  celui  de  Niagara,  parce  que  défefpe- 
rant  de  le  foûtenir  ,  &  nos  Alliés  n’en  ayant  pas  fait  l’ufage  , 
pour  lequel  ils  l’avoient  demandé  ,  il  fut  bien  aife  de  fe  faire 
un  mérite  de  fe  rendre  à  la  priere  ,  que  les  Députés  lui  firent 
de  le  démolir.  Ses  conditions  furent  acceptées ,  &  l’échange 
des  Prifonniers  fut  réglé  fans  aucune  difficulté.  M.  de  Dé- 
nonville  avoit  même  déjà  écrit  en  Cour  pour  folliciter  le  ra- 
pel  des  Iroquois  détenus  à  Marfeille ,  &  il  avoit  prié  le  Mi¬ 
nière  de  les  envoyer  chercher  par  Serigny  ,  un  des  Fils  du 
Sieur  le  Moyne  ,  &  qui  étoit  Cadet  à  Rochefort  ( a ).  Ce 
jeune  Homme  parloit  fort  bien  la  Langue  de  ces  Sauvages  , 
dont  il  étoit  aimé  ,  &  le  Gouverneur  Général  étoit  perfuadé 
qu’il  traiterait  beaucoup  mieux  ces  Prifonniers  ,  que  n’avoient 
fait  ceux ,  qui  les  avoient  conduits  en  France. 

La  Trêve  fut  donc  conclue  fur  le  champ.  Les  Iroquois  con- 
fentirent  à  laiffer  cinq  d’entr’eux  pour  otages  ,  afin  d’affûrer 
le  Convoi  ,  que  l’on  préparait  pour  Catarocouy  ;  &  l’on 
convint  que  ,  s’il  furvenoit  quelque  hoflilité  de  la  part  de 
nos  Alliés  pendant  la  négociation  ,  elle  ne  ferait  rien  chan- 
ger  à  ce  qui  venoit  d’être  réfolu.  Toutefois  le  Convoi  étant 
en  marche  ,  conduit  par  les  Chevaliers  de  Callieres  &  de 
Vaudreuil,  &  efcorté  par  Terre  par  des  Sauvages  domici¬ 
liés  ,  des  Iroquois  en  enlevèrent  un  Canot.  M.  de  Dénon- 
ville  en  fut  d’autant  plus  furpris  ,  qu’avant  le  départ  du  Con¬ 
voi  un  Envoyé  du  Colonel  Dongan  étoit  arrivé  à  Montreal , 
avec  la  Demoifelle  d’Alonne  &  douze  autres  Prifonniers  Fran¬ 
çois  ,  &  lui  avoit  remis  une  Lettre  du  Roy.  C’étoit  le  Du¬ 
plicata  de  celle  ,  que  le  Général  avoit  déjà  reçue  ,  &  qui  re* 

(4)  Il  eft  Mort,  il  n’y  a  pas  lontems,  Capitaine  de  VailTeau. 

Tome  /.  X  x  x 


1688. 

Nouvelles 
proportions 
de  paix. 


Elles  (bnç 
acceptées. 


i  6  88. 

Mauvaife  foi 
du  Colonel 
Dongan. 


no  histoire  generale 

eardoit  le  Traité  de  Neutralité  ,  renouvellé  par  les  deux  Rois. 
ë  Le  Gouverneur  de  la  Nouvelle  York  lui  manda  en  même 
tems  qu’il  avoit  donné  ordre  à  fon  Envoyé  de  retirer  tous 
les  PriTonniers  François  des  Villages  Iroquois,  par  oit  il  paf- 
feroit ,  &  qu’il  ne  tiendroit  pas  à  lui  qu’il  n’y  eût  entr’eux 
une  correfpondance  parfaite.  Cependant,  outre  1  hoftilite , 
dont  ie  viens  de  parler  ,  les  Iroquois  reparurent  bientôt  dans 
nos  Habitations ,  qu’on  avoit  été  obligé  de  dégarnir  d  Hom¬ 
mes,  pour  renforcer  le  Convoi  de  Catarocouy.  Aux  premiers 
avis  ,  qu’en  eut  le  Général ,  il  raffembla  tout  ce  qui  refto.t 
de  Troupes  auprès  de  fa  Perfonne  ,  &  marcha  pour  diffiper 

tous  ces  petits  Partis.  . 

Les  Ennemis  ne  l’attendirent  point  ;  il  les  pourfuivit ,  rç 
il  en  atteignit  quelques-uns  au  Lac  du  S.  Sacrement:  il  reti¬ 
ra  de  leurs  mains  deux  François ,  qu’ils  emmenoient  ,  tua 
quelques  Mahingans  ,  &  prit  quelques  Agniers.  Il  Içutdeux 
que  cétoit  le  Colonel  Dongan  ,  qui  les  avoit  follicites  a  faire 
cette  irruption  ,  &  qu’il  leur  avoit  donné  pour  cela  des  mu¬ 
nitions  &  des  armes.  Il  avoit  pourtant  dès-lors  reçu  les  Let¬ 
tres  du  Roy  ,  fon  Maître  ,  pour  le  renouvellement  du  1  raite 
de  Neutralité ,  &  ce  Prince  l’avoit  averti  qu’il  lui  répondrait 
en  fon  propre  &  privé  nom  de  toutes  les  contraventions  , 

qui  fe  feroient  à  ce  Traité.  , 

La  vigueur  &  la  promptitude ,  que  M.  de  Denonville  ve- 

- . ,  noit  de  faire  paroître  pour  arrêter  le  cours  de  ces  hottilites  , 

Ricana-  obligèrent  les  Iroquois  à  fe  tenir  en  repos,  &  on  en  profita 
J-  pour  faire  les  récoltes.  Il  n’y  a  que  Dieu  ,  ecnvoit  ce  Gene¬ 

ral  à  M.  de  Seignelay  le  dixiéme  d’Août,  qui  ait  pu  garantir 
cette  année  le  Canada.  Je  n’y  ai  aucun  mérite.  M.  de  Cal- 
lieres  vous  dira  mieux  ,  que  je  ne  puis  vous  1  ecnre  ,  combien 
le  P.  de  Lamberville  nous  a  été  néceffaire  ,  avec  quelle  ha- 
»  bileté  il  a  détourné  Forage  ,  qui  nous  menaçoit  ;  de  quelle 
»  maniéré  il  gouverne  Fefprit  de  ces  Sauvages  ,  qui  font  plus 
»  clairvoyans  ,  qu’on  ne  peut  s’imaginer.  Si  vous  ne  trouvez- 
»  le  moyen  de  faire  retourner  ces  Peres  dans  leur  ancienne 
Million  ,  vous  devez  attendre  beaucoup  de  malheurs  pour 
cette  Colonie;  car  je  dois,  vous  dire  que  jufquici  celt  leur 
„  habileté ,  qui  a  foûtenu  les  affaires  du  Pays  ,  par  le  nombre 
»  d’Amis,  qu’ils  fe  font  acquis  chez  tous  les  Sauvages,  &  par 
»  leur  fçavoir  faire  à  gouverner  Fefprit  de  ces  Barbares  ,  qui  ne 
»  font  Sauvages  que  de  nom. 


'À  quoi  M.  de 
X)énonville 
attïibuoit  le 


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DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XL  53i 
La  Compagnie  des  Pêches  fédentaires  a  deffein  d’empêcher 
quelles  Jefuitesne  rétablirent  la  Million  ,  qu’ils  avoient  chez  «  * 

les  Peuples  voifms  de  Pentagoët ,  où  l’an  paffé  ils  retourne-  « 
rent  à  ma  priere  ,  pour  maintenir  dans  nos  intérêts  ces  San-  « 
vages  ,  qu  ils  avoient  quittes  a  caufe  des  defordres  9  que  eau-  « 
fent  les  bonbons  dans  ces  Quartiers-là.  Il  eft  de  mon  devoir  « 
de  vous  mander  que  ce  fera  un  grand  malheur  pour  l’Aca-  « 
die  ,  fi  ces  Meilleurs  font  tomber  ces  Millions  en  d’autres  « 
mains ,  car  il  ne  faut  pas  s  imaginer  que  ce  foit  l’ouvrage  de  « 
cinq  ou  fix  ans  ,  que  d’apprendre  la  Langue  de  ces  Peuples ,  « 

&  à  les  bien  gouverner.  Les  meilleurs  efprits  ,  après  vint  ans  « 
de  travail  &  de  fatigues  au-delfus  de  tout  ce  qu’on  peut  dire  ,  « 

s’y  trouvent  quelquefois  courts . Le  P.  Bigot  eft  vers  « 

Pentagoët ,  pour  faire  affembler  un  nouveau  Village  fur  les  « 

Terres  du  Roy  ,  &  empêcher  que  le  Chevalier  Andros  ne  les  « 
attire.  ^ 

j  ^6i*  ÇÎJeva^ef  command°it  dans  la  Nouvelle  Angleterre  Le  Coîonc? 
dans  1  abfence  du  Gouverneur  General  ,  &  il  venoit  d’être  ^onsan  c*^ 
nommé  Gouverneur  Général  de  la  Nouvelle  York.  Il  étoit  rcvo^ué' 
Proteftant ,  &  ft  le  Colonel  Dongan  ,  quoique  Catholique  , 
en  avoit  ufé  avec  les  François  de  la  maniete  ,  que  nous  avons 
vu  9  avoit  ft  peu  defere  aux  volontés  de  fon  Souverain  9 
dont  il  fuivoit  la  Religion  ,  on  de  voit  s’attendre  que  fon  Suc- 
cefteur  n  obeiroit  pas  plus  exactement  aux  ordres  de  ce  Prin¬ 
ce.  L' 'événement  9  comme  nous  le  verrons  bientôt  ,  n’a  que 
trop  juftifié  les  craintes  de  la  Colonie  à  ce  fujet  ;  mais  ce  n  etoit 
pas  encore  là  ce  qui  inquiétoit  le  plus  le  Général. 

C’eft  une  maxime  fondée  fur  la  raifon ,  &  que  l’expérience 
confirme  tous  les  jours  ,  que  tout  Etat  9  toute  Société  9  tout  ce 
qui  forme  un  Corps  ,  foit  Eccleftaftique  ,  foit  Civil ,  court 
beaucoup  moins  de  rifques  de  la  part  de  ceux  9  qui  l’atta¬ 
quent  au  dehors ,  que  du  dérangement ,  qu’il  fouffre  au  de¬ 
dans  ,  par  1  inobfervation  des  Loix  ,  par  toutes  les  autres  cau- 
fes ,  qui  altèrent  fa  conftitution  9  &  qui  ébranlent  les  fbnde- 
mens  ,  fur  lefquels  il  eft  établi.  Sur  ce  principe  ,  le  Marquis  de 
Dénonville  ne  voyoit  qu’avec  douleur  la  trifte  fttuation  ,  où  fe 
trouvoit  la  Nouvelle  France,  parla  mauvaife  conduite,  &  le 
défaut  de  fubordination ,  qu’il  remarquoit  dans  le  plus  grand 
nombre  de  ceux ,  dont  cette  Colonie  étoit  compolëe. 

Il  s’en  exprime  ainfi  lui-même  dans  une  Lettre  à  M.  de  Sei- 
gnelay ,  dattée  du  même  jour  ,  que  celle  ,  dont  j’ai  parlé  ci- 

Xxx  ij 


i  68  8. 


lettre  de 
M-  de  Dé- 
«onville 
fur  les  dé- 
fordres  de 
Ig  Colonie. 


u  HISTOIRE  GENERA  LE 

toi  ent  jamais  du  vrai.  Apres  u  *lques  années  dans 

srsçrtsre*«^rr£  ^.4- &  >»  »*■  «•* 

f'ffrS.'l»  jSîï;  «Eô™  1.  unes  devant 

; i, °u«I  pClteVi». ip* *■*» ™ ÿS* 

!  ge.  ,  fa»!  <V  3“'“  “  fe  [“'SteSS  de  Bois  «  fai. 

I  11”..!'".!!  P'»“f  i’£“  KlSw'lS  afeitïde 

*  5e  grandes  baffeffes  ,  qui  nous  ont  rendu  fiers 

*  niênie  les  Sauvage',  Alliés.  Ce,  divifions  «  gg* 

■  ^ÎSSSïai  5S  méftntelligence  -JW 

;  wfe 

*  auils  enlevèrent  aux  François,  croyant,  due  ,  ^ 

J;  S'iHinguet.  il  méprife  ^ÿjTpSA  * 

■  “s  i 

extorauer  2e  luf  la  permiffion  de  faire  des  reprefa.  les  fur  fes 

^  meilleurs  Hommes ,  les  rend  indociles  ?  1  P 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XI.  533 

bauchés ,  &  que  leurs  Enfans  font  élevés  conme  des  Sauva-  «  itfgS. 
ges  ».  Il  prétend  que  ce  font  ces  courfes  ,  qui  ont  occafionné  « 
celles  des  Anglois  parmi  nos  Alliés ,  qu’ils  ont  amorcés  par 
le  bon  marché  ,,  &  qu’il  n’eff  prefque  plus  poffible  de  détacher 
du  commerce  avec  la  Nouvelle  York.  En  parlant  de  la  guerre 
des  Sauvages ,  il  dit  qu’on  ne  peut  en  donner  une  plus  jufte 
idée  ,  que  de  reprefenter  ces  Barbares  »  comme  des  Bêtes  fa-  " 
rouches ,  qui  font  répandues  dans  une  vafte  Forêt  ,  d’où  ils  w 
ravagent  tous  les  Pays  circonvoifins.  On  s’affemble  pour  « 
leur  donner  la  chaffe ,  on  s’informe  où  eft  leur  retraite ,  &  « 
elle  eft  par  tout  ;  il  faut  les  attendre  à  l’affût ,  &  011  les  attend  * 
lontems.  On  ne  les  peut  aller  chercher  qu’avec  des  Chiens  “ 
de  chaffe  les  Sauvages  font  les  feuls  Lévriers  ,  dont  on  " 
puiffe  fe  fervir  pour  cela  ;  mais  ils  nous  manquent  ,  &  le  “ 
peu  ,  que  nous  en  avons ,  ne  font  pas  Gens  ,  fur  lefquels  on  * 
puiffe  compter  ;  ils  craignent  d’aprocher  l’Ennemi ,  &  ont  44 
peur  de  l’irriter.  Le  parti ,  qu’on  a  pris  ,  a  été  de  bâtir  des  44 
Forts  dans  chaque  Seigneurie  *  pour  y  réfugier  les  Peuples  &  * 
les  Beffiaux  ;  avec  cela  les  Terres  labourables  font  écartées  44 
les  unes  des  autres  ^  &  tellement  environnées  de  Bois ,  qu’à  * 
chaque  Champ  il  faudroit  un  Corps  de  Troupes  pour  foute-  * 
nir  les  Travailleurs.  Le  feul  &  unique  moyen  de  faire  la  44 
guerre  étoit  d’avoir  affez  de  forces  pour  aller  à  l’Ennemi  en  44 
même  tems  par  trois  endroits  ;  mais  pour  y  parvenir  ,  il  faut  44 
quatre  mille  Hommes ,  &  des  vivres  pour  deux  ans  ,  avec  44 
quatre  à  cinq  cent  Batteaux  ,  &  tous  les  autres  appareils  d’un  « 
tel  Equipage  ;  car  d’être  ,  comme  nous  fournies  ,  obligés  de  vi-  44 
vre  du  jour  à  la  journée  ,  c’eft  ne  rien  faire  de  folide.  44 

Le  Roy  n’étoit  affûrement  pas  difpofé  à  envoyer  en  Ca-  Réja&iowf 
nada  le  nombre  de  Troupes,  que  demandoit  le  Marquis  de  ^rcetteLec- 
Dénonville  ;  bien  des  Gens  étoient  Même  perfuadés  dans  le  ^ 

Pays  qu’il  n’étoit  befoin,  pour  dompter  les  Iroquois ,  que  d’un 
peu  plus  de  difeipline  dans  celles  ,  dont  il  pouvoit  difpofer  ; 

&  nous  verrons  ,  avant  la  fin  de  cette  Hiftoire  ,  que  fi  on 
n’en  eff  pas  venu  à  bout  avec  les  feules  forces  de  la  Colo¬ 
nie  ,  c’eff  que  l’on  ne  l’a  pas  voulu  efficacement.  Il  paroît  auffi 
que  l’imagination  effrayée  du  Général ,  ou  de  ceux ,  qu’il  écou- 
toit ,  lui  avoit  un  peu  groffi  les  objets  ;  mais  il  en:  certain 
que ,  fi  on  eût  corrigé  les  défordres  ,  dont  il  fe  plaignoit ,  & 
qu’on  eût  pris  furtout  de  bonnes  mefures  pour  empêcher  la 
Jeuneffe  de  courir  les  Bois  ?  on  eût  pu  avoir  en  tout  ,  tems 


i  6  8  8. 


Nos  Alliés 
font  mccon- 
cens  de  la 
paix. 


534  HISTOIRE  GENERALE. 

une  excellente  Milice  ,  qui  auroit  tenu  en  refpeft  les  Iroquois 
&  les  Anglois.  Le  malheur  de  la  Nouvelle  France  eft  que 
tous  ceux,  qui  ont  eu  l’autorité  en  main,  n’ont  pas  témoigné 
autant  de  zélé ,  que  ce  General  pour  le  bon  ordre  ,  &  que 
lui-même  n’eut  pas  toute  la  fermeté  nécefîaire  pour  punir 
avec  rigueur  ce  qu’il  déteftoit  fincérement ,  &  pour  faire  rei- 
peêler  les  ordres. 

Il  avoit  fort  à  cœur  de  finir  la  guerre  ;  mais  il  comprenait 
bien  qu’il  n’étoit  ni  jufie  ,  ni  même  bien  fur  de  conclurre  la 
paix  ,  fans  la  participation  de  nos  Alliés  ;  &  nous  avons  vu 
qu’il  s’en  étoit  expliqué  nettement  aux  Députes  des  Cantons,; 
mais  foit  qu’on  n’eût  pas  eu  le  tems  d’inftruire  les  Sauva¬ 
ges  des  intentions  du  Général ,  foit ,  comme  il  elt  plus  vrai¬ 
semblable  ,  que  ces  Peuples  fulfent  perfuadés  que  les  Can¬ 
tons  ne  traitoient  pas  de  bonne  foi ,  prefque  tous  parurent  tort 
mécontens  de  ces  négociations.  Il  y  en  eut  même,  qui  eurent 
honte  pour  nous  d’une  paix  ,  dont  les  Iroquois  paroilloient 
vouloir  nous  impofer  les  conditions  avec  hauteur. 


2mm  m  m  m  m  m  m  m  m  m  m  mm® 

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rac^2æsG3Dsoîics-2 æ«cs*racssæcac^ose£.Gsc»^ 


HISTOIRE 

E  T 

description  generale 

DELA 


NOUVELLE  FRANCE. 

LIVRE  DOUZIEME- 


E  tous  nos  Alliés ,  les  feuls ,  que  nos  En¬ 
nemis  craignoient  ,  ou  défefperoient  de  ga¬ 
gner  ,  étoient  les  Abénaquis  ,  lefquels  de 
leur  côté  ne  fe  foucioient  pas  beaucoup 
qu’on  les  comprît  dans  les  Traités  de  paix, 
ou  de  trêve.  Dans  le  tems  même  ,  que  M.  de 
Denonville  fe  donnoit  le  plus  de  mouvement 
poux  pacifier  le  Canada  ,  ils  fe  mirent  en  campagne  ,  &  sՎ 
tant  avances  jufqu  a  la  Riviere  de  Sorel  ,  ils  furprirent  des 
Iroquois  &  des  Mahingans  ,  &  en  tuerent  quelques-uns.  Ils 
pouffèrent  enfuite  jufqu’aux  Habitations  Angloifes  ,  &  en  rap¬ 
portèrent  quelques  chevelures.  Les  Iroquois  du  Sault  &  de 
la  Montagne  en  firent  autant  de  leur  côté  ;  mais  ceux  ,  qui 
prirent  des  mefures  plus  juftes  pour  rendre  impoffible  la  con- 
clufion  d  un  Traite  ,  dont  ils  craignoient  d  etre  les  premiè¬ 
res  viüimes  ,  furent  ces  mêmes  Hurons  de  Michillimakinac , 
qu’on  avoit  fx  fouvent ,  &  fi  juffement  Soupçonnés  de  collu¬ 
sion  avec  les  Anglois  &  les  Iroquois. 

Ils  avoient  pour  Chef  un  nommé  Kondiaronk  ,  plus 
connu  dans  nos  Relations  fous  le  nom  de  k  Rat  Homme 


1688. 

Quelques- 
uns  de  nos  Al¬ 
liés  attaquent 
les  Iroquois. 


Aéiion  Fiardic 
d’un  Chef  Hu- 
ron. 


,,<<  HISTOIRE  generale 

l’efprit ,  extrêmement  brave ,  &  le  Sauvage  du  Plus^ra™ 

.P  nue  les  François  ayent  connu  en  Canada.  M.  de 

&  qufle"  Goiverneur  Général  attendait  à  Motjtreal  des  Am- 
baffaxleu^&cdes  O^ages^  cG  Pa“c ajoûta  que  ce 
tIu?!  ®‘  ;t  i  fa;re  de  mieux  dans  une  paredle  circonftance , 
C‘rôi  ckf ’en  Se  tourner  chez  lut  avec  fe's  Guerriers  ,&  quA 
défobhgeroit  Tnfînimeut  M.  de  Dénonville  ,  s’il  fa.fott  la 

moindre  hoftilité  contre  les  Iroquois.  _  . 

Le  Rat  parut  d’abord  un  peu  furpns  de  cette  nouvelle , 

fe  poffeda  néanmoins ,  &  quoique  convaincu 

!tS  'r~  “I  Bss 

prendre  les  gepmes^& Ü f  l’Anfe”  de  1?  Famine  où  il 

kurd  effa’une  embufcade.  Après  qu’il  les  y  eut  attendu je :  - 

SSJSSitrSS-i ,  ils  déb.rquercn.  *«£«*•» 
Le  b  , ,  pri.  ce  '  défende 

EîSSÜ^ÿïïçiiîf--’ 

tSÈ  S£g  coXi:  OntL.fi  il», ’q»?l  «.  S«Jj 
ÏTpÆi  on  l’affûra  que  les  François  navoiemeu 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  537 

aucune  part  à  la  perfidie  des  Hurons ,  &  il  en  fut  tellement  i  <5  8  8,^ 
perfuadé  ,  qu  a  fon  retour  à  Onnontagué ,  il  en  convainquit 
tout  ce  Canton. 

Mais  le  Rat  n’avoit  pas  fi  bien  commencé  ,  pour  en  de-  Ses  intrigues 
meurer-là.  Sitôt  qu’il  eut  rejoint  fa  Troupe  ,  Teganiflorens  ,  P°u^broüi.Iler 
qui  étoit  un  de  fes  Prifonniers ,  lui  ayant  demandé  comment  avec^esTro- 
il  avoit  pu  ignorer  qu’il  étoit  Ambafladeur  ,  &  qu’il  étoit  en- 
voyé  pour  traiter  avec  leur  Pere  commun  ,  &  pour  cher¬ 
cher  les  moyens  de  parvenir  à  une  paix  folide  entre  toutes 
les  Nations  ?  ce  Fourbe  fit  femblant  d’être  encore  plus  éton¬ 
né  que  lui  ;  il  protefta  que  c’étoit  les  François  eux  -  mêmes  , 
qui  l’avoient  envoyé  à  la  Famine  ,  en  l’affûrant  qu’il  y  ren- 
contreroit  un  Parti  de  Guerriers  Iroquois  ,  qu’il  lui  feroit 
très-facile  de  furprendre  &  de  défaire  ;  &  pour  lui  faire  voir 
qu’il  parloit  fincérement  ,  il  le  relâcha  fur  l’heure  même  avec 
tous  les  Gens  ,  à  l’exception  d’un  feul ,  qu’il  vouloit  retenir  , 

.difoit-il pour  remplacer  un  des*Siens  ,  qui  avoit  été  tué. 

Il  fit  enfuite  une  très-grande  diligence  pour  fe  rendre  à 
Michillimakinac ,  &  dès  qu’il  y  fut  arrivé  ,  il  fit  préfent  de 
fon  Prifonnier  à  M.  de  la  Durantaye.  Ce  Confmandant ,  qui 
n’étoit  pas  encore  informé  des  pourparlers  de  fon  Général 
avec  les  Cantons ,  condamna  fur  le  champ  ce  Miferable  à  pafi 
fer  par  les  armes  ,  voulant  apparemment  lui  épargner  le  fup- 
plice  du  feu.  L’Iroquois  eut  beau  protefter  qu’il  étoit  Ambaf¬ 
fadeur  ,  &  que  les  Hurons  l’avoient  pris  en  trahifon  ;  le  Rat 
avoit  prévenu  tout  le  Monde  que  la  tête  lui  avoit  tourné  ,  & 
que  la  crainte  de  la  mort  le  faifoit  extravaguer  :  de  forte  qu’on 
ne  l’écouta  point  &  qu’il  fut  exécuté. 

Dès  qu’il  fut  rtiort ,  le  Rat  fit  venir  un  vieux  Iroquois  , 
qui  étoit  depuis  lontems  Captif  dans  fon  Village  ,  lui  donna 
la  liberté,  &  lui  recommanda  de  s’en  retourner  dans  fon  Can¬ 
ton  ,  d’y  infiruire  fes  Compatriotes  de  ce  qui  venoit  de  fe 
paffer  fous  fes  yeux  ,  &  de  leur  apprendre  que  ,  tandis  que 
les  François  amufoient  les  Cantons  par  des  négociations 
feintes  ils  faifoient  faire  des  Prifonniers  fur  eux  ,  &  leur 
caffoient  la  tête.  Tout  cela  lui  réufiit  parfaitement ,  &  quoi¬ 
que  les  Iroquois  enflent  paru  d’abord  détrompés  de  la  préten¬ 
due  mauvaiie  foi  du  Gouverneur  Général ,  nous  verrons  bien¬ 
tôt  ,  ou  qu’ils  avoient  fait  femblant  de  l’être  ,  ou  que  le  grand 
nombre  ne  fut  pas  fâché  d’avoir  un  prétexte  aufli  plaufible 
de  recommencer  la  guerre. 

Tome  /.  Yyy 


i  6  8  8  • 


,,g  HISTOIRE  GENERALE 

-  }  Les  plus  fages  étoient  néanmoins  réfolus  d’envoyer  de 

-  nouveaux  Députés  au  Marquis  de  Dénonviile.  Ces  Députés 

Lc  5Tm  étoient  même  déjà  choifis  ,  &  fur  le  point  de  fe  mettre  en 
York  empê-’  chemin  pour  Montreal ,  lorfqu  un  Exprès  du  Chevalier  An¬ 
che  la  paix.  rlrns  arriva  à  Onnontagué  ,  &  défendit  aux  lroquois  de  trai¬ 

ter  avec  les  François  fans  la  participation  de  fon  Maître.  II 
aioûta  que  le  Gouverneur  prenoit  les  Cantons  fous  fa  fauve-gar¬ 
de  &  les  aifûroit  de  la  proteHion  du  Roy  de  la  Grande  Breta¬ 
gne  &  que  Sa  Majefté  ,  qui  les  confideroit  comme  fes  pro- 
pres’Enfans  ,  ne  les  laifferoit  jamais  manquer  de  rien. 

^  Le  Chevalier  écrivit  en  même  tems  au  Marquis  de  Denon- 
ville  qu’il  ne  devoit  pas  fe  dater  de  faire  la  paix  avec  les 
lroquois ,  Sujets  de  la  Couronne  d’Angleterre  ?  fous  d  au¬ 
tres  conditions ,  que  celles,  qui  avoient  déjà  ete  propolees 
par  le  Colonel  Dongan ,  fon  Prédéceffeur  :  qu’au  refte  pour 
ce  qui  le  regardoit  en  particulier  ,  il  étoit  tres-difpofe  a  bien 
vivre  avec  lui,  &  qu’il  avoit  déjà  interdit  aux  Anglois  delà 
dépendance  toute  hoffilité  fur  les  Terres  dépendantes  des 
François.  Comme  ce  Gouverneur  commandoit  encore  dans 
la  Nouvelle  Angleterre  ,  après  une  telle  déclaration ,  on  avoit 
tout  lieu  de  s’attendre  que  nulle  partie  de  la  Nouvelle  France 
p e  couroit  aucun  rifque  de  la  part  des  Anglois. 

'  Niais  ce  Général  ne  comprenoit  aparemment  pas  fous  le  nom 
de  k  Nouvelle  France  ,  ni  l’Acadie  ,  ni  les  Provinces  circonvoi- 
fines ,  quoique  par  le  Traité  de  Breda  elles  euffent  ete  décla¬ 
rées  en  faire  partie  ;  car  tandis  qu’il  faifoit  à  M.  de  Denon- 
ville  la  protection  ,  que  je  viens  de  dire  ,  il  envoya  piller 
l’Habitation  du  Baron  de  S'.  Caftin  à  Pentagoet,  &  les  Pé¬ 
chés  fedentaires  ,  établies  à  Camceaux  ,  &  a  Chedabouc- 
tou.  Il  eft  vrai  qu’il  défavoua  ces  entrepnfes  ;  mais  on  avoit 
des  preuves  certaines  qu’il  en  étoit  l’Auteur  ,  aufîi-bien  que 
des  ravages  ,  que  fit  bientôt  après  en  plufieurs  endroits  de  la 
Colonie  un  Parti  de  trois-cent  lroquois.  En  un  mot  toute  la 
conduite  jufqu’à  ce  que  la  guerre  fut  déclarée  entre  les  deux 
Couronnes ,  ne  différa  de  celle  ,  qu’il  tint  après  cette  décla¬ 
ration  ,  qu  autant  que  4  perfidie  la  plus  noire  différé  d  une 

guerre  ouverte.  x  r 

Etat  dttcotn-  On  peut  bien  juger  que  dans  la  fituation  ,  ou  fe  trouvoient 
mercc  dans  la  jes  afpaires  de  la  Nouvelle  France ,  le  commerce  ne  pouvoit 
N-Fla"“-  pas  y  être  bien  floriffant.  Depuis  l’année  1669.  que  le  Roy 
l’ avoit  déclaré  libre ,  la  Colonie  s’étoit  considérablement  ac- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  539 

crue,  &  par  le  recenfement  de  cette  année  1  68  8.  elle  fe 
trouva  compofee  d’onze  mille  deux-cent  quarante-neuf  Per- 
fonnes.  A  la  vérité  les  Anglois ,  ainfi  que  je  l’ai  déjà  remar¬ 
qué  ,  partageoient  dès-lors  avec  les  François  la  Traite  des 
Pelleteries  ;  &  c’eft  principalement  ce  qui  les  engageoit  à 
fomenter  la  guerre  entre  nous  &  les  Iroquois  ,  parce  qu’ils 
ne  pouvoient  avoir  de  bonnes  Pelleteries  ,  qui  fe  tirent  des 
Quartiers  du  Nord  ,  que  par  le  moyen  de  ces  Sauvages  > 
lefquels  ne  pouvoient  guéres  fe  reconcilier  avec  nous  ,  °fans 
leur  fermer  cette  précieufe  Mine. 

Ce  n’eft  pas  que  les  ïroquois  foient  grands  Chaffeurs  ;  mais 
outre  qu’ils  enlevoient  fouvent  à  nos  Alliés  &  à  nos  Voya¬ 
geurs  les  Pelleteries  ,  que  ceux-ci  portoient  à  Montreal ,  ils 
engageoient  plufieurs  Nations,  &  fouvent  même  nos  Cou¬ 
reurs  de  Bois  ,  à  traiter  avec  les  Anglois  de  'la  Nouvelle 
York,  &  le  profit ,  qu’ils  tiroient  de  ce  commerce  ,  dont  leur 
Pays  devenoit  néceffai  rement  le  centre ,  les  retenoit  dans  les 
intérêts  des  Anglois.  A  cçs  raifons  fe  joignoit  l’appas  du  meil¬ 
leur  marché  ,  qui  faifoit  beaucoup  d’impreffion  fur  tous  les 
Sauvages  ;  de  forte  que  la  meilleure  partie  des  Pelleteries  du 
Canada  paffoit  aux  Anglois  ,  fans  qu’il  fût  poflible  de  faire 
entendre  raifon  aux  Intéreffés  dans  ce  commerce  ,  dont  les 
Chefs  étant  en  France ,  ne  voy oient  pas  les  chofes  d’aufii 
près  ,  que  ceux  ,  qui  étoient  en  Amérique. 

Enfin  quelques-uns  de  ces  derniers  renoncèrent  à  cette  Trai¬ 
te  ,  dont  les  profits  diminuoient  de  jour  en  jour ,  &  reprirent 
le  deffein  fi  fouvent  avorté  d  établir  des  Pêches  fedentaires 
dans  le  Fleuve  S.  Laurent  ;  mais  ils  fe  rebutèrent  d’abord. 


1688. 


Pêches  féden- 
taires  dans  le' 
Ileuve. 


Le  Sieur  Riverin  fut  prefque  le  feul ,  qui  ne  s’effraya  point 
des  difficultés ,  &  que  le  mauvais  fuccès  de  fes  premiers  efi 
fais  11e  fit  pas  renoncer  à  fon  entreprife  ;  mais  avec  de  l’indu- 
firie  &  du  courage,  il  faut  encore  ,  pour  pouffer  de  pareils  Eta- 
bliffemens ,  avoir  des  fonds  confiderables  ,  &  ils  manquoiént 
au  Sieur  Riverin.  Il  engagea  quelques  Particuliers  de  Paris  à  fe 
joindre  à  lui  ;  mais  il  n’en  retira  prefque  aucun  avantage  ;  tous 
vouloient  recueillir  ,  avant  que  la  moiffon  fût  mûre  ,  &  leur 
impatience  fit  enfin  avorter  tous  fes  projets. 

Ce  fut  pendant  l’Eté  de  cette  annee  1688.  qu’il  commença  Abondance 
à  mettre  la  main  à  l’œuvre.  Il  établit  fa  Pêche  aux  environs  Myuës  & 
fie  la  Riviere  de  Matane ,  dont  il  trouva  l’embouchure  capa-  dc  Baieuie5‘ 
ble  de  recevoir  des  Bàumens  de  deux -cent  Tonneaux ,  ce 

Y  y  y  ij 


i  6  8  8. 


,i0  histoire  generale 

au’on  avoit  ignoré  jufques-là.  Toute  cette  Côte  ^  Méridion¬ 
ale  du  Fleuve  S.  Laurent  ,  dans  l’efpace  de  plus  de  vint 
lieues  eft  extrêmement  abondante  en  Morues  ,  &  Riverin 
manda  à  M.  de  Seignelay  qu’on  y  pouvoir  occuper  plus  de 
cinq-cent  Chaloupes  à  la  fois.  Il  ajoûtoit  dans,  fa  Lettre  que 
le  Poiffon  y  eft  très-beau  ,  &  propre  pour  le  Detroit  ,  pour 
l’Efpaene  &  pour  le  Levant  ;  qu’ayant  donne  ordre  a  les  Gens 
d’aller  obferver  les  Baleines ,  furtout  auprès  de  Matane ,  ils 

i  _ „4-Â  on  de  tetTlS  £11  tCITlS  illf 


cner  jufqu  a  pouvoir  être  frapees  avec  1  aviron  ;  que 
roit  pendant  trois  mois  de  fuite  ,  &  que  la  plupart  du  teins  il 
ne  falloit  pas  être  beaucoup  plus  d’un  quart  de  lieue  au  large 

pour  les  trouver.  . 

J’ai  remarqué  dans  mon  Journal  qu  étant  mouille  en  1705. 
à  la  fin  du  mois  d’ Août  auprès  de  Tadouffac  ,  environ  quinze 
lieues  au-deffus  de  Matane,  j’en  avois  vû  quatre  en  meme 
tems  fe  jouer  autour  de  notre  Vaiffeau  ,  &  s’enaproeher  de 
maniéré,  qu’on  auroit  pû  les  toucher  avec  les  Rames  de  la 
-Chaloupe;  mais  c’étoit  principalement  fur  les  Cotes  de  1A- 
cadie  ,  que  la  Pêche  ofïroit  un  fond  inepuifable  pour  le  com¬ 
merce.  Le  malheur  eft  que  les  François  ,  Poffeffeurs  de  cette 
grande  Peninfule ,  étoient  toujours  ceux ,  qui  en  profitoient 

le  moins.  ^ 

quitmpê-  Le  Sieur  Paquine  ,  que  la  Cour  y  avoit  envoyé  cette  a 
'?  Fra"-  née  pour  en  faire  la  vifite  ,  attribuoit  en  partie  ce  ddordie 
à  ce  L’on  avoit  placé  le  principal  Etabliffement  au  Port  Rotai 
'AuJic.  „ui  g}),  difoit-il ,  hors  de  la  portée  de  tout  commerce  ,  &  de 
trop  difficile  accès  ,  à  caufe  de  la  diverfité  des  vents  ,  quil 
faut  avoir  pour  y  entrer.  Cétoit  une  plainte  bien  ancienne , 
&  elle  étoit  fondée.  Il  eft  certain  que  les  Ports  de  la  Heve 
&  de  Came  eaux  étoient  beaucoup  plus  avantageux  pour  un 
Etabliffement  folide.  Une  Perfonne  mieux  mftruite  enco¬ 
re  que  le  Commiffaire  ,  dont  je  viens  de  parler  ,  s  exprime 
ainfi  dans  un  Mémoire ,  qu’il  dreffa  à  peu  près  dans  le  meme 

„  16  L’Âcadie  ,  fi  utile  par  la  beauté  &la  fureté  de  fes  Ports ,  la 
„  fertilité  de  fon  Terroir  ,  l’abondance  de  fes  Péchés ,  la  facilue 
»  à  les  rendre  fedentaires  ,  &  fes  Mines  ,  n  a  fait  que  langui! 
„  iufqu’ici  ;  d’abord  par  les  diffentions  des  differens  Proprietai- 
«  res  ,  &  depuis  le  Traité  de  Breda,  par  1  avarice  desGouver- 


tTe 

che 

çois 

ter 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XlL  541 

neurs ,  lefquels  trouvant  leur  compte  dans  la  correfpondance 
avec  les  Anglois  ,  les  ont  laiffés  Maîtres  de  la  Pêche  &  de  la 
Traite.  Les  Habitans  de  leur  côté  ,  fans  difcipline  &  fans  frein , 
n’ont  fongé  ,  ni  à  la  culture  des  Terres  ,  ni  à  la  Pêche  ,  & 
font  demeurés  dans  la  débauche  ,  &  dans  la  courfe  des  Bois , 
fans  faire  autre  chofe  ,  que  de  vivre  au  jour  le  jour. 

La  feule  reffource  de  cette  Province  étoit  dans  l’alliance 
des  Sauvages  de  ces  Cantons  ,  &  furtout  des  Abénaquis ,  par¬ 
mi  lefquels  le  Chrifiianifme  avoit  fait  de  grands  progrès  ;  mais 
'  on  étoit  dans  la  continuelle  appréhenfion  de  perdre  ces  Al¬ 
liés  ,  les  plus  traitables  ,  &  en  même  tems  les  plus  braves  de 
tout  le  Canada.  Les  Anglois  11e  ceffoient  de  leur  faire  des 
préfens  ,  &  les  plus  magnifiques  promettes  pour  les  détacher 
de  nos  intérêts  ;  &  il  efi  certain  qu’ils  en  feroient  venus  à 
bout ,  fans  l’attachement  invincible ,  que  ces  Peuples  avoient 
à  leur  Religion  &  à  leurs  Millionnaires.  Nous  verrons  dans 
la  fuite  de  cette  Hiftoire  que  pour  conferver  leur  Foi ,  ils  fe 
font  fouvent  expofés  aux  plus  grands  périls  ,  &  que  ,  fans 
prefqu’aucune  efperance  d’être  dédommagés  de  leurs  pertes  par 
les  François ,  ils  ont  formé  de  ce  côté-là  une  barrière  ,  que 
toutes  les  forcer  de  la  Nouvelle  Angleterre  n’ont  jamais  pû 
forcer.  m 

Cependant  la  déclaration  du  Chevalier  Ândros  au  fujet  de 
la  paix  avec  les  Iroquois  ,  &  l’engagement ,  où  l’on  apprit 
bientôt  qu’étoient  entrés  les  Cantons  avec  ce  Gouverneur  , 
de  ne  faire  aucune  démarche  par  raport  à  cette  affaire  ,  fans 
fa  participation  ,  jetterent  la  confirmation  dans  toute  la  Co¬ 
lonie.  Mais  il  arrive  fouvent  que  ,  quand  on  ne  voit  plus  au¬ 
cun  moyen  ordinaire  d’éviter  un  mal  preffant  ,  on  fait  des 
efforts  ,  dont  on  ne  fe  croyoit  pas  capable.  L’indignation  de 
voir  une  poignée  de  Sauvages  tenir  fans  ceffe  en  échec  tout 
un  grand  Pays ,  fit  former  un  deffein ,  qui  auroit  paru  har¬ 
di  ,  quand  notre  fituation  auroit  été  aufîi  floriffante  ,  qu’elle 
étoit  déplorée  ,  ce  fut  de  conquérir  la  Nouvelle  York;  le 
Chevalier  de  Callieres  en  ayant  communiqué  le  deffein  au 
Marquis  de  Dénonville  ,  paffa  en  France  pour  le  propoferà 
la  Cour,  comme  le  feul  moyen  de  prévenir  l’entiere  défini¬ 
tion  de  la  Nouvelle  France. 

Le  Mémoire  ,  qu’il  préfenta  fur  cela  au  Minifire  ,  portoit 
en  fubfiance  ,  que  le  Chevalier  Andros  ,  Gouverneur  de  la 
Nouvelle  York,  n’étant  pas  Catholique  ,  il  ne  fàlloit  pas  fe 


»  1688. 

« 

« 

« 

« 

« 

Les  Anglois 
travaillent  à 
détacher  les 
Abénaquis  ds 
nos  intérêts. 


Le  Chevalier 
de  Callieres 
p  a  lie  en  Fran« 
ce. 

1689. 


Il  prélente 
un  Mémoire  à 
la  Cour,  &  ce 
qu’il  contient. 


i  6  8  9« 


,t  HISTOIRE  generale 

■  lier  ou’ü  exécutât  de  bonne  foi  les  ordres ,  qu’il  avoit  reçus 
du  Roy  ,  fon  Maître  ,  de  s’entendre  avec  nous  ;  qu  on  ne  pou¬ 
voir  pas  même  douter  qu’à  l’exemple  du  Colonel  Dongan, 
fon  Prédéceffeur  ,  il  ne  fecourût  par  toutes  fortes  de  moyens 
leslroquois ,  lefquels  ne  feroient  jamais  fincerement  la  paix 
avec  les  François ,  tandis  qu’ils  pourraient  compter  fur  les 
Anelois  ’  que  !  cela  fuppofé  ,  il  n’v  avoit  point  d  autre  voye 
poifr  conferver  la  Colonie  ,  que  de  nous  rendre  Maîtres  de 
Fa  Nouvelle  York  ;  &  que  cette  conquête  eto.t  légitimé  par  la 
néceffité  où  les  Anglois  nous  avoient  mis  de  entreprendre , 
pour  défendre  notre  propre  Pays  contre  une  Nation  ,  dont  ,1s 
prenoient  ouvertement  les  intérêts  contre  nous.  Il  vient  en- 
luire  aux  moyens  d’exécuter  fon  entreprile.  . 

,,  Qu’on  «/do, me,  dit-il,  treize-cent  Soldats  &  tro, s-cent 

’  Canadiens ,  je  defcendrai  (a)  avec  eux  par  la  Riviere  deSo- 
:  S  au  Lac’ Champlain,  fous  prétexte  da  er  faire  la  guerre 
„  aux  Iroquois  ;  &  lorfque  je  fera,  arrive  dam  l eurPays  ,  je  four 
„  déclarerai  que  je  veux  bien  vivre  avec  eux,  &  que  je  lien 
„  veux  qu’aux  Anglois.  Orange  n’a  qu’une  enceinte  de  pieux , 
nnn  terraffée  &un  petit  Fort  à  quatre  Battions  ,  ou  îlny  a 
”  que  cent  cinquante  Hommes  de  Troupes,  Sf  trais-cent  Ha  i- 

„  tans  dans  la  Ville.  Manhatte  a  quatr?-.cent 

„  en  huit  Compagnies ,  moitié  Cavalerie  ,  &  moitié  Intante  . 
Cette  Capitale  neft  point  fermée  ;  mais  elle  a  un  For  a  qua- 
t  Rallions  revêtus  de  pierres  avec  du  Canon*  Cette  coi 
quête  rendrait  le  Roy  Maître  d’un  des  plus  beaux  Ports  de 
P  Amérique  (b),  oùl’on  peut  aller  en  touttems,  &  dun  très  beat, 
:  Tus  un  climat  doux  &  fertile.  On  m’oppofera  le  Trai- 

:  S  Neutralité;  mais  en  premier  «eu  les  AngU  ont  viole 
»  les  premiers  ;  c’eft  de  quoi  nous  avons  des  P  p  roTome  étant 

»  plique.  En  fécond  lieu  il  faut  obferver  que  cette  Colonie  étant 

»  actuellement  toute  remplie  d’Hollandois ,  fur  lefquels  les 

»  gîois  l’ont  conquife  ,  fes  Habkans  obéiront  ntfai  liblement  au 

»  Prince  d’Orange  ,  &  forceront  le  Gouverneui  (c) .  Ainfî  aut 
»  les  prévenir.  Cependant,  f.  Fon  veut différer qufqu ia  cemon 
»  foit  en  guerre  ouverte  avec  les  Anglois  (d) ,  il  faut  le  pieparer 
«  pour  le  mois  de  Juin  prochain.  Ce  Mémo.re  lit  impreffion  fur  e 
jvliniftre  ,  &  le  Roy  même  l’aprouva  ;  mais  ce  ne  fut  point  le 


(  a  )  Il  falloir  dire  ,  remonterai . 

(b)  Manhatte. 

(  c  )  La  France  étoit  déjà  en  guerre  avec  la 


Hollande. 

(  d  )  On  ne  doutoit  plus  que  cette  guerre 
ne  fût  prochaine. 


DË  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  543 

Marquis  de  Dénonville  ,  qui  fut  chargé  de  le  faire  exécuter. 

Il  paroît  que  dès  l’année  précédente  Sa  Majefté  avoit  fon- 
géà  le  rappeller  ,  &  avoit  jetté  les  yeux  fur  lui  pour  l’Em- 
ploy  de  fon  Gouverneur  des  Enfans  de  France  ;  car  j’ai  eu 
entre  les  mains  un  ordre  ligné  de  ce  Prince  ,  &  datté  du 
huitième  de  Mars  de  l’année  1688.  en  vertu  duquel  le  Che¬ 
valier  de  Callieres  ,  Gouverneur  de  Montreal ,  devoir  avoir 
le  Commandement  des  armes  pendant  l’abfence  du  Gouver¬ 
neur  Général.  Néanmoins  ,  foit  que  le  Roy  eût  changé  de 
penfée ,  ou  qu’il  eût  eu  des  raifons  pour  différer  l’exécution 
de  ce  Projet  ,  rien  n’empêcha  le  Chevalier  de  Callieres 
de  palier  en  France  à  la  fin  de  l’année  1688.  Ce  ne  fut  que  le 
dernier  jour  de  May  de  l’année  fuivante  ,  que  Sa  Majefté 
manda  au  Marquis  de  Dénonville  que  la  conjoncture  de  la 
guerre  ,  qui  venoit  de  fe  rallumer  en  Europe ,  lui  avoit  fait 
prendre  la  réfolution  de  le  rappeller  ,  pour  lui  donner  de 
l’Emplcy  dans  fes  Armées. 

Le  Comte  de  Frontenac  fut  en  même  tems  déclaré  fon 
Succefîeur.  Le  Roy  n’avoit  pu  refufer  cette  grâce  aux  pref- 
fantes  follicitations  de  plufteurs  des  Parens  &  des  Amis  de  ce 
Seigneur  ,  &  furtout  à  celles  du  Maréchal  de  Bellefont  , 
qui  lui  répondit  de  fa  conduite  ,  &  dont  la  haute  vertu  étoit 
line  forte  recommandation  auprès  de  Louis  XIV.  D’ailleurs 
l’Etat  déplorable  ,  où  la  Nouvelle  France  étoit  réduite  ,  &  le 
projet  de  la  conquête  de  la  Nouvelle  York,  demandoient 
qp’on  mît  à  la  tête  de  cette  Colonie  un  Homme  d’autorité  , 
d’un  caraftère  ferme  ,  d’une  grande  expérience  dans  la  guerre  * 
qui  connût  déjà  le  Pays  ,  &  qui  fçût  manier  les  efprits  des 
Sauvages.  Tout  cela  fetrouvoit  dans  le  Comte  de  Frontenac  , 
&  il  y  avoit  lieu  d’efperer  qu’avec  l’efprit ,  qu’il  avoit ,  il  pro- 
fiteroit  de  fes  fautes ,  &  des  chagrins  ,  quelles  lui  avoient  atti¬ 
rés  ,  pour  modérer  fes  paftions  ,  &  pour  fe  conduire  par  d’au¬ 
tres  principes  ,  que  fes  préjugés  &  fes  antipathies. 

,  Ces  conjectures  fe  trouvèrent  allez  juftes.  A  la  vérité  ce  Gé¬ 
néral  parut  toujours  le  même  à  ceux  ,  qui  le  virent  de  plus 
près  ;  mais  il  fut  fur  fes  gardes  ,  &  il  profita,  des  avis  ,  que 
le  Maréchal  de  Bellefont  lui  avoit  donnés.  D’autre  part  il 
eut  les  plus  belles  occafions  du  monde  de  déveloper  fes  gran¬ 
des  qualités  ,  &  d’en  faire  un  glorieux  ufage  ,  &  il  rendît 
d’affez  importans  fervices  à  l’Etat  ,  furtout  pendant  les  pre¬ 
mières  années  de  la  nouvelle  Adminiftration ,  pour  engager 


1  6  8  Cf. 

Le  Marquis 
de  Dénonville 
eft  rappelle  en 
France. 


Le  Comre  de 
Frontenac  lin 
fuccéde. 


histoire  generale 

■  -  la  Cour  à  fermer  les  yeux  fur  plufieurs  fautes ,  qui  lui  echa- 

^avokpasPchangé  dl  fentiment  à  lerir  égard  ,  de  fouffrir  ayeç 

nat-ience  &  de  difiimuler  avec  lageiie. 

P  Dans  les  inftruaions ,  qui  lui  furent  données  ,  &  qui  fu¬ 
ses  înftruc-  •L'ans  les  11  . ,  JA  T  •  ie  R  ov  lui  marquoit  que  fur 

-tiens  au  fujet  rent  fignees  le  feptieme  de  Juin,  ie  y  AnJeterre  des 

tmudfon ,  .nvafion’s  réciproques  des  Polies  établis  dans  la  BayedHud- 
fnn  nar  les  Anglois  &  les  François,  il  y  avoit  eu  a  Londres 
£  Conférences  entre  fes  Cotnmiffaires  &  ceux  de  la  Grande  I 

tZgïïZZ  U.  p».«  »■>?»»•  F  «wyAfg 

alleg&»  P»  U».  l»*'fe  ’Z  5"  t  S »- 

alptprre  '  avoit  rompu  toutes  ces  mefures ,  &  que  ,  comme  11 
Lit  vraifemblable  ?ue  les  Anglois  n’avo.ent  P^  encore  fon- 
<7,4  à  nrendre  leurs  précautions  de  ce  cote-la  ,  Sa  Majelte  tou 
haito  t  qu’il  donnât  à  la  Compagnie  du  Nord  toute  laj>^ '  " 
aion  ,  dont  elle  auroit  befoin  ,  pour  les  chaffer  des  Polies , 

qUL*  Roy  vlnfnt  enfuke  aux  affaires  de  l’Acadie  ,  lui  mar- 
quoit  que7  dans  les  dernieres  Conférences  entre  les  Comrm  - 
Aires  des  deux  Couronnes  il  avoit  ete  parle  d  P 

.  faite  depuis  peu  par  les  Baftonnois  à  Pen'^p^  q^  artenoii 

miliaires  Anglois  étoient  convenus  que  ce  Po  P.P  dg  ^ 

tito™  f«  .plaigne ,  lorfque  U  « % 

roit  reprife  ;  que  ce  projet  ne  pouvant  p  us  ^  ’  je  $<  je 

de  la  rupture  des  Conférences ,  d  faj  oi  qt  néce(raires 

Menneval  Gouverneur  de  lAcadie^les^  ^  irrup. 

pour  empecher  qu  on  iffoit  inévitable  &  prochai- 

tions  ;  a  quoi  la  guerre,  qm  F '  de  Ja  NpuveUe  France. 

ne  ,  expofoit  a  , ,  ?  •  a  l’Angleterre  le  vintein- 

Et At l’entre-  j  a  guerre  tut  en  enet  declaree  a  iü  g  • 

^UrlaN’  S  ^cle  dfeS  £ 

t&r  fesfe  nsr* 

r “ ire-  î;.rï 

York  ne  difeontinuoient  point  depuis  quelques  annees^d^ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  54? 

foulever  les  Nations Iroquoifes  ,  Sujettes  de  Sa  Majeffié  ,  quils  — - - 

les  obligeoient  de  faire  la  guerre  aux  François  ,  leur  four-  1  08  9* 
niffoient  pour  cet  effet  des  armes  &  des  munitions  ,  &  avoient 
cherché  par  toutes  fortes  de  moyens  ,  fans  égard  aux  défen- 
fes  du  Roy  d’Angleterre  ,  &  àlafoy  du  Traité  ,  à  ufurperie 
commerce  des  François  dans  les  Pays  ,  dont  ceux-ci  étoient 
en  poffeffion  de  tout  tems.  Que  pour  toutes  ces  raifons  Sa 
Majeffié  avoit  ordonné  au  Sieur  Begon  ,  fon  Intendant  à  lio- 
chefort  dans  le  Pays  d’Aunis  &  dans  la  Saintonge  ,  de  pré¬ 
parer  toutes  les  munitions  néceffaires  ,  &  avoit  fait  armer 
dans  le  Port  de  Rochefort  deux  de  fes  Vaiffeaux  fous  le  Com¬ 
mandement  du  Sieur  de  la  Caffiniere  ,  lequel  devoit  fui- 
vre  exaftement  les  ordres  du  Comte  de  Frontenac. 

.  Que  fon  intention  étoit  donc  que  ledit  Comte  de  Frontenac  Pian  de  cette 
partît  au  plûtôt  „  &  s’embarquât  fur  un  des  Vaiffeaux,  que  EntrePrife- 
commandoit  le  Sieur  de  la  Caffiniere  ,  pour  fe  rendre  d’a¬ 
bord  à  l’entrée  du  Golphe  S.  Laurent  ,  puis  à  la  Baye  de 
Camceaux  en  Acadie  :  qu’y  étant  arrivé  ,  il  paffât  fur  le  meil¬ 
leur  des  Vaiffieaux  Marchands  ,  qui  larmoient  fuivi,  pour  fe 
rendre  à  Quebec;  mais  qu’avant  que  de  fe  féparer  du  Sieur  de 
la  Caffiniere  ,  il  lui  ordonnât  d’attendre  de  fes  nouvelles ,  & 
de  fe  faiûr  de  tous  les  Bâtimens  Ennemis,  qu’il  pourroit ren¬ 
contrer  pendant  fon  fejour  à  la  Côte  ;  que  pour  lui ,  dès  que 
le  tems  &  l’occafion  le  permettroient ,  &  même  ,  s’il  étoit  pof- 
fible ,  dès  l’entrée  du  Fleuve  S.  Laurent  ,  il  détacheroit  le 
Chevalier  de  Callieres  ,  afin  qu’il  pût  arriver  avant  lui  à  Que- 
bec  ,  &  y  faire  les  préparatifs  néceffaires  pour  l’entreprife  de 
la  Nouvelle  York:  qu’il  eût  foin  furtout  de  garder  un  grand 
fecret ,  &  qu’il  tâchât  de  couvrir  ces  préparatifs  fous  les  pré¬ 
textes  ,  qu’il  jugeroit  les  plus  convenables  &  les  plus  piau- 
ffibles. 

Qu’il  étoit  auffi  très-important  d’ufer  d’une  grande  diligen¬ 
ce  ,  Sa  Majeffie  étant  perfuadee  que  l’Entreprife  ne  pouvoit  fe 
faire  dans  un  autre  tems  ,  que  dans  celui  de  l’Automne  ;  qu’ainfî 
le  Comte  de  Frontenac  ,  auffitôt  après  fon  arrivée  à  Quebec , 
en  partît  avec  les  Batteaux  ,  &  tout  l’équipage  néceffaire  ,, 
accompagné  du  Chevalier  de  Callieres  ,  qui  commanderoit  les 
Troupes  fous  fes  ordres  ;  qu’il  enverroit  en  même  tems  fes 
Inffiruffiions  en  chiffre  au  fieur  de  la  Caffiniere ,  &  lui  recom¬ 
manderait  de  faire  voile  pour  Manhatte ,  fans  rien  entrepren¬ 
dre  fur  fa  route  ,  de  fe  rendre  Maître  de  tous  les  Bâtimens  > 

Tome  I.  Z  z  z 


’m 


»  ■ .. 


.,<5  histoire  generale 

- —  ou’il  trouveroit  dans  la  Baye  ;  mais  de  ne  s’expofer  à  aucune 

16891  aventure  ,  qui  pût  le  mettre  hors  d’état  de  fervir  a  1  entreprife , 

dont  il  étoit  queftion. 

Que  comme  il  n’étoit  pas  poffible  de  marquer  un  tems  cer¬ 
tain ,  auquel  le  Sieur  de  la  Caffiniere  &  le  Comte  de  Fronte 
nac  pourroient  arriver  enfemble,  chacun  de  leur  cote, 1 
propos  que  le  premier  allât  droit  dans  la  Baye  de  ’ 

d’autant  plus  que  l’attaque  des  premiers  Polies  de  ** 
velle  York  avertiroit  la  Capitale  ,  &  qu  ainfi  les  Va iffeaux 
y  arrivant  avant  les  Troupes  de  Teire  ,  v  caueroi 
diverfion  utile  ;  que  comme  le  Comte  de  Frontenac  auroit 
avec  lui  toutes  les  forces  de  la  Nouvelle  France,  il  dev,°1^™’! 
fon  départ  de  Quebec  ,  concerter  avec  le  Marquis  dUfonon- 
ville  les  mefures ,  qu’il  y  auroit  a  prendre  pour  la  furete  de 
la  Colonie  contre  les  courfes  des  Iroquois  ,  &  donner Je 
ordres  au  Chevalier  de  Vaudreuil,  lequel  de7olt  co"ïï“dï ? 
dans  le  Pays  pendant  l’Expédition ,  apres  le  départ  du  Marqu 
de  Dénonville ,  &  dont  les  Inftruaions  dévoient  etre  dreflees 

par  les  deux  Généraux.  ,  y? 

Ce  qui  devoit  ^  La  Nouvelle  York  foûmife  ,  le  Comte  de  Frontenac  de 
fe  faire  après  ■  biffer  les  Anglois  Catholiques  ,  q“.1,voludroie"‘ L_n 
meurer,  en  s’affûtant  de  leur  fidélité  ;  diftribuer  aux  Fran 
cois ,  qu’il  y  établiroit ,  les  Artifans  &  autres  Gen  de  1er 
vice  ,  dont  ils  auroient  befoin  ;  retenir  Pnfonniers  les  Offi¬ 
ciers  &  les  principaux  Habitans ,  dont  on  pourroit  elpere de 
bonnes  rançons ,  &  envoyer  tout  le  refte  ,  Hommes  &Fe««: 
mes  dans  la  Nouvelle  Angleterre  ,  ou  dans  'a  Penfylvame  , 
mais  comme  il  ne  devoit  pas  attendie  1  arriéré  P  , 

tourner  à  Quebec,  au  rifque  d être  arrête  en  c  e  P  j 
glaces  ,  il  avoir  ordre  de  confier  1 1  execution  de  ' tout  ce  qu 
refteroit  à  faire  au  Chevalier  de  Callieres ,  a  qu  , 
ftinoit  le  Gouvernement  de  la  Nouvelle  York ,  &  de  la  Ville 
&  Fort  de  Manhatte  ,  fous  l’autorité  du  Gouverneur  General 
de  la  Nouvelle  France.  Enfin  un  des  principaux  fruits  de  la 
viâoire  devoit  être  une  paix  folide  avec  les  Cantons  Iro¬ 
quois,  qui  ne  pouvant  plus  efperer  detre  fecourus  des An- 
elois,  ne  ferment  plus  tentés  de  remuer  ;&  pour  oter  aux  au¬ 
ra  Colonies  Angloifes  la  facilité  dé  faire  aucune  Entreprife  par 
Terre  contre  nous  ;  il  étoit  expreffement  ordonne  au  Com 
de  Frontenac  de  détruire  toutes  les  Habitations  voiûnes  de 
Manhatte ,  &  de  mettre  toutes  les  autres  fous  contribution. 


cette 
£€ 


r 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  547 

Un  projet  fi  bien  concerté  ,  &  dont  l’exécution  étoit  con-  16  8  9 7 
fiée  à  des  Officiers  ,  dont  le  nom  feul  fembloit  en  garantir  le  L.cntre  ^ 
fuccès  ,  avoit  un  défaut ,  qui  le  fit  échouer.  Il  dépendoit  du  écto-T& 
concours  de  deux  chofes ,  fur  lefquelles  on  ne  peut  jamais  Pour<îuoi- 
compter  fûrement  ;  à  fçavoir ,  les  vents  favorables  ,  &  une 
diligence  égale  dans  tous  ceux  ,  qui  étoient  chargés  de  tra¬ 
vailler  aux  préparatifs.  Le  plan ,  que  le  Gouverneur  de  Mont¬ 
real  avoit  propofé  étoit  beaucoup  plus  fimple  ,  que  celui, 
qu’on  choiut  :  il  étoit  d’ailleurs  moins  coûteux  :  il  ne  dépen¬ 
doit  point  des  caprices  de  la  Mer  &  des  vents  ,  &  tout  y 
rouloit  fur  une  feule  tête ,  &  la  meilleure  ,  qui  fut  en  Cana¬ 
da.  En  y  ajoûtant  quelques  précautions  fort  aifées  à  prendre 
contre  les  Iroquois  ,  il  auroit  infailliblement  réuffi  ;  mais  de 
la  maniéré  ,  dont  les  chofes  étoient  arrangées  il  falloit  une 
efpéce  de  miracle  ,  pour  parvenir  au  but ,  qu’011  fe  propofoit. 

Ce  n’efi:  pas  que  les  mefures  ne  fuffent  bien  prifes  de  la  part 
du  Roy  &  de  fon  Minifire  ;  mais  la  moindre  faute  dans  l’exé¬ 
cution  d’un  feul  article  ,  fuffifoit  pour  tout  déranger ,  &  on  en 
fit  plufieurs.  La  première  fut  la  négligence  de  ceux  ,  à  qui 
on  avoit  confié  l’armement  des  Vaifleaux.  »  Le  radoub  de  la  « 

Fregate  ,  l  Embufcade  ,  dit  M.  de  Callieres  dans  une  de  fes  « 

Lettres  ,  qui  nous  a  fait  attendre  vint-fept  jours  à  la  Rochel-  « 
le  ,  a  caufé  ce  retardement  ,  avec  la  néceffité  d  efcorter  les  « 
Vaifleaux  Marchands  ,  la  plûpart  fort  chargés  ,  &  mauvais  « 
voiliers.  « 

Il  arriva  de-là  que  M.  de  Frontenac  ne  put  être  que  le  dou¬ 
zième  de  Septembre  à  Chedabouftou  ,  qui  avoit  été  afligné 
pour  le  rendez-vous  des  Vaifleaux  ;  &  les  Navires  Marchands , 
que  des  brumes  continuelles  pendant  huit  jours  avoient  fépa- 
rés  de  lui  fur  le  grand  Banc  de  Terre-Neuve  ,  ne  le  joigni¬ 
rent  que  le  dix-huit.  Le  lendemain  il  quitta  F  Embufcade  3  fur 
laquelle  il  avoit  fait  le  voyage  jufques-là  ,  &  s’embarqua  fur 
le  Saint  François  Xavier  ,  après  avoir  concerté  avec  M.  de 
la  Caffiniere  ce  qu’il  convenoit  de  faire  dans  une  faifon  fi 
avancée.  Les  Infiruftions  ,  qu’il  luilaifîa,  prouvent  que  ,  s’il  ne 
renonçoit  pas  encore  à  l’Expédition  de  la  Nouvelle  York  ,  il 
ne  comptoitpas  beaucoup  fur  la  réuffite. 

Elles  portoient  que  dès  qu’il  auroit  achevé  de  faire  de  l’eau  données^*  m? 
&  du  bois ,  il  mettrait  à  la  voile  avec  le  Fourgon  pour  efcor-  de  la  Caffinie- 
ter  F  Union  jufqu’au  Port  Royal  ,  où  ce  Navire  devoir  dé-  rcPar,eC°m- 
çharger  des  munitions  &  des  vivres  ;  qu’il  enlèverait  tous  les  Fr°me" 

Z  z  z  ij 


1689* 


M.  de  Fronte 
aac  arrive  à 
Montreal. 


g  HISTOIRE  generale 

Bâtimens  Anelois  ,  qu’il  rencontrerait  en  fon  chemin  ;  fans 
néanmoins  s’engager  en  aucun  combat  hazardeux  ,  ou  qui 
nût  retarder  fon  voyage  ;  qu’il  tâcheron  furtout  d  avoir  quel¬ 
que  Pilote  Anglois  ,  qui  pût  lui  faire  connaître  les  bons  moui - 
lbes  depuis  Ballon  jufqu’à  Manhatte  ;  qu  il  ferait  le  moins  de 
fefour  ,  qu’il  lui  ferait  poffible ,  au  Port  Royal ,  où  il.pren- 
droit  toutes  les  connoiffances  néceffaires  pour  1  executioi 

fon  deffein,  fans  le  découvrir  qu  au  feulM.  de  Mannevl, 

Gouverneur  de  l’Acadie  ,  fa.fant  entendre  a  tous  les  autres 
qu’il  n’avoit  ordre  que  de  croifer  le  long  des  Cotes  ,  &  a  e  . 
bêcher  les  Ennemis  de  continuer  leurs  ravages. 

P  Qu’il  irait  enfuite  à  Manhatte  en  droiture ,  &f^'lpou- 
vok  arriver  dans  la  Baye  avant  le  premier  jour  de  Novem¬ 
bre  il  n’aprocheroit  point  à  la  vue  de  la  Ville  ,  ni  du  tort  , 
mais  fe  tiendrait  en  quelque  bon  mouillage 
me  du  même  mois ,  &  employeroit  ce  teins  a  difpofe tou 
chofes  pour  le  débarquement;  qu  alors  il  ne  ferait  plus  au 
cune  difficulté  de  fe  montrer  ;  mais  qu’il  fe  tiendra,  hors  e 
la  nortée  du  Canon  ,  en  faifant  femblant  de  nette  la  ,  que 
pour  croifer  à  l’entrée  du  Port ,  afin  d’empecher  que  rien  11  y 
entrât",  ou  n’en  forât.  Que  fi ,  après  avoir  attendu  jufau  au 
dixiéme  de  Décembre  ,  il  ne  recevoir  aucune  nouvel  e  de 
uart  il  pourroit  reprendre  la  route  de  Franc  ;  .  ^ 

paffant  par  le  Port  Royal,  il  y  débarquerait  toutes  les  mu¬ 
nitions  &  les  vivres  deftinés  aux  Troupes  de  Terre  ^^es^y 
ferait  enfermer  dans  des  Magafins  ,  afin  que  , 
vante  on  vouloir  tenter  de  nouveau  1  Entreprife  de  la  Nouvelle 

York,  on  pût  les  y  trouver.  ~ •  e.  il 

Ce  fut  en  effet  le  parti,  que  prit  M.  de  la  Cafi  n  • 

avoit  fait  plufieurs  priées,  avant  que  darirver  au  ’ 

il  en  fit  encore  quelques-unes  dans  la  fuite  ;  mais  y 

de  Apparence  que  les  vents  contraires  ne  lui  permirent  point 

d’entrar  dans  ce  Port ,  ni  en  allant  à  Manhatte ,  n.  a  fon  re- 
raur  car  nous  verrons  bientôt  cette  Place  dans  une  grande 
difette  de  tout  ce  que  cet  Officier  avoit  ordre  dy  laiffer.  M. 
de  Frontenac  de  fon  côté  partit  de  Chedabouclou  le  dix- 
neuvième  de  Septembre  af  tous  les  Navires  qui  etoient 
deftinés  pour  Quebec  ,  &  il  ne  put  gagner  Me  Percee,  qt 
le  vint-cinquiéme.  Il  ne  voulut  pas  y  mouiller  ,  &  1  le  con 
tenta  de  faire  mettre  en  panne  à  la  jûe  de  l  hablta“°";  • 
Les  PP.  Recollets  vinrent  auffitot  a  fon  bord,  &  llaPPr  - 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  549 

d’eux  que  la  Nouvelle  France  étoit  dans  une  grande  conffer- 
nation ,  caufée  par  une  irruption  des  Iroquois  dans  ride  de 
Montreal.  Cette  nouvelle ,  dont  on  n’avoit  pu  lui  apprendre 
les  particularités  ,  lui  fit  chercher  avec  emprefîèment  une  com¬ 
modité  pour  envoyer  devant  lui  le  Chevalier  de  Callieres  ,  fui- 
vant  l’ordre ,  qu’il  en  avoit  reçu  du  Roy  ;  mais  il  11’en  put 
trouver  aucune.  Ils  continuèrent  donc  leur  route  enfemble ,  & 
mouillèrent  devant  Quebec  le  douzième  d’Oèiobre  ;  ils  en  par¬ 
tirent  le  vintiéme  ,  &  le  vint-feptiéme  ils  arrivèrent  à  Mont¬ 
real  ;  ils  y  trouvèrent  M.  de  Dénonville  &  M.  de  Champigny 
dans  le  plus  grand  embarras ,  qu’il  Toit  poffible  d’exprimer  ,  & 
voici  ce  qui  y  avoit  donné  lieu. 

Le  vint-cinquiéme  du  mois  d’Août  ,  dans  le  tems ,  qu’on 
fe  croyoit  le  plus  en  fureté  ,  quinze-cent  Iroquois  firent  def- 
cente  avant  le  jour  au  Quartier  de  la  Chine  ,  lequel  efi:  fur 
la  Côte  Méridionnale  de  l’Ide  ,  environ  trois  lieues  plus  haut 
que  la  Ville.  Us  y  trouvèrent  tout  le  Monde  endormi  ,  &  ils 
commencèrent  par  maffacrer  tous  les  Hommes  ;  enfuite  ils  mi¬ 
rent  le  feu  aux  Maifons.  Par-là  tous  ceux,  qui  y  étoient  ref- 
tés ,  tombèrent  entre  les  mains  de  ces  Sauvages  ,  &  effuyerent 
tout  ce  que  la  fureur  peut  infpirer  à  des  Barbares.  Us  la  pouf¬ 
fèrent  même  à  des  excès ,  dont  on  11e  les  avoit  pas  encore  cru 
capables.  Us  ouvrirent  le  fein  des  Femmes  enceintes,  pour  en 
arracher  le  fruit ,  qu’elles  portoient ,  ils  mirent  des  Enfans  tout 
vivans  à  la  broche ,  &  contraignirent  les  Meres  de  les  tour¬ 
ner  pour  les  faire  rôtir.  Us  inventèrent  quantité  d’autres  fup- 
plices  inouis ,  &  deux-cent  Perfonnes  de  tout  âge  &  de  tout 
fexe  périrent  ainfi  en  moins  d’une  heure  dans  les  plus  affreux 
tourmens. 

Cela  fait ,  l’Ennemi  s’aprocha  jufqu’à  une  lieue  delà  Ville  , 
faifant  par  tout  les  mêmes  ravages  ,  &  exerçant  les  mêmes 
cruautés  ,  &  quand  ils  furent  las  de  ces  horreurs  ;  ils  firent 
deux-cent  Prifonniers  ,  qu’ils  emrnenerent  dans  leurs  Villages  , 
où  ils  les  brûlèrent.  Au  premier  bruit  de  ce  tragique  événe¬ 
ment  ,  M.  de  Dénonville  ,  qui  étoit  à  Montreal  ,  donna  or¬ 
dre  à  un  Lieutenant  des  Troupes ,  nommé  la  Robeyre  ,  de 
fe  jetter  dans  un  Fort ,  dont  il  craignoit  que  l’Ennemi  ne  s’em¬ 
parât.  A  peine  cet  Officier  y  étoit-il  entré  ,  qu’il  y  fut  inveffi 
par  un  Gros  d’Iroquois ,  contre  lequel  il  fe  défendit  lontems 
avec  beaucoup  de  valeur  ;  mais  fes  Gens  ,  qui  fe  battirent 
en  défefperés  ?  ayant  été  tués  jufqu’au  dernier ,  &  lui-même- 


1689. 


Irruption  des 
Iroquois  dans 
rifle  de 
Montreal  ; 
cruautés  , 
qu’ils  y  exer¬ 
cent. 


.-0  HISTOIRE  generale 

_ _  ]tant  fort  bleffé  ,  les  Affaillans  entrèrent  dans  le  Fort,  &Ie 

1 689-  firent  Prifonnier.  .  . 

Alors  toute  l’Ifle  demeura  en  proye  aux  Victorieux  ,  qui 
en  .parcoururent  la  plus  grande  partie  ,  lmffant  par  tout  des 
traces  fanglantes  de  leur  fureur  ,  fans  quil  fut  poffiblede  s  y 
oppofer.  Elle  dura  jufques  vers  la  mi-Ottobre  ;  &  comme 
alors  on  n’entendoit  plus  parler  de  rien ,  le  General  envoya 
les  Sieurs  du  Luth  &  de  Mantet  dans  le  Lac  des  deux  Mon¬ 
tagnes  ,  pour  s’affûrer  de  la  retraite  des  Ennemis ,  afin  de  pou¬ 
voir  donner  quelque  repos  aux  Troupes,  qui  depuis  plus  de 
deux  mois  étoient  nuit  &  jour  fous  les  armes.  Ces  deux  ü  - 
liciers  rencontrèrent  vint  -  deux  Iroquois  dans  deux  Canots , 
qui  les  vinrent  attaquer  avec  beaucoup  de  fierte.  Ils  eliuye- 
■  rent  leur  première  décharge  fans  tirer  ;  après  quoi  ils  les  abor- 
derent ,  &  en  tuerent  dix-huit.  Des  quatre  ,  qui  remuent,  un 
fe  fauva  à  la  nage  ,  les  trois  autres  furent  pris ,  &  livres  au 

feu  de  nos  Sauvages.  ,  - 

Projet  Je  ces  Ce  fut  dans  de  fi  trilles  circonftances  ,  que  MM.  de  Fron- 
ianvages.  tenac  &  de  Callieres  arrivèrent  à  Montreal  le  vint-deux  de 
Novembre.  Un  de  nos  Sauvages,  qui  avoit  ete  fait  Priion- 
nier  dans  la  déroute  de  la  Chine  ,  &  qui  s  etoit  fauve ,  apres 
avoir  eu  les  ongles  arrachés ,  &  les  doigts  manges ,  ou  brû¬ 
lés  ,  vint  trouver  les  Généraux.  11  leur  dit  que  le  premier  de  - 
fein  des  Iroquois  avoit  été  de  defcendre  par  la  ,R™$r‘ \df 
Prairies ,  qui  fépare  l’Hle  de  Montreal  de  celle  de  Mus ,  de 
commencer  leur  attaque  par  l’extrémité  Orientale  de  la  pre¬ 
mière  ;  de  la  ravager  toute  entière  en  remontant  a  1  Ucci- 
dent  ;  &  de  n’y  pas  laiffer  un  feul  François  ;  quil  ne  fça- 
voit  pas  ce  qui  les  avoit  empêché  de  fuivre  ce  plan  ;  mais 
qu’ils  dévoient  bientôt  revenir ,  pour  achever  pendant  1  y 
i  ver  ce  qu’ils  avoient  commencé  ;  qu’enfu.te  ils  fe  propofoient 

de  fe  rendre  Maîtres  de  la  Ville  au  primeras  ,  &  qulls 
voienty  être  joints  par  un  grand  nombre  dAnglois  &  de 
Mahingans  ;  qu’ils  prétendoient  paffer  de -la  aux  Trois  Riviè¬ 
res  ,  puis  defcendre  à  Quebec  ,  où  ils  compto.ent  de  trouver 
/lote  Angloife ,  &  qu’ils  fe  flatoient  qua  la  fin  de  cette 

. . A. _ _ «Jur  A p*  FraïirnK  PII  v^cLllcLCici» 


MM.  deDé- 
tonville  &  de 
Champigny 
'ont  d’avis  d’a- 
Dandonnen 
Catarccouy. 


une  note  miEiuuc ,  ^  ,  ;;  .  *  ^  i 

Campagne ,  il  ne  referait  plus  de  François  en  Canada. 

M‘  de  Frontenac  comprit  alors  de  quelle  importance  il 
eût  été  qu’il  fût  arrivé  trois  mois  plûtôt ,  parce  que  quand 
bien  même  il  n’eût  pas  conquis  la  Nouvelle  York  ,  il  auroit 
du  moins  empêché  ce  qui  venoit  d  arriver  ,  en  mettant  les 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE-.  Liv.  XII.  551 
Iroquois  &  les  Anglois  fur  la  défenfive.  Pour  furcroît  de  cha-  — yr — 
grin  il  apprit  que  ,  félon  toutes  les  apparences ,  le  Fort  de  1  6  b  9* 
Catarocouy  étoit  évacué  &  ruiné.  En  effet  M.  de  Dénonville 
avoit  envoyé  ordre  à  M.  de  Valrenes  ,  qui  y  comman¬ 
dait  ,  d’abandonner  ce  Polie,  après  en  avoir  fait  fauter  les 
Fortifications  ,  &  de  brûler  les  vivres  ,  qu’il  ne  pourroit  pas 
emporter ,  &  tout  cela ,  fuppofé  qu’il  ne  lui  arrivât  point  de 
Convoi  avant  le  mois  de  Novembre.  Cette  nouvelle  furprit 
d’autant  plus  le  Nouveau  Général ,  que  ces  ordres  avoient 
été  donnés ,  fans  attendre  ceux  du  Roy ,  que  M.  de  Dénon¬ 
ville  avoit  demandés  lui-même  à  ce  fujet ,  &  qu’il  s’y  étoit  dé¬ 
terminé  ,  après  que  les  Iroquois  lui  eurent  fait  dire  infolem- 
ment  qu’ils  vouloient  qu’on  démolît  cette  Place. 

Comme  il  fe  récria  beaucoup  fur  cette  démarche  ,  M.  de 
Dénonville  &  M.  de  Champigny  lui  reprefenterent  que  le 
Fort  de  Catarocouy  étant  fitué  dans  le  fond  d’une  Baye  ,  & 
n’occupant  aucun  pafiage  ,  fon  utilité  étoit  fort  bornée  ;  que 
l’on  n’y  pouvoit  envoyer  des  Convois  ,  qu’avec  de  grolfes 
dépenfes  ;  qu’il  y  falloir  porter  jufqu’au  bois  de  chauffage  ,  la 
Garnifon  ne  pouvant  pas  y  être  allez  forte  ,  pour  en  aller 
couper  dans  la  Forêt  ,  fans  être  expofée  aux  furprifes  des  Iro¬ 
quois  ;  &  que  pour  augmenter  cette  Garnifon  ,  il  faudroit 
dégarnir  des  Polies  plus  nécelfaires.  Ces  raifons  étoient  au 
moins  fpécieufes  ;  mais  le  Comte  de  Frontenac  n’étoit  pas 
aifé  à  perfuader  ,  quand  ce  qu’on  lui  propofoit ,  n’étoit  pas  de 
fon  goût.  D’ailleurs  le  Fort  de  Catarocouy  étoit  fon  ouvrage  , 

&  portoit  fon  nom. 

Dans  le  vrai  un  Polie  avancé  de  ce  coté  -  là  étoit  d’une  de- 

grande  commodité  ,  &  celui-ci  ne  déplaifoit  aux  Iroquois  ,  ^cde0^°cn0n' 
que  parce  qu’il  les  gênoit  ;  mais  j’ai  déjà  remarqué  qu’il  eût  fervex  ce  vil 
été  beaucoup  plus  avantageufement  placé  à  la  Galette.  Il  fe-  {ic' 
roit  plus  proche  de  Montreal  de  vint  lieues  :  on  peut  prati¬ 
quer  un  chemin  par  Terre  pour  le  ravitailler  en  tout  tems  ; 
avec  du  Canon  011  y  feroit  en  état  d’empêcher  les  Iroquois 
de  paffer  le  Fleuve  en  cet  endroit.  Cependant  lî  le  Fort  de 
Catarocouy  11’avoit  pas  tous  ces  avantages  ,  il  en  avoit  alfez 
pour  balancer  les  inconveniens  ,  qu’on  trouvoit  à  le  garder  , 

&  il  11e  falloit  point  l’abandonner ,  qu’on  n’en  eût  conftruk 
un  plus  avantageux. 

^autre  part  plufieurs  Perfonnes,à  qui  le  Gouverneur  Gé¬ 
néral  vouloit  du  bien ,  avoient  un  grand  intérêt  à  fa  confer- 


i  6  8  9' 


2  HISTOIRE  GENERALE 

Vatiôn  :  il  leur  ëtoit  fort  commode  pour  la  Traite ,  qu  ils  y 
faifoient  fouvent  au  préjudice  du  bien  public  ;  &  cette  raifon 
navoit  pas  été  une  cies  moindres ,  qui  avoient  engage  MM. 
aq  Dénonville  &  de  Champigny  à  le  laiffer  tomber  ;  mais  en- 

des  Enfans  de  France  ,  avoir  remis  toute  1  autorité  a  fonSuc- 
ceffeur  ,  &  dans  l’affaire  ,  dont  il  s  agiffoit ,  il  fe  borna  aux 
fimples  reprefentations ,  que  l’Intendant  apuya  de  fom  mieux. 

-,  ,  k  ac  Le  Comte  de  Frontenac  n’y  eut  aucun  egard ,  c,  comme 
grands  pépa-  par  un  article  de  la  Lettre  de  M.  de  Dénonville  au  Sieur  de 
rati ts  pour  le  |  ce  Commandant  pouvoir  attendre  tout  le  mois  de 

ravitailler.  ^  d,,vacuer  Catarocouy  ,  le  nouveau 1  Gé¬ 

néral  efpera  d’avoir  le  tems  de  lui  envoyer  un  contrordre , 
&  un  éonvoi  capable  de  le  mettre  en  état  defe  foutemr  dans 
cette  Place.  Il  fit  clone  équiper  en  diligence  vint  cinq  <-a' 
nots  il  y  joignit  le  Détachement ,  que  Ion  Predeceffeur  avoi 
fait  préparer  pour  faciliter  la  retraite  de  la  Garmfon  ,  &  leur 
donna  une  Efcorte  de  trois-cent  Hommes ,  tant François  ’  ^ 
Sauvages  la  plûpart  Iroquois  du  Sault  b.  Louis  Cx.  c 
Montafne’,  quf  J  fe  voyait  pas  en  fùreté  dans  leurs  Villa- 

aes  s’étoient  réfugiés  a  Montreal.  . 

II  avoir  encore  une  autre  vûë  en  faifant  ce  grand  Deta- 
chemênt  ;  il  avoit  ramené  de  France  les  Iroquois  ,  qui  a 
été  condamnés  aux  Galères ,  .1  vouloir  en  envoyer  Juelques- 
uns  dans  leurs  Cantons ,  pour  y  annoncer  ie  retour  de  tous 
ies  autres  &  les  avertir  de  les  venir  chercher.^ 
quelque  diligence  ,  qu’il  eût  ufé  ,  fon  Convoi  ne  put  être  pr« , 
que  le  dixième  de  Novembre  ,  &  1  ayant  conduit  lu  -  m  me 
jufqu’à  la  Chine,  il  n’y  avoir  pas  deux  heures  ,qu.l  eto»  de 
retour  à  Montreal ,  que  le  Sieur  de  Vairenes  y  arm  a .  avec  la 
Garnifon  ,  compofée-de  quarante  -  cinq  Hommes  Y 

ü-rdu  fix  ,  qui  s’étoient  noyés  en  paffant  un  Rapide. 

1  II  avoit  ürûlé ,  ou  jette  dans  l’eau  toutes  les  Pï?vl^°“*  ^ 
toutes  les  munitions,  qui  auroient  pu  lembarraffer  dans  f 
marche  enfoncé  dans  le  Havre  trois  Barques,  qui  lui  ret- 
toieut  avec  leurs  ancres  &  les  Canons  de  fer  ,  tian  porte  e 

Canons  de  fonte  jufqa’au  Lac  S.  François  ou  .lies  aw.tca- 

chés  miné  les  Baftions ,  les  Murailles  du  Fort  lx  les  i  ours , 

mifdes  mèches  allumées  par  un  bout  en  pluf.eurs  endroits  ; 

&  comme  après  trois  ou  quatre  heures  e  ma  , 

i  1 _ j  il  dnnroit  DOint  que  tout  n  eui 


XI  eft  évacué.  Il 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  m 

fauté  en  l’air.  0n  peut  juger  du  chagrin  ,  que  conçut  le  nou¬ 
veau  Gouverneur  Général ,  de  voir  ainfi  fes  préparatifs  inu¬ 
tiles  ,  par  les  raifons  ,  que  j  ai  dit  qu’il  avoit  de  s’intéreder  à 
la  conservation  du  Fort  de  Catarocouy  ,  &  par  la  vivacité  , 
qu’il  avoit  témoignée  à  ce  Sujet.  Il  ne  s’en  confola  ,  que  dans 
l’efperance  de  le  rétablir ,  comme  il  fit  bientôt  après. 

L  entrepnfe  de  la  Nouvelle  York  lui  tenoit  aufii  toujours 
extrêmement  au  cœur  ,  &  le  Chevalier  de  Callieres  ,  qui 
étoit  venu  à  bout  de  la  faire  goûter  au  Marquis  de  Dénon- 
ville  ,  en  écrivit  en  ces  termes  au  Marquis  de  Seignelay.  >,M. 
de  Dénonville  vous  dira  ,  Monfeigneur  ,  de  quelle  impor¬ 
tance  ileft  que  le  Roy  fe  rende  Maître  de  la  Nouvelle  York, 
&  de  prévenir  les  Anglais  fur  le  deffein ,  qu’ils  ont  de  perdre 
ce  Pays  par  le  moyen  des  Iroquois  ,  avec  lefquels  il  ne  faut 
point  efperer  de  faire  la  paix  par  la  voye  de  la  négociation  , 
tant  que  nous  ferons  en  guerre  avec  les  Premiers.  Si  nous  de¬ 
meurons  fur  la  défenfive  ,  on  ne  peut  éviter  la  ruine  de  cette 
Colonie  ;  ces  Sauvages  continueront  leurs  courfes  ,  brûleront 
&  Saccageront  tout,  fans  qu’on  puide  s’y  oppofer  ,  y  eût-il 
même  deux  fois  plus  de  Troupes  dans  le  Pays  ;  mais  en  s’em¬ 
parant  de  la  Nouvelle  York  ,  on  les  réduit  à  demander  la 
paix  aux  conditions  ,  qu’on  voudra  leur  impofer. 

Cette  Expédition  fe  peut  faire  devant  &  après  la  moiffon , 
&  il  y  a  deux  moyens  de  l’exécuter.  Le  plus  Sûr  efi:  de  faire  at¬ 
taquer  Manhatte  avec  Six  Vaideaux ,  &  douze-cent  Hommes 
de  débarquement ,  pendant  que  les  Troupes  du  Canada  atta¬ 
queront  Orange  par  Terre.  L’autre  moyen  efi:  de  moins  de 
dépenfe  ;  il  confifie  à  envoyer  en  Canada  trois-cent  Hommes 
de  Recrue  qu’on  joindra  à  un  pareil  nombre  de  vieux  Sol¬ 
dats  ,  pour  garder  les  principaux  Pofies  du  Pays  ,  tandis  qu’a¬ 
vec  mille  Hommes  des  Troupes  du  Roy  ,  &  trois  à  quatre  cent 
Habitans  on  ira  faire  le  fiége  d’Orange.  Quand  cette  Ville 
fera  prife  ,  on  y  laidera  une  bonne  Garnifon  ,  puis  on  ira 
attaquer  Manhatte  ;  mais  pour  réudir  dans  ce  fécond  fiége  , 
il  efi:  nécedaire  d’avoir  deux  Frégates  ,  qui  puident  mettre  à 
Terre  trois-cent  Hommes ,  pour  remplacer  ceux  ,  qu’on  au- 
roit  laides  à  Orange  ,  &  pour  la  garde  des  Canots.  Il  fau- 
droit  envoyer  ces  deux  Frégates  dès  le  mois  de  Mars  au  Port 
E°yal  5^  &  en  même  tems  pourvoir  à  la  fureté  de  ce  Pofie , 
•expolé  à  être  enlevé  par  les  Anglois  de  Bafion  ;  &  une  troi¬ 
sième  Fregate  à  Quebec  ,  pour  y  porter  les  ordres  de  S.  M. 

Tome  L  A  A  a  a 


1689. 


Nouvelles 

proportions 

pour  la  cbn- 
quête  de  la  N. 
York. 


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c?4  HISTOIRE  GENERALE 
—75- —  ieS  trois-cent  Hommes  de  Recrue  ,  la  farine  ,«c  les  autres  pro- 

1  ”  vidons  néceffaires.  l  .  , 

Ce  qui  rem-  Le  Minière  ne  pouvoit  que  goûter  beaucoup  ce  projet  du 
pêche  d’avoir  Gouverneur  de  Montreal,  quil  connoiffoit  pour  un  aes  Um- 
<°ncffct'  ciers  de  la  Colonie,  qui  propofoit  le  plus  fagement,  &  qui 
étoit  plus  capable  d’exécuter  tout  ce  qu’on  lui  confierait  ; 
mais  tandis  qu’on  étoit  occupé  en  Canada  à  chercher  les 
moyens  de  faire  des  conquêtes  fur  les  Ànglois ,  on  y  eut  avis 
qu’ils  prenoient  eux-mêmes  des  mefures  pour  s’emparer  du 
Canada.  Peut-être  avec  plus  de  diligence  les  auroit-on  pré¬ 
venus  ;  mais  il  n’étoit  plus  tems  ,  lorfquon  fut  inftruit  de  leur 
deffein.  Il  fallut  donc  renoncer  encore  une  fois  a  une  con- 
quête  néceffaire  à  la  tranquillité  de  la  Nouvelle  France  ,  pour 
faire  tête  à  un  Ennemi ,  qui  avoir  pris  les  devants ,  oc  qui 
avoit  fur  nous  cet  avantage  ,  qu’il  pouvoit  trouver  en  Amé¬ 
rique  des  forces  fuffifantes  pour  nous  accabler  :  par  bonheur 
pour  nous  elles  ne  furent  pas  mifes  en  de  bonnes  mains. 

Cependant  la  Campagne  de  1689.  n’avoit  pas  ete  malheu- 
reufe  dans  toutes  les  parties  de  la  Nouvelle  France.  Tandis 
que  les  Iroquois  portoient  le  ravage  dans  e  centre  de  la  Co¬ 
lonie  d’Iberville  &  les  Freres  foûtenoient  dans  le  Nord  1  hon¬ 
neur  des  armes  Françoifes  ,  &  nos  braves  Abénaquis  nous  ven- 
geoient  aux  dépens  des  Anglois  ,  de  tout  le  mal ,  que  leurs 
Alliés  nous  avoient  fait  à  leur  inftiganon. 

Dès  les  premiers  jours  de  May  on  apprit  a  Ouebec  pai 
deux  Canadiens,  qui  étoient  partis  en  raquette  le  cinquième 
de  Janvier  du  Fort  de  S.  Louis  dans  le  fond  de  la  Baye  d  Hud- 
fon  ,  que  d’Iberville  y  étoit  arrivé  au  mois  dOÛobre  piece- 
dent  :  que  LA  J  ertè  ,  fon  Lieutenant ,  ayant  rencontre  a 
trente  lieues  du  PortNelfonle  Gouverneur  de  Niewfavanne 
Place  fituée  fur  la  Côte  Occidentale  de  la  Baye  ,  l^voit  tait 
Prifonnier  ,  qu’il  lui  avoit  enlevé  les  Papiers  ,&  quil  y  avoit 
trouvé  des  Lettres  des  Direüeurs  de  la  Compagnie  de  Lon¬ 
dres  ,  contenant  des  ordres  de  proclamer  le  Prince «6c  la 
Princeflè  d’Orange  Roy  &  Reine  de  la  Grande  Bretagne ,  dans 
la  Baye  ,  que  cette  Compagnie  prétendoit  appartenir  toute 

entière  à  la  Couronne  ü  Angleterre.  .  ,  ,  »  , 

Cette  prétention  fi  contraire  à  ce  qui  avoit  ete  arrête  en¬ 
tre  Louis  XIV.  &  Jacques  II.  fut  bientôt  foutenue  de  deux 
Navires  ,  qui  parurent  à  la  vûë  du  Fort  de  Sainte  Anne ,  ou 
d’Iberville  venoit  de  fe  rendre.  L’un  de  ces  Bânmens  avoit 


Expédition 
de  M.  Alber¬ 
ville  dans  le 
Nord  du  Ca¬ 
nada. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  5^5 

dix-huit  pièces  de  Canon  &  quatre  Pierriers  ,  l’autre  avoit  un  — - - — 

pareil  nombre  de  Pierriers  &  dix  Canons;  tous  deux  étoient 
chaiges  dune  grande  quantité  d armes,  de  munitions  &  de 
vivres  ,  &  leurs  équipages  faifoient  en  tout  quatre-vint-trois 
Hommes  ,  parmi  lefquels  il  y  avoit  onze  Pilotes  ,  de  douze  , 
que  la  Marine  d’Angleterre  entretenoit  pour  la  Baye  d’Hud- 
lon  ;  aufîi  ne  fe  promettoient-ils  rien  moins  que  de  chaffer  les 
François  de  tous  les  Polies  ,  qu’ils  y  occupoient. 

Iis  n  oferent  pourtant  les  attaquer  d  abord  à  force  ouverte  , 
quoique  d’Iberville  11’eût  avec  lui  ,  que  très-peu  de  monde  ;  & 
même  après  les  premières  hoûilkés  ,  qui  ne  leur  réuffirent 
pas,  ils  propofeient  un  accommodement ,  que  dlberville  ne 
crut  pas  devoir  rejetter  ;  mais  comme  il  coimoüToit  l’Enne¬ 
mi  ,  auquel  il  avoit  à  faire  ,  il  fe  tint  fur  fes  gardes  ,  &  bien 
lui  en  prit.  Il  11e  fut  pas  lontems  ,  fans  s’apercevoir  que  les 
Anglois  n’avoient  eu  en  vue  que  de  l’endormir  ,  pour  tomber 
ur  lui  ,  des  quils  le  verroient  lans  défiance  ,  &  il  refolut  de 
les  prévenir. 

Pour  le  faire  plus  fûrement ,  il  affeRa  plus  que  jamais  une 
grande  fécurité  ;  mais  il  drefta  aux  Ennemis  plufieurs  embuf- 
cades ,  dans  lefquelles  ils  tombèrent.  Il  leur  enleva  ainlî  vint  & 
un  de  leurs  meilleurs  Hommes  ,  entr’autres  leur  Chirurgien , 

&  un  de  leurs  premiers  Officiers  ;  &  après  qu’il  les  eut  ainlî 
afFoiblis ,  il  les  envoya  fommer  de  fe  rendre  Prifonniers  de 
guene.  Ils  iepondirent  quils  ne  pouvoient  le  faire  avec  hon¬ 
neur  ,  étant  encore  au  nombre  de  quarante  en  état  de  fe  bien 
défendre,  fans  les  Malades. 

Sur  cette  reponfe  d’Iberviile  détacha  quatorze  Hommes  fous 
la  conduite  de  Maricourt ,  fon  Frere  ,  avec  ordre  de  harce¬ 
ler  les  Anglois ,  tantôt  dans  une  petite  Me  ,  où  ils  étoient 
campes  ,  &  tantôt  fur  leurs  Navires ,  qui  étoient  arrêtés  dans 
les  glaces.  Il  le  fuivit  lui-même  au  bout  de  deux  jours  ,  & 
après  qu  on  fe  lut  canonné  pendant  quelque  tems  ,  fans  fe 
faire  beaucoup  de  mal  de  part  &  d’autre  ,  d  lberville  envoya 
de  nouveau  iommer  le  Commandant  ,  avec  ménace  de  ne 
faire  aucun  quartier  ,  s’il  differoit  de  fe  rendre. 

L’Anglois  lui  écrivit  qu’il  y  avoit  un  Traité  entre  les  deux  Succès,nUei- 
Couronnes  ,  &  qu’il  étoitfurpris  qu’il  y  eût  fl  peu  d’égard.  D’I-  leejr- 
berville  répliqua  qu  il  n’avoitpas  été  le  premier  à  y  donner  at¬ 
teinte  ;  qu’au  relie  il  prétendoit  qu’011  lui  remît  les  deux  Navi¬ 
res  ,  &  tous  leurs  équipages.  On  lui  demanda  un  délai  jufqu’au 

AAaa  ij 


i  6  8  (-)  , 


Entreprife  des 
Canibas  fur 
femkuic. 


k  histoire  generale 

lendemain  ,  &  il  l’accorda.  Ce  terme  expiré  il  envoya  fort 
Interprète  chercher  la  réponfe  ,  qui  fut  remile  par  écrit  a  cet 
Homme.  Elle  contenoit  entr’autres  chofes ,  que  1  on  confen- 
toit  à  remettre  les  deux  Navires  au  Commandant  François 
avec  toutes  leurs  charges  ;  mais  que  fur  cela  il nayeroit  es 
gages  des  Officiers  ,  qui  fe  montoient  a  lafomme  de  deux  m 
cina-cent  livres ,  &  qu’il  donneroit  à  ces  memes  Officiers  un 
Bâtiment  avec  tous  les  agrès ,  pour  les  porter  par-tout  ,  ou 

ÜS  CeÆ  accordé',  avec  quelque  reftriaion  néanmoins  fur 
le  nombre  des  Anglois  ,  aufquels  .1  feroit  permis  de  fuivre 
,  OH’ciers  Tous  les  autres  demeurèrent  Pnfonmers,  & 
Ïlb  rSlt  eu  furtout  attention  à  ne  relâcher  aucun  Pilote 
An  mo  s  de  Juin  M.  de  Sainte  Helene  étant  venu  joindre  fes 
deux  Freres  ,  remit  à  M.  Alberville  un  ordre  du  Gouverneur 
Général  de  mener  à  Québec  la  plus  confiderable  de  fes  deux 
nrifes  •  il  obéit ,  &  partit  de  Sainte  Anne  le  douzième  c  e  Sep¬ 
tembre  avec  Sainte  Helene  ,  &  les  principaux  d  entre  les  Pn- 
fonniers  biffant  à  Maricourt  trente-fix  hommes  pour  garder 
St  le  Polies  du  fond  de  la  Baye  ,  où  U  y  avoir  bien  de 
Vannarence  que  les  Anglois  ne  tarderoient  pas  deffayer  d a- 
voir  leur  revanche.  Il  rencontra  fur  la  route  un  Navire  d  n- 
gleterre ,  où  étoit  le  jeune  Chouart ,  qui  n  w 'oit  pu  encore^ . 
urer  des  mains  des  Anglois  depuis  la  furpnfe  du  Port  INelion . 
l  avent  grande  envie  d’attaquer  ce  Bâtiment  ;  mais  il  n  avoir 
pas  afedT  Monde  pour  cela  ,  &  il  avoir  des  Pnfonmers  a 

garAu  défaut  de  la  force  ,  il  tenta  la  rufe  :  il  arbora  le  Pa¬ 
villon  d’Angleterre  ,  &  le  Capitaine  l’ayant  pris  en  effet  pour 

„  Angioi.8,  convi»  kt  f  M. 
d’ibervllle  porteroit  le  feu  pendant  la  nuit  & .  qu  au  prenuer 
beau  tems  ils  fe  vifiteroient.  Le  deffein  de  dlberviile  etoit 
d’arrêter  le  Capitaine  &  l’Equipage  de  la  Chaloupe  ,  quan 
fis  vfendroient  à  fon  bord /puis  d’aborder  le  tareAn- 
vlois  ou  il  efperoit  de  ne  pas  trouver  beaucoup  derefiff 
fe  •  mais  ils  eurent  le  tems  fi  rude  jufqua  1  extrémité  au. De¬ 
troit  d’Hudfon  ,  qu’il  fallut  fe  féparer  ,  fans  s  etre  vus  ,  &  d  - 
berville  arriva  heureufement  à  Quebec  le  vmt-cmquieme  d  O- 

ft°rfcbec  nue  les  Anglois  reçurent  cette  même  année  de  la 
part  des  Cambas ,  eut  encore  quelque  chofe  de  plus  humiliant 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  ^ 7 

pour  eux  ,  que  la  maniéré  dont  ils  avoient  été  traités  dans 
la  Baye  dHudfon.  Ils  setoient  poffés  dans  un  Lieu  ,  nommé 
P ankuit  3  fitué  entre  la  Riviere  de  Pentagoët  &  celle  de  Ki- 
nibequi ,  &  ils  y  avoient  fait  un  fort  bel  Etabliffement ,  dé¬ 
fendu  par  un  Fort  ,  qui  netoit  à  la  vérité  que  de  pieux  ,  mais 
allez  regulierement  conffruit ,  avec  vint  Canons1  montés.  Ils 
incommodoient  extrêmement  de-là  tous  les  Sauvages  des  en¬ 
virons  ,  toujours  ouvertement  déclarés  pour  les  François  ,  &: 
ils  ne  caufoient  pas  moins  d  inquiétude  au  Gouverneur  de 
l’Acadie  ,  lequel  craignoit  avec  raifon  l’effet  de  leurs  intrigues 
pour  détacher  ces  Peuples  de  notre  Alliance.  C 

Enfin  un  Parti  de  cent  Guerriers ,  la  plûpart  Canibas  ,  fe 
mit  en  Campagne  le  neuvième  d’Août ,  pour  chaffer  les  An- 
glois  d’un  Polie  fi  important ,  &  pour  fe  délivrer  de  Voifins 
fi  fâcheux.  Ils  etoientd  un  Village  près  de  Pentagoët,  où  unEc- 
clefiaftique  ,  nommé  M.  Thury  ,  bon  Ouvrier ,  &  Homme  de 
tête  ,  gouvernoit  une  affez  nombreufe  Miffion.  La  première 
attention  de  ces  braves  Chrétiens  fut  à  s’affûrer  le  fecours 
du  Dieu  des  Armees  :  ils  fe  confefferent  tous ,  plufieurs  com¬ 
munièrent  ,  &  ils  eurent  foin  que  leurs  Femmes  &  leurs  En- 
fans  s  acquitaffent  du  même  devoir  ,  afin  de  pouvoir  lever  au 
Ciel  des  mains  plus  pures ,  tandis  que  leurs  Peres  &  leurs 
Maris  combattroient  contre  les  Hérétiques.  Tout  cela  fe  fit 
avec  une  piete  ,  qui  repondoit  au  Millionnaire  du  fuccès  de 
l’entreprile.  On  établit  dans  la  Chapelle  le  Refaire  perpétuel 
pendant  tout  le  tems  de  l’Expédition  ,  les  heures  mêmes  des 
repas  n’interrompant  point  un  Exercice  fi  édifiant. 

Les  Guerriers  firent  le  voyage  par  Mer  le  long  de  la  Côte , 
&  en  s’embarquant  ils  détachèrent  trois  Canots  pour  aller  à 
la  decouverte,  avec  ordre  de  rejoindre  l’Année  à  deux  lieuës 
de  Pemkuit  ,  où  elle  devoit  faire  le  débarquement.  Quand 
ils  y  furent  tous  arrivés  ,  ils  marchèrent  par  Terre  avec  tant 
de  précaution ,  qu’ils  fe  trouvèrent  aux  premières  Habitations 
Angloifes  ,  fans  avoir  été  aperçus.  Ils  avoient  fait  trois  Pri- 
fonniers  fur  leur  route  ,  &  ils  apprirent  d’eux  qu’il  y  avoit 
environ  cent  Hommes  dans  le  Fort  &  dans  le  Village.  Sur 
cet  avis  ils  réfolurent  de  commencer  p^r  attaquer  l’Habita¬ 
tion.  Après  avoir  fait  leur  Priere ,  ils  fe  mirent  en  chemife  r 
&  donnèrent  de  furie  fur  les  Maifons  ,  briferent  les  Portes  , 
firent  main  balle  fur  tout  ce  qui  fe  mit  en  devoir  de  réfiffer  ? 
&  lièrent  tous  ceux’,  qui  rendirent  les  armes* 


i  6  8  c)« 


Ils  s’en  ren¬ 
dent  les  Mai 
très. 


8  HISTOIRE  GENERALE 

’  Au  premier  bruit  d’une  attaque  fi  brufque  &  fi  imprévue , 
le  Commandant  du  Fort  fit  tirer  tout  fon  Canon  ;  ce  qui  n  em¬ 
pêcha  pas  les  Canibas  de  s’emparer  de  dix  ou  douze  Mailons 
de  pierres,  bien  bâties,  &qui  formoient  une  Rue  tir.ee  de  la 
Place  du  Village  jufqu’au  Fort.  Ils  fe  retranchèrent  cnluite  , 
partie  à  l’entrée  d’une  Cave  de  la  Maifon  la  puis  voifine  du 
Fort,  &  partie  derrière  un  Rocher,  qui  etoit  au  bord  delà 
Mer,  &  de  ces  deux  endroits  ils  firent  un  fi  terrible  feu  de 
Moufqueterie  fur  le  Fort  ,  depuis  le  midi  du  quatorziè¬ 
me  julqu’au  foir  ,  que  Perfonne  n’ofoit  y  paraître  a  decou- 

VCLa  nuit  étant  venue  ,  ilsfommerent  le  Commandant  de  leur 
livrer  fa  Place  ,&  un  Anglois  ayant  répondu  en  le  moc- 
quant,  qu’il  étoit  fatigué  ,  &  qu’il  alloit  dormir  ,  on  com¬ 
mença  ,  comme  de  concert,  de  tirer  de  part  &d autre  ;  mais 
les  Sauvages  s’aprocherent  du  Fort  à  la  faveur  des  tenebies  , 
l’inveftirent ,  &  firent  toute  la  nuit  bonne  garde  ,  pour  em¬ 
pêcher  que  perfonne  n’en  fortît.  Le  lendemain,  a  la  petite 
pointe  du  jour  ,  le  feu  recommença  des  deux  cotes  ,  &  tut  c  a- 
bord  affez  vif  ;  mais  après  quelques  déchargés  ,  les  Anglois 
cefferent  de  tirer  ,  &  demandèrent  à  capituler.  Les  Sauvages 
s’aprocherent  auffi-tôt ,  &  jurèrent  qu’ils  ne  feraient  violen¬ 
ce  a  perfonne  ,  pourvû  que  la  Garmfon  fortît  fur  le  champ 

de  la  Place.  v  ,  ,  A  i 

■  Le  Commandant  parut  un  moment  apres ,  a  la  tete  de  qua- 

•  torze  Hommes  ;  c’étoit  tout  ce  qui  lui  enreftoit ,  oc  de  quelques 
Femmes  ,  tous  portant  un  paquet  fur  le  dos.  Les  Canibas 
laifferent  paffer  T  fans  toucher  à  rien  ,  &  fe  contenteren  de 
leur  dire  que,  s’ils  étoient  fages  ,  ils  ne  reviendraient  plus 
que  les  Nations  Abénaquifes  avoient  trop  d  expériences  de 
leur  perfidie  ,  pour  les  laiffer  jamais  en  repos  ,  si  s  savi- 
foient  de  fe  remontrer  dans  leur  Pays  ;  qu  ils  etoient  les  Maî¬ 
tres  de  leur  Terre  ;  qu’ils  n’y  fouffnroient  jamais  des  Gens 
auffi  inquiets  &  auffientreprenans  qu’eux,  &  qui  tes  troubloxent 

dans  l’exercice  de  leur  Religion. 

Ils  entrèrent  enfuite  dans  le  Fort ,  &  n  y  commirent  aucun 
défordre  ,  non  plus  que  dans  les  Maifons  ,  ou  ayant  trouve 
une  Barrique  d’Èau-de-vie ,  ils  la  briferent  fans  en  boire  une 
feule  goûte ,  ce  qui  ell  héroïque  dans  des  Sauvages.  Quand 
ils  eurent  tout  vifité  ,  ils  prirent  ce  qui  etoit  le  plus  a  eur  bien- 
féance,  &  raferent  le  Fort  &  les  Maifons.  Quelques-uns 


689. 


Autre  Expé¬ 
dition  de  ces 
Sauvages. 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  559 

vouloient  qu’on  allât  encore  chaffer  les  Anglois  *  d’une  Me  , 
qui  eff  à  trois  ou  quatre  lieues  de  Pemkuit  ;  mais  le  plus 
grand  nombre  ne  fut  pas  de  cet  avis.  Toute  la  Troupe  s’en 
retourna  à  Pentagoët  fur  deux  Chaloupes ,  quelle  avoifenle- 
vées  aux  Ennemis  ,  après  en  avoir  tué  les  Equipages. 

La  Garîiifon  de  Pemkuit  prétendit  n’avoir  perdu  que  fept 
Hommes  dans  ce  Fort;  mais  on  trouva  une  folle  allez  pro¬ 
fonde  ,  toute  remplie  de  Cadavres  ,  &  le  Commandant  dit 
aux  Sauvages ,  enfortant  de  fa  Place  ,  qu’ils  avoient  de  bonne 
poudre  ,  &  que  leurs  Fufils  tiroient  bien  juffe.  Il  en  avoit  fait 
lui-même  l’épreuve  ;  car  il  avoit  le  vifage  à  demi  -  brûlé.  Les 
Canibas  n’eurent  qu’un  Homme  legerement  bielle  à  la  jambe, 

&  à  leur  retour  ils  affûrerentàM.  Thury  que,  s’ils  avoient  deux- 
cent  François  un  peu  accoûtumés  au  Pays ,  &  qui  voulurent 
bien  les  fuivre  ,  ils  les  meneroient  jttfqu  a  Ballon. 

Cette  Expédition  fut  bientôt  fuivie  d’une  autre  encore  plus 
vigoureufe  ,  &  qui  caufa  une  plus  grande  perte  aux  An¬ 
glois.  Ceux  -  ci  avoient  au  voilinage  du  Kinibequi  quatorze 
petits  Forts  allez  bien  munis.  Les  Sauvages  de  Pentagoët  & 
ceux  de  la  Riviere  S.  Jean  s’étant  réunis,  les  furprirent tous  , 
y  tuerent  jufq.11  a  deux-cent  Perfonnes ,  &  en  raporterent  un 
très-grand  butin.  Le  principal  avantage  ,  que  nous  retirâmes 
de  ces  courfes  ,  fut  quelles  rendirent  irréconciliables  avec  les 
Anglois  ,  ceux  de  tous  les  Peuples  de  ce  Continent ,  qui  étoient 
plus  en  réputation  de  valeur  ,  &  que  leur  lincere  attachement 
a  la  Religion  Chrétienne ,  &  leur  docilité  naturelle  retenoient 
plus  aifément  dans  notre  Alliance. 

Plufieurs  Abénaquis  fongerent  même  dès-lors  à  fe  tranfpor-  Pluficars  Abé* 
ter  dans  le  milieu  de  la  Colonie  Françoife  :  ils  n’étoient  pas  naciu!s  fon- 
encore  tous  Chrétiens  ;  mais  ceux  ,  qui  n’avoient  pas  reçu  le  porter  danTiâ 
Baptême  ,  fe  difpofoient  a  le  recevoir.  M.  de  Dénonville  ,  dans  Colonie, 
un  Mémoire  ,  que  M.  de  Seignelay  lui  demanda  après  fon  re¬ 
tour  en  France,  fur  la  iituation  des  affaires  du  Canada,  & 
fui  ce  qu  il  convenoit  de  faire  pour  remedier  aux  défordres 
de  cette  Colonie  ,  dit  que  la  bonne  intelligence  ,  qu’il  avoit 
entretenuë  avec  les  Nations  Abénaquifes  par  le  moyen  des  Mif- 
fîonnaires ,  &  furtout  des  deux  PP.  Bigot ,  avoit  fait  tout  le 
fuccès  de  fes  entreprifes  contre  les  Anglois  ,  &  qu’on  11e  pou- 
voit  rien  faire  de  mieux ,  que  d’attirer  un  grand  nombre  de  ces 
Sauvages  à  S.  François. 

Il  ajoûte  que  les  Anglois  &  les  François  font  incompatibles 


,<5o  histoire  generale 

dans  cette  partie  du  Continent  de  l’Amérique  ;  que  les  pre- 
i  689.  mjers  regardent  nos  Millionnaires  comme  leurs  plus  dange- 


miers regardent  nos  ivuiuuima..«  w.... —  ------  plus  dang< 

Mémoire  de  reux  Ennemis ,  &  qu’ils  n’avoient  point  eu  de  repos ,  qu  Us 
deDénoa-  ^  euffent  fait  Rafler  de  tous  les  Cantons Iroquois  :  que, 

la  Religion  même  à  part ,  il  étoit  très  -  important  de  mettre 
tout  en  ufage  pour  les  y  rétablir  ,  &  d  en  avoir  parmi  tous  les 
autres  Sauvages ,  fur  lesquels  ils  ont  pris  un  très-grand  afee^ 
dant  :  que  les  Iroquois  ont  dans  le  fond  plus  deftime  ,  & 
même  plus  d’inclination  pour  notre  Nation  ,  que  pour des  An- 

elois;  mais  que  l’intérêt  de  leur  commerce  ,  ou  plutôt  le  cré¬ 
ait  ,  que  le  commerce  leur  donne  ,  les  retiendrait  toujours 
dans  l’Alliance  de  ceux-ci  :  que  l’union  du  Cierge  avec  le  Gou¬ 
verneur  Général  &  l’Intendant ,  étoit  l’unique  moyen  de ^main¬ 
tenir  l’ordre  &  la  tranquillité  dans  le  Pays  :  qu  .l  ferait  a  fou- 
haiter  que  les  Ecclefialliques  &  les  Religieux  fuffent  par  tout 
auffi  Gens  de  bien  ,  &  aiffi  édilians ,  qu’ils  ^ratent  en  Ca 
nada;  mais  qu’ils  y  étoient  trop  peu  a  leur ^aife  ,  & 
n’avoient  pas  de  quoi  fe  foûtemr  :  que  les  Polies  eloig ,  e  , 
&  en  particulier  celui  de  Catarocouy  etoient  hors  de  portée 
d’êtreïecourus  à  tems ,  &  que  fon  avis  etoit  toujours  qu  on 
avoit  fort  mal  fait  de  les  établir  :  que  ceux  ,  a  f  g 
en  étoit  confiée  ,  fe  voyoient  fouvent  contraints  A  entrer  d 
les  intérêts  des  Sauvages ,  ce  qui  nous  attirait  fans  ceffe  de 

affaires  de  la  part  des  Iroquois  ,&  fouvent  le  meP™  fe  «os 
Alliés  qui  ne  pouvant  pas  toujours  etre  fecourus  p  P  * 

nous  faifoient  par  reffentiment plus  de  “a!  ’  ®  rer 

mêmes:  qu’on  auroit  beaucoup  mieux  fait  de  ne  pas  entrer 
dans  les  querelles  de  ces  Peuples ,  &  de  les  Imffer  venir  dtez 
nous ,  pour  y  chercher  leurs  befoins  ,  que  de  les  P  ’ 

comme  on  continuoitde  faire  ,  en  leur  P^XTÏibef- 
difes  au  rifque  d’être  pillés  en  chemin  ;  fans  parler  du  liber 

finage  affreux  ,  où  la  jeuneffe  fe  livre  dans  ces  voyages  :  que 
les  Anglois  de  Ballon  &  de  la  Nouvelle  York  avaient  pro¬ 
mis  aul  Iroquois  &  à  leurs  Alliés  la  deflru&on  entière  de  là 
Colonie  Françoife  :  que  l’Acad.e  en  particulier  etoit  toujours 
fur  le  point  de^  tomber  entre  leurs  mains ,  n  y  ayant  pas ^da 
cette  Province  un  feul  Fort  capable  de  teli  lanc  ,  ^ 
Habitations  y  étant  encore  plus  difperfees ,  que  fur 
c  Tarent*  au’il  convenoit  de  fortifier  le  Fort  de  la  tieve , 
afiii*d’y  mettre  les  Vaiffeaux  en  foreté  ;  que  ce  Pofte :  eto.t un- 
finiment  plus  avantageux  ?  que  Le  Port  R°ya  5 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII. 

pas  ai  fé  de  fortir  pour  défendre  la  Côte ,  &  qui  eft  trou  éloi-  TT — 
gné  de  l’Ifle  de  Cap  Breton  ,  de  celle  de  Terre-Neuve ,  &  du  °  9‘ 
j*rand  Banc  :  que  toutes  les  Côtes  apartenantes  à  la  France 
etoient  très-poiffonneufes ,  &  que  la  Pêche  étoit  bien  plus  ca¬ 
pable  d’établir  le  Pays ,  &  de  l’enrichir  ,  que  le  Caftor  &  l’Eau- 
de-vie  ,  qui  jufques-là  avoient  prefqu’uniquement  occupé  les 
Çolons  :  que  le  feul  moyen  de  finir  la  guerre  en  Canada  étoit 
de  fe  lainr  de  Manhatte  ,  &  qu’on  le  pouvoit  faire  avec  fix 
Frégates  &  douze-cent  Hommes  de  débarquement':  que  huit- 
cent  Hommes  des  Troupes  &  les  Milices  du  Pays  fe  ren¬ 
draient  aifément  Maîtres  d’Orange,  &  que  Perfonne  netoit 
plus  capable  de  faire  réulfir  cette  Entreprife  ,  que  le  Cheva¬ 
lier  de  Callieres  ;  mais  qu’après  la  prife  de  la  Capitale  ,  il  fah 
loit  la  brûler  ,  &  ruiner  le  Pays  jufqu’à  Orange  :  que  par  le 
moyen  de  ce  Polie  ,  où  il  feroit  facile  de  fe  maintenir  ,  on 
romproit  toute  communication  entre  les  Anglois  &  les’lro- 
quois  ,  on  forcerait  ceux-ci  d’avoir  recours  à  nous ,  &  on  em¬ 
pêcherait  nos  Alliés  de  prendre  avec  eux  des  liaifons  préju¬ 
diciables  à  notre  fûreté  :  enfin  que  le  Fort  d’Orange  nous  fer- 
viroit  à  tenir  en  refped  toute  la  Côte  de‘la  Nouvelle  Angle¬ 
terre  ,  qui  étoit  très-peuplée  &  fans  défenfe.  6 

Tout  étoit  très-bien  penfé  dans  ce  Mémoire  ,  &  à  peu  de 
chofes  près ,  au  fujet  dequoi  il  y  avoit  dans  la  Colonie  quel¬ 
que  diverfité  de  fentiment  ;  il  aurait  été  très-avantageux  à  la 
Nouvelle  France  qu’on  y  eût  eu  jtius  d’égard.  Mais  l’attention 
de  la  Cour  étoit  toute  entière  à  des  objets  plus  intéreflans  , 

•  parce  qu’ils  étoient  plus  proches.  Le  Roy  &  fon  Minière  ne 
purent  difconvenir  de  l’utilité  de  la  conquête  de  la  Nouvelle 
York  ;  mais  on  croyoit  avoir  befoin  ailleurs  de  toutes  les  for- 
ces  du  Royaume  ;  &  la  diligence  ,  que  demandoit  une  pareille 
expédition  ,  n  etoit  pas  aufli  facile  ,  qu  on  fe  l’imaginoit  en  Ca¬ 
nada.  Ainfi  on  1  ailla  encore  palier  la  failon  propre  pour  en¬ 
voyer  des  Vaiffeaux  &  des  Troupes.  1  ^  ^ 

M.  de  Sdgiehy  manda  donc  au  Comte  de  Frontenac  &  à  le  R„y 
M._  de  Champigny  que  les  grands  efforts  ,  que  Sa  Maiefté  tlu'<;a  fc  '}?"• 
etoit  obligée  de  faire  pour  tenir  tête  à  toutes  les  Puiffances 
de  1  Europe,,  reunies  contre  la  France,  ne  lui  permettoient 
pas  d  envoyer  en  Amérique  les  nouveaux  fecours  ,  qu’ils  de- 
mandoient ,  ni  de  penfer  a  aucune  Entreprife  de  ce  côté-là  : 
qu  une  forte  défenfive  lui  paroiffoit  pour  le  teins  préfent  plus 

convenable  à  fon  Service  ,  &  à  la  l'ûreté  de  la  Colonie  du 
Tome  I.  BBbb 


6  8  9« 


1.  de  Fron- 
tac  travaille 
jacrner  les 

^  O 

>quois. 


r  HISTOIRE  GENERALE 

111  i  ml’;i  étoit  furtout  néceffaire1  de  réunir  les  Habitant 
Canada  .  qu  i  -  i  <?T  '  fortifier  contre  les  Sau- 

dans  des  Bourgades  a.fees  a  garder  &afcn jjer  co 

ffJSSHs&teïa 

fvoit  ramées  de  France ,  pour  faire  avec  eux  une  paix  fol.de 

&  honorable.  ..  .  r'inarla  on  ne 

On  voit  par  cette  Lettre j’dolVdût’trouver  de  la  difficulté 
pouvoir  comprendre  que  la  Coût  dut  t  Nouvelle 

à  faire  un  petit  effort  pour  chaffer  ks  Ang.o  .  de  ja  iCou, 

T 'S. toi' 3“  Franc^refulafleni  de  changer 
leurs  Habitations  de  place  ,  &  de  finvre  dans  ^  ^  j^s 

*s  *s»*ir  - 

très  jugeant  du  Canada  par  les  Provinces  du  Roy“™?  ’ 

pouvofent  fe  perfuader  Ju’il  pût  fe  rencontrer  un  obft^  e  au 

changemens ,  qu’ils  proposent;  c  eft  amfi  que  ce  qu^ 
întprefie  de  nrès  nous  paroit  feul  neceffaire  ,  oc  q  q 

noustyon^anquer'fous  nos  yeux,  nous  femble  pratiqua- 

bl Il^eft  pourtant  vrai  que  ce  que  Ion  exigeoit  des  Habita™ 
du  Canada  étoit  beaucoup ‘tnoins  aife  ^“aue’ie  projette 

pouffé' lïeèora  E“fc  Æ 

aurait  coûté  pour  mettre  une  bonne  fois  le  de  de_ 

Zure^tTdl’s  Lr  Citons.  Ceft  dequor  on  pourra 

fe  rrezzr^c ^  -orkAts 

perfuadé  qu’après  la  conquête  de  la  Nouvelle J°rk  ;  cejJ 
louvoit  faire  de  plus  avantageux  pour  ^  Colonie  tranço^ 

dont  il  reprenoit  le  Gouvernement ,  erait  de  rag 

auois  •  plein  de  confiance  quil  y  reuffiroit,  il  tondoit  pri 
^paiement  fon  efperance  ffir  ce  que  cette  Nation  lu.  avmt  do 

ne  pendant  fon  premier  tejour  dans  ce  a>5  >  «rfl  ne  doutoit 
ques  d’eftime  &  d’attachement  a  fa  Perfonne  ,  &  il  ne 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  563 

point  qu’en  fe  remontrant  à  eux  avec  un  grand  nombre  de  — rr, - 

leurs  Chefs  ,  dont  il  venoit  de  brifer  les  fers  ,  ils  ne  repriffent  1  6  ^  9* 
d’abord  leur  premiers  fentimeiis  à  fon  égard. 

Il  étoit  du  moins  fort  affûté  d’avoir  mis  dans  fes  intérêts 
un  brave  Capitaine  Goyogouin ,  nommé  Oureouharé,  le 
plus  accrédité  de  tous  ceux  ,  qu’il  avoit  ramenés  de  France  , 

&  qu’il  avoit  fort  careffé  pendant  le  voyage.  Il  le  mena  avec 
lui  à  Montreal ,  où  ayant  trouvé  un  Ambaffadeur  Iroquois , 
appellé  Gagniegaton  ,  qui  étoit  venu  faire  à  M.  de  Dé- 
nonville  des  proportions  fort  infolentes  ,  Oureouharé  lui  con- 
feilla  de  renvoyer  avec  lui  quatre  des  Compagnons  de  fes 
chaînes ,  pour  avertir  les  Cantons  du  retour  de  tous  leurs. 

Chefs. 

Le  Comte  fuivit  ce  confeil  ;  Oureouharé  recommanda  à 
ces  Députés  de  ne  rien  négliger  pour  engager  les  Cantons  à 
envoyer  une  Ambaffade  à  leur  ancien  Pere  ,  en  leur  repre- 
fentant  qu’ils  ne  pouvoient  fe  difpenfer  de  le  féliciter  fur  fon 
heureux  retour  ,  &  de  le  remercier  des  bontés  ,  qu’il  avoit  eues 
pour  leurs  Freres.  Il  les  chargea  encore  d’affûrer  la  Nation 
qu’ils  retrouveroient  dans  ce  Général  ce  qu’ils  y  avoient  déjà 
trouvé  par  le  paffé  ,  c’eff-à-dire  ,  beaucoup  d’effime  &  de  ten- 
dreffe  ;  &  de  déclarer  en  particulier  à  fon  Canton  ,  qu’il  11e  re¬ 
tournerait  point  chez  eux  ,  h  on  ne  venoit  le  redemander  à 
Ononthio  ,  dont  il  étoit  réfolu  de  ne  fe  point  éloigner  fans 
fon  confentement. 

Les  Députés  partirent  avec  Gagniegaton ,  &  s’acquittèrent  Réponfe  des 
parfaitement  de  leur  Commiffion.  A  leur  arrivée  les  Cantons  Canto"s. à  fes 
s’affemblerent ,  &  envoyèrent  leur  réponfe  par  le  même  Am- 
baffadeur  ,  qui  arriva  à  Montreal  le  neuvième  de  Mars  1690.  1  ^9°* 

Il  n’y  rencontra  ,  ni  M.  de  Frontenac ,  ni  Oureouharé ,  qui 
étoient  retournés  à  Quebec  ,  &  il  fe  paffa  quelques  jours  , 
fans  que  le  Chevalier  de  Callieres  pût  rien  tirer  de  lui ,  ni  de 
ceux,  qui  l’accompagnoient.  Ils  fe  laifferent  néanmoins  ga¬ 
gner  a  la  fin  par  les  bonnes  maniérés  de  ce  Gouverneur  ,  Sc 
lui  préfenterent  fix  Colliers.  Le  premier  marquoit  le  fujet  de 
leur  retardement ,  caufé ,,  difoient  -  ils  ,  par  l’arrivée  des  Ou- 
taouais  dans  le  Canton  de  Tfonnonthouan.  C  etoit  le  commen¬ 
cement  d’une  négociation  entamée  entre  nos  Alliés  Occiden¬ 
taux  ,  &  les  Iroquois  ,  à  l’occafion  ,  que  je  dirai  tout-à-l’heure. 

On  y  étoit  convenu  de  fe  trouver  au  mois  de  Juin  à  un  en¬ 
droit  marqué  ;  &  Gagniegaton ,  en  expliquant  ce  Collier  „ 

B  B  b  b  ij 


.6a  histoire  generale 

— -  aioûta  que  c’étoit  ainft  qu’il  felloit  faire  les  chofes  .  quand  cm 

1  6  9  vouloit  traiter  de  la  paix  ,  fans  s’en  raporter  a  des  Etrangers. 

Il  vouloit  donner  à  entendre  que  le  Gouverneur  General  au- 
roit  du  fe  rendre  „en  Perfonne  à  Onnontague  ,  ou  en  quei- 
qu  autre  lieu ,  dont  on  feroit  convenu  ,  pour  y  parler  d  ac¬ 
commodement  ,  ainfi.  qu’on  len  avoit  prie  î  y  avoit  on 

Le  fécond  Collier  témoignoit  la  joye  ,  qu  avoient  eu  les  - 
mands,  c’eft-à-dire  ,  les  Hollandois  ,  Hab,  tans  d  Orange,  &. 
leslroquois  du  retour  d’Oureouharé  ,  qu  il  qualifioit  de  Cite t 
Général  delà  Nation  Iroquoife  ;  ce  qui  faifoit  connoi  re 
concert  &  la  bonne  intelligence,  qui  regnoient entre  les  Can¬ 
tons  ,  &  la  Nouvelle  York.  ,  . 

Par  le  troifiéme  ,  le  Canton  d’Onnontague  demandoit  au 
nom  de  tous  les  autres  le  prompt  retour  de  tous  les  lroquou 
revenus  de  France  ,  afin  qu’on  pût  prendre  avec  eux  les  me- 
fures  convenables  à  la  fituauon  des  affaires.  LAmbaffadeur 
aioûta  qu’on  avoit  réuni  à  Onnontague  tous  les  Prifonmers 
François,  qui  étoient  difperfés  dans  les  autres  antons  , 
qu’on  n’en  difpoferoit ,  que  fur  le  raport  &  de  1  avis  d  Oureou- 

b  arc.  *  ~  c  ’ 

Le  quatrième  &  le  cinquième  parloiertt  des  ravages  faits 

dans  le  Canton  de  Tfonnonthouan  par  M.  deDenonviUe ,  de 

là  trahifon  de  Catarocouy  ,  de  l’abandonnement  de  ce  Polte  , 

&  difoit  que  quand  tout  le  mal  feroit  repare  ,  &  que  les î  cne- 

mins  feroient  libres  &  lurs ,  Teganifforens  iroit  traiter  e 

paix  avec  Ononthio.  .  .  i  _  • 

Par  le  fixiéme  ,  Gagniegaton  donnoit  avis  que  des  le  mois 

d’Oaobre  précédent  un  Parti  d’Iroquois  etoit  en  campagne , 
mais  qu’il  ne  devoit  entrer  en  atlion  ,  qua  a  pute  es  nei 
ges,  &que  s’il  faifoit  des  Prifonniers  ,  on  aureit  foin  de  les 
„  Bien  traiter.  „  Ufez-en  de  même  ,  continua-trl ,  fi  vous  pre- 
»  nez  quelques-uns  des  nôtres.  J  avois  huit  Pri  onmers  >e 
„  défaite  de*  la  Chine  ,  j’en  ai  mangé  quatre  ,  J  ai  donne  la  vie 
„  aux  autres.  Vous  avez  été  plus  cruels  que  moi  ;  car  vous  avez 
„  fufillé  douze  Tfonnonthouans  :  vous  auriez  bien  du  en  epar- 
>,  gner  au  moins  un  ou  deux  ;  c’eft  en  reprefaille  de  cette  exe- 

»  eution  ,  que  j’ai  mangé  quatre  des  vôtres.  .  .  , 

m.  derron-  je  Callieres  lui  demanda  file  P.  Milet  vivoit  encore. 

S"  ü  répondit  qu’il  étoit  en  parfaite  fanté  ,  ,&yVni  f'Vfn.nÎé 
dience  à  leurs  puis  huit  jours  pour  s’en  retourner  dans  la  colonie,  c  q 

Dépurés, 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  565 

fe  trouva  point  vrai.  Le  Gouverneur  lui  demanda  encore  ~ — — 

pourquoi  les  Agniers  étoient  venus  faire  des  hoffilités  contre  1  6  9  °* 
nous  ?  la  réponfe  fut  que  les  Mahingans  ayant  levé  un  Parti 
de  guerre  de  quatre-vint-dix  Hommes,  avoient  engagé  quelques 
Agniers  &  quelques  Onneyouths  à  les  accompagner ,  quon 
avoit  couru  après  les  Agniers  pour  les  rappeller  ;  mais  qu’on 
s’y  étoit  apparemment  pris  trop  tard. 

M.  de  Callieres  ne  pouvant  rien  tirer  de  plus  de  ces  Dé¬ 
putés  ,  les  envoya  au  Gouverneur  Général  ;  mais  le  Comte 
de  Frontenac  refufa  de  leur  donner  audience,  par  laraifon, 
qu’ils  avoient  à  leur  tête  un  Homme ,  dont  l’infolence  l’avoit 
choqué.  Il  reçut  néanmoins  allez  bien  ceux  de  fa  fuite  ;  mais 
il  ne  traita  avec  eux  ,  que  par  l’entre mife  d’Oureouharé  ,  qui 
parut  même  toujours  agir  en  fon  propre  nom.  Dès  que  les 
Rivières  furent  navigüables  ,  le  Général  leur  fit  dire  qu’ils 
pouvoient  s’en  retourner ,  &  Oureouharé  leur  remit  huit 
Colliers  ,  qu’il  leur  expliqua  de  maniéré  à  leur  faire  com¬ 
prendre  que  le  Comte  de  Frontenac  n’y  entroit  pour  rien. 

Ils  portoient  en  fubffance  qu’il  prioit  les  Cantons  d’effuyer  Réponfe,  que 
leurs  larmes,  &  d’oublier  le  paffé  :  qu’il  aprenoit  avec  plai-  fait  Oureou- 
fir  la  parole  „  qu’avoient  donnée  les  Outaouais  ,  de  rendre  haré* 
aux  Tfonnonthouans  tous  les  Prifonniers  ,  qu’ils  avoient  fait 
fur  eux  :  qu’il  étoit  encore  plus  charmé  de  la  réfolution  ,  qu’a¬ 
voient  prife  fes  Freres  de  fauver  la  vie  aux  François ,  qui  tom¬ 
beraient  entre  leurs  mains  ,  &  qu’Ononthio  lui  avoit  promis 
d’en  ufer  de  même  de  fon  côté  ,  jufqu’à  ce  qu’il  eût  reçu  la 
réponfe  des  cinq  Cantons  aux  proportions  ,  qu’il  leur  avoit 
faites  :  que  quant  à  ce  qui  le  regardoit  lui-même  en  particu¬ 
lier  ,  il  les  remercioit  de  l’empreffement  ,  qu’ils  avoient  té¬ 
moigné  d’abord  pour  le  revoir  ;  mais  qu’ils  fembloient  avoir 
bientôt  laiffé  ralentir  ce  zélé  &  cette  affection ,  puifqu’ils  n’a- 
voient  point  encore  envoyé  de  Chef  pour  le  venir  chercher , 
comme  il  les  en  avoit  prié  :  qu’il  les  conjurait  de  lui  faire  au 
plûtôt  cet  honneur  ,  &  que  ce  qui  l’obligeoit  à  leur  faire  cette 
priere  ,  c’elL  qu’il  fouhaitoit  qu’ils  fuffent  témoins  de  la  bonne 
volonté  de  leur  Pere  Ononthio  pour  toute  la  Nation  ,  &  des 
bons  traitemens  ,  que  lui  &  fes  Neveux  en  recevoient  tous 
les  jours.  Enfin  que  c’étoit  à  fa  priere  ,  que  leur  Pere  faifoit 
accompagner  les  Députés  par  un  de  fes  premiers  Officiers , 
pour  les  exhorter  à  ne  point  écouter  les  Flamands ,  qui  leur 
avoient  renverfé  l’efprit  ;  à  ne  point  fe  mêler  des  affaires  ,  que 


1690. 


Ce  qui  le  fai- 
foit  prendre 
fur  un  ton  li 
haut  au  Com¬ 
te  de  Fronte¬ 
nac. 


Les  Ou- 
taouais  trai¬ 
tent  avec  les 
Iroquois  fans 
la  participa-,! 
tion  des  Fran¬ 
çois. 


Ce  qui  les  y 
engage. 


<66  HISTOIRE  GENERALE 

ceux  d’Orange  &  de  Manhatte  avoient  avec  lui ,  &  a  ne  pren¬ 
dre  aucun  ombrage  de  ce  qu’il  pourroit  faire  pour  châtier  leurs 
Voifins  d’avoir  fecoué  le  joug  de  leur  Roy  légitimé  ,  dont  le 
Roy  de  France  avoir  pris  les  intérêts:  qu’il  vouloir  bien  qu  ils 
fçuflent  que  lui  Oureouharé  regardoit  tous  les  François  com¬ 
me  fes  Frétés  :  qu’il  ne  vouloir  plus  fe  feparer  de  fon  Pere 
Ononthio:  qu’il  ne  retourneroit  point  dans  fon  Canton  ,q 
qu’il  fût  en  pleine  liberté  de  le  faire  ,  s  ils  ne  venoient  le  cher¬ 
cher  de  la  maniéré  ,  qu’il  leur  avoir  marqr.ee  :  qu  au  refte  ils 
pouvoient  aller  en  toute  fûrete  à  Montreal ,  &  qu  il  fe ;  te  noir 
bien affûré  de  n’être  point  défavoue  de  la  parole,  quil  leur 
donnoit,  qu’on  n’abuferoit  point  de  leur  confiance. 

L’Officier  qui  accompagna  les  Députés  Iroquois ,  fut 
C he vali er' cl  Ê au  ,  Capitaine8  Reformé.  Le  Comte  de  Fronte¬ 
nac  avoit  jugé  à  propos  de  l’envoyer  a  Onnontague  pour 
témoigner  une  confiance  particulière  à  ce  Canton  ,  qu  11  me¬ 
naient  toujours  plus  que  les  autres ,  &  pour  etre  mieux  >nf- 
triut  de  ce  qui  s’y  palfoit.  II  fçavoit  d’ailleurs  qu’il  pouvo.t 
compter  fur  Garakonthié  &  fur  Teganifforens ,  Amis  déclarés 
des  François  ;  mais  la  prife  de  Corlar  ,  dont  il  venoit  d  ap¬ 
prendre  la  nouvelle ,  &  le  retour  de  ceux  ,  qui  avoient  fait 
cette  conquête  ,  dont  nous  parlerons  en  fon  lieu  3  etoit  lu 
tout  ce  iiïeluifaifoit  prendre  fur  un  ton  fi  haut  avec  les 
Iroquois ,  &  certainement  il  fe  comporta  en  cette  occa  1 
l’égard  de  ces  Sauvages  avec  une  dexterite  &  une  nobleffe  , 

qui  leur  fit  beaucoup  rabattre  de  leur  fierté.  n 

Il  étoit  néanmoins  fort  inquiet  fur  la  négociation  des  Ou- 
taouais  avec  les  Iroquois ,  dont  Gagniegaton  avoir  parle^au 

Chevalier  de  Callieres  :  voici  de  quoi  1  s  agi  •  Alliés 

vû  plus  d’une  fois  le  penchant  fecret,  qui  portent  JL 

du  Nord  &  de  l’Oueft  à  lier  commerce  avec  les  Anglois  par 
l’entremife  des  Cantons;  penchant,  qui  n’avoit  pourtant  d  au¬ 
tre  principe ,  que  l’intétêt ,  les  Anglois  donnant  leurs  marchan¬ 
dées  à  beaucoup  meilleur  prix  que  nous.  M.  de  Denonvill  , 
en  les  engageant  dans  la  guerre  contre  les  Tfonnonthouans , 
“oit  eu  principalement  en  vûë  de  rompre  cette  haifon  & 
de  rendre  toutes  ces  Nations  irréconciliables  avec  les  Iro¬ 
quois  ;  mais  on  s’aperçut  bientôt  quil  ny  avoit  Pas 
4  Le  net.  de  vigueur  ,  que  nous  avions  fait  paroitre  dans 
cette  Expédition  ;  le  peu  de  fruit ,  que  nous  a^ons  me  du  pe¬ 
tit  avantage,  que  nous  y  avons  eu  ;  la  ruine  &  1  abandon  du 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  567 

Fort  de  Niagara  ,  dont  elles  avoient  vivement  follicité  TE-  - - 

tablifîement  ;  les  irruptions  fréquentes  des  Iroquois  dans  la  l69°- 
Colonie  ;  &  plus  que  tout  cela  les  démarches  peu  honora¬ 
bles  ,  quon  avoit  faites  pour  obtenir  la  paix  de  cette  Nation  ; 
les  hauteurs  ,  qu’on  en  fouffroit  depuis  lontems  ;  &  Fina&ion  ’ 
où  l’on  demeurait ,  malgré  fes  nouvelles  hoflilités  ,  leur  avoient  • 
fait  reprendre  leur  premier  projet  de  fe  reconcilier  avec  un  Peu¬ 
ple  ,  dont  ils  avoient  véritablement  peu  à  efperer  ,  mais  beau¬ 
coup  à  craindre. 

A  la  vérité  la  fageffe  &  la  fermeté  du  Sieur  de  la  Duran- 
taye  ,  qui  commandoit  toujours  à  Michillimakinac  ,  &  le  zélé  , 
avec  lequel  il  fut  fécondé  par  les  Millionnaires  ,  avoient  lon¬ 
tems  fufpendu  l’effet  de  cette  réfolution  ;  mais  011  étoit  toujours 
dans  la  crainte  que  ces  Barbares  ne  nous  échapaffent."  Notre 
malheur  voulut  que  plufieurs  d’en'tr’eux  fe  trouvèrent  à  Mont¬ 
real  dans  le  teins  du  faccagement  de  la  Chine ,  arrivé  prefque 
fous  les  yeux  du  Gouverneur  Général ,  &  tandis  que,  contre 
leur  avis ,  il  fe  laiffoit  endormir  par  de  fauffes  apparences  de 
paix  ;  car  ils  en  raporterent  chez  eux  une  forte  perfuafion 
que  nous  étions  fur  le  point  de  fuccomber  tout-à-fait  fous  les 
efforts  de  nos  Ennemis  ,  &  une  joye  fecrete  de  fe  voir  par  no¬ 
tre  foibleffe  en  liberté  de  fonger  à  leurs  intérêts.  A  quoi  il  faut 
ajoûter  les  impreffions  fâcheufes  ,  qui  étoient  reliées  dans  Fef- 
prit  de  plufieurs  depuis  la  trahifon ,  que  le  Rat ,  qui  en  étoit 
l’Auteur ,  avoit  mife  fur  le  compte  du  Marquis  de  Dénonville. 

Les  Outaouais  fe  crurent  meme  en  droit  de  ne  rien  com¬ 
muniquer  de  leur  deffein  à  aucun  François  ;  ils  fuppoferent 
que  Perfonne  ne  devoit  trouver  mauvais  qu’ils  priffent  leurs 
mefures  pour  ne  j^as  fefler  feuls  expofés  à  la  fureur  des  Iro- 
quois  ,  &  ils  ne  délibérèrent  pas  lontems  fur  la  maniéré ,  dont 
ils  dévoient  fe  conduire  dans  une  conjon&ure  fi  délicate.  Ils 
commencèrent  par  renvoyer  aux  Tfonnonthouans  tous  les 
Prifonmers  ,  quils  avoient  faits  fur  eux  ,  puis  il  convinrent 
d’un  rendez-vous  pour  le  mois  de  Juin  fuivant  ;  &  tel  étoit  le 
fujet  de  la  négociation  ,  qui  caufoit  de  fi  grandes  &  de  fi  jufles 
inquétudes  à  M.  de  Frontenac  ,  &  dont  Gagniegaton  avoit  fait 
un  myflére  au  Gouverneur  de  Montreal. 

Par  bonheur  M.  de  la  Durantaye  &  les  Millionnaires  tou-  Diligence  de 
jours  attentifs  aux  moindres  mouvemens  de  ces  Sauvages ,  fu-  M-  Jc  la  Du_ 
rent  informés  de  ce  qui  fe  tramoit ,  &  l’affaire  leur  parut  affez  Sonnera 
importante,  pour  inftruire  le  Gouverneur  Général  de  tout  ce  àce&jer. 


J 


Lettre  du 
P.  Carheil 
à  M.  de 
Frontenac. 


,68  histoire  generale. 

cru’ils  avoient  découvert.  La  chofe  n’étoit  pourtant  pas  aifée  , 
parce  qu’on  étoit  déjà  bien  avant  dans  l’hyver  ;  mais  le  Com¬ 
mandant  fut  affez  heureux  pour  trouver  un  Homme  ,  qui 
voulut  bien  entreprendre  un  voiage  de  quatre-cent  lieues ,  mal¬ 
gré  la  rigueur  de  la  faifon  ,  &  la  difficulté  des  chemins.  Ce 
fut  le  Sieur  Joliet ,  lequel  arriva  à  Quebec  fur  la  fin  de  Dé¬ 
cembre  de  l’année  1680.  Il  remit  au  Comte  de  Frontenac  une 
Lettre  duP.de  Carheil,  que  ce  Millionnaire  avoir  fans  doute 
concertée  avec  M.  de  la  Durantaye  ,  dont  il  étoit  ami ,  & 
voici  ce  qui  regardoit  principalement  le  fujet  du  voyage  de 

Joliet.  .  ,  v  . 

Nous  voici  enfin  réduits  en  l’etat ,  ou  j  ai  toujours  cru  que 

l’efperance  de  la  paix  nous  devoit  réduire  :  je  ne  rai  jamais 
. .  eftimé  pofîible ,  &  j’ai  penfé  fur  cela  comme  tous  ceux ,  qui 
..  connoilfent  l’Onnontagué  ,  le  plus  fourbe  de  tous  les  Iro- 
..  quois.  Quelque  peine  ,  que  nous  ayons  eue  a  ioutemr  jul- 
qu’au  tems  marqué  par  l’Affemblée  ,  l’efprit  de  nos  Sauvages  , 
^ j ^ a r-r /-n î r» n c  rl’nnp  naiY  .  mfils  fcavoient  etre 


éfefpérés  des  négociations  d’une  paix  ,  qu  ils  fçavoient  être 
landiée  ,  &  qu’ils  ne  pouvoient  regarder  que  comme  une 
de  notre  foibleffe  ,  nous  étions  heureufement  venus  a 


» 

»  man 
**  preuve 


reuve  uc  nuut  iuiuivuv  ,  _ —  -  •  i  r 

nout  de  ies  retenir  dans  le  devoir  jufqu’à  ce  terme  ;  mais  lor  - 
,  nue  s’étant  rendus  à  Montreal  pour  cette  Affemblee  ,  ils  y  ont 
„  été  les  témoins  oculaires  du  triomphe  des  Iroquois  ,  bc  qu  ils 
..  ont  vû  que  les  promeffes  magnifiques  ,  dont  on  les  avoit  amu- 
fés  ,  aboutiffoient  à  la  défolation  de  nos  Cotes ,  &  a  la  conf- 
ternation  générale  de  la  Colonie  ,  ils  ont  cru  n  avoir  puis  d  au- 
»  tre  parti  à  prendre  ,  que  de  s’accommoder  avec  un  Ennemi , 
„  contre  lequel  nous  n’étions  plus  en  état  de  les  defendre  ,  & 
„  des  mains  de  qui  ils  fouhaitoient  paffionnément  de  retirer  leurs 

Frères»  , 

”  Nous  eûmes  encore  le  bonheur  de  les  empêcher  d  executer 

„  cette  réfolution ,  &  ils  fe  laifferent  même  perfuader  de  con¬ 
tinuer  la  guerre  avec  nous  ;  mais  au  lieu  de  la  faire  cette  guer- 
M  re ,  on  reprit  les  négociations ,  pendant  lefquelles  les  Iroquois 
l  ont  eu  fur  eux  &  hir  nous  de  grands  avantages.  Enfin  nos 
„  derniers  défaftres  leur  ont  fait  conclurre  unanimement  den- 
»  voyer  d’abord  aux  T fonnonthouans  ,  puis  aux  aunes  Lan- 
»  tons ,  des  Ambaffadeurs  ,  chargés  de  faire  avec  toute  la  Na- 
»  tion  Iroquoife  une  alliance  perpétuelle.  Le  Huron  elt  bien 
»  autant ,  &  peut-être  même  plus  que  l’Outaouais  ,  de  ce  com- 
*>  plot  ;  mais  plus  politique  ,  il*fe  ménagé  encore  ,  &  n  a  po^jj; 


( 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  569 

parlé  jufqu’ici  avec  autant  d’ouverture  &  de  hauteur.  Solli-  <7 
cite  par  ion  Allie  de  fe  joindre  à  lui ,  il  s’efl  contenté  de  ré-  « 
pondre  qu  jl  etoit  trop  Enfant  (  a  )  pour  fe  mêler  dans  une  af-  « 
faire  de  cette  nature  ,  &  pour  s’y  oppofer  ;  qu’il  laiffoit  faire  fes  « 
Freres  ,  qu’il  croyoit  avoir  plus  d’efprit  que  lui  ,  &  qui  ré-  « 
pondraient  des  fuites.  Un  relie  d’incertitude  fur  l’événement  le  « 
tient  dans  cette  referve.  « 

Quant  aux  Outaouais  ,  ce  qui  les  a  engagés  à  fe  preffer  de  « 
faire  partir  leurs  Àmbaffadeurs  ,  c’eft  la  crainte  qu’il  ne  leur  « 
vînt  un  ordre  de  votre  part  de  faire  quelque  hoflilité  contre  « 
les  Iroquois  ;  &  c’eft  à  quoi  il  ne  faut  plus  penfer  ;  il  eft  trop  « 
tard.  Il  le  falloit  faire ,  lorfqu’ils  étoient  encore  à  Montreal  « 
après  la  defolation  de  la  Chine  :  ils  le  fouhaitoient  même  ;  « 
mais  à  préfent  que  leurs  Ambaffadeurs  font  partis  ,  il  ne  faut  « 
plus  compter  fur  eux  pour  la  guerre.  Ils  ont  comblé  d’hon-  « 
neurs  les  Prifonniers  Iroquois ,  en  les  renvoyant  ;  &  comme  « 
nous  nous  oppofions  à  ce  renvoy  ,  en  leur  remontrant  le  mé-  « 
contentement ,  qu’en  auroit  leur  Pere  Ononthio  ,  ils  nous  ré-  « 
pondirent  qu’ils  n’avoient  que  trop  compté  iufqu’ici  fur  fa  pro-  « 
te&ion.  r  j  V  „ 

(£)  Nous  nous  étions  figurés  les  François  3  ajoûterent-ils  , 
comme  des  Guerriers  ;  mais  F  expérience  nous  a  fiait  connoître 
qu  ils  le  fiont  beaucoup  moins  que  les  Iroquois .  Nous  ne  nous 
étonnons  plus  qu  ils  ayent  été  fi  lontems  ,  fans  rien  entreprendre  ; 
c  e fl  le  fientiment  de  leur  propre  foiblefie  ,  qui  les  retenoit.  Après 
avoir  vu  avec  quelle  lâcheté  ils  je  jont  laijfiés  majfiacrer  dans  l  Ifle 
de  Montreal ,  il  nous  efi  évident  que  nous  ne  devons  plus  en  at¬ 
tendre  aucun  fiecours  leur  protechon  nous  efi  devenue  non  - fieu - 
lement  inutile  mais  nuifible  même  par  les  engagemens ,  ou  elle 
nous  a  jettes  mal-à-propos.  Leur  floiblefje  &  leur  défaut  de  courage 
ont  encore  paru  d  une  maniéré  bien  fienfible  à  Tfonnonthouan  3  où 
fiurpris  de  la  réfiftance  de  I Ennemi  3  ils  fie  font  bornés  à  flaire  la 
guerre  aux  Bleds  &  aux  Ecorces  (  c  )  s  &  depuis  ce  tems-là  ils  n  ont 
plus  rien  ofie  faire ,  que  ma/ibier  la  paix  par  toute  forte  de  bafi 
fefifes  :  ils  n  ont  pas  même  le  courage  de  fie  défendre  3  lorfquils 
font  attaqués  ,  &  contre  toutes  les  expériences  les  plus  capables  de 
les  détromper  3  ils  s'opiniâtrent  à  efperer  un  accommodement  3ai- 


(  a )  C’eft-à-dire  ,  en  trop  petit  nombre. 

(  b  )  Je  fais  parler  ici  directement  les  Ou¬ 
taouais  ,  pour  éviter  un  peu  de  confufion  , 
tjui  fe  trouve  dans  cet  endroit  de  la  Lettre 

Tome  /.  . 


du  P.  de  Carheil  ;  mais  à  cela  près  *  je  n'ai 
rien  changé  aux  termes  de  ce  Millionnaire. 

{  c)  En  brifant  les  Canots  d’écorce  des 
T  fonnonfliouans. 

.  C  C  c  c 


1690. 


I 


I  69  O* 


Effet  ,  qu’elle 
produifit  fur 
<cs  Général. 


570  HISTOIRE  GENE  R  Ap  . 

’  „f  «iewc  &s  ^  2"/ ient  ’  j 

^tourner  au  combat.  Leur  alliance  ne  nous  a  pas  fait  moins ,  de 
ton  pour  le  commerce  ,  que  pour  la  guerre  ;  elle  nous  a  prive  de 
la  Traite  avec  les  Anglois  s  beaucoup  plus  avantageufe  qu  avec 
eux  ,  &  cela  contre  toutes  les  Loix  de  la  protection  ,  qui  conjïj- 
tent  à  maintenir  la  liberté  du  commerce  -,  outre  qu  on  laijje  tom¬ 
ber  fur  nous  tout  le  poids  de  la  guerre  ,  tandis  que  nos  prétendus 
ProteSeurs  ,  par  une  conduite  pleine  de  duplicité  ,  cherchent  a  Je 
mettre  à  couvert  par  un  Traité  honteux.  An  un  mot  quiconque 
fera  inflruit  de  notre  fituation  prefente  ,  nousvrenaia  plutôt  pour 

les  ProteSeurs  des  François  ,  que  pour  un  Peuple  ,  qui  en  ejl 
/ 

^  Il^n’eft  point  douteux  que  les  Outaouais  ne  parlaffent  ainlî 
à  l’inftigation  des  Hurons  ,  &  que  ce  difeours  ne  leur  eut  ete 
fugeeré  par  le  Rat,  que  nous  avons  vu  fe  donner  tant  de 
mouvemens  pour  rompre  toutes  les  mefures  de  M.  de  De- 
nonville  au  fujet  de  la  paix  ,  que  ce  Général  vouloir  taire  avec 
les  Iroquois.  On  fut  même  bientôt  inftruit  ç[ue  ces  memes 
Hurons ,  qui  ne  vouloient  paraître  en  rien  ,  etoient  1  a«le  “e 
toute  cette  intrigue  ,  dans  laquelle  ils  fe  fervoient  des  Ou¬ 
taouais  ,  que  leur  groffiereté  naturelle  ne  permettoit  pas  de 

rien  ménager,  ni  de  mefurer  leurs  termes. 

Quoiqu’il  en  foit ,  la  Lettre  du  P.  de  Carheil  ne  déplut  pas 
au  Comte  de  Frontenac.  Ce  Général  neto.t  pas  difficile  a  . 
perfuader  que  le  mal  étoit  grand,  &  faiiifloit  affez  volonueis 
les  occafions  de  blâmer  ce  qui  s’étoit  fait  avant  lui.  D  ailleurs 
il  croyoit  voir  dans  tout  ce  qui  arnvoit  de  fâcheux  une  fuite 
de  l’abandonnement  du  Fort  de  Catarocouy. Il  eft  pourtant 
vrai  de  dire  ,  qu’une  partie  des  reproches  des  Outaouais  tem- 
boient  un  peu  fur  lui ,  &  que  fon  Prédéceffeur  avoir  penfe  auffi 
bien  que  lui ,  &  avant  lui ,  que  pour  reparei  tout  le  mal , 
pour  humilier  les  Iroquois  ,  &  pour  mettre  tous  les  autres 
Peuples  de  ce  Continent  à  la  raifon  ,  il  n  y  avoit  point  de 
moyen  plus  fûr ,  que  de  chaffer  les  Anglois  de  la  Nouvelle 
York.  11  faut  cependant  avouer  qu  au  defaut  de  cette  En- 
treprife,  qu’on  ne  le  mit  pas  en  état  d’executer  ,  M.  de  Fron¬ 
tenac  pouffa  fi  bien  les  Anglois  de  toutes  parts  ,  qu  il  defabula_ 
les  Sauvages  de  l’opinion  ,  où  ils  étoient ,  que  nous  11  ofions 
paraître  en  Campagne  devant  nos  Ennemis.  ( 

Mais  avant  que  de  raconter  par  quelle  voye  il  y  reuffit ,  il  eft 
à  propos  de  reprendre  la  fuite  des  aventures  de  M.  de  la  Saie  j 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  57, ■ 

dont  on  avoit  enfin  reçu  des  nouvelles  fur  la  fin  de  l’année 
1688.  dans  le  tems  ,  qu’on  défefperoit  prefqued’en  aprendre  , 
Sc  qu’on  paroiffoit  avoir  tout-à-rait  renoncé  en  France  &  en 
Canada  à  l’Etabliffement  de  la  Louy -pane.  C’efi:  le  nom  , 
que  M.  de  la  Sale  avoit  donné  au  pays  ,  qu’arrofe  le  Mi- 
ciflipi  au  deffous  de  la  Riviere  des  Illinois  ,  &  qu’il  a  confervé 
jufqu’à  préfent. 


\ 


C  C  c  c  ij 


57^  HISTOIRE  GENERALE 

**4  4£  *>4  ••  4£  84  4fc  #4  4&  84  4fc  84  4fc  ••  84  4$  84  4#  84  4fc  84  4fc  84  4&  84 

ÿl-t.  ^  $4  4&  #4  4$  84  4&  84  4&  8)  4$  $4 ;  4&  84  4&  84  4fc  84  4fè  $4  4të  84 ;  4të 

PARTICULARITES 

DE  LA  VIE  ET  DE  LA.  MORT 

DE  QUELQUES 

SAUVAGES  CHRETIENS. 


J’  A  i  cru  ne  pouvoir  mieux  finir  ce  Volume  ,,  quen  fai- 
faut  connoître  à  ceux  ,  qui  s’intéreffent  fincerement  au 
triomphe  de  la  Religion  ,  jufqu  a  quel  degré  de  fainteté 
la  Grâce  peut ,  dans  le  centre  même  de  la  Barbarie  5  élever 
les  Ames  ,  qui  lui  font  fidèles.  Je  n’en  choifirai  qu’un  petit 
nombre  ;  mais  il  fuffira  pour  défabufer  ceux  de  mes  Le&eurs  , 
qui  font  de  bonne  foi  5  &  qui  fe  font  laiffés  un  peu  trop  aifé- 
ment  prévenir  contre  ces  Millions  Sauvages  ;  pour  confondre 
les  Pécheurs  ,  qui  n’ont  pas  le  courage  de  rompre  des  chaînes  3 
dont  ils  rougiffent ,  s’ils  ont  encore  quelque  principe  de  Reli¬ 
gion  ;  &  pour  faire  chanter  aux  véritables  Fidèles  les  miferi- 
cordes  du  Seigneur. 

♦ 

I, 

CATHERINE  TEGAHKOUITA  , 
Vierge  Iroquoise. 

LA  Nouvelle  France  a  eu  fes  Apôtres  &  fes  Martyrs  ,  & 
a  donné  à  l’Eglife  des  Saints  dans  tous  les  Etats  ;  &  je 
ne  crains  point  de  dire  que  les  uns  &  les  autres  auroient  fait 
honneur  aux  premiers  fiécles  du  Chriltianifme.  J’en  ai  fait 
connoître  plusieurs  ,  autant  que  me  l’a  permis  la  fuite  de  cette 
Kiftoire.  On  a  donné  au  Public  la  vie  de  quelques-uns  ;  mais 
Dieu ,  qui  en  a  tiré  fa  gloire  pendant  leur  vie  par  les  gran¬ 
des  choies ,  qu’il  a  faites  par  eux  ;  par  l’éclat ,  que  leur  fain¬ 
teté  a  jetté  dans  ce  vafte  Continent  ;  par  le  courage  ,  qu’il 
leur  a  infpiré  ,  pour  fonder  avec  des  travaux  immenfes  une 
nouvelle  Chrétienté  au  milieu  de  la  plus  affreufe  Barbarie., 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  573 
&  pour  la  cimenter  de  leur  fang  ,  n’en  a  choili  aucun  pour 
déployer  fur  leurs  tombeaux  toutes  les  richeffes  de  fa  puif- 
fance  &  de  fa  mifericorde  ;  &  il  a  fait  cet  honneur  à  une  jeune 
Néophyte  ,  prefqu 'inconnue  à  tout  le  Pays  pendant  fa  vie.  Elle 
eft  depuis  plus  de  foixante  ans  univerfellement  regardée  com¬ 
me  la  Proteélrice  du  Canada  ,  &  il  n’a  pas  été  pofiible  de  s’op- 
pofer  à  une  efpéce  de  culte ,  qu’on  lui  rend  publiquement. 

Cette  fainte  Fille  ,  fi  célébré  fous  le  nom  de  Catherine  Te- 
gahkouita,  nâquit  en  16^6.  à  Gandakouagué  ,  Bourgade  du 
Canton  d’Agnier  ,  d’un  Iroquois  idolâtre ,  &  d’une  Algon- 
quine  Chrétienne.  Elle  perdit  fa  Mere  à  l’âge  de  quatre  ans  ; 
elle  étoit  encore  fort  jeune  ,  quand  fon  Pere  mourut  ;  &  elle 
relia  fous  la  conduite  d’une  de  fes  Tantes  ,  &  au  pouvoir 
d’un  Oncle  ,  qui  avoit  la  principale  autorité  dans  fon  Village. 
La  petite  vérole  ,  qu’elle  avoit  eue  dans  fon  enfance  ,  lui  ayant 
affoibli  la  vue  ,  elle  fut  lontems  comme  réduite  à  demeurer  dans 
le  coin  d’une  Cabanne ,  parce  que  fes  yeux  11e  pouvoient  pas 
fupporter  la  lumière  ;  &  cette  retraite  fut  la  première  fource 
de  fon  bonheur.  Ce  qu’elle  faifoit  d’abord  par  néceffité  ,  elle 
continua  de  le  faire  par  goût,  &  par-là  elle  évita  tout  ce  qui 
auroit  pu  lui  faire  perdre  cette  pureté  de  mœurs ,  fi  difficile  à 
conferver  parmi  une  Jeuneffe  idolâtre  ,  &  alors  très-diffoluë. 

Dès  qu’elle  fe  vit  en  état  d’agir  ,  elle  fe  chargea  de  prefque 
toutela  fatigue  du  ménage  ;  ce  qui  la  garantit  encore  de  deux 
écueils  bien  funefles  à  la  plûpart  des  Filles  Sauvages  ,  je  veux 
dire,  les  conventions  particulières ,  &  l’oifiveté.  Ses  Pareils 
voulurent  néanmoins  qu’elle  -ufât  des  parures  ordinaires  aux 
jeunes  Perfonnes  de  fon  fexe ,  &  quoiqu’elle  le  fit  par  pure 
complaifance  ,  &  avec  toute  la  répugnance  poffible  ,  elle  en 
eut  beaucoup  de  fcrupule  ,  lorfqu’à  la  faveur  des  lumières  de 
la  Foi  ,  elle  eut  connu  combien  il  efl  dangereux  de  vouloir 
plaire  aux  Hommes. 

La  première  connoiffance ,  quelle  eut  du  Chriflianifme  , 
lui  fut  donnée  par  des  Millionnaires  ,  qui  furent  envoyés  aux 
Iroquois  après  l’Expédition  de  M.  de  Tracy.  Ils  pallerent  r 
chemin  faifant ,  par  la  Bourgade  ,  où  elle  demeuroit ,  &  fu¬ 
rent  reçus  dans  fa  Cabanne.  On  la  chargea  d’avoir  foin  d’eux  , 
&  elle  s’en  acquita  d’une  maniéré ,  qui  les  furprit.  Elle  avoit 
été  elle-même  frapée  à  leur  vue  d’un  mouvement  ,  qui  lit 
naître  en  fon  cœur  des  fentimens  ,  quelle  regarda  depuis 
comme  les  premières  étincelles  du  feu  célede  ,  dont  elle  fut 


Catherine 

Tegahkouiu. 


574  HISTOIRE  GENERALE 

- ■ —  dans  la  fuite  fi  fort  embrafée.  La  ferveur  &  le  recueillement 

Tcgahkouita.  de  ces  Religieux  dans  leurs  Prières  lui  infpirerent  le  défit-  de 
prier  avec  eux,  &  elle  s’en  ouvrit  à  eux-mêmes.  Ils  compri¬ 
rent  beaucoup  plus  quelle  ne  leur  difoit  ;  ils  l’inftruifirent 
des  vérités  Chrétiennes  ,  autant  que  le  peu  de  fejour  ,  qu’ils 
firent  dans  cette  Bourgade  ,  le  leur  permit ,  &  ils  la  quittèrent 
avec  un  regret ,  qui  fut  bien  réciproque  de  fa  part. 

Quelque  tems  après  on  lui  propofa  un  Etabliffement  ;  elle 
y  témoigna  une  grande  oppofition  ,  &  on  n  infifta  point  ; 
mais  on  revint  bientôt  à  la  charge  ,  &  pour  s'épargner  la  pei¬ 
ne  de  vaincre  fes  réfiftances  ,  on  l’engagea ,  fans  lui  rien  dire  , 
avec  un  jeune  Homme  ,  qui  fur  le  champ  alla  dans  fa  Ca- 
banne  ,  &  s’affit  à  côté  d’elle.  Il  ne  falloit  de  fa  part ,  pour  ra¬ 
tifier  le  mariage,  que  refier  auprès  de  1  Epoux,  qu on  lui 
avoit  choifi ,  car  tel  eft  l’ufage  parmi  ces  Peuples  ;  mais  elle 
fortit  brufquement  de  la  Cabanne  ,  Sc  protefta  quelle  ny 
rentreroit  point ,  qu’il  ne  fut  dehors.  Ce  procédé  lui  attira  bien 
des  mauvais  traitemens  ,  quelle  fouffrit  avec  une  patience 
inaltérable.  Elle  fut  plus  fenfible  aux  reproches  ,  qu  on  lui  fit 
de  n’avoir  point  de  naturel  pour  fes  Parens  3  de  haïr  fa  Na¬ 
tion  ,  &  de  donner  toute  fon  affe&ion  à  celle ,  dont  étoit  fa 
Mere  ;  mais  rien  ne  fut  capable  de  vaincre  fa  répugnance  pour 
l’Etat  de  vie ,  dans  lequel  on  vouloit  l’engager. 

Sur  ces  entrefaites  le  P.  Jacques  de  Lamberville  arriva  a 
Gandehouhagué ,  &  reçut  ordre  d’y  établir  une  Million  :Te- 
gahkouita  fentit  alors  fe  reveiller  dans  fon  cœur  fes  premiers 
défirs  d’être  Chrétienne  ;  mais  elle  fut  quelque  tems  encore, 
fans  en  parler  ,  foit  pour  ménagement  pour  fon  Oncle ,  qui 
ne  goûtoit  pas  notre  Religion  ,  foit  par  pure  timidité.  11  le 
préfenta  enfin  une  occafion  de  fe  déclarer  ,  &  elle  ne  la  man¬ 
qua  point.  Une  playe  ,  qui  lui  étoit  furvenuë  à  un  pied ,  la 
retenoit  chez  elle,  tandis  que  toutes  les  Femmes  étoient  oc¬ 
cupées  à  la  récolté  du  Maïz  :  le  P.  de  Lamberville  obligé  d’in¬ 
terrompre  fes  Inftru&ions  publiques  ,  ou  Perfonne  ne  pou- 
voit  fe  trouver  ,  prit  ce  tems-là  pour  vifiter  les  Cabannes  ,  & 
inftruire  ceux  ,  que  leur  âge  ,  ou  leurs  infirmités  y  retenoient , 
&  il  entra  un  jour  dans  celle,  où  étoit  Tegahkouita. 

Cette  Fille  ne  put  diffimuler  la  joye  ,  que  lui  caufoit  cette 
vifite  ,  &  ne  fit  aucune  difficulté  de  s’ouvrir  au  Pere  en  pré- 
fence  de  deux,  ou  trois  Femmes,  qui  lui  faifoient  compa¬ 
gnie  ,  fur  le  deffein  ,  où  elle  étoit  d’embraffer  le  Chriftianifme, 


/ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  575 

Elle  ajouta  qu’elle  auroit  de  grands  obffacles  à  vaincre  pour  "‘càlhêrine 
y  réuffir  ;  mais  que  rien  ne  l’é^pnnoit.  L’a&ion  ,  avec  laquelle  Tegahkouita. 
elle  parloit ,  le  courage ,  qu’elle  témoignoit  ,  un  certain  air 
modefte  &  refolu  tout  à  la  fois  ,  qui  paroiffoit  fur  fon  vifage  , 
firent  comprendre  d’abord  au  Millionnaire  que  fa  nouvelle 
Profélyte  ne  feroit  pas  une  Chrétienne  du  commun  ;  aufîl 
s’attacha-fil  à  l’inftruire  de  bien  des  chofes  ,  dont  il  ne  par¬ 
loit  pas  à  tous  ceux  ,  qu’il  difpofoit  au  Baptême.  Dieu  forme 
fans  doute  entre  les  coeurs  ,  dont  il  s’eft  fpécialement  refervé 
la  poffefîion  ,  une  forte  de  fympathie  toute  fpirituelle  ,  laquelle 
forme  dès  cette  vie  le  nœud  facré ,  qui  doit  les  unir  éternel¬ 
lement  dans  le  fejour  de  la  gloire.  Le  P.  de  Lamberville  ,  que 
j’ai  fort  connu ,  a  été  un  des,  plus  faints  Millionnaires  de  la 
Nouvelle  France  ,  où  il  eft  mort ,  au  SaultS.  Louis  ,  confumé 
de  travaux  &  de  pénitences  ,  &  pour  ainfi  dire ,  entre  les  bras 
de  la  Charité.  Il  a  fouvent  avoué  que  ,  dès  le  premier  entre¬ 
tien  ,  qu’il  avoit  eu  avec  Tegahkouita ,  il  crut  entrevoir  que 
Dieu  avoit  de  grands  deffeins  fur  cette  Fille  :  il  ne  voulut 
pourtant  pas  fe  preffer  de  lui  conférer  le  Baptême  ,  &  il  prit 
à  fon  égard  toutes  les  précautions ,  que  l’expérience  a  fait  ju¬ 
ger  néceffaires ,  pour  s’affûrer  des  Sauvages  ,  avant  que  de  leur 
adminiffrer  le  Sacrement  de  la  régénération. 

Tout  l’hyver  fe  paffa  dans  ces  épreuves,,  &  la  jeune  Ca¬ 
téchumène  de  fon  côté  employa  un  tems  fi  précieux  à  fe  ren¬ 
dre  digne  d’une  grâce  ,  dont  elle  comprenoit  tout  le  prix.  Les 
Millionnaires  ,  avant  que  de  l’accorder  aux  Adultes  ,  ont 
grand  foin  de  s’informer  fous  main  de  leur  conduite  &  de 
leurs  mœurs  ;  le  P.  de  Lamberville  interrogea  donc  tous  ceux  , 
qui  connoifïoient  Tegahkouita,  &  fut  fort  furpris  de  ne  ren¬ 
contrer  Perfonne  ,  parmi  ceux  mêmes  ,  qui  avoient  fait  le  plus 
de  peine  à  cette  Fille ,  qui  ne  fît  fon  éloge.  Cela  étoit  a  au¬ 
tant  plus  glorieux  pour  elle ,  que  les  Sauvages  font  fort  en¬ 
clins  à  la  médifance  ,  &  naturellement  portés  à  donner  un 
tour  malin  aux  avions  les  plus  innocentes.  Le  Millionnaire 
ne  balança  donc  plus  à  lui  accorder  ce  quelle  demandoit  avec 
les  plus  vives  inffances  ;  elle  fut  baptifee  le  jour  de  Pâques 
de  l’année  1676.  &  nommée  Catherine. 

La  grâce  du  Sacrement  reçue  dans  un  cœur  ,  que  fa  droi¬ 
ture  &  fon  innocence  y  avoient  fi  bien  préparée  ,  y  produifit 
des  effets  merveilleux.  Quelque  idée  ,  que  le  Millionnaire  eût 
déjà  conçue  de  la  jeune  Iroquoife ,  il  fut  étonné  de  trouver 


/ 


Catherine 

Tegahkouita 


?76  HISTOIRE  generale 

en  elle  immédiatement  après  fon  Baptême,  non  pas  une  Néo¬ 
phyte  ,  qui  eut  befoin  d’être  afermie  dans  la  Foy ,  mais  une 
ame  remplie  des  dons  du  Ciel  les  plus  précieux  &  qu  d  tal- 
loit  conduire  dans  les  plus  fublimes  voyes  de  Feiprit.  Dans 
les  commencemens  fa  vertu  caufoit  de  1  admiration  à  ceux- 
mêmes ,  qui  étoient  les  plus  éloignés  de  1  imiter  ,  &  ceux , 
de  qui  elle  dépendoit  3  lui  Différent  fuivre  en  liberté  tous  les 
mouvemens  de  fon  zélé  ;  mais  cela  dura  peu.  L  innocence  de 
fes  mœurs ,  les  précautions  ,  quelle  prenoit  pour  éviter  tout 
ce  qui  la  pouvoit  tant  foit  peu  altérer  ,  &  furtout  fon  extieme 
réferve  par  raport  à  ce  qui  étoit  capable  de  donner  la  moin¬ 
dre  .atteinte  à  la  pureté  ,  parurent  à  la  Jeunelfe  de  ion  Villa¬ 
ge  un  reproche  de  la  vie  libertine  ,  qu  elle  menoit ,  &  pluiieurs 
attentèrent  à  fa  pudeur  ,  dans  la  feule  vûë  de  ternir  1  éclat 

d’une  vertu  ,  qui  les  eblouiifoit.  _  r 

D’autre  part ,  quoiqu’elle  n’eût  rien  relâche  de  fes  occupa¬ 
tions  domeffiques  ,  &  qu’on  la  trouvât  toujours  difpofee  a 
rendre  fervice  à  tout  le  monde  ,  fes  Parens  trouvoient  tort 
mauvais  quelle  donnât  à  la  Priere  tout  le  tems ,  quelle  avoit 
de  relie  ,  &  pour  l’obliger  à  ne  pas  interrompre  les  Diman¬ 
ches  &  les  Fêtes  les  travaux  ,  que  l’Eglife  défend  dans  ces  jours 
confacrés  au  Seigneur  ,  ils  les  lui  faifoient  palier  fans  man¬ 
ger.  Comme  ils  virent  qu’ils  ne  gagnoient  rien  par  cette  voye  , 
iis  eurent  recours  à  d’autres  plus  violentes  encore  ;  ils  la  mal¬ 
traitèrent  fouvent  d’une  maniéré  indigne  ;  lorsqu’elle  alloit  a 
la  Chapelle ,  ils  la  faifoient  pourfuivre  par  de  jeunes  Gens 
avec  des  huées  ,  &  à  coups  de  pierre  ;  des  Hommes  yvres , 
ou  qui  feignoient  de  l’être  ,  couroient  fur  elle  ,  comme  s  î  s  en 
enflent  voulu  à  fa  vie  ;  mais  fans  craindre  ces  artifices  ,  ni 
redouter  ces  violences  ,  elle  continua  fes  Exercices  ,  comme  il 
elle  eût  joui  de  la  plus,  parfaite  liberté.  .  TT 

Un  jour  qu’elle  étoit  dans  fa  Cabanne  ,  un  jeune  Homme 
y  entra  brufquement ,  la  hache  à  la  main  ,  les  yeux  etince* 
lans ,  &  parodiant  avoir  deffein  de  lui  calfer  la  tête.  Lue  ne 
fit  paroître  à  cette  vûë  aucune  émotion  ,  &  fe  bailla  pour  re¬ 
cevoir  le  coup;  mais  ce  Furieux ,  faili  dans  le  moment  dune 
terreur  panique  ,  fe  retira  avec  la  même  précipitation  ,  que  s  il 
eût  été  pourfuivi  par  un  Parti  de  Guerriers.  Aces  premières 
bourrafques  fuccéda  une  forte  de  perfécution  beaucoup  plus 
daneereufe.  La  Tante  de  Catherine  étoit  une  Femme  dun 
efprit  mal  fait ,  &  à  qui  tout  ce  que  fa  Nièce  pouvoit  faire 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  ?77 

pour  la  contenter  ,  déplaifoit  par  la  feule  raifon  ,  qu’elle  n’y 
trouvoit  rien  à  reprendre.  Il  échapa  un  jour  à  la  vertueufe 
Néophyte  d’appeller  le  Mari  de  cette  Femme  par  fon  nom 
propre  ,  au  lieu  de  lui  donner  le  nom  de  Pere  ,  félon  fa  coû- 
tume  ;  fa  Tante  s’imagina  ,  ou  fit  femblant  de  croire  que  cette 
façon  de  parler  familière  marquoit  une  liaifon  peu  honnête 
entre  l’Oncle  &  la  Nièce ,  &  alla  fur  le  champ  déclarer  au 
P.  de  Lamberville  qu’elle  avoit  furpris  Catherine  follicitant 
fon  Mari  au  crime.  Le  Pere  lui  promit  d’examiner  la  chofe , 
&  ayant  fçu  ce  qui  avoit  fondé  une  accufation  fi  atroce  ,  il  fit 
à  la  Délatrice  une  réprimande  ,  qui  la  couvrit  de  confufion  ; 
ornais  dont  le  contrecoup  retomba  fur  l’innocente  Accufée* 

S’il  n’y  avoit  eu  en  tout  cela  qu’à  fouffrir ,  comme  rien 
n’étoit  plus  félon  fon  goût ,  elle  n’auroit  jamais  penfé  à  chan¬ 
ger  de  fituation  ;  mais  elle  craignit  de  ne  pouvoir  pas  tou¬ 
jours  tenir  contre  la  fédu&ion  du  mauvais  exemple ,  ou  de 
fe  laiffer  vaincre  peu  à  peu  par  le  refpeR  humain  ,  qui  peut 
beaucoup  fur  l’efprit  des  Sauvages.  Elle  fongea  donc  à  cher¬ 
cher  un  afyle  ,  où  fon  innocence  &  fa  Religion  fuffent  à  cou¬ 
vert.  La  Prairie  de  la  Magdeleine  ,  où  plufieurs  Iroquois  Chré¬ 
tiens  commençoient  à  s’établir  ,  lui  parut  très-propre  à  ce  def- 
fein  ^  &  elle  conçut  un  défir  ardent  de  s’y  retirer  ;  mais  l’exé¬ 
cution  n’en  étoit  pas  facile. 

Son  Oncle  voyoit  avec  bien  du  chagrin  le  dépeuplement  de 
fon  Canton  &  1  e  déclaroit  ouvertement  l’Ennemi  de  quicon¬ 
que  y  contribuoit.  Il  n’y  avoit  donc  aucune  apparence  de 
pouvoir  obtenir  fon  confentemenf,  &  il  n’étoit  pas  aifé  à  Ca¬ 
therine  de  le  quitter  malgré  lui.  Mais  Dieu  ,  qui  l’ avoit  delli- 
née  pour  être  l’exemple  &  l’ornement  de  cette  Chrétienté 
tranfplantée  ,  lui  facilita  ce  qui  d’abord  lui  avoit  paru  irnpof- 
fible.  Elle  avoit  une  Sœur  d’adoption  ,  Néophyte  comme 
elle  ,  &  mariée  à  un  Chrétien  fort  zélé  pour  la  converfion  de 
fes  Compatriotes.  Cet  Homme  avoit  déjà  fixé  fa  demeure  à  la 
Prairie  de  la  Magdeleine  ,  &  il  étoit  du  nombre  de  ceux  ,  qui , 
fous  divers  prétextes  ,  parcouroient  les  Bourgades  Iroquoifes  , 
pour  y  faire  des  Profélytes.  Il  fçavoit  que  le  plus  grand  plaifir  , 
qu’il  pouvoit  faire  à  Catherine  ,  étoit  de  la  conduire  chez  lui  ; 
il  en  parla  à  fa  Femme  ,  qui  le  confirma  dans  cette  penfée  ,  & 
l’exhorta  vivement  à  donner  cette  fatisfaélion  à  fa  Sœur. 

Il  s’y  refolut ,  &  pour  effeftuer  plus  fûrement  ce  projet ,  il 
fit  femblant  d’aller  à  la  chafie  avec  un  de  fes  Amis  du  côté  de 
Tome,  I.  '  D  D  d  d 


Catherine 

Tegahkouit*. 


578  HISTOIRE  GENERALE 

"  Catherine"  la  Nouvelle  York ,  &  partit ,  après  avoir  averti  Tegahkouita 

Tegahkouîca.  de  fe  tenir  prête  pour  le  tems,  qu’il  lui  marqua.  Par  bonheur 
pour  elle  ,  fon  Oncle  étoit  abfent  ;  mais  il  n’étoit  pas  éloigné  , 
&  il  fut  d’abord  averti  du  départ  de  fa  Nièce.  Il  11e  perdit  pas 
un  moment ,  &  il  courut  après  elle ,  fort  réfolu  de  la  rame¬ 
ner  morte  ou  vive  ,  &  de  c aller  la  tête  au  premier-,  qui  luiferoit 
réfiftance.  Il  joignit  bientôt  les  deux  Chaffeurs  ;  mais  n’ayant 
point  trouvé  fa  Nièce  avec  eux ,  parce  que  toutes  les  fois  qu’ils 
s’arrëtoient ,  ils  avoient  la  précaution  de  la  cacher  dans  le  Bois  , 
il  craignit  qu’on  ne  l’eût  mal  informé  :  il  ne  fit  donc  femblant 
de  rien  ,  &  après  les  avoir  entretenus  quelque  teins  de  choies 
indifférentes  ,  il  les  quitta  ,  perfuadé  que  Catherine  avoit  pris 
une  autre  route  ,  &  fuivi  d’autres  Guides. 

La  Sainte  Fille  délivrée  de  ce  danger  pourfuivit  gayement 
fon  voyage  ,  &  arriva  enfin  au  terme  ,  qui  faifoit  l’objet  de 
fes  vœux  ,  ce  fut  au  mois  d’O Sobre  de  l’année  1677.  Sa  Sœur 
n’avoit  point  encore  de  Cabanne  en  propre  ,  &  logeoit  avec 
fon  Mari  dans  celle  d’une  fervente  Chrétienne  ,  nommé  An  as- 
T  Asie  ,  dont  l’unique  occupation  étoit  de  difpofer  au  Baptême 
les  Perfonnes  de  fon  fexe.  Un  Hôteffe  de  ce  caractère  ,  &  de 
pareils  exercices  étoient  bien  au  gré  de  Catherine.  Elle  fut 
d’ailleurs  charmée  de  tout  ce  qui  fe  pratiquoit  dans  la  Bour¬ 
gade  ,  &  ne  fe  laffoit  point  d’admirer  la  force  toute-puiffante 
de  la  Grâce ,  qui  fçait  transformer  les  Loups  en  Agneaux , 
ni  de  chanter  les  mifericordes  du  Seigneur ,  en  voyant  vivre 
dans  toute  la  pureté  de  la  Morale  Evangélique  des  Hommes  , 
dont  le  libertinage  l’avoit  plus  d’une  fois  faille  d’horreur. 

Ce  fpeSacle  l’animant  d’une  nouvelle  ferveur ,  elle  fe  donna 
à  Dieu  fans  referve  ,  ne  fe  permit  plus  le  moindre  retour  fur 
elle  j  même  ,  &  commença  à  courir  à  pas  de  Geans  dans 
la  carrière  de  la  Sainteté.  La  Priere  ,  le  travail  ,  les  entre¬ 
tiens  fpirituels  furent  déformais  fes  feules  occupations  ;  &  à 
l’exemple  de  S.  Antoine  ,  elle  fe  fit  un  devoir  d’imiter  tout 
ce  qu’elle  remarqueroit  d’édifiant  dans  ceux  ,  qui  compofoient 
cette  nouvelle  Eglife.  Elle  paffoit  au  pied  de  l’Autel  tout  le 
tems  ,  qu’elle  avoit  de  libre  ,  elle  ne  vivoit  que  du  travail  de 
fes  mains  ,  &  quelque  occupée  quelle  fût  à  l’extérieur  ,  fon 
cœur  étoit  dans  un  entretien  continuel  avec  Dieu. 

Elle  n’avoit  pas  encore  fait  fa  première  Communion  ,  lorf- 
qu’elle  arriva  dans  la  Colonie  ,  &  la  coûtume  eft  dans  ces 
Miffions  dé  n’accorder  cette  grâce  aux  Néophytes  ,  qu’après 


DE  LANOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  579. 

de  longues  épreuyes.  Catherine  appréhenda  qu’on  ne  'la  vou  Cathc 
lut  foûmettre  à  la  Loi  commune  ;  mais  fa  vertu  ,  encore  plus  Tesahk 
que  fes  prières  réitérées  ,  déterminèrent  bientôt  fon  Directeur 
à  faire  une  exception  en  fa  faveur  ,  &  il  n’eut  pas  lieu  de  s’en 
repentir.  L’ufage  fréquent  de  la  Communion .,  qu’on  lui  ac¬ 
corda  ,  ne  diminua  rien  de  fa  ferveur  à  sÿ  préparer.  Dans  fes 
avions  les  plus  ordinaires  ,  il  fuffifoit  de  la  voir  pour  être  ex¬ 
cité  à  la  dévotion  ;  mais  lorfqu’elle  participoit  aux  divins 
Myfteres ,  il  n’étoit  pas  poffible  ,  quand  on  fe  rencontrait  au¬ 
près  d’elle  ,  de  netre  pas  pénétré  de  l’amour  le  plus  tendre 
pour  Dieu. 

Quand  elle  étoit  obligée  de  fuivre  les  autres  dans  les  par¬ 
ties  de  chafie  ,  la  diffipation  infeparable  de  cet  exercice  ne 
dérangeoit  rien  dans  fon  intérieur  :  elle  s’y  bâtifioit  un  Ora¬ 
toire  ,  d’où  elle  ne  fortoit  jamais.  Elle  fe  retirait  des  Compa¬ 
gnies  ,  autant  qu’il  lui  étoit  poffible  ,  &  lorfqu’elle  ne  le  pou¬ 
voir  pas  ,  elle  communiquoit  bien  plus  aux  autres  fon  recueil¬ 
lement ,  qu  elle  ne  prenoit  de  part  à  leurs  amufemens.  Elle  n’a- 
voit  pourtant  rien  de  gêné  dans  fes  maniérés  ,  &  fa  dévotion 
netoit ,  ni  chagrine  ,  ni  incommode.  Elle  avoit  même  une 
mduftrie  merveilleufe  pour  cacher  au  Public  fes  pratiques  de 
pieté  particulières  *  &  les  auftérités  ,  qui  étoient  grandes.  Une 
des  plus  ordinaires  étoit  de  mêler  de  la  terre  dans  tout  ce  quelle 
mangeoit ,  &  tres-peu  de  Perfonnçs  s’en  aperçurent. 

Outre  fon  Dire&eur ,  fans  la  permiffion  duquel  elle  né  fai- 
foit  rien  en  ce  genre  ,  elle  n’avoit  rien  de  refervé  pour  deux 
Femmes  d’une  grande  vertu,  dont  le  commerce  mutuel  fer- 
vit  beaucoup  à  les  elever  à  une  fainteté  éminente.  L’une  étoit 
cette  Anaftafie  ,  qui  l’avoit  reçue  chez  elle  à  fon  arrivée  dans 
la  Colonie  ;  1  autre  étoit  une  jeune  Veuve ,  nommée  Therese  , 
qui  après  avoir  vécu  quelque  tems  dans  un  extrême  oubli  des 
pro méfiés  de  fon  Baptême  ,  étoit  rentrée  dans  fon  devoir  à 
1  occalion  dun  grand  danger ,  dont  elle  étoit  convaincue  que 
Dieu  1  avoit  délivrée  par  miracle.  Elle  avoit  pourtant  encore 
depuis  mené  une  vie  afiéz  tiède,,  &  elle  remettoit  de  jour 
en  jour  l’exécution  du  defîêin ,  qu’elle  avoit  conçu  de  répa¬ 
rer  par  la  penitence  fes  déréglemens  pafiès. 

Un  entretien,  qu’elle  eut  avec  Catherine,  acheva  fa  con- 
verfion.^  Elle  regardoit  un  jour  avec  attention  l’Eglife  , 
qu’on  bâtifioit  au  Sault  Ss  Louis  3  où  l’on  venoit- de  transfé¬ 
rer  la  Bourgade  Iroquoife  de  la  Prairie ,  de  la  Magdeleine  ; 

DDddij 


_ _ —  Sherine^’apperçur,  &7e  fentit  infpirée  de  l’aborder ,  quoi- 

Catherine  ,  „  ne  |uj  eût  jamais  parlé  jufques-la.  Pour  entrer  en  con- 
cSai  oiuca.  ^erfation  ^  eqe  iui  demanda  quel  endroit  de  la  nouvel  e 

Eglife  étoit  defïiné  pour  les  Femmes ,  &  Therefe  le  lui  mon- 
»  tra.  »  Helas  !  reprit  Catherine  ,  ce  n’eft  pas  dans  ces  Temples 
materiels  que  Dieu  fe  plaît  davantage  :  notre  cœur  eft  le 
”  Sanftuaire  qui  lui  eft  le  plus  agréable.  Mais  combien  de  fois 
:  She'eufe  iue  je  fuis ,  Fai-jeforcé  d’abandonner  ce  cœur 
où  il  vouloir  regner  feul?  Ne  meriterois-je  pas  bien  que  pour 
i  punir  mon  ingrltitude  ,  il  me  fermât  pour  toujours  1  entree 
de  ce  Sanctuaire  ,  qu’on  érige  à  fa  gloire  t 

Ces  paroles  touchèrent  Therefe  jufquau  vif;  elle  fe  repro¬ 
cha  fa  tiédeur ,  &  fe  fentit  fortement  preflee  d  accomplir  enfin 
ce  qu’elle  avoit  tant  de  fois  promis  à  fon  Dieu.  Elle  s  en  ouvrit 
fur  k  champ  à  Catherine  ,  &  elle  trouva  dans  cette  Sainte  Fille 
une  ouverture  de  cœur ,  qui  l’engagea  à  ne  lu.  rien  cacher 
de  ce  qui  fe  paffoit  dans  le  fien  ,  &  qui  acheva  de  la  gagner  a 
Jesus-Christ.  Sa  pénitence  fut  de  la  nature  de  celles,  qui 
élevent  prefque  fans  milieu  les  plus  grands  Pécheurs  ,  &  ce 
qui  eft  plus  difficile  encore  ,  les  Ames  les  plus  lâches  a  la 
plus  héroïque  perfection.  Elle  s’attacha  a  Catherine  par  des 
liens ,  que  l’amour  Divin  ferra  de  plus  en  plus ,  &  déformais 
ces  deux  Ames  choifîes  ne  fe  cachèrent  plus  rien  de  ce  qui 
concernoit  leur  intérieur.  Elles  fe  confiaient  réciproque¬ 
ment  ,  elles  s’inftruifoient  dans  leurs  doutes ,  elles  fe  for 
fioient  dans  les  affauts ,  que  l’Enfer  &  le  Monde  leur  livre- 

Catherine  en  eut  un  bien  rude  à  foûtemr  vers  ce  tems-la ,  de 
la  part  même  des  Perfonnes ,  de  qui  elle  croyoït  en  devoir 
moins  appréhender  de  pareils.  Cette  meme  Sœur  d  adoption , 
qui  l’avoit  attirée  auprès  d’elle ,  fe  mit  en  tete  de  la  marier  , 
&  il  n’eft  rien  dont  elle  ne  s’avifât  pour  vaincre  fa  refiftance. 
Elle  commença  par  lui  reprefenter  qu’encore  qu  elle  &  fon 
Mari  fe  fiffent  un  plaiftr  de  fubvemr  a  tous  fes  befoins ,  il  fe 
pourroit  bien  faire  qu’étant  chargés  d’une  nombreufe  Famille , 
ils  ne  fe  trouvaffent  pas  toujours  en  état  de  continuer  a  lui 
fournir  le  néceffaire  ,  &  que  d’ailleurs  s  ils  venoient  a  mou¬ 
rir  l’un  &  l’autre ,  elle  fe  trouveroit  fans  appui. 

La  vertueufe  Fille  fut  d’autant  plus  affligée  de  ce  dif- 
cours ,  quelle  n’étoit  point  à  charge  à  fa  Sœur  :  elle  la  re¬ 
mercia  néanmoins  de  fon  attention  ,  &  lui  promit  de  refle- 


HISTOIRE  GENERALE 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  581 

diir  fur  ce  quelle  venoit  de  lui  dire.  Elle  alla  auffitôt  trou-  1  Catherine 
ver  fon  Conleffeur  ,  &  lui  témoigna  fa  peine  de  ce  qu’une  Tegahkouita 
Sœur  ,  qui  jufques-là  lui  avoit  donné  tant  de  marques  d’une 
amitié  fincere  ,  vouloit  la  gêner  dans  la  feule  chofe ,  où  elle 
fouhaittoit  d’être  libre.  Le  Pere,  après  l’avoir  écoutée  tran¬ 
quillement  ,  lui  dit  qu’au  fond  fa  Sœur  n’avoit  pas  eu  fi 
grand  tort  de  lui  parler,  comme  elle  avoit  fait;  quelle  devoit 
lui  fçavoir  gré  des  précautions ,  quelle  vouloit  prendre  pour 
lui  aflurer  une  fubfifiance  honnête  ;  &  que  la  chofe  meri- 
toit  bien  qu’elle  y  penfât  à  loifir.  Il  nef:  plus  tems  de  déli-  « 
berer  ,  reprit  Catherine  ,  je  ne  fuis  plus  à  moi  ;  je  me  fuis  « 
donnée  fans  referve  à  Jesus-Christ.  Mais,  reprit  le  Mif-  « 
fiomiaire  ,  qui  vous  nourrira ,  &  vous  affiliera  dans  vos  in-  « 
firmités  ,  li  Dieu  difpofe  de  votre  Sœur  ?  C’ef  la  moindre  « 
de  mes  inquiétudes ,  reprit  la  génereufe  Néophyte  ;  celui  qui  « 
nourrit  les  Oifeaux  du  Ciel ,  ne  me  laiffera  pas  manquer  du  « 
peu  ,  qui  m’elt  néceffaire  pour  vivre  ».  Le  Pere  ne  parut 
point  fe  rendre  ,  il  congédia  fa  Pénitente  en  lui  ordonnant 
de  confulter  de  nouveau  le  Seigneur  fur  une  chofe  ,  où  il 
ne  voyoit  point  encore  manifellement  fa  volonté ,  &:  elle 
fe  retira  fort  trille. 

Sa  Sœur  revint  le  même  jour  à  la  charge ,  &  l’ayant  trou¬ 
vée  inflexible  ,  lui  fit  parler  par  Anaftafie  ,  que  fon  âge  & 
fa  vertu  leur  faifoient  regarder  à  toutes  deux  comme  leur 
Mere.  jAnaftafie  entra  d’abord  dans  les  lentimens  de  la  jeune 
Femme,  parce  qu’il  étoit  encore  fans  exemple  parmi  les  Iro- 
quois  qu’une  Fille  demeurât  dans  le  célibat  ;  les  Millionnaires 
n’ayant  pas  cru  devoir  jufques-là  donner  à  ces  Sauvages  le 
confeil,  que  S.  Paul  donnoit  aux  premiers  Chrétiens.  Ana- 
flafie  entreprit  donc  de  perfuader  à  Catherine  de  conten¬ 
ter  fa  Sœur.  Elle  ne  gagna  rien  ,  &  en  parut  un  peu 
piquée.  Elle  le  lui  fit  même  connoître  par  quelques  repro¬ 
ches  ,  &  la  menaça  d’interpofer  l’autorité  de  leur  commun 
Direêleur. 

La  Sainte  Fille  prit  les  devans ,  &  après  avoir  alluré  à  fon 
Pere  Spirituel  quelle  ne  pouvoir  plus  douter  de  la  volonté 
de  Dieu  ;  elle  le  pria  d’agréer  que  ,  pour  mettre  fin  à  cette 
perfécution  ,  elle  fît  vœu  de  Virginité.  Le  Pere  lui  répondit 
qu’un  engagement  de  cette  nature  ne  devoit  pas  fe  prendre 
légèrement ,  qu’il  lui  donnoit  trois  jours  pour  y  penfer  ,  & 
que  pendant  ce  tems -là  il  lui  permettoit  de  redoubler  fes 


5g2  HISTOIRE  GENERALE 

prières  &  Tes  pénitences  ,  pour  obtenir  que  le  Ciel  lui  fit 
connoître  ce  qu’il  defiroit  d’elle.  Catherine  le  quitta  en  lui 
promettant  d’obéir  ;  mais  au  bout  d’un  quart-d’heure  elle  vint 
le  trouver  ,  &  l’abordant  d’un  air ,  qui  ne  lui  étoit  pas  na¬ 
turel  :  Mon  Pere  ,  lui  dit-elle  ,  tout  eü  confideré  ;  je  n’aurai 
jamais  d’autre  Epoux  que  Jesus-Christ  ».  Son  aâion  ,  &  le 
ton  ,  dont  elle  parloit touchèrent  le  DireReur  ;  il  vit  bien 
qu’en  vain  il  s’oppoferoit  à  un  mouvement ,  qui  avoit  toutes 
les  marques  d’une  infpiration  divine  :  il  confola  fa  Pénitente 
en  lui  faifant  efperer  fon  confentement  à  ce  qu’elle  defiroit  ; 
il  lui  recommanda  donc  de  ne  plus  penfer  qu’à  gagner  le 
cœur  du  célefte  Epoux  ,  qu’elle  avoit  choifi ,  &  lui  promit 
de  faire  ceffer  toutes  les  pourfuites  de  fa  Sœur  &  de  fes 
Amies. 

A  peine  étoit-elle  retirée,  qu’Anaffafie  entra  chez  le  Pere, 
&  lui  fit  de  grandes  plaintes  de  l’entêtement  de  Catherine. 
Le  Pere  ,  après  l’avoir  écoutée  ,  fans  l’interrompre ,  lui  fit 
une  douce  réprimande  fur  fa  précipitation  à  blâmer  ce  qu  elle 
ne  connoiffoit  pas  ,  &  fur  le  peu  d’eftime ,  qu’elle  paroiffoit 
faire  d’un  état ,  qui  éleve  des  Créatures  mortelles  à  la  con¬ 
dition  des  Anges.  Anaflafie  reçut  cette  correâion  avec  hu¬ 
milité  ,  &  Catherine  retrouva  toujours  depuis  en  elle  une 
Amie  vrayment  Chrétienne  ,  difpofée  à  la  féconder  dans  fes 
pieux  deffeins ,  &  attentive  à  la  ioulager  dans  fes  befoins  Sc 
dans  fes  afïli  étions.  Catherine  de  fon  côte  crut  que  la  réso¬ 
lution  qu’elle  venoit  de  prendre  ,  l’obligeoit  à  vivre  plus 
que  jamais  dans  la  retraite ,  &  dans  l’exercice  de  l’humilité , 
de  la  charité  ,  &  de  la  pénitence.  On  la  voyoit  croître  fen- 
fiblement  en  vertu  ;  on  ne  parloit  déjà  plus  dans  le^  Pays 
que  de  fon  éminente  Sainteté  :  on  ne  fe  laffoit  point  d  admi¬ 
rer  les  refforts  Secrets  de  la  bonté  divine  ,  qui  du  milieu 
d’un  Peuple  ,  le  plus  oppofé  de  tous  à  l’établiffement  du  Chrif- 
tianifme  ,  avoit  tiré  une  jeune  Fille  ,  pour  en  faire  un  mo¬ 
dèle  parfait  de  toutes  les  vertus  chrétiennes. 

Il  regnoit  alors  dans  la  Million  du  Sault  S.  Louys  un  ef- 
prit  de  mortification  ,  qui  allait  fort  loin.  Ces  Néophytes 
venaient  d’être  déclarés  par  tous  les  Cantons  Iroquois  En¬ 
nemis  de  la  Patrie.,  &  ils  s’attendoient  bien  qu’après  cet 
éclat  tous  ceux  d’entr’eux  ,  qui  tomberaient  .entre  les  mains 
de  leurs  Freres  Idolâtres ,  Seroient  livres  fans  mifericorde  aux 
plus  affreux  Supplices  :  auüi  ne  fongeoient  -  ils  plus  qu  a  fe 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  5s3 

difpofer  au  Martyre  par  tout  ce  que  la  Pénitence  peut  ima-  — - 
giner  de  moyens  pour  macerer  la  chair.  Les  Hommes  ,  les  TegaSa. 
Femmes ,  les  Enfans  mêmes  fe  portèrent  fur  cela  à  des  excès , 
que  les  Mifiionnaires  nauroient  jamais  foufferts  ,  s’ils  en 
avoient  été  exaêlement  inffruits. 

C^Jierine  ,  que  l’Efprit  intérieur  poffedoit  plus  que  tous 
les  autres ,  étoit  auffi  celle  ,  qui  fe  ménageoit  le  moins.  Elle 
ne  confultoit  plus  que  fa  ferveur  ,  &  ne  fe  croyoit  nulle¬ 
ment  obligée  de  dépendre  en  cela  de  fon  Direfteur  ,  comme 
auparavant  5  perfuadée  que  ce  coneert  général  de  toute  la 
Bourgade  ne  pouvoit  pas  lui  être  inconnu  ,  &  que  fon  fi- 
lençe  à  cet  égard  étoit  un  confentement.  Auffi  fut-elle  bien¬ 
tôt  réduite  à  un  état  de  langueur  &  de  fouffrànce  ,  dont  elle 
ne  guérit  jamais.  Quelque  tems  après  elle  fit  un  voyage  à 
Montreal ,  où  la  vûë  des  Religieufes  Hofpitalieres ,  dont  juf- 
ques-là  elle  n’avoit  point  entendu  parler  ,  augmenta  l’em- 
preffement  ,  qu  elle  a  voit  de  fe  confacrer  a  Dieu  par  le  voeu 
de  Ch  aile  té  :  elle  redoubla  fes  inffances  auprès  de  fon  Con- 
feffeur  ,  qui  ne  crut  pas  devoir  différer  plus  lontems  à  la 
contenter.  Elle  fit  donc  ce  voeu  fi  déliré  avec  une  joye  ,  qui 
fembîa  lui  redonner  toutes  fes  forces  ,  &  elle  a  été  la  pre¬ 
mière  de  fa  Nation  ,  qui  ait  pris  avec  Dieu  un  pareil  en¬ 
gagement.  -  ir 

L’Epoux  celeffe  des  Ames  chaffes  ne  tarda  point  à  lui 
donner  des  preuves  fenfibles  qu’il  avoit  agréé  fon  Sacrifice , 

&  à  la  traiter  en  Epoufe  bien  aimée.  Elle  de  fon  cô¬ 
té  s’efforça  de  répondre  à  fes  careffes  ,  &  aux  communica¬ 
tions  intimes  ,  dont  il  la  favonfoit  ,  par  une  fidelité  parfaite 
&  un  amour  fans  réferve.  Mais  fes  forces  ne  purent  en  foû- 
tenir  lontems  la  vivacité ,  &  la  chair  fuccomba  bientôt  fous 
les  efforts  de  l’efprit.  Elle  tomba  dans  une  maladie  dange- 
reufe,  qui  ne  lui  laiffa  plus  qu’une  vie  traînante,  &  fujeue 
à  de  continuelles  douleurs.  Dans  cet  état  elle  s’uniffoit  de 
plus  en  plus  à  Jesus-Christ  par  la  méditation  de  fa  mort 
&  de  fes  fouffrances,  &  par  la  fréquentation  des  Sacremens. 

Elle  ne  pouvoit  plus  fouffrir  l’entretien  des  Hommes  ;  Anaf- 
tafie  &  Therefe  etoient  les  deux  feules  Perfonnes  ,  avec  qui 
elle  eût  quelques  fortes  de  liaifon ,  parce  quelles  ne  lui  par¬ 
taient  que  de  Dieu. 

Elle  ne  fe  trouvoit  bien  qu’au  pied  de  l’Autel ,  où  fouvent 
abîmée  dans  line  profonde  contemplation,  &  verfant  des  tor- 


Catherine 

Tegahkouita. 


HISTOIRE  GENERALE 

rens  de  larmes ,  dont  la  fource  intarriffable  étoit  fon  amour , 

&  la  playe  qu’il  avoit  faite  à  fon  cœur  ;  elle  oublient  de 
telle  forte  les  befoins  de  fon  corps,  qu’elle  ne  fentoit  pas 
même  le  froid,  dont  elle  étoit  quelquefois  toute  tranlie.  Elle 
fortoit  toujours  de  cette  contemplation  avec  un  nouveau  dé¬ 
fit-  des  fouffrances,  &  il  n’eft  pas  concevable  combien  fon 
efprit  étoit  ingénieux  à  inventer  des  moyens  de  crucifier  la 
chair.  Tantôt  elle  marchoit  les  pieds  nuds  fur  la  glace  &  lur 
la  neige  ,  jufqu’à  ce  quelle  en  perdît  le  fentiment.  Tantôt 
elle  parfemoit  fa  couche  d’épines.  Elle  fe  roula  trois  jours  de 
fuite  fur  des  branches  pleines  de  piquans ,  qui  lui  entrèrent 
bien  avant  dans  le  corps ,  &  lui  cauferent  des  douleurs  inex¬ 
primables.  Une  autrefois  elle  s’avifa  de  fe  brûler  les  pieds  , 
comme  on  fait  aux  Captifs ,  voulant  par-là  fe  donner  le  ca- 
raftere  &  la  marque  d’Efclave  de  Jesus-Christ  :  mais  ce 
qui  fait  mieux  connoître  la  folidité  de  la  vertu,  c efi:  1  nia  - 
terable  douceur,  la  patience  ,  la  joye  même,  quelle  témoi¬ 
gna  dans  les  maux  ,  quelle  eut  à  fouffnr  fur  la  fin  de  e 

jours.  .  .  A  • 

Il  femble  que  rien  ne  doive  moins  coûter  a  ceux  ,  qui 

portent  la  mortification  aufîi  loin  ,  que  faifoit  cette  Sainte 
Fille.  Cela  efi:  pourtant  affez  rare  :  on  efi:  fouvent  étonné 
de  voir  les  Perfonnes qui  pratiquent  les  plus  grandes  aulte- 
rités  ,  plus  fenfibles  que  d  autres  à  ce  qui  leur  arrive  de  f⬠
cheux  &  d’humiliant.  C’eft  qu’en  cela  il  ny  a  rien  de  leur 
choix.  La  volonté  propre  efi:  toujours  la  dermere  victime , 
elle  manque  fouvent  à  l’Holocaufte.  Catherine  comorenoit 
ce  que  les  Croix  ,  qui  font  prefentées  de  la  main  du  Sei¬ 
gneur  ,  ont  de  préférable  à  celles ,  que  nous  nous  impofons 
nous-mêmes  ,  &  les  fouffrances  ,  où  fa  volonté  avoit  moins 
de  part ,  étoient  toujours  le  plus  félon  fon  cœur. 

Elle  fut  enfin  attaquée  d’un  mal,  qui  fut  dabor  jug 
mortel ,  &  cela  dans  un  tems  ,  où  les  travaux^  de  la  Cam¬ 
pagne  oeçupoient  tellement  tout  le  Monde  ,  quelle  ne  pou- 
voït  prefqu’efperer  de  foulagement  de  Perfonne.  Elle  refioit 
feule  les  jours  entiers  avec  un  plat  de  Maiz  ,  &  un  peu 
d’eau  à  côté  de  fon  lit  :  charmée  de  fe  voir  ainfi  delaifiee  des 
Hommes,  elle  sentretenoit  fans  ceffe  avec  fon  Dieu  ,  oc 
trouvoit  encore  les  journées  trop  courtes.  Le  Mardy  de  la 
Semaine  Sainte  de  l’année  de  1678 ,  elle  fe  trouva  plus  mal  , 
fr  on  lui  adminifira  le  Saint  Viatique.  On  youloit  lui  donner 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  585 
tout  de  fuite  1  Extreme-OnRion  ;  mais  elle  affûra  qu’on  pou-  "r'  ■  : — 
voit  attendre  au  lendemain.  Elle  paffa  toute  la  nuit  fuivante  Te4hkouiL 
dans  un  colloque  amoureux  avec  le  Divin  Sauveur  &  avec  fa 
Sainte  Mere,  qu  elle  avoit  toujours  fingulierement  honnorée, 
le  regardant ,  difoit  -  elle  ,  en  qualité  d’Epoufe  de  Jésus- 
Christ,  attachée  à  la  fuite  de  la  Reyne  des  Vierges. 

Le  Mercredy  matin  on  lui  donna  les  Saintes  Huiles  ,*& 
vers  les^  trois  heures  du  foir  ,  elle  expira  après  une  demie- 
heure  d’une  très -douce  agonie,  ayant  eu  toute  fa  connoif- 
fance  ,  &  le  jugement  fain  jufqu’au  dernier  foupir.  Ainfi  vé¬ 
cut  ,  &  ainfi  mourut  dans  fa  vintquatriéme  année  Catherine 
Tegahkouita.  Les  exemples  de  fa  vie  toute  Sainte  avoient 
produit  une  très-grande  ferveur  parmi  les  Iroquois  du  Sauit 
S.  Louys.  Les  merveilles ,  que  Dieu  commença  bientôt  d’o- 
perer  en  faveur  de  ceux,  qui  eurent  recours  a  fon  intercef- 
non ,  font  encore  aujourdhuy  pour  ces  Néophytes  &  même 
pour  toute  la  Nouvelle  France  ,  un  puiffant  motif  de  fervir 
en  efprit  &  en  vérité  un  Maître  fi  liberal ,  lequel ,  fans  accep¬ 
tion  de  Perfonnes,  répand  avec  profufion  fes  dons  les  plus 
précieux  fur  quiconque  s’abandonne  à  lui  fans  réferve. 

Son  vifage  extrêmement  défait  par  fes  macérations  &  par 
fa  derniere  maladie  ,  changea  tout  à  coup  dès  qu’elle  eut 
celle  de  vivre.  On  lui  vit  prendre  une  couleur  vermeille  , 
quelle  n avoit  jamais  eue,  &  ce  n’étoit  plus  les  mêmes  traits. 

Rien  n  etoit  plus  beau  ,  mais  de  cette  beauté  ,  qui  infpire 
1  amour  de  la  vertu  :  on  ne  pouvoit  fe  lalfer  de  la  regarder, 

&  chacun  fe  retiroiy  h  cœur  pénétré  du  defir  d’être  Saint. 

Son  corps  fut  mis  dans  un  cercueil  par  diffiinchon  ,  &  fon  tom¬ 
beau  devint  bientôt  célébré  par  le  concours  des  Fideles  ,  qui 
y  venoient  de  toutes  les  parties  du  Canada  ,  &  par  les  Mi¬ 
racles ,  qui  s  y  opererent  :  on  a  fur  tout  les  Atteffiations  Juri¬ 
diques  de  deux  Perfonnes  ,  d’un  caraRere  à  ne  lailfer  aucun 
doute  fur  la  vérité  de  leur  dépofition.  L’un  effi  M.  l’Abbé 
DE  LA  Colombiere  (æ) ,  Grand  Archidiacre,  &  Grand  Vicai- 
re  de  Quebec  ,  &  Confeiller  Clerc  au  Confeil  Supérieur  de  la 
Nouvelle  France.  L’autre  eft  M.  du  Luth,  Capitaine  d’une 
Compagnie'  d’infanterie  ,  un  des  plus  braves  Officiers ,  que 
le  Roy  ait  eu  dans  cette  Colonie  ,  &  dont  j’ai  fouvent  eu 
occafion  de  parler  dans  cette  Hiffioire. 

Tes  P^cadon?6^  dU  P‘ CkUdC  ^  la  Colombiere  ’  Jefuice ,  célébré  par  Ta  vertu  &  pat 


Tome  I. 


E  E  e  e 


Catherine 

Tes;ahkouita. 

w 


<86  HISTOIRE  generale 

5  Le  premier  déclare  dans  un  écrit  ligné  de  fa  main ,  qu’ayant 
été  malade  depuis  le  mois  de  Janvier  jufqu  au  mois  de  Juin 
fl  lune  fièvre  lente  ,  contre  laquelle  tous  les  remedes 
âvoent  été  inutiles,  &  d’un  flux  de  ventre,  que  rien  na- 
vok  pu  arrêter ,  on  jugea  à  propos  qu’il  fit  vœu,  sd  plarfoit 
à  Dira  de  lui  rendre’  la  (ante  ,  5e  fe  tranfporter  à  la  Million 
de  S.  François  Xaxier  du  Sault  S.  Louis  ,  pour  prier  fur  le 
Tombeau  de  Catherine  Tegahkouita  ;  qu  il  déféra  a  cet  avis  , 
auè "e  iour  même  la  filvre  ceffa  ,  &  le  flux  de  ventre  d  - 
minua  considérablement  ;  que  s’étant  mw  en  chemin  quel¬ 
ques  jours  après  pour  s  acquitter  de  fon  ;  ’  P 

il  fait  une  lieuë  ,  quil fut  entièrement  guéri.  , 

Le  fécond  certifie  juridiquement  qu’ayant  ete  pendant  vin- 
Cinq  ans  tourmenté  de  la  Uite  ,  avec  des ,  douleurs  .  exceffi- 
ves4  oui  duraient  quelquefois  trois  mois  de  fuite  lans  rela 
che  ,  if  s’adreffa  à  Catherine  Tegahkouita  ,  Vierge  ïroquoi  , 
décédée  au  Sault  S.  Louis  en  odeur  de  faintete  ,  &  promit 
vifiter  fon  Tombeau  ,  fi  par  fon  interceffion  Die",  efif rf°n 
de  ce  cruel  mal  :  qu’à  la  fin  d’une  Neuvame  ,  quil  ht  en  Ion 
honneur  ,  il  fut  parfaitement  guéri ,  &  que  depuis  quinze 
snois  il  n’a  voit  reffenti  aucune  atteinte  de  Soui?\  •  ,  & 

Tous  les  ans  au  jour  du  deces  de  la  bonne  Catha  , 
le  nom,  fous  lequel,  par  déférence  pour  le  S  •  S>ege  ’  °n  ^ 
nore  en  Canada  cette  fainte  Fille  ;  plufieurs  Parodies  des 
virons  vont  chanter  dans  i’Eglife  du  Sault  S.  Lomsun^  e  e 
folemnelle  de  la  Trinité.  Un  Curé  de  la  Chine  ,  Bourgade  de 

l’Ille  de  Montreal,  nommé  M.  Remv*,. &  "°Hfienf ^"cettë 

rivé  de  France  ,eTsPrécîéceVfferùrsPs’ry  Lient  toujours  con- 
^ait^nï^yoit  pas  devoir  autorifer 
par  fa  préfence  un  culte  public  ,  que  l’Eghfe  n  avoit .  point  en- 
core  permis.  La  plûpart  l’entendant  parler  ainii ,  ne  purent 
s’empêcher  de  dire  qu’il  ferait  bientôt  puni  de  ce  refus  & 
en  effet  dès  le  même  jour  il  tomba  dangereufement  malade, 
comprit  d’abord  la  caufe  d’une  attaque  fi  imprévue  ,  W 
deZ'vre  l’exemple  de  fes  Prédéceffeurs  ,  &  fut  guéri  for  k 
chamn  C’eft  ainïi  que  la  Nouvelle  France  ,  comme  la  Capi¬ 
tale  de  l’ Ancienne ,  voyant  éclater  la  Gloire ,  1 1  une  d urne  pau¬ 
vre  Fille  Sauvage  ,  &  l’autre  d’une  Bergere  ,  au  deffus  de  «l  e 
de  tant  d’Hommes  Apoftoliqt.es  ,  de  Martyrs  ,  &  d  autres ^mts 
de  toutes  ies  conditions  ;  Dieu  voulant  fans  doute  pour  notre  m- 


5  §7 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII 

Rruêlion  ,  &*p  our  la  confolation  des  Humbles ,  glorifier  fes  SS. 
à  proportion  de  ce  qu’ils  ont  été  petits  &  obfcurs  fur  la  Terre. 


I  I. 

ETIENNE  TEGANANOKOA. 

LE  s  Bourgades  Iroquoifes  fe  dépeuplant  à  vûë  d’œil  par 
la  retraite  de  plufieurs  Familles  ,  qui  fe  refugioient  dans 
la  Million  du  Sault  S.  Louis  ,  ou  pour  y  embraffer  le  Chri- 
Rianifme  ,  ou  pour  l’y  profeffer  avec  plus  de  liberté  ,  ou  pour 
y  être  à  l’abri  contre  la  fédu&ion  des  Idolâtres  ;  ceux-ci  en 
conçurent  un  chagrin  ,  qui  leur  fit  déclarer  Ennemis  de  la  Pa¬ 
trie  tous  les  Iroquois  Chrétiens  ,  qui  l’avoient  abandonnée  , 
&  procura  à  plufieurs  la  Couronne  du  Martyre.  J’ai  parlé  de 
quelques  -  uns  dans  mon  Hiftoire  ,  je  vais  en  faire  connoître 
quelques  autres ,  qui  n’auroient  pu  y  entrer  ,  fans  en  inter¬ 
rompre  le  fil. 

Le  premier  eft  Etienne  Tegananokoa.  Il  étoit  venu  au  Sault 
S.  Louis  avec  fa  Femme  ,  une  Belle-Sœur  &  fix  Enfans , 
n’étant  alors  âgé  que  d’environ  trente-cinq  ans.  Il  n’a  voit  rien 
de  Barbare  dans  le  caractère ,  &  fon  attachement  tendre  & 
fincére  pour  fon  Epoufe  ,  dans  un  Pays  ,  où  régné  la  licence  , 
&  où  il  eft  fi  ordinaire  de  changer  de  Femme  ,  pouvoit  paner 
pour  une  preuve  de  la  vie  innocente  ,  qu’il  avoit  menée.  Dès 
qu’il  fut  arrivé  dans  la  nouvelle  Bourgade,  il  demanda  inf- 
tamment  le  Baptême  avec  toute  fa  Famille  ,  &  ils  l’obtinrent 
après  les  épreuves  ordinaires.  Ils  furent  bientôt  l’édification  de 
cette  Chrétienté  naiifante  :  Etienne  veilloit  à  l’éducation  de 
fes  Enfans  avec  lé  zélé  d’un  Millionnaire.  Il  les  envoyoit  tous 
les  jours  foir  &  matin  aux  Prières  &  aux  Inftruêtions ,  que 
l’on  faifoit  pour  cVix  de  cet  âge  ,  &  lui  -  même  leur  fervoit 
d’un  excellent  mocféle  par  fon  affiduité  à  tous  les  Exercices  de 
Religion  *  &  par  fon  exaêlitude  à  s’approcher  fréquemment  de 
la  fainte  Table.  \ 

Il  fembloit  fe  préparer  par  une  conduite  fi  Chrétienne  à 
triompher  de  l’Ennemi  de  Jésus  -  Christ  ,  &  à  défendre  fa 
Foy  au  milieu  des  plus  cruelles  tortures.  Il  partit  au  mois 
d’Août  de  l’année  1690.  pour  la  chalfe  d’ Automne-,  accom¬ 
pagné  de  fa  Femme  ,  &  d’un  autre  Sauvage  :  au  mois  de  Sep¬ 
tembre  ils  furent  furpris  par  un  Parti  de  quatorze  Goyogouins  ; 

EEee  ij 


lïtienne  Te 
ganaaokoa. 


« 


588  histoire  generale 

qui  les  lièrent ,  &  les  emmenerent  clans  leur  «Canton.  Dès 
qu’Etienne  fe  vit  entre  les  mains  de  ccs  Barbares  ,  il  ne  douta 
point  qu’il  ne  dût  être  livré  au  leu  :  il  prévint  fur  cela  fa  r  emme  , 
l’exhorta  à  perfeverer  dans  la  Foy ,  &  au  cas ,  qu  elle  retournât 
auSaultS.  Louis  ,  d’élever  fes  Enfans  dans  la  crainte  de  Dieu» 
Les  trois  Captifs  furent  conduits  à  Onnontague  :  Dieu\ou- 
îoit ,  ce  femble  ,  que  la  force  &  la  confiance  d  Etienne  eclataf- 
fent  dans  un  lieu  ,  qui  étoit  alors  fameux  par  le  concours  d’une 
infinité  de  Sauvages  de  tous  les  Cantons  Iroquois  ,  &  par  le 
libertinage  affreux,  qui  y  regnoit.  Quoique  ce  foit  la  coûtu- 
me  d’attendre  les  Prifonniers  à  l’entrée  du  V  filage  ,  la  joye , 
qu’on  eut  à  Onnontagué  d’avoir  entre  les  mains  des  Habitans 
du  Sault  S.  Louis  ,  fit  fortir  tout  le  Monde  pour  aller  fort 
loin  au  devant  d’eux.  Chacun  s  etoit  pare  oe  fes  ffius  beaux 
habits ,  comme  pour  un  jour  de  triomphe  ;  tous  étoient  ar¬ 
més  de  haches  ,  de  couteaux  ,  de  bâtons ,  &  de  tout  ce  qu  ils 
avoient  trouvé  fous  leurs  mains  ,  &  la  fureur  etoit  peinte  fur 
tous  les  vifages. 

Lorfqu’ils  eurent  joint  les  Captifs  ,  un  de  ces  Baibares 
»  abordant  Etienne  ,  lui  dit  :  »  Mon  Frere  ,  tu  es  mort  ;  n  impute 
»  ton  malheur  qu’à  toi-même  ,  puifque  tu  nous  as  quitte  pour 
»  aller  demeurer  parmi  ces  Chiens  de  Chrétiens  du  Sault.  Je 
»  fuis  Chrétien  ,  répliqua  Etienne  ,  &  je  fais  gloire  de  l  etre. 
»  Faites  de  moi  tout  ce  qu’il  vous  plaira  ;  je  ne  crains  ,  ni  v  os 
»  outrages  ,  ni  vos  feux.  Je  donne  volontiers  ma  vie  poui  un 
»  Dieu ,  qui  a  répandu  tout  fon  fang  pour  moi  ».  A  peine  eut- 
il  achevé  ces  paroles,  que  ces  Furieux  fe  jetterent  fur  lui  ,  oc 
lui  firent  de  larges  incifions  au  bras  ,  aux  cuiffes  &  par  tout 
le  corps  :  ils  lui  coupèrent  enfuite  plufieurs  doigts  des  mains  , 
&  lui  arrachèrent  tous  les  ongles.  Un  de  la  Troupe  lui  cria 
alors  ,  Prie  Dieu  :  Ouï  je  le  prierai,  dit  Etienne  ,  &  levant  les 
mains  liées ,  il  fit ,  le  mieux  qu’il  put  ,  le  Signe  de  la  Croix  , 
en  prononçant  à  haute  voix  ces  Paroles  en  fa  Langue  ,  Au  nom 
du  Pere,  &  du  Fils ,  &  du  S.  Efprit.  On  lui  coupa  auffitot 
la  moitié  des  doigts ,  qui  lui  reftoient ,  &  on  lui  cria  une  fé¬ 
condé  fois  ,  Prie  Dieu  maintenant .  Il  fit  de  nouveau  le  Signe 
de  la  Croix  ,  &  à  l’inftant  on  acheva  de  lui  couper  les  doits  ; 
puis  on  l’invita  une  troifiéme  fois  a  prier  Dieu  ,  en  le  char¬ 
geant  d’injures.  Comme  il  fe  mettoit  en  devoir  de  faire  encore  le 
Signe  de  la  Croix  avec  la  paulme  de  la  main  ,  on  la  lui  coupa  en¬ 
tièrement  ;  puis  on  le  taillada  dans  tous  les  endroits  ,  qu  il  avo^t 
marqués  du  Signe  de  la  Croix» 


'DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  589 

Après  ce  fanglant  prélude  les  Captifs  furent  menés  au  Vil-  '  Etienne  Tel 
lage  ,  &  conduits  auprès  d’un  grand  feu  ,  dans  lequel  on  avoir  g^anckoa. 
fait  rougir  des  pierres.  On  en  mit  plufieurs  entre  les  cuiffes 
d’Etienne  ,  qu’on  preffa  violemment  l’une  contre  l’autre.  On 
lui  ordonna  alors  de  chanter  a  la  maniéré  du  Pays  ;  comme 
il  refufa  de  le  faire.  ,  &  qu’il  fe  mit  à  prononcer  à  haute  voix 
les  Prières  ,  qu’il  avoit  accoûtumé  de  reciter  tous  les  jours  ,  un 
de  ces  Barbares  prit  un  tifon  ardent ,  &  le  lui  enfonça  bien 
ayant  dans  la  bouche  ;  puis ,  fans  lui  donner  le  te  ms  de  ref- 
pirer  ,  on  l’attacha  au  poteau.  Quand  le  courageux  Néophy¬ 
te  fe  vit  au  milieu  des  inftrumens  de  fon  fupplice,  &  d’une 
multitude  de  Bourreaux  ,  il  jetta  un  regard  tranquille  fur  ceux- 
ci  ,  &  leur  dit:  »  RepaifTez-vous  du  piaifîr  de  me  brûler,  ne  « 
m’épargnez  pas ,  mes  péchés  méritent  encore  plus  de  fouf-  « 
frances  ,  que  vous  ne  pouvez  m’en  faire  endurer  :  plus  vous  « 
me  tourmenterez  ,  &  plus  vous  augmenterez  la  récompenfe  ,  « 
qui  m’eft  préparée  dans  le  Ciel.  ~  « 

'  Ces  paroles  les  rendirent  encore  plus  furieux  ;  chacun  prit 
ou  des  tifons  ,  ou  des  1ers  rouges  de  feu  ,  avec  lefquels  ils 
brûlèrent  lentement  tout  de  corps  de  ce  faint  Homme,  qui 
fouffrit  ce  cruel  martyre ,  fans  pouffer  un  foupir  :  il  paroiffoit 
même  auffi  tranquille  ,  que  s’il  n’eiu  rien  fouffert ,  les  yeux 
elevés  vers  le  Ciel ,  &  comme  abîmé  dans  une  profonde  con¬ 
templation.  Enfin  les  forces  commençant  à  lui  manquer,  il 
demanda  trêve  pour  quelque  inffant ,  &  alors  ranimant  toute 
fa  ferveur  ,  il  fit  fa  derniere  Priere  :  il  recommanda  fon  ame 
à  Jesus-Christ  ,  &  le  conjura  de  pardonner  fa  mort  à  fes 
Bourreaux.  On  recommença  auffitôtà  le  tourmenter  ,  fa  con¬ 
fiance  ne  fe  démentit  point ,  &  il  rendit  fon  efprit  à  fon  Créa¬ 
teur  ,  triomphant  par  fon  courage  de  toute  la  cruauté  Iro- 
quoife. 

On  donna  la  vie  à  fa  Femme  ,  comme  il  le  lui  avoit  pré¬ 
dit:  elle  reffa  quelque  tems  Captive  dans  le  Pays ,  fans  que  , 
ni  les  prières ,  ni  les  ménaces  puffent  ébranler  fa  Foy  :  deve¬ 
nue  libre  ,  elle  fe  rendit  a  Agnier ,  qui  etoit  le  heu  de  fa  naïf 
fance  ,  &  elle  y  reffa  jufqu  a  ce  que  fon  Fils  l’allât  chercher, 

&  la  ramenât  au  SaultS.  Louis.  Le  Sauvage,  qui  avoit  été 
pris  avec  Etienne ,  en  fut  quitte  pour  avoir  quelques  doits 
coupés  ,  &  une  grande  inciflon  à  la  jambe.  Il  fut  enfuite  mené 
à  Goyogouin  ,  oîi  l’on  mit  tout  en  ufage  pour  l’obliger  à  fe 
remarier  &  à  fe  livrer  à  tous  les  défordres ,  où  cette  Nation 


Etienne  Te- 
gananokoa. 


rco  HISTOIRE  GENERALE  • 

étoit  plongée  ;  mais  il  répondit  conftamment  que  fa  Religion 
lui  defendoit  l’un  &  l’autre.  Enfin  étant  venu  avec  un  Parti 
de  Guerriers  de  ce  Canton  vers  Montreal,  il  fe  déroba  fecre- 
tement ,  &  fe  rendit  à  fa  Million ,  où  il  a  toujours  vécu  depuis 
avec  beaucoup  d’édification. 


I  I  I. 

FRANÇOISE  GONANNHATENHA. 

DEUX  ans  après  une  Femme  fit  paroître  une  confiance, 
qui  ne  cedoit  en  rien  à  celle  du  vertueux  Etienne. 
Elle  le  nommoit  Françoise  Gonannhatenha  ,  &  ayoït 
été  baptifée  à  Onnontagué  ,  fa  Patrie  ,  dou  elle  s  etoit  réfu¬ 
giée  a£  Sault  S.  Louis.  Elle  y  edifioit  tout  le  Monde  par  fa 
pieté ,  fa  modeftie ,  &  furtout  par  fa  chante  ;  &  comme  elle 
étoit  à  fon  aife  ,  les  Pauvres  trouvoient  toujours  chez  elle 
une  reffource  affûrée  dans  leurs  befoms.  Un  jour  que  e 
étoit  à  trois  lieues  du  Village,  occupée  de  la  Peche  ,  elle 
apprit  que  les  Ennemis  faifoient  une  irruption  au  Sault  5. 
Louis  ;  elle  s’embarqua  fur  le  champ  dans  un  Canot  avec 
deux  de  fes  Amies,  pour  aller  au  fecours  de  fon  Man.  Elles 
arrivèrent  à  tems  pour  le  fauver;  il  fe  jetta  dans  leur  Canot 
&  cette  petite  Troupe  fe  croioit  en  furete,  lorfquaun  quart 
de  lieue  du  Village  le  Canot  fe  trouva  invefti  par  toute  une 
Armée  d’Iroquoisë  Le  Mary  eut  d’abord  la  tete  coupee  ,  & 
les  trois  Femmes  furent  menées  dans  le  Camp.  e  , 

I  es  cruautés ,  qu’on  exerça  fur  elles  la  première  nuit ,  qu  e  - 
les  y  pafferent  llur  firent  uger  quelles  étoient  condamnées 
fia  mort.  Ces  Barbares  fi  divertirent  à  leur  arracher  le 
oncles  &  à  leur  faire  fumer  les  doits  ainfi  enfanglantes  dans 
leurs  calumets  ;  enfui  te  les  deux  Compagnes  de  Françoife  fu¬ 
rent  données ,  l’une  au  Canton  d’Onneyouth ,  &  1  autre  a  celu 
de  Tfonnonthouan;  pour  elle  ,  on  la  livra  a  fa  propre  Sœur,  qui 
étoit  fort  confiderée  à  Onnontagué.  Cette  Femme  fe  depoui - 
lant  de  la  tendreffe  ,  que  la  nature  &  le  fang  dévoient  lui  inl- 
pirer  ,  abandonna  fa  Sœur  à  la  difcreuon  des  Anciens  &  des 
Guerriers ,  ce  qui  étoit  la  même  chofe  ,  que  de  la  condamner 
au  feu.  En  effet ,  dès  qu’elle  fut  arrivée  au  Village  ,  on  la  fit 
mnmpr  fur  un  échafaut.  La  en  prefence  de  fes  Païens 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  591 

tous  ceux  ,  qui  étoient  accourus  pour  être  préfens  à  Ton  fup- 
plice  „  elle  déclara  à  haute  voix  quelle  étoit  Chrétienne  ,  & 
qu’elle  s’eflimoit  heureufe  de  mourir  dans  fon  Pays,  &  par  la 
main  de  fes  Proches,  à  l’exemple  de  Jésus -Christ  ,  qui 
avoit  été  mis  en  Croix  par  ceux-mêmes  de  fa  Nation. 

Un  de  fes  Parens  ,  qui  étoit  préfent  ,  avoit  fait  cinq  ans 
auparavant  un  voyage  au  Sault  S.  Louis  pour  engager  Fran- 
çoife  à  retourner  dans  fon  Canton  ;  mais  n’y  ayant  pas  réuffi  , 
il  en  confervoit  encore  le  dépit  dans  fon  coeur  ,  &  le  difcours , 
que  cette  fervente  Chrétienne  venoit  de  tenir ,  le  ht  entrer  en 
fureur.  Il  fauta  fur  l’échafaut ,  lui  arracha  un  Crucifix  ,  quelle 
portoit  au  col ,  &  avec  un  couteau  ,  qu’il  tenoit  à  la  main  ,  il 
lui  fit  fur  la  poitrine  une  incifion  en  forme  de  Croix.  »  Voila  , 
lui -dit-il ,  la  Croix  ,  que  tu  eflimes  tant ,  &  qui  t’empêcha  d’a¬ 
bandonner  le  Sault ,  lorfque  je  pris  la  peine  de  t’y  aller  cher¬ 
cher.  Je  te  remercie  ,  monFrere  ,  lui  répondit  Françoife  ,  je 
pouvois  perdre  cette  Croix  ,  que  tu  m’as  ôtée  ;  mais  tu  m’en 
donnes  une  ,  que  je  ne  perdrai  pas  même  à  la  mort. 

Elle  parla  enfuite  des  Myfléres  de  la  Foy  avec  une  onêfion 
&  une  force  ,  qui  étoit  bien  au  defius  de  la  portée  d’une  Fem¬ 
me  Sauvage  :  »  Enfin  ,  dit  -  elle  ,  en  bluffant  ,  quelque  affreux 
que  foient  les  tourmens  ,  aufquels  vous  m’avez  condamnée 
ne  croyez  pas  que  mon  fort  foit  à  plaindre  :  c’efl  le  vôtre  ,  qui 
demande  des  pleurs  &  des  gémiffemens  :  ce  feu  ,  que  vous  avez 
allumé  pour  mon  fupplice  ne  me  brûlera  que  quelques  heures  ; 
mais  un  autre  feu  ,  qui  11e  s’éteindra  jamais ,  vous  eft  préparé 
dans  les  Enfers.  Il  eff  pourtant  encore  en  votre  pouvoir  de  lՎ 
viter  ;  fuivez  mon  exemple  ,  faites-vous  Chrétiens  ,  vivez  fé¬ 
lon  les  Loix  d’une  Religion  fi  fainte  ,  &  vous  vous  déroberez 
aux  flammes  éternelles.  Du  refie  je  vous  déclare  que  je  ne  veux 
aucun  mal  à  ceux  ,  que  je  vois  tout  prêts  à  m’arracher  la  vie  : 
non-feulement  je  leur  pardonne  ma  mort;  mais  je  prie  encore 
le  fouverain  Arbitre  de  la  vie  d’ouvrir  leurs  yeux  à  la  vérité,  de 
toucher  leur  cœur  ,  de  leur  faire  la  grâce  de  fe  convertir ,  &  de 
mourir  dans  les  fentimens,  qu’il  m’infpire. 

Ces  paroles  delà  fainte  Veuve  ,  loin  de  fléchir  les  Barba¬ 
res  ,  ne  firent  qu’accroître  leur  rage.  Ils  la  promenèrent  trois 
jours  de  fuite  par  toutes  les  Cabannes  ,  pour  en  faire  le  jouet 
d’une  Populace  brutale.  Le  quatrième  jour  ils  la  ramenèrent 
à  fon  poteau  ,  &  l’y  attachèrent  :  ils  lui  appliquèrent  à  toutes 
les  parties  du  corps  des  tifons  brûlés  &  des  canons  de  fufil 


Françoife 

Gonannha- 

tenha. 


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592  HISTOIRE  GENERALE 

— ^ - r —  tout  rouges  de  feu  ,  &  cela  dura  plufieurs  heures  ,  fans  qu  elle 

Gonannha-  pouffât  le  moindre  cri.  Elle  regardoit  fixement  le  Ciel ,  &  1  on 

tenha.  £ût  fa  qu’elle  ne  fouffroit  rien.  C’eft  le  témoignage  ,  qu  en  a  ren¬ 

du  le  S1  de  S.  Michel  ,  qui  étoit  alors  Captif  à  Onnontague  , 
&  qui  sechapa  quelque  tems  après ,  comme  on  fe  difpofoit  à  le 
brûler  lui-même.  Il  fut  prefentatout  ce  qu  on  fit  endurer  de 
tourmens  à  Françoife,  &  il  en  fit  en  arrivant  à  Montreal  un 
récit,  qui  tira  les  larmes  des  yeux  de  toute  la  Ville.  Il  aflu- 
roit  que  lui-même  n’avoit  pu  retenir  les  fiennes  ,  fur  tout  loil- 
que  la  courageufe  Martyre  ayant  eu  la  peau  de  la  teie  arra¬ 
chée  ,  &  un  Sauvage  lui  ayant  couvert  le  crâne  tout  fanglant 
de  cendres  chaudes  ,  on  la  détacha;  car  au  lieu  de  courir  ? 
comme  font  les  autres  ,  que  ce  tourment  met  hors  d’eux-me- 
mes  ,  elle  fe  mit  à  genoux  ,  &  levant  les  yeux  au  Ciel  ,  elle 
offrit  au  Seigneur  les  derniers  foufles  de  vie  ,  qui  lui  reftoient. 
Une  grêle  de  pierres  ,  dont  on  1  accabla  dans  1  inffant ,  lui  fit 
achever  fon  facrifice  dans  l’exercice  aétuel  de  la  Pnere  ,  &  de 
l’union  la  plus  intime  avec  Dieu. 


I  V. 

MARGUERITE  G  ARAN  GOU  AS. 

UN  E  troifiéme  Viûime ,  que  la  Miffion  du  Sault  S.  Louis 
envoya  au  Ciel ,  fut  immolée  1  annee  fuivante  dans  le 
même  Village.  C’étoit  une  jeune  Femme  de  vint-quatre  ans  , 
nommée  Marguerite  Garangouas  :  elle  étoit  auffi  d’Onnonta- 
2ué,  &  avoit  reçu  le  Baptême  à  lage  de  treize  ans.  Elle  le 
maria  peu  de  tems  après  r  &  Dieu  bénit  fon  mariage  ,  en  lui 
accordant  quatre  Enfans  ,  qu’elle  élévoit  dans  la  piete.  Le  plus 
jeune  étoit  encore  à  la  mamelle  ,  &  elle  le  portoit  entre  fes 
bras  ,  lorfque  vers  l’Automne  de  1  annee  1693*  ctant  aile  vili- 
ter  fon  Champ  à  un  quart  de  lieuëdu  Fort,  elle  tomba  entre 
les  mains  de  deux  Sauvages  de  fon  Canton ,  qui  la  conduifi- 
rent  à  Onnontagué.  Au  premier  bruit  de  fon  arrivée  ,  tout  le 
monde  fortit  du  Village,  &  alla  attendre  la  Captive  fur  une 
éminence,  par  où  elle  devoit  paffer  ;  &  dès  quelle  parut , 
Pair  rétentit  des  cris  affreux ,  qui  ne  lui  annonçoient  rien  que 

de  funefte.  .  ,  ..  c 

Elle  ne  fut  pas  plutôt  arrivée  fur  1  eminence  ,  quelle  rut 
r  inveitie 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  593 

invertie  par  quatre-cent  Sauvages.  Ils  commencèrent  par  lui  ^e[r 
-  arracher  fon  Enfant  des  bras  ,  puis  011  la  mit  toute  nue  ;  en-  Garan|ouas.e 
fuite  la  plupart  fe  jetterent  fur  elle  ,  &  lui  donnèrent  tant  de 
coups  de  couteau  ,  que  fon  corps  netoitplus  qu’une  playe  ,  & 
que  le  fang  en  découloit  de, toutes  parts.  Un  François  ,  qui  fut 
témoin  de  ce  pitoyable  fpeêtacle ,  regardoit  comme  un  prodige 
qu  elle  n  eut  pas  expire  fur  1  heure  même.  Marguerite  aperçut 
cet  Homme  „  elle  le  reconnut  ,  &  Fappellant  par  fon  nom  : 

»  \  ous  voyez  ,  dit  -  elle  ,  en  quel  état  je  fuis  réduite  ,  je  n’ai 
plus  que  quelques  inftans  à  vivre  ;  Dieu  foit  béni  :  je  n’appré-  « 
tende  point  la  mort ,  &  quelque  horrible  que  foit  celle  ,  qu’on  « 
me  prépare  ,  mes  péchés  méritent  encore  davantage.  Priez  le  * 
bon  Jeius  qu’il  me  les  pardonne  ,  &  m’infpire  la  force  de  fouf- 
frir  ». 

O11  la  conduilît  dans  une  Cabanne  ,  où  une  Françoife  de 
Montreal  etoit  Captive  ;  celle-ci  profita  des  premiers  momens 
pour  exhorter  Marguerite  à  endurer  avec  confiance  un  fuplice 
partager  en  vue  des  récompenfes  éternelles  ,  dont  il  feroit  fui- 
vi.  Marguerite  la  remercia  des  confeils  charitables  ,  quelle  lui 
donnoit ,  &  lui  répéta  ce  quelle  avoit  déjà  dit  au  Prifonnier 
François  ;  elle  ajoûta  même  que  depuis  quelle  avoit  eu  le  bon¬ 
heur  d  etre  baptifee  ,  elle  n’avoit  jamais  ceffé  de  demander  à 
Dieu  la  grâce  de  fouffrir  pour  fon  amour  ;  qu’elle  ne  pouvoir 
plus  douter  que  le  Ciel  n’eût  exaucé  fes  vœux  ,  quelle  mouroit 
contente',  &  qu’elle  n’avoit  aucun  reffenti ment  contre  fes  Pa- 
rens  &  fes  Compatriotes  ,  qui  devenoient  fes  Bourreaux  ;  qu’au 
contraire  elle  conjuroit  le  Seigneur  de  les  éclairer  des  lumières 
de  la  Foy  s  &  que  toute  fon  inquiétude  etoit  pour  le  falut  de 
fon  Fils. 

Les  deux  Captives  s  entretenoient  encore  des  vérités  éter¬ 
nelles  ,  &  du  bonheur  des  Saints  dans  le  Ciel ,  lorfqu’une  Trou¬ 
pe  de  Sauvages  vint  chercher  Marguerite  ,  pour  la  conduire 
au  lieu  ,  ou  elle  devoitetre  brulee.  On  n’eut  aucun  égard  ,  ni 
a  fa  jeuneffe  ,  ni  a  fon  fexe  ,  ni  a  fa  naiffance ,  quoiqu’elle  fût  la 
Fille  de  celui ,  qui  étoit  comme  le  Chef  du  Village  ,  &  au  nom 
duquel  fe  faifoient  toutes  les  affaires  de  la  Nation.  En  qualité 
de  Chrétienne  Sc  d  Habitante  du  Saulf  S.  Louis  ,  elle  étoit  trop 
criminelle  ,  pour  trouver  grâce  auprès  de  ces  Idolâtres.  Elle  fut 
donc  hee  au  poteau  ,  &  on  lui  brûla  tout  le  corps  avec  une 
inhumanité,  quinepouvoit  être  infpirée,  furtout  envers  uneFem* 
pie  ?  quepar  la  haine  contre  fa  Religion,  Elle  endura  ce  long 
Tome  Ir  FFff 


HISTOIRE  GENERALE 

- - —  &  rigoureux  martyre  ,  fans  donner  aucun  figne  de  douleur; 

&  on  l’entendit ,  tant  quelle  eut  un  fouflede  vie  ,  mvoquer  les  • 
Saints  Noms  de  Jefus  ,  de  Marie  &  de  Jofeph. 

Dans  les  commencemens  elle  demanda  de  tems  en  tems  un 

peu  d’eau  ;  mais  elle  fe  repentit  bientôt  de  cette  dehcateffe  ,  & 
pria  que  ,  fi  elle  en  demandoit  encore ,  on  la  lui  refufat. 

„  Mon  Sauveur  ,  dit-elle  ,  fouffrit  beaucoup  de  la  foif  en  mou- 
„  rant  pour  moi  fur  la  Croix  ;  n’eft-il  pas  jufte  que  je  fouff 
„  pour  lui  le  même  tourment  ?  Ses  Bourreaux  la  bruleient  - 
puis  midi  jufqu’au  Soleil  couché  ;  alors  dans  1  impatience  ,  ou 
ils  étoient  de  la  voir  expirer ,  avant  que  la  nuit  les  obligeât  de 
fe  retirer  ,  ils  la  détachèrent  du  poteau  ,  lul,enl®v®r,e^.  ?  C^®' 
velure,  lui  couvrirent  la  tête  de  cendres  chaudes  ,  &  lui  or¬ 
donnèrent  de  courir  ;  mais  elle  fe  mit  a  genoux  ,  &  levant 
yeux  &  les  mains  au  Ciel ,  elle  recommanda  Rameau  Sei- 
eneur.  On  déchargea  fur  elle  plufieurs  coups  de  bâton ,  fans 
quelle  difcontinuâqde  prier  :  enfin  un  de  ces  Barbares  sé¬ 
riant  ,  cette  Chienne  de  Chrétienne  ne  peut  donc  pas  mourir  ? 
prk  un  grand  couteau,  &  voulut  le  lui  enfoncer  dans  le  bas 
ventre.  Le  couteau  fe  caffa  ,  &  les  morceaux  tombèrent  a 
terre.  Un  autre  prit  le  poteau  meme ,  ou  elle  avoit  ete  atta- 
chée  &  le  lui  déchargea  fur  la  tête.  Comme  elle  donnoit  en¬ 
core  quelque  figne  de  vie  ,  on  la  prit  par  le  corps ,  i &  on .la  ,e«a 
fur  un  monceau  de  bois  fec  ,  où  on  mit  le  feu  ,  &  ou  elle  tut 

Son  Fils  avoit  été  donné  à  un  Iroquois ,  qui  voulut  fe  ven¬ 
ger  fur  cette  petite  Créature  d’un  affront ,  qu’il  croyoït  avoir 
feçu  des  François.  Trois  jours  après  la  mort  de  la  Mere  on 
entendit  un  cri  de  mort  au  commencement  de  la  nuit.  Tous 
les  Sauvages  accoururent  au  heu  ,  d  ou  il  pai  toit  ^  la  D  a 
çoife  de  Montreal  y  alla  comme  les  autres.  On  tiouva  t 
feu  allumé  ,  &  l’Enftnt ,  qu’on  fe  difpofoit  a  y  jetter.  Les  Sau¬ 
vages  ne  purent  s’empêcher  d’être  attendris  a  ce  fpeaacle  , 

mais  ils  le  furent  bien  davantage  ,  quand  ils  vrent  un  petit 
~  •  5  _  !  a.  ^  ipc  mains  \crs* 

Innocent 

le  Ciel 

w  f  ««a 

il  eft  plus  que  vraifemblable  qu’elle  avoit  demande  a  Dieu  qu  1 
lui  fût  réuni  au  plutôt,  afin  d’affûrer  fon falut  eternel.  Quoi¬ 
qu’il  en  foit,  l’Enfant  ne  fut  point  livre  aux  flammes.  Un 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XII.  595 
«les  plus  confidérables  du  Village  le  prit  par  les  pieds  ,  &  lur 
frac  alla  la  tête  contre  une  pierre. 

V. 

ETIENNE  HO  O  NH  O  UE  NT  S  LO  NT  A  O  UE  T. 

JE  finis  par  l’Hiftoire  d’un  Néophyte ,  lequel ,  après  avoir 
échapé  au  feu  ,  qui  lui  étoit  préparé ,  n’en  a  pas  moins  eu 
le  bonheur  de  donner  fa  vie  pour  ne  pas  être  expofé  au  dan¬ 
ger  de  perdre  fa  Foy.  C’étoit  un  jeune  Âgnier  ,  nommé  Etien¬ 
ne  Hoonhouentfiontaouet.  Il  fut  pris  par  un  de  fes  Compa¬ 
triotes  ,  qui  le  mena  dans  fon  Canton.  Comme  il  avoit  beau¬ 
coup  de  Parens  ,  on  lui  fit  grâce  de  la  vie ,  &  on  l’accorda  à 
ceux  de  fa  Cabanne  ,  qui  le  folliciterent  fortement  de  fuivre 
les  coûtumes  de  fa  Nation ,  c’efi:  -à-  dire  ,  de  fe  livrer  au  plus 
affreux  libertinage.  Il  leur  oppofa  les  vérités  du  falut  ,  qu’il 
leur  expliqua  fort  bien ,  &  il  ne  ceffoit  de  les  exhorter  à  le 
fuivre  au  Sault  S.  Louis  ,  pour  y  embralfer  le  Chriffianifme. 
Il  parloit  à  des  Gens  nés  &  élevés  dans  le  vice  ,  dont  ils  s’é- 
toient  fait  une  trop  douce  habitude  ,  pour  fe  refoudre  à  y  re¬ 
noncer.  Ainfi  fes  exemples  &  fes  exhortations  ne  fervirent  qu’à 
les  endurcir. 

Comme  il  vit  que  fon  fejour  à  Agnier  n’étoit  d’aucune  uti¬ 
lité  pour  fes  Parens ,  &  devenoit  même  dangereux  pour  fon 
falut ,  il  prit  la  réfolution  de  retourner  à  fa  Million.  Il  s’en  ou¬ 
vrit  à  fes  Proches  ,  qui  y  confentirent  d’autant  plus  volontiers , 
que  cette  retraite  les  délivroit  d’un  Cenfeur  importun  ,  qu’ils 
ne  pouvoient  plus  fouffrir.  Il  quitta  donc  une  leconde  fois  fa 
Famille  &  fon  Pays  ,  pour  mettre  fa  Religion  en  fûreté.  A  pei¬ 
ne  étoit-il  en  chemin ,  que  le  bruit  de  fon  départ  fe  répandit 
dans  une  Cabanne  ,  où  de  jeunes  Gens  faifoient  actuellement 
la  débauche.  Cette  nouvelle  leur  échaufa  la  tête  ,  &  acheva 
ce  que  l’Eau  -  de  -  vie  avoit  commencé.  Après  bien  des  invec¬ 
tives  contre  les  Chrétiens  ,  ils  conclurent  qu’il  ne  falloir  pas 
fouffrir  qu’on  préférât  ainfi  leur  Compagnie  à  celle  des  vrais 
Iroquois  ;  que  c’étoit  un  affront ,  qui  rejailliffoit  fur  toute 
la  Nation  ,  &  qu’ils  dévoient  contraindre  Étienne  de  revenir 
au  Village,  ou  ^  s’il  le  refufoit ,  lui  caffer  la  tête  ,  afin  d’in- 
îimidex  ceux  ,  qui  feroient  tentés  de  fuivre  fon  exemple. 

*  ’  FFff  ij 


*+*  / 


t 


b  Etienne  Ho- 
onhouentfion- 
taouet. 


» 

» 


A&ion  hé¬ 
roïque  d’une 
Eamillc  Chré¬ 
tienne. 


Particularités 
de  quelques 
autres  Mif- 
£ons. 


59 6  HISTOIRE  GENE  RALE 

Aufîitôt  trois  d’entr’eux  coururent  après  le  Néophyte  ;  ik 
l’eurent  bientôt  atteint ,  &  l’abordant ,  la  hache  levée  :  »  Re¬ 
tourne  fur  tes  pas ,  lui  dirent-ils ,  &  fuis-nous  :  tu  es  mort ,  û 
tu  réfiftes  ;  nous  avons  ordre  des  Anciens  de  te  caffer  la  tête  ». 
Le  genereux  Chrétien  leur  répondit  avec  douceur  qu’ils  étoient 
les  Maîtres  de  fa  vie  ;  mais  qu’il  aimoit  mieux  la  perdre  ,  que  de 
rifquer  fa  foy  &  fon  falut  :  qu’il  alloit  au  Sault  S.  Louis ,  & 
que  c’étoit  là  qu’il  étoit  refolu  de  finir  fes  jours ,  s’il  a  voit  le 
bonheur  d’y  arriver.  Comme  il  vit  qu’ après  une  déclaration  fi 
précife ,  ces  Brutaux  fe  mettoient  en  devoir  de  le  tuer  ,  il  les 
pria  de  lui  accorder  quelques  momens  pour  prier  Dieu.  Ils  eu¬ 
rent  cette  condefcendance  ;  &  le  faint  jeune  Homme  s’étant  mis 
à  genoux  #  fit  tranquillement  fa  Priere.  Il  remercia  Dieu  de  la 
grâce ,  qu’il  lui  faifoit  de  mourir  Chrétien  &  Martyr  :  il  pria 
pour  fes  Parens  infidèles  ^  &  en  particulier  pour  ceux ,  qui  fe 
faifoient  fes  Bourreaux ,  &  qui  dans  l’inftant  même  lui  fendi¬ 
rent  la  tête.  On  apprit  ce  détail  de  quelques  Agniers  ,  qui 
dans  la  fuite  allèrent  fixer  leur  fejour  au  Sault  S.  Louis. 

Je  finis  par  un  trait  bien  capable  de  faire  connoître  avec 
quelle  ferveur  Dieu  étoit  fervi  par  les  Iroquois  du  Sault  S. 
Louis.  Un  de  ces  Sauvages  ,  nommé  Paul  ,  avoit  une  Fille  , 
qui  paffoit  parmi  les  Sauvages  pour  une  beauté  ;  fa  Femme  , 
qui  n’étoit  pas  moins  vertueufe ,  que  lui ,  le  pria  de  fe  joindre 
à  elle  ,  pour  demander  à  Dieu  qu’il  ôtât  à  cette  Enfant  un  avan¬ 
tage  9  qui  pourrait  nuire  à  fon  innocence  ;  iî  y  conferttit  avec 
joye  ;  ils  fe  mirent  en  Prières  ,  &  furent  exauces.  Une  taye 
fe  forma  dans  un  des  yeux  de  leur  Fille  &  la  rendit  extrême¬ 
ment  difforme.  Peu  de  tems  après  elle  devint  éthique  ,  &  mou¬ 
rut  âgée  de  dix-fept  ans  entre  les  bras  de  fa  Mere  ,  qu  elle  ex¬ 
horta  jufqu’au  dernier  foupir  à  perfeverer  dans  la  Foy.  Ses  ver¬ 
tueux  Parens  croyant  fon  falut  affûré  par  une  fi  fainte  mort  , 
en  rendirent  à  Dieu  de  très-fincéres  aêtions  de  grâces. 

Les  Mifîions  Huronnes  ,  tant  quelles  ont  fublifté  ;  les  Abe- 
naquifes  ,  qui  habilitent  encore  ;  celles  ,  qui  étoient  plus  voifi- 
nes  de  Quebec  ,  comme  celles  des  Trois  Rivières ,  de  Sylleri , 
de  Lorette  ,  de  Tadouffac  ,  n’ont  pas  eu  ,  fi  on  en  excepte  les 
premières  ,  les  mêmes  occafions ,  que  les  Iroquoifes  du  Sault 
S.  Louis  &  de  la  Montagne ,  de  donner  des  Martyrs  à  l’Eglife  ; 
mais'  elles  n’ont  pas  moins  fourni  d’exemples  de  toutes  les  ver^ 
tus  Chrétiennes ,  que  les  François ,  qui  en  étoient  tous  les  jours- 
les  témoins ,  ne  fe  laffoient  point  d’admirer.  On  en  trouve  dans- 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Lïv.  XII.  ?97 

les  Lettres  de  la  Mere  Marie  de  Flncarnation  des  détails  9 
dont  il  n’efl  pas  permis  de  révoquer  en  doute  la  vérité  ;  &  je 
crois  pouvoir  avancer  que  ces  Lettres  fi  eftimées  ,  &  par  la  ma¬ 
niéré  ,  dont  elles  font  écrites  ,  &  par  l’efprit  de  Dieu  ,  dont  elles 
font  remplies  ,  feront  uil  monument  éternel  de  la  fécondité  de 
la  Grâce  dans  des  cœurs  Barbares  &  Sauvages.  Voici  ce  que 
l’illuftre  Fondatrice  écrivit  à  D.  Claude  Martin  ,  fon  Fils  , 
Religieux  BenediRin  de  la  Congrégation  de  S.  Maur  ,  au 
mois  d’Août  1644. 

Vous  me  demandez  de  plus  fî  nos  Sauvages  font  aufïi  par-  <4 
faits  5  comme  je  le  dis  dans  mes  Lettres.  Je  vous  dirai  qu’en  ma-  « 
tiere  de  mœurs  ,  je  veux  dire  en  leurs  façons  d’agir  ,  &  de  faire  « 
un  compliment ,  on  n’y  voit  pas  la  politeffe  Françoife  ;  on  ne  « 
s’eft  pas  étudié  à  leur  apprendre  cela ,  mais  bien  à  leur  enfeigner  « 
folidement  les  Commandemens  de  Dieu  &  de  l’Eglife  ,  les  « 
Points  &  les  Myfféres  de  notre  Foy  ,,  les  Prières-  &  les  Prati-  « 
ques  de  notre  Religion  ;  comme  font  le  ligne  delà  Croix  ,  l’exa-  « 
men  de  confcience  >  &  autres  femblabjes  avions  de  pieté.  Un  <4 
Sauvage  fe  confeffe  auffi  -  bien  qu’un  Religieux  ;  il  eft  naïf  au  « 
poffible  ,  &  il  fait  état  des  plus  petites  chofes.  Lorfqu’ils  font  « 
tombés  ,  ils  font  des  pénitences  publiques  avec  une  admirable  « 
humilité.  En  voici  un  exemple.  Les  Sauvages  n’ont  point  d’au-  « 
'  tre  boiffon  ,  que  le  bouillon  de  leur  chaudière  à  fagamité  ,  foit  « 
de  chair ,  ou  de  bled  d’Inde  ,  ou  d’eau  bouillie  ,  ou  d’eau  pure.  <4 
Les  François  leur  ayant  fait  goûter  de  l’Eau  -  de  -  vie  ,  ils  ont  « 
trouvé  tellement  cela  à  leur  goût ,  qu’ils  le  préfèrent  à  toute  « 
autre  chere  ;  mais  le  mal  eft  que  ,  quand  ils  en  peuvent  avoir  ,  « 
il  ne  leur  en  faut  boire  qu’une  feule  fois  ,  pour  devenir  fous  Sc  « 
furieux.  O11  en  attribue  la  caufe  à  ce  qu’ils  ne  mangent  que  des  « 
chofes  douces ,  n’ayant  aucun  ufage  ,  ni  connoilfance  du  fel.  « 
Cette  boiffon  les  tue  d’ordinaire,  ce  qui  a  porté  M.  notre  Gûuver-  « 
neur  à  faire  défendre  ,  fous  peine  de  groffes  amendes  ,  de  leur  <4 
en  donner  ,  ou  traiter.  A  l’arrivée  néanmoins  des  Vaiffeaux  il  « 
n’eft  pas  poffible  d’empêcher  les  Matelots  de  leur  en  traiter  en  « 
cachette.  Les  anciens  Sauvages  Chrétiens  ,  ni  leurs  Familles  ne  « 
tombent  point  dans  ces  excès  ;  ce  font  les  Infidèles  avec  quel-  « 
que  Jeuneffe  libertine.  Il  eft  néanmoins  arrivé  cette  année  que  « 
quelques-uns  font  tombés  dans  cette  faute  ,  &  pour  la  punir  ,  «■ 
les  Anciens  ,  avec  le  R.  P.  Supérieur  de  cette  Miffion  ,  les  ont  « 
condamnés  à  payer  un  grand  nombre  de  Peaux  pour  la  déco- 
ration  de  la  Chapelle  ,  de  plus  à  demeurer  trois  jours  <,  fans  5 


» 


598  HISTOIRE  generale 

„  entrer  dans  FEglife  9  &  d  aller  feulement  deux  fois  le  jour  faire 
»  leurs  Pi-ieres  à  la  porte  ,  accompagnés  des  Innocens  ,  afin  de  les 
»  aider  à  obtenir  mifericorde.  .  .  .  D’autres  font  une  déclaration 
»  publique  de  leurs  péchés  dans  FEglife  des  François  :  d’autres 
»  jeûnent  trois  jours  au  pain  Sc  à  l’eau.  Comme  ils  ne  commet- 
»  tent  pas  fouvent  ces  fortes  d’excès  ;  aufîi  ces  fortes  de  peniten- 
»  ces  font  rares.  Au  refie  il  en  efl  des  Sauvages  ,  comme  des  Fran- 
»  çois  :  il  y  en  a  de  plus  &  de  moins  dévots  ;  mais  parlant  ge- 
»  néralement ,  les  Sauvages  le  font  plus  que  les  François  ;  8c 
»  c’efl  pour  cela  qu’on  ne  les  mêle  pas ,  &  qu’on  les  met  dans  une 
»  Bourgade  féparée  ,  de  peur  qu’ils  n’imitent  les  mœurs  de  quel- 
»  ques-uns.  Ce  n’eflpas  que  ceux-ci  ne  foient  allez  fages  en  ce 
»  Pays  ;  mais  les  Sauvages  ne  font  pas  capables  de  la  liberté 

»  Françoife  ,  quoiqu’honnête.  # 

»  Je  ne  vous  fçaurois  dire  tout  ce  que  je  fçai  de  la  ferveur  de 
ces  nouvelles  plantes  :  quoique  nous  en  foyions  fenfiblement 
»  touchées ,  nous  commençons  à  ne  nous  en  plus  étonner ,  garce 
»  que  nous  fommes  déjà  accoûtumés  à  les  voir  ;  mais  les  fran- 
»  çois  5  qui  arrivent  ici  ,  &  qui  n’ont  rien  vu  de  femblable  en 
»  France  ,  pleurent  de  joye  ,  voyant  les  Loups  devenus  Ag- 
»  neaux  ,  des  Bêtes  changées  en  Enfans  de  Dieu.  Le  Capitai- 
»  11e  des  Sauvages  de  Sylleri ,  avant  que  de  partir  pour  aller  en 
»  guerre  contre  les  Iroquois  ,  me  vint  trouver  ,  &  me  dit  :  Ma. 
»  Mere  ,  .  .  je  te  viens  voir  pour  te  dire  que  nous  allons  cher- 
»  cher  nos  Ennemis  :  s’ils  nous  tuent ,  il  n’importe  ,  auffi-bien  il 
»  y  a  lontems  ,  qu’ils  commencent ,  &  même  de  prendre  &  de 
»  tuer  les  François  ,  nos  Amis  ^avec  ceux  ,  qui  nous  inftruifent, 
»  Ce  que  nous  allons  en  guerre  ,  nefl  point  parce  qu  ils  nous 
»  tuent ,  mais  parce  qu’ils  tuent  nos  Amis.  Priez  pour  nous  ;  car 
»  nous  avons  offenfé  Dieu  ,  &  c’efl  pour  cela  qu  il  nous  châtie. 
»  Surtout  la  Jeunefïe  n’eft  pas  fage  :  je  leur  dis  :  Vous  fâchez 
»  Dieu  ,  &  il  nous  punit;  corrigez-vous  ,  &  il  s  appaifera.  Un 
»  tel ,  qu’il  me  nomma  ,  a  encore  fait  une  lourde  faute  ,  pour 
»  laquelle  je  Fai  voulu  chaffer  d’avec  nous  ;  mais  le  P.  Supe- 
»  rieur  m’a  dit ,  attendez  jufqu’au  printems  ,  &  il  fe  corrigera.  Le 
»  Pere  efl  trop  bon  d’avoir  tant  attendu  :  le  printems  efl  paffé  , 
»  &  il  ne  s’efl  point  corrigé.  Il  attire  le  Diable  parmi  nous  ,  & 
c’efl  de-là ,  que  viennent  tous  nos  malheurs.  Priez  donc  tou- 
»  tes  pour  nous  ;  car  nous  11e  fç avons  ce  que  nous  deviendrons 

»  à  caufe  de  nos  ofFenfes .  ? 

^  Dans  une  Harangue  publique  ,  qu’il  fit  dans  1  Eglife  ,  ou  1$ 


DE  LA  NOUVELLE  FRANCE.  Liv.  XIÏ.  599 

R.  P.  le  Quien  avoit  fait  une  correction  à  la  Jeunefle  ,  il  éleva  « 
la  voix  ,*  &  fit  une  confeffion  publique  &  générale  de  toutes  « 
les  fautes  ,  qu’il  avoit  commifes  depuis  fept  ans  ,  qu’il  étoit  “ 
Chrétien  ,  ajoutant  :  C’eft  moi ,  mes  Freres  ,  qui  attire  tous  les  {< 
malheurs  ,  qui  nous  arrivent;  vous  le  voyez  par  ce  que  je  “ 
viens  de  dire  de  mes  infidélités  aux  grâces  de  Dieu ,  depuis  <K 
que  je  fuis  fon  Enfant  ;  mais  il  eft  bon  ,  prenez  courage  ,  ne  i4 
vous  défefperez  pas  ;  fi  nous  le  fervons ,  il  nous  fera  miferi-  “ 
corde.  *  * 

Voici  ce  que  difoit  une  Femme  Sauvage  à  notre  grille  :  “ 
Dieu  me  fait  beaucoup  de  grâces  :  autrefois  la  mort  de  mes  « 
Enfans  m’afîligeoit  de  telle  forte  ,  que  rien  du  monde  ne  me  * 
»  pouvoit  confoler  ;  maintenant  mon  efprif;  eft  fi  convaincu  de  (< 
la  fageffe  &  de  la  bonté  de  Dieu  ?  que  quand  il  me  les  ôteroit  " 
tous  ,  je  n’en  ferois  pas  trille  ;  car  je  penfe  en  moi-même  ;  fi  <<r 
une  plus  longue  vie  étoit  néceffaire  à  mon  Enfant  pour  mieux  <4 
faire  fon  falut celui ,  qui  a  tout  fait ,  ne  la  lui  refuferoit  pas  ,  “ 
'puifqu’il  efl  fi  bon  ,  &  que  rien  ne  lui  efl  impoffible  :  aujour-  « 
d’hui  qu’il  l’appelle  à  lui ,  il  faut  bien  dire  9  puifqu’il  fçait  tout  9  « 
qu’il  voit  qu’il  cefferoit  peut-être  de  croire  en  lui ,  &  commet-  « 
troit  des  péchés  ,  qui  le  précipiteroient  dans  l’Enfer.  Dans  cetté  « 
penfée  je  lui  dis  :  Détermine  de  moi  „  toi ,  qui  as  tout  fait ,  &  de  “ 
tous  mes  Enfans.  Aufîi  quand  tu  m’éprouverois  en  toutes  les  « 
maniérés  poffibles  9  je  ne  cefferai  jamais  de  croire  en  toi ,  ni  de  « 
t’aimer ,  ni  de  t’obéir  ;  car  je  veux  tout  ce  <|ue  tu  veux.  Puis  « 
je  dis  à  mes  Enfans  ,  que  je  vois  mourir  :  Va  ,  mon  Enfant ,  « 
va  voir  au  Ciel  celui ,  qui  atout  fait  ;  quand  tu  y  feras  ,  pries-  “ 
le  pour  moi ,  afin  que  j’y  aille  aufîi  après  la  mort.  Je  ferai  des 
prières  pour  ton  ame  ,  afin  que  tu  fortes  bientôt  du  Purgatoire. 
Cette  même  Femme  ,  qui  fe  nomme  Louife  ,  me  vint  un  jour  « 
faire  le  récit  d’une  longue  Oraifon  9  qu’elle  avoit  compofée  pour  « 
les  Guerriers.  Elle  étoit  conçue  en  des  termes  fi  touchans  ,  que 
mon  cœur  en  étoit  attendri.  Il  femble  que  Dieu  fe  plaife  à  «•' 
éprouver  fa  Foy  ,  lui  ôtant  tous  fes  Enfans  l’un  après  l’autre  de-  w 
puis  fon  Baptême.  « 

Vous  voyez  par  ce  peu ,  que  je  viens  de  vous  dire  ,  les  fen-  « 
timens  de  nos  bons  Chrétiens.  Ils  ont  de  fi  grandes  tendreffes  « 
de  confidence  ,  qu’un  jeune  Homme  &  une  jeune  Femme  ayant 
porté  cet  hyver  leur  Fils  à  la  chaffe ,  il  mourut  dans  le  Bois  en-  ** 
tre  leur  bras.  Ils  eurent  fi  grande  peur  de  mécontenter  Dieu  , 
s’ils  l’euffent  enterré  dans  une  Terre,  qui  ne  fût  pas  bénite  * 


6oo  HISTOIRE  GENERALE, 

w  que  durant  l’efpace  de  trois  ou  quatre  mois ,  la  Mere  le  porta 
toujours  au  col  par  des  précipices ,  des  Rochers  ,  des  Bois  , 
des  neiges ,  des  glaces  ,  avec  des  peines  incroyables.  Ils  fu- 
”  rent  ici  pour  la  Fête  de  Pâques ,  où  ils  firent  enterrer  leur  Fils , 

A>  qu’ils  préfenterent  empaqueté  dans  une  peau. 

”  C’eff  une  çhofe  raviffante  ,  dit-elle  ,  dans  une  autre  Lettre 
au  même  ,  du  i  o  de  Septembre  1 646.  devoir  nos  bons  Sauva- 
ges  de  Sylleri ,  &  le  grand  foin  ,  qu’ils  apportent  à  ce  que  Dieu 
A  toit  fervi ,  comme  il  faut ,  dans  leur  Bourgade  ;  que  les  Loi* 
>y  de  l’Eglifefoient  gardées  inviolablement ,  &  que  les  fautes  y 
„  foient  châtiées  ,  pour  apaifer  Dieu.  L’une  des  principales  atten- 
y>  tions  des  Capitaines  ©ft  à  éloigner  tout  ce  qui  peut  être  occafion 
de  péché  en  général  &  en  particulier.  L’on  ne  va  point  a  la. 
Chapelle  ,  que  l’on  n’y  trouve  quelque  Sauvage  en  Prières  avec 
tant  de  dévotion ,  que  c’eftune  choie  raviffante ,  S’il  s’en  trouve 
w  quelqu’un  ,  qui  fe  démente  de  la  Foy ,  011  des  mœurs  des  dire- 
>}  tiens  ,  il  s’éloigne  &  fe  bannit  de  lui-même ,  fçachantbien  que  , 
»  bongré  ,  malgré  ,  il  lui  faudroit  faire  pénitence  ,  ou  être  non- 
>}  teufement  çhaffé  de  la  Bourgade,  Il  y  a  quelques  jours  qu  un 
y>  jeune  Homme  eut  différent  avec  fa  Femme  :  ils  furent  menés 
>}  devant  les  Capitaines ,  qui  condamnèrent  l’Homme  à  être  mis 
w  à  la  chaîne  dans  une  Cave  du  Fort ,  &  là  jeûner  trois  jours  au 
y>  pain  &  à  l’eau  ;  &  la  Femme  fut  condamnée  à  la  même  peine  , 
>y  qui  fut  exécutée  en  notre  Monaftére,  Ces  pauvres  Gens  firent 
w  leur  pénitence  a^ec  tant  de  dévotion  ,  que  je  crois  que  leur 
w  faute  leur  fut  remife  dès  le  moment ,  que  la  Sentence  leur  fut 
w  prononçée.  La  Femme  ne  voulut  pas  feulement  une  poignée 
h  de  paille  fous  elle  ;  car 0  difoit-elle  ,  je  veux  payer  Dieu ,  quç 
j’ai  fâché. 

Fin  du  Livre  XII.  &  du  premier  Volume \ 


TABLE 


:  ^  #?•  #£  #f  &H*  3#  «H*  .#  5# .-  Hfr  ’^f  j#&4  j#  •■  ;«H*  j#  #f 

^v -*^S»v  -«^iv-^ÿv^ÿv:  ^rv> vïgiv ^5* v ; ^~v vijr>j viÿ^> * -ij,>> v^fv Vïÿv V5ÿ>> 

TABLE 


DES  MA 


A 

BENAQU1S .  Nation  Sauvage 
de  la  Côte  Méridionnale  de  la 
Nouvelle  France.  Ils  obligent  les  An- 
glois  de  fortir  de  leur  Riviere  j  reçoi¬ 
vent  bien  les  François  ,  &  leur  don¬ 
nent  des  vivres,  pag.  1 30.  Le  P.  Biart 
leur  annonce  l’Evangile ,  &  les  trou¬ 
ve  dociles,  13 1.  Ils  demandent  un 
Millionnaire  ,  8c  l’obtiennent.  Leur 
caractère  3  quels  font  les  Sauvages , 
qui  Font  compris  fous  le  nom  de  Na¬ 
tions  Abénaquifcs .  De  quelle  utilité  el¬ 
les  ont  été  à  la  Nouvelle  France,  279- 
So.  Progrès  de  la  Foi  parmi  elles  , 
310-11.  Elles  font  la  guerre  aux  Ag- 
niers,  3  $■$.  Elles  font  obligées  de  s'ac¬ 
commoder  avec  les  Anglois  ,  463 .El¬ 
les  ne  fe  foucient  pas  d 'être  compri- 
fes  dans  le  Traité  de  paix  avec  les 
Iroquois.  Elles  furprennent  un  Parti 
d’Iroquois  8c  de  Mahingans  ,  355. 
Les  Anglois  font  tous  leurs  efforts 
pour  les  éloigner  de  nous.  Leur  fidé¬ 
lité  8c  leur  défintéreffemenr,  Servi¬ 
ces,  qu’ellesnous  ontrendus,  541.  Lès 
Canibas  ,  qui  font  les  vrais  Abéna- 
quis  ,  prennent  le  Fort  de  Pemkuit 
fur  les  Anglois  :  pieté  ,  avec  laquelle 
ils  fe  difpofent  à  cette  Expédition. 
Leur  modération  après  la  prife  de  la 
Place,  $$7.  Ils  offrent  de  conduire 
deux  cent  François  jufqu’à  Bafton. 
D’autres  Abénaquis  s’emparent  de 
■quatorze  Forts  Anglois.  Plufieurs  fon- 
Tome  /, 


TIERES. 

gent  â s’établir  dans  la  Colonie,  5 
Acadie.  Grande  prefqu’Ifle  de  l’A- 
rnerique  ;  fa  fituation  ,  fa  defcrip- 
tion ,  8c  fes  limites ,  m.  &  [uiv. 
Abondante  en  beaucoup  de  chofes  » 
127.  &  [uiv-  Fautes,  qu’on  y  a  faites  , 
140.  Révolutions  ,  quelle  a  fouffer- 
tes,  408.  Etat ,  ou  elle  fe  trouvoit  en 
1632.  Partage,  qui  en  fut  fait  entre 
plufieurs  Proprietaires  8c  Gouver¬ 
neurs,  410.  Les  Anglois  s’en  rendent 
de  nouveau  les  Maîtres,  413.^ [uiv. 
Elle  eft  reftituée  à  la  France  avec  les 
Côtes  voifines.  Jufqu’où  s’étend  cette 
reftiturion  ,417.  Les  François  la  né¬ 
gligent  ;  profit ,  qu’y  font  les  An¬ 
glois  ,417-18.  Avantages,  qu’on  au- 
roirpu  en  tirer  ;  commodité  de  fes 
Ports  ,  422.  On  continue  de  la  né¬ 
gliger  ,  449.  Les  Anglois  s’en  rendent 
encore  les  Maîtres  ,  450.  Ils  y  conti¬ 
nuent  leurs  courfes  3  M.  de  Meules  y 
fait  un  voyage  ,  498.  Elle  eft  reftituée 
à  la  France,  462.  Les  Anglois  profi¬ 
tent  de  notre  négligence  à  la  mettre 
hors  d’infulre.  Ce  que  M.  de  Meules 
en  écrit  au  Miniftre,  $20-21.  Ce  qu’il 
faudroit  faire  pour  fa  fureté,  &  pour 
le  commerce.  Dénombrement  de  ce 
Gouvernement  en  1687.  Les  Anglois 
continuent  leurs  hoftilités ,  521".  Ce 
qui  a  le  plus  nui  à  fon  Etabliffement, 
$•40-41.  ConferencesàlaCour  de  Lon¬ 
dres  au  fujet  de  ce  Pays ,  8c  ce  qui  les 
rend  inutiles,  J44.  Il  eft  toujours  en 
danger  d’être  envahi  par  les  Anglois, 

560* 


GGgg 


6oi  T  A  B 

Acadiens.  Ce  que  Lefcatbot  &  le 
p  Biart  dirent  de  ces  Peuples ,  12.4. 

&  Cuiv.  Leur  attachement  pour  les 
François ,  &  ce  qui  auroitdu  l’empe- 
cher *  1  i6.woyczGafpeftetis,  Mimaks  » 

Souriquois.  A  , 

Acéphale.  Homme  fans  tete  ,  tue, 

dit*on  ,  par  un  Iroquois ,  10. 

Adoption .  En  quoi  elle  confifte  par¬ 
mi  les  Sauvages  du  Canada,.  3  37 
Adultéré.  Comment  ce  crime  eft 
puni  dans  les  Femmes  Sioufes.  346* 
Agnier  ,*  Canton  Iroquois.  Le  Pere 
Jogues  y  fait  beaucoup  de  conver¬ 
sons.  Ce  Canton  étoit  le  feul ,  qui 
jufques-là  fe  fût  ouvertement  décla¬ 
ré  conrre  les  François  &  contre  la  Re¬ 
ligion  ,  142.  Les  Agniers  reçoivent 
des  préfens  pour  la  délivrance  du  P. 
Jogues  ,  &  ne  lui  rendent  pas  la  li¬ 
berté,  quoique  l’acceptation  des  pre- 
fens  foit  un  engagement  facré  parmi 
les  Sauvages  ,  246.  Ils  ratifient  la  paix, 
&  donnent  avis  qu’on  fe  défie  des  au¬ 
tres  Cantons  ,  266-68.  Defcription  de 
ce  Canton  ,  270-71.  Ce  qui  engage 
les  Agniers  à  faire  mourir  le  P.  Jo¬ 
gues  ,  275 .  Ils  font  plufieurs  hoftihtes, 
exercent  de  grandes  cruautés  con¬ 
tre  les  Chrétiens  ,  277.  Ils  recom¬ 
mencent  leurs  hoftilités  contre  les 
Hurons ,  274.  Un  de  leurs  Partis  eft 
défait  ;  un  autre  fait  de  grands  rava- 
.  ges  aux  environs  de  Québec,  &  em¬ 
mènent  le  P.  Poncet  Prifonnier ,  314* 
Ils  font  la  paix  ,316.  Ils  attaquent  le 
P.  le  Moyne,  &  tuent  quelques-uns 
de  fes  Conducteurs  ,317*  Pourquoi 
ils  veulent  rompre  la  paix,  317-18. 
Ils  tuent  un  Frere  Jefuite  ,  &  font 
obligés  de  faire  la  paix  ,  319.  ils  veu¬ 
lent  empêcher  l’Etabliffement  des 
François  à  Onnontague ,  32-3'  Ils 
lèvent  un  grand  nombre  de  Huions 
del’Ifled’Ôrleans,&  infultent  leGou- 
verneur  Général ,  32-4*  Ils  emmenent 
encore  une  partie  des  Hurons  del  Ifle 
d’Orléans  ;  fierté  ,  avec  laquelle  ils 
parlent  en  cette  occafion  au  meme 
Général ,  3  30,  Ils  tachent  de  furpren- 


LE 

dre  les  Trois  Rivières  ;  on  fait  jufti- 
ce  de  quelques-uns ,  &  ils  fe  retirent  , 
339.  Ils  traverfent  la  paix',  &  traitent 
mal  leurs  Prifonniers  ,  3  y  3  -  54-  H5 
font  en  guerre  contre  les  Abénaquis 
&  lesMahingans,  &  continuentleurs 
cour  fes  contre  les  François ,355.  Us 
reçoivent  un  échec  de  la  part  des 
Sauteurs  ,  370.  Ils  font  demander  la 
paix  à  M.  de  Tracy;  un  de  leurs  Par¬ 
tis  tue"  trois  Officiers  François.  Bruta¬ 
lité  d’un  de  leurs  Chefs.  M.  de  Tracy 
le  fait  étrangler,  38  3.  Expédition  de 
M.  de  Courcelles  &  de  M.  de  Tracy 
contr’eux  ,  &c  quel  *en  fut  le  fucces  , 
385.^  ]uiv.  Ils  demandent  la  paix  & 
un  Millionnaire,  &  obtiennent  l’un 
&  l’autre ,  3  98.  Ce  Canton,le  plus  op- 
pofé  de  tous  à  la  Religion  Chrétien¬ 
ne  ,  eft  celui  ,  où  elle  fait  le  plus  de 
progrès ,  406.  Ce  qui  s’y  pafle  entre 
les  Femmes  Chrétiennes  &  les  Hollan- 
dois.  Courage  de  ces  Femmes  à  défen¬ 
dre  leur  Foi.  Un  Capitaine  Agnier 
in  fui  te  un  Millionnaire,  429.  Com¬ 
ment  il  repaie  fa  faute,  4 30.  Réfolu- 
tion  prife  dans  ce  Canton  aufujet  de 
la  Religion,  &  ce  qui  en  arrive,  43 1. 
Ce  qui  engage  beaucoup  d’Agniers  a 
fe  réfugier  dans  la  Colonie.  Hiftoire 
de  deux  Femmes  de  ce  Canton ,  450. 
Le  grand  Agnier  eft  envoyé  par  M .  de 
Dénonville ,  pour  voir  en  quelle  dif- 
pofition  eft  ce  Canton ,  f  18.  Il  arrête 
un  grand  Parti  de  fon  Canton  prêt  a 
partir  pour  faire  des  Prifonniers  ,  8c 
convertit  quatre  Agniers.  Il  négocié 
par  Pentremifede  fon  Neveu  dans  les 
Cantons  d’Onneyouth  &  d'Onnonta- 
gué,  41 9.  Des  Agniers  affiegent  Chain- 
bly  3  ils  y  font  beaucoup  de  dégât,  &C 
font  repouftes ,  523-24.  Ils  font  une 
irruption  dans  laColonie  3  M.  de  Dé¬ 
nonville  les  pourfuit ,  &  en  prend 
quelques-uns,  5  30.  Les  Mahingansles 
engagent  dans  un  Parti  de  guerre  con¬ 
tre  nous,  _  J  Cf» 

Agonnonfiormi,  Nom  propre  des  Iro¬ 
quois ,  2  7 

Ahafifiari  ( Euftache )  Chef  Huron; 


DES  MA 

fà  converlïon,  230.  Sondifcoursâfes 
Soldats  avant  que  de  partir  pour  la 
guerre,  231-  3  2.  Il  eft  brûlé  par  les  Iro¬ 
quois  ,  &  meurt  en  Martyr  ,  239. 

Aiguillon.  La  Duchdïè  d’Aiguil- 
lon  ,  Fondatrice  des  Hofpitalieres  de 
Quebec. 

Aillebout.  M.  d’Aillebout  Gouver¬ 
neur  des  Trois  Rivières  ,  eft  nommé 
Gouverneur  Général,  281.  Son  cara- 
<5tére  ,  282.  Il  négocie  avec  la  Nou¬ 
velle  Angleterre  ,  286.  &  fuiv.  Il  re¬ 
çoit  bien  les  Hurons,  qui  s’étoient  ré¬ 
fugiés  à  Quebec ,  302.  Les  Chefs  des 
Sauvages  Chrétiens  le  prient  de  bâtir 
«ne  Prifon  pour  les  Yvrognes.  M.  de 
Laufon  eft  nommé  pout  lui  fuccéder, 
308.  Il  fait  jufticede  l’alfaffinat  de  trois 
François  par  les  Onneÿouths  ,  33  3 

Akanfas,  Sauvagesde  la  Louyhane  ; 
leur  lîtuation  ,  446.  M.  de  la  Sale 
prend  polfeftïon  de  leur  Pays,  464. 

Alas.  Eftevan  de  las  Alas ,  Officier 
Efpagnol  ,  eft  chargé  par  D.  Pedro 
Menendez  ,  fon  Général ,  de  fes  af¬ 
faires  ,  63 -63. 

Albanel.  Le  P.  Charles  A  lbanel,  Je- 
fuite  ,  eft  envoyé  à  la  Baye  d’HudJon 
par  M.  Talon  ,  pour  en  prendre  pof- 
feffion  au  nom  du  Roy  II  prend  fa 
route  par  le  Saguenay  ,  ce  qui  lui  ar¬ 
rive  avec  les  Miftaffins  ,  477-78 

Albany.  Nom ,  que  les  Anglois  don¬ 
nèrent  câ  la  Ville  d’Orange ,  lorfqtfils 
fe  rendirent  Maîcres  de  la  Nouvelle 
York.  voyez.  Orange. 

Albert.  Officier  François  ,  M.  de 
Ribaut  l’établit  Commandant  à  Char- 
lesfort.il  découvre  le  Pays  ,31.1!  né¬ 
glige  la  culture  des  Terres,  32.  Son 
caractère  ;il  fe  fait  haïr  par  tous  ceux , 
qui  éroient  fous  fes  ordres.  Sa  cruau¬ 
té.  Il  eft  tué  par  fes  Gens  ,  3  3 

Algonquins.  Quelques  Relations  di- 
fent  Algoumekjns.  Nation  Sauvage  du 
Canada.  Ce  qui  les  engage  à  faire  al¬ 
liance  avec  les  François  ,  141- 141.  Ils 
engagent  M.  de  Champlain  à  les  ac¬ 
compagner  dans  une  Expédition  con¬ 
tre  les  Iroquois.  Succès  de  cette  Ex- 


T  I  E  R  E  S.  603 

pédition,  144.  #  fuiv.  Leur  cruauté 
après  leur  vi&oire,  148.  Parallèle  des 
Nations  Algonquines  &  Huronnes  , 
196.  Infulte  faite  au  P.  Lallemantpar 
un  Algonquin,  21 5.  Défaite  d’un  Par¬ 
ti  Iroquois  par  des  Algonquins  ,  229. 
Une  Algonquine  Chrétienne  eftobli- 
gée  de  couper  un  doit  au  P.  Jogues, 
238.  Converfion  metveilleufe  d’un 
Chef  Algonquin  >  2  y  2.  &  fuiv.  Hif- 
toire  d’une  Algonquine,  qui  fe  fauve 
d’un  Village  Iroquois  ,  x-jj.  &  fuiv. 
Zélé,  courage  ,&  protection  de  Dieu 
fur  une  jeune  Efclave  Algonquine 
3  06-09.  Belle  aCtion  d’une  Femme  Al¬ 
gonquine  ,  319  Deux  Algonquines 
Chrétiennes  prédifent  le  Tremble¬ 
ment  de  Terre  de  1663. 364.  Une  Al¬ 
gonquine  fert  de  Guide  à  M.  de  Tracy 
pour  joindre  les  Agniers  ,  38 G.  Plu¬ 
sieurs  Nations  établies  parmi  les  Na¬ 
tions  Algonquines  ,  404.  &  fuiv.  Les 
Algonquins  des  Trois  Rivières  fe  re¬ 
tirent  au  Cap  de  la  Magdeleine ,  428. 
Les  Algonquins  Supérieurs  donnent 
de  grandes  efperances  aux  Million¬ 
naires  pour  la  Religion  ,  &  à  la  Colo¬ 
nie  pour  le  commerce  ,  431-32.  Plu¬ 
sieurs  Peuples  de  la  Langue  Algon¬ 
quine  s’attachent  plus  étroitement  aux 
François  ,  436.  Voyez  NipiJJings. 

Alimïpegon.  Lac ,  qui  fe  décharge 
dans  le  Lac  Supérieur.  Salîtuation  .Le 
P-  Allouez  y  fait  une  courfe  pour  y 
vilîrer  des  Sauvages  Chrétiens ,  497 

t  Allard.  Le  P.  Germain  Allard,  Pro¬ 
vincial  des  Recollers ,  &  depuis  Evê¬ 
que  de  Vence  ,  conduit  plulieurs  de 
fes  Religieux  à  Qiebec  ,  &  retourne 
en  France,  424-23. 

Allouez.  LeP.Claude  Allouez, Je- 
fuite  ,  s’offre  à  accompagner  les  Ou- 
taouais  ,  qui  le  traitent  indignement. 

Il  apoftrophe  un  Jongleur  ,  392.  Ses 
courfes  Apoftoiiques,  &  fes  fuccès  , 
393.  &  fuiv.  Il  vilîte  les  Nipiffings 
lur  les  bords  du  Lac  Aimipegon  ,  & 
reprend  enfuite  la  route  de  Cha- 
gouamigon  ,  397-98.  Il  va  faire  Mif- 
lion  dans  la  Baye  des  Puants,  403.  6c 

GG  g  g  ij 


604  T  A  B 

accompagne  M.  de  S.  LuÆon  dans  la 
prife  de  pofteffion  du  Pays  du  Nord 
&  de  l’Oueft.  Son  difcours  aux  Sau¬ 
vages  en  cette  occafion  ,  438-39*  i* 
fait  une  courfechez  les  Mafcoutins  3 
Comment  il  en  eftreçu  >  447*  & 

On  veut  le  détourner  d’aller  chez  les 
Outagamis.  U  y  va,  &  en  eft  bien  re¬ 
çu.  Il  s’établit  chez  les  Mi  amis,  44?. 

'  .  45$ 

Alarme.  La  Demoifelle  d’Alonne 
eft  prife  par  les  Iroquois,  Se  en  bon¬ 
ne  avis  à  M.  d’Orvilliers  ,  52.4*  bile 

eft  délivrée,  &  arrive  a  Montreal,  319 

Alphonfe.  Pilote  Portugais,  ou  Ef- 
pagnol,  au  fervice  de  François  I.  eft 
envoyé  par  M.  de  Roberval  pour 
chercher  un  chemin  aux  Indes  par  le 
Nord  du  Canada  jufqu  ou  il  va,  2 1 . 

Ambre  gris.  On  en  trouve  quelque¬ 
fois  fur  les  Côtes  de  la  Floride,  31. 

Americ  Fefpuce  ,  Florentin  ,  n’a  eu 
l'honneur  de  donner  fon  nom  au  Nou¬ 
veau  Monde  ,  que  par  une  fuperche- 

rie ,  4* 

Amflerdam.  Nom  ,  que  les  Hollan- 
dois  donnèrent  à  la  Ville  de  Manhat- 
te.  Voyez  M*nhntte. 

Anafiafie  ,  vertueufelroquoife  ,  re¬ 
çoit  chez  elle  à  la  Prairie  de  la  Mag¬ 
deleine  Catherine  Tegahkouita.  Son 
occupation  dans  cette  Bourgade ,  yy8 . 
Union  intime  de  ces  deux  Chrétien¬ 
nes  ,  577.  Anaftafie  veut  engager  Ca¬ 
therine  dans  le  mariage  ,  eft  picquee 
de  fon  refus  ,  reconnoît  fa  faute ,  de 
continue  à  l’affifter ,  5^3- 

Andaftes  ,  ou  Andafioez,.  Sauvages 
Voifinsde  la  Virginie ,  originaires  des 
Huions,  184.  Ils  offrent  du  fecours  à 
ceux-ci  contre  les  Iroquois  ,283»  Ils 
font  la  guerre  à  ces  derniers ,  &c  en 
font  enfin  repouffés  ,  355*  lh  les  in- 
quiettent  d<j  nouveau  ,  3  70.  Ils  rem¬ 
portent  quelques  avantages  fur  eux  , 
431. Ceux  ci  lesdétruifent  prefqu’en- 
tieremenr ,  _  445* 

Andros.  Le  Chevalier  Andros  , 
Commandant  dans  la  Nouvelle  An¬ 
gleterre  eft  nommé  Gouverneur  de  la 


L  E 

Nouvelle  York.  Ce  qu’on  avoit  fujet 
de  craindre  de  lui  dans  la  Nouvelle 
France  ,  531.  U  empêche  les  Iroquois 
d’envoyer  des  Députés  au  Marquis  de 
Dénonville.  Sa  Lettre  à  ce  Général.  Il 
fait  piller  les  François  de  l’Acadie  , 
de  il  défavouc  ces  Expéditions  ,  5-58. 

Andujia .  Chef  Sauvage  de  la  Flori¬ 
de,  invite  les  François  à  une  Fête,  3r, 
Anglois.  Des  Anglois  fecourent  les. 
François  de  la  Floride ,  y  8. Ils  veulent 
s’établir  parmi  les  Canibas  ,  de  n’y 
réuffiffent  point  ,  1 3  x.  Ils  chaffent  les 
François  de  S.  Sauveur  de  de  l’Aca¬ 
die,  de  fous  quel  prérexte  ,  154.  & 
fuiv.  Ils  enlevent  la  Nouvelle  Belgi¬ 
que  aux  Hollandois ,  143. Ils  font  plu- 
fieurs  hoftilités  fur  les  François  pen¬ 
dant  le  fiége  dfe  la  Rochelle  ,  16 y.  Ils 
fe  rendent  Maîtres  du  Canada,  169. 
Pourquoi  ils  fe  rendirent  fi  faciles  à 
reftituer  à  la  France  l’Acadie,  176.  Ils 
continuent  à  trafiquer  avec  les  Sau¬ 
vages  du  Canada  contre  le  Traite  de 
S.  Germain  ,  177.  Ils  ne  s’y  prennent 
pas  bien  avec  ces  Peuples ,  de  ce  qui 
en  arrive,  179.  Ils  propofent  une  al¬ 
liance  éternelle  entre  la  Nouvelle 
France  de  leurs  Colonies ,  quelques 
guerres  ,  qui  furviennent  en  Europe 
entre  les  deux  Couronnes ,  286.  Ce 
qui  fit  échouer  ce  projet ,  289.  Ils  re¬ 
cherchent  l’amitié  du  P.  Dreuillettes  > 
de  pourquoi,  31 1.  Ils  donnent  a  la 
Nouvelle  Belgique  le  nom  de  Nou¬ 
velle  York,  après  en  avoir  chaffé  les 
Hollandois,  37 y-  &  fuiv.  Leurs  ufur- 
parions  du  cote  del  Acadie  ,  4®S,  Iis 
font  repouflés  du  Cap  de  Sable  ,  409. 
Ils  s’emparent  de  nouveau  de  l’Aca¬ 
die  de  des  Provinces  voifines ,  41 3  .  d? 
fuiv.  Us  manquent  de  parole  au  Sieur 
le  Borgne.  Ils  prennent  par  compofi- 
tion  le  Port  de  la  Héve,  414.  Leurs 
prétentions  fur  Pille  de  Terre- Neuve-, 
418.  Quelques-uns  s’établiffent  furies 
bords  du  Kinibequi  ;  réception  ,  qu’ils 
font  à  M.  de  S.  Luffom,  ils  font  rap- 
pellés  dans  la  Nouvelle  Angleterre, 
439,  Iiss’emparent  de  nouveau  de  PA- 


DES  MATIERES. 


cadre  eft  tems  de  paix  ,  450.  Ils  cher¬ 
chent  à  nous  fu (citer  des  affaires  5  ils 
bâtiflent  le  Fort  de  Pemkuit  ^  ils  veu¬ 
lent  mettre  les  Abénaquis  aux  prifes 
avec  les  Iroquois  ,  &  quelles  font  en 
cela  leurs  vues  ,  4 62-63.  Ils  s’empa¬ 
rent  pour  la  cinquième  fois  de  l’Aca¬ 
die  &  de  fes  dépendances,  463.  Ils 
n’ont  aucun  droit  fur  la  Baye  d’Hud- 
fon  ,  476.  Ils  y  font  conduits  par  des 
Transfuges  François  ,  &  y  bâtiffènt 
trois  Forts ,  477.  Ce  qui  fe  paffe  entre 
eux  &  les  François  en  un  autre  endroit 
de  cette  Baye  .>479.  Les  mêmes  Trans¬ 
fuges  leur  livrent  le  Fort  Bourbon , 
48  u  Ils  fe  fervent  de  nos  Deferteurs 
pour  animer  les  Iroquois  contre  nous; 
enfuite  ils  les  vendent  comme  Enga¬ 
gés  à  la  Jamaïque .?  484.  V int-fîx  An- 
glois  tués  par  les  Tfonnonthouans  , 
489.  Ils  promettent  un  grand  fecours 
aux  Iroquois  ,  s’ils  veulent  recom¬ 
mencer  la  guerre  ,  49  y.  Des  Anglois 
vont  en  Traite  à  Michillimakinac 
y  font  reçus  par  nos  Alliés,  yoa.  Ils 
font  châties  des  Forts  du  fond  de  la 
Baye  d’Hudfon,  505-.  &  [uiv.  Avan¬ 
tage  ,  qu’ils  ont  fur  nous  pour  Iecom- 
merceavec  les  Sauvages  ,  Sc  pourquoi 
il  ne  faudrait  pas  les  laiftër  dans  le 
voifînage  des  Iroquois  ,  507.  Ils  font 
repoulîës  du  Fort  de  Sainte  Anne  dans 
Ja  Baye  d’Fïudfon.  D’autres  Anglois 
retournent  à  Michillimakinac  j  Sc  font 
pris  par  M.  de  la  Durantaye  ,  51  y. 
Deux  François  ,  qu’ils  avoient  fait 
Prifonniers,  leur  enlevent  un  Vaif- 
feau  ,  f  19-10.  Leurs  prétentions  Sc 
leurs  entteprifes  fur  l’Acadie.  Usfom- 
ment  le  Baron  de  S.  Caftin  de  leur  li¬ 
vrer  Pentagoet.  Leurs  intelligences 
dans  le  Pays,  510.  Ils  fomentent  la 
guerre  entre  les  Iroquois  Sc  nous  à 
caufe  du  commerce  ,  n9  Ils  mettent 
tour  en  ufage  pour  nous  débaucher  les 
Nations  Abénaquifes  ,  741.  Qnebec 
eft  menacé  d’une  Flote  Angloife  , 
5  ço.  Ils  fe  propofent  de  châtier  les 
François  de  la  Baye  d'Hudfon.  Avan¬ 
tages  ,  que  M.  d  Iberville  remporte 


fur  eux  ,  yyy.  &  [Uiv.  Ils  foftt  chafFés 
de  plufieurs  Forts  par  les  Abénaquis, 
557.  &  [uiv.  Incompatibilité  des  An¬ 
glois  Sc  des  François  en  Canada  :  les 
Premiers  promettent  aux  Iroquois  la 
deftruction  entière  de  la  Colonie  Fran- 
çoife.  Ils  regardent  les  Jefuires  com¬ 
me  leurs  plus  dangereux  Ennemis  en 
ce  Pays-là,  y  Go. 

Anjelran.  Le  P.  Anjelran ,  Jefuite  , 
eft  bielle  dans  la  furprife  des  Tfon¬ 
nonthouans.  Services ,  qu’il  a  rendus 
à  la  Nouvelle  France  ,  516 

Animaux  particuliers  à  la  Floride  , 
28, 19.  Deux  Animaux finguliers dans 
le  Pays  des  Hurons  ,  i8y.  Animaux 
particuliers  au  Pays  des  Iroquois, 

272.  &  [uiv. 

Anticojîy.  Ifîe  de  l’embouchure  du 
Fleuve  S.  Laurent  ;  fa  (îtuation  ;  fes 
divers  noms  ,  10. 

Antoine.  Dom  Antoine  de  Portu¬ 
gal  offre  le  commandement  de  fa  Flot¬ 
te  au  Chevalier  de  Gourgues  ,  106. 

Apalacbe  ,  Montagnes  d’Apalache 
dans  la  Floride.  On  fait  accroire  aux 
François  quelles  renferment  des  Mi¬ 
nes  ,  &  ce  qui  en  eft.  42. 

Apalachine  ,  ou  CaJJine.  Arbritièati 
de  la  Floride ,  dont  les  feuilles  grillées 
Sc  bouillies  compofent  une  boilTon  , 
dont  on  ufe  beaucoup  dans  la  Flori¬ 
de,  30.  Foyez.  le  Journal. 

Ar  az,af a  3V \\\ç  de\a  Nouvelle  York  : 
Les  Anglois  s’en  rendent  les  Maîtres, 

3y6, 

Arbres  propres  de  la  Floride,  29. 
&  [ uiv .  Arbre  (ingulier  dans  la  Mer 
vis-'a-vis  l’embouchure  de  la  Riviere 
de  S.  Jean,  1 17.  Qualités  des  Arbres 
duCanada  ,  félon  M.  Denys  ,133.^ 
[uiv.  Arbres  particuliers  au  Pays  des 
Iroquois,  272. 

ArgalL  (  Samuel  )  châtie  les  Fran¬ 
çois  de  S.  Sauveur  ;  fur  quoi  il  fonde 
le  droit  de  cette  irruption  ,  1 3  5-36.  Il 
enleve  furtivement  laCommiffton  du 
Commandant  ,  pour  le  traiter  de  Pi¬ 
rate;  propofîtions.  qu’il  fait  auxFran- 
cois,  136.  Il  avoué- fa  fourberie , pour 


fauver  la  vie  aux  François  en  Virgi¬ 
nie.  Il  ruine  S.  Sauveur  &  le  Porc 
Royal.  Un  François  l’avertit  de  le  te¬ 
nir  en  garde  contre  les  Jefuites  5  1 38. 
Devenu  Gouverneur  Général  de  la 
Virginie  ,  il  revendique  Manhatte  fur 

les  Hollandois ,  .  37 S* 

Argenfon.  Le  Vicomte  d  Argenlon 
Gouverneur  Général  de  la  Nouvelle 
France ,  fait  inutilement  courir  après 
des  Iroquois ,  qui  avoient  donne  1  al- 
larme  à  Qiiebec ,  &  tué  quelques 
François,  3 3 S- 3 9- P.ar?îc  peudilpo- 
fé  à  entrer  en  négociation  avec  ces 
Barbares  ,  &  ce  qui  lui  fait  changer 
de  peu  fée  ,  3  49"  S  °*  ^  ^alt  f°nder  le 
P.  le  Moyne  pour  aller  négocier  la 
paix  dans  les  Cantons,  330.  Il  re¬ 
tourne  en  France  ,  (ans  attendre  ion 
SuccelTeur ,  &  pourquoi  ?  3  f 0 

Armouchiquois.  Sauvages  du  Cana¬ 
da.  Leur  caradére.  Ils  fe  réfugient 
dans  la  Nouvelle  Angleterre,  1 34-  Ce 
que  Champlain  dit  de  leur  figure  , 

198. 

Arnaud.  Député  du  Colonel  Don- 
gan  à  Onnontagné  ,  fes  propofitions  j 
léponfe  ,  qu’on  lui  fait ,  49 1 

Afpics  finguliers  dans  le  Pays  des 

Iroquois,  z7*- 

Ajfemblee des  Notables ,  convoquée 
par  M.  de  la  Barre  au  fujetde  la  guer¬ 
re  des  Iroquois,  &  ce  qu’on  y  re¬ 
font ,  ,47r -.f*  fujtVm 

Ajjiniboils ,  Lac  des  Aflimboils,  Ion 
étendue  ,  fa  fituation ,  17.  Les  Aflini- 
boils ,  Sauvages  du  Canada  de  la  Lan¬ 
gue  des  Sioux  ,  avec  lefquels  on  les 
confond  quelquefois  ,  39^. 

Attikamegues .  Sauvages  du  Canada. 
Situation  de  leur  Pays,  leur  carade- 
re.lls  fe  font  inftruire  de  laDodrine 
Chrétienne,  220.  Pourquoi  la  Foi  ne 
fait  que  des  progrès  lents  parmi  eux, 
211.  Ils  affilient  à  une  Audience  pu¬ 
blique  donnée  aux  Députes  Iroquois, 
264.  Ils  attirent  plufieurs  Nations  aux 
Trois  Rivières  ,  8c  les  difpofent  au 
Chriftianifme  par  leurs  bons  exem¬ 
ples  ,  308 .  Le  P.  Buteux  les  vifite  dans 


L  E 

leur  Pays  ,  &  les  trouve  tons  fervens 
Chrétiens,  ou  C  a  rechu  mène  s  ,  309- 

10.  Ils  font  attaqués ,  &  prefque  dé¬ 
truits  par  les  Iroquois.  Quelques- uns 
engagent  ce  même  Pere  à  les  fuivre 
chez  eux,  &  ce  qui  en  arrive  ,310- 

1 1.  Trente  Attikamagues  ,  Hommes 

8c  Femmes,  avec  quelques  François,  , 
font  envelopés  par  un  Parti  Iroquois, 
&  font  tués.  Bravoure  des  Femmes  , 
348.  Conjedures  fur  leur  ancienne 
demeure  ,  397.  Ils  difparoifient  en¬ 
tièrement  après  une  grande  mortalité 
dans  le  Nord,  42.8. 

Avaugour .  Le  Baron  d’Avaugour  > 
Gouverneur  Général  de  la  Nouvelle 
France  j  fon  caradere  •,  ce  qu’il  penfe 
du  Canada ,  330.  Il  traite  avec  Gara- 
konthié,  3  y  y.  U  demande  du  fecours 
an  Roy,  360.  Il  permet  la  Traite  de 
l’Eau-de-vie  par  pique  ,  360-61.  Il 
s’obftine  ,  quoiqu’on  puifie  lui  dire, 
362.  Maniéré  équitable  ,  dontil  ren- 
doit  la  juftice  ,  371.  Il  retourne  en 
France  ,  rentre  au  Service  de  l’Empe¬ 
reur  contre  les  Turcs  ,  8c  meurt  au  lie 
d’honneur  ,  ?74» 

Aubert  (  Thomas  )  Pilote  de  Diep¬ 
pe  ,  amene  en  France  des  Sauvages  du 
Canada.  Il  n’eft  pas  vrai  qu’il  ait  fait 
la  découverte  de  ce  Pays  par  ordre  de 
Louis  XII.  #  4°* 

Autmoins.  Jongleurs  parmi  les  Aca¬ 
diens,  129.  V  oyez  Jongleurs. 

Autriche.  Anne  d’Autriche,  Reine 
de  France,  demande  aux  Etats  Géné¬ 
raux  la  délivrance  du  P.  Jogues ,  247. 
Elle  ordonne  aux  Gouverneurs  Géné¬ 
raux  de  la  Nouvelle  France  de  proté¬ 
ger  les  Sauvages  Chrétiens  contre  leurs 
Ennemis ,  289.  Elle  propofe  le  P.  le 
Jeune  pour  Evêque  du  Canada,  8c 
accepte  l’Abbé  de  Montigny  ,  Fran¬ 
çois  de  Laval ,  qu’on  lui  préfente  , 

3  39- 

Ayllon.  Luc  Vafquez  d’Ayllon  , 
Confeiller  de  l’Audience  Royale  de 
San  Domingo,  découvre  le  Jourdain. 
Où  fe  borne  fon  Expédition  en  Flori¬ 
de,  2,4  i 


D  E  S  M  A 

f 

B 

"TyAHAAfA.  Caufe  des  fréquens 
JL/ naufrages,  qui  fe  font  au  Canal 
de  Baharaa  ,  &  leurs  fuites  ,  61. 

Baillif,  Le  Baillil,  François  Calvi- 
nifte3  fervoir  dans  l’Efcadre  Angloife, 
qui  prit  Quebec.  Le  Commandant 
lui  remet  les  clefs  du  Magafin  de  cette 
Ville,  *  /  l6ÿ 

Bailloquet.  Le  P.  Bailloquet ,  Jefui- 
te,  fes  travaux  le  long  du  Fleuve  &  du 
Golphe  de  S.  Laurent ,  ^  j  i. 

Baleines.  Quantité  ,  qui  s’en  trou¬ 
ve  fur  les  Côtes  de  l’Acadie ,  1 1  y .  & 
dans  le  Fleuve  S.  Laurent ,  jqo. 

,  Barda.  D.  André  Gonzalez  de  Bar- 
cia  ,  fes  prétentions  au  fujet  de  la  Flo¬ 
ride,  25.  Il  réfuté  fort  bien  M.  de 
Thou  ,  87.  Voyez,  la  Lille  &  l’Exa¬ 
men  des  Auteurs. 

La  Barre.  ( M.  le  Febvre  de)  le  Roy 
Louis  XIV.  ne  trouve  pas  bon  fon 
Reglement  au  fujet  de  la  Portion  con¬ 
grue  des  Curés  du  Canada  ,341.  Il 
eft  nommé  Gouverneur  Général  de  la 
Nouvelle  France  ,•  fes  inftruétions  , 
465.  Il  arrive  à  Quebec  prévenu  con¬ 
tre  les  Créatures  de  M.  de  Frontenac , 
&  contre  M.  de  la  Sale.  Il  écrit  au 
Roy  contre  ce  dernier  ,  470.  Etat ,  où 
il  trouve  la  Colonie  :  il  convoque  une 
AlTemblée  des  Notables  ,  pour  déli¬ 
bérer  fur  ce  qu’il  y  avoir  à  faire  ;  ce 
qu  on  y  conclut  ,  471.  Il  envoie  en 
Cour  FAéle  de  la  Délibération  :  avis, 
que  le  Roy  lui  donne,  473.  Il  fe  dif- 
pofe  a  la  guerre  contre  les  Iroquois , 
fans  perdre  l’efperance  de  s’accommo¬ 
der  avec  eux.  Il  députe  à  Onnonta- 
gué  ,•  comment  fon  Envoyé  eft  reçu  , 
483.  Ce  qu’il  mande  au  Miniftre  au 
fujet  de  cette  guerre  :  il  fait  encore 
une  tentative  auprès  des  Iroquois  :  ré- 
ponfe  infolente  ,  qu’ils  lui  font.  Il  dé¬ 
couvre  les  intrigues  des  Anglois,  484. 
Il  fe  faific  du  Fort  de  Catarocouy  ,  &c 
de  celui  de  Saint  Louis  des  Illi¬ 
nois  ,  qui  appartenoient  à  M.  de  la 


T  I  E  R  E  S.  60 y 

Sale.  Ce  qu’on  penfoit  de  lui  dans  la 
Colonie,  48 y.  Ce  qui  le  détermine  à 
la  guerre  contre  les  Tfonnonthouans, 
486.  Prévention  de  plufieurs  contre 
lui  :  il  veut  divifer  les  Cantons  ,*  fes 
arrangemens  pour  la  Campagne,  485?. 
Il  part  avec  1  Armée  3  avis,  qu’il  reçoic 
d’Onnontagué  &  de  deux  autres 
Cantons  :  propofitions  ,  que  lui  font 
les  Onnontagués  5c  les  Tfonnon- 
thouans  ,  490.  Extrémité,  où  il  fe 
trouve  ;  il  fait  la  paix  à  des  conditions 
peu  honorables  ,  49 i.&fuiv .  Il  reçoic 
du  fecours  de  France  ,  493.  Ordres  , 
que  lui  donne  le  Roy  ,  494.  Nouvel¬ 
les  ,  que  lui  mande  le  P.  de  Lamber- 
ville,  49  y.  Il  eft  rappelle ,  496",  Ce  que 
A4,  de  Denonvillerepondau  Gouver- 
neur  delà  Nouvelle  York  à  fon  fujet, 
5^4*  Il  peimet  par  furprife  des  repré¬ 
failles  fur  les  Gens  de  M,  delà  Sale  , 
&  ce  qui  en  arrive,  r 

Barré.  Nicolas Barrréeft  choilipour 
Commandant  à  Charlefort  à  la  place 
du  Capitaine  Albert.  Sa  bonne  con¬ 
duite,  33.  Il  abandonne  Charlefort , 
le  ruine,  Sc  s’embarque  avec  tous  fes 
Gens  pour  retourner  en  France  ,  34. 

Barrillon.  M.  de  Barrillon,  Ambaf- 
fadeurde  France  auprès  de  Charles  IL 
Roy  de  la  Grande  Bretagne,  fait  inu¬ 
tilement  a  ce  Prince  de  grandesplain- 
tes  fur  l’Entreprife  des  Anglois  dans 
la  Baye  d’Hudfon  ,  yo  y.  Ordre  ,  qu’il 
reçoit  du  Roy  fon  Maître  ,  ^07. 

Bafoues.  En  quel  tems  ils  ont  com¬ 
mence  a  faire  la  Peche  des  Morues 
fur  les  Bancs  de  Terre-Neuve ,  &  fur 
les  Côtes  voifines  , 

Batard  Flamand  ,  Hollandois  ,  né 
dans  le  Canton  d’Agmer  d’une  I10- 
quoife  de  ce  Canton.  Il  attaque  le  P. 
le  Moyne  ,  qui  retonrnoit  à  Quebec, 
après  avoir  conclu  la  paix  à  Onnon- 
tague,  317*  Il  attaque  les  Outaouais 
&  les  Huions ,  &  s’exeufe  mal  de  ce 
qu’on  avoir  tiré  fur  le  P.  Garreau ,  3  27. 
M.  de  Sorel  le  rencontre  à  la  tète  d’un 
Parti  d’Agniers  ,  &  pour  fe  tirer  d’af¬ 
faire  il  dit  qu’il  va  en  Députation  trai- 


i  :  • 


6o3  ^A 

,etdelapa«avecM.deTiacy;.teft 

conduit  à  Quebec,  3 b 4.  Il  eft  airete 
Prifonnier  ,  385.  Il  eft  mis  en  liberté, 

38b. 

Baugy.  Le  Sieur  de  Baugy ,  Lieute¬ 
nant  des  Gardes  de  M.de  la  Barre,  va 
prendre  au  nom  de  ce  General  pollef- 
fion  du  Fort  de  S.  Louis  des  Illinois  , 
lequel  appartenoit  à  M.  de  la  Sale  3 
485.  Il  repoufle  les  Iroquois,  qui  af- 
fiégeoient  ce  Fort  ,  4§<L 

De  Bay ,  Freredu  Sieur  delaGirau- 
diere ,  propofe  un  accommodement 

avec  M.Denys ,  .  4 1 

Baye  des  Chaleurs .  Sa  fituation.  D  ou 
lui  vient  ce  nom  3  pourquoi  on  1  ap¬ 
pelle  auifi  Baye  des  Êfpagnols. 

Baye  Françoife.  Sa  fituation  ëc  la 

defcription ,  117 

Baye  d'Hudfon  ,  voyez  Hudjon. 

Baye  de  S.  Luc  ,  ou  Port  au  Mouton. 
D’où  vient  ce  dernier  nom.  Sa  fitua- 

tion.  .  . 

Baye  de  S,  Paul.  Sa  Situation.  Ses 

Mines  de  fer  ,  39 

Baye  des  Puants  ,  ou  la  grande  Baye. 

Voyez  le  Journal.  o  . 

La  petite  Baye  a  Plaifance.  Sa  litua- 

tion ,  a  1  d19 

Begon.  M.  Begon  Intendantde  la  Ro¬ 
chelle.  Ordres,  qu’il  reçoit  du  Roi,  54 
Bekancourt.  Le  Baron  de  Bekancourt 
accompagne  M.  de  la  Barre  dans  fon 
Expédition  contre  les  T fonnonthou- 
ans ,  49 l- 

Belgique 3  Nouvelle  Belgique  ,  Co¬ 
lonie  Hollandoife  de  l’Amerique.  Sa 
fituation.  Sa  fondation  ,  141.  Les  An- 
glois  s’en  rendent  les  Maîtres  ,  &  la 
nomment  NouvelleTork*  Voyez  ce  mot. 

B  elle  fond.  Le  Maréchal  de  Bellefond 
engage  le  Roy  à  renvoyer  M.  de  Fron¬ 
tenac  dans  la  Nouvelle  France  en  qua¬ 
lité  de  Gouverneur  General ,  &  ré¬ 
pond  de  fa  conduite  ,  S  43* 

Belle  JJle.  Détroit  de  Belle  Ifle  ,  ce 

que  c’eft ,  ,  .  ,  .4“* 

Benevent ,  Abbaye  reunie  a  1  hve- 

çhédeQuebec,  .  4°^. 

Berfiamites ,  Sauvages ,  qui  trah- 


BLE 

quoient  à  TadouiTa c,  &  qu’on  y  înf- 
truifoit  de  la  Doétrine  Chictienne. 

221.  308. 

Berthier.yi.  de  Berthier  ,  Capitai¬ 
ne  dans  le  Régiment  de  Carignan- 
Salieres ,  conduit  l’ Arriere-Garde  de 
l’Armée  contre  les  Agniers ,  avec  M. 

de  Sorei ,  .  _  J?*' 

Biart.  Le  P.  Pierre  Biart ,  Jeluite, 

eft  deftiné  pour  1  Acadie  ,  m.  Il  eft 
arrêté  à  Bourdeaux ,  &c  pourquoi  ?  1 22. 

Il  part  pour  l’Acadie ,  &  ce  qu  il  y  eut 
à  fouffrir ,  1 2 3 .  Sa  relation  de  ce  Païs , 

1 24.  Sa  conduite  à  l’égard  d’un  Chef 
Chrétien  ,  qui  vouloir  etre^  enterre 
avec  fes  Ancêtres ,  1 30.  Il  preche  L- 
vangile  aux  Canibas ,  1 3  ï .  1 1  fetrani- 
porte  à  S.  Sauveur,  il  baptife  un  En¬ 
fant  moribond  ,  &  Ie  guérit  fur  le 
champ,  134-  U  s’embarque  pour  la 
Virginie  après  la  pnfe  de  S.  sau¬ 
veur  ,  136.  Un  François  avertit  les 
Anglois  de  fe  défier  de  lui.  Comment 
il  fe  venge  aux  Açorres  du  mauvais 
procédé  du  Capitaine  Anglois  de  ion 
VaiiTeau,  1 38.  Ce  qui  lui  arrive  en 
Angleterre  ,  139.  Voyez  la  Lifte  oC 
l’Examen  des  Auteurs. 

Biencourt.  M.  de  Biencourt ,  Fils  de 
M.  de  Poutrincourt,  va  chercher  des 
vivres  en  France.  Il  veut  éluder  de 
mener  des  Jefuites  en  Acadie ,  &  s  of¬ 
fre  enfuite  à  les  y  conduire  ,  1  ii'.  U 
traite  avec  Madame  de  Guet  cheville , 
123.  Il  promet  à  un  Chef  Chrétien 
de  le  faire  enterrer  avec  fes  Ancêtres, 
&  s’entête  malgré  les  reprefentations 
des  Millionnaires  ,  1 3°: 

Bierre ,  Gentilhomme  Gafcon  ,  qwi 
périt  dans  l’Expédition  de  M.  de 
Gourgues  en  Floride  ,  **?  £• 

Bigot.  Le  P.  Vincent  Bigot,  Jefui- 
te  ,  a  (Tenable  un  Village  d’Abenaquis 
vers  Pentagoet,  531.  Ce  que  M.  de 
Dénonville  dit  au  Miniftrede  ce  Mii- 
fionnaire  ,  de  du  P.  Jacques  Bigot , 

fon  Frere ,  U9« 

Bifeau.  M.  de  Bifeau  ,  Ambafladeur 
de  France  en  Angleterre  ,  fait  repaf- 
fer  en  France  trais  Millionnaires , 


D  E  S  M  A 

qui  revenoient  de  l’Acadie,  139. 

Le  Blanc.  Vincentle  Bianc  ,ce  qu’il 
die  du  voyage  d’un  Efpagnol  fur  le 
Fleuve  S.  Laurenc ,  &  à  la  Côte  de 
Labrador.  Ce  qu’on  doit  penferdecet 
Auteur ,  4.  Voyez  la  Lifte  &  l’Exa¬ 
men  des  Auteurs. 

Blome.  Richard  Blome  »  Hiftorien 
Anglois  ,  relevé  au  fujet  de  la  Nou¬ 
velle  Belgique  ,  142.  Voyez  la  Lifte 
&  l’Examen  des  Auteurs. 

Bochart.  M.  du  Plelîis  Bochart, 
Gouverneur  des  Trois  Rivières  :  fa 
bonne  conduite.il  eft  tué  par  un  Par¬ 
ti  Iroquois ,  309. 

Bœufs  Illinois.  Ce  qu’ils  ont  de  par¬ 
ticulier  ,  447. 

Boifguillot ,  Canadien. Ordre  ,  qu’il 
reçoit  de  M.  de  Dénonville  ,  51 2. 

Bonifa.ce ,  Le  P . Boniface  ,  Je- 

fuite  ,  amené  dans  la  Colonie  pl ti¬ 
reurs  Chrétiens  Iroquois  du  Canton 
d’Agnier,  431. 

Bonnevifte  >  Cap  de  Pille  de  Terre- 
Neuve  ,  fa  lituation  ,  découvert  8c 
ainfi  nommé  par  Jacques  Cartier ,  8. 

Bontems  ,  Capitaine  de  Navire  , 
prend  un  Vaifteau  Portugais  s  &  dé¬ 
livre  deux  François ,  qu’on  menoit 
Efclaves  au  Brelîl ,  86. 

Le  Boefme.  Le  Frere  Louis  le  Boef- 
me,  Jefuite,  part  avec  des  Outaouais, 
32 6.  Il  en  eft  abandonné  ,8c  retourne 
à  Québec  j  327. 

Le  Borgne  ,  Pere  ,  Habitant  de  la 
Rochelle  ,  Créancier  de  M.  de  Char- 
nifé  ,  obtient  après  la  mort  de  ce 
Gentilhomme  un  Arrêt  du  Parlement, 
qui  le  met  en  polie flion  de  tout  ce  qui 
avoit  appartenu  en  Acadie  à  Ton  De¬ 
biteur,  412.  Ses  prétentions  &  fes  en- 
treprifescontreMM.  de  la  Tour  &  De- 
nys  ;  fes  violences  contre  ce  dernier, 
41 2-1 3.  Il  eft  fommé  par  les  Anglois 
de  leur  rendre  le  Port  Royal,  413. 
Il  le  rend  après  quelque  réliftance  , 

4M* 

Le  Borgne  ,  Fils ,  va  à  laHéveavec 
fon  Aftocié,  y  eft^ttaqué  par  les  An¬ 
glois  ,  s’enfuit  dans  le  Bois ,  eft  mené 
Tomt  I. 


TIERES.  6c$> 

Prifonnier  à  Bafton  ,  traite  avec  les 
Anglois,  _  ai  4 

Boffon.Les  François  difent  Baflort. 
Les  Anglois  bandent  cette  Ville  fur 
un  terrein ,  qui  appartenoit  à  la  Fran¬ 
ce,  116 

Boucher.  Le  Sieur  Pierre  Boucher , 
Gouverneur  des  Trois  Rivières  ,  eft 
envoyé  en  France  pour  reprefenter  au 
Roy  les  befoins  de  la  Colonie ,  8c  eft 
très-bien  reçu  de  Sa  Majefté  ,  360. 

Boule'.  Le  Sieur  Boulé  ,  Lieutenant 
&  Beaufrere  de  M.  de  Champlain  , 
eft  pris  par  les  Anglois  en  allant  cher¬ 
cher  du  fecours  en  France  ,  168. 

Bourbon.  Riviere  de  Bourbon.  Qui 
lui  a  donné  ce  nom  ,  fa  lituation  , 
479.  Voyez ,  Port  Nelfon. 

Bourdon.  Le  Sieur  Bourdon  accom¬ 
pagne  le  P.  Jogues  aux  Iroquois,  269. 
Ce  qu’on  lui  mande  au  fujet  de  ce 
Millionnaire ,  275.  Devenu  Procu¬ 
reur  Général  du  Confeil  Supérieur  de 
la  Nouvelle  France  3  M.  de  Méfy  le 
fait  embarquer  pour  France  3  il  porte 
fes  plaintes  à  la  Cour  contre  ce  Gé¬ 
néral,  377.  Il  prend  polTeftion  de  la 
Baye  d’Hudfon  pour  le  Roy  ,  476. 

Bourgeois.  Marguerite  Bourgeois  , 
fonde  à  Montreal  l’Inftitut  des  Filles 
de  la  Congrégation  ,  343. 

Bouteroue.  M.  de  Bouterouë  Inten¬ 
dant  en  Canada  ,  fes  infttuélions  , 
qoj.  Ce  que  M.  Colbert  écrit  à  M. 
de  Courcelles  à  fon  fujet  ,  40 6. 

Mademoifelle  de  Bouterouë  ,  fa 
Fille,  tient  fur  les  Fonts  de  Baptême 
Garakonthié  avec  M.  de  Courcelles  , 

427. 

De  Bray .  Jeune  François  fouftrait 
à  la  cruauté  desEfpagnols  par  un  Chef 
Sauvage  en  Floride  ,  va  reconnoître 
en  quel  état  étoit  le  Fort  de  San  Ma- 
theo  ,  98.  Son  raport  à  M.  de  Gour- 
gues,  99 

Breheuf.  Le  P.  Jean  de  Brebeuf, 
Jefuite ,  arrive  à  Quebec  ,  1  y  9-  Il  part 
pour  le  Pays  des  Huions,  8c  eft  obli¬ 
gé  de  retourner  fur  fes  pas,  1 60.  Il 
retourne  au  Canada  après  la  reftitu- 

HHhh 


T  à  B  L'  E 

don  de  ce  Pays  à  la  France  ,  178.  U  Briftol.  Jeati_Guyasde  Briftoî,  An- 


(c  difpofe  encore  à  aller  chez  les  Hu 
rons  ;  ce  qui  fait  différer  Ton  voyage  , 
ïSz.  Il  arrive  chez  eux-,  ce  qu  il  eut  a 
fouffiir  dans  le  voyage  ,  187.  &  fuiv. 

Ce  que  lui  die  un  Huron  pour  lui  ,  .  - 
prouver  qu’il  ne  devoir  pas  changer  qui  pur  Quebec 
île  Religion,  185?.  Il  obtient  de  la  Bruyas.  Le  P- 
pluye  par  Tes  Prières  ,  1  91 .  Il  eft  ap¬ 
pelle  à  un  Confeil  de  Hurons  ,  &  ce 
qui  s’y  pade  ,  191.  Il  baptife  un  Cap¬ 
tif  Iroquois  ,  &  l’affifte  a  fa  mort , 

2 1 o.  &  fitiv.  Il  prêche  l’Evangile  a  la 
Nation  Neutre,  124$.  H  retourne  de 
Québec  aux  Hurons  avec  une  Elcoi- 
te,  2.63.  Il  ne  veut  pas  le  fauver  de  la 
Bourgade  de  S.  Louis  a  l  aproche  des 
Iroquois  ,  290.  Il  eft  pris  par  ces  Bar¬ 
bares,  291.  Il  eftbtnle.  Son  coin  âge  . 

fon  caractère  ,  292-93.  Voyez  la  Lil¬ 
le  &  l’Examen  des  Auteurs. 

Brefil.  Colonie  Françoife  au  Brelil. 

Les  François  lont  bien  reçus  des  Bra- 
filiens.  Ce  qu’ils  devinrent ,  12 ,,  23. 

Brejfani.  Le  P.  François -Jofeph  Brel- 
fani ,  Jefuite  Romain,  s’offre  a  fuivie 
un  Convoi,  que  l’on  envoie  aux  i lu¬ 
rons.  Il  eft  pris  par  les  Iroquois  ,  258. 

Tourmens ,  qu’ils  lui  font  louftnr , 

259 .&  fniv.  H  eft  vendu  auxHollan- 
dois ,  qui  le  font  repafter  en  France, 

260.  Il  retourne  à  Québec  3  fait  une 
quête  pour  fes  Bourreaux  ,  167.  Il  re¬ 
prend  le  chemin  du  Pays  des  Hu¬ 
ions,  eft  attaqué  en  chemin  par  les 


glois  ,  fait  un  Etabliffement  dans  la 
Baye  de  la  Conception  en  Terre- 
Neuve,  _  4!8. 

Braie,  fEftienne )  Calvinifte Fran¬ 
çois  ,  fert  dans  la  Flotte  Angloife  , 

169. 

_ _  ..  Bruyas  ,  Jefui- 

re  ,  eft  envoyé  Millionnaire  aux  Iro¬ 
quois,  398.  Ce  qui  1  empêche  de  faire 
du  fruit  dans  le  Canton  d’Onneyomh, 

43ï. 

Bulllon.  Madame  deBullion  donne 
foixante-deux  mille  livres  pour  aider 
à  la  Fondation  de  l’Hôpital  de  Mont¬ 
real  ,  343* 

B  ut  eux.  Le  P.  Jacques  Buteux  ,  Je¬ 
fuite  3  fes  travaux  dans  le  Nord  du 
Canada,  309-10.  Il  y  retourne  avec 
un  prelfentiment  de  fa  mort  31 1.  U 
eft  tué  par  les  Iroquois,  ,  311* 
Button  ,  Anglois  ,  qu’on  prétend, 
fans  le  prouver,  avoir  pris  polfelBon 
de  la  Baie  d’Hudfon,  47^. 

Byjjiriniens ,  Sauvages  du  Canada, 

202. 


C1AEN.  Emery  Sc  Guillaume  de 
Caen  ,  fon  Oncle  ,  Coramer- 


çans  Huguenots  ,  entrent  dans  les 
droits  de  la  Compagnie  du  Canada. 
Guillaume  de  Caen  arrive  à  Quebec  , 
1  ^8.  Il  en  ufe  mal  avec  les  Jefuites, 
1 59.  Il  en  reçoit  des  réprimandés  dit 
NT  II  reiiem  à  Duc  de  Vemidour ,  Vice-Roy  de  U 

Quebec  après  la  délation  du  Pays  Nouvelle  Fl?n«  >  ^  I‘cf  A1 

cks  Hurons  ,  &  la  difperfion  de  cette  çonne  d  avon  fol  licite  les  Anglois  de 
Nation,  302.  Il  retourne  en  Italie  ,  s’emparer  du  Canada ,  iQ -66.  Voiez 
&  v  prêche  avec  fuccès  ,312.  Voyez  les  _pages  171.  172-  l8°-  .Emer[  de 
la  Lifte  &  l’Examen  des  Auteurs.  Caen  eft  pris  par  les  Angloisen  allant 


Bretons.  En  quel  temsles  Pécheurs 
Bretons  ont  commence  défaite  la  Pé¬ 
ché  des  Morues  fur  le  grand  Banc.de 
Terre-Neuve,  &  fur  les  Côtes  voul¬ 
ues  ,  3  » 

Bretonvi!  tiers .  M.de  Bretonvilliers , 
Supérieur  du  Séminaire  de  Montreal, 
nomme  M.  Perrot  Gouverneur  de 
cette  Ville ,  4°7* 


au  fccours  de  Quebec,  170. Il  retour¬ 
ne  en  Canada  ,  &c  les  Anglois  lui  re¬ 
mettent  Quebec.  On  lui  abandonne 
le  commerce  du  Pais  pendant  un  an 
pour  le  dédommager  de  les  pertes  , 

177  • 

La  Ceffiniere .  M.  delà  Caffiniere 9 
Capitaine  de  Vaiffeaux  ,  commande 
deux  Navires  pour  l’Expédition  de  la 


* 

DES  MATIERES.  6,1 


Nouvelle  York.  Inftrutftions ,  qu’il 
reçoit  de  M.  de  Frontenac.  Il  fait  plu¬ 
sieurs  prifes  ,  ôc  retourne  en  France, 

548. 

La  Caille  ,  Sergent  en  Floride.  Les 
Mutins  de  la  Caroline  en  veulent  à  fa 
vie  j  &  il  fe  fauve,  50.  Il  eft  envoyé 
au  Gouverneur  de  San  Matheo  pour 
capituler  ,  84. 

Callieres.  Le  Chevalier  de  Callieres 
eft  nommé  Gouverneur  de  Montreal, 
494.  Il  conduit  un  Convoi  a  Cataro- 
couy ,  529.  Son  projet  pour  la  con¬ 
quête  de  la  Nouvelle  York  ,  541.  & 
fuiv.  Le  Gouvernement  de  cette  Pro¬ 
vince  lui  efl;  deftiné  ,  54 6.  Eloge  du 
plan  ,  qu’il  avoit  donné  pour  cette 
conquête,  $-47.  Il  arrive  à  Montreal, 
&  en  quel  état  il  trouve  fon  Gouver¬ 
nement  ,  549-50.  Il  propofe  un  nou¬ 
veau  plan  pour  la  conquête  de  la  N. 
Y 01  k ,  553.  Ce  plan  eft  trouvé  bon  , 
&  pourquoi  on  ne  l’exécute  point  , 
Çf4.  Il  rire  par  fes  bonnes  maniérés 
le  fecret  des  Députés  Iroquois,  563- 
64.  Il  les  envoie  au  Comte  de  Fron¬ 
tenac  ,  565-. 

Calos ,  Cacique  Floridien  ;  fes  ri- 
cheiïes  &  fa  cruauté  ,  53. 

Camceaux  ,  Port  de  l’Acadie;  fa  fi- 
tuation  &  fa  defcription  ,  izo.  La 
Compagnie  des  Indes  Occidentales 
le  concède  par  furprife  ,  au  préjudi¬ 
ce  de  M.  Denys ,415.  Elle  cafte  &  an- 
nulle  fa  conceftion ,  416.  Il  eft  pillé 
par  les  Anglois ,  y  38. 

Canada .  Origine  de  ce  nom,  félon 
quelques-uns  ,  9.  Son  étendue  ,  1 1. 
Quand  il  fut  nommé  Nouvelle  Fran¬ 
ce  ,  149.  Les  Anglois  s’en  rendent  les 
Maîtres,  169.  On  délibéré  dans  le 
Confeil  du  Rov  lion  en  follicitera  la 
reftitution  ,  173-74.  En  quel  état  il 
étoit,  lorfqu’il  fut  rendu  à  la  France, 
17 6.  Pourquoi  il  y  a  plus  de  Noblef- 
fe  Françoifé  en  Canada,  que  dans  les 
autres  Colonies .  399.  Projet  des  Iro¬ 
quois  pour  ch  aller  les  François  de 
îout  le  Canada  ,  5^0. 

Canadiens.  François  nés  en  Canada. 


Ils  (ont  peu  proceftîfs,  quoique  Nor¬ 
mands  d’origine  pour  la  plupart.  Leur 
bonne  foi ,  371.  Leur  vertu  fait  im- 
prelîion  fur  ceux  ,  qui  arrivent  de 
France,  389.  Leur  génie  ;  leur  peu  de 
précaution  ,  497.11s  fe  battent  fort 
bien  à  la  journée  de  Tfonnonthouan, 
517.  Eloge ,  qu’en  fait  M.  de  Dénon- 
ville  ,  52t. 

Canibas  ,  Sauvages  du  Canada.  Ce 
font  les  vrais  Abénaquis.  Voyez  ce 
mot. 

Canibequi ,  vulgairement  Kinibequi. 
Voyez  ce  mot. 

Cap  Breton  ,  Ifle.  Aujourd’hui  IJle 
Royale.  Voyez  ce  nom. 

Cap  François  ,  découvert  &  ainft 
nommé  par  M.  de  Ribaut;  fa  fitua- 
tion  ,  25.  Son  incommodité  ,  38. 

Cap  de  Sables  ,  en  Acadie.  Ce  qui 
s’ypafte  entre  MM.  de  la  Tour,Pere 
&  Fils ,  408.  &  fuiv. 

Capucins.  Les  PP.  Capucins  établis 
dans  le  Pays  des  Abénaquis  ,  fouhait- 
tent  que  les  Jefuites  faftènt  des  Mif- 
(ions  parmi  ces  Sauvages ,  &  reçoi¬ 
vent  bien  le  P.  Dreuillettes  ,  280. 

Car.  Le  Chevalier  Robert  Car ,  An- 
gîois  ,  s’empare  du  Fort  d’Orange  , 

,  .  .  r4$- 

Carheil.  Le  P.  Etienne  de  Carheil, 

Jefuite  ,  eft  conduit  aux  Iroquois  pac 
Garakonthié,  398.  Soncaradftere.  Ef- 
time  ,  où  il  eft  en  Canada.  Fait  peu 
de  fruit  dans  le  Canton  de  Goyo- 
gouin,  403.  Sa  Lettre  au  Comte  de 
Frontenac  fur  ce  qui  a  engagé  nos 
Alliés  à  traiter  avec  les  Tlonnon- 
thouans,  568.  &  fuiv. 

Car ignan-S altérés  ,  Régiment  Fran¬ 
çois  ,  qui  ,  au  retour  de  Hongrie  ,  eft 
envoie  en  Canada  ,  pour  faire  la  guer¬ 
re  aux  Iroquois  ,  80-8  x .  Prefque  tous 
les  Soldats  ,  &  plufieurs  Officiers  s’é- 
rabliftent  dans  le  Pays  ,  399. 

Caroline ,  Forterefte  bâtie  dans  la 
Floride  par  M.de  Laudonniere.  Sa  fi- 
tuation  ;  fa  defcription  ;  erreur  des 
Hiftoriens  3c  des  Géographes  à  cefu- 
jet  ,  39.  En  quel  état  ies  Efpagnolsia 

HH  h  h  ij 


611  „ ,  •  TAB 
trouvèrent  ,  quand  ils  la pruent  ,  77. 

78.  Ils  lui  donnent  le  nom  de  San 

M'atheo 3  81.  Elle  eft  prefqu’emiére- 

ment  confuméepar  les  flammes ,  82. 

Voyez  San  Jffatbeo. 

Le  Caron.  Le  P.  Jofeph  le  Caron  , 
Recollet  ,  va  chercher  les  Hurons, 
153.  Ses  occupations  dans  ce  Pays.  U 
retourne  en  France  ,  155.  Il  retourne 
chez  les  Hurons  ,  158. 

Carreau.  Gentilhomme  Gafcon  , 
qui  périt  dans  l’Expédition  du  Che¬ 
valier  de  Gourgues  en  Floride  ,  105. 

Cartier  (  Jacques  )  Pilote  Maloin  , 
eft  préFenté  au  Roy  François  I.  pour 
continuer  les  découvertes  de  l’Ame- 
rique.  Son  premier  voyage  ,  8.  9.  Ce 
qu’il  dit  de  Terre-Neuve,  9.  Il  prend 
pofleflion  des  environs  du  Golphe  du 
Canada  ,  retourne  en  France  ,  8c  en 
part  l’année  Clivante  pour  continuer 
Les  découvertes  •,  avec  quelle  piete  il 
le  prépare  à  ce  voyage  ,9.  Ses  nouvel¬ 
les  découvertes  ,  10.  &  fuiv.  Pour¬ 
quoi  il  donne  au  Golphe  du.  Canada 
le  nom  de  S.  Laurent ,  1  o.  Riviere  de 
Jacques  Cartier  ,11.  On  veut  le  dé¬ 
tourner  d’aller  à  Hochelaga.  Il  y  va  , 
comment  il  y  eft;  reçu.  Les  Sauvages 
s’adreflent  à  lui  pour  être  guéris  de 
leurs  maladies:  Fa  pieté  8c  la  foi,  12. 
Il  eft  attaqué  du  Scorbut,  &  comment 
il  en  guérit:  à  quoi  il  l’attribue,  1 4. 
Ce  qu’il  dit  du  Canada  au  Roy  à.  Fon 
retour  en  France ,  14.  Pourquoi  fes 
Mémoires  ne  Font  pas  d’une  grande 
utilité,  15.  U  raconte  beaucoup  de 
choFes  merveilleuFes  du  Canada,  ibid. 
Il  accompagne  M.  de  Roberval  en 
Canada.  Ce  Gentilhomme  lui  donne 
le  Commandement  de  Fon  Fort.  Il 
l’abandonne  ,  8c  pourquoi  ?  Il  y  re¬ 
tourne  ,  ll- 

Café  neuve.  M.  de  Cafeneuve,  Lieu¬ 
tenant  du  Chevalier  de  Gourgues  en 
Floride,  merles  EFpagnols  entre  deux 
feux  ,  100.  Il  en  taille  une  partie  en 
pièces,  101. 

Caftaneda.  François  de  Caftaneda, 
Capitaine  des  Gardes  de  Dom  Pedro 


LE 

Menendez  dans  l’Expédition  de  îa 
Floride  ,  82. 

Caflïllon  ,  un  des  premiers  Mem¬ 
bres  de  la  Compagnie  des  cent  Aflb- 
ciés  pour  la  Nouvelle  France  ,  16 1. 

Catarocouy.  Situation  &  defcription 
de  ce  lieu.  V.  le  Journal.  M .  de  Cour- 
celles  projette  d’y  bâiir  un  Fort  >  8c 
pourquoi  1  443-  Il  eft  bâti  par  M.  de 
Frontenac, 444.  M.  delà  Saleoftrede 
le  fortifier  ,  8c  pourquoi  ’  456.  il  en 
obtient  le  Domaine  8c  le  Gouverne¬ 
ment  *,  à  quelles  conditions ,  457.  Il 
y  fait  travailler,  458.  Defleindes  I10- 
quois  Fur  ce  Fort  ;  M.  de  la  Barre  s’en 
fai  fit ,  485.  Il  eft  reftitué  à  M.  cie  la 
Sale,  496.  Projet  d’une  Aflembléedes 
cinq  Cantons  Iroquois  dans  ce  Fort , 

5  04.  Leurs  Chefs  y  Font  arretés ,  $oy. 
Les  Onnontagués  s’en  approchent  , 

6  font  des  PriFonniers  ,  52  y.  Il  eft 

afliégé  par  les  Iroquois,  qui  y  brillent 
le  foin  ,  &  tuent  les  Beftiaux.  Lefié- 
ge  eft  levé  ,  528.  Il  eft  ruiné  par  or¬ 
dre  de  M.  de  Dénonville  ,  551.  Les 
iroquois  s’en  plaignent ,  y6 4. 

Catherine.  La  bonne  Catherine  , 
voyez  Tegabkpuita. 

Cendre  chaude.  Nom  d’un  Capitaine 
Agnier.  Il  eft  tué  au  combat  contre 
les  TFonnonthouans.  Il  avoit  été  un 
des  Bourreaux  du  Pere  de  Brebeuf. 
Comment ,  après  fa  converfion,  il  re¬ 
para  fon  crime  ,  y  16. 

Cbabanel.  Le  P.  Noël  Chabanel  , 
Jefuire ,  pourquoi  on  lui  ordonne  de 
fortir  de  la  Bourgade ^Huronne  de  S. 
Jean,  297.  Il  diFparoît;  conjedures 
fur  fa  mort  ,  298. 

Chabot.  Philippe  Chabot  ,  Amiral 
de  France  ,  engage  François  I.  à  faire 
continuer  les  découvertes  dans  l’A- 
merique  ,  8c  lui  préfente  Jacques 
Cartier ,  8. 

Cbagouamigon ,  ou  S.  ALichel  ,  Ifle 
du  Lac  Supérieur  ;  fa  fituation.  Le  P. 
Mefnard  y  eft  appellé  par  des  Hu¬ 
rons  ,  357.  Grand  concours  de  Sau¬ 
vages  à  cette  ifle  ,  8c  ce  qu’y  fait  le  P. 
Allouez  >  &  fttiv. 


DES  MATIERES. 


La  Chaife.  Le  P.  François  de  la  Chai- 
fe,  Confeffeur  du  Roy  ,  eft  nommé 
par  Sa  majefté  pour  juger  (i  on  doit 
permettre  la  Traite  de  l’Eau  -  de- vie 
avec  les  Sauvages.  Son  fentiment,  4  y  y. 

Cnaimt ,  Officier  François  tué  par 
les  Agniers ,  384. 

Cbambly.  M.  de  Chambly ,  Capitai¬ 
ne  dans  Carignan  -  Salières  fait  b⬠
tir  un  Fort,  qui  eft  aujoud’hui  une 
Place  forte,  &  porte  fon  nom  ,  38  t. 
Utilité  de  ce  Fort,  3  Sa.  M.  de  Cham¬ 
bly  eft  nommé  Commandant  de  l’A¬ 
cadie.  Il  eft  affiégé  dans  Pentagoct  , 
8c  fes  Gens  le  voyant  bleffé  ,  fe  ren¬ 
dent  s  450,  Il  eft  nommé  Gouverneut 
delà  même  Province,  462.  Il  pâlie 
ait  Gouvernement  dô  la  Grenade  , 
463.  Le  Fort  de  Chatfibiy  eft  aftîegé 
par  les  Agniers  ,  qui  y  font  beaucoup 
de  dégât,  8c  font  repoulfés  ,  523-24. 

Cbampigny.  M.  de  Champigny  No- 
roy  ,  Intendant  de  la  Nouvelle  Fran¬ 
ce  ;  fon  éloge  ,  faprevoïance  ,  il  pré¬ 
cédé  l’Armée  de  M.  de  Dénonville  â 
Catarocouy  ,  y  14.  Ses  raifons  pour 
évacuer  ce  Fort  8c  le  ruiner ,  y  yo- y  2. 

Cbampflours.  M.  de  Champflours  3 
Gouverneur  des  Trois  Rivières  3  les 
Iroquois  lui  font  des  propofitions  de 
paix ,  22  y.  Avis  ,  qu’il  donne  à  M.  de 
Montmagni  ,  261,  Il  affifte  à  l’Au¬ 
dience  publique  donnée  aux  Ambaf- 
fadeurs Iroquois  ,  263. 

Chdjnplain  (  Samuel  de  )  Capitaine 
de  VailTèau  ,  fe  trompe  en  difant  que 
Cartier  dégoûta  François  I.  du  Cana¬ 
da,  14.  Son  premier  voyage  en  Ca¬ 
nada,  1  ;  i.Son  fentiment  furlesbor- 
nes  de  l’Acadie ,  113.  Il  prend  pof- 
feffion  au  nom  du  Roy  du  Cap  Ma- 
lebarre  ,  8c  du  Cap  Codd  ,  1 1 6.  Il  con¬ 
tinué  fes  découvertes  ,119.  Il  va  faire 
la  Traite  dans  le  Fleuve  S.  Laurent , 
120.  Ii  fonde  la  Ville  de  Quebec  , 

1  21.  Ii  juftifie  les  Jefuites  au  1  u jet  du 
Traité  de  MJe  de  Guerchevilie  avec 
M.  de  Biencourt,  123.  Il  tente  inu¬ 
tilement  de  faire  entrer  cette  Dame 
en  Traité  avecM,  de  Monts ,  152, 


6 13 

Il  retourne  à  Quebec ,  8c  en  quel  état 
il  trouve  cette  Ville,  141.  Raifons, 
qui  le  portoient  à  marcher  avec  fes 
Alliés  contre  les  Iroquois,  142-43. 
Sa  première  Expédition  contre  ces 
Sauvages.  Il  découvre  un  Lac,  8c  lui 
donne  fon  nom  ,  144.  Succès  de  fon 
Expédition  ,  148.  Il  retourne  en  Fran¬ 
ce  ,  &  revient  à  Quebec  ,  149.  Sa  fé¬ 
condé  Expédition  contre  les  Iroquois. 
Il  eft  bleflé,  1 50.  Il  conduit  en  Fran¬ 
ce  un  Huron  ,  8c  donne  aux  Hurons 
un  jeune  François ,  pour  lui  rendre 
compte  du  Pays ,  ryt.  Il  engage  le 
Comte  de  Soldons  à  fe  mettre  à  la  tê¬ 
te  des  affaires  de  la  Nouvelle  France. 
Ce  Prince  le  fait  fon  Lieutenant.  Il 
eft  confirmé  dans  cette  Charge  par  le 
Prince  de  Condé  Succeffeur  du  Com¬ 
te.  Il  repafte  en  Canada  ,  y  fait  quel¬ 
ques  cour  fes  ;  il  retourne  en  France  , 
8c  il  conclut  un  Traité  d’Aftociation 
pourle  commerce  ,  152.  Il  conduit 
des  Recollets  en  Canada ,  8c  s’enga¬ 
ge  mal -à  propos  dans  une  troifiéme 
Expédition  contre  les  Iroquois,  153. 
Il  y  eft  bleffé  ,  8c  contraint  de  faire 
retraite.  Il  ne  peut  obtenir  des  Hu- 
rons  un  Guide  ,  &  il  eft  obligé  d’hy- 
verner  chez  eux.  Il  paffe  en  Fran¬ 
ce  3  il  diffipe  une  confpiration  des 
Sauvages  contre  les  François.  Son 
courage  â  foûtenir  la  Colonie  malgré 
les  plus  grands  contretems,  186.  Il 
mene  fa  Famille  à  Quebec  ,  157.  Sa 
fermeté.  Il  reçoit  des  Lettres  du  Roy 
Louis  XIII.  très- obligeantes.  Il  eft 
averti  que  les  Hurons  ont  de  mau¬ 
vais  deftèins  3  8c  il  leur  envoie  des 
Recollets  ,158.  Il  fait  bâtir  de  pier¬ 
res  le  Fort  de  Quebec  ,  8c  reconduit 
fa  Famille  en  France  ,  159.  En  quel 
état  il  trouve  Quebec  â  fon  retour , 
161.  Il  entre  dans  la  Compagnie  de 
la  Nouvelle  France,  16 y.  11  eft  fom- 
mé  par  les  Anglois  de  leur  rendre 
Quebec  3  fa  réponfe  ,  166.  Extrémité, 
où  il  eft  réduit  par  la  famine  ,  167. 
Il  fe  rend  aux  Anglois  3  à  quelles 
conditions,  169.  Confeil ,  qu’il  don- 


TABLE 


ne  aux  Habitans  :  il  pave  pour  Ta- 
cîouiïac  ,  &  ce  qui  lui  arrive  dans  le 
voïage  ,  170-71.  Il  tache  de  rega¬ 
gner  à  Dieu  St  au  Roy  un  Apoftat  St 
un  Transfuge,  171.  Ce  qu'il  dit  dans 
fes  Mémoires  des  Compagnies.  U  dé¬ 
termine  le  Roy  à  fe  faire  reftituer  le 
Canada,  173.  Ii  eft  nomme  Gouver¬ 
neur  Général  de  la  Nouvelle  Fiance, 
St  y  conduit  une  Efcadre.  Ses  vues 
fur  la  Nation  &  furie  Pais  des  FI  ti¬ 
rons  ,  178.  18 1.  Sa  conduire  a  1  e- 
gard  des  Hurons  ,  qui  refufoient  de 
mener  chez  eux  deux  Millionnaires  , 
181.  Pourquoi  il  fouhaitoit  levoiage 
de  ces  Peres ,  i8f.  Sa  mort  Sc  fon 
éloge  ,  197-98.  Voiez  la  Lifte  Sc  l  E- 
xamen  des  Auteurs. 

Champ  lain  ,  Paroilfe  du  Canada. 
Mines  de  fer ,  391* 

Chaouanons .  Sauvages,  Voifins  des 
Iroquois ,  par  qui  ils  font  prefqu  en¬ 
tièrement  détruits  >  443* 

Chapeau  Rouge ,  Pofte  de  Fille  de 
Terre-Neuve  :  d’où  lui  vient  ce  nom, 

410. 

Chapitre.  Création  du  Chapitre  de 
Quebec  :  fes  revenus  -,  de  qui  il  eft 
compofé.  Qui  nomme  aux  Bénéfices , 

341, 

Charbon  de  Terre.  Mines  de  Char¬ 
bon  de  Terre  en  Acadie  ,  114- 

Charles  IX.  Roy  de  France,  approu¬ 
ve  l’Etabliftement  des  François  au 
Brefil  )  2. 3 . 1 1  donne  aufti  fon  confen- 
tement  pour  celui  de  la  Floride  :  il 
paroi t  ravi  qu’on  n’y  envoie  que  des 
Huguenots,  &  pourquoi  ,  2.4. On  le 
prévient  contre  M.  de  Laudonniere  3 
St  il  envoie  un  grand  Convoi  en  Flo¬ 
ride  ,  60.  Il  reçoit  mal  le  Chevalier 
de  Gourgues  de  retour  de  fon  Expédi¬ 
tion  en  Floride  -,  St  peu  de  tems  après 
il  lui  rend  fes  bonnes  grâces  ,  10^. 

Charles  IL  Roy  d’Angleterre  fe 
faifir  de  la  Nouvelle  Belgique  ,  375. 
Il  dé  fa  voué  la  furprife  du  Fort  Bour¬ 
bon  ,  St  n’a  pas  le  crédit  de  le  faire 
reftituer  à  la  France,  > 

Charlefort.  Forterelfe  bâtie  dans  la 


Floride  par  M.  de  Ribaut  :  fa  fitua- 
tion  ,  26.  Elle  eft  abandonnée  St  dé¬ 
truite  ,  34.  Pourquoi  M,  de  Laudon¬ 
niere  ne  la  rétablir  point  ,  38. 

Charlejlon.  Fort  bâti  dans  la  Baye 
d’Hudfon  par  les  Anglois  ;  fa  fitua- 
tion  ,  _  519 

Charnifé.  M.  d’Aunai  de  Charnifé 
entre  dans  les  droits  du  Comman¬ 
deur  de  Razilly  en  Acadie.  Il  attaque 
le  Fort  de  la  Riviere  de  S.  Jean  pen¬ 
dant  l’abfence  de  M.  de  la  Tour,  à  qui 
il  appartenoit.  Aébion  indigne  ,  qu’iî 
commet  en  cette  occafion  ,  411-12. 
Qui  lui  fuccéde  après  fa  mort ,  412. 

Chafy.  M.  de  Chafy  ;  Neveu  du 
Marquis  de  Tracy,  eft  tué  par  les  Ag- 
niers.  Celui  ,  qui  l’avoir  tué  >  s’en 
van  te  en  préfencedece  Vice- Roy,  qui 
le  fait  étrangler ,  284. 

Châtelain.  Le  P . Châtelain  , 

Jefuire,  vifue  plufîeurs  Nations  Sau¬ 
vages  ,  2.02. 

Chatte.  Le  Commandeur  de  Chat¬ 
te  ,  Gouverneur  de  Dieppe  ,  fuccéde 
à  la  Commifîion  &  aux  Privilèges  de 
M.  Chauvin  dans  le  Canada  ;  il  en¬ 
gage  M.  de  Champlain  à  y  palier.  Sa 

mort,  1 1 1* 

Chavin.  Pierre  Chavin  eft  1  aillé  Com¬ 
mandant  à  Quebec  par  M.  de  Cham¬ 
plain  ,  149* 

Cbaumonot .  Le  P.  Jofeph  Chaumo- 
not,  Jefuire  ,  prêche  l’Evangile  à  la 
Nation  Neutre  ,  243.  Il  eft  député 
par  le  Gouverneur  Général  àOnnon- 
tagué  ,  y  eft  bien  reçu,&  y  fait  quel¬ 
ques  converfïons  ,  320.  Son  difeours 
dans  une  Affemblée  de  ce  Canton  » 
321  ,  329.  Il  vifue leCanton de Tfon- 
nonthouan  ,  &ce  qu'il  y  trouve,  3  34. 
Il  donne  naiftance  à  la  Million  Hti- 
ronne  de  Lorette  ,  _  438. 

Chaumont.  Le  Chevalier  de  Chau¬ 
mont  accompagne  M.  de  Tracy  dans 
l’Expédition  contre  les  Agniers. 

Chauvin.  M.  Chauvin,  Capitaine  de 
V aideaux  fuccéde  au  Marquis  de  la 
Roche  dans  fa  Commifîion  &  fon 
Privilège  en  Canada,  Il  y  envoie  des 


D  E  S  M  A 

Vaiffeaux  j  100.  Sa  mort  -,  fautes,  qu'il 
fit ,  i  io.  X  1 1 . 

Chedabouêtau.  Port  de  l’Acadie,  Ce 
qui  s’y  parte  entre  M„  Denys  ,  ôc  un 
nommé  la  Giraudiere ,  415-16.  Ce 
Porte  eft  pillé  par  les  Anglois,  538. 
îl  eft  aftigné  pour  le  rendez-vous  des 
Vaiffeaux  deftinés  à  l’Expédition  de 
la  Nouvelle  York  j  547. 

Cbedotcl  ,  Pilote  du  Marquis  de  la 
Roche  ,  109.  Le  Roy  Henry  IV.  l’o¬ 
blige  à  aller  chercher  des  François, 
que  M.  de  la  Roche  avoit  laillés  à 
Pille  de  Sable,  110. 

Du  Cbefne  ,  un  des  premiers  Mem¬ 
bres  de  la  Compagnie  des  cent  Afto- 
ciés  ,  161. 

Du  Chefneau .  M.  du  Chefneau  (Re¬ 
cède  à  M.  Talon  dans  l’Intendance 
de  la  Nouvelle  France,  Il  accorde  aux 
Iroquois  Chrétiens  le  SaultS.  Louis, 
452.  Ses  démêlés  avec  M.  de  Fron¬ 
tenac  ;  Lettre  ,  que  le  Roy  lui  écrit 
fur  cela  ,  453.  M.  Colbert  lui  repro¬ 
che  de  n’agir  pas  en  Intendant  à  l’oc- 
cafion  de  la  Traite  de  l’Eau-de-vie  , 
454-55.Il  eft  rappelle.  Letort,  qu’il 
eut  dans  Tes  démêlés  avec  M.  de 
Frontenac  ,  465.  Confeil ,  qu’il  don¬ 
ne  à  ce  Général ,  468. 

Cbefvres.  lfle  aux  Chefvres  ;  fa  fi- 
tuation  ,  117. 

Cbicagou ,  Village  des  Miamis  ;  fa 
fituation;  ce  qui  y  arrive  à  Nicolas 
Perrot  ,  457. 

Chine.  Quartier  de  la  Chine  ,  Pa- 
roirte  de  l’ifle  de  Montreal  ;  fa  fitua- 
rion.  Les  Iroquois  y  font  unedefeen- 
te  pendant  la  nuit  ;  cruautés  ,  qu’ils 
y  exercent  ,  549. 

Cbouard  ,  Fils  de  Des  Grofeilliers, 
s’il  traite  avec  les  Anglois  ,  ou  non  , 
au  fujet  de  la  Baye  d'Hudfon,  481. 
Il  part  de  cette  Baye  fur  un  Navire 
Anglois  ,  n’ayant  pas  encore  pu  fe 
tirer  de  leurs  mains,  556. 

Le  Clercq.  Le  P.  Chrétien  le  Clercq, 
Recollet.  Son  erreur  au  fujet  des  Gal- 
pefiens  ^  qu’il  appelle  Porte-Croix , 
122-23.  Voïez  la  Lifte  ôc  l’Examen 


ï  E  R  E  S.  61 5 

des  Auteurs. 

Codd.  Cap  Codd  ,  ou  Cap  Blanc  \  fa 
fituation.  M.  de  Champlain  en  prend 
portdîion  au  nom  de  la  France  3  les 
Anglois  s’y  établilfent ,  né.  Voïez 
Bojlon. 

Colbert .  M.  Colbert  Miniftre  d’E¬ 
tat  :  Mémoire,  que  lui  adrefteM.  Ta¬ 
lon  ,  382-85.  Ses  vues  touchant  l’ar¬ 
rangement  des  Habitations  Françoi- 
fes ,  387.  Il  fe  prévient  contre  les  Je- 
fuites,  qui  refufoient  de  francifer  les 
Sauvages  5  il  eft  défabufé  ,  ôc  fes  fen- 
timensà  leur  égard,  390.  Ce  qu’il 
mande  à  M.  de  Courcelles ,  au  fujet 
de  M.  de  Bouterouë  ,  406.  Il  envoie 
un  Commiftàireen  Acadie  pour  s’in- 
ftruire  de  l’état  de  cette  Province  , 
417.  Il  accepte  l’offre  de  M.  Talon 
de  s’y  tranfporter  lui-même.  Propo- 
fitions ,  que  lui  frit  faire  le  Chevalier 
Temple  ,  ôc  ce  qu’il  y  répond  ,  450. 
Ce  qu’il  mande  à  M.  du  Chefneau 
touchant  la  Traire  d’Eau-de-vie,  que 
cet  Intendant  ne  vouloit  pas  permet¬ 
tre  ,  454.  Il  en  revient  à  fon  avis  , 
455,  Sa  mort  j  fon  Succeftèur  au  dé¬ 
partement  de  la  Marine  ,  457.  Pour¬ 
quoi  il  avoit  fermé  les  yeux  fur  les 
Entreprifes  des  Anglois  dans  la  Baye 
d’Hudfon,  47  7. 

Colignt.  L’Amiral  de  Coligni  veut 
établir  une  Colonie  de  Huguenots  au 
Brefil  ;  à  quel  deffein  ,  &  ce  qu’elle 
devint,  22,  2  3.  Il  tourne  fes  vues  du 
côté  de  la  Floride,  23.  Il  y  envoie  un 
nouveau  Convoi,  35.  Il  eft  prévenu 
mal-à-propos  contre  M.  de  Laudon- 
niere  ,  60.  .11  l’invite  à  repaffer  en 
France,  61. 

College.  Qui  eft  le  Fondateur  du 
College  de  Quebec ,  ôc  en  quel  rems 
il  fut  fondé  s  197, 

Collier.  M.  Collier,  Affocié  de  M. 
de  Monts,  149. 

La  Colombiere.  M.  de  la  Colombie- 
re.  Grand  Archidiacre,  Grand  Vi¬ 
caire  ,  ôc  Confeiller  Clerc  auConfeii 
Supérieur  de  la  Nouvelle  France  ,  eft 
guéri  par  l’interceflion  de  Catherine 


«.<5  .  T  A  » 

T  cSi^Soûrce  delà  Colonie  Fran- 
coife  du  Canada  plus  pure,  que  celle 
des  autres ,  205.  Colonie  Françoife  a 
Onnontagué  ,32.3*  &  fûv.  Exttemi- 
té  ,  où  eft  réduite  la  Colonie  du  Ca¬ 
nada  ,  347-  On  y  établit  une  Juftice 
réglée  ,  370.  Attention  de  la  Cour  au 
choix  des  Colons ,  jbo.  Elle  eft  aug¬ 
mentée  de  plus  de  moitié  ,381.  399* 
On  commence  à  fe  relâcher  fur  le 
choix  des  Colons ,  42  J*  Elle  eft  toute 
en  trouble  ;  par  la  faute  de  qui  ?  4Î 1  • 
Confufion,  où  elle  fe  trouve  de  nou¬ 
veau  ,  recenlement  fait  de  fes,  Fiabi- 
tans  en  1679.  4 G6.  En  quel  état  M. 
deDénonville  la  trouva, 497.  Désor¬ 
dres  ,  qu’il  y  remarqua  ,  532.»  à"  fuiv. 
En  quel  état  elle  étoit  en  168S.  3  39. 
Confternation  ,  où  elle  eft,  541  •  A 
quoi  le  Roy  fon  Miniftre  attribuent 
le  danger ,  où  elle  eft  -,  561, 

Commerce.  La  liberté  de  commerce 
publiée  en  Canada,  591.  Le  commer¬ 
ce  permis  aux  Gentilshommes.  Qui 
le  fait  tomber  ,  S  39* 

Compagnie  de  M.de  Monts.  Elle  ne 
fait  rien  pour  l’Etablilfement  du  Ca¬ 
nada,  2j* 

Compagnie  des  Cent  Affectes  3  dite  de 

la  Nouvelle  France  \  fon  plan  ,  fes  pri¬ 
vilèges  ;  concédions ,  que  lui  fait  le 
Roy  Louis  XIII.  161.  &  fuiv.  Ce  que 
Champlain  dit  des  Compagnies  en 
général  ,175.  Celle-ci  rentre  en  pof» 
feflion  du  Canada  ,  &  y  envoyé  une 
Flotte:  elle  ne  veut  pas  permettre  aux 
PP. Recollets  d’y  retourner,  &  pour¬ 
quoi  ?  178-79*  Elle  néglige  le  Cana¬ 
da  ,  200.  209.  22 6.  Elle  juftifie  jui  1- 
diquement  les  Jefuites  du  Canada  des 
calomnies ,  qu’on  rgpandoit  con- 
tr’eux,  2j6-î7*  Elle  continue  a  négli¬ 
ger  le  Canada,  350.  Elle  remet  au 
Roy  le  Domaine  du  Canada,  370- 
77.  Elle  avoit  déjà  abandonné  le  com¬ 
merce  des  Pelleteries  aux  Habitans , 
&  à  quelle  condition  ?  37 9* 

Compagnie  des  Indes  Occidentales .  Le 
Roy  Louis  XI Y.  comprend  la  Nou- 


L  E 

velle  France  dans  la  conceflion  ,  qu’il 
lui  avo/'t  faite  des  Colonies  Françoifes 
de  l’Amerique  ,  379.  M.  de  Tracy 
l’en  met  en  poffeftîon  ,  &  elle  ne  fait 
pas  mieux  les  affaires  du  Canada  , 
que  la  précédente,  388.  Elle  eft  fur- 
pnfe  par  le  Sieur  de  la  Giraudie- 
re  >  ôc  annulle  ce  qu’elle  avoit  fait  en 
fa  faveur  au  préjudice  de  M.  Denys , 
4,  6.  Elle  eft  caufe  que  la  meilleure 
partie  du  commerce  des  Pelleteries 
paffe  aux  Anglois  ,  ,  .  ^  466. 

Compagnie  du  Nord ,  établie  a  Que- 
bec  ;  elle  entreprend  de  chaffer  les 
Anglois  de  la  Baye  d’Hudfon  ,  47^* 
Elle  reçoit  mal  Des  Grofeillers  Sc  Ra^ 
diffon  ,  qui  yavoient  fait  un  Etablif- 
fement  peur  elle  ,  483*  Elle  s  offre  a 
fe  charger  du  Fort  de  Niagara  ,  &  a 
quelles  conditions ,  499'  obtient 

des  Troupes  pour  chaffer  les  Anglois 
des  Forts  du  fond  de  la  Baye  d  Hud- 
fon  ,  &  ils  le  font  en  effet ,  30 j.  & 

fuiv .  . 

Compagnie  des  Pêches  fedentaires.  Elle 
s’oppofe  au  rétabliffement  des  Jefui¬ 
tes  dans  leurs  Millions  des  Abena- 
quis.  M.  de  Denonville  les  y  lait  re¬ 
tourner  ,  Si1- 

Compagnie  de  Londres  pour  la  Baye 
d’FIudfon.  Elle  donne  ordre  de  pro¬ 
clamer  le  Prince  &  la  Princeffe  d  O- 

range  Roy  &  Reine  d’Angleterre  dans 

cette  Baye  ,  qu’elle  prétend  apparte¬ 
nir  toute  entière  à  la  Couronne  de  la 
Grande  Bretagne, 

Condé.  Le  Prince  de  Conde  eft  dé¬ 
claré  Vice-Roy  de  la  Nouvelle  Fran¬ 
ce  ,  1 52.  Il  fait  peu  pour  cette  Colo¬ 
nie  ,  &  pourquoi?  156.  Il  vend  fa 
Charge  au  Duc  de  Montmorenci,  fon 
Beau-Frere ,  I57* 

Congrégation.  Filles  de  la  Congré¬ 
gation  ,*  par  qui  inftituees ,  3 1 3  •  Ser¬ 
vices  ,  qu’elles  rendent  a  la  Colonie. 
On  leur  défend  de  fe  cloîtrer ,  &  de 
faire  même  des  Vœux  (impies ,  343- 

44. 

Confeil.  Quel  fut  d’abord  le  Confeil 
de  la  Nouvelle  France,  Etabîiffement 

du 


DES  MA 

du  Coftfeü  Supérieur,  371.  &  fuiv. 
Brouilleries  au  fujec  de  la  Préfidence 
dans  ce  Confeil.  Ordonnance  du  Roy 
à  ce  fujet ,  _  453-54. 

Conti.  Le  Prince  de  Conti  favorife 
2vl.  de  la  Sale  ,  8c  lui  donne  le  Che¬ 
valier  de  Tonri  y  4^7. 

Corlar  ,  Bourgade  de  la  Nouvelle 
York.  Les  Sauvages  donnent  ce  nom 
nu  Gouverneur  de  la  Nouvelle  York , 
143.  M.  de  Courcelles  engage  le  Gou¬ 
verneur  de  Corlar  à  ne  point  fecou- 
ffir  les  Agniers  contre  nous ,  385.  La 
nouvelle  de  la  perte  de  cette  Place 
par  les  François  le  fait  prendre  à  M. 
de  Frontenac  fur  le  haut  ton  avec  les 
Iroquois  ,  $66. 

Cor  ter  edi.  Gafpard  de  Cortereal  , 
Gentilhomme  Portugais  ;  fes  décou- 
vertesauNord  del’Amerique.  Ceque 
lui  8c  fon  Frere  devinrent,  3.  4. 

Cojfet ,  Capitaine ,  commandant  les 
quatre  Navires  de  M.  de  Ribaut  ;  fa 
manœuvre  ,  quand  il  eft  attaqué  par 
les  Efpagnols ,  65.  Ildonneavis  de  ce 
qui  fe  pâlie  à  M.  de  Ribaut ,  70. 

Cotton .  Le  P.  Pierre  Cotton  ,  Je- 
fuite  ,  Confelîèur  de  Henry  I  V.  Ses 
diligences  pour  faire  partir  les  Mil¬ 
lionnaires  deftinés à  l’Acadie,  12.1- 
21.  Le  P.  d’Orléans  le  blâme  d’avoir 
laiffé  trop  faire  à  Madame  de  Guer- 
cheville,  8c  Champlain  le  juftifie , 
113.  Celui  -  ci  le  blâme  à  fon  tour 
d’avoir  empêché  cette  Dame  de  trai¬ 
ter  avec  M.  de  Monts  ,  189. 

Courant  &  Marées.  Remarques  fur 
ce  qu’on  voit  dans  les  Lacs  en  ce 
genre,  440-41. 

Courcelles.  Daniel  de  Remi ,  Sieur 
de  Courcelles  ,  eft  nommé  Gouver¬ 
neur  Général  de  la  Nouvelle  France. 
Ordres  ,  qu’il  reçoit ,  380.  Son  Expé¬ 
dition  contre  les  Agniers;  fon  voya¬ 
ge  a  Corlar  ;  ce  qui  lui  fait  manquer 
fon  coup.  Deux  Chefs  Agniers  lui 
font  accroire  qu’ils  font  députés  vers 
le  Vice-Roy.  Il  commande  l’Avant- 
garde  de  l’Armée  contre  les  Agniers, 
385.  Ses  préjugés  contre  les  Miffion- 
Tome  I, 


T  IE  RE  S.  617 

naires,  398.  Il  obtient  ufi  Jefuite 
pour  les  Tfonnonthouans  ,  402.  Ses 
bonnes  qualités  &  fes  défauts.  Ce 
que  M.  Colbert  lui  en  écrit,  406.  Son 
a&ivité  pour  les  affaires  de  la  guerre  : 
fon  voyage  aux  Iroquois  ;  quel  en  fut 
le  motif  &  le  fuccès  :  il  s’y  altéré  la 
fanté  ,  demande  fon  rappel  en  Fran¬ 
ce  ,  &  pourquoi  j  407.  Ce  qui  l’empê¬ 
che  d’exécuter  le  projet  d’un  chemin 
de  communication  entre  Quebec  8c 

I  Acadie  ,  41 7.  Il  fait  jufhce  dequel- 
ques  François  ,  qui  avoient  affaftîné 
un  Chef  Iroquois,  8c  oblige  tous  les 
Sauvages  à  demeurer  en  paix  ,  426. 

II  tient  Garakonthié  fur  les  Fonts  de 

Baptême,  427.  Il  ne  reçoit  point  le 
fecours  ,  qu’il  attendoit  de  France  ; 
comment  il  fe  foutient  par  l’empire  , 
qu’il  avoir  pris  furies  Sauvages  ;  avec 
quelle  hauteur  il  parle  aux  Tfonnon¬ 
thouans ,  433-34.  Il  ferme  les  yeux 
fur  leur  conduite.  434.  Il  projette 
de  bâtir  un  Fort  àCatarocouy  ,  443. 
Il  fait  goûter  ce  projet  à  fon  Succef- 
feur.  Il  repafFe  en  France.  Son  carac¬ 
tère  ,  444. 

Coureurs  de  Bois.  Leurs  défordr es, 
532-33.  Ils  empêchent  l’Etabliffe- 
ment  de  l’Acadie  ,  $4T. 

Courtemanche.  M.de  Tilly  de  Cou r- 
temanche,  Gentilhomme  Canadien, 
Proprietaire  du  Fort  de  Pontchar- 
train  ,  422. 

Couture.  Guillaume  Couture  ,  Ca¬ 
nadien  ,  accompagne  le  P.  Jogues  à 
Quebec  ,  &  en  part  avec  lui  pour  re¬ 
tourner  aux  Hurons.  Il  eft  attaqué 
par  les  Iroquois  :  il  fe  fauve  d’abord; 
puis  il  en  a  honte,  8c  retourne  pour 
fe  livrer  à  ces  Barbares,  23$.  De 
quelle  maniéré  il  en  eft  traité  :  fa  fer¬ 
veur  &  fa  pieté  ,23 6.  &  fuiv.  Un 
Chef  Iroquois  le  tire  des  mains  de  fes 
Bourreaux  ,  240.  Il  eft  ramené  dans 
la  Colonie  ,  8c  fert  d’interprête  au 
Gouverneur  Général  dans  une  Au¬ 
dience,  que  celui-ci  donne  aux  Iro¬ 
quois.  264. 

Creveccenr.  Fort  de  M.  de  la  Sale 

IIÜ 


<5,8  .  .  TtA 

fur  U  Riviere  des  Illinois  ,  460.  Les 
Icoquois  vont  pont  l’inveftir ,  M.  de 
Tonti  l’abandonne,  4^3* 

Crijiinauz, ,  voyez  IGlliftinons. 

Croifade.  Les  Efpagnols  appellent 
Croifade  leur  Expédition  comte  les 
François  de  la  Floride  ,  6  5,  Les  H  ta¬ 
rons  &  leurs  Alliés  Chrétiens  font  la 
même  chofe  dans  leur  Entreprife  con¬ 
tre  les  Agniers  ,  503-04.  Les  Fran¬ 
çois  marchent  contre  les  Agniers  dans 
le  même  efprit ,  _  3  8.9* 

Cuivre.  Mines  de  cuivre  en  Acadie, 

114.  1 17* 

Cures  &  Cures.  Reglement  fur  ce 
fujet ,  34  o.&fuiv. 

D 

~f~\A  B  LO  N,  un  des  premiers 
Membres  de  la  Compagnie  des 
cent  Aftociés  pour  la  Nouvelle  Fran¬ 
ce  16  u 

Dablon.  Le  P.  Claude  Dablon  Je- 
fuite  ,  eft  député  à  Onnontagué ,  3 20. 
Il  fait  un  Voyage  à  Quebec  pour¬ 
quoi  ?  3 2 3  .Son excurhon  dans leNot d 
par  le  Saguenay  ,  350-51.Il  établit  la 
Million  du  Sault  Sainte  Marie  ,  4°Ç 
Il  parcourt  avec  le  P.  Allouez  le  Pais 
des  Mafcoutins  3  ils  renverfent  une 
Idole,  447.  Réception  ,  qu’on  leur 
fait  ,  448.  On  veut  inutilement  dé¬ 
tourner  leP.  Dablon  de  viliter  les  Ou- 
tagamis.  Il  eftrappellé  à  Quebec,  449. 

Duc  an.  Le  Sieur  Dacan  eft  envoyé 
avec  leP.Hennepin  pour  découvrir 
le  Micilîipi  au  Nord.  Il  eft  retenu 
quelque  tems  Prifonnier  chez  les 
Sioux,  46°’ 

Daillon.  LeP .Jofep de Daillon, Re¬ 
coller,  arrive  à  Quebec  ,  1  59M 1  Palt 
pour  les  Huions  ;  il  eft  oblige  de  Re¬ 
tourner  fur  fespas,  1 60.  Il  preche  1  E- 
vangile  à  la  Nation  Neutre  ,  8c  poui- 
quoi  il  y  fait  peu  de  fruit ,  243. 

Daniel.  Le  P.  Antoine  Daniel  ,  Je- 
fuite,  arrive  chez  les  Hurons,  &  ce 
qu’il  eut  à  fouffrir  de  ces  Sauvages  > 
1 87.  &  fuiv.  il  conduit  au  College  de 


BLE 

Quebec  des  Enfafts  Hurons  pour  les 
y  faire  élever  ,  8c  on  les  lui  enlève  en 
chemin ,  1 99.  En  quel  équipage  il  ar¬ 
rive  à  Quebec  ,  200 .  Il  eft  tue  ptai  les 
Iroquois  ,  &  donne  fa  vie  pour  fou- 
ver  fon  Troupeau  ,  28.4-85. 

Danois.  Un  Vaifteau  Danois  mene 
en  Danemarc  des  Pygmées  du  Nord, 

j  <y. 

Davoft.  LeP.  A mbroifeDavoft,  Je- 
fuite ,  arrive  chez  les  Hurons  :  ce  qu’il 
eut  à  fouffrir  de  ces  Sauvages  >  177. 

&  fuiv.  Sa  mort  ,  >  2.5S» 

Dauphine.  Riviere  Dauphine ,  ou 
des  Dauphins.  Sa  découverte  ;  fa  fi- 
tuation  ,  25.  Les  Sauvages  ,  que  M- 
de  Laudonniere  y  trouve  ,  le  preffenc 
de  s’établir  chez  eux  ,  3 6.  Dom  Pedro 
Menendez  lui  donne  le  nom  d eS.  Au- 
gufiin  ,  67.  Voyez  ce  mot. 

Denys .  Jean  Denys  de  Honfleur 
fait  paroître  la  première  Carte  du 
Fleuve  S.  Laurent  ,  4* 

Denys.  M.  Denys  de  Fronfac ,  Pro¬ 
prietaire  &  Gouverneur  pour  le  Roy 
d’une  partie  de  l’Acadie.  Bornes  , 
qu’il  donne  à  cette  Province  ,  1 1 3.  Ce 
qu’il  dit  de  la  fécondité  de  ce  Pays, 
114.  Son  fentiment  fur  les  Bois  du 
Canada  ,  133.  Entreprifes  8c  hoftili- 
tés  du  Sieur  le  Borgne  contre  lui.  Il 
eft  mis  en  prifon  :  fes  pertes ,  41 2- 13. 
Il  fe  prépare  à  faire  têteaux  Anglois. 
Il  eft  fommé  par  un  Particulier  de 
rendre  le  Fort  de  Chadabouétou  3  fa 
réponfe  ,  415.  La  Compagnie  des  In¬ 
des  déclare  qu’elle  a  été  furprife  par 
un  Particulier ,  8c  lui  rend  juftice.  Un 
incendie  acheva  de  le  ruiner.  Son  élo¬ 
ge  ,416.  Voyez  la  Lifte  8c  l’Examen 
des  Auteurs. 

De'nonville.  Le  Marquis  de  Dénon- 
ville  arrive  à  Quebec  en  qualité  de 
Gouverneur  Général ,  8c  monte  aCa- 
tarocouy ,  496.  En  quel  erat  il  trouve 
la  Colonie ,  8c  ce  qu’il  en  penfe ,  497. 
Il  propofe  de  conftruire  un  Fort  à  N ia- 
gara,  498.  Lettre  ,  qu’il  reçoit  du 
Gouverneur  de  la  Nouvelle  York  , 
499.  Sa  réponfe ,  500.  Il  comprend 


DES  M  A 

la  néceftité  de  réduire  les  Tfonnon¬ 
thouans  par  la  force  :  fes  préparatifs , 
502.  Ce  qu!il  en  écrit  à  M.  de  Seigne- 
lay  ,  503  04.  Il  donneà  la  Compagnie 
du  Noi  d  un  Officier  &  des  Troupes , 
pourchalfer  les  Anglois  du  fond  de  la 
Bayed’Fdudfon,  yoy.  Ses  reprefenta- 
tions  au  Roy  au  fujet  d’un  Traité 
d’accommodement ,  propofé  entre  les 
Anglois  &  les  François  pour-la  Baye 
d’Hudfon.  Ordre  ,  qu’il  reçoit  de  Sa 
Majefté ,  507.  Il  fait  arrêter  les  prin¬ 
cipaux  Chefs  des  Iroquois  à  Cataro- 
•couy  ,oùil  les  avoir  mandés,  fous  pré¬ 
texte  d’une  Conférence.  Fautes,  qu’il 
fît  en  cela  ,  509.  &  fuiv.  Plan  de  fon 
Expédition  ,  éc  mefures,  qu’il  prend 
pour  la  faire  réuffir  ,  y  1 1 .  &  fuiv.  Il 
ne  fe  laide  point  amufer  par  le  Gou¬ 
verneur  de  la  Nouvelle  York,  y  13. 
Sa  bonne  intelligence  avec  l’Inten¬ 
dant  ,  inouie  jufqu’alors.  Il  fe  rend  à 
Catarocouy.  Lettre  ,  qu’il  y  reçoit  du 
Gouverneur  de  la  Nouvelle  York  ;  fa 
réponfe  ,  ç  14.  Il  fait  palfer  par  les  ar¬ 
mes  un  FrançoisTransfuge,  quiavoit 
conduit  les  Anglois  à  Michillimaki- 
nac  ,515.1!  bâtit  le  Fort  des  Sables,* 
fe  met  en  marche  ,  &  eft  attaqué  par 
les  Tfonnonthouans ,  çry-id.  Il  ra¬ 
vage  tout  leur  Canton.  Eloge  de  fa 
conduite  dans  cette  Campagne,  &le 
fuccès ,  quelle  eut  ,  517.  Il  bâtit  un 
Fort  à  Niagara  :  il  y  met  une  bonne 
Garnifon  :  i  1  fe  mocque  des  menaces 
du  Gouverneur  delà  Nouvelle  York, 
&  travaille  à  divifer  les  Cantons  , 
518.  Avis  ,  qu’il  reçoit  du  Baron  de 
S.  Caftin  ,  520.  Ce  qu’il  mande  au 
Roy  touchant  le  commerce  ,  la  Pêche, 
î’Acadie  &  Terre  -  Neuve.  Ce  qui 
l'empêche  de  faire  une  fécondé  Expé¬ 
dition  contre  les  Tfonnonthouans. 
Son  embarras  à  caufe  des  Ordres  de 
la  Cour  ,5-21.  Réfléxions  à  ce  fujet, 
521-23.  Le  Gouverneur  de  la  Nou¬ 
velle  York  lui  demande  une  explica¬ 
tion  ;  il  lui  envoie  le  P.  Vaillant;  in- 
ftruétions  ,  qu’il  donne  à  ce  Miffion- 
naire  ,  525.  Il  envoie  un  grand  Con- 


T  I  E  Pc  E  S.  6i9 

voià  Catarocouy  ;  ordres ,  qu’il  don¬ 
ne  au  Commandant.  Il  travaille  à  ga¬ 
gner  les  Gnnontagués,  526.  Il  donne 
audience  à  un  Député  de  ce  Canton, 
527.  Propofitions  infolentes  de  ce 
Sauvage,  528,  Sa  réponfe  ,  &  con¬ 
ditions  ,  qu’il  propofe  à  fon  tour. 
Pourquoi  il  abandonne  le  Fort  de 
Niagara: il  prie  M. de Seignelay d’en¬ 
voyer  chercher  les  Iroquois  ,  qui 
étoient  à  Marfeille  par  le  jeune  Seri- 
gny,  &  pourquoi?  Il  conclut  avec  les 
Iroquois  une  trêve,  qui  eft  mal  gar¬ 
dée.  Il  reçoit  une  Lettre  du  Gouver¬ 
neur  de  la  Nouvelle  York  ,  529.  Il 
marche  contre  un  Parti  d’Iroquois  , 
le  diftîpe  ,  &  fait  des  Prifonniers.  Ce 
qu’il  mande  à  M.  de  Seignelay  du  P. 
de  Lamberville  &  des  Millions  Iro- 
quoifes  &  Abénaquifes  ,  530-31.  Ses 
inquiétudes  au  fujet  de  la  Colonie  , 
&  fur  quoi  elles  font  fondées  ,  531- 
3  2. Ce  qu’il  dit  des  Coureurs  de  Bois 
&  de  la  guerre  des  Iroquois  ,  532-33. 
Il  exaggere  un  peu  le  mal ,  fon  dé¬ 
faut  de  vigueur,  533-34.  Il  a  fort  à 
cœur  de  faire  la  paix  ,  &  nos  Alliés 
n’en  paroiftènt  pas  conrens  ,  5  34.  Son 
embarras  dans  Pille  de  Montreal,  où 
les  Iroquois  mettoient  tout  à  feu  &  i 
fang  ,  549.  Ses  raifons  pour  évacuer 
&  détruire  le  Fort  de  Catarocouy 
55  i -52.  Il  eft  nommé  Sou  -  Gouver¬ 
neur  des  Enfans  de  France ,  552. 
Nouveau  Mémoire ,  qu’il  donne  à  M. 
de  Seignelay  fur  les  affaires  de  la 
Nouvelle  France,  559.  &  fuiv.  Il  eft 
d’avis  qu’on  ruine  toute  la  Nouvelle 
York  jufqu’à  Orange  ;  ce  que  le  Roy 
&  le  Miniftrepenfent  de  fon  Mémoi¬ 
re  ,  561.  Ce  qu’il  avoir  eu  principa¬ 
lement  en  vue  en  faifant  la  guerre  aux 
Tfonnonthouans , 

Defnos,  M.  Defnos ,  Capitaine  de 
Vaiftèau  ,  conduit  du  fecoursenCa- 
nada  ,  &  a  ordre  d’y  refter ,  493. 

Diamans.  On  en  trouve  dans  le 
Pays  des  Iroquois ,  273. 

Dix  mes  Diver  sReglemens  fur  les 
Dixmes  des  Curés  du  Canada,  341-42. 

II  i  i  ij 


6  lo  ^ ^ 

Dolu.U.  Dolu  ,  Grand  Audiencier 

de  France,  eft  chargé  des  affaires  de 
la  Nouvelle  France  par  M.  le  Duc  de 
Montmorenci ,  qui  en  étoit  Vice- 
Roy  ,  1 57 

Dongan .  Le  Colonel  Dongan,  Gou¬ 
verneur  de  la  Nouvelle  York  ,  met 
tout  en  ufage  pour  faire  pafter  aux 
Anglois  coût  le  commerce  des  Pelle¬ 
teries  par  le  moyen  des Iroquois, 466. 
M.  de  la  Barre  l’invite  à  fe  joindre 
avec  lui  pour  faire  la  guerre  auxTfon- 
nonthouans  ,  ou  du  moins  a  demeu¬ 
rer  Neutre  ,  468.  Ce  qui  en  arri¬ 
ve  ,  491.  Ses  prétentions  fur  le  Pays 
des  Iroquois  ,  &  ce  qu’il  en  écrit  à  M. 
de  Dénonville  ,  500.  Il  les  engage  à 
nous  faire  la  guerre  ,  8c  veut  attirer 
dansfon  Gouvernement ceuxdu  Sault 
S.  Louis  &  de  la  Montagne  ,  501.  Il 
envoyé  des  Anglois  à  Michillimaki- 
nac  pour  y  faire  la  Traite,  502.  Ses 
intrigues  pour  animer  les  Iroquois 
contre  nous  ,  f 0$.  Il  favorife  la  fur- 
prife  du  Port  Nelfon  ,  50 y.  Il  conti¬ 
nue  fes  intrigues  auprès  des  Iroquois, 
508.  Il  les  avertit  de  fe  tenir  farceurs 
gardes  :  il  veut  amnfer  M.de  Dénon¬ 
ville  ,  8c  n’y  réuflit  pas,  509.  Il  em¬ 
pêche  les  T.  fonnonthouans  de  faire 
une  irruption  fur  les  Illinois ,  5 1 3.  Sa 
lettre  à  M.  de  Dénonville  au  fujer  de 
la  guerre  des  T fonnonthouans  y  re- 
ponfe  de  ce  Général  ,514.  Il  envoyé 
un  fécond  Convoi  d’Anglois  a  Mi- 
chillimakinac ,  8c  ce  qu’ildevint,  51  y , 
Il  travaille  à  nous  débaucher  nos  Al¬ 
liés  ,  8c  à  nous  rendre  les  Iroquois 
irréconciliables  :  il  invite  de  nouveau 
les  Iroquois  Chrétiens  à  fe  tranlpor- 
ter  dans  fon  Gouvernement  ,  &  leur 
promet  des  Jefuites  Anglois  pour 
Millionnaires,  Il  ménace  M.  de  De- 
nonville  de  fe  déclarer  ouvertement 
contre  lui  ,  516.  Maigre  les  ordres  , 
qu’il  reçoit  de  la  Cour  de  Londres  de 
travailler  à  la  paix  entre  les  Iroquois 
&  nous  ;  il  les  excite  de  plus  en  plus 
à  la  guerre  ,  y 23.  Il  craint  une  repre- 
jfaillede  notre  part ,  524.  Il  demande 


BLE 

à  M.  de  Dénonville l’explicàtiofid’un 
Collier  préfenté  aux  Iroquois  par  le 
P.  de  Lamberville.  Ce  Général  lui  en¬ 
voyé  le  P.  Vaillant  ,à  qui  il  propole 
des  conditions  de  paix  entre  les  Iro¬ 
quois  &  nous ,  8c  à  qui  il  ne  permet 
point  de  palier  par  le  Canton  d  Ag- 
nier.  Il  fe  fait  un  mérite  auprès  des 
Iroquois  des  conditions  de  paix ,  qu  il 
avoir  propofées.  Confeil  ,  qu  il  leur 
donne  3  promelfes  ,  qu’il  leur  fait , 
y 25- 2 G,  Il  les  engage  encore  à  faire 
des  hoftilités  contre  nous  ,  dans  le 
rems  que,  pour  cacher  fon  jeu,  il  ren¬ 
voyé  des  Prifonniers  à  M.  de  Dénon¬ 
ville  ,  ôc  lui  communique  les  ordres 
des  deux  Rois  pour  un  Traité  de  Neu¬ 
tralité  ,  y29-30.  Le  Chevalier  An- 
dros  lui  fuccéde  dans  le  Gouverne¬ 
ment  de  la  Nouvelle  York  ,  531. 

Donnacona,  Chef  Sauvage  ,  rend  vi- 
fite  à  Jacques  Cartier.  Pourquoi  il  le 
veut  détourner  d'aller  à  Hochelaga  , 
11.  On  fe  défie  de  lui  ,  13.  Quel¬ 
ques-uns  ont  cru  que  Cartier  l’avok 
mené  en  France  ,  1  y.  Il  raconte  a  ce 
Voyageur  des  choies  prefqu’incroya- 
bles ,  1 6.&  fuiv. 

Dover  fiere.  M.  de  la  Doverfiere  , 
Lieutenant  Général  de  la  Flèche,  Fon¬ 
dateur  en  partiede  l’Hôpital  de  Mont¬ 
real,  où  il  envoyé  des  Filles  de  l’Hô¬ 
pital  de  la  Flèche ,  _  343* 

Dreuillettes.  Le  P.  Gabriel  Dreuil- 
lettes,  Jefuite  ,  premier  Millionnai¬ 
re  des  Abénaquis  :  fes  premiers  luc- 
cès,  280.  Il  eft  envoyé  à  Bafton  en 
qualité  d’Ambafïàdeur  pour  y  con¬ 
clure  un  Traité  de  Neutralité  entre 
les  Colonies  Angloifes  8c  Françoifes, 
z8 G.  &  fuiv,  Ses  travaux  dans  le  Nord 
du  Canada  ,  308.  Son  zélé  &  fes  mi¬ 
racles,  310.  Les  Anglois  recherchent 
fon  amitié,  &  pourquoi  j*  31 1.  Il  part 
avec  des  Outaouais  j  pour  aller  dans 
leur  Pays  .  316.  Il  en  eft  abandonné  , 
&  retourne  chez  les  Abénaquis,  327. 
Il  fait  une  nouvelle  excurfion  dans  le 
Nord,  ,  .350-51. 

Dupuis,  M.  Dupuis  p  Officier  Fr  an- 


DES  MA' 

çois  conduit  une  Colonie  Françoife 
à  Onnonragué  ,  &  juiv.  Son  ar¬ 

rivée  dans  ce  Canton  ;  réception  , 
qu’on  lui  fait,  528-29.  Son  embarras 
à  la  nouvelle  d’une  conlpiration  des 
Onnontagués  contre  les  François. 
Me fu res  ,  qu’il  prend  pour  fe  retirer, 
3 3 y.  &  fuiv.  Sa  retraite  ,  337-38. 

La  Durantaye.  Olivier  Morel  de  la 
Durantaye,  Gentilhomme  du  Comté 
Nantois,  Capitaine  dans  Carignan- 
Salieres,  Commandant  à  Michillima- 
ki  nac  ,  fe  met  en  devoir  de  fecourir 
leFort  de  S.  Louis  des  Illinois  9  5c  ap¬ 
prenant  qu’il  eft  délivré,  retourne  fur 
les  pas,  486.  Il  reçoit  ordre  d’aftem- 
bler  les  Sauvages  Alliés ,  6c  deles  con¬ 
duire  à  Niagara: ce  qu’il  lui  en  coûta 
pour  en  venir  à  bout ,  487.  Son  em¬ 
barras,  lorfqu’arrivé  avec  eux  à  Nia¬ 
gara  :  il  n’y  trouva  point  l’Armée 
Françoife;  comment  il  les  appaifa  , 
488.  Il  fait  courir  inutilement  après 
les  Anglois ,  qui  étoient  venus  pen¬ 
dant  fon  abfence  faire  la  Traite  à  Mi- 
chillimakinac ,  502.  Sa  bonne  con¬ 
duite  lui  gagne  l’eftime&  la  confian¬ 
ce  des  Sauvages  :  il  reçoit  un  nouvel 
ordre  de  les  mener  à  Niagara  ,  512. 
Il  rencontre  foixante  Anglois ,  qui 
alloient  encore  trafiquer  à  Michilli- 
makinac  :  il  les  fait  Prifonniers  ,  & 
diftribue  leurs  marchandées  aux  Sau¬ 
vages.  Il  arrive  à  Niagara  ,  &  de-là  il 
fe  rend  au  Fort  des  Sables  ,  jtj.  Il 
fait  pafïèr  par  les  armes  un  Iroquois , 
qu’il  croit  Prifonnier  de  bonne  guer¬ 
re,  pour  lui  épargner  le  fuplice  du 
feu  ,  557.  Son  habileté  à  retenir  nos 
Alliés  dans  notre  Parti , 

E 

AU.  Le  Chevalier  d’Eau  ,  Capi- 
toine  Reformé  ,  eft  envoyé  à  On- 
nontagué  pour  traiter  avec  ce  Can¬ 
ton  ,  566. 

Etoffe.  Nouvelle  Ecofiè.  Ce  que  l’on 
doit  entendre  fous  ce  nom  ,  113-14. 

Ecureuil  noir.  Petit  Animal ,  qu’on 


’IERES.  621 

trouve  dans  le  Pays  des  Iroquois,  6c 
dont  la  fourure  eft  fort  eftimée,  273. 

Effiat ,  Le  Maréchal  d’Effiar  ,  Sur- 
intendantdes  Finances ,  entredans  la 
Compagnie  des  cent  Aftociés  de  la 
Nouvelle  France ,  i6f. 

Elisabeth.  ,  Reine  d’Angleterre  , 
follicire  le  Chevalier  de  Gourgues 
d’entrer  à  fon  Service,  105. 

Enfant  Chrétien  ,  crucifié  par  les 
Agniers  en  haine  de  la  Foy  ,  177. 

Erie's s  Sauvages  du  Canada,  autre¬ 
ment  appellés  la  Nation  du  Chat  ,  dé¬ 
truits  par  les  Iroquois  , 

Erlacb.  M.  d’Erlach  ,  Gentilhom¬ 
me  Suilfe  ,  arrive  en  Florideen  quali¬ 
té  d’Enfeigne  ,  il  va  à  la  découverte 
du  Pays  ,  37.  lia  ordre  de  reconduire 
des  Prifonniers  à  leur  Cacique;  fe  s 
mftru étions  ,  4 y .  Il  accompagne  un 
autre  Cacique  dans  une  Expédition, 
6c  contribué  beaucoup  à  fa  viétoire. 
Il  eft  rappellé  à  la  Caroline ,  47.  Con¬ 
fiance,  que  fon  Général  lui  témoigne, 
49.  Sa  valeur  dans  une  occafion  im¬ 
portante  ,  y  y. 

Eskimaux  ,  Sauvages  de  Labrador 
&  de  la  Baye  d’Hudfon.  Ce  qu’une 
Efclave  de  cette  Nation  raporre  des 
Pygmées  6c  des  Hommesmonftrueux, 
17.  Les  Eskimaux  boivent  de  l’eau 
falée ,  18.  Leur  maniéré  de  naviguer, 
19.  20.  Les  Acadiens  leur  font  la 
guerre  avec  fuccès  ,  124.  Leur  cara¬ 
ctère.  Quelques-  uns  fe  font  Chré¬ 
tiens.  Converfion  finguliere  d’une 
Femme  de  cette  Nation ,  345.  On  n’a 
encore  vû  que  des  Eskimaux  en  Ter¬ 
re  Neuve.  Leurs  fables  fur  les  Habi- 
tans  de  cette  Ifie  ,421.  Leur  maniéré 
de  voyager  fur  les  glaces  ,  475-76. 

Espagnols.  Fiiftoire  de  deux  Espa¬ 
gnols  Captifs  parmi  les  Sauvages  de 
la  Floride  ;  ils  font  rachetés  par  M.  de 
Laudonniere.  Connoiftànces  &  avis , 
qu’ils  lui  donnent ,  53.  54.  Ils  font 
furpris  d  San  Matheo  ,  97.  Ils  font 
haïs  des  Sauvages  delà  Floride,  100. 
Comment  ils  font  traités  après  lapri- 
fe.de  San  Matheo,  103.  Baye  des  EL 


TABLE 


611 

pagnols.  Voyez  Baye. 

Ejquine.  Les  Floridiens  en  font  ula- 
ge  contre  les  maux  veneriens,  ^  30. 

°  Eflotilanâ  ,  Pays  fabuleux,  ou  l’on 
difoit  qu’il  étoic  licué,  &  pat  qui  on 
prétendoit  qu’il  avoit  ete  découvert, 

.3- 

Etampes.  M.  d’Etampes  ,  Gentil¬ 
homme  de  Comminge,  va  reconnoître 
en  quel  état  fe  trouvoit  San  Matheo, 

98. 

Etechemins  ,  Sauvages  Voifins  de 
l’Acadie  ,  autrement  appelles  Male- 
cites  ,133*  2.79-  Voyez  Malecitet. 

Etienne  ,  Genevois ,  un  des  Chefs 
de  la  révolte  contre  M.  de  Laudon- 
liere,  49.  Son  fupplice  ,  52. 

Euflacbe  ,  fameux  Chef  Hurofi.  Sa 
conversion  finguliere  ;  fa  ferveur  , 
230.  &  fuiv.  Il  eft  pris  par  les  Iro- 
quois,  234,  Il  eft  brûlé,  éc  meurt  en 
Héros  Chrétien,  2 39* 

F 

LA  Famine ,  Anfe  du  Lac  Onta¬ 
rio  ,  pourquoi  ainfi  nommée;  ce 
quis’ypafte,  49  3* 

Femmes.  En  quel  rems  on  commen¬ 
ça  de  brûler  les  Femmes  priles  en 

guerre ,  %7 7* 

Fenelon.  L’Abbé  de  Salignac  Fene- 
lon  eft  envoyé  Millionnaire  aux  I10- 
quois  du  Lac  Ontario ,  398.  Le  Com¬ 
te  de  Frontenac  le  fait  mettre  en  pri- 
fon  ,  &  pourquoi  ?  4  U* 

La  Ferté  ,  Lieutenant  de  M.  d’iber- 
ville  ,  fait  Prifonnier  le  Gouverneur 
Anglois  de  Niewfavane  ,  8c  lui  en¬ 
levé  tous  fes  papiers  ,  5  5"4- 

Fefiins.  Les  Sauvages  onr  des  fef- 
tins  ,  où  il  faut  tout  manger  ,  337. 

Floride.  Florid'iens.  Etendue  de  la 
Floride  ;  par  qui  elle  fut  découverte; 
étendue  ,  que  lui  donnent  les  Efpa- 
gnols,  23.  Sa  defcription  :  D’où  ve- 
noient  les  richefles  ,  qu’on*  y  trouva  , 
zô.Caraélere  des  Floridiens  ,27.  Les 
Chefs  y  portent  les  noms  de  leur  Na¬ 
tion  ,  41 .  Coûtume  bizarre  des  Flp- 


ridiens  ,  42.  Leurs  imaginations  fur 
un  tonnerre  extraordinaire  ,  46.  Ils 
ne  font  jamais  plus  à  craindre  ,  que 
quand  ils  font  des  carelTes,  55.  Ils  re¬ 
filent  des  vivres  aux  François  dans 
une  famine  ,  \6.  Ils  s’humanifent  , 
quand  ils  voyent  ceux  -  ci  fecourus  , 

58. 

Fontaines.  Quelques  fontaines  fîn- 
gulieres  dans  le  Pays  des  Iroquois  , 

271. 

La  Forêt.  M.  de  la  Forêt  ,  Major 
de  Catarocouy  ,  pâlie  en  France  avec 
M.  de  la  Sale.  Son  éloge  ,  46  y.  Il 
amene  à  Montreal  des  Députés  Iro¬ 
quois  ,4 69.  Il  eft  établi  Commandant 
à  Catarocouy ,  &  va  au  devant  de  M. 
de  la  Sale ,  496.  Ordre ,  qu’il  porte  de 
la  part  du  Gouverneur  Général  à  M. 
de  la  Durantaye  ,  51  y. 

Des  Fourneanx  ,  un  des  Chefs  de  la 
révolte  contre  M.  de  Laudonniere  , 
49. i>on  fupplice  ,  52. 

François  /.  Roy  de  France,  envoyé 
Verazany  faire  des  découvertes  en 
Amérique,  4-  Il  envoyé  Jacques  Car¬ 
tier  pour  le  même  deflein  ,  8.  Ce  der¬ 
nier  lui  rend  compte  de  fes  décou¬ 
vertes  ,  14.  Commiffion  8c  pouvoir  , 
qu’il  donne  à  M.  de  Roberval  ,  20. 
21.  Il  ne  s’intérelfe  plus  au  Canada 
après  la  mort  de  ce  Gentilhomme, 

22. 

François.  Les  François  font  les  pre¬ 
miers  ,  qui  aient  fait  commerce  dans 
l’ Amérique  Seprentrionnale  ,  24.  Il 
leur  faut  peu  de  chofes  pour  les  rap- 
peller  dans  leur  Patrie  ;  34.  Extrémi¬ 
té  ,  où  fe  trouvent  ceux  ,  qui  avoient 
évacué  la  Floride  ,  35.  ils  fe  lailfent 
perfuader  qu’il  y  a  des  Minesen  Flo¬ 
ride,  &  le  tort ,  que  leur  fait  cette 
perfuafion  ,  37.  Ce  qu’ils  onr  à  fouf- 
frir  de  la  famine  ,  56.  Ils  font  dégoû¬ 
tés  de  la  Floride  ,  &  pourquoi  ?  59. 
Un  François  fert  de  Guide  aux  Efpa- 
gnols  pour  l’attaque  de  la  Caroline  , 
7 6.  &  fuiv.  Ce  que  deviennent  ceux 
de  la  Caroline  après  la  prife  de  ce 
Fort,  81.  Cr  fuiv.  Des  François  fe 


DES  MA 

comportent  mal  avec  les  Sauvages  de 
l’Acadie,  126.  Ceux,  quiétoient  dans 
cette  Province  ,  perdent  par  leur  fau- 
re.tout  ce  qu’ils  y  avoienr,  1 37.  Aven- 
unes  de  plufieurs  après  la  prife  de  S. 
Sauveur.  Un  François  avertit  les  An- 
glois  de  fe  défier  des  Jduites ,  138. 
Fautes ,  que  les  François  ont  Faites  en 
Acadie  ,  jqo.  Les  Sauvages  confpi- 
rent  contre  ceux  du  Canada ,  1  56-57 . 
François  aftafîinés  parles  Sauvages, 
16  j.  Conduite  édifiante  des  premiers 
François  établis  en  Canada  3  précau- 
tionsjqu’on  avoir  prifes  pour  les  bien 
choifir,  206.  Artifice  des  Iroquois 
pour  empêcher  les  François  de  fe- 
courir  les  H urons  .,  225.  Les  Iroquois 
difentqu’au  prix  des  François  les  au¬ 
tres  Européens  ne  fçavent  point  par¬ 
ler  ,  321.  Plufieurs  François  s’établi f- 
fent  à  Onnontagué  ,313.  Un  Fran¬ 
çois  adopté  par  un  Onnontagué  ,  fa¬ 
vori  fe  par  un  ftraragême  fingulier  la 
retraite  de  cette  petite  Colonie  ,  3  37, 
Des  François  Prifonniers  dans  ce 
même  Canton  ,  y  font  bien  traités. 
Leur  Lettre  à  M.  de  Maifonneuve  , 
349.  Pieté  de  plufieurs  François,  3  57. 
Un  François  Martyr  de  la  ehafteté 
conjugale ,  359.  Quels  étoient  les 
François  du  Canada  au  tems  de  M. 
de  Tracy  ,  &  dans  quel  efprit  ils  al¬ 
lèrent  avec  ce  Vice- Roy  à  la  guerre 
contre  les  Agniers.  Leur  bonne  con¬ 
duite  pendant  cette  Expédition  ,  389. 
Les  François  avoienr  toujours  été 
Vainqueurs  en  Terre-Neuve,  lorf- 
qu'ils  onr  été  obligés  decederaux  An- 
glois  les  Etabliilèmens  ,  qu’ils  y 
avoient,  422.  Des  François  enyvrent 
des  Sauvages,  les  aft'affinent  ,  &c  les 
volent,  415.  Quelques-uns  font  pu¬ 
nis  de  mort ,  426.  Pertes  ,  que  les 
François  firent  dans  la  Baye  d’Hud- 
fon  par  la  perfidie  de  deux  Trans¬ 
fuges  ,  481.  Les  Iroquois  fe  fervent 
des  François  Transfuges ,  pour  trai¬ 
ter  avec  les  Iroquois  ,  &  les  vendent 
en  fuite  en  Jamaïque  comme  Enga¬ 
gés  ,  484.  Des  François  Déferteurs 


F  I  E  R  E  St 

fervent  de  Guides  aux  Afiglois  pour 
reconnoître  les  Poftes  avancés  de  la 
Colonie  ,  499.  Le  Gouverneur  de  la 
Nouvelle  York  les  careflè  beaucoup, 
504.  Un  François  conduit  les  An- 
glois  àMichillimakinac.  Il  eft  exécuté 
à  mort  ,*  le  Baron  de  la  Hontau  crie 
à  l’injuftice,  5 1  5.  Belle  adion  de  deux 
MatelotsFrançois  danslaBayed’Hud- 
fon  ,  519.  Les  Soldats  François  fe 
battenr  fort  mal  à  la  journée  des 
Tfonnomhouans:  M.  de  Dénonville 
les  méprife  fort.  Les  François  Cana¬ 
diens  y  font  merveille,  517.  Plufieurs 
François  renoncent  au  commerce  des 
Pelleteries  3  &  pourquoi?  539.  Pro¬ 
jet  des  Iroquois  &  des  Anglois  pour 
chaffèr  tous  les  François  du  Canada, 
550.  Invedives  des  Otuaouais  con¬ 
tre  les  François  3  mépris  ,  où  ils 
étoient  tombés  dans  l’efpric  de  ces 
Sauvages,  S  69-70. 

Frem'm.  Le  P. ... .  Fremin  ,  Jefui- 
te  ,  Millionnaire  aux  Iroquois,  323, 
Il  y  retourne  après  la  guerre  ,  398.  Il 
paffe  du  Canton  d’Agnier  à  celui  de 
Tfonnonthouan  ,  402.  Il  conduit  les 
Iroquois  Chrétiens  à  la  Prairie  de  la 
Magdeleine,  4J2. 

Frontenac .  Louis  de  Buade ,  Comte 
de  Frontenac  fuccéde  à  M.  de  Cour- 
celles  dans  le  Gouvernement  de  la 
Nouvelle  France,  &  bâtit  le  Fort  de 
Catarocouy  ,  qui  porte  (on  nom ,  auflî. 
bien  que  le  Lac  Ontario.  Son  carade- 
re,  444-45.  Ses  préventions  ,  fes  vio¬ 
lences  &  fes  prétentions  mettent  tou¬ 
te  la  Colonie  en  trouble.  Il  rcfufe  aux 
Mifiîonnaires  le  Sault  S.  Louis  pour 
y  tranfplanter  leur  Million.  Ce  qu’il 
mande  à  M.  Colbert  au  fujet  des  Iro¬ 
quois  ,  eft  exaggeré,  4 5 2.  Ses  préten¬ 
tions  au  fujet  de  la  Prélidence  au 
Confeil  Supérieur;  fes  démêlés  avec 
l’Intendant  5  il  eft  fâché  de  ne  l’avoir 
pas  mis  en  prifon  après  le  départ  des 
Vaifieaux  ,453.  Reproches,  que  lui 
fait  le  Roy  5  ordre  ,  qu’il  lui  donne  au 
fujet  des  Coureurs  de  Bois ,  453-54. 
Il  confeille  à  M.  de  la  Sale  de  pafièr 


6i  4 


TABLE 


en  France  ,  4Î7.  Il  écrit  au  Roy  en  fa  S «5;  \\  «Çoi[  nfle1,tfî".Mu  ?'^e 
en  trance  >  457  Miniftre  Carhcil  *,  en  quoi  elle  lui  fait  plaifir. 

fSi  aon’nîm  le  plus  Vtd  tort  dans  II  travaille  à  rétablir  la  réputation  des 
fes  démêlés  avec  l’Intendant,  Sa  Ma-  François  dans  1  efpnt  des  Sauvages ;  , 


jefté  lui  nomme  un  Succelfeur ,  46  J 
Ses  diligences  pour  prévenir  les  fuites 
de  Paflaffinat  commis  dans  la  Perfori¬ 
ne  d’un  Tfonnonthouan.  Propofition 
inlolente  ,  que  lui  font  faire  les  I10 


G 


ABATO ,  G  abat 
(  Jean  )  Vénitien 


ou 


570. 


'Cabot. 


6c  fes  trois 

"sVre^nfc  On  ^^ur^An^en,, 

de  mollir  ;  il  n'en  veut  rien  faire.  Il  strient'  de  I’a! 


apprend  que  les  Iroquois  ont  mal  par¬ 
lé  de  lui.  Il  refufe  d’aller  à  Cataro- 
couy  attendre  les  Députes  Iroquois  . 
comme  il  l’avoit  promis.  Expédient 


mérique  Septentrionnale ,  8c  ne  dé< 
barquent  en  aucun  endroit ,  5  • 

Gachie .  Gentilhomme  Gafcon  »pe- 

iléflprouir^FnT/ll  irilrp'”  "1  '*  C^nIJ.»"?,'llP»irUtptlroqUpii, 

„uetre  467V  fuiv.  Les  Iroquois  lui  vient  pour  faire  des  propofmons  în- 
fom  une4  Députation  pour  l'amufer.  folentes  à  M  de  Denonv.Ue  11  re- 
Autre  Députation  des  Sauvages  de  tourne  dans  fon  Canton  ,  &  ‘ev!5nc 
MKhilimiakmac  Ce  que  leur  dit  M.  à  Montreal ,  où  le  Cheval, er  de  Cal- 


de  Frontenac  ,  469,  Il  palfe  en  Fran^ 
ce  ,  470.  Ce  qui  détermine  le  Roy  a 
le  renvoyer  en  Canada  en  qualité  de 
Gouverneur  Général  de  la  Nouvelle 
France  ;  ce  qu’on  y  remarqua  de 
changement  dans  fa  conduite  j  qui  ré¬ 
pondit  de  lui  5  143*  Ordres ,  qu  il  re¬ 
çoit  du  Roy  au  fujet  de  l’Entrepnie 
fur  la  Nouvelle  York  ,  y  4 5  •  &  fu'iv‘ 
Il  arrive  trop  tard  en  Amérique  :  eau 


Itérés  par  fes  bonnes  façons  l  engage 
à  s’expliquer  fur  le  fujet  de  fon  Am- 
balfade  ,  563.  Fierté  ,  avec  laquelle  il 
s’exprime  s  y  64.  M.  de  Frontenac  re¬ 
fufe  de  lui  donner  audience,  & ‘pour¬ 
quoi  ?  Oureouharé  traite  avec  lui  de 

concert  avec  le  Gouverneur  Geneial, 

yôy. 

Gambie.  ('Pierre j  Soldat  François, 
fait  plufieurs  découvertes  en  Floride» 

n  «  r  o-  . nC « o  A  Tr\n  rprniir  nai* 


fes  dè^ce  retardement.  Inftruélions  ,  f  volé  &  afTaffiné  à  fon  retour  par 

qu’il  laifle  à  M.  de  la  Caffinicre ,  y 47'  deux  Sauvages  »  5  - 


48.  Nouvelles ,  qu’il  reçoit  du  Cana¬ 
da  à  l’Ifle  Percée.  Il  arrive  à  .Quebec  j 
monte  à  Montreal  j  défoîation  ,011  il 
trouve  cette  Ifle  ,  549.  Il  apprend  que 
M.  de  Dénonville  a  donné  ordre  dJe 


UA  Jduvugw;  >.r 

Gandahouagué ,  Bourgade  Iroquoile 
du  Canton  d’Agnier  ,  Patrie  de , Ca¬ 
therine  Tegahkouita  ,  57  3/  Le  Pere 
Jacques  de  Lamberville  y  établit  une 

Million,  .174* 


valuer  &dêVru  ,  n«  lé Fort de Catal  Gannentahd ,  Lac  duCanton  dOn 
locouy’ ^aifons  pourquoi  il  1=  trouve  nontagué  .  ce  qu  on  y  volt  de  fingu 

ma,uvaIS’7fI"5  Vher1’execmion°de  ^Cmk.onthi^ ,  Chef  Onnontagué  , 
prévenir  &  empecher  1  execution  de  ^  ^  ^vant  du  p  ,e  Moyne.Son  ca- 

cet  ordre.  Aune  lai  on  p  I  ratétere,  fon  amour  pour  les  François  ; 

3XS  i  £  JeTnt  feryte ,  qu'il  leur  rend.  Politique  ra- 

?ëfperance  de  lè  rétablir,  U  Ce  finée,  &  rnenagemens  fages  de  ce  Ca- 

flatte  de  regagner  les  Iroquois ,  y6i.  pitaine ,  3  y  i.  Hclt  nomme  Ghet  de  la 

Il  renvoyé  a§ux  Iroquois  quatre  de  leurs  Députation  vers  le  Gouverneur  Gene- 

Chefs^qu’ll  avoiuanienés  de  France,  rd.jj+SapmdcKeaofojetdeceqm 


D  E  S  M  A' 

lin  arrive  pendant  le  voyage.  Récep¬ 
tion  ,  qu’on  lui  fait  à  Montreal  &  à 
Quebec,  554-5 5 •  Il  vient  about  de 
faire  remettre  en  liberté  tous  les  Pri- 
fonniers  François  ,  5 55?.  Il  continue 
de  travailler  à  la  paix ,  &  à  la  déli¬ 
vrance  des  François  Captifs  ,  574-  Il 
va  trouver  M.  de  Tracy  à  Quebec  ; 
de  quelle  maniéré  il  en  efl:  reçu;  pro¬ 
portions,  qu’il  lui  fait;  fuccès  de  fon 
voyage  ;  il  pleure  en  cérémonie  le  P. 
le  Moyne  ,  583.  Il  retient  le  P.  Gar¬ 
nier  à  Onnontagué  ,  lui  bâtit  une  Ca- 
banne  8c  une  Chapelle.  Il  fait  un 
voyage  à  Quebec  ,  8c  en  amene  deux 
autres  Millionnaires  ,  398.  Il  repro¬ 
che  aux  Outaouais  la  maniéré  indi¬ 
gne  ,  dont  ils  traitoient  leurs  Million¬ 
naires.  Il  eftbaptifé  par  l’Evêque  ,  8c 
tenu  fur  les  Fonts  par  le  Gouverneur 
Général ,  qui  le  nomme  Daniel  ,  8c. 
par  la  Fille  de  l’Intendant,  427.  Il 
tâche  en  vain  de  rendre  le  Canton 
d  Onneyouth  plus  docile  aux  inftru- 
éfions  de  fes  Millionnaires  ,  43 1.  Il 
efl:  député  pour  traiter  de  la  paix  , 
&  parle  fort  bien  ,493.  On  lui  attri¬ 
bue  la  modération  ,  dont  ufa  fon  Can¬ 
ton  â  l’égard  du  P.  de  Lamberville 
après  l’enlevement  des  Chefs  Iro¬ 
quois, â  Catarocouy  ,  5 1 1 .  Il  empêche 
les  réfolutions  violentes  dans  fon 
Canton  ,  $i9.M.de  Frontenac  com¬ 
pte  beaucoup  fur  lui ,  ^66. 

Garangouas.  ('Marguerite )  Femme 
Iroquoife.;  fon  martyre  8c  fon  coura¬ 
ge  5  _  592.  &  fuiv. 

G  argot.  Le  Sieur  Gargot  obtient  du 
Roy  Louis  XIV.  le  Port  de  Plaifance 
avec  le  titre  de  Gouverneur.  Il  trouve 
de  la  difficulté  à  en  prendre  poflfef- 
fion  ,  &  ce  qui  en  arrive  ,  423, 

Garnier.  Le  P.  Charles  Garnier ,  Je- 
fuite  ,  vifite  plulieurs  Nations  Sau¬ 
vages  ,  202.  Il  donne  genereufement 
fa  vie  pour  fon  Troupeau  ,  8c  efl  tué 
par  les  Iroquois,  297.  &  fuiv. 

Le  P.  Julien  Garnier ,  Jefuite  ,  va 
Millionnaire  aux  Iroquois;  Garakon- 
îhié  le  retient  â  Onnontagué  ,  lui  bâ- 
Tome  /, 


1  I  E  R  E  S  .  ()  2ÿ 

fit  une  Cabanne  8c  une  Chapelle , 

398» 

Garreau.  Le  P.  Leonard  Garreau* 
Jefuite ,  part  avec  des  Outaouais  pour 
aller  dans  leur  Pays,  326. Il  efl:  bielle 
â  mort  en  chemin  par  des  Agniers  , 
8c  meurt  à  Monrreal ,  327. 

Gafpefiens ,  Sauvages  du  Canada  , 
les  mêmes  que  les  Acadiens.  D’où 
leur  vient  ce  nom,  8c  qui  en  efl:  P  Au¬ 
teur.  Leur  vie  errante  empêche  ,  ou 
plutôt  retarde  leurconverfionauChri- 
ftianifme,  221.  Par  quelle  erreur  011 
les  appelle  Portecroix  ,  212.  &  fuiv. 

Gaudais.  Le  Sieur  Gaudais  efl:  en¬ 
voyé  Commiflaire  en  Canada  ,  en 
quoi  confiftoit  fa  Commiffion.  Il  re¬ 
çoit  le  ferment  de  fidélité  de  toute  là 
Colonie  ,  8c  prend  poffèflîon  du  Pays 
aunom  du  Roy  ,  370.  Uretourneen 
France.  Son  éloge  ,  374. 

Gaulois.  Guillaume  Poftel  a  cru 
que  les  anciens  Gaulois  avoient  été 
en  Amérique,  2.  8c  qu’ils  y  avoient 
fait  le  commerce  des  Morues  ,  3. 

.  Gemefie .  Fort  des  François  fur  la  Ri¬ 
vière  de  S.  Jean ,  pris  par  les  Anglois» 
4  5  o.  Reftitué  à  la  France ,  462 .  Repris' 
par  les  François  >  463, 

Le  Gendre.  M.  le  Gendre  de  Rouen» 
Alîocié  de  M.  de  Monts  ,  149. 

La  Giraudiere.  Le  Sieur  de  la  Gi- 
raudiere  obtient  par  furprife  de  la 
Compagnie  des  Indes  Occidentales 
une  conceffion  au  préjudice  de  M. 
Denys,  &  entreprend  de  le  forcer  â 
Chedabouétou ,  41  y.  Il  fe  remet  au 
jugement  de  la  Compagnie  ,  qui  dé¬ 
clare  qu’elle  a  été  furprife  ,  8c  le  dé¬ 
boute  ,  4  \G. 

Glaces.  Maniéré  de  voyager  furies 
glaces  dans  la  Baye  d'Hudfon.  D’où 
ces  glaces  fe  forment,  474.  &  fuiv. 

Godefroy.  Le  Sieur  Godefroy  ,  Con- 
feiller  au  Confeil  de  la  Nouvelle 
France  ,  efl  envoyé  à  Barton  en  quali¬ 
té  de  Plénipotentiaire  pour  conclure 
un  Traité  de  Neutralité  avec  les  An- 
glois ,  .  287-88. 

Godsf  Anglois ,  par  l’entremifedu- 

KKkk 


6,6  ,  J  A 

quel  Milord  Preflon  ,  Ambafladcur 
du  Roy  de  la  Grande  Bretagne  à  la 
Cour  de  France  ,  traite  avec  le  perfi¬ 
de  Radiflon ,  48 1  • 

Gonannbatenba.  (  Françoife  )  Fem¬ 
me  Iroquoife  ,  eft  hvree  an  feu  par  fa 
propre  Sœur  ,  &  brulec  en  haine  de  la 
Religion  Chrétienne  ,  &  fuiv' 

Goufre  formé  par  un  Tremblement 
deTe  rre.  Sa  fituation  ,  _  3^9* 

Goupy.  (  René  )  Novice  Je  fuite ,  eft 
pris  avec  le  P.  Jogues  par  les  Iroquoisj 

236,  Maux,  qu’on  lui  fait  fouitrir  , 

237.  Son  martyre,  .  ,24î>* 

Gourgiies.  Le  Chevalier  Dominique 

deGourgues:  fes  premières  aventu¬ 
res.  Il  entreprend  de  venger  les  Fran¬ 
çois  égorgés  en  Floride  par  les  Espa¬ 
gnols ,  9).  Ses  préparatifs.  Il  auive 
en  Amérique  >  96.  Il  découvre  fon 
deffeir.  à  fes  Gens',  comment  fon  dif- 
cours  en  eft  reçu.  En  quelle  difpofi- 
tion  il  trouve  les  Sauvages  de  la  Flo¬ 
ride  ,  97.  Il  envoyé  reconnoitie  San 
Matheo  ,98.  Il  obferve  lui  - même  la 
Place  ,  99.  Il  prend  ,  1  epee  a  la  main, 
un  Fort,  &  raille  en  pièces  la  Garni- 
fon  ,  100.  Il  traite  de  même  la  Garni- 
fon  d’un  fécond  Fort,  &  marche  à  San 
Matheo  ,  10t.  Il  s’en  rend  le  Maître, 
102-03.  Butin  ,  qu’il  y  fait  j  il  recom- 
penfe  les  Sauvages. Maniéré  ,  dont  il 
Traite  les  Elpagnols.  Reflexion  fur 
cette  conduite  .  103.  Ce  qui  le  fait 
réfoudre  à  râler  tous  les  Forts  ,  104. 
Il  s’embarque  au  grand  regret  des 
Sauvages.  Il  arrive  à  la  Rochelle.  Dan¬ 
ger  ,  qu’il  court  d’y  être  enleve  par 
les  Efpagnols.  Il  eft  mal  reçu  a  la 
Cour.  La  Reine  Elizabeth  d  Angle¬ 
terre  l’invite  à  entrer  à  Ion  Service, 
6c  il  le  refufe.  Il  rentre  en  grâce  au¬ 
près  du  Roy,  104-05.  Il  accepte  le 
Commandement  de  la  Flotte  de  D. 
Antoine  ,  qui  fe  prétendoit  Roy  de 
Portugal,  &  meurt  en  chemin  ,  10 6, 
Goyelle ,  Gentilhomme  Breton,  qui 
accompagna  Jacques  Cartier  dans  fon 
fécond  voyage  ,  #  I2, 

Goyogouin  3  Canton  Iroquois  ;  fa 


BL  E 

defeription  ,  &  ce  qu’il  a  de  partico- 
lier  ,  270-71.  Les  Goyogouins  de¬ 
mandent  la  paix  ,  6c  avertiflent  que 
les  Agniers  font  en  Campagne,  313* 
Un  Chef  Goyogouin  ,  fort  Ami  des 
François ,  propofe  la  paix  pour  tous 
les  Cantons  ,  349.  374-  Reponfe,  que 
lui  fait  M.  de  Méfy  ,  375.  Les  Goyo¬ 
gouins  font  demander  la  paix  aM.  de 
Tracy  ,383.  Eftime  ,  qu’ils  font  du 
P.  deCarheil ,  &  le  peu  définit,  que 
ce  Millionnaire  fait  parmi  eux  ,  403. 
Le  Chef  Goyogouin  ,  dont  il  eft  par¬ 
lé  ci-deflus  l  eft  baptifé  à  Québec ,  &C 
nommé  Louis ,  434.  M.  de  la  Ban  e 
mande  au  Miniftre  qu  il  faut  deti uiie 
ce  Canton  ,  comme  le  plus  oppofe  de 
tons  aux  François  ,  484.  Il  lui  envoyé 
un  Collier  pour  l’engager  a  ne  point 
entrer  dans  la  querelle  des  Tfon- 
nonthouans ,  489.  Ce  Canton  offre 
fa  médiation  pour  la  paix,  490.  Dé¬ 
puté  de  ce  Canton  a  Montreal  pour 
demander  la  paix,  5  28-29.  Ce  que 
Oureouharé  fait  dire  a  ce  Canton  » 
qui  étoit  le  fi  en  ,  ,5^3* 

Grandj ont  aine  (  Hubert  d  Andigny, 
Chevalier  de  )  ligne  à  Bafton  ,  en 
qualité  de  Plénipotentiaire  du  Roy 
de  France,  un  Reglement  pour  la  re- 
ftitution  des  Pays  ufurpés  par  les  An- 
glois ,  416- 17.  Ü  eft  nomme  Gouver¬ 
neur  de  l’Acadie.  Bornes  de  fon  Gou¬ 
vernement  ,  417.  Il  eft  releve  pai  M» 

de  Chambly ,  .  45°* 

La  Grange  ,  Officier  François ,  s  op¬ 
pofe  à  l’avis  de  M.  de  Ribaut  d’aller 
attaquer  la  Flotte  Efpagnole  ,  70*  H 
s’embarque  pour  cette  Expédition 
avec  bien  de  la  répugnance ,  7 1  *  Dans 
le  naufrage  de  l’Efcadre  Françoife  il 
eft  le  feul ,  qui  fe  noyé  ,  83. 

Greve  ,  ou  Grave,  Plage  couverte 
de  galots  ,  où  l’on  fait  fécher  la  Mo¬ 
rue  ,  .  41 9* 

Le  Griffon  ,  Barque  conftrtme  par 
M.  de  la  Sale  pour  naviguer  fur  les 
Lacs  ;  ce  qu’en  penferent  les  Sauva¬ 
ges.  Ce  qu’elle  devint,  438-59. 

Groenland .  Figure  des  Peuples  de 


*  DES  MA 

ce  Pays,  On  y  trouve  des  Hommes 
noirs  ,  1 8 . 

*  Groseilliers ,  (Medard  Chouart  des) 
François  Canadien  ,  conduit  les  An- 
glois  dans  la  Baye  d’Hudfon,  47 G- 
77.  Il  rentre  dans  fon  devoir,  reçoit 
desgraces  du  Roy  ,  &  part  pour  challer 
les  Angiois  de  la  Baye  d’Hudfon  , 
Il  découvre  le  Fleuve  Bourbon  5c  la 
Riviere  de  Sainte  Therefe  ,  bâtit  un 
Fort  à  l’entrée  de  celle-ci.  Ce  qui  fe 
pallè  entre  lui  5c  les  Angiois  ,479.  & 
fuiv.  Il  eft  mal  reçu  'a  Quebec  5c  en 
France  ,  5c  fe  donne  de  nouveau  aux 
Angiois  ,481.  Voyez  Chouart. 

Grouraut,  François  de  la  Floride  ; 
proportions ,  qu’il  fait  à  M.  de  Lau- 
donniere  de  la  part  d’un  Chef  Flori- 
dien  ,  y  y. 

Guérin ,  ("Jean  )  Domeftique  du  P. 
Mefnard.  Son  éloge.  Il  accompagne 
le  P.  Mefnard  dans  un  voyage  péni¬ 
ble  5c  dangereux.  Il  cherche  inutile¬ 
ment  ce  Millionnaire  ,  qui  s’étoit 
égaré  dans  le  Bois,  357.  Il  baprife 
quantité  d’Enfans  Outaouais,  5.58. 
Sa  mort  tragique  pendant  qu’il  étoit 
en  Priere  ,  3 59. 

Guercheville.  (  La  Marquife  de  ) 
Son  zélé  5c  fes  libéralités  pour  les 
Millions  de  l’Acadie  ,  1  zz.  Elle  ache¬ 
té  les  droits  de  M.  de  Monts  fur  ce 
Pays  ;  elle  fait  une  quête  à  la  Cour  pour 
rembourfer  deux  Huguenots  Allô- 
ciés  de  M.  de  Poutrincourr ,  qui  s’op- 
pofoient  à  l’embarquement  des  Je- 
fuites  ,  5c  ligne  en  faveur  de  ces  Peres 
un  Traité  de  Société  avec  M.  de 
Biencourt.  Apologie  de  ce  Traité  par 
M.  de  Champlain,  1  z$ .  Elle  fe  brouil¬ 
le  avec  M.  de  Biencourt  ,  5c  avec  M. 
de  Poutrincourr,  5c  refufe  d’entrer 
en  Société  avec  M.  de  Monts.  Elle 
forme  le  projet  d’un  nouvel  Etablif- 
fement.  Faute,  qu’elle  fit  en  cette  oc- 
cafion  ,  13  z.-  140.  Elle  envoyé  la 
SaulTaye  en  Angleterre  ,  pour  y  folli- 
citer  un  dédommagement  de  la  perte 
de  S.  Sauveur  ,  139* 

La  Grand’Gueule,  voyez  Haaskpuaun. 


TIERES.  627 

G uilbaut  ,  Aftocié  du  Sieur  le  Bor¬ 
gne,  bâtit  un  Fort  à  la  Héve,  y  eft  at¬ 
taqué  par  les  Angiois ,  5c  après  une 
alfez  bonne  défenfe ,  traite  avec  eux, 

4  ^  4* 
H 

Y  JAAS  K  0  UAU~N  ,  Capitaine 
XjTfonnonthouan ,  appellé  parles 
François  la  Grand’Gueule  ,  parle  info- 
lemment  à  M.  de  la  Barre  à  la  Famf- 
ne.  Il  eft  député  à  M.  de  Dénonville, 
5c  demande  au  Commandant  de  Ca- 
tarocouy  un  Officier  pour  l’accompa¬ 
gner.  Comment  il  enufe  avec  cet  Of¬ 
ficier.  Fierté  ,  avec  laquelle  il  propo- 
fe  la  paix,  3Z7-28. 

Haonhouontfiontaoitet  ,  (  Etienne  ) 
Iroquois  Chrétien  -,  fon  martyre  ,  y 9 y. 

Harlay  (  M.  de  )  Archevêque  de  Pa¬ 
ris,  eft  nommé  par  le  Roy  pour  juger 
lion  doit  permettre  la  Traite  de  l’Eau- 
de-vieavec  les  Sauvages.  Il  juge  que 
non,  4yj. 

Hawkins ,  (  Jean  )  Capitaine  An¬ 
giois  ;  fes  bonnes  maniérés  avec  les 
Angiois  de  la  Floride  ,  y  8.  &  fuiv. 

Hennepin ,  (Le  P.  Louis)  Recollet, 
s’embarque  pour  le  Canada  avec  M. 
de  la  Sale  ,  457.  Il  découvre  le  haut 
du  Miciffipi  ,  donne  le  nom  de  S. 
Antoine  de  Padotïe  à  un  Sault,  juf- 
qu’où  remonte  ce  Fleuve;  il  demeu¬ 
re  quelque  rems  Prifonnier  chez  les 
Sioux  ,  460.  Voyez  la  Lifte  5c  l’Exa¬ 
men  des  A  tireurs. 

Henry  III.  Roy  de  France,  accorde 
au  Marquis  de  la  Roche  la  même 
Commiffion  ,  qu’avoit  eue  M.de  Ro- 
berval  de  François  I.  107. 

Henry  IV.  Roy  de  France ,  confir¬ 
me  la  donation  5c  les  privilèges  ac¬ 
cordés  au  Marquis  de  la  Roche  par 
Henry  III.  107.  Il  envoyé  chercher 
des  François,  qu’on  avoit  laides  dans 
l’Ifie  de  Sable  ,  les  veut  voir ,  &  leur 
fait  une  libéralité  ,  1 10.  Il  ordonne  à 
M.  de  Poutrincourt  de  conduire  des 
Jefuites  en  Acadie  ,  1  z  1.  Il  n’eft  pas 
obéi ,  5c  en  fait  des  reproches  â  M.  de 

KKkk  ij 


<5zS  T  A  B 

Poutrincourt.  Sa  mort ,  izi. 

Henry  VIL  Roy  d’Angleterre  ,  en¬ 
voyé  Jean  Gabot  8c  les  Fils  faire  des 
découvertes  en  Amérique ,  3. 

Hermaphrodites  ,  font  communs  en 
Floride.  A  quoi  on  les  occupe  ,  27. 

Hertel  (François)  eft  pris  dans  fa 
jeunefTe  par  les  Iroquois ,  qui  le  trai¬ 
tent  fort  mai.  Sa  pieté  8c  fon  éloge  , 

,  3  54* 

Hervé  au  ,  (  le  P.  Cé  Tarée)  Recoller, 
s’embarque  avec  M.  Talon  pour  Que- 
bec  ,  8c  fait  naufrage  ,  4Z4- 

La  Héve ,  ou  la  Haive  ,  Port  de  l’A¬ 
cadie.  Les  Anglois  fe  rendent  Maî¬ 
tres  d’un  Fort ,  que  des  François  y 
avoient  bâti ,  414.  Nécelliié  de  forti¬ 
fier  ce  Port ,  560. 

Hochelaga  ,  Bourgade  Sauvage  du 
Canada.  Safituation,  1  1.  Sa  deferip- 
tion.  Réception  ,  qu’on  y  fait  à  Jac¬ 
ques  Cartier  ^  12. 

Hollandais .  ils  s’établiffent  en  Amé¬ 
rique  ,  8c  y  fondent  la  Nouvelle  Bel - 
gique  ,  142.  Il  en  font  chaffiés  par  les 
Anglois ,  qui  leur  donnent  Surinam 
en- échange.  Plufieurs  y  demeurent. 
Comment  ils  fe  comportent  avec 
les  François.  Ils  donnent  des  armes  à 
feu  aux  Iroquois,  143.  Ils  cherchent 
à  décrier  les  Jefuites  dans  l’efprit  des 
Hurons,  175-76.  193.  Ils  fourniflènt 
du  fecours  aux  Iroquois  contre  leurs 
Ennemis  8c  nos  Alliés  ,  229.  Répon- 
fe  du  Gouverneur  de  Manhatte  aux 
plaintes  ,  que  lui  en  fait  M.  de  Monr- 
magny,  233.  Ils  demandent  aux  Iro¬ 
quois  les  François  ,  qui  étoient  Cap¬ 
tifs  dans  les  Cantons,  &  font  refufés, 
240.  Un  Officier  Hollandois  s’offie  à 
fauver  le  P.  Jogues  ,  247-4S.  Il  le  dé¬ 
livre  de  captivité ,  249-50.  Ils  repren¬ 
nent  Manhatte,  8c  follicitent  les  Iro¬ 
quois  â  la  guerre  contre  nous.  Ils  me¬ 
nacent  les  Jefuites  de  les  chaffier  du 
Canton  d’Agnier  ,  s’ils  ne  fe  retirent 
d’eux-mèmes  ,451.  On  les  regarde  en 
Canada  comme  Ennemis  des  Fran¬ 
çois  ,  471.  Des  Hollandois  ruinent  le 
Fort  de  Pentagoëc  ,520.  A  quoi  on 


reconnoît  leur  intelligence  avec  les 
Iroquois  ,  554.  Un  Chef  Iroquois  ex¬ 
horte  les  Cantons  à  ne  les  point  écou¬ 
ter  ,&  pourquoi  ?  565.. 

Hospitalières .  On  parle  d  établir  des 
Religieufes  Hofpitalieres  en  Canada, 
204.  Quelle  vûë  avoient  en  cela  les 
Millionnaires.  Trois  Hofpitalieres  de 
Dieppe  fe  difpofent  à  partir  ,  206, 
Leur  arrivée  à  Quebec  ,  leur  ferveur 
à  la  vûë  des  Sauvages.  Elles  prennent 
polfellion  de  l’Hôpiral  de  Sylleri.  In¬ 
commodités,  qu’elles  y  eurent  à  fouf- 
frir ,  8c  leur  courage  ,  208-09.  Erec¬ 
tion  de  l’Hôpital  de  Montreal,  343. 
Les  Hofpitalieres  de  Quebec  font 
obligées  de  fortir  la  nuit  de  leur  Mo- 
naftere,  trop  expofé  aux  furprifes  des 
Iroquois,  347. 

Houel.  M.  Houel  ,  un  des  premiers 
Membres  de  la  Compagnie  des  cent 
AlTociés ,  j  6 1. 

Hudfon ,  ( Henry )  Anglois,  après 
avoir  inutilement  cherché  un  chemin 
à  la  Chine  par  le  Nord  du  Canada  , 
découvre  la  Rivière  de  Manhatte  , 
142.  Des  Algonquins  fe  réfugient  fur 
les  bords  de  la  Baye  d’Hudfon  ,  345. 
Des  Sauvages  des  environs  de  cette 
Baye  propofent  de  fe  liguer  avec  les 
François  contre  les  Iroquois,  345. 
Henry  Hudfon  vend  Manhatte  aux 
Hollandois  ,  375.  Defcription  du  Dé¬ 
troit  8c  de  la  Baye  d’Hudfon  ,  473.  & 
fuiv.  Il  n’eft  pas  vrai  que  Hudfon  y 
ait  fait  aucune  prife  de  poffèffion , 
476.  Affaires  de  la  Baye  d’Hudfon  , 
504.  Prife  de  trois  Forts  fur  les  An¬ 
glois  dans  la  Baye  d’Hudfon,  505- 
06.  Conférences  en  Angleterre  avec 
les  Plénipotentiaires  de  France  au  fu- 
jet  de  cette  Baye  ,  8c  ce  qui  les  rend 
inutiles  ,  544.  On  y  proclamele Prin¬ 
ce  &  la  Princefle  _d’Orange  Roy  8c 
Reine  de  la  Grande  Bretagne  par  or¬ 
dre  de  la  Compagnie  de  Londres  , 
qui  prétend  que  cette  Baye  appartient 
route  entière  à  la  Couronne  d’Angle¬ 
terre,  554.  Prife  de  poffieffion  de  la 
Baye  d’Hudlon  pour  ia  France.  V  oyez 


DES  MAI 

Bourdon  5c  Albanel. 

'  Humfrej.  Le  Chevalier  Gilbert  Hum- 
frey  >  Anglois  ,  prend  pofleffion  de 
rifle  de  Terre-Neuve  au  nom  de  la 
Reine  Elizabeth ,  5c  en  Ton  propre 
nom.  Il  échoue  fur  Lille  de  Sable  »  où 
on  prérend  qu’il  vécut  deux  ans  , 

418. 

Hurons.  Nation  Sauvage  du  Cana¬ 
da.  Ils  fe  difpofent  à  marcher  contre 
les  Iroquois ,  142.  Ils  partent  avec  A4, 
de  Cha.mplain  ,  144.  &  fuiv.  Leur  vi¬ 
ctoire,  148.  Ils  engagent  de  nouveau 
A4,  de  Champlain  dans  une  Expédi¬ 
tion  contre  les  Iroquois ,  5c  ont  avec 
lui  de  fort  mauvaifes  maniérés  ,154. 
&  fuiv.  Ils  fe  battent  mal ,  154.  Ils 
font  obligés  de  faire  retraite ,  5c  la 
font  bien.  Ils  refufent  à  M.  de  Cham¬ 
plain  un  Guide  ,  qu’ils  lui  avoient 
promis  pour  retourner  à  Quebec , 
155.  A4,  de  Champlain  projette  de  fe 
les  attacher.  Leur  caraéterej  178.  182. 
183.  Ils  viennent  en  grand  nombre 
au  devant  de  A4,  de  Champlain  ,  5c 
refufent  de  conduire  chez  eux  deux 
Aliflïonnaires,  182-83.  Leur  origine, 
leurs  differens  noms  >d’où  vient  celui 
de  Hurons ?  Defcription  de  leur  Pays, 
183.  &  fuiv.  De  quelle  facilité  5c  de 
quelle  importance  il  étoit  aux  Fran¬ 
çois  de  s’y  établir  folidement  ,  186. 
Alauvaife  maniéré  des  Hurons  à  l’é¬ 
gard  des  Aliflïonnaires  ,  187,  Obfla- 
cles ,  que  ceux-ci  trouvèrent  à  leur 
converflon,  188 .&fuiv.  Ils  font  dans 
une  trifte  fltuation  ,  190.  &  fuiv.  ils 
prennent  ombrage  de  tour,  192.  Ils 
commencent  à  revenir  de  leurs  pré¬ 
jugés  contre  la  Religion  Chrétiennes 
&  ce  qui  les  y  difpofe  ,  193.  &  fuiv. 
Parallèle  des  Nations  Huronnes  5c 
Algonquines,  196.  On  ne  peut  en¬ 
gager  les  Hurons  à  envoyer  leurs  En- 
fans  à  Quebec  pour  y  être  élevés  s 
199.  200,  Maniéré  lurprenante  ,  dont 
ils  fe  lalifent  tromper  par  les  Iroquois. 
Ce  qui  les  rendoit  fi  fiers  avant  la 
prife  de  Quebec  par  les  Anglois  , 
201.  Ce  qui  les  difpofe  à  fe  rendre 


I  E  R  E  S.  6iy 

plus  dociles  aux  inltru étions  des  Mif- 
fionnaires  ,  203.  Ils  ont  quelques 
avantages  fur  les  Iroquois }  209.  Si¬ 
tuation  de  la  Aliflion  Huronne  ,214. 
Des  Hurons  lailfent  maltraiter  leur 
Aliflion n aire,  21  y.  Ils  le  tirent  enfin 
des  mains  de  celui  ,  qui  le  maltrai- 
toit,2i6.  Leur  charité  à  l’égard  d’une 
Nation  diflipée  par  les  Iroquois  ,  5c 
comment  ils  en  font  recompenfés. 
Ils  défont  un  Parti  d’Iroquois  ,  223.- 
24.  Un  Huron  fe  facrifie  pour  attirer 
les  Iroquois  dans  une  embufcade  , 
224.  Les  Hurons  ne  profitent  point 
de  leurs  avantages,  22  y.  Une  ancien¬ 
ne  Tradition  porte  qu’ils  avoient  au¬ 
trefois  chaflé  les  Habitans  de  Mont¬ 
real  de  cette  Ifle  ,  228.  Leur  indolen¬ 
ce  au  fujet  de  la  guerre  :  quelles  en 
furent  les  caufes  &  les  fuites,  233. 
Grand  Convoi  des  Hurons  pris  pat 
les  Iroquois  ,  234.  Juftice  de  Dieu 
fur  un  Village  Huron  ,  244.  Belle 
action  d’un  jeune  Chrétien  Huron  , 
244-45.  Un  Huron  fe  fauve  du  Can¬ 
ton  d’Agnier ,  5c  porte  à  Quebec  des 
nouvelles  du  P.  Jogues,  245.  Etat  dé¬ 
plorable  de  la  Nation  Huronne.  Fer¬ 
veur  des  Chrétiens,  25  1 . Us  lont ani¬ 
més  de  l’Efprit  Apoftolique,  5c  quel¬ 
ques  -  uns  vont  annoncer  Jésus- 
C  h  ri  s  t  à  la  Nation  Neutre,  2 y 2. 
Extrémité,  où  cette  Aliflion  eft  ré¬ 
duire  ,  257.  Réponle  de  deux  Hurons 
à  M.  de  Alontmagny  ,  qui  leur  avoir 
demandé  deux  Prifonnierslroquois  , 
161.  Les  Hurons  font  attaqués  de 
nouveau  par  les  Iroquois  ,  270.  Belle 
aéfcion  de  trois  Hurons  ,  274.  Des 
Hurons  Idolâtres  donnent  aux  Ag- 
niers  de  grands  ombrages  des  Mil¬ 
lionnaires  ,  zyy.  Les  Andaftes  of¬ 
frent  du  fecours  aux  Hurons ,  qui  ne 
l’acceptent  point.  Ils  fe  laiflenr  fur- 
prendre  par  les  Iroquois ,  284.  Leur 
indolence  dans  la  guerre  continue. 
Leur  docilité  envers  les  Millionnai¬ 
res.  289.  Deux  de  leurs  Bourgades 
font  détruites  par  les  Iroquois  ,  & 
tous  les  Habitans  pafiés  au  fil  de  l’é- 


TABLE 


630 

pce  ,  290.  Ils  barrent  les  Iroquois  ,& 
leurs  plus  Braves  tombent  dans  une 
embufcade  ,291*  Un  Huron  Apoftat 
confeille  aux  Bourreaux  des  PP.  de 
Brebœuf  &  Lallemant  de  les  baptifer 
avec  de  Peau  bouillante,  293.  Les 
Huronsfe  difperfent,  295.  Leur  con¬ 
fiance  &  leur  ferveur  dans  leurs  dif- 
grâces  ,  2 $6.  Voyez  Tionnontatés ,  qui 
font  les  vrais  Huions.  Des  Huions 
confpirent  contre  les  Millionnaires  , 
&  ce  qui  en  arrive.  Protedion  vifible 
du  Ciel  fur  un  Huron  &  une  Huron- 
ne ,  299. 3 00. Nouveaux  malheursar- 
rivés  aux  Huions.  Plufieurs  descen¬ 
dent  à  Québec  ,  300.  &  fuiv.  des  Hu¬ 
ions  fe  lailfent  furprendre  par  une 
poignée  d’ Iroquois,  301.  Un  grand 
nombre  de  Huions  defcendent  à  Que- 
bec  3  réception  ,  qu’on  leur  fait  :  ce 
que  deviennent  la  plupart  des  autres. 
Les  Habitans  de  deux  Bourgades  Hu- 
ronnesfe  donnent  aux  Iroquois  ,  &  en 
font  bien  reçus ,  302.  D’autres  fe  met¬ 
tent  témérairement  en  Campagne 
pour  attaquer  les  Agniers  ,  font  tra¬ 
his  par  un  des  leurs  ,&  défaits  ,  303- 
04.  Pieté  de  ceux  ,  qui  étoient  reliés 
a  Quebec ,  306.  Des  Huions  Chré¬ 
tiens  défont  un  Parti  d’ Agniers  ,313. 
Ferveur  des  Chrétiens  Hurons  Cap¬ 
tifs  chez  les  Iroquois ,  316.  Piete  de 
ceux  ,  qui  étoient  dans  l’ifle  d’Or- 
leans  ,  317-18.  Des  Hurons  s’oppo- 
fent  à  PEtablilTement  de  la  Religion 
Chrétienne  à  Ontiontagué ,  322.  Plu¬ 
fieurs  Hurons  font  enlevés  dans  Pille 
d’Orléans  par  les  Agniers  324.  Dif- 
perlion  d’un  grand  nombre  d’autres  , 
324-2  j.  D’autres  offrent  de  fe  donner 
aux  Agniers ,  &  s’en  repentent,  329. 
Leur  embarras.  Toute  une  Tribu  fe 
livre  aux  Agniers.  Ils  font  fommes 
par  les  Onnontagués d’une  femblabîe 
parole  3  &  ce  que  l’on  répond  à  ceux- 
ci ,  332.  Ferveur  des  Hurons  Captifs 
dans  le  Canton  de  Tfonnonthouan , 
&  les  effets  ,  quelle  produit  ,334* 
Ceux  ,  qui  s’étoient  donnés  aux  On¬ 
nontagués,  en  font  traités  comme  des 


Prifonniers  de  guerre.  Jeune  Femme 
Huronne  Martyre  de  la  chafteté con¬ 
jugale  ,  3 3  s-  Des  HuronsTionnonra- 
tés  inlultent  les  Sioux  ,  &  comment 
ceux  ci enexterminent plufieurs,  346. 
Des  Hurons  rerirés  à  Chagouamigon 
invitent  le  P.  Mefnard  à  les  aller  trou¬ 
ver.  Ceux  ,  qui  l’étoient  venu  cher¬ 
cher,  l’abandonnent  en  chemin  ,338. 
Le  P.  Allouez  les  vilite  ;  en  quel  état 
il  les  trouve  -,  fruits  de  fes  travaux  par¬ 
mi  eux  ,  395.IIS  fe  garantiEent  mieux 
de  la  petite  vérole ,  que  les  autres  Sau¬ 
vages.  Le  P.  Chaumonot  en  raffem- 
ble  plufieurs  à  Lorette  ,  428.  Ceux  de 
Michiliimakinac  favorifent  le  com¬ 
merce  des  AngTois  dans  cePofle.  On 
a  bien  de  la  peine  à  les  empêcher  de 
traiter  avec  lesTfonnonthouans,  513. 
Les  uns  &  les  autres,  &  Partout  les 
Premiers  fe  battent  bien  à  la  journée 
de  Tfonnonthouan,  3 16.  Ceux  de  Mi¬ 
chiliimakinac  s’oppofentà  la  paixen- 
tre  les  François  &  les  Iroquois  ,  ÔC 
pourquoi  ?  5  3  3 .  Mefures  ,  que  prend 
un  de  leurs  Chefs  pour  l’empêcher. 
Voyez  le  Rat.  Ils  font  Pâme  du  Trai¬ 
té  des  Outaouais  avec  les  Tfonnon- 
thouans ,  &  ne  paroiffent  point  ,568. 
Pourquoi  Ils  different  de  fe  déclarer  , 
569.  On  leur  attribue  Piuveétive  des 
Outaouais  contre  les  François }  370. 

J.  I. 

J 'AC  QUE  S  /.  Roy  de  la  Grande 
Bretagne  >  concède  au  Comte  de 
Sterlin  tource  que  les  Anglois  avoient 
enlevé  à  la  France  dans  le  Continent 
de  P  Amérique  ,  114. 

Jamaïque.  Le  Gouverneur  Efpagnol 
de  la  Jamaïque  eft  pris  par  les  Révol¬ 
tés  de  la  Caroline  :  comment  il  fe  tire 
de  leurs  mains  ,  51. 

Iberville.  M.  le  Moine  d’iberville  , 
Gentilhomme  Canadien  ,  va  en  qua¬ 
lité  de  Volontaire  à  l’Expédition  de 
la  Baye  d’Hudfon.  Il  prend  d  Pabor- 
dage  un  Navire  Anglois ,  505.  Il  fe 
rend  Maître  avec  M.  de  Sainte  Llele- 


( 


DES  Mi 

ne  s  Ton  Frere,  du  Fort  de  Quitchit- 
chouen  ,  506.  Il  repouffeles  Anglois, 
qui  l’affiegeoient  dans  ce  même  Fort , 
5c  leur  prend  un  V aideau  ,  j  18-19, 

11  fe  rend  Maître  de  deux  Vaiffeaux 

Anglois  dans  la  Baye  d’Hudfon  ,5*5. 
&  fuiv.  Le  mauvais  tems  l’empêche 
d’en  prendre  un  troifîéme,  556. 

Idole.  Des  Miftîonnaires  renverfent 
une  Idole  ,  qui  étoit  fur  le  bord  delà 
Riviere  dès  Renards,  447. 

Jeremie.  Mémoires  du  Sieur  Jefe- 
mie  fur  la  Baye  d’Hudfon  ,  479.  V. 
la  Lifte  &  l’Examen  des  Auteurs. 

Jerfey.  Nouveau  Jerfey >  Colonîede 
l’Amerique  3  fondée  par  les  Suédois, 
5c  occupée  aujourd’hui  par  les  An¬ 
glois.  Sa  fîtuation.  l^ojez,  Nouvelle 
York. 

Jefuitcs.  Le  Roy  Henry  I  V.  veut 
qu’on  envoyé  des  Jefuites  en  Aca¬ 
die,  ni.  On  refufe  de  les  embar¬ 
quer,  122.  M.de  Champlain  les  ju- 
ftifie  au  fujet  du  Traité  fait  en  leur 
faveur  par  Madame  de  Guerchevilie , 

1 2  3 .  Ce  qui  empêche  le  fruit  de  leurs 
travaux.  Ilspaftentà  S.  Sauveur  ,132. 
Ce  qu’ils  deviennent  après  la prife de 
cette  Habitation ,  137.  Belle  action 
de  quelques-uns  d’eux  aux  Açorres  , 
j  38.  8c  en  Angleterre,  où  ils  font 
font  bien  reçus,  1 39.  Des  Jefuites  font 
envoyés  en  Canada.  On  les  reçoit  mal 
à  Quebec  ;  les  PP.  Recollers  les  lo¬ 
gent  chez  eux,  159.  Ils  ont  beau¬ 
coup  à  fouffrir  de  la  part  des  Héréti¬ 
ques  à  Quebec ,  160.  Un  Réfugié 
François  perfuade  aux  Anglois  qu’ils 
font  fort  riches,  172.  Pourquoi  ils  re¬ 
tournent  feulsen  Canada  après  fa  re- 
ftitution  ,  178-79.  Cara&ere  des  Je- 
fuires  du  Canada  ,181.  Pourquoi  ils 
fouhaitent  l’Etabliftèment  de  la  Mif- 
fon  Huronne  ,  186.  Les  Hollandois 
difent  beaucoup  de  mal  d’eux  aux 
Hurons  ,  193.  Leur  charité  &  leur 
déftntéreftement  font  revenir  les  Sau¬ 
vages  de  leurs  préjugés  ,203.  Effet , 
que  produifent  en  France  les  Lettres, 
qu’ils  écrivent ,  203-04.  Leurs  vues 


T  I  E  R  E  S.  '  63 1 

en  procurant  l’Etabliftèment  des  Ur- 
fulines  8c  des  Hofpitalieres  en  Cana¬ 
da  ,  &  ce  qu’ils  ont  à  fouffrir  dans 
leurs  Millions ,  214-15.  Leurs  occu¬ 
pations  ,  216-17.  Réfléxion  fur  leur 
conduite,  218.  &  fuiv.  Leurs  Exer¬ 
cices  8c  leurs  Millions  volantes  ,  221. 
Ils  font  accufés  de  faire  le  commer¬ 
ce;  la  Compagnie  du  Canada  les  juf- 
tihe  ,  2  $6.  &  fuiv.  Ils  font  calomniés 
en  France  ,  257.  Quelques  Hurons 
confpirent  contr’eux.  Leur  intrépidité 
les  déconcerte  ,  &plufieurs  des  Con¬ 
jurés  fe  ccnvertiftent ,  299.  Plufieurs 
font  obligés  de  retourner  en  France  , 
8c  pourquoi  ?  312.  Ils  remettent  à  PE- 
vêque  de  Petrée  les  Cures  du  Cana¬ 
da,  340.  Plaintes,  que  fait  M.  de 
Méfi  contr’eux  au  Confeil,  8c  ceque 
le  Confeil  en  penfe  ,  377.  La  Cour 
les  veut  obliger  de  f ranci  fer  les  Sauva¬ 
ges.  Préventions  de  M.  Colbert  con- 
tr’eux  à  ce  fujet.  Il  en  revient ,  390. 
Voyez  Mifjionnaires ,  5c  la  Lifte  8c 
l’Examen  des  Auteurs. 

Jeune  (  le  P.  Paul  le  )  Jefuite  ,  arri¬ 
ve  à  Quebec  ,  179.  Il  eft  chargé  par 
le  Commandeur  de  Sylleri  de  PEta- 
bliffement  d’une  Bourgade  Sauvage 
dans  la  Colonie.  Sa  conduite  avec 
les  Sauvages  à  ce  fujet  ,  204.  Il  eft 
propofé  par  la  Reine  Mere  pour  l’E¬ 
vêché  du  Canada  ,  339. 

IhouAÙrïy  Bourgade  Huronne,  au¬ 
trement  nommée  S.  Jofeph.  Voyez  ce 
mot. 

Illinois.  Sauvages  du  Canada.  Ce 
qu’on  en  difoit,  lorfqu’on  leur  don¬ 
na  les  premières  notions  du  Chrif- 
tianifme  ,  306.  Accueil ,  qu’ils  font 
au  P.  Marquette  8c  au  Sieur  Jolier. 
Les  Iroquois  commencent  à  les  mo- 
lefter  ,  446.  M.  de  la  Sale  compte 
beaucoup  fur  eux  ,  8c  pourquoi?  Le 
Chevalier  de  Tonti  les  met  dans  fes 
intérêts.  Leur  attachement  à  nos  inté¬ 
rêts  leur  fait  recevoir  un  échec  de  la 
part  des  Iroquois  ,  439.  Ils  font  un 
peu  changés  à  l’égard  de  M.  de  la  Sa¬ 
le.  Trente  d’encr’eux  fe  donnent  pour- 


/ 


<Î}1  tae 

tant  à  lui ,  460-61.  Le  Chevalier  de 
Tonti  fe  fait  Médiateur  entr’eux  8c 
les  Illinois, 46  r.LesTfonnonthouans 
refufent  de  les  comprendre  dans  le 
T raicé  de  paix  ,493.  Les  Iroquois  con¬ 
tinuent  à  leur  faire  la  guerre  ,  497. 
Pourquoi  le  Chevalier  de  Tonti  n’en 
peut  mener  que  quatre- vint  à  la  guer¬ 
re  des  Tfonnonthouans,  511. 

Intendant.  Premier  Intendant  du 
Canada.  Voyez  Robert.  Ses  fondions 
dans  le  Confeil  Supérieur ,  372.  & 
fuiv. 

Jogttes ,  (le  P.  Ifaac,  )  Jefuite  ,  va 
viliter  les  Sauteurs  ;  ce  qu’il  y  fait , 
232.  Il  en  eft  rappellé  ,233.1!  le  laide 
prendre  par  les  Iroquois  ,  pour  ne  pas 
abandonner  fes  Néophites,  qu’il  pré- 
voyoit  devoir  être  brûlés  ,  234.  Ma¬ 
niéré  cruelle  ,  dont  il  eft  traité  par  les 
Iroquois,  12,7. &  fuiv.  Il  faitplufieurs 
converfions  pendant  fa  captivité  , 
241.  &  fuiv.  Ce  qu’il  mande  au  Che¬ 
valier  de  Montmagny  au  fujet  des 
Hurons  8c  des  Iroquois,  243.  Il  ap¬ 
prend  que  fa  mort  eft  refoluë  ,  246. 
Il  fuit  les  Sauvages  à  la  chaffe,  8c 
pourquoi  il  retourne  au  V illage  ,  d’où 
il  étoit  parti  ,  247.  Ce  qu’il  répond 
à  un  Officier  Hollandois ,  qui  s’offre 
a  le  fauver.  Son  évafion  ,  248.  &  fuiv. 
Il  arrive  en  France.  La  Reine  Mere 
le  veut  voir.  Le  Pape  lui  permet  de 
dire  la  Meffie  avec  fes  mains  mutilées; 
250.  Son  caradere ,  251.  Il  fait  deux 
voyages  aux  Iroquois,  269.  Il  y  retour¬ 
ne  une  troifiéme  fois  avec  un  pref- 
fentiment  que  ces  Sauvages  le  feront 
mourir.  Il  eft  abandonné  de  fes  Con- 
dudeurs  ,  274.  Il  eft  maffacré  3  fon 
Meurtrier  fe  convertit  ,  27 6.  Son 
nom  iroquois  ,  320.  Effet,  que  pro¬ 
duit  la  ledure  de  fa  vie  &  de  fes 
fouffrances  fur  un  Gentilhomme  de 
Normandie,  400. 

Joliet.  Le~Sr.  Joliet  découvre  le  Mi- 
eiffipi  avec  le  P. 'Marquette  ,  445 .  & 
fuiv.  M.  de  la  Sale  le  confulte  ,  456. 
Il  entreprend  un  voyage  pénible  pour 
donner  au  Gouverneur  Général  des 


LE 

avis  importans  l  t  568.. 

Zonas  ,  Jongleurs  des  Floridiens  ; 
honneurs  ,  qu’on  leur  rend.  Ils  font 
fort  adonnés  aux  fortileges  ,  28.  Ils 
font  fort  craints  ;  8c  prétendent  que 
les  Dieux  leur  parlent ,  32.  Un  Ionas 
prédit  affez  jufte  l’état  ,  où  fon  Caci¬ 
que  trouvera  les  Ennemis  ,  $6. 

Jongleurs .  Efpece  deChatlatans  par¬ 
mi  les  Sauvages  du  Canada.  Leurs 
fondions,  145.  ils  s’oppofent  au  pro¬ 
grès  de  la  Religion  Chrétienne  parmi 
les  Hurons  ;  190.  On  croit  que  leurs 
preftiges  font  accompagnés  de  l’opé¬ 
ration  du  Démon,  224.  ils  font  ac¬ 
croire  qu’ils  entendent  le  langage  des 

Oifeaux,  #  a  394* 

Jofepb  ,  Captif  Iroquois ,  brûlé  par 
les  Hurons ,  &  le  premier  de  fa  Na¬ 
tion  ,  qui  ait  été  baptifé.  Son  fuppli- 
ce  ,  210.  &  fuiv. 

Jourdain.  Riviere  de  la  Caroline  , 
par  qui  découverte  ,  24.  M.  de  Ri- 
baut  la  cherche  inutilement ,  25-. 

hoquet ,  Nom  d’une  Nation  Sauva¬ 
ge  ,  qu’on  croit  avoir  anciennement 
habité  Fille  de  Montreal ,  8c  qui  ne 
paroît  plus  ,  nS* 

Iroquois ,  Nation  Sauvage  du  Cana¬ 
da.  M.  de  Champlain  fe  joint  à  leurs 
Ennemis  pour  leur  faire  laguerre  :  ce 
qui  les  empêche  de  fuccomber  ,  142- 
43.  D’où  vient  l’afcendant  ,  qu’ils 
avoient  pris  fur  leurs  Ennemis,  144. 
Pays  ,  qu’ils  occupoient  autrefois  , 
146.  Ils  font  défaits  par  M.  de  Cham¬ 
plain  &  fes  Alliés,  148-51.  Ils  font 
attaqués  de  nouveau  ,  &  ne  peuvent 
être  forcés,  154-55-  Us  entrepren¬ 
nent  de  chaffer  ;  ou  d’exterminer  tons 
les  François  du  Canada.  Succès  de 
leur  Entreprife  ,  1  57-58.  Leur  origi¬ 
ne,  184.  Onmanquel’occafion  de  les 
dompter ,  ou  de  les  gagner ,  186.  Ils 
divifent  les  Hurons  pour  les  détruire 
féparément ,  20  r.  ù'fuiv.  La  foibleffe 
de  la  Colonie  Françoife  les  rend  plus 
hardis,  202-03.  Ils  infultent  le  Gou¬ 
verneur  Général  aux  Trois  Rivières , 
203.  Ilsdiffipent  une  Nation  entière, 

2.23» 


DES  MATIERES. 


Stratagème,  dont  ils  ufent  pour 
détacher  les  François  des  Hurons.  Ils 
font  une  fécondé  infulte  au  Gouver¬ 
neur  Général  ,  225-2.6.  Ils  veulent 
empêcher  qu’on  ne  batifte  le  Fort  de 
Richelieu  ,  8c  font  repouftes  ,2  30.  Ils 
parodient  portés  à  la  paix,  260*63.  M. 
de  hfôntmagny  leur  donne  une  au¬ 
dience  p^iblique  ;  ce  qui  s’y  paiïè  , 
264.  &  fuiv.  Ils  recommencent  leurs 
hoftilités.  Differencedes  Iroquois  Su- 
-  périeurs  8c  Inférieurs.  Origine  du  nom 
d’Iroquois ,  270.  Ils  attaquent  de  nou¬ 
veau  les  Hurons  ,273.  Ils  détruifent 
la  Bourgade  de  S.  Jofeph,  après  y 
avoir  fait  un  grand  carnage  8c  tué  le 
P.  Daniel ,  284-8  5.  Ils  détruifent  deux 
autres  Bourgades  Huronnes  ,  8c  brû¬ 
lent  les  PP.  de  Brebeuf  &  Lallemant. 
Ils  reçoivent  un  échec  ,  8c  ont  Bien¬ 
tôt  leur  revanche.  Ils  lèvent  le  fiége 
de  Sainte  Marie,  frapés  d’une  ter¬ 
reur  panique,  291.  Ils  détruifent  la 
Bourgade  de  S.  Jean  ,  8c  y  maftacrent 
le  P.  Garnier  ,  297.  &  fuiv.  Ils  pour- 
fuivent  les  Hurons  dans  leur  retraite, 
8c  en  font  un  grand  carnage,  302.  Ils 
dépeuplent  une  grande  étendue  de 
Pays  par  la  terreur  de  leur  nom  ,302- 
03.  Un  de  leurs  Partis  s’approche  des 
Trois  Rivières  ,  dont  le  Gouverneur 
eft  tué  en  marchant  contr’eux.  Ce  qui 
augmente  leurs  forces  ,  309.  Ils  met¬ 
tent  tout  à  feu  8c  à  fang  dans  le  Nord, 

3  1  o.  Pourquoi  les  Iroquois  Supérieurs 
vouloient  faire  la  paix  avec  les  Fran¬ 
çois,  318.  Courage  8c  vertu  d’une 
Fille  ,  d’une  Femme  8c  d’un  Enfant 
Chrétiens  Iroquois ,  321-22.  Leslro- 
quois  reduifent  la  Colonie  à  de  gran¬ 
des  extrémités.  Leur  deffein  ,  347.  & 
fuiv.  Les  Iroquois  Supérieurs  repouf- 
fentles  Andaftes  ,  8c  font  des  excur- 
fionsen  Virginie ,  d’où  quelques-uns 
pénétrent  jufqu’à  la  Mer.  Ce  qu’ils  y 
trouvent ,  3  55.  Quelques  Partis  Iro¬ 
quois  paroilTènt  dans  la  Colonie  pen? 
dant  le  Tremblement  de  Terre,  8c 
font  battus ,  369.  Ils  demeurent  ar¬ 
més  pendant  la  paix  f  ôi  pourquoi  ? 
Tome  I . 


374.  On  ne  profite  point  de  l’humi¬ 
liation  des  Iroquois  pour  établir  le 
Chriftianifme  parmi  eux,  388.  Ce  qui 
empêche  leur  converfion  ,  3  98*99.  De 
quelle  importance  il  eft  d’avoir  des 
Millionnaires  parmi  eux,  402-03.  Ils 
veulent  engager  les  Outaouais  à  leur 
porter  leurs  Pelleteries  pour  les  ven¬ 
dre  aux  Anglois  ,  407.  Un  Chef  Iro¬ 
quois  eft  aftafllné  8c  volé  par  des  Fran¬ 
çois  ,  8c  çe  qui  en  arrive ,  42  y.  &  fuiv . 
Les  Iroquois  Supérieurs  font  mal  me¬ 
nés  par  les  Andaftes  ,  ce  qui  les  rend 
plus  dociles  à  la  voix  des  Millionnai¬ 
res  ,431.  Ils  détruifent  prefqu’entie- 
rement  les  Andaftes  8c  les  Chaoua- 
nons.  Ils  approuvent  le  delîein  debâ- 
tir  un  Fort  à  Catarocouy ,  8c  ne  voyent 
pas  que  ce  Fort  ne  fe  bâtit  que  pour 
les  tenir  en  bride ^  445.  Les  Hollan- 
dois  les  follicirent  à  recommencer  la 
guerre  contre  nous ,  &  ils  y  paroilTènt 
difpofés,  452.  Ils  défont  les  Illinois, 
8c  pourquoi  ils  leur  font  la  guerre  > 
459.  M.  de  Tonti  fe  rend  Médiateur 
entre  ces  deux  Nations,  461.  Les  An¬ 
glois  cherchent  à  nous  fufeiter  des  af¬ 
faires  par  leur  moyen  ,  462.  Ils  obli¬ 
gent  le  Chevalier  de  Tonti  à  aban¬ 
donner  la  Riviere  des  Illinois  ,  463. 
Us  ménacent  la  Colonie  ,  8c  ce  qui 
les  engage  à  differer  .de  fe  .déclarer. 
Leurs  motifs  pour  nous  faire  la  guer¬ 
re,  466.  &  fuiv .  Ils  veulent  obliger  le 
Comte  de  Frontenac  à  les  venir  trou¬ 
ver  chez  eux,  467.  &  fuiv.  Cinq  Dé¬ 
putés  Iroquois  à  Montreal.  Mauvaife 
foy  de  ces  Barbares ,  469-70.  Les  An¬ 
glois  &  les  Hollandois  les  pouffent  à 
nous  faire  la  guerre  ,471.  Leur  def- 
fein  ,  8c  comment  il  faut  s’y  prendre 
pour  les  réduire,  472.'  Ils  traitent  de 
mauvaife  foy  avec  M.  de  la  Barre  » 
483.  Leur  réponfe  infolente  à  ce  Gé¬ 
néral  ,  484.  Pourquoi  ils  trouvent 
mieux  leur  compte  avec  les  Anglois 
8c  les  Hollandois  pour  le  commerce , 
qu’avec  les  François  :  Ils  craignent 
plus  ceux-ci ,  qu’ds  ne  le  veulent  pa¬ 
raître.  Ils  envoyenc  une  Amdafiacfe  k 

LUI 


6U  T  AB 

M  de  la  Barre  ,  afin  de  l’amufer,  Leur 

defiein  ,  48ç.  Ils  marchent  pour  s’em¬ 
parer  du  Fort  de  S.  Louis  des  Illi¬ 
nois  ,  pillent  en  chemin  des  François 
chargés  de  marchandifes.  Ils  font  re- 
pouflës  de  devant  le  Fortde  S.  Louis, 
486:  Les  Iroquois  du  Sault  S.  Louis 
prennent  parti  dans  l’Armée  de  M. 
de  la  Barre,  490.  Ce  que  M,  de  la 
Barre  penfe  de  cetteNation  ,  498.  Ils 
font  une  irruption  dans  le  Sagui-. 
nam.  Le  Gouverneur  de  la  Nouvelle 
York  les  anime  contre  nous  ,  &  veut 
engager  les  Iroquois  Chrétiens  à  s  e- 
tablir  dans  fon  Gouvernement  ,  501. 
Les  principaux  Chefs  des  Iroquois 
font  arrêtés  par  furprife  àCatarocouy, 
pour  être  envoyés  aux  Galères  Suites 
de  cet  enlevement,  509.  &  fuiv.  Tren¬ 
te  Iroquois  attaquent  un  Convoy ,  & 
coupent  la  tête  à  deux  François  ,  5 .6. 
Le  P  de  Lambervillè  les  engage  à  ar¬ 
rêter  un  gros  Parti  des  leurs  ,  qui  al- 
loit  fondre  fur  nos  Habitations  ,  8c  a 
envoyer  des  Députes  au  Gouverneur 
Général.  Ces  Députés  fe  font  accom¬ 
pagner  par  plus  de  mille  Guerriers 
jufqu’au  Lac  S.  François,  &  prennent 
plaifir  à  faire  peur  à  un  Officier  Fran¬ 
çois,  5  27,  Ils  fe  répandent  dans-la  Co¬ 
lonie  ,  8c  y  jettent  la  conflernation. 
Ils  affiegent  Câtàrocouy  ,  brillent  les 
foins  8c  tuent  les  Beftiaux,  Ils  atta¬ 
quent  une  Barque  fur  le  Lac  Ontario. 
Leur  Commandant  leve  le  fiege  de 
Catarocouy  ,  8c  pourquoi  ,  528.  A 
quelles  conditions  M.  de  Denonville 
leur  accorde  la  paix.  Il  écrit  en  Cour 
pour  faire  revenir  ceux  ,  qui  étoient 
aux  Galeres ,  8c  pour  les  faire  bien 
traiter.  Ils  donnent  des  orages ,  8c  ce¬ 
pendant  ils  enlevent  un  Canot  Fran¬ 
çois  ,  f 29.  ils  reparoifient  en  armes 
dans  la  Colonie  ;  M.  de  Denonville 
marche  contr’eux  ,  8c  en  prend  quel¬ 
ques  uns  ,  530.  Les  Iroquois  Chré¬ 
tiens  font  des  courfes  fur  les  Iroquois 
Infidèles,  Députés  Iroquois  fur- 
pris  &:  défaits  par  un  Chef  Huron  , 
J36.  Ce  même  Chef  fait  paffier  par  les 


LE 

armes  un  de  ces  Députés  ,  537.  Le 
Gouverneur  de  la  Nouvelle  York  les 
empêche  d’envoyer  des  Députés  à  M. 
de  Dénonville  ,  538.  Comment  ils 
faifoient  le  commerce  des  Pelleteries 
avec  les  Anglois ,  3  3 9.  Ils  tombent  fur 
un  Quartier  de  rifle  de  Montreal  j 
cruautés  ,  qu’ils  y  exercent.  Ils  font 
quantité  dePrifonniers,  qui  font  brû¬ 
lés.  Ils  ravagent  toute  l’Iflc  ,  8c  pren¬ 
nent  un  Fort  3  un  de  leurs  Détache- 
mens  eft  battu.  Leur  projet  de  chaffier 
tous  les  François  du  Canada  ,  550. 
Néccffité  d’entretenir  des  Millionnai¬ 
res  parmi  ces  Sauvages,  5 60 .  Ils  met¬ 
tent  un  grand  Parti  de  guerre  enGam* 
pagne  ,  Ils  changent  fouvent  de 

Femmes,  5^7* 

Ijle  aux  Cendres  ,  découverte  par 
Jacques  Cartier.  Sa  firuation,  1 1 .  aug¬ 
mentée  ,  8c  non  formée  ,  comme 
quelques-uns  l’ont  cru ,  par  un  Trem¬ 
blement  de  Terre  ,  '  3°9‘ 

Ijle  s  aux  O  i [eaux.  Leur  découverte. 
Leur  fituation  ,  . 

Ijle  Longue.  Sa  fituation,  _  119. 

IJles  de  S.  Pierre.  Leur  fituation.  Ha¬ 
bitées  par  les  François  ,  420. 

Ijle  Royale  ,  autrefois,  Ijle  de  Cap 
Breton.  Premier  EtablifTement  des 
François  dans  cette  Me  ,  176.  Elle  eft 
attaquée  par  les  Anglois  :  en  quel  état 
elle  étoit  alors,  388.  Aventures  de  M. 
Denys  dans  cette  Me,  4?  3.  &  fuiv. 

Italiens.  On  doit  les  premières  dé¬ 
couvertes  du  Nouveau  Monde  a  trois 

Italiens,  4* 

Juftice.  De  quelle  maniéré  elle  avoir 
été  rendue  dans  la  Nouyelle  France 
avant  qu’il  y  eut  un  Intendant  &  un 
Confeil  Supérieur,  370.  &  fuiv.  Com¬ 
ment  elle  y  eft  adminiftrée  depuis  ce 
tems-là  ,  372.  &  fuiv.  Juftices  Subal- 
ternes/Appointemens  des  Officiers  , 

375* 

K 

T7ARESIS,  Sauvages,  Voifins 
jfYdesSioux,  396. 

Kertf,  (David)  François  réfugié, au 
Service  des  Anglois,  fait  fommer 


DES  MA 

Québec,  165.  Il  fe  rend  Maître  d’une 
Efcadre  Françoife  ,  166 .  En  quel  état 
étoit  la  fienne.  Sa  diligence  pour 
prendre  Quebec  avant  la  publication 
de  la  paix,  il  monte  à  Quebec.  Ce 
qu’il  penfe  du  Canada.  Ses  mauvaifes 
maniérés  avec M.  deChamplain,  171. 
Il  eft  la  dupe  de  fa  mauvaifefoy  ,175. 

Kert f  (  Louis  t  Frere  du  Précédenr, 
prend  Quebec  &  en  ufe  bien  ,  168. 
&  fuiv.  Il  engage  la  plupart  des  Ha- 
bitans  de  Qnebec  à  y  refter,  170.  Il  fe 
dément  un  peu  à  leur  égard  ,  171. 

Ksrt^(  Thomas)  Frere  des  Précé- 
dens  ,  monte  à  Quebec,  Se  en  retour¬ 
nant  à  Tadouflac  eft  fur  le  point  d’ê¬ 
tre  pris  par  Emeric  de  Caen  ,  qu’il 
prend.  Lâcheté  ,  qu’il  commet  dans 
cette  occafion ,  ’  170. 

Kil U(l irions ,  ou  Crifiinaux  ,  Sauvages 
de  la  Langue  Aigonquine  •,  leur  cara¬ 
ctère:  leur  Religion  :  leurs  cour  fes, 

.  597- 

Kirhe.  Le  Chevalier  Kirke ,  An- 

glois ,  donne  fa  Fille  en  mariage  à 
Radifton  ,  478.  Il  le  reçoit  bien  au  re¬ 
tour  de  la  Baye  d’Hudfon  ,  48  t. 

Kisfakpns  ,  Nation  Outaouaife  ;  em¬ 
barras  ,  où  ils  fe  trouvent  à  l  occafion 
d’un  Iroquois  aftaftinéchez  eux,  467. 
On  leur  permet  de  bâtir  des  Forts 
pour  fe  défendre  ,  468.  Pourquoi  ils 
refufent  de  faire  aucune  réparation 
aux  Iroquois ,  469. 

Kondiaronk,  Chef  Huron ,  plus  con¬ 
nu  fous  le  nom  de  le  Rat,  Voyez  ce 
mot. 

L 

ABRADOR  ,  ou  Laborador ,  par¬ 
tie  du  Continent  de  l’Amérique 
Septentrionnale ,  3.  Fort  de  Pontchar- 
train  dans  le  Labrador  ,  412. 

Lac  des  Ajjiniboils.  Voyez  Ajjini - 
lolls . 

Lac  Champlain.  Sa  Citumon.  Par  qui 
découvert  Sc  nommé  V.  Champ  lain. 

Lac  Huron  ,  299. 

Lac  des  deux  Montagnes.  Sa  fitua- 
tion  ,  fon  étendue  ,  a  26. 

Lac  Nipijjing  ,  1  5  y. 


T  T  E  R  E  S.  6 3* 

Lacs  de  ta  Floride,  au  nombre  de 
trois ,  j4. 

Lac  de  S.  Jean  ,  voyez  S.  Jean. 

Lac  de  S,  Pierre.  Sa  fituation  ,  fon 
étendue,  12. 

Lac  de  S.  Thomas.  Sa  fituation ,  fon 
étendue  ,  220. 

Lac  du  S.  Sacrement.  Sa  fituation  , 

14(7. 

Lac  Supérieur.  Remarques  fur  fes 
Courans ,  .  44o-4r. 

Lachau ,  Soldat  François,  injufte- 
ment  puni  par  le  Capitaine  Albert, 
s’offre  à  être  égorgé  pour  nourrir  fes 
Camarades ,  qui  mouroient  de  faim  j 
il  l’eft  en  effet,  &  mangé,  33.35. 

Laèt  (  Jean  de)  Ses  Mémoires  con¬ 
tre  les  Jefuites ,  démentis  par  M.  de 
Champlain  ,  17.  24.  Voyez,  la  Lifte  Sc 
l’Examen  des  Auteurs. 

LalLemant  fie  P.  Charles  )  Jefuite, 
arrive  à  Quebec,  159.  Il  fait  deux 
fois  naufrage,  161. 

Le  P.  Gabriel  Lallemant ,  Jefuite, 
Neveu  du  Précédent ,  ne  veut  pas  fe 
fauver  de  la  Bourgade  de  S.  Louis  à 
l'aproche  des  Iroquois ,  290.  Il  eft  pris, 
29;.  Il  eft  brûlé  par  les  Iroquois,  293. 
&fuiv. 

Le  P.  Jerome  Lallemant ,  Jefuite, 
Oncle  du  Précédent.  Ce  qui  lui  arrive 
dans  un  voyage  de  la  part  d’un  Algon¬ 
quin  ,  214-15.  Il  va  folliciter  en  Fran¬ 
ce  lefecours  de  la  Compagniedu  Ca¬ 
nada  ,  &  n’eft  point  écouté ,  303 .  L’E¬ 
vêque  de  Pétrée  le  ramene  en  Cana¬ 
da  ,  339-40.  Il  envoyé  des  Million¬ 
naires  en  divers  endroits ,  345.  Il  de¬ 
mande  grâce  à  M.  le  Baron  d’Avau- 
gour,  pour  une  Femme,  qui  avoir  trai¬ 
té  de  l’Eau-  de-vie  aux  Sauvages ,  Sc  ce 
ui  en  arrive  ,  360.  Il  eft  averti  qu’il 
oit  y  avoirbientôt  un  Tremblement 
de  Terre,  3,64. 

Lamberville  (  le  P.  Jacques  de  )  Je¬ 
fuite.  Le  Gouverneur  de  la  Nouvelle 
York  demande  aux  Iroquois  qu’ils  le 
lui  remettent  entre  les  mains ,  501. 
Son  départ  d’Onnontagué  pour  Que- 
bec,  504.  Il  établit  une  Million  dans 

LL  11  ij 


TABLE 


636  .  p  .  . 

le  Canroft  d’ Agmer.  Sa  première  con- 
'vcrfation  avec  Catherine  Tegahkoui- 
ta.  Effet  de  cette  entrevue ,  574.  Son 
éloge.  Il  b'aptife  cette  Fille,  ^7  5-  11 
prend  fa  défenfe  contre  une  Femme, 
qui  la  calomnioit ,  5.77- 

Le  P.  Je  an  de  Lamber  ville ,  Jefuite , 
Frereaîné  du  Précédent,  Miffionnaire 
à  Onnontagué  ;  avis  ,  qu’il  donne  au 
Comte  de  Frontenac  ,  468.  Il inftruic 
le  Gouverneur  de  la  Nouvelle  York 
de  ce  qui  s’étoit  paffe  entre  fon  En¬ 
voyé  ,  &  les  Onnontagués  ,*492.  Il 
inftruit  M.  de  la  Barre  de  la  dilpofi- 
tion  desTfonnonthouans,  495.Il  dé¬ 
couvre  les  intrigues  du  Gouverneur 
de  la  Nouvelle  York  ,  &  defcend  à 
Quebec  pour  en  informer  M.  de  Dé- 
nonville  ,  501.  Ce  General  le  ren¬ 
voyé  à  Onnontagué  ,  &  il  y  négocie 
'heureufement ,  501-05.  Il  retourne  a 
Quebec,  &  y  apprend  au  Gouverneur 
Général  en  quelle  difpofirion  étoient 
les  Iroquois.  Ordre  ,  qu’il  en  reçoit  5 
inquiétude  du  même  General  a  fon 
fu jet ,  Ç03  04.  On  fe  fert  de  lui  pour 
attirer  plufieurs  Chefs  à  Catarocouy  . 
&  les  y  arrêter  ,  fans  qu’il  fâche  rien 
de  ce  deffein.  Générofité  des  Onnon¬ 
tagués  à  fon  égard  en  cette  occafion, 
510.  &  fuiv.  Ce  qui  fe  pafîè  entre  lui 
Ôc  des  Onnontagués  ,  qui  avoientfait 
quelques  Prifonniers  auprès  de  Cata- 
rocouy  ,  524*  M.  de  Denonville  lui 
écrit  pour  l’engager  à  détacher  les 
Onnontagués  des  autres  Cantons , 
526.  Comment  il  y  réufîït  ,  527.  M. 
de  Dénonville  rend  témoignage  au 
Miniftre  des  fervices, qu’il  avoit  ren¬ 
dus  à  la  Colonie  ,  5  5°* 

Lamets ,  Pilote  de  M.  de  la  Sauf- 
faye  ,  fe  fauve  dans  le  Bois  après  la 
prife  de  S.  Sauveur,  136.  Il  fe  rembar¬ 
que  5  ?  37* 

La  Lande ,  jeune  François  ,  qui  ac- 
compagnoitle  P.  Joguesdans  fon  der¬ 
nier  voyage  aux  Iroquois,  &  qui  fut 
nié  avec  lui.  27 6. 

Lapis  Laz,uli.  Rocher  de  Lapis  La- 
zuli  fur  les  Côtes  de  l’Acadie ,  1 14. 


Laval  ("François  de)  Evêque  dePe- 
trée,  choifi  pour  être  Evêque  en  Ca¬ 
nada.  Il  arrive  à  Quebec  en  qualité 
d’Evêque  de  Pétrée&  de  Vicaire  Apo- 
ftolique  ,  &  y  ramene  le  P.  Jerome 
Lallemant ,  3  39.  Il  obtient  du  Roy 
l’éreéfion  d’un  Séminaire  à  Quebec  , 
340.  Il  fait  envoyer  des  Millionnai¬ 
res  en  plufieurs  endroits  ,  345.  Il  dé¬ 
fend  la  Traite  de  l’Eau-de-vieaux  Sau¬ 
vages  fous  peine  des  Cenfures ,  &  il 
eft  calomnié  à  ce  fujet ,  361.  Il  va  en 
France  ,  demande  juftice  au  Roy  ,  ôc 
l’obtient ,  362.  Il  arrive  à  Quebec  , 
370,  Le  Roy  lui  donne  le  choix  d’un 
Gouverneur  Général  ,  &il  choifit  M. 
de  Méfy,  376.  Il  écrit  contre  ce  Gou¬ 
verneur  en  Cour ,  377- Il  fe  charge  de 
faire  francifer  les  Enfans  des  Sauva¬ 
ges  ,  &  n’yréufïit  point ,  390.  Il  en¬ 
voyé  deux  Millionnaires  aux  Iroquois 
du  Lac  Ontario,  398.  Il  aprouve  ce 
qui  fe  paffe  de  merveilleux  dans  1a 
conduite  de  la  Mere  Catherine  de  S. 
Anguflin  ,  402.  Il  paffe  en  France 
pour  demander  au  Roy  de  quoi  payer 
fes  Bulles,  après  l’éreétion  de  Que¬ 
bec  en  Evêché,  406.  Il  baptife  Gara* 
konthié  ,427.  &  un  ChefGoyogouin, 
434.  Ses  nouveaux  efforts  pour  em¬ 
pêcher  *îa  Traite  de  l’Eau  de-vie  ,  6c 
les  contradictions,  qu’ileffuyeà  ce  fir- 

jet,  .454  51» 

Laudonniere  (René  de)  Gentilhomme 
François  ,  eft  envoyé  en  Floride  avec 
trois  Navires,  35.  Ce  qui  lui  arrive 
dans  la  Riviere  des  Dauphins,  &dans 
celle  de  May.  Il  fait  reconnoître  le 
Pays  ,  3 6.  37.  Il  felaiffe  tromper  par 
l’appas  des  Mines ,  &  il  s’en  repenr. 
Il  délibéré  fur  le  Lieu  ,  où  il  s’établi¬ 
ra.  Pourquoi  il  ne  rétablit  point  Char- 
lefort  ?*Cequi  le  détermine  à  la  Riviè¬ 
re  de  May  3  il  y  bâtit  le  Fort  de  la  Ca¬ 
roline  ,  39.  Il  refufe  d’accompagner 
Saruriova  à  la  guerre  ,  43 .  Il  lui  enleve 
des  Prifonniers,  &r  ce  qu’il  en  fait  , 
4f.  Comment  il  profite  d’un  grand 
orage  ,  &  de  la  frayeur  ,  qu’il  avoir 
infpirée  aux  Sauvages,  47.  Ses  Gens  (k 


DES  MA 

irmtîfiêht  contre  lui ,  &  pourquoi  ?  Il 
fe  flatte  trop  aifément  d’avoir  remé¬ 
dié  au  mal.  La  confpiration  éclate  de 
nouveau  j- &  Tes  fuites,  49.  Violen¬ 
ces,  qu’on  lui  fait  ,  50.  Il  fait  jnftice 
de  ceux  ,  qui  reviennent  à  la  Caroli¬ 
ne  ,  $1.  52.  Il  reconcilie  Saruriova 
avec  fes  Ennemis.  Précautions,  qu’il 
prend  pour  ne  pas  manquer  de  vivres.» 
&C  pour  la  fureté  de  fa  Place,  54.  On 
lui  propofe  de  fe  rendre  Maître  des 
Montagnes  d’Apalache  ,  &  ce  qui 
l’empêche  d’accepter  cette  propofi- 
tion.  Il  envoyé  du  fecours  à  Outina  , 
55.  Embarras  ,  où  il  fe  trouve  ,  faute 
de  vivres,  56.  Il  entreprend  malgré 
lui  une  guerre  injufte  ,  &  quel  en  fut 
lefuccès,  57.  Il  effc  fecouru  par  des 
Anglois  dans  le  teins ,  qu’il  fe  difpo- 
foit  à  repaiïer  en  France,  58.  Ce  qui 
l’empêche  de  partir  ,  59.  Il  apprend 
qu’on  a  fait  contre  lui  de  grandes 
plaintes  en  Cour,  6c.  Il  veut  retour¬ 
ner  en  France ,  6 1 .  M.  de  Ribaut  lui 
laifle  le  Gouvernement  de  U  Caroline, 
8c  va  ,  contre  fon  avis  ,  pour  attaquer 
avec  toutes  les  forces  de  la  Colonie 
l’Efcadre  Efpagnole  ,  70.  71.  Embar¬ 
ras,  où  ilfe  trouve,  76.  Il  eft  attaqué, 
fa  valeur  ;  fa  retraitées.  Il  fauve  une 
partie  de  fes  Gens ,  79.  Extrémité ,  où 
il  eft  réduit.  Le  jeune  Ribaut  en  ufe 
mal  avec  lui  ,  80.  Il  arrive  en  Angle¬ 
terre,  y  tombe  malade  ;  il  paiïè  en 
France  ,  ôc  comment  il  y  eft  reçu , 

81. 

Laufon.  M.  de  Laufon,  un  des  Mem¬ 
bres  de  la  Compagnie  des  cent  Aflo- 
ciés  ,  eft  nommé  Gouverneur  Général 
delà  N.  France  ,  308.  Services  ,  qu’il 
lui  avoir  déjà  rendus  3  fon  éloge  r  en 
quel  état  il  trouve  la  Colonie  ,  309. 
Il  délivre  le  P.  Poncer  des  mains  des 
Iroquois  ,  315.  Il  eft  blâmé  d’avoir 
fouffert  l’enlevement  des  Hurons  de 
l’Ifle'd’Orleans ,  &  l’inlolencedes Iro¬ 
quois.  Ce  qui  peut  l’excufer  ,  324. 
Pourquoi  il  fouffre  une  infulte  ,  que 
lui  font  les  Agnier s ,  330-31.  Sa.  ré- 
ponfe  aux  Onnontagués ,  qui  étoient 


T  I  E  R  E  S.  6 37 

venus,  auflï- bien  que  les  Agniers  , 
pour  emmener  chez  eux  les  Hurons 
de  l’Ifle  d’Orléans  ,  3  32.  Il  retourne 
en  France ,  fans  attendre  fon  Suc- 
ceiïeur,  .  335. 

M.  de  Laufon  ,  Fils  du  Précédenr , 
Sénéchal  de  la  Nouvelle  France  ,  eft 
tué  par  les  Iroquois ,  348. 

Lery  (  le  Baron  de  ).  Sa  tentative 
pour  peupler  l’Ifle  de  Sable  ,  109. 

Lefcarbot  (  Marc  )  Avocat  au  Par¬ 
lement  de  Paris  ;  ce  qu’il  dit  des  dé¬ 
couvertes  de  Verazani  ,  6.  Son  ima¬ 
gination  fur  un  prétendu  Lac  de  la 
Floride  ,  54.  Il  accompagne  M.  de 
Poutrincourt en  Acadie, &  contribué' 
beaucoup  à  l’Etabliflement  du  Porc 
Royal,  119.  Eloge  ,  qu’il  fait  de 
Mambertou  ,  129.  Ce  qu’il  reproche 
à  M.  de  Champlain  ,  198,  Voyez,  la 
Lifte  &  l’Examen  des  Auteurs. 

Liégeois  (  le  Frere  Jean)  Jefuite  , 
eft  tué  par  les  Agniers  ,  319. 

Limofny  (  Antony  de  J  Gentilhom¬ 
me  de  Saintonge  ,  périt  dans  l’Expé¬ 
dition  du  Chevalier  de  Gourgues  , 

lOf. 

Lionnes  (  le  P.  Martin )  Jefuire^  fes 
travaux  Apoftoliquesaux  environs  du 
Golphe  S.  Laurent ,  222. 

Lijle  (  le  Chevalier  de  J  Comman¬ 
dant  aux  Trois  Rivières  3  fon  éloge  , 
199.  Il  retourne  en  France ,  2  y  y. 

Longpre  (  Jacques  Simon  Sieur  de  ) 
refufe  d’abord  fon  confentement  à  fa 
Fille  ,  Novice  à  Bayeux ,  pour  paflèr 
en  Canada.  Ce  qui' le  détermine  en- 
fuite  à  l’accorder ,  400-01 . 

Lorette .  Etabliflement  d’une  Mil¬ 
lion  de  Hurons  à  Lorette  à  trois  lieues 
de  Quebec.  Voyez  Cbaumonot. 

Louis  XII,  Roy  de  France.  Il  n’eft 
pas  vrai  qu’il  ait  fait  faire  la  première 
découverte  du  Canada  ,  4. 

Louis  XIII.  Roy  de  France ,  Privilè¬ 
ges  ,  qu’il  accorde  à  la  Compagnie  de 
la  Nouvelle  France,  162.  & {uiv.  Ce 
qui  le  détermine  à  demander  au  Roy 
d’Angleterre  la  reftitution  du  Cana¬ 
da*  17  £> 


^  T  ,  . 


\ 


TABLE 


6 38  . 

Louis  XIV.  Roi  de  France.  Ses  Or¬ 
donnances  &  Reglemens  au  fujet  des 
Cures  du  Canada  ,  540.  &  fuiv.  Ce 
qu’il  écrit  fur  ce  fujet  à  M.  de  la  Bar¬ 
re  ,  341.  Ce  qu’il  fait  en  faveur  du 
Clergé  de  la  Nouvelle  France  ,  341. 
Il  envoyé  du  fecours  en  Canada  ,  8c 
un  Commirtaire  pour  prendre  pof- 
felïîon  du  Fort  de  Plaifance  ,  360.  Il 
donne  des  ordres  pour  faire  certer  la 
Traite  de  l’Eau  de-vie  aux  Sauvages  , 
363.  Il  envoyeen  Canadaun nouveau 
lecours  8c  un  CommilFaire  ,  pourmet- 
tre  le  Pays  en  fa  main  ,  &  y  regler  la 
Juftice.  Il  comprend  le  Canada  dans 
la  conceflion  ,  qu’il  avoir  faite  des 
Colonies  Françoifes  de  l’Amérique  à 
la  Compagnie  des  Indes  Occidenta¬ 
les ,  370.  On  lui  demande  des  Co¬ 
lons  ,  8c  dans  quelles  Provinces  on  le 
prie  de  les  choifir.  Il  donne  ordre 
qu’on  informe  contre  M.  de  Méfy, 
8c  s’il  eft  coupable ,  qu’on  lui  fade  fon 
procès.  Il  envoyé  des  Habirans  8c  le 
Régiment  de  Carignan- Salières  en 
Canada  ,  3S0.  Il  accorde  la  liberté  du 
commerce  dans  cette  Colonie  ,  3  9°* 
Il  concédé  le  Port  de  Plaifance  avec 
le  titre  de  Gouverneur  au  Sr.  Gayot, 
42  3.  Il  envoyé  au  même  lieu  M.  de  la 
Poype  en  qualité  de  Gouverneur  8c 
de  Commirtaire.  Inftruélions,  qu’il  lui 
donne,  413-14.  Ses  Lettres  au  Gouver¬ 
neur  Général  8c  à  l’Intendant  de  la 
Nouvelle  France  au  fujet  de  ^  leurs 
brouilleries,&  du  Confeil  Supérieur, 
433-54.  Mefures  ,4 qu’il  prend  au  fu¬ 
jet  de  la  Traite  de  l’Eau-de-vie  pour 
les  Sauvages  ,  43  5.  Ses  inftrudions  à 
M.  de  la  Barre  &  à  M.  de  Meules, 
4 65-66.  Avis  ,  qu’il  donne  à  M.  de  la 
Barre  ,  473.  Il  envoyé  du  fecours  en 
Canada  :  ordres  ,  qu’il  donne  a  M.  de 
la  Barre  ,  493-94.  Il  fait  faire  inutilé- 
rnent  des  plaintes  au  Roy  d’Angle¬ 
terre  fur  l’invafion  du  Port  Nelfon 
par  les  Anglois  ,  305.  Reprefenta- 
tion  ,  que  lui  fait  M.  de  Dénonville 
au  fujet  d’un  accommodement  pro- 

jetté  entre  les  Cours  de  Verfailles&- 


de  Londres  pour  la  Baye  d’Hudfon  , 
&  la  Neutralité  en  Amérique.  Or¬ 
dres  ,  qu’il  donne  en  conféquence  à 
ce  Général,  307.  Ce  qu’il  avoit  or¬ 
donné  par  raportaux  Iroquois  pris  en 
guerre  ,  509.  Comment  il  s’explique 
fur  l’exécution  de  fes  ordres  dans  les 
Portes  éjoignés  ,  330.  U  approuve  le 
projet  de  la  conquête  de  la  Nouvelle 
York  ,  541.  Il  nomme  M.  de  Fronte¬ 
nac  pour  la  fécondé  fois  Gouverneur 
Général  de  la  Nouvelle  France  ,  8C 
pourquoi?  Inftruétions ,  qu’il  lui  don¬ 
ne.  Il  lui  recommande  de  favorifer  la 
Compagnie  du  Nord.  Ce  qu’il  lui  re¬ 
commande  au  fujet  de  l’Acadie  8c  de 
la  Nouvelle  York,  344.  &  fuiv .  Ses 
mefures  font  bien  prifes  pour  l’En- 
treprife  fur  la  Nouvelle  Y ork.  Ce  qui 
la  fit  échouer,  537 .&  fuiv.  Il  approu¬ 
ve  un  Mémoire  de  M.  de  Dénonvil¬ 
le,  8c  pourquoi  il  n’agrée  point  l’Ex¬ 
pédition  de  la  Nouvelle  Y  ork  ,  361. 
Son  fenriment  fur  ce  qu’on  doit  faire 
en  Canada  pour  fe  fcûtenir  pendant 
la  guerre  j  *  361-61. 

Lou'tfe ,  Femme  Algonquine.  Sa 
ferveur  8c  fes  vertus  ,  599. 

Louifiane  ,  nom  ,  que  M.  de  la  Sale 
a  donné  à  une  partie  du  Pays  ,  qu’ar- 
rofe  le  Miciffipi.  Ses  bornes  ,  371. 

Loup.  La  Tribu  Iroquoife  du  Loup 
s’oppofe  inutiiément  à  ce  qu’on  farte 
mourir  le  P.  Jogues,  _  275. 

Luth  (  le  Sieur  du  )  Officier  Fran¬ 
çois  ,  fait  pafTer  par  les  armes  deux 
Sauvages  ,  qui  avoient  aflàffiné  deux 
François  ,  8c  ce  qui  en  arrive  ,  466. 
Il  reçoit  ordre  d’artembler  les  Sauva¬ 
ges  Occidentaux  pour  la  guerre  des 
Tfonnonthouans  ;  embarras  ,  où  il  fe 
trouve  ,  487-88.  Il  reçoit  ordre  de  fe 
retranchera  l’entrée  du  Détroit,  512. 
Il  défait  un  Parti  d’Iroquois  dans  le 
Lac  des  deux  Montagnes  ,  550.  Il  eft 
guéri  miraculeufement  après  un  Vœu 
fait  à  Catherine  Tegahkouita  ,  586- 

87. 

'Luxfox ,  Anglois.  Sa  prétendue 
prife  de  portèffion  ne  donne  aucun 


D  E  S  M  A  T 

droit  aux  Aftglois  fur  la  Baye  d’Hud- 
fon  ,  _  &  476. 

^  Lys  (  le  Sieur  du  }  Ingénieur  à  la 
Caroline,  71. 


M 


JlyfAGDELEINE.  Jacques  de  la 
J  KlFerté,  Abbé  delà  Magdeleine , 
Aumônier  du  Roy  ,  Chantre  6c  Cha¬ 
noine  de  la  Sainte  Chapelle  de  Paris, 
un  des  cent  Aflociés  de  la  Compagnie 
de  la  Nouvelle  France,  juftifie  les  Je- 
fuites  des  calomnies,  qu’on  repandoit 
en  France  contr  eux ,  155.  256-57. 

Le  Cap  de  la  Magdeleine  ,  Terre 
donnée  aux  Jefuitcs  par  l’Abbé  de  la 
Magdeleine.  Plufieurs  Sauvages  Chré¬ 
tiens  s’y  réfugient  pour  éviter  la  con¬ 
tagion  de  i’yvrognerie ,  362.  Mines 
de  fer  au  Cap  de  la  Magdeleine  ,591. 
les  Algonquins  des  Trois  Rivières 
s’y  retirent  ,  428. 

La  Prairie  de  U  Magdeleine  ,  autre 
Terre  donnée  aux  Jefuites  par  l’Abbé 
delà  Magdeleine.  Les  Iroquois  Chré¬ 
tiens  s’y  établirent  ,  436.  Pourquoi 
ils  n’y  peuvent  pas  refter  ?  452. 

Mabingans  ,  Sauvages  du  Canada, 
font  la  guerre  aux  Agniers  ,355.  Six 
Mahingans  font  eny vrés  ,  aflàfiinés  6c 
volés  par  des  François ,  &  ce  qui  en 
arrive,  425.  Des  Mahingans  atta¬ 
quent  une  Femme  Iroquoife ,  &  com¬ 
ment  elle  eft  délivrée  de  leurs  mains, 
43 j.  Les  Mahingans  promettent  un 
grand  fecours  aux  Tfonnonthouans, 
495.  Des  Mahingans  &  des  Agniers 
afliégent  le  Fort  de  Chambly,  font 
beaucoup  de  dégât ,  6c  font  repouf- 
fés  ,  523-24.  M.  de  Dénonville  en 
tue  quelques-uns,  qui  s’étoient  joints 
aux  Iroquois  pour  faireirruption  dans 
la  Colonie  ,530.  Leur  Ligue  avec  les 
Anglois  pour  chalfer  les  François  du 
Canada  ,  550.  Ils  engagent  les  Ag¬ 
niers  &  les  Onneyouthsdansun  Parti 
de  guerre  contre  nous  ,  565. 

>  Maifonneuve  (  Paul  de  Chomedey 
Sieur  de  )  Gentilhomme  Champenois,, 


1ERE  S.  é39 

prend  poflèftïon  de  l'Ifle  de  Mont¬ 
real  en  qualité  de  Gouverneur ,  au 
nom  d’une  Société,  qui  en  avoit  ob¬ 
tenu  le  Domaine,  6c  il  y  mene  des 
Ouvriers,  227.  Son  zélé  pour  procu¬ 
rer  le  falut  des  Sauvages ,  2  5 1 .  Il  les 
inftruit  lui-même,  254.  Les  Onnon- 
tagués  traitent  de  la  paix  avec  lui  3 
avis, que  luidonnent  les Goyogouins, 
3  1 3 .  Il  continue  à  gouverner  l’Ifle  de 
Montreal^  après  la  ceflion  ,  qui  en 
avoit  été  faite  au  Séminaire  de  S.  Sul- 
pice ,  6c  prend  foin  de  l’adminiftra- 
tion  de  l’Hôpital  ,  343.  Ptopofition, 
que  lui  font  les  Députés  d’Qnnonta- 
gué  &  de  Goyogouin;  fa  réponfe.  Ce 
que  lui  mandent  les  François  Captifs 
à  Onnontagué  ,  -4^ 

Maire.  M.  le  Maître  ,  Ecclefiafti- 
que  de  Montreal,  tué  par  les  Iroquois, 

348. 

Malebane .  Cap  Malebarre.  Sa  fi¬ 
ction  ,  pourquoi  il  eft  ainfi  nom¬ 
mé.  M.  de  Champlain  en  prend  pof- 
feiîion  au  nom  du  Pvoy,  Les  Anglois 
s’en  rendent  les  Maîtres  ,  n6. 

Malechcs ,  Sauvages  Voifinsde  l’A¬ 
cadie  vers  Pentagoë't  ,  autrement  ap¬ 
pelles  Etechemins  ,  &  qui  font  partie 
de  ce  qu’on  appelle  les  Nations  Abe- 
naquifes ,  _  1 3  3 .  2.757 . 

Maloins .  Des  Maloins  entrent  dans 
la  Compagnie  de  M.  de  Monts,  1 21. 
Un  François  réfugié  s’emporte  con- 
tr’eux  ,  j 72, 

.  Malot( le  Frere  Louis)  Jefuite,  pé¬ 
rit  dans  un  naufrage  ,  167. 

Mambertou  ,  Chef  des  Acadiens. 
Lefcarbot  dit  qu’il  avoit  cent  ans, 
lorfqu’il  le  vit  pour  la  remiere  fois  , 
128.  Il  s’attache  aux  Millionnaires  , 
&  leur  apprend  la  Langue  du  Pays. 
Son  eloge  ,  127-29.  Il  eft  baptifé  ,  6c 
nommé  Henry  en  l’honneur  du  Roy 
Henry  IV.  Ce  qui  l’avoit  engagé  à  fe 
faire  Chrétien  ,  129.  Il  tombe  mala¬ 
de  ,  6c  veut  être  enterré  avec  fe  s  An¬ 
cêtres.»  129-30.  Il  demande  pardon  de 
fon  entêtement  ,  ôc  meurt  en  bon 
Chrétien, 


6âo  .  ^ 

Mambertoa.  (  Louis)  Fils  du  Précé¬ 
dent.  Proportion  ridicule  ,  qu’il  fait 
à  un  Millionnaire  ,  1 3  '• 

Membre  (  le  P.  Zenobe)  Recollet» 
aide  le  Chevalier  de  Tonri  à  réconci¬ 
lier  les  Illinois  avec  les  Iroquôis,  461. 

Il  pâlie  en  France  :  M.  de  la  Barre 
prévient  le  Miniftre  contre  tout  ce 
qu’il  dira  des  découvertes  de  M.  de 
la  Sale  ,  ...  47°* 

Manbatte  »  Baye  8c  Riviere  de  l’A¬ 
mérique  Septentrionnale ,  découver¬ 
te  par  Henry  Hudfon.  Les  Hollan- 
dois  y  fondent  une  Ville , 14?-.  Ils  1  ap¬ 
pellent  le  Nouvel  Amfterdam  ,  1 4 3 • 
plus  connue  fous  les  noms  de  Man- 
lutte  &  de  New -York,.  Les  Anglois 
s’en  rendent  les  Maîtres,  175-76.  Etat 
de  cette  Ville,  542.  Voyez  Nouvelle 
York. 

Manitoualin  ,  Iile  du  Lac  Huron. 
Sa  fituation  j  qualité  de  fon  Terroir  3 
pourquoi  les  Hurons  ne  veulent  pas 
s’y  réfugier  ,2^5.  Plufieurs  s’y  reti¬ 
rent,  302.  aufli-bien  que  les  Ou- 

raouais,  3 1 5* 

Mann 9 val  (  M.  de  )  Gouverneur  de 
l’Acadie.  M.  de  la  Caffiniere  a  ordre 
de  s’ouvrir  à  lui  feul  du  projet  de 
l’Expédition  contre  la  Nouvelle 
York,  5  48 . 

Manfe  (  Madémoifelle  )  arrive  à 
Montreal,  pour  avoir  foin  des  Per* 
fonnes  de  fon  fexe  »  que  la  Société  de 
Montreal  y  devoir  envoyer,  227.  Elle 
reçoit  les  Hofpitalieres  ,  8c  Ce  charge 
de  l’adminiftration  de  leur  temporel , 

34  3* 

Àfantet  (  le  Sieur  d’Aillebour  de  ) 
défait  un  Parti  d’Iroquois  dans  le  Lac 
des  deux  Montagnes,  5\°> 

AYariage.  En  quoi  confifte  le  maria¬ 
ge  des  Sauvages  »  574* 

Maricourt  (  le  Sieur  le  Moyne  de  ) 
va  en  qualité  de  Volontaire  à  l’Expé¬ 
dition  de  la  Baye  d’Hudfon  ,  505.  Il 
eft  chargé  par  M.  d'iberville,  Ion  Frè¬ 
re,  d’y  harceler  les  Anglois  ,  555.  & 
d’y  garder  les  Polies  ,  que  nous  y 
avions,  .  5  5  C, 


BLE 

Marie  de  V Incarnation  ,  Religielife 
Urfuline  de  ToursTSon  éloge, elle  eft 
la  première  choifie  pour  fonder  des 
Urjfulines  en  Canada.  Elle  arrive  a 
Québec  ,  207.  Eloge  de  les  Lettres, 
317.  Elle  connoît  par  révélation»  8c 
prédit  le  grand  Tremblement  de 
Terre  de  1663.  Ce  qui  lui  arrive  a  ce 
fujec  ,  364.  Récit,  qu’elle  fait  de  la 
ferveur  des  Sauvages  Chrétiens  ,  593* 
&  fuiv.  Voyez  la  Lifte  8c  l’Examen  des 
Auteurs, 

Marie  de  S.Jofeph  ,  Religieufe  Ur¬ 
fuline  part  pour  Qiiebec.  Son  éloge  , 

207. 

Marigny  (le  Préfidenr  de )  retire 
chez  lui  à  Rouen  le  Chevalier  de 
Gourgues  pendant  fa  difgrace,  105. 

Marin  ,  Officier  François ,  tué  par 
Içs  Agniers,  _  .  3^4» 

Alarguent  »  François,  Captif  par- 
mi  les  Iroquois ,  qui  l’envoyent  faire 
des  proportions  de  paix  au  Gouver¬ 
neur  des  Trois  Rivières,  Confeil  , 
qu’il  donne  à  ce  Gouverneur  ,  225. 

Marquette  (  le  P.  .....  )  Jefuite  , 
Millionnaire  au  Sault  S.  Marie,  405. 
Il  conduit  les  Hurons  à  Michillima- 
kinac  •,  ce  qu’il  dit  de  ce  Pays ,  440, 
Ses  obfervacions  fur  les  Cour  an  s  des 
Lacs  »  440-41 .  Il  découvre  le  Micilfi- 
pi  avec  le  Sieur  Jolier ,  445»  &  faiv. 
Il  s’arrête  à  Chicago u  au  retour  de  cet¬ 
te  découverte,  446.  Il  eft  bien  reçu 
du  grand  Chef  des  Miamis ,  447*  Sa 
mort ,  449.  Voyez  la  Lifte  8c  1  Exa*» 

men  des  Auteurs. 

Mar  fol  et  (  Nicolas  )  Calvimfte 
François  ,  fervoit  dans  la  Flotte  An- 
gloile  ,  qui  prit  Qiiebec  »  169, 

Mar  fon  (  M.  de  )  Commandant 
dans  le  Fort  de  Gemefie  fur  la  Rivie¬ 
re  de  S  Jean  ,  lorfqu’il  fut  pris  pair 
les  Anglois ,  45°* 

Mafcotnins  ,  Sauvages  du  Canada  > 
fe  trouvent  à  la  prife  de  polie flion  de 
tous  les  Pays  du  Nord  &  de  i’Oueft  , 
faite  par  M.  de  S.  Lu  (Ion  ,438.  Re¬ 
marques  lur  leur  Pays  8c  fur  le  nom 
dç  Nation  de  feu ,  que  quelques  Géo¬ 
graphes 


DES  MATIERES. 


graphes  leur  donnent  ,-447.48.  Les 
PP.  Allouez  ôc  Dablon  les  vifitent; 
réception  ôc  propofition  ,  quon  leur 
fait ,  448-49.  Plaintes  des  Tfonnon- 
thouans  contr’eux ,  495. 

Majfe  (  le  P.  Enemond  )  Jefuice  ,  eft 
defti  né  pour  l’Acadie,  izi.  Il  n’y  eft 
pas  bien  reçu  ,  125.  Il  reçoit  chez  lui 
Mambertou  ,  qui  y  meurt ,  1  29.  Pro¬ 
pofition  extravagante  ,  que  lui  fait  le 
Fils  de  ce  Chef  Sauvage,  1 3 1.  Il  re¬ 
tourne  en  France,  136.  Il  part  pour 
Quebec  ,  159.  Il  y  retourne  après  la 
reftitution  du  Canada  â  la  France, 
178.  Sa  mort  Ôc  fon  éloge,  267. 

Matanes  Riviere  du  Canada;  fa  fi- 
cuation  ,  ce  qu’elle  a  de  commode  , 

S  39- 

Matelot.  Aventure  d’un  Matelot 
François  de  Verazani  à  la  Côte  de  l’A¬ 
mérique  ,  6.  7.  Aventures  d’un  autre 
Matelot  François  après  la  prife  de  la 
Caroline,  85-86. 

Maubec  ,  Abbaye  de  France  réunie 
à  l’Evêché  ôc  au  Chapitre  de  Quebec, 

406. 

_  May.  Riviere  de  May  dans  la  Flo. 
ride.  D’où  lui  vient  ce  nom  ;  qui  le 
lui  a  donné:  M.  de  Ribauten  prend 
polEdlion  ,  ôc  y  arbore  les  Armes  de 
France  j  25’.  M.  de  Laudonniere  y  eft 
bien  reçu;  efpéce  de  culte,  que  les 
Sauvages  y  rendoient  aux  Armes  de 
France,  36.  Beauté  du  Pays  ,  37.  M. 
de  Laudonniere  y  bâtit  la  Caroline. 
Y  oyez  ce  mot. 

Maya  ( Diego  de  )  Capitaine  Ef- 
pagnol  ,s’oppofe  à  l’attaque  delà  Ca¬ 
roline  ,  73.  Il  coule  à  fond  un  Vaif- 
feau  François ,  7<p. 

Mecha/Jipi ,  ou  Miçijfipi.  Voyez  ce 
mot. 

Medicls  (  Marie  de  )  Reine  Regente 
de  France.  Ses  libéralités  envers  les 
Millionnaires  de  l’Acadie  ,  122.  Elle 
donne  des  ordres  précis  pourleur  em¬ 
barquement  ,  ôc  n’eft  point  obéïe.  Elle 
continue  à  les  protéger  ,  132. 

Medrano  (  Jean  Velez  de)  Capitai¬ 
ne  Efpagno  ,  en  quoi  il  Ce  diftingueà 
Tome  /. 


6  41 

la  prife  de  la  Caroline ,  82.. 93. 

Menane  ,  lifle  voiline  de  l’Acadie. 
Ce  qu’ellea  de  recommandable  ,114.. 

Aienendez.  (  Dom  Barthelemi)  Fré¬ 
té  du  Suivant ,  eft  nommé  Comman¬ 
dant  au  Fort  de  S.  Auguftin,  73.  Sa 
conduite  dans  une  fédition  ,  74» 

Menendez.  (  Dom  Pedro  )  de  Avi- 
lés  ,  Capitaine  Général  ôc  Adelantade 
de  la  Floride  pour  le  Roy  d’Efpagne, 
arrive  en  Floride.  Sujet  de  fon  voya¬ 
ge  ,  61.  &  fuiv.  Son  Traité  avec  Phi- 
lipe  II.  62.63.  Ses  préparatifs, 63.6'* 
fuiv.  Il  eftiiye  plulieurscontretems,  64. 
Son  armement.  Sa  Flotte  eft  dilîipée. 
Il  apprend  à  Portoric  des  nouvelles 
des  François  de  la  Floride  ,  6y.  Son 
arrivée  en  Floride  ;  ce  qu’il  y  apprend 
de  nouveau  ,  66.  67.  IPentre  dans  la 
Riviere  des  Dauphins ,  ôc  lui  donne 
le  nom  de  S.  Auguflin.  Il  fe  réfout  à 
attaquer  les  Vaiftèaux  François.  Ce 
qui  fe  pafte  à  cette  occafton,  6S.  69. 
Il  reprend  la  route  de  la  Riviere  de 
S.  Auguftin  ,  ôc  pourquoi  :  70,  Il  en 
prend  pofteffion ,  ôc  fait  choifir  un  ter- 
rein  pour  y  bâtir  un  Fort  ,71.1!  court 
rifque  d’être  pris  par  les  François  ; 
une  tempête  le  fauve.  Sa  pieté  ôc  fa 
refolution  72.  Son  projet  pour  l’atta¬ 
que  de  la  Caroline  :  il  eft  approuvé 
du  Confeil  de  guerre  après  quelques 
conteftations  ,73.1!  arrive  près  de  la 
Caroline  ;  fon  embarras  ;  il  confulte 
fes  Officiers  ,  75.  Leur  avis  ;  ce  qu’il 
y  répond.  Il  fe  difpofe  pour  l’atta¬ 
que,  76.  Il  prend  la  Caroline  ,  78.  Il 
tente  envain  de  fe  rendre  Maître  des 
Vaiftèaux  François,  quiétoient  dans  la 
Riviere  ,  79.  Il  change  le  nom  de  la 
Caroline  en  celui  de  San  Matheo ,  ôc 
y  fait  bâtir  une  Eglife,  81.  U  eft  reçu 
en  triomphe  à  S.  Auguftin  ,  8 2. Il  perd 
fa  Flotte  ,  8  3.  Il  fait  égorger  M.  de 
Ribaut  ôc  tous  les  François  de  fa  fui¬ 
te  ,  excepté  les  Catholiques  ,  87.  & 
fuiv.  Ce  qu’on  penfe  de  cette  exécu¬ 
tion  à  S.  Auguftin  ,93.  Il  va  cher¬ 
cher  des  François ,  qui  fe  fortifioient 
auprès  du  Canal  de  Bahama,  §Ccequi 

M  M  m  m 


642  .  T  A  B 

fe  paflè  entr’eux  ôc  lui,  93*  94* 
Menendez ,  Marquez,  ,  Neveu  des 
deux  Précédais  ,  eft  nommé  Amiral 
de  la  Flotte  deftinée  pour  la  Floride, 

&  part  pour  les  Canaries  ,  63.  Il  eft 
nommé  Treforier  du  Roy  dans  la  Flo¬ 
ride  ,  _  65. 7 3. 

Mercier  (  le  P.  François  le  )  Jelui- 
te  j  Supérieur  Général  des  Millions  de 
la  Nouvelle  France  ,  accompagne  la 
Colonie  ,  qui  va  s’établir  à  Onnonta- 

gué,  323-- 

Mefnard  (  le  P . )  Jeluite,  va 

en  qualité  de  Millionnaire  aux  Iro- 
quois  ,  515.  il  établit  Fa  Million  chez 
les  Goyogouins,  3 19  Ses  fuccès  dans 
ce  Canton  &  dans  celui  d'Onneyouth, 

3  34.  Ses  aventures  dans  un  voyage, 
qu’il  fait  avec?  les  Outaouais.  Ce  que 
lui  dit  l’Evêque  de  Petrée  ,  3  56.  & 
fuiv.  Il  s’égare  dans  la  Forêt,  &  ne  pa- 
roît  plus.  Idée  >  que  les  Sauvages  & 
les  François  avoient  de  fa  fainrete. 
Les  Sioux  rendent  Une  efpéce  de  cul¬ 
te  à  fon  Bréviaire  ,  &  à  fa  Soutane, 

Méfy  (  M.  de  )  Gouverneur  de  la 
Citadelle  de  Caen  ,  eft  nommé  Gou¬ 
verneur  Général  de  la  Nouvelle  Fran¬ 
ce.  Son  arrivée  h  Quebec  ,  370.  Sa 
féponle  aux  propolitions  de  paix  , 
que  lui  fait  un  Chef  Goyogouin,  375. 
Il  fe  brouille  avec  l’Evêque  &  avec  le 
Confeil  Supérieur  ,  376.  Ses  violen¬ 
ces  ;  on  écrit  contre  lui  ,*  il  récriminé 
ôc  fe  défend  mal,  377.  Il  eft  révoqué, 
le  Roy  donne  ordre  qu’on  lui  fafte 
fon  procès,  378.  Il  meurt  avant  que 
d’avoir  pu  fçavoir  fon  rappel ,  ôc  les 
ordres  du  Roy  ,  382. 

Adeules  (  M.  de)  eft  nommé  Inten¬ 
dant  de  la  Nouvelle  France.  Ses  inf- 
rruétions  ,  465-66.  Il  arrive  a  Que- 
bec  ,  470.  Il  fe  plaint  delà  lenteur  de 
M.dela  Barre,  492.  Il  vifite  l’Aca¬ 
die  ,  &  en  quel  état  il  la  trouve ,  498. 

Il  retourne  èn  France  ;  ce  qu’il  dit  de 
l’Acadie  au  Miniftre.  52R* 

Ail  ami  s ,  Sauvages  du  Canada.  Si¬ 
tuation  de  cette  Nation.  Réception  3 


LE 

que  le  Grand  Chef  fait  à  un  Envoyé 
du  Gouverneur  Général  ,  437.  Le  P. 
Marquette  s’établit  parmi  eux  à  Chi- 
cagou  j  446.  Million  parmi  les  Mia- 
mis  fur  la  RivieredeS.  Jofeph  ,  458. 
Les  Iroquois  lèvent  un  Parti  de  guer¬ 
re  contr’eux  ,  504.  Conformité  entre 
cette  Nation  Ôc  les  Illinois.  Voyez. 
Illinois. 

Michel  (Jacques)  Calvinifte  Fran¬ 
çois  ,  Officier  fur  l’Efcadre  Angloife, 
qui  prit  Quebec  fur  fes  Mémoires  9 
17  1 .  Il  eft  caufe  de  la  prife  de  1  Efca- 
dre  de  M.  de  Roquemont.  Il  fe  brouil  ¬ 
le  avec  les  Anglois.  Ses  fureurs  ,  fa 
mort ,  fes  obféques ,  1 7  2» 

Michigan .  Obfervations  fur  les  Cou- 
ransdu  Lac  Michigan  ,  .  440-41® 

Michillim a kj na c .  Defcription  &  in¬ 
commodités  de  ce  Pofte  :  Le  P.  Mar¬ 
quette  y  conduit  les  Huions  Tion- 
nontatés  ,  440.  On  y  transféré  la  Mif- 
fion  du  Sault  Sainte  Marie.  Les  An- 
glois  y  font  reçus.  Ils  y  retournent  > 
Ôc  font  pris  en  chemin  par  M.  de  la 
Durantaye,  HH 

Micmahs  ,  Sauvages  de  l’Acadie  : 
les  mêmes  ,  que  les  Acadiens  ,  les 
Souriquois  ,  les  Gafpefiens  ,  ÔC  font 
compris  fous  le  nom  de  Nations  Abe- 
naquifes  ,  font  la  guerre  aux  Eski- 
maux  ,  279.  Voyez  Acadiens. 

Micijjipi,  ou  Mechajjipi  grand  Fleu¬ 
ve  de  l’Amérique.  Sa  découverte  ôc 
fon  cours,  445.  &fuiv.  Le  P. Hen ne- 
pin  &  le  Sieur  Dacan  le  remontent 
jufqu’au  Sault  S.  Antoine  ,  460.  M. 
de  la  Sale  le  defcend  jufqu’à  la  Mer 
ôc  en  prend  poffieffion,  464.  Difficul¬ 
té  de  le  remonter  , 

Milet( le  P.  Pierrej  Jefuite  ,eft  en¬ 
voyé  Miffionnaire  aux  Iroquois  ,  398® 
Il  eft  appellé  à  Catarocouy  ,  ôc  pour¬ 
quoi  :  504.  On  fe  fert  de  lui ,  fans 
qu’il  le  fçache  ,  pour  attirer  les  Iro¬ 
quois  dans  un  piège.  Il  eft  pris  par 
les  Onneyouths.  Ce  qu’ils  lui  font 
fouffrir.  Il  eft  adopté  par  une  Femme, 
qui  lui  fauve  la  vie  ,  510.  Faux  avis 
donné  de  fa  délivrance  *  5 


DES  M  A  P 

Mines  de  cuivre  à  l’Acadie.  Voyez 
Acadie. 

Mines  de  fer  en  plufieurs  endroits, 

391, 

Minières.  Des  Miniftres  Hollan- 
dois  veulent  infpirer  de  la  défiance 
contre  les  Jefuitesaux  Agniers  Chré¬ 
tiens.  Ce  que  ces  Sauvages  leur  répon¬ 
dent  ,  4 

Mirabicbi ,  le  Dieu  des  Eaux  don 
quelques  Nations  Sauvages  du  Cana¬ 
da  ,  394- 

.  Miracles.  Voyez  Biart ,  191.  510. 

3 1 3.  izi.  345.  364. 

Mifcou ,  Ifle.du  Golphe  S.  Laurent. 
Saficuation:  commerce  ,  qui  s’y  fait , 
221.  Mort  &  travaux  du  P.  Turlis 
dans  cette  Ifle,  22.2. 

Mifcounaguachit ,  lieu  du  Nord  du 
Canada  ,  où  les  Sauvages  avoient  ap- 
pellé  un  Jeluite  ,  47S. 

Mîfjimnaïres.,  Ils  pouffent  un  peu 
trop  loin  leurs'précautions,  avant  que 
de  baptifer  des  Hurons  j,  195.  Diffé¬ 
rence  ,  que  les  Iroquois  mettent  en- 
tr’eux  &  les  Miniftres  Hollandois , 
428-19.  Ce  qu’ils  ont  à  fouftrir  du 
Comte  de  Frontenac;  menaces  ,  que 
leur  font  les  Hollandois  ,452-53.  Ils 
fe  plaignent  au  fujet  de  la  Traite  de 
l’Eau-de-vie.  La  Cour  eft  prévenue 
contr’eux  à  ce  fujet ,  454.  Elle  eft;  dé¬ 
trompée  ,  455.  Services  ,  qu’ils  ren¬ 
dent  au  Canada  ,  5  i  3.  Combien  M. 
de  Dénon  ville  les  juge  nécellaires  par¬ 
mi  les  Sauvages,  530-3 1.  Ils  abandon¬ 
nent  les  Sauvages  de  Pentagoër  à  cau- 
fe  des  défordres  ,  que  l’Eau  -  de  -  vie 
caufoit  parmi  eux  ;  53  t .  Témoignage, 
que  leur  rend  M.  de  Dénonville  au¬ 
près  de  M.  de  Seignelay.  Les  Anglois 
les  regardent  comme  leurs  plus  dange¬ 
reux  Ennemis  au  Canada,  560.  Ils 
travaillent  avec  fuccès  à  empêcher  les 
Outaouaisde  traiter  avec  les  Iroquois, 

.  l67- 

Misions.  Etat  général  des  Millions 
de  la  Nouvelle  France  ,  220.  &  [uiv. 
283.  Scandales  dans  les  Millions,  cau¬ 
sés  par  la  Traite  de  l’Eau  de-vie;  362. 


MERES.  643 

On  ne  profite  pas  de  l’humiliation  des 
Iroquois ,pourmultiplierles  Millions 
&  les  rendre  plus  floriftantes  ,  388. 
Plufieurs  tombent ,  &  on  ne  les  réta¬ 
blit  point;  389.  Millions érablies  par¬ 
mi  les  Iroquois,  3  58.  Plufieurs  autres 
établies  parmi  les  Nations  Algonqui- 
nes  ,  404.  &  [uiv. 

M’Jfouri  ,  grande  Riviere  ,  qui  fe 
décharge  dans  le  Micillïpi  ,  446. 

Aiifiajjins ,  Sauvages  du  Nord  du  Ca¬ 
nada.  Ce  qui  fe  palfe  entr’eux  &  le  P. 
Albanel,  477.  Lac  des  MijfaJJins.  Son 
étendue  ,  478,. 

Mo  ifipi ,  Fort  de  la  Bayed’Hudfon, 
pris  fur  les  Anglois  ,  505. 

Monfonis  ,  Sauvages  de  la  Baye 
d’Hudfon.  Ils  reconnoilfenc  le  Roy  de 
France  pour  leur  Souverain,  438. 

Morjlres  ,  Hommes  monftrueux  , 

1 6.  &  [uiv.  Hommes  noirs  dans  le 
Nord  du  Canada  ,  17.  Homme  Acé¬ 
phale  ,  20. 

Montagne.  Les  Iroquois  de  la  Mon¬ 
tagne  fe  réfugient  à  Quebec,  552.  V. 
Sault  S.  Louis. 

Montagne z,  ,  ou  Algonquins  Infé- 
rieurs.  Leur  fituation  ,  1 41.  Ils  enga¬ 
gent  M.  de  Champlain  dans  une  Ex- 
péditioncontre  les  Iroquois,  142. Un 
Montagnez  eft  caufe  que  la  retraite  le 
change  en  fuite  ,  &  comment.  De 
quelle  maniéré  les  Guerriers  font  re¬ 
çus  dans  leur  Village,  149.  Des  Mon¬ 
tagnez  font  reçus  à  Sylleri,  204-05. 
Ils  aliiftent  à  une  Audience  publique 
donnée  aux  Iroquois ,  264, 

Aiontaigu  (  Milord  )  détermine  la 
Cour  de  Londres  à  reftituer  le  Cana¬ 
da  à  la  France  ,  175* 

Montdefert  ,  Ifle  de  la  Nouvelle 
France.  Sa  fituation  ;  ce  qu’elle  a  de 
particulier  :  fréquentée  par  les  An¬ 
glois  pour  la  Pêche  ,  133. 

Montluc  f  le  Maréchal  de  )  donne 
une  Commiflion  au  Chevalier  de 
Gourgues,  96.  Confeil,  qu’il  lui  don¬ 
ne  à  fon  retour  de  la  Floride  ,  305. 

ALntmagni  (  le  Chevalier  de  )  Gou¬ 
verneur  Général  de  la  Nouvelle  Fran- 

M  M  m  m  ij 


TABLE 


644 

ce.  Son  éloge  j  199.  Pourquoi  il  ne 
peut  fuivre  les  vues  de  Ton  Prédécef- 
ieur ,  200.  Il  reçoit  un  affront  de  la 
part  des  Iroquois  ,  de  ne  peut  l’empê¬ 
cher,  20  3 .  Réception,  qu’il  fait  aux  Re- 
ligieufcs  Urfulines  de  aux  Hofpitalie- 
jesà  leurarrivée à  Québec,  207.Ilen- 
voye  des  Députés  pour  traiter  avec  les 
Iroquois,  225.  Ces  Barbares  enlevent 
fes  Alliés  pendant  leur  négociation 
pour  la  paix,  226.  Il  met  la  Société  de 
Montreal  en  poffeffion  de  cette  Ifle, 
2.27.  Il  bâtit  un  Fort  à  l’entrée  de  la 
Riviere  de  Sorel  >  229.  Il  fait  inutile¬ 
ment  des  plaintes  au  Gouverneur  de 
la  Nouvelle  Belgique  fur  les  fecours , 
que  les  Hollandois  fournilToient  aux 
Iroquois,  233.  Il  repou  ffe  un  Parti 
d’Iroquoisau  Fort  de  Richelieu  ,238. 
Ses  diligences  pour  délivrer  le  P.  Jo- 
gues ,  246.  Embarras  ,  où  il  fe  trouve , 
260.  Ce  qui  fe  palfe  entre  lui  de  des 
Hurons  au  fujet  des  Prifonniers  Iro¬ 
quois  ,  261-62.  Il  donne  une  Efcorte 
au  P.  de  Brebeuf  pour  retourner  aux 
Hurons  ,  263.  Il  donne  une  audience 
publique  aux  Députés  des  Iroquois 
pour  la  conclufion  de  la  paix ,  264.  & 
fuiv.  Il  permet  avec  peine  au  P.  Jo- 
gues  de  retourner  auxlroquois,  269. 
Ce  qu’on  lui  mande  au  fujet  de  ce 
Millionnaire  3275.  Il  eft  rappellé ,  de 
pourquoi  :  281.  La  Cour  le  propofe 
pour  modèle  aux  Gouverneurs  des 
Colonies,  282. 

Montmorenci  (  le  Maréchal  de)  Vi¬ 
ce-Roy  de  la  Nouvelle  France,  157. 
Il  vend  cette  Charge  au  Duc  de  Ven- 
radour,  159. 

Montortier  (  Monfieurde  )  Capitai¬ 
ne  de  Vailfeaux  ,  conduit  du  fecours 
en  Canada  ,&  a  ordre  d’y  relier  ,493. 

Montreal ,  Montagne  ainfl  nommée 
par  Cartier,  de  dont  le  nom  s’eft éten¬ 
du  à  toute  l’Ille ,  où  elle  eft  lituée. 
Beauté  du  Pays  ,  13.  Conceftîon  de 
certe  Ille  à  une  Société  ;  prife  de  pof- 
feftion.  Deftèin  de  cette  Société,  227. 
Tradition  fur  les  premiers  Habitans 
de  cette  Ille ,  228.  Elle  fe  peuple  de 


Sauvages  Chrétiens  ,  ni.  Les  Iro¬ 
quois  y  caufent  de  grandes  allarmes'» 
3  38.  Elle  eft  cédée  à  MM.  du  Sémi¬ 
naire  de  S.  Sulpice  ,  qui  en  prennent 
polFeflion  ,  340.  Les  Iroquois  y  dé¬ 
font  le  Major  de  la  Ville,  qui  eft  tué 
en  combattant,  55-5.  Changement  ar¬ 
rivé  dans  la  Juftice  de  cette  Iflq,  374. 
Ferveur  de  pieté  des  Habitans ,  &  ce 
qui  les  y  entretient ,  389.  Limites  du 
Gouvernement  de  Montreal  ,  494» 
Ravages  des  Iroquois  dans  cette  Iflè> 

.  ,549*5°' 

Monts  (  Pierre  de  Guaft  Sieur  de ) 

Gouverneur  de  Pons ,  Gentilhomme 
Ordinaire  de  la  Chambre  , obtient  de 
Henry  IV.  des  Lettres  Patentes  de  Vi¬ 
ce-Amiral  ,  de  de  Lieutenant  Géné¬ 
ral  en  Canada  ,  avec  un  Privilège  ex- 
clufif  pour  le  commerce,  de  la  liberté 
de  Religion  pour  lui  ,  1 1 1 .  A  quoi  il 
s’engage  3  fon  caraétere  ;  fon  premier 
armement.  Il  paffe  en  Acadie  ,  1 14- 
1 5.  Il  fait  un  Etablilfement  à  l’Ifte  de 
Sainte  Croix  ,  1 1  y.  Il  cherche  un  au¬ 
tre  endroit  pour  y  faire  un  Etablif¬ 
fement  ,  de  fe  fixe  au  Port  Royal  , 
1 16.  Il  cède  le  Port  Royal  à  M.  de 
Poutrincourt.  Il  perd  fon  Privilège  ex- 
clufif,  de  fait  un  nouveau  Traité  avec 
M.  de  Poutrincourt  ,118.  On  lui  ôte 
fa  Commiftion  ,  1 19.  Il  eft  mal  dé¬ 
dommagé  de  fes  avances.  Fautes,  qu’il 
qu’il  avoit  faites.  Il  fe  releve  un  peu. 
Nouvelle  faute  ,  qu’il  fait  ,  120.  Il 
continue  d’envoyer  des  Vailfeaux  en 
Amérique.  Il  fe  retire,  5c  pourquoi  : 
1 21.  Il  forme  une  nouvelle  Compa¬ 
gnie  ,  de  envoyé  des  Vailfeaux  en  Ca¬ 
nada,  14t.  149.  Il  perd  toute  efpe- 
rance  de  fe  rétablir.  Confeil ,  qu’il 
donne  â  M.  de  Champlain ,  152. 

Monts  fM.de)  eft  envoyé  Com- 
milïàire  en  Canada  ,  avec  ordre  de 
prendre  polfeffion  au  nom  du  Roy  du 
Fort  de  Plaifance  ,  360. 

Àiorgues  (  Jacques  le  Moyne  Sieur 
de  )  accompagne  M.  de  Laudonniere 
en  Floride.  Sa  Relation  ne  s’accorde 
pas  toujours  avec  celle  de  ce  Corn» 


DES  MAT 

mafidafit ,  36.  39.  Il  fe fauve  avec  M. 
de  Laudonniere  après  la  prife  de  la 
Caroline  ,  78.  Voyez  la  Lifte  ôc  l’E¬ 
xamen  des  Auteurs. 

Morues .  Quantité  de  qualité  de  ces 
Poiftons  dans  le  Fleuve  S.  Laurent , 

J4°. 

Mofcofo  (Louis  de)  abandonne  la 
Flotide ,  24. 

Motte.  Le  Sieur  de  la  Motte  le  Vi- 
lin  j  Lieutenant  de  M.  de  la  Sauftaye 
à  S.  Sauveur ,  accompagne  le  P.  Biart 
dans  uneexcurfion  parmi  les  Sauva¬ 
ges,  154.  Il  eft  chargé  de  défendre 
fon  Navire  contre  les  Anglois  ,  Ôc 
obligé  de  fe  rendre  faute  de  canons.  Il 
fe  fait  eftimer  des  Anglois,  ôc  les  fuit 
en  Virginie,  13 6. 

Moucouacadi ,  Port  de  l’Acadie,  où 
l’on  trouve  beaucoup  de  Baleines , 

n  y. 

Moutou.  Port  an  Mouton  en  Aca¬ 
die  :  d’  où  lui  vient  ce  nom.  Sa  fitua- 


I  E  R  E  S.  ^45 

rakonthié  le  vient  pleurer  a  Quebec, 

383. 

Le  Sieur  le  Moyne  eft  demandé  par 
trois  Cantons  pour  négocier  la  paix  , 
490.  Il  eft  bien  reçu:  deux  de  fes  Fils 
apportent  de  bonnes  nouvelles  à  M. 
delà  Barre,  491. 


N 


tion  ,  1 1  y. 

Mouy  (  Charles  de  )  Sieur  de  la 
la  Mailleraye,  Vice-Amiral  de  Fran¬ 
ce  ,  engage  le  Roy  François  I.  à  ren¬ 
voyer  Carrier  en  Amérique ,  9. 

Moyne  (4e  P.  ....  le  )  Jefuite ,  eft 
envoyé  à  Onnontagué  ,  pour  ratifier 
le  Traité  de  paix  ,  réception  ,  qu’on 
lui  fait ,  3  16.  Il  baptife quelques  Iro- 
quois.  Il  eft  attaqué  par  les  Barbares 
à  fon  retour  ,  &  pourquoi  il  n’en  par¬ 
le  point?  317.  Il  obtient  d’aller  s’é¬ 
tablir  dans  le  Canton  d’Agnier.  Dan¬ 
ger  ,  qu’il  court.  Son  nom  Iroquois  , 
320.  Il  répond  aux  Agniers  au  nom 
du  Gouverneur  Général  ,  ôc  accom¬ 
pagne  les  Huions  dans  le  Canton 
d’Agnier,  331.  Il  eft  reconduit  à  Que- 
bec  par  les  Agniers ,  338.  Il  va  pour 
la  cinquième  fois  négocier  avec  les 
Iroquois,  350.  Il courtdegrandsdan- 
gers.  Réception,  qu’on  lui  faità  On¬ 
nontagué,  3  y 2.  Son  Difcoursdans  un 
Confeilde  trois  Cantons,  3 y  3. Situa¬ 
tion  ,  où  il  fe  trouve  à  Onnontagué. 
Il  conduit  à  Montreal  tous  les  Pri¬ 
sonniers  François ,  359^  Sa  mort,  Ga- 


lSjARVAEZ  ("Pamphile  de)  pé- 
L  \  rit  miferablement  en  Floride  , 
fansy  avoir  fait  un  feul  Etablilfe- 
ment  , 

Nation  Neutre  détruite  par  les  Iro¬ 
quois.  D’où  lui  venoitee  nom  ;  Pays,, 
qu  elle  occupoit.  Elle  demande  des 
Millionnaires,  qui  y  fontpeu  de  fruit. 
Son  cara&ere  ,243.  &  fuiv.  Des  Hu¬ 
ions  lui  prêchent  l’Evangile  avec  fuc- 
ces  ,  2  y  2. 

Negabamat  ,  Chef  Montagnez  ;  ce 
qu’il  fait  pour  ratifier  la  paix  ,  166. 

Nékpuba ; ,  Riviere.  Sa  pofition  , 

350-51. 

Nelfon.  Sa  prétendue  prife  de  pof- 
felîion  ne  donne  aucun  droit  aux  An¬ 
glois  fur  la  Baye  d’Hudfon  ,  47(5. 

Nevado  ,  Riviere  prétendue  de  l’A¬ 
mérique  vers  le  Pays  de  Labrador,  dé¬ 
couverte  ,  dit-on  ,  par  Cortereal  ,  4. 

Niagara ,  Riviere  de  Canton  du  Ca¬ 
nada  entre  le  Lac  Erié  &  le  Lac  On¬ 
tario.  M.  de  la  Sale  y  trace  le  plan 
d  un  Fort,  ôc  y  lailîe  le  Chevalier  de 
Tonti  avec  trente  Hommes  ,458.  Les 
Sauvages ,  a  qui  on  avoit  aftigné  ce 
Pofte  pour  le  rendez-vous  de  l’Armée 
de  M.  de  la  Barre  ,  ne  l’y  trouvent 
point  3  Ôc  ce  qui  en  arrive  ,  487.  Pro¬ 
jet  d’un  Fort  à  Niagara,  498.  &  fuiv. 
Ce  Fort  eft  bâti ,  &  on  y  laide  une 
nombre ufe  Garni  Ion,  qui  y  périt ,  ôc 
pourquoi  :  518.  523.  M.  de  Dénon- 
ville  fe  fait  un  mérite  auprès  des  Iro¬ 
quois  de  l’abandonner  ,  529.  Nos  Al¬ 
liés  s’en  plaignent ,  ^7. 

Nicolas  ( le  P.  Louis  )  Jefuite  ,  ac¬ 
compagne  les  Outaouais  avec  le  P, 
Allouez  ,  397,  Il  mene  des  Sauvages 


<46  .  T  A  B 

à  Quebec ,  &  retourne  à  Chagouami- 

gon  avec  eux,  4°  5* 

Nicolet  fie  Sieur  )  eft  envoyé  aux 
Iroquois  en  qualité  de  Député  du  Gou¬ 
verneur  Général.  De  quelle  maniéré 
il  en  eft  reçu,  # 

Nlpiffmgs .  Ce  font  les  vrais  Algon¬ 
quins  ,  autrement  appelles  Nîpijfiri- 
mens,  habitoient  les  environs  d  un 
Lac  du  même  nom.  Le  P.  Allouez  les 
vifite  fur  le  bord  du  Lac  Almipegon, 
où  ils  s’étoient  réfugiés.  Fruit  de  Ion 
voyage,  397- 

Norimbegue.  Ce  que  c’eft  que  ce 
Pays  j  ii  6. 

Normands.  Auquel  tems  ils  ont  com¬ 
mencé  la  Pêche  des  Morues  fur  le 
grand  Banc  de  Terre-Neuve,  &  fin¬ 
ies  Côtes  voifines  ,  3.  On  en  deman¬ 
de  pour  peupler  le  Canada  ,  _  3S0. 

Noue  (le  P.  Anne  de)  Je  fuite;  fes 
premiers  travaux  en  Canada.  Il  y  re¬ 
tourne  après  la  reftiturion  de  ce  Pays 
à  la  France,  179.  Il  fe  difpofe  à  mon¬ 
ter  aux  Murons  ,  ce  qui  retarde  for» 
voyage,  182.  Sa  mort  &  fon  éloge  , 

267-68. 

Noyers  particuliers  fur  les  bords 
de  la  Riviere  de  S.  Jean ,  _  117. 

Noyrot  fie  P.  Philipe  )  Jefuite  ,  Su¬ 
périeur  des  Millions  de  la  Nouvelle 
France  ,  160.  Ilfrecte  un  Navire  pour 
fecourir  Quebec ,  ôc  périt  dans  un 
naufrage,  167. 

O 

O  CH  A  STE  G  U/ N  S ,  nom  , 
que  M.  de  Champlain  donne  aux 
Hurons  &  aux  Iroquois  ,  183. 

Ochoa  (  Martin  de  )  Capitaine  Es¬ 
pagnol,  s’oppofe  à  l’attaque  de  la  Ca¬ 
roline  ,73-11  reconnoît  la  Place  ,  &c 
fait  un  Prifonnier  ,  <  11- 

Otfe  au- Mouche  ;  il  fe  réfugié  pen¬ 
dant  l’hyver  dans  la  Floride  ,  29. 

Olbeau  (  le  P.  Jean  d’j  Recollet, 
arrive  à  Quebec  ,  M5* 

Olocotora  ,  brave  Floridien  ,  va  re- 
fonnoître  San  Matheo  ,  98.  Belle  ac- 


L  E 

tiondece  Sauvage,  ico.  Il  amène 
un  Prifonnier  au  Chevalier  de  Gour- 
gues  ,  1  o  1  •  Il  s’imagine  qu’il  périra  à 
la  prife  de  San  Matheo.  Priere ,  qu’il 
fait  au  Chevalier  de  Gourgues  ,102. 
Ses  regrets  au  départ  de  ce  Chevalier, 

104. 

Onathaca  ,  Chef  Floridien  ,  ren¬ 
voyé  àM.  de  Laudonniere  deux  Ef- 
pagnols,  fes  Captifs,  moyennant  une 
rançon,  _  5  3* 

Ôndejfon  ,  nom  Iroquois  du  P.  Jo- 
gues,  &C  enfuite  du  P.  le  Moyne  , 

320. 

Onneyouth  ,  un  des  cinq  Cantons 
Iroquois.  Sa  fttuation  &  fa  deferip- 
tion  ,  270-71.  Les  Onneyouths  de¬ 
mandent  la  paix  ,313.  Plufteurs  em- 
bralfent  ie  Chriftianifme  ,  334-  Des 
Onneyouths  tuent  trois  François  :  M. 
d’Aillebouth  en  fait  juftice ,  3  3  5.  Ga- 
rakonthié  fait  retourner  fur  fes  pas  un 
Parti  de  ce  Canton,  354.  Les  On¬ 
neyouths  reçoivent  un  échec  de  la  parc 
des  Sauiteurs ,  370.  Ils  envoyent  de¬ 
mander  la  paix  à  M.  de  Tracy  ,  383. 
Ce  qui  empêche  le  Vice-Roy  de  les 
traiter ,  comme  il  avoir  fait  les  Ag- 
niers,  387-88.  Ils  demandent  a  M.  de 
Courcelles  la  paix  &  un  Millionnaire, 
<k  font  écoutés,  398.  Leur  peu  de 
docilité  pour  le  Millionnaire,  403. 
432.  M.  de  la  Barre  leur  envoyé  un 
Collier  pour  les  engager  à  demeurer 
Neutres  ,  489.  Ils  offrent  leur  média¬ 
tion  pour  la  paix,  490.  Le  P.  Milet 
tombe  entre  leurs  mains:  cequ’ils  lui 
font  fo offrir  :  une  Femme  Onneyou- 
the lui  fauve  la  vie,  510.  Un  Agnier 
Chrétien  négocie  heureufement  pour 
les  François  dans  ce  Canton,  5 1 9.  Dé-, 
putés  Onneyouths  à  Montreal  pour 
demander  la  paix  ,  528-29.  Des  On¬ 
neyouths  s’engagent  avec  des  Mahin- 
gans  dans  un  Parti  de  guerre  contre 
les  François  ,  <  Q  F* 

Onnont agité ,  le  Principal  des  cinq 
Cantons  Iroquois.  Sa  lituation  ,  fa 
defeription  :  ce  qu’il  a  de  particulier , 
270-71.  Les  Onnontagués  traitent  de 


DES  MA 

la  paix  avec  les  François  ,  313.  Ré¬ 
ception  ,  qu’ils  font  à  deux  Jefuites , 
Députés  du  Gouverneur  Général  , 
3  2.0.  Projet  d’une  Colonie  Françoife 
à  Onnontagué  ,  323.  Exécution  dece 
projet ,  327.  &  fuiv.  Ils  en  ufentbien 
avec  les  François  ,  329.  Ils  Pomment 
les  Huions  de  Plfle  d’Orleans  de  la 
parole  ,  qu’ils  leur  avoient  donnée  de 
le  livrer  à  eux  j  331.  Ils  parlent  avec 
beaucoup  de  hauteur  au  Gouverneur 
Général  en  cette  occalion  ,  &  ce  qu’on 
leur  répond  ,  332.  Ils  refufent  d’em¬ 
barquer  les  Jefuites  avec  les  Hurons, 
3  34.  Ils  traitent  ceux  -  ci  en  Plafon¬ 
niers  de  guerre  ,  3  3  y.  Ils  confpirent 
contre  les  François,  qui  fe  retirent  de 
ce  Canton  ,  33  $.&  Juiv.  Ils  traitent 
bien  leurs  Prifonniers  ;  Eglife  Chré¬ 
tienne  dans  ce  Canton  ;  ils  deman¬ 
dent  la  paix  ,  &  à  quelles  conditions, 
349.  Prééminence  de  ce  Canton  fur 
tous  les  autres  ,  353.  Deux-cent  On- 
nontagués  attaquent  Plfle  de  Mont¬ 
real  ,  dont  le  Major  eft  tué  avec  tons 
lesSiensencombattantcontr’eux,  35  y. 
Ils  invitent  les  François  à  reprendre 
leur  Etabliflëment  chez  eux,  &  offrent 
d’envoyer  leurs  Filles  en  otage  chez 
les  Urfulines  de  Quebec.  Ce  qui  em¬ 
pêche  que  cela  ne  fe  fafle ,  370.  Ils 
font  demander  la  paix  à  M.  de  Tra- 
cy  ,  383.  Ils  traitent  de  mauvaife  foi 
avec  M.  delà  Barre,  483.  Ce  Géné¬ 
ral  leur  envoyé  un  Collier  pour  les 
engager  à  demeurer  Neutres  ,  489. 
Députation  du  Gouverneur  de  la  N. 
Nork  à  ce  Canton  3  réponfe  ,  qu’on 
lui  fait ,  491.  M.  de  la  Barre  leur  té¬ 
moigne  une  grande  confiance.  Ils  en¬ 
gagent  le  P.  de  Lambervilleà  inftruire 
le  Gouverneur  delà  Nouvelle  York 
de  ce  qui  s’eft  pafle  entr’eux  de  fon 
Député, 492,  ils  fe  rendent Garans de 
la  paix  ,  oc  leur  Député  parle  bien  , 
493.LeP.de  Lamberville  négocie 
heureufement  dans  ce  Canton  ,  yC3. 
Maniéré  noble  &  généreufe,  dont  on 
en  ufedans  ce  Canton  avec  ce  Million¬ 
naire  après  i’enlevement  des  piinci- 


r  I  E  R  E  S.  647 

paux  Chefs  Iroquois  à  Catarocouy , 
5  10-1  r .  Un  Agnier  y  négocie  heureu¬ 
fement  pour  les  François  ,  y  19.  Des 
Onnontagués  prennent  des  François 
auprès  de  Catarocouy.  Le  P.  de  Lam¬ 
berville  va  traiter  avec  eux  ,  de  avec 
quel  fuccès ,  5  24.  Ce  Millionnaire  tra¬ 
vaille  à  les  mettre  dans  nos  intérêts, 
527.  M.  de  Frontenac  ne  veut  traiter 
qu’avec  ce  Canton  ,  566.  Idée,  que  le 
P.  de  Carheil  donne  à  ce  Général  des 
Onnontagués ,  yé8. 

Onohare  (  Jofeph  )  jeune  Algon¬ 
quin  3  ce  qui  lui  arrive  dans  un  Parti 
de  guerre.  Il  eft  pris  &  brûlé  par  les 
Iroquois ,  de  meurt  en  Martyr  ,  304- 

°f. 

Ononthio.  Ce  que  fignifie  ce  mot  , 
de  pourquoi  les  Sauvages  nomment 
ainfi  tous  les  Gouverneurs  Généraux 
de  la  Nouvelle  France  ,  226. 

Ontaouonoués  ,  nom  ,  que  les  vrais 
Hurons  fe  donnent,  de  ce  qu’il  figni¬ 
fie  ,  184. 

_  Orange  ,  Ville  de  la  Nouvelle  Bel¬ 
gique:  fa  fondation  ,  142.  Nom, que 
les  Anglois  luidonnent,  143.  Elle  eft 
prifepar  les  Anglois,  qui  la  nomment 
Aibany ,  17  y-76.  Allarme  à  Orange  , 
de  ce  qui  la  caufoit  ,  y  24,  Etat  de  cet¬ 
te  Place  ,  y42.  M.  de  Dénonville  eft 
d’avis ,  fi  on  s’empare  de  la  Nouvelle 
York  ,  qu’on  n’en  conferve  que  cette 
Ville  ,  5 r, r. 

D'Oranger ,  un  des  Chefs  des  Mu¬ 
tins  de  la  Floride  ,  fait  quelques  pri- 
fes  fur  les  Efpagnols  ,  50.  Il  prend  le 
Gouverneur  de  la  Jamaïque  ;  com¬ 
ment  il  fe  laifle  duper.  Il  eft  pris  lui- 
même  ,  y  r . 

Orléans  (  le  P.  d’J  Jefuite ,  blâme  le 
P.  Cotton  à  l’occafion  d’un  Traité  fait 
en  faveur  des  Jefuites  par  Madame  de 
Guercheville.  M.  de  Champlain  les 
jtiftifie,  123. 

JJle  d'Orléans,  Sa  fituation  ;  décou¬ 
verte  par  Cartier:  nom ,  qu’il  lui  don¬ 
ne,  ir. 

Orvilliers  ( M.  dJ  )  Capitaine  ,  fon 
éloge,  Il  va  reconnoître  le  PaysEnne- 


<M  T  A  B 

mi  ,489.  Il  commande  an  Corps  de 
l’Armée  contre  les  Tfonnonthouans, 
490.  Il  eft  établi  Commandant  à  Ca- 
rarocouy,  496.  Sa  vigilance  ôc  Ton 
zélé  ,  514.  Il  eft  chargé  de  garder  le 
Fort  des  Sables  avec 400.  Hommes» 
515.  Il  envoyé  proposer  une  Confé¬ 
rence  aux  Onnontagués ,  ôc  à  quelle 
occafion  ,  5  z4* 

Ottigni(  le  Sieur  d’  )  Lieutenant  de 
M.  de  Laudonniere  en  Floride  ,  eft 

envoyé  pour  découvrir  le  Pays  ,  57. 
41.  M.  de  Laudonniere  le  retient  au¬ 
près  de  lui  »  comme  un  Homme  ,  fur 
qui  il  peut  compter,  49.  Il  eft  envoyé 
de  nouveau  pour  découvrir  le  Pays. 
Ses  découvertes ,  54.  Il  eft  envoyé  au 
fecours  d’Outina,  yy.  Il  fait  repren¬ 
dre  cœur  au  Chef  Sauvage  ,  lui  fait 
gagner  une  viéloire  ,  Ôc  retourne  à  la 
Caroline,  56.  Sa  bravoure  ,  57.  Sa 
mort  tragique  ,  _  .  84.  8  y. 

Ouifconfwg  ,  Riviere  du  Canada , 
par  où  le  P.  Marquette  ôc  le  Sieur  Jo¬ 
lie  t  entrèrent  dans  le  Miciffipi.  Sa  po- 
fition  )  -  .44^* 

Oumamiouecks }  Sauvages ,  qui  fai- 
Foient  la  Traite  à  Tadoufiac ,  ôc  que 
les  Millionnaires  inftruifoient  de  la 
Doétrine  Chrétienne  ,  308. 

Oureouharé ,  Chef  Goyogouin  ,  un 
de  ceux ,  qui  avoient  été  envoyés  aux 
Galeres  .*  fon  attachement  au  Comre 
de  Frontenac:  confeil  ,  qu’il  donne  à 
ce  Général.  Ce  qu’il  fait  dire  aux  Can¬ 
tons  de  fa  part ,  563.  Il  eft  qualifié 
Chef  Général  des  Iroquois  ,  56 4.  Il 
traite  en  fon  propre  nom  ,  mais  de  l’a¬ 
veu  du  Comte  de  Frontenac  ,  avec  les 
Députés  des  Cantons  3  propofitions , 
qu’il  leur  fait  »  _  ydy* 

Oure'oubati ,  Chef  Iroquois  »  Député 
pourla  paix  entre  les  Tfonnonthouans 
ôc  les  François  :  U  parle  très-bien  en 
cette  occafion  ,  49  3* 

Ours  blanc  ,  monftrueux  ,  tué  par 
Cartier,  >  8. 

La  Tribu  de  l’Ours  confpire  feule 
dans  le  Canton  d’Agnier  contre  le  P. 
Jogues. 


L  E 

Outagamis ,  Sauvages  du  Canada  J 
plus  connus  fous  le  nom  de  Re¬ 
nards.  Avec  quel  fuccès  le  P.  Allouez 
leur  annonce  l’Evangile,  396.  Def- 
cription  de  leur  Pays-,  Idple  ,  qu’ils 
reveroient ,  447.  Ce  qui  les  indif- 
pofoit  contre  les  François.  Ils  re¬ 
çoivent  bien  le  P.  Allouez  ,  .  449. 

Outaouais ,  Peuple  Algonquin  ,  de 
ceux,  qu’on  appelloit  Algonquins  Su - 
pe'rieurs .  Ils  établirent  un  droit  de  Péa¬ 
ge  fur  leur  Riviere ,  186.  Des  Outaou¬ 
ais  viennent  à  Quebec.  Leurs  aven¬ 
tures,  324.  fuiv.  Leur  caraélere ,  ôc 
pourquoi  on  en  convertit  peu  ,  325. 
On  leur  donne  des  Millionnaires  :  ils 
font  attaqués  par  des  Agniers  ,  326: 
Après  s’être  bien  battus ,  ils  fe  retirent 
&  abandonnent  les  Millionnaires  &  les 
François ,  3  27.  Ils  infultent  les  Sioux, 
qui  les  chalFent  de  chez  eux  ,  346. 
Maniéré  indigne,  dont  ils  traitent  le 
P.  Mefnard  ,  35^-57.  Leur  endurcif- 
fement  au  fujet  de  la  Religion  ,  3  59. 
Ils  vont  encore  demander  un  Million¬ 
naire  à  Quebec ,  331.  On  leur  en  ar- 
corde  un ,  ôc  ils  le  traitent  aufïî  mal 
que  les  autres.  Leurs  fuperftitions.  Ob- 
ftaclesàleur  converfion  ,  392 ,&  fuiv. 
Ils  vont  vendre  leurs  Pelleteries  à  Que¬ 
bec,  ôc  refufent  de  recevoir  un  Jelui- 
te  dans  leurs  Canots,  397-98.  Ils  font 
attaqués dansla  Baye  du  Saguinan  pat 
les  Iroquois  ,  301.  On  a  bien  de  la 
peine  à  les  empêcher  de  s’accommo¬ 
der  avec  les  Tfonnonthouans ,  51  y» 
Ils  fe  battent  mal  dans  l’aétion  con<* 
tre  les  Tfonnonthouans'',  316.  Négo¬ 
ciation  entr’eux  ôc  les  Tfonnonthou^ 
ans  ,  ôc  quel  en  étoit  le  motif,  566. 
&  fuiv .  Leur  inventive  contre  les 
François  ,  ôc  qui  les  animoit  ,  569. 

O  ut  in  a ,  Chef  Floridien.  M.  de  Lau¬ 
donniere  l’envoye  vifiter,  46.  Il  rem¬ 
porte  une  vi&oire  avec  le  fecours  des 
François  »  47.  Il  demande  du  fecours 
à  M.  de  Laudonniere  ,  qui  lui  en  en¬ 
voyé  ,  y  y.  Intimidé  par  fon  Ionas  ,  il 
veut  rebroulfer  chemin.  M.  d’Ottigni 
l’encourage,  ôc  lui  fait  remporter  la 

vi&oire: 


DES  MA 

‘VÎ&ôire  :  il  ne  pourfuit  point  les 
Fuyards  ,  56.  On  fe  faifît  de  lui  pour 
Pobliger  à  fournir  des  vivres  à  la  Ca¬ 
roline  ,  8c  ce  qui  en ‘arrive,  f  y. 

Outreouhati  ,Chef  Iroquois ,  fe  ven¬ 
ge  des  François  ,  qui  l’avoient  rerenu 
dans  les  fers  à  Montreal ,  3  54. 

Oyander.  Ce  que  c’eft  que  ce  titre 
parmi  les  Iroquois ,  455. 


F  API NA  CHOIS  ,  Sauvages  ,  qui 
faifoient  la  Traite  à  Tadouffàc  , 
8c  qu’on  y  inftruifoit  de  la  Religion  , 

211.  308. 

Paquine  (  le]Sieur)  eft  envoyé  Com- 
miiïaire  en  Acadie.  Ce  qu'il  dit  du 
Port  Royal,  540. 

Paraoufiis ,  Chefs  8c  Capitaines  FIo- 
râdiens ,  27.  Honneurs  ,  qu’on  leur 
rend  ,  28. 

Parat  (  le  Sieur  )  ne  peut  fe  foûte- 
flir  a  Plaifance  ,  où  il  commandoit, 

521. 

Parelies  à  Quebec  8c  à  Montreal  , 
563.  Dans  les  Quartiers  de  l’Oueft, 

44I_4î’ 

Panjiens.  On  demande  au  Canada 
des  Colons  de  Paris ,  ou  des  environs , 

380. 

Patenotes,  ou  Chapelets  de  Sainte  He. 
Une.  Ce  que  c’étoit  que  ce  Simple, & 
fes  vertus,  30.  31. 

Patina  (  André  Lopez  )  Capitaine 
Efpagnol ,  eft  chargé  de  choifir  un  em¬ 
placement  pour  bâtir  un  Fort  dans  la 
Riviere  de  S.  Auguftin ,  71.  Ce  qu’il 
fait  à  la  prife  de  la  Caroline  ,  77.  78. 

91- 

Patoulet  fie  Sieur)  Commifïaire  de 
Marine  ,  eft  envoyé  en  Acadie  ,  pour 
en  faire  la  vifite  ,  417. 

Paufanias  ,  Roy  de  Lacedemone. 
Belle  réponfe  de  ce  Prince,  104. 

’Peanon  (  le^Pere . )  Jefuite  , 

Midîonnaire  dans  le  Canton  d’Ag- 
nier  ,  402.  Il  eft  infulté  par  un  Capi¬ 
taine  Agnier ,  8c  comment  il  en  profi¬ 
te  pour  le  fuccès  de  fon  Miniftere  , 

Tome  L 


T  I  E  R  E  S.  649 

429.  &  fuiv.  Il  baptife  une  Femme 
Iroquoife,  8c  l’envoye  à  Lorerre  ,435. 

Peltrie  (  Magdeleine  deChauvigni, 
Dame  delà)  Fondatrice  des  Urfulines 
de  Quebec,  frette  un  Vaifteau  à  Diep¬ 
pe  ,  va  chercher  deux  Urfulines  à 
Tours,en  prend  une  T roifiéme  à  Diep¬ 
pe  ,  &  arrive  à  Quebec  ,  207.  Sa  fer¬ 
veur  8c  fon  courage  à  la  vue' des  Sauva¬ 
ges,  208.  Elle  tient  fur  les  Fonts  de 
Baptême  un  Chef  Algonquin  ,  254. 

Pemkuit  ,  Fort  bâti  par  les  Anglois. 
Sa  fituation  ,  462.  Il  eft  pris  par  les 
Canibas,  .  _  357-58. 

Pénitence  publique  pratiquée  parmi 
les  Sauvages  ,  597- &  fuiv. 

Pentagoet  ,  Riviere  8c  Pofte  de  la 
Nouvelle  rFance.  Sa  fituation.  Def- 
cription  du  Pays.  On  y  fait  un  Eta- 
bliftèment  pour  Madame  de  Guer- 
cheville,  13  2-3  3.  Il  eft  prispar  les  An¬ 
glois.  Voyez  4 S.  Sauveur.  Les  Anglois 
s’en  rendent  de  nouveau  les  Maîtres, 
414.  Il  eft  rendu  aux  François  ;  diffi¬ 
culté,  que  faifoit  le  Chevalier  Tem¬ 
ple  de  le  reftituer  ;  ce  que  lui  valoic 
ce  Pofte,  417.  Il  eft  repris  par  les  An¬ 
glois  ,  450.  Reftitué  à  la  France ,  462. 
Repris  par  les  Anglois  ,  465.  Des 
Hollandois  démoliiïènt  le  Fort.  M.de 
S.  Caftin  le  rétablit  8c  s’y  loge.  Les  A  n- 
glois  le  fomment  de  le  rendre  ,  520. 
Importance  de  ce  Pofte,  521.  Million, 
établie  au  Pentagoet ,  3-3 1.  Ce  Pofte 
eft  pillé  par  les  Anglois,  538. 

Percherons.  On  en  demande  en  Ca¬ 
nada  pour  l’habiter  ,  380. 

Perelle  (  le  Sieur  de  la  )  Officier 
François ,  accompagne  les  Députés 
Iroquois  à  Montreal  :  peur  ,  que  les 
Iroquois  lui  font  en  chemin  ,  32.9» 

Perez-  (Fernand)  Officier  Efpagnol, 
parle  à  fon  Général  avec  infolence  > 

75* 

Perrault  fie  P.  Julien)  Jefuite,  tra¬ 
vaille  avec  peu  de  fuccès  8c  beaucoup 
de  fatigues  auprès  des  Sauvages  du 
Golphe  S.  Laurent.  Ce  qu’il  dit  des 
Gafpefiens  ,  222. 

Perrot  (  Moniteur  )  nommé  Gou- 

N  N 11 11 


«5°  7AB 

svcrneur  de  Montreal  »  demande  ,  & 
obtient  des  Provifions  du  Roy  ,  407. 
jvî  de  Frontenac  le  fait  mettre  aux 
arrêts  ,  451.  H  fe  brouille  avec  MM 
du  Séminaire  de  S.Sulpice  ,  &  il  eft 
transféré  au  Gouvernement  de  1  Aca¬ 
die  ,  . 

Perrot  (Nicolas  )  Qui  il  etoit  3  il  ett 

député  vers  les  Sauvages  du  Nord  & 
de  l’Gueft  ,  436.  Ce  qui  lui  arrive 
dans  ce  voyage  ,  &  comment  il  eft  re¬ 
çu  par  lesMiamis  ,  437- Ilen' 
gage  plufieurs  Nations  dans  la  guerre 
contre  les  Tfonnonthouans  ,  487. 
Comment  il  les  appaife  après  la  con- 
clufion  de  la  paix  fans  leur  participa¬ 
tion  ,  488.  Ordres ,  qu’il  reçoit  de 
M.  de  Dénonville,  pu.  Voyez  la  Li¬ 
fte  &  l’Examen  des  Auteurs. 

Petit  Nord  ,  partie  de  i’Ifle  de  Ter¬ 
re-Neuve.  Sa  fituation,  410. 

Pêches.  Projet  de  l’Etabliflèment 
des  Pêches  fedentaires  dans  le  Fleuve 
de  S.  Laurent.  Ce  qui  le  fait  échouer, 

5  39* 

Phénomènes ,  348.  $6$.&  faiv*  599» 

474.  &  fuiv. 

Philippe  IL  Roy  d’Efpagne.  A  quel 
delfèin  il  envoyé  une  Flotte  en  Flori¬ 
de  ,  62.  Il  veut  faire  enlever  le  Che¬ 
valier  de  Gourgues,  &  le  manque, 

10  y. 

Picards.  On  en  demande  en  Canada 
pour  l’habiter ,  _  3^°* 

Pieskaret ,  Chef  Algonquin.  Sa  bra¬ 
voure.  Ce  qu’il  fait  pour  ratifier  la 
paix  ,  2 GG.  Il  eft  tué  en  trahi fon  par 
les  Iroquois  ,  qui  n’ofent  l’attaquer 
de  front ,  .  z77* 

Pijart  (  le  P.  Claude  )  Jefuite  ,  re¬ 
çoit  à  Montreal  le  P.  Garreau  blefle 
par  les  Iroquois ,  &C  l’aflifte  a  la  mort, 

327. 

Plejfys  (  le  Frere  Pacifique  du)  Re¬ 
collet  ,  rend  un  grand  fervice  à  la  N. 
France,  MG 

Plaifance  ,  Port  de  Pille  de  Terre- 
Neuve  :  les  François  s’y  erabhflènr. 
Sa  defcription ,  418-1 9.  Réflexion  fur 
l’idée  avantaeeufe,  qu’on  a  conçue  de 


L  E  ' 

ce  Port ,  4^0* 

Poinci  (le  Commandeur  de)  fe  main¬ 
tient  ,  malgré  la  Cour  ,dans  fon  Gou¬ 
vernement  Général  des  Ifles  >  Regle¬ 
ment,  que  cette  rébellion  occafionne, 

281. 

Polygamie  en  ufage  parmi  les  Flo- 
ridiens,  28.  En  Acadie,  124.  Parmi  les 
Sioux,  346.  Parmi  les  Outaouais,  3  57. 

Pommeraye  (le  Sieur  de  la  )  Gentil¬ 
homme  Breton  ,  accompagne  Cartier 
àHochelaga,  _  IZ* 

Pompierre  (le  Sieur  de^) Gentilhom¬ 
me  François  ;  fon  aventure  après  la 
prife  de  la  Caroline ,  86. 

Ponce  de  Leon  ,  voyez  Floride. 

Poncet  (  le  Pere  Jofeph^  )  Jefuite  , 
fe  trouve  fort  à  propos  à  Montreal 
pour  inftruire  plufieurs Sauvages  , qui. 
demandent  le  Baptême,  253.  Il  ac¬ 
compagne  le  P.  Breflani  aux  FI  lirons , 
167.  Il  eft  pris  par  les  Iroquois  ,&  ce 
que  ces  Barbares  lui  font  fouffrir  y 
314.  Il  eft  délivré  3  danger,  qu’il  coure 
à  fon  retour.  Réception ,  qu’on  lui  fait 
à  Québec.  Prières ,  qu’on  y  avoir  fai¬ 
tes  pour  fa  délivrance ,  315-16, 

•  Pons  (  le  Sieur  )  Gentilhomme  de 
Saintonge  ,  périt  dans  l’Expédition 
du  Chevalier  de  Gourgues  en  Flori¬ 
de,  10  G 

Pontbriand  (  M.  de  )  Gentilhomme 
Breton  ,  accompagne  Cartier  a  Ho- 

chelaga ,  1 2* 

Pontchartrain  ,  Fort  du  Canada.  Sa 

fituation,  _ 

Pontgravc  (  le  Sieur  de  )  Maloin  , 
confeille  à  M.  Chauvin  de  demander 
au  Roy  la  Commiflîon  du  Marquis  de 
la  Roche.  Son  premier  voyage  en  Ca¬ 
nada  ,  1 10-1  2.  Il  eft  chargé  de  trans¬ 
porter  l’Etablifleraent  de  Sainte- Crois 
au  Port  Royal  ,  116.  Il  ne  goûte  pas 
ce  projet..  Il  eft  obligé  d’abandonner 
le  Port  Royal  faute  de  vivres  ■,  1 18.  Il 
y  retourne.  Son  éloge  ,  1 1 9.  Il  eft  en¬ 
voyé  pour  faire  la  Traite  dans  le  Fleu¬ 
ve  S.  Laurent ,  121.  Il  n’ofe  commun 
niquer  avec  les  Jefuites  ,  &  pour¬ 
quoi?  128.  Il  retourne  en  Canada  , 


DES  MA 

141.  149.  iy2.  Sa  fanré  l'oblige  de 
repaiïer  en  France ,  1  y 8.  Il  fe  trouve  à 
Quebec  »  lorfque  cette  Ville  eft  fom- 
mee  par  les  Anglois ,  166. 

Porc-Epi ,  nom  d’une  Nation  Sau¬ 
vage  ,  qui  faifoit  la  Traite  à  Tadouf- 
fac  ,  &  qu’on  y  inftruifoit  dans  la 
Religion,  221. 

Port  ito/>».Cequec’eft;d’où  vient 
ce  nom  ,  479.  Quand  il  lui  fut  don¬ 
né  ,  48  i .  Projet  de  Neutralité  pour  ce 
Polie  entre  les  Anglois  8c  les  Fran¬ 
çois  ,  jugé  impratiquable  ,  506-07. 
Propolicion  de  M.  de  Dénonville  au 
Roy  à  ce  fujet ,  507. 

Port  m  Adouton,  Sa  fituation.  Com¬ 
ment  les  Anglois  le  nomment ,  176. 

Port  Noir,  ou  Joli  Port.  Sa  fitua- 
tion,  Iy6. 

Port  Royal  en  Floride.  Embouchure 
de  la  Riviere  de  Sainte  Croix,  ainfi 
nommée  par  M.  de  Ribaut ,  8c  où  il 
bâtit  Charlefort  ,  25.  26. 

Port  Royal  en  Acadie.  Sa  Situation  , 
fa  defeription.  Par  qui  il  a  été  ainlî 
nommé,  116-17.  H  eft  fur  le  point 
d’être  abandonné.  On  travaille  ày  fai¬ 
re  un  Erablilïèmenr.  Qualité  du  Ter- 
rein  ,119.  Cet  Etablilîèment  eft  né¬ 
gligé  ,  152.  Il  eft  détruit  par  les  An¬ 
glois,  137.  M.  de  la  Tour  le  réta¬ 
blit,  412.  Les  Anglois  en  chalfent  le 
Sieur  le  Borgne,  413-14.  Les  Fran¬ 
çois  s’y  établilfent ,  417.  Il  s’y  forme 
une  Bourgade  ,  462.  Les  Habitans  fe 
rendent  aux  Anglois  5  463.  Incom¬ 
modités  du  Port,  540.  M.  de  laCaffi- 
niere  ne  peut  y  palier  pour  le  ravitail¬ 
ler  ,  _  y48. 

Portugais.  Leur  jaloufie  contre  les 
François  du  Brelîl  les  porte  à  les  ex¬ 
terminer  ,  23. 

PojfeJJion.  Prife  de  polfelîion  dune 
grande  partie  du  Canada,  3  3 8- 59.  V. 
Baye  d'Hadfon. 

Poflel  (  Guillaume  )  Ses  idées  furies 
navigations  des  anciens  Gaulois  dans 
l’Amérique  ,  2. 

Potanou  ,  Chtf  Floridien  ,  eft  dé¬ 
fait  8c  tué  par  Outina  avec  le  fecours 


T  1ERE  S. 

des  François,  47.  Son  Succelïèur  de 
même  nom  eft  défait  par  le  même  8c 
par  les  François  ,  j6. 

Potardiere  (le  Sieur  de  la  )  vifite  les 
Mines  de  fer  du  Canada  ,  8c  ce  qu’il 
en  penfe ,  39 r. 

Potberie  (M.  de  la  )  Commandant 
des  Trois  Rivières  ,  arrête  des  Es¬ 
pions  Agniers,  &c  fauve  fa  Place, 

3  3 

Poulain  (  le  P.  Guillaume  )  Recol¬ 
ler  ,  eft  pris  par  les  Iroquois,  &  échan¬ 
gé  dans  letems  ,  qu’ils  fe  difpofoienc 
à  le  brûler , 

Pouteouatamis ,  Sauvages  du  Cana¬ 
da  ,  viennent  au  nombre  de  trois-cenc 
à  Chagouamigon  :  le  P.  Allouez  les 
vifite  :  maniéré  bizarre  ,  dont  ils  le 
reçoivent  :  leur  docilité  :  converfion 
d’un  Vieillard  de  près  de  cent  ans  & 
defesdeux  Filles.  Sa  mort  toute  Chré¬ 
tienne,  39 y.  Ce  qui  arrive  après  fa 
mort  :  conte  ridicule  des  Sauvages  à 
fon  fujet ,  396.  Ils  font  attaqués  par 
les  Tfonnonthouans  ,  &  ce  qui  en  ar¬ 
rive,  433-34.  Ils  efeortent  Nicolas 
Perrot  à  Chicagou.  Ce  qui  fepaftèen- 
tr’eux  &  les  Miamis.  Le  Grand  Chef 
des  Miamis  les  charge  de  fa  Procura¬ 
tion  pour  la  prife  de  pofleflionde  tout 
les  Pays  du  Nord  8c  de  l’Oueft  par  M. 
de  S.  Lu fton  ,  437. 

Poutrincourt  (  Jean  deBiencourt  Sr. 
de)  Lieutenant  de  M.  de  Monts  en 
Acadie  ,  1 12.  M.  de  Monts  lui  cède 
le  Port  Royal  ,  &  il  le  néglige  ,118. 

Il  y  ramene  l’abondance  ,  8c  le  forti¬ 
fie  ,  1 19.  Le  Roy  Henry  IV.  lui  or¬ 
donne  de  mener  des  Jefuites  en  Aca¬ 
die  ,  8c  il  élude  cet  ordre  ,  1  21.  Stra¬ 
tagème,  dont  il  fefert  pour  perfuader 
au  Roy  que  les  Jefuites  ne  font  pas 
néceftaires  dans  ce  Pays  ,  1 22.  Ses 
préventions  contre  ces  Religieux  , 

1  23.  Il  fe  brouille  avec  Madame  de 
Guercheville ,  132.  Ce  qu’il  devint 
après  la  prife  de  l’Acadie  par  les  An¬ 
glois,  138.  Faute  ,  qu’il  fit  au  Port 
Royal,  139.  Pourquoi  il  y  renonce 
entièrement  >  408- 

NNnn  ij 


6  t  T  AB 

Poype(U.  de  la  )eft  envoyé  à  Plai- 
fanceen  qualité  de  Commiflaire  &  de 
Gouverneur  :  Tes  inftruétions ,  41 3; 

Prairies.  Un  jeune  Matelot  nomme 
Des  Prairies ,  vient  fort  à  propos  join¬ 
dre  M.  de  Champlain  ,  qui  étoit  aux 
prifes  avec  les  Iroquois  ,  1  S !* 

Riviers  des  Praivies.  Sa  fituation  , 

160. 

Pre'fens.A  quoi  obligent  les  prélens, 
quand  on  les  accepte  ,  ^  .  M?- 

Prevert ,  Malom  ,  qui  prenoitplai- 
fn-  à  inventer  des  fables  ,  pour  trom¬ 
per  les  François,  _ 

Protejians.  Pourquoi  la  Cour  les  ex¬ 
clut  du  Canada  ,  îSo. 

Pygmées  dans  le  Nord  du  Canada 
&  en° Terre-Neuve,  ié>.  19* 

et 

S~\UEBEC, Capitale  de  laN.  Fran- 
Vy  ce  :  fa  fituation  ,  fa  fondation  , 
fiï.  Etat  de  Quebec  en  1610.  &c  en 
j6ix.  158,  On  y  bâtit  un  Fort  de 
pierres  ,  159.  En  quel  état  il  fe  trou- 
voit  en  1 6x7-  161.  Les  Anglois  fam- 
ment  cette  Ville  de  fe  rendre  a  eux  , 
366.  Extrémité,  où  elle  eft  réduite 
par  la  famine  ,  167.  Sa  prife  par^  les 
Anglois,  169.  Elle  eft  reftituee  a  la 
France  ,  177.  Charité  des  Habitans  , 
209.  De  quelle  maniéré  les  Murons 
chaflés  de  leur  Pays  y  font  reçus ,  301. 
Les  Agniers  y  donnent  Pallarme,  3 1 4. 
Onn’y  eft  pas  en  fureté  contre  les  Iro¬ 
quois,  347*  Ereéfcion  de  1  Eveche  de 
Qiiebec ,  406. 

Que  lu  s  { l’Abbé  de  )  arrive  en  Ca¬ 
nada,  muni  d’une  Provifion  de  Grand 
Vicaire  de  l’Archevêque  de  Rouen  , 
&  n’eft  point  reçu  en  cette  qualité.  Il 
prend  pofteflion  de  l’Ifle  de  Montreal 

au  nom  du  Séminaire  de  S.  Sulpice , 

340, 

Quien  (  le  P.  le  )  Je  fuite,  donne  aux 
Outaouais  trois  Jefuites  pour  les  ac¬ 
compagner,  .  $16. 

Quitcbitckouen ,  ou  de  Sainte  Anne , 
Fort  de  la  Baye  d’Hudfon  )  pris  fi)r 


L  E 

les  Anglois,  s 06.  Les  Anglois  y  font 
repoufles  avec  perte,  508.  Ce  qui  y 
arrive  entr’eux  ôc  M.  dTberville,  519. 
Les  Anglois  font  une  nouvelle  tenta¬ 
tive  pour  le  reprendre ,  de  font  pris 
eux-mêmes ,  J  S  5  •  ^  fulV+ 


R 


Y)  A  DIS  S  O  N  (  Efprit  de  )  Fraft^ 

cois  Transfuge  ,  conduit  les  An- 
glois  dansr  la  Baye  d’Hudfon  ,  476*- 
77,  Il  époufe  la  Fille  du  Chevalier 
Kivke  Anglois ,  retourne  dans  la  N*. 
France  ,  &  entreprend  de  chalîer  les 
Anglois  de  la  Baye  d’Hudfon,  478- 
Il  fait  un  Etabliftement  dans  cette 
Baye  3  ce  qui  fe  paffe  entre  les  An¬ 
glois  &  lui ,  479-  à1  fuiv.  Il  traite  de 
nouveau  avec  les  Anglois  ,  &  pour¬ 
quoi  :  U  eft  bien  reçu  de  fon  Beau-Pe- 
re:  le  Roy  d’Angleterre  lui  donne 
une  penfion.  Il  met  les  Anglois  en 
pofteflion  de  l’Etabliftement  ,  qu  il 
avoit  fait  dans  la  Baye  d’Hudfon- , 

48 1 ,  498* 

Ragueneau  (  le  P.  Paul  )  Jefuite ,  eft 
envoyé  pour  traiter  de  la  paix  avec  les 
Iroquois  :  de  quelle  maniéré  il  en  eft 
reçu  ,  225.  Il  conduit  a  Quebec  un 
grand  nombre  de  Hurons ,  300-01. 
Ce  qu’on  a  penfé  de  fon  Hiftoire  de 
la  Mere  Catherine  de  S.  Auguftin  , 

408.. 

Raimbauî  (  le  P.  Charles  )  Jefuite , 
va  vifiter  les  Sauteurs  \  fruit  de  cene 
vifite ,  232.  Il  eft  rappelle  aux  Huions, 

233. 

Ramufio.  Ce  qu’il  dit  dans  fon  Re¬ 
cueil  d’un  Auteur  François ,  2  2.  V.  la 
Lifte  &  l’Examen  des  Auteurs. 

Rapide  proche  de  l’entrée  de  la  Ri¬ 
vière  de  S.  Jean  dans  la  Baye  Fran- 
çoife  j  ce  qu’il  a  de  fîngulier  ,117,  Ra¬ 
pide  de  la  Riviere  de  Sorel ,  1 44. 1 47. 

Rat.  Le  Rat  ,  Chef  Huron  ;  M .  de 
Dénonville  l’attire  avec  peine  dans 
fes  intérêts.  Il  fe  vante  d’avoir  tue  la 
paix  ,  que  ce  Général  avoit  fait  avec 
les  Iroquois  9  &  comment  il  s’y  prit 


DES  MAT 

pour  cela  5  y  35.  &  fuiv.  Sa  perfidie  &c 
fies  intrigues  pour  brouiller  les  Iro- 
quois  avec  les  François  ,  5  37.  Il  rejet¬ 
te  fia  perfidie  fur  M.  de  Dénonvillc  , 
567,  On  lui  attribue  le  difcours  in- 
fiolent  des  Outaouais  contre  les  Fran¬ 
çois  ,  _  570. 

Raye  (  Pierre)  Calvinifte  François, 
fervoit  dans  la  Flotte  Angloife  ,  qui 
prit  Quebec  ,  169. 

Razilly  (  le  Commandeur  de)  porte 
en  France  du  Lapis  lazuli  des  Côtes  de 
l’Acadie  ,  114.  Il  eft  un  des  cent  Af- 
fociés  de  la  Compagnie  de  laNouvel- 
le  France  ,  i6y .  Il  arme  pour  fe cou¬ 
rir  Quebec  :  il  eftcontremandé,  171. 
Il  arme  de  nouveau  ,  175.  On  lui  con¬ 
cède  l’Acadie,  &  il  fait  un  Etablifie- 
ment  à  la  Héve  ,  mais  trop  peu  foli- 
de  ,  178.  Il  s’accommode  avec  M.  de 
la  Tour, 410.  Ce  qui  arrive  en  ce  Pays- 
là  après  fa  mort ,  41 1 . 

Recaldé (  François  )  Capitaine  Efpa- 
gnol ,  s’oppofe  à  l’attaque  de  la  Caro¬ 
line,  75*77* 

Recollets.  Quatre  Recollets  pafient 
en  Canada  ,  1  y  3.  Ils  engagent  le  Duc 
de  Ventadour  à  y  envoyer  des  Jefui- 
tçs ,  &  les  logent  chezeux,  1 59.  Pour¬ 
quoi  la  Compagnie  de  la  Nouvelle 
France  s’oppofe  à  leur  retour  en  Ca¬ 
nada  ,  après  la  reftitution  de  ce  Pays 
à  la  France  j  178-79.  Ils  y  font  rede¬ 
mandés  ,  ôc  pourquoi  ;  M.  Talon  ob¬ 
tient  leur  retour.  Les  Premiers,  qui  y 
font  envoyés  ,  font  naufrage,  424. 
Trois  PP.  Recollets accompagnentM. 
de  la  Sale  dans  fes  découvertes  ,  438. 
Ce  qu’on  doit  penfer  de  plufieurs  Mif- 
fions  de  Recollets  marquées  dans 
quelques  Cartes  ,461.  M.  de  Dénon- 
ville  engage  ces  Religieux  à  céder 
pour  quelque  tems  le  Polie  de  Cata- 
rocouy  au  P.  Miler ,  304.  Avis  ,  que 
des  PP.  Recollets  donnent  à  M.  de 
Frontenac  à  l’Ille  Percée  ,  ^48-49. 

Reml  (  Moniteur  )  Curé  de  la  Chi¬ 
ne  refufc  d’aller  en  Procelfion  au 
Tombeau  de  la  bonne  Catherine  ; 
tombe  malade ,  &  n’eft  guéri }  qu’a- 


ï  E  R  E  S.  653 

près  avoir  promis  de  fuivre  en  cela 
l’exemple  de  fes  Prédécelîèurs ,  586 

Renards,  ou  Ont  agamis.  Voyez  ce 
mot. 

Riviere  des  Renards  ,  446-47. 

Repentigni  (  le  Sieur  de  Tilli  de  ) 
Gentilhomme  Normand  ,  Capitaine 
dans  Carignan-Salieres ,  effc  détaché 
pour  donner  la  challè  aux  Iroquois  , 
quife  retirent  à  fon  aproche  ,  381. 

Révolté  contre  M.  de  Laudonniere, 
&  fes  fuites ,  49.  &  fuiv. 

R'tbaut  (Jacques  dé)  Fils  ,  ou  Ne¬ 
veu  du  Suivant ,  refufe  de  fe  rendre 
aux  Efpagnols.  Sa  mauvaife  conduite 
après  la  prife  de  la  Caroline  ,  80. 

Rïbaut  (  Jean  de  )  Qui  ilétoit  :  l’A¬ 
miral  de  Coligny  le  charge  d’établir 
une  Colonie  dans  la  Floride:  il  prend 
polfelfion  du  Pays  :  fes  premières  dé¬ 
couvertes  :  il  croit  avoir  trouvé  le 
Jourdain,  &  il  fe  trompe.  Il  prend 
des  anfes  pour  des  embouchures  de 
Rivières,  2  y.  Il  bâtit  Charleforr,  & 
tente  inutilement  d’emmener  en  Fran¬ 
ce  desNaturel's  du  Pays,  26.  Il  retour¬ 
ne  en  France  ,  31.  Pourquoi  il  ne  re¬ 
vient  pas  en  Floride  au  tems  3  qu’il 
avoit  promis  d’y  revenir  ,35.  Il  arri¬ 
ve  à  la  Caroline  avec  un  grand  Con¬ 
voi,  59.  Ce  qui  l’avoit  empêché  d’ar- 
riverplûtôt,  60.61  .Il  reconnoît qu’on 
avoit  accufé  à  tort  M.  de  Laudonnie¬ 
re  ,  &  en  ufe  bien  avec  lui.  Comment 
iîeftreçu  des  Sauvages.  Il  fait  travail¬ 
ler  à  réparer  la  Caroline  ,  62.  Il  s’en¬ 
tête,  malgré  tout  le  Confeil  de  guer¬ 
re  ,  &  met  à  la  voile  pour  aller  atta¬ 
quer  les  Efpagnols  ,  70.  Il  manque  de 
les  défaire  ,  faute  de  vent.  LTne  tem¬ 
pête  l’écarte  bien  loin  ,  72.  Il  fait  nau¬ 
frage  ,  ôc  ce  qu’il  devint  enfuite,  8  3. 
&  juiv. 

Ribourde  (le  P.  Gabriel  de  la  )  Re¬ 
coller  ,  aide  le  Chevalier  de  Tonti  à 
faire  un  accommodement  entre  les 
Iroquois  &r  les  Illinois ,  461 .  Il  s’éga¬ 
re  dans  les  Bois ,  &  eft  tué  par  les  Ki- 
capous.  Son  éloge  ,  4 65. 

Richelieu  (  le  Cardinal  de  )  établis 


TABLE 


la  Compagnie  de  la  Nouvelle  Fran¬ 
ce,  1 6 1.  Il  s’en  fait  le  Chef  3  1 6j. 

Riviere de  Richelieu ,  auparavant  nom¬ 
mée  Riviere  des  Iroquois  ,  229.  Elle 
prend  le  nom  âeSorel.  Voyez  ce  nom. 

Fort  de  Richelieu ,  129-30. 

Rivau  (  M.  du  )  Quelques  Mémoi¬ 
res  difent  qu’il  accompagna  MM.  de 
Moncortier  6c  Delnos  en  Canada  , 

493- 

Riverin  (  le  Sieur  )  Son  projet  pour 
les  Pêches  fédentaires  dans  le  Fleusie 
S.  Laurent ,  &  ce  qui  le  fait  échouer, 

539-40. 

Robert  (  M.  )  Confeiller  d’Etat ,  pre¬ 
mier  Intendant  nommé  pour  la  Nou¬ 
velle  France  ,  où  il  n’alla  point,  372. 

Roberval  (  François  de  la  Roque  Sr, 
de)  Comment  François  I.  Roy  de 
France  ,  le  nommoit.  Ce  Prince  lui 
donne  la  Commiflion  de  continuer 
les  découvertes  en  Amérique  ,  20. 
Etendue  de  cette  Commiflion.  Il  bâtit 
un  Fort  furie  Fleuve  S.  Laurent.  Son 
fécond  voyage.  Il  envoyé  un  Pilote 
chercher  un  chemin  aux  Indes  par  le 
Nord  du  Canada  ,  21.  Il  eft  arrêté  en 
France  par  la  guerre.  U  retourne  en 
Canada  avec  fon  Frere  ;  nom,  que 
donnoit  François  I.  à  fon  Frere.  Ils  pé¬ 
riment  tous  deux  dans  ce  voyage ,  22. 

Robeyre  (  le  Sieur  delà  )  Lieutenant, 
eftblelfé  &  pris  par  les  Iroquois,  en 
défendant  un  Fort  dans  l’IIle  de  Mont¬ 
real  ,  e  549- 

Roche  le  Marquis  de  la  )  Qui  il 
étoit  3  il  obtient  des  Rois  Henry  III. 
fk  Henry  IV.  la  même  Commiflion, 
qu’avoit  eue  M.de  Roberval,  107-08, 
Il  débarque  à  l’Ifle  de  Sable  quarante 
Hommes  3  il  reconnoît  les  Côtes  de 
P  Acadie  :  fes  malheurs  :  fa  mort ,  109. 
Fautes  ,  qu’il  fit,  1 10. 

Rocbeferriere  (  le  Sieur  de  la  )  Gen¬ 
tilhomme  François ,  eft  envoyé  pour 
faire  des  découvertesdans  la  Floride, 
49.  Succès  de  fon  voyage  ,  *2. 

Roquemont  (  M.  de  )  un  des  Mem¬ 
bres  de  la  Compagnie  des  cent  Aftb- 
ciés  de  la  Nouvelle  France  s  161.  Il 


attaque  mal  à  propos  les  Anglois  ,  8c 
il  eft  pris  avec  route  fon  Efcadre,  166, 

Rojfignol ,  Port  de  PAcadie.  D’où 

lui  vient  ce  nom  ,  1 1 5. 

Rouhaut  (  René  )  Fils  du  Marquis 
deGaniache,  fe  fait  Jefuite  ,  6c  ob¬ 
tient  de  fes  Parens  la  fondation  du 
College  de  Quebec  »  196. 

S 

AELE,  Cap  de  Sable  en  Aca¬ 
die  :  fa  fituation  3  les  Anglois  en 
font  repouiïés  ,  409. 

IJle  de  Sable.  Sa  fituation  &  fa  def- 
cription.  On  dit  que  le  Baron  de  Lery 
y  avoit  voulu  fonder  une  Colonie.  Le 
Marquis  de  la  Roche  y  débarque  qua- 
ranteHommes,  109.  Cequ’ils  devien¬ 
nent,  no.  V.  Humphrey. 

Riviere  &  Fort  des  Sables  :  leur  fitua¬ 
tion  ;  pourquoi  on  bâtit  le  Fort  ,51  5. 

Sagamos  ,  Chefs  des  Acadiens  :  leur 
autorité  fur  les  Sauvages  :  ils  pou- 
voient  feuls  avoir  plufieurs  Femmes, 
124-25.  Leur  fierté  à  l’égard  des  Fran¬ 
çois  ,  128. 

Saghart  (  le  Frere  Gabriel  )  Recol¬ 
ler,  part  pour  le  Pays  des  Hurons  » 
158.  Voyez  la  Lifte  6c  l’Examen  des 
Auteurs. 

Saguenay  ,  grande  Riviere  du  Ca¬ 
nada.  Sa  pofition  :  quand  ôc  par  qui 
elle  fut  découverte  ,  1 1. 

Saguinam.  Anfe  du  Lac  Huron.  Les 
Iroquois  y  attaquent  les  Outaouais , 

S?1* 

Saint  Augvjlin  (  la  Mere  Catherine 
de  )  Religieufe  Hofpitaliere  de  Que- 
bec,  morte  en  odeur  de  fainteté  ,  400. 
&  fuiv . 

La  Riviere  de  S.  Auguflin ,  ainfi  nom¬ 
mée  par  Dom  Pedro  Menendez,  6c 
qui  portoit  auparavant  celui  de  Rivie¬ 
re  des  Dauphins' ,  67.  Voyez  Dauphins. 
Ce  Général  Efpagnol  en  prend  pof- 
feffion  ,  &  y  fait  bâtir  un  Fort,  71, 

Saint  Cafiin  (  le  Baron  de)  Capitai¬ 
ne  dans  Carignan-Salieres  ,  eft  fommé 
par  les  Anglois  de  leur  rendre  le  Fort 


DES  MA’ 

de  Pefttagoën  il  fe  mocquedela  fom- 
mation  ,  &  demande  du  fecours  à  M. 
de  Dénonville.  Avis ,  qu’il  donne  à 
ce  Général ,  520.  Son  Habitation  eft 
pill  ée  par  les  Anglois ,  538. 

Saint  Cler  (  le  Sieur  de  )  Gentil¬ 
homme  François ,  eft  laiflé  à  la  garde 
de  la  Caroline  ,  71. 

Saint  Germain.  Traité  de  S.  Ger¬ 
main  ,  par  lequel  le  Canada  eft  reftitué 
à  la  France,  177. 

Saint  Je  autour  gzàcHmonnc,  fur- 
prife  6c  détruite  par  les  Iroquois,  297. 

Rivière  de  S.  Jean.  Sa  lîruation  ,  dif¬ 
ficultés  de  fon  entrée,  description  du 
Pays  ,  117. 

Lac  de  S.  Jean.  Sa  fituation  :  fa  des¬ 
cription  ,  2  jo, 

S.  Ignace  ,  Bourgade  Huronne  brû¬ 
lée  par  les  Iroquois  ,  après  un  ma  d'a¬ 
cre  général  de  fe  s  Habirans ,  290. 

Saint  Jofepb  ,  Bourgade  Huronne, 
fon  premier  nom.  Eft  la  première  ha¬ 
bitée  par  les  Millionnaires  ,188.  Elle 
eft  furprife  par  les  Iroquois  ,  qui  y 
font  un  grand  carnage  ,  6c  maftacrent 
le  P.  Daniel.  Y  oyez  Daniel. 

I(le  de  S.  Jofepb.  Sa  fituation  ,  quan¬ 
tité  de  Hurons  s’y  réfugient  :  la  fami¬ 
ne  &  les  maladies  y  font  de  grands  ra¬ 
vages  ,  296. Elle  eft  abandonnée,  300. 

Rivière  de  S.  Jofepb.  Million  des  Mia- 
mis  établie  fur  cette  Riviere  par  le  P. 
Allouez,  4^8, 

Saint  Laurent ,  Golphe.  Qui  l’a  ain* 
fi  nommé,  6c  à  quelle  occafion.  Sa  fi¬ 
tuation,  '  JO. 

Fleuve  de  S.  Laurent.  Son  premier 
nom  ,  d’où  vient  celui ,  qu’il  porte  , 
îo.  Il  eft  quelquefois  nommé  la  gran¬ 
de  Baye ,  108. 

Saint  Louis  ,  Bourgade  Huronne, 
détruite  par  les  Iroquois,  290. 

Saint  Luffon  (  le  Sieur  de  )  Subdé¬ 
légué  de  M.  Talon  ,  prend  par  ordre 
de  cet  Intendant  poffdîion  des  Pays 
du  Nord  &  de  l’Oueft  du  Canada  , 
4?  8- 3  9.  Ce  qui  fe  paftè  entre  lui  &  les 
Anglois  fur  le  bord  du  Kinibequi>439. 

Saint  Mathieu  3  Bourgade  Huron- 


'IERES.  ^55 

ne  ;  on  y  confpire  contre  les  Million¬ 
naires  ,  6c  ce  qui  en  arrive  ,  299. 

Saint  Michel  (  le  Sieur  de)  eft  té¬ 
moin  du  martyre  d’une  Femme  Iro- 
quoife  ,  6c  ce  qu’il  en  dit.  Il  fe  fauve 
dans  le  tems,  qu’on  fe  préparoit  à  le 
brûler,  *92. 

Saint  Nicolas ,  Port  du  Canada.  Sa 
fituation  ,  fa  defeription;  par  qui  dé¬ 
couvert  6c  ainfi  nommé  ,  10. 

t  Saint  Pelage,  Galion  Efpagnol,  fret- 
té  aux  dépens  du  Roy  d’Efpagne  pour 
l’Expédition  de  la  Floride,  64.  Il  eft 
envoyé  à  S.  Domingue  ,  71.  Il  eft  en¬ 
levé  par  les  Prifonniers  François  , 
qu’on  y  avoir  embarqués ,  6c  conduic 
en  Dannemark  ,  82„ 

Saint  Pierre.  Ifles  de  S.  Pierre  ha¬ 
bitées  par  les  François  ,  leur  fitua¬ 
tion  ,  42  o. 

Fort  de  S.  Pierre  dans  Fille  de  Cap 
Breton ,  406. 

Saint  Sauveur  ,  Colonie  de  Mada¬ 
me  de  Guercheville.  Sa  fituation,  134. 
Elle  eft  diflipéepar  les  Anglois,  137. 

Saint  Simon  (  le  Sieur  Denys  de  ) 
Gentilhomme  Canadien  ,  eft  envoyé 
à  la  Baye  d’Hudfon,  pour  en  prendre 
polfellion  au  nom  du  Roy  ,  477-78. 

Saint  Subi  ce  (  le  Séminaire  de  ) 
prend  polTdTion  de  Fille  de  Montreal, 
340.  Il  procure  un  Hôpital  à  la  Ville  de 
ce  nom,  343 .  Il  remet  au  Roy  la  Juftice 
particulière  de  Fille,  &  à  quelles  con¬ 
ditions  ,  373.  Les  Ecclefiaftiques  de 
S.  Sulpice  fe  chargent  de  franc i fer  les 
Enfans  des  Sauvages ,  6c  n’y  réuflif- 
fent  point  ,  390.  Leur  droit  de  pré- 
fenter  6c  de  nommer  au  Gouverne¬ 
ment  de  Montreal  ,  407. 

Saint  b il  1er  (  M.  l’Abbé  de  la  Croix 
Chevrierede)  eft  nommé  Evêque  de 
Qutbec.Ce  qui  le  trompe  au  fujet  des 
prétendus  Sauvages  Poitecroix  ,  222. 
Son  arrangement  pour  la  Portion 
congrue  des  Cures  ne  plaît  pas  au 
Roy,  341.  Il  obtient  la  réunion  des 
Abbayes  de  Benevent  6c  de  Maubecà 
l’Evêché  6c  au  Chapitre  de  Québec  , 

4  06. 


$*- 

i'.r 


655  .  ta 

Saint  rincent  (  Jean  de  )  Capitaine 
Efpagnol ,  s’oppofe  ail  deflein  de  Ton 
Général  66.  8c  à  l’attaque  de  laCaro- 
line,  73.  Il  refufe  de  marcher  à  cette 
Enrreprîfe  ,  8c  la  raifon ,  qu’il  en  ap¬ 
porte  ,  74» 

Sainte  Catherine  ,  Port  de  l’Ifle  de 
Terre-Neuve.  Par  qui  découvert  8c 
ainfi  nommé  ,  ,8» 

Sainte  Croix  ,  Riviere  delà  Floride. 

Sa  découverte  &  fa  fituation.  Nom, 
quelle  porte  aujourd’hui  ,  2.  y.  2.6. 

JJIe  de  Sainte  Croix.  Sa  fituation. M. 
de  Monts  y  fait  un  EtablilTêment  , 
ji$.  Incommodités  de  cette  llle  j  elle 
eft  abandonnée  ,  116.  Les  Anglois 
achèvent  d’y  ruiner  l’Etabliflement 
des  François,  _  1 37» 

Sainte*  Helene  (  le  Sieur  le  Moyne 
'de  )  va  enqualité  de  Volontaire  a  1  Ex¬ 
pédition  de  la  Baye  d’Hudfon  ,  505. 

Il  prend  d’afîaut  le  Fort  Rupert,  $0 6. 

Il  porte  à  M.  d’iberville  ,  Ton  Frere  , 
dans  la  Baye  d’Hudfon  des  ordres  du 
Gouverneur  Général  ,  ,55^* 

Sainte  Marie  ,  la  plus  confidérable 
des  Bourgades  Huronnes ,  eft  afïiegée 
par  les  Iroquois  ,  8c  délivrée  comme 
par  miracle  j  2.5)1.  Elle  eft  abandon¬ 
née,  2  9  f» 

Sainte  Therefe  ,  Anfe  du  Lac  fupé- 
rieur  ,  fa  fituation.  D’011  lui  vient  ce 
nom,  356. 

Fort  de  Sainte  Therefe ,  bâti  par  M. 
de  Salières.  Sa  fituation  ,  48  *• 

Riviere  de  Sainte  Therefe  dans  la  Baye 
d’Hudfon.  Sa  fituation  ,  par  qui  dé¬ 
couverte  8c  nommée  ,  473*- 

Sakjs  ,  Sauvages  du  Canada.  Leur 
fituation.  Le  P.  Allouez  leur  annonce 
l’Evangile  avec  quelque  fuccès,  396. 

Salle  (  Robert  Cavelier  de  la  J.  Qui 
il  étoit  -,  il  pafteen  Canada ,  fes  projets, 
45  5. Son  caraélere  •,  il  entreprend  d  a- 
chever  la  découverte  du  Miciflipi.il 
pafle  en  France  pour  communiquer 
fes  vues  à  M.  de  Seignelay  ,  4f^;  ^ 
en  eft  bien  reçu  ;  grâces ,  qu’il  obtient 
du  Roy  :  il  eft  apuyé  par  le  Prince 
de  Conti ,  8c  reçoit  de  fa  main  le  Che- 


BLE 

valier  de  Toftti.  Il  s’embarque  pour 
Quebèc,  4)7»  Il  Eait  travailler  au  Fort 
de  Catarocouy ,  8c  conftruire  desBar- 
ques  :  fes  courfes  ;  contretems  ,  qu  il 
efluye  3  embarras ,  où  il  fe  trouve  :  on 
veut  l’empoifonner  :  on  anime  les  Sau¬ 
vages  contre  lui.  Sa  fermer e ,  les  de¬ 
fauts.  Il  fait  découvrir  le  haut  du  Mi- 
ciflîpi ,  458.  &  fuiv.  Ses  nouvelles 
courfes  :  il  bâtit  deux  Forts  :  il  def- 
cend  le  Miciflïpi  jufqu’à  la  Mer.  Il  en 
prend  pofTefiion  en  deux  endroits.  Il 
tombe  malade  ,*  il  repafle  en  France  , 
465.  &  fuiv. M.  de  la  Barre  écrit  con¬ 
tre  lui  en  Cour  ,  qyo.Réfléxion  furie 
bien  8c  le  mal ,  qu’on  dit  de  lui  :  effet, 
que  produifirent  les  Lettres  de  M.  de 
la  Barre.  Jugement ,  que  M.  de  Sei¬ 
gnelay  porte  de  lui ,  47 1  •  On  lui  refti- 
tuë  le  Fort  de  Catarocouy  ,  496.  Sa 
méfintelligence  avec  M.  de  la  Barre 
eft  la  première  cau  fe  de  la  guerre  avec 

les  Iroquois ,  5  3  2» 

Salières  (  M.  de)  Colonel  du  Régi¬ 
ment  de  Carignan  ,  arrive  a  Quebec 
avec  une  partie  de  ce  Régiment.  Il 
fait  conftruire  un  Fort ,  8c  y  choific 
fonPofte,  381. 

San  Matheo  ,  nom  ,  que  les  Espa¬ 
gnols  donnent  à  la  Caroline  après  la 
prife  de  ce  Fort ,  81.  Un  incendie  le 
réduit  prefqu’en  cendres,  82..  En  quel 
état  le  Chevalier  de  Gourgues  le  trou¬ 
ve,  98.  Sa  Garnifon  perd  cœur,  101. 
Le  Chevalier  de  Gourgues  s’en  rend 
le  Maître,  103.  Il  le  rafe  8c  1  aban¬ 
donne,  io4» 

Saffafras ,  Arbre  commun  dans  la 

Floride.  Sa  defeription  j  fes  vertus, 

29.  30. 

Saturiova ,  Chef  Floridien  ;  accueil, 
qu’il  fait  à  M.  de  Laudonniere  ,  3 6. 
Comment  il  l’engage  à  lui  promettre 
de  le  fecoutir  contre  fes  Ennemis,  38. 
Il  le  fomme  de  fa  parole ,  8c  à  fon  re¬ 
fus  il  marche  avec  fes  feules  Troupes 
contre Timagoa :  Ses  préparatifs,  43. 
44.  Il  défait  fes  Ennemis  ,  44.  Ce  qui. 
fe  paffe  entre  Lui  8c  M.  de  Laudon¬ 
niere  au  fujct  de  fes  Prifonniers,  4$. 

Il 


D  E  S  M  A 

Il  diffimuîe  avec  les  François,  4 6 .  Il 
follicite  de  nouveau  M.  de  Laudon- 
niere  à  l’accompagner  à  la  guerre,  54. 
Son  entrevûë  avec  le  Chevalier  de 
Gourgues  ,  97.  Il  fe  ligue  avec  lui  con¬ 
tre  les  Efpagnols,  Sc  lui  remet  un  jeu¬ 
ne  François  >  qu’il  avoic  gardé  malgré 
les  Efpagnols.  Il  donne  des  ôtlges  au 
Chevalier  de  Gourgues ,  98.  Ses  re¬ 
grets  au  départ  de  ce  Général ,  1 04. 

S  mimons.  Riviere  aux  Saumons ,  la 
fîtuation,  120. 

Saujfaye  (  le  Sieur  de  la )  eft  chargé 
par  Madame  de  Guercheville  de  faire 
un  nouvel  Etablillemenr  en  Canada. 
•Faute  j  qu’il  fit  :  il  fe  place  fur  la  Ri¬ 
viere  de  Pentagoër,  132.  Il  y  eft  alliegé 
par  les  Anglois  ,  &  obligé  de  fe  ren¬ 
dre,^.  Le  Commandant  Anglois 
lui  enlève  furtivement  fa  Commif- 
fion  ,  pour  avoir  droit  de  le  traiter  en 
Pirate  ,  1 3 6.  Il  va  en  Angleterre  pour 
folliciter  un  dédommagement  de  la 
prife  de  fon  Fort,  139. 

Sauteurs  ,  Nation  Algonquine.D’où 
leur  vient  ce  nom  ,  ôc  celui ,  qu’ils 
portoient.  Ils  demandent  des  Mif- 
fionnaires ,  ôc  les  reçoivent  bien,  232. 
Ce  qui  empêche  leur  converfion ,  233. 
Ilsremportent  quelques  avantages  fur 
les  Agniers  &  les  Onneyouths,  370. 

-  SautS.  Antoine  de  P adouè.  Par  qui 
découvert  :  fa  fîtuation  ,  460^ 

Saut  S.  Louis.  Sa  fituarion  :  on  y 
tranfporte  les  Iroquois  Chrétiens  de 
la  Prairie  de  la  Magdeleine  ,  4/2.  La 
Cour  aprouve  ce  changement,  453. 
Le  Gouverneur  de  la  Nouvelle  York 
veut  attirer  dans  fa  Province  les  Iro* 
quois  de  cette  Bourgade,  yor.  518. 
Ils  fe  réfugient  à  Montreal ,  ôc  pour¬ 
quoi  ,  y 52.  L’efptit  de  pénitence  ré¬ 
gné  dans  cette  Bourgade.,  &  va  fort 
loin.  Ses  Habitans  font  déclarés  par 
les  Cantons  Iroquois  Ennemis  de  la 
Patrie,  581-83-87. 

Sauvages.  Comment  il  faut  fe  com¬ 
porter  avec  eux  ,  pour  n’en  être  pas 
méprilé  ,  1 54.  Ils  confpirent  contre 
les  François  ;  la  confpiration  eft  dé- 
Tome  I. 


T  I  E  R  E  S.  ^57 

couverte^, '&  diffipée  ,  1  y 6.  Des 
Sauvages  aftaflinent  des  François ,  ôc 
l’impunité  les  rend  infolens  ,  161. 
Comment  ils  fe  comportèrent  à  la 
prife  de  Quebec  3  en  quelle  difpofi- 
tion  on  les  trouva  ,  lorfque  le  Cana¬ 
da  eut  été  rendu  à  la  France.  Ce  qui 
les  avoit  indifpofés  contre  les  An¬ 
glois  ,  170.  Il  eft  difficile  de  fçavoir 
quand  on  les  a  perfuadés  des  vérités 
de  la  Religion.  Jufqu’ou  ils  portent 
la  complaifance  ôc  la  diffimulation  , 
j  88.  Ils  croyent  aifément  qu’on  leur 
doit,  ou  qu’on  a  quelque  intétèt  de 
leur  accorder  ce  qu’on  leur  accorde 
trop  aifément  ,  205.  Iléfléxion  fur 
leurs  difcours  ,  232.  Sauvages  Mif- 
fionnaires , 2  ç  <ç .  Ils  font  fujets  à  faire 
courir  de  faux  bruits,  ôc  quel  eft  en 
cela  leur  delfein  ,315-16.  Les  Chefs 
des  Sauvages  Chrétiens  prient  inuti¬ 
lement  le  Baron  d’Avaugour  de  faire 
ceftèr  la  Traite  de  l’Eau-de-vie  ,  362. 
La  Cour  veut  qu’on  travaille  à  les 
francifer.  Les  Jefuites  lerefufent.  L’E¬ 
vêque  ôc  les  Ecclefiaftiques  l’entre¬ 
prennent  ôc  n’y  réuffiiïent  pas  ,  390. 
Le  P.  Allouez  annonce  l’Evangile  à 
plusieurs  Nations  Sauvages  ,  ôc  pour¬ 
quoi  il  tire  peu  de  fruit  de  fes  Prédi¬ 
cations  j  393.  Pourquoi  les  Sauvages 
trouvent  mauvais  qu’on  fa  lié  juftice 
de  ceux  d’entr’eux,  qui  infultent  les 
François,  4 66.  Leur  coutume  ,  Iorf- 
qu’un  aftaffinat  a  été  commis  :  qui  doit 
faire  la  réparation  ,  467.  M.  de  Dé- 
nonville  ne  croit  pas  qu’il  foit  à  pro¬ 
pos  de  1  es  francifer  ,  497.  Précautions 
à  prendre  avant  que  de  lesbaptifer.  ils 
font  fort  enclins  à  donner  un  mauvais 
tour  aux  aélions  les  plus  innocentes  , 
575.  Pourquoi  les  jeunes  Gens  ne  doi¬ 
vent  point  appeller  les  Anciens  par 
leur  nom  propre.  Empire  du  refpeét 
humain  fur  eux  ,  577. 

Scalve  ('Jean )  Polonois.  Découver¬ 
tes  ,  qu’on  lui  attribue' ,  3. 

Scorbut.  Quel  remede  Cartier  &  fes 
Gens  employent  pour  fe  guérir  du 
fcorbut  en  Canada  ,  1.4. 

O  O  00 


658  T  A  B 

Seignelay  (  M.  le  Marquis  de  )  fuc- 
cédeà  M.  Colbert ,  Ton  Pere  ,  dans  le 
département  de  la  Marine  :  il  goûte 
l’efprit  de  M.  de  la  Sale  ,  457.  Juge¬ 
ment  ,  qu’il  porte  de  lui  ^  après  avoir 
reçu  les  Lettres  de  M.  de  la  Barre  con¬ 
tre  lui,  471.  Il  approuve  le  projet  de 
la  conquête  de  la  Nouvelle  York, 
541.  Ses  mefures  font  bien  prifes  pour 
cette  Expédition  ,  547.  Il  approuve  un 
nouveau  plan  de  cette  Expédition,  &C 
ce  qui  empêche  qu’il  ne  foie  execute, 
j 54.  Il  demande  à  M.  de  Dénonville 
un  Mémoire  inftru&if  fur  les  affaires 
du  Canada  ,  5  5  9.  Le  parti ,  qu  il  eft 
d’avis  qu’on  prenne  en  Canada  pen¬ 
dant  la  guerre  ,  561-61. 

Seine.  Riviere  de  Seine  dans  la  Flo¬ 
ride  ;  fa  fituation ,  par  qui  elle  fut  dé¬ 
couverte,  2U 

Séminaire »  Etabliftèment  du  Sémi¬ 
naire  de  Quebec  en  faveur  de  MM. 
des  Millions  Etrangères ,  34°*  Sémi¬ 
naire  de  Montreal  pour  MM.  de  S. 
Sulpice ,  ... 

Sénéchal.  Jurifdi&ion  du  Grand  Sé¬ 
néchal  de  la  Nouvelle  France  ,  371. 

Serpens  particuliers  au  Pays  des  Iro- 
quois  ,  272* 

Serropé ,  Lac  de  la  Floride,  vrai, 
ou  prétendu.  Sa  fituation  ,  54. 

Sigogne  ("M.  de  )  Gouverneur  de 
Dieppe  ,  reçoit  ordre  de  la  Reine-Me- 
re  ,  Marie  de  M  edicis ,  de  faire  embar¬ 
quer  les  Jefuites ,  &  n’eft  point  obéi, 

123. 

Sillery  (  le  Commandeur  de  )  fait 
en  Canada  un  Etablifièment  pour  4es 
Sauvages  Chrétiens  ,  204.  & Çutv. 

Sillery  ,  Bourgade  fondée  pour  les 
Sauvages  Chrétiens  par  le  Comman¬ 
deur  de  Sillery ,  205.  Ferveur  defesHa- 
bitans,  2  5  5-96. 5 97. &fuiv. Extrémité, 
où  ils  font  réduits,  2  56.  On  eft  oblige 
de  la  fermer  de  murailles  &  d’y  mettre 
du  canon,  3 09.  Plufieurs de  fes  Habi- 
tans  fe  condamnent  à  n’en  point  for- 
tir,  pour  fe  préferver  de  la  contagion 
de  l’yvrognerie  ,  3 6 1.  Tous  les  Sau¬ 
vages  y  meurent  de  la  petite  vero- 


L  E 

le ,  ^  428* 

Sioux  ,  Nation  Sauvage  du  Canada. 
LesOutaouais  &  les  Hurons  les  in- 
fultent  ,  Si  en  font  mal  menés.  Parti¬ 
cularités  touchant  leur  Pays  ,  323. 
346.  Leur  caraéàete  ;  leur  police.  Uti¬ 
lité  de  la  connoiffance  de  leur  Lan¬ 
gue  ,  347.  Ils  rendent  une  efpéce  de 
culte  à  quelques  dépouilles  du  P.  Mei- 
nard  ,  3  5  S.  Ce  qu’ils  difent  au  P.  Al¬ 
louez  des  Pays  ,  qui  font  au  delà  du 
leur  ,  39(7.  Ils  retiennent  Prifonniers 
le  Sieur  Dacan  &  le  P.  Hennepin,  fans 
les  maltraiter ,  460.  On  leur  fait  dire 
de  laiffer  nos  Alliés  en  repos ,  fi2. 

Atf/jf/bwffCharlesde  Bourbon  , Com¬ 
te  de )  fe  met  à  la  tête  des  affaires  de 
la  Nouvelle-France.  Sa  mort ,  152. 

Sokokis ,  Sauvages  du  Canada.  Leur 
fituation.  M.  de  Montmagni  donne  la 
liberté  à  deux  de  ces  Sauvages  pour 
engager  la  Nation  à  délivrer  le  P.  Jo- 
gues.  Elle  n’y  réuftic  pas  ,  246.  Des 
Sokokis  affaflinent  quelques  Sauva¬ 
ges  Chrétiens  pour  rompre  la  paix  , 

268. 

Solis.  Le  Doéleur  Solis  de  las  Mê¬ 
las.  Qui  il  étoit.  Sa  Relation  de  ce  qui 
fe  paffa  en  Floride  après  la  prife  de  la 
Caroline  ,  87.  &  fuiv.  Voyez  la  Lifte 
&  l’Examen  des  Auteurs. 

Sorel  (M.  de  )  Capitaine  dans  Ca- 
rignan-Salieres  ,  fait  bâtir  un  Fort  à 
l’entrée  de  la  Riviere  de  Richelieu  , 
ou  des  Iroquois >  laquelle  en  aprisfon 
nom,  381.  Il  fe  met  en  Campagne 
contre  les  Agniers,  &  rencontre  un  de 
leur  Parti ,  dont  le  Cheflui  fait  accroi¬ 
re  qu’il  eft  député  defon  Canton  pour 
faire  la  paix  ,  &  il  le  mene  à  Quebec, 
384,  H  commande  avec  M.  de  Ber- 
thier  l’Arriere-Garde  de  l’Armée  de 
M.  de  Tracy  ,  385-. 

Riviere  de  Sorel .  Noms ,  qu’elle  a 
portés:  ce  qu’elle  a  de fingulier ,  144’ 

Soto  (  D.  Ferdinand  de  )  Ce  qu’il  a 
fait  en  Floride  ;  fa  mort ,  24. 

Souriquois ,  Habitans  naturels  de 
l’Acadie.  Voyez  Acadiens  ,  Micmaks , 
Gafpefiens  3  font  compris  dans  les  Na- 


DES  MA 

tions  Abetutquifes  ,  211.175). 

Sterlin  (  Guillaume  »  Alexandre  , 
Comte  de  )  Le  Roy  d’Angleterre  , 
Jacques  I.  lui  concède  l’Acadie  ,  8c 
tour  ce  qui  avoit  été  enlevé  à  la  France 
par  les  Anglois  en  Canada.  Comment 
il  divife  cette  concelïîon  ,  1 14.  Il  la 
néglige  ,  8c  l’abandonne  enfuite,  176. 

Suède.  Nouvelle  Suède  ,  Colonie 
des  Suédois  en  Amérique.  Sa  fitua- 
tion  ,  14;.  175. 176. 

Surinam,  Pays  Voifin  de  la  Guya¬ 
ne  ,  cédé  aux  Hollandois  en  échange 
delà  Nouvelle  Belgique,  376. 
T 

J 'AD  O  US  SA  C ,  Port  furie  Fleu¬ 
ve  de  S.  Laurent  ,  abord  des  Sau¬ 
vages  pour  la  Traite  ;  on  les  y  inftruit 
de  la  Doéhine Chrétienne ,  221.  L’y- 
vrognerie  commence  à  y  faire  quel¬ 
ques  défordres  ,  307.  Ce  Pofte  efl: 
prefqu’abandonné  par  les  Sauvages , 

428. 

Talon  (  Monfieur  )  Intendant  en 
Hainaut ,  efl:  nommé  Intendant  de  la 
Nouvelle  France  :  ordres,  qu’il  re¬ 
çoit  ,  380.  Sa  conduite  au  fujet  de  M. 
deMéfy.  Il  s’inftruit  avec  foin  de  ce 
qui  regarde  le  Pays.  Son  Mémoire  rai- 
fonné  à  M.  Colbert.  Cequ’il  ditdeM. 
de  Courcelles,  de  M.de  Tracy ,  de  la 
Compagnie  des  Indes  Occidentales  , 
382-83,  Il  veut  obliger  les  Jefuites  à 
francifer  les  Sauvages ,  &  à  leur  refus  il 
s’adrefle  auxEcclefiaftiques  de  Mont¬ 
real.  Il  cherche  tous  les  moyens  pour 
faire  fleurir  le  commerce  :  il  trouve 
qu’on  l’a  trompé  au  fujet  d’une  pré¬ 
tendue  mine  d’argent  à  Gafpé.  Il  efl: 
plus  heureux  pour  les  mines  de  fer. 
M.  Golberr  reconnoît  qu’il  s’efl:  mal 
à  propos  laifle  prévenir  contre  les  Je¬ 
fuites  au  fujet  de  l’éducation  des  Sau¬ 
vages  ,  390.  Il  retourne  en  France  ,  8c 
pourquoi  ,  40  f-06.  Il  fe  plaint  de  M. 
de  Courcelles ,  406.  Il  obtient  le  re¬ 
tour  des  PP.  Recollets  en  Canada  :  il 
s’embarque  avec  quelques-uns  de  ces 
Religieux  ,  &  fait  naufrage  .  424.  Il 
arrive  à  Québec,  42;.  Il  tient  fur  les 


T  I  E  R  E  S.  659 

Fonts  de  Baptême  le  Grand  Chef  des 
Goyogouins,  434.  Il  forme  le  deflein 
de  faire  prendre  pofleflion  au  nom  du 
Roy  de  tous  les  Pays  du  Nord  8c  de 
l’Ouefl:  du  Canada  ,  436.  Il  demande 
fon  rappel ,  8c  pourquoi  :  fon  zélé  8c 
fon  aéïivité  ,  444.  Il  envoyé  à  la  dé¬ 
couverte  du  Miciflipi,  445.  Il  s’ofFre 
à  vifiter  l’Acadie  3  motifs  de  ce  voya¬ 
ge  :  fon  offre  efl:  acceptée  ,  450.  Il  en¬ 
voyé  faire  une  nouvelle  prife  de  pof- 
feflion  de  la  Baye  d’Hudfon  ,  477. 

Tannerie.  On  établit  avec  fuccès  une 
Tannerie  en  Canada ,  3  g>  r ► 

Taondecboren(  Jofeph)  Huron,  qui 
avoit  été  pris  avec  le  P.  Jogues  ,  8c 
qui  s’étoit  fauvé  :  belle  réponfe  ,  qu’il 
fait  à  ceux  ,  qui  s’étonnoient  de  ce 
qu’il  n’avoit  aucun  reflentiment  des 
maux,  que  les  Iroquois  lui  avoient 
faits  ,  .  252. 

Tafl  (M.  du  )  Capitaine  ,  efl:  en¬ 
voyé  à  Catarocouy  ,  pour  y  conduire 
un  Convoy.  489. 

Tegahkpuita  (  Catherine  )  Vierge 
Iroqtioife  ,  dont  le  Tombeau  efl: célé¬ 
bré  par  les  miracles ,  qui  s’y  opèrent , 
403.  Son  Hiftoire  ,  y  72.  &  fuiv.  Ses 
miracles ,58  >-86.  Sous  quel  nom  elle 
efl:  invoquée ,  586. 

Teganijforens ,  Chef Iroquois,  arrive 
à  Montreal  avec  des  Députés  des  cinq 
Cantons.  Il  n’a  pas  le  fecret  de  fa 
Nation  ,  &  n’avoit  été  envoyé  ,  que 
pour  amufer  les  François ,  469.  Il  efl: 
nommé  Ambafladeur  pour  la  paix*,  le 
Rat,  Chef  Huron,  l’attaque  en  che¬ 
min,  le  fait  Prifonnier  &  le  relâche, 
y  37.  M.  de  Frontenac  prend  confian¬ 
ce  en  lui  ,  566. 

Teganonokpa  (  Etienne  )  Huron ,  fon 
martyre,  587.  &  fuiv.  Ferveur  de  fa 
Femme,  à  qui  il  avoit  prédit  qu’on  ne 
la  feroit  point  mourir ,  589. 

Temple  (le  Chevalier)  Anglois;  fes 
prétentions  au  fujetdecequ’il  appelle 
Nouvelle  Ecoffe  ,114.  Il  figne  à  Bafton 
au  nom  du  Roy  d’Angleterre,  un  Re¬ 
glement  pour  la  reftitution  de  l’Aca¬ 
die  ,  8c  des  Côtes  voifines  à  la  France, 

O  O  o  o  i  j 


660  T  A 

416.  Difficulté,  qu’il  fait  de  rendre 
Pentagoët  $  Il  remet  ce  Porte  au  Che¬ 
valier  de  Grandfontaine.  Ce  qu’il  lui 
valoit,  417.  Son  dertein  de  fe  donner 
à  la  France  ,  Fans  exécution  ,  450. 

Terre-Neuve  ,  Grande  Ifle  de  l’A- 
merique,  Voyez  Cabot  ,  Cortereal  , 
Humpbrey ,  Cartier .  Les  François  s’y 
établiflent.  Révolutions  ,  qui  y  font 
arrivées  j  418.  Defcription  de  cette 
Ifle,  Ton  climat,  fe  s  Habitans,  4x0. 
&  fuiv.  Elle  eft  demeurée  toute  en¬ 
tière  aux  Anglois.  qui  y  ont  toujours 
été  battus.  En  quel  tems  la  Cour  de 
France  a  commencé  d’y  faire  atten¬ 
tion  ,  .  4Z3* 

Tefjerie  (  le  Sieur  de  la  ).  Ce  qu’il 
penfe  de  la  mine  de  fer  de  la  Baye 
S.  Paul,  390-91. 

Tetincboua  ,  grand  Chef  des  Mia- 
mis  :  ce  que  Nicolas  Perrot  en  dit  : 
réception  ,  qu’il  fait  à  ce  Député  du 
Gouverneur  Général.  Ses  Sujets  l’em¬ 
pêchent  de  fe  rendre  au  Sault  Sainte 
Marie  pour  PAflemblée  des  Nations, 
&  il  charge  les  Pouteouatamis  de  fa 
Procuration,  437* 

Tbemir.es  fie  Maréchal  de  )  eft  char¬ 
gé  des  affaires  de  la  Nouvelle  France 
pendant  la  prifon  du  Prince  de  Con- 
dé  ,  qui  en  étoit  Vice-Roy  ,  156. 

Thet  (  le  Frere  Gilbert  du  )  Jefuite, 
eft  tué  à  l’attaque  de  S.  Sauveur  3 
mauvaife  humeur  de  Jean  de  Laët  à 
cette  occafion  ,  _  MÇ 

1  herefe  ,  Femme  Iroquoife  ,  Amie 
de  Catherine  Tegahkouita  ,  tombe 
dans  le  relâchement  :  fa  converfion  , 
&  la  part  ,  qu’y  eut  fon  Amie  ,  579- 

83. 

Thou  (  M.  de  j  prétend  que  les  Es¬ 
pagnols  égorgèrent  les  François  de  la 
Floride  de  concert  avec  la  Cour  de 
France ,  86. 

Tbury  (  M.  )  Ecclefiaftique  ,  Mif- 
flonnaire  des  Canibas ,  fon  éloge  , 

5S7* 

Tigres  dans  le  Pays  des  Iroquois  , 

272. 

TimagoA  t  Chef  Floridien,  Ennemi 


BLE  # 

de  Saturiova  ,  38.  Il  eft  défait  par  fon 
Ennemi,  44.  M.de Laudonniere  veut 
le  reconcilier  avec  lui  ,  &  lui  ren¬ 
voyé  des  Prifonniers ,  que  Saturiova 
avoit  fait  fur  lui ,  t  45* 

Tionnontatês ,  ce  font  les  vrais  Mu¬ 
rons:  leur  témérité, caufe de  leur  dé¬ 
faite,  297.  Ce  qui  leur  arrive  chez  les 
Sioux  ,  346.  Ils  s’établiflentâ  Michil- 
limakinac,  440.  Ils  aigviflènt  les  Iro¬ 
quois  contre  les  Kiskakons,  qui  les 
avoient  chargés  de  leur  réconcilia¬ 
tion  avec  ces  Sauvages  ,  469.  Voyez 
Hurom  de  Michillimakinac. 

Tonnerre  extraordinaire  ,  &  fes  ef¬ 
fets  ,  _  3-6;  &  fuiy. 

Tonti  (  le  Chevalier  de  )  qui  il  étoit  : 
le  Prince  de  Conti  le  donne  à  M.  de 
la  Sale  ,  &  il  parte  en  Canada  avec 
lui, 457.  M.  de  la  Sale  le  charge  de 
bâtir  un  Fort  à  Niagara  :  il  va  à  la  Ri¬ 
vière  de  S.  Jofeph  ,  &  aux  Illinois, 
4jg.  Il  met  les  Illinois  dans  les  inté¬ 
rêts  de  M.  de  la  Sale  ,  &  ne  peut  em¬ 
pêcher  qu’ils  ne  reçoivent  un  échec 
de  la  part  des  Iroquois  ,  439.  Il  eft 
chargé  de  bâtir  le  Fort  deS.  Louis,  ôc 
fe  fait  Médiateur  entre  les  Illinois  & 
les  Iroquois ,  461.  Il  eft  oblige  d  a- 
bandonner  la  Riviere  des  Illinois  , 
463.  Relation  ,  qui  lui  eft  attribuée  , 
&  qu’il  défavouë,  460.  464-65.  Il  re- 
poulfe  les  Iroquois  de  devant  le  Fort 
de  S.  Louis ,  486.  Il  a  ordre  d’aftem- 
bler  un  grand  Corps  d’Illinois  pour 
l’Expédition  contre  les  T fonnonthou- 
ans  ,  511.  H  n’en  peur  amener  que 
quatre-vint,  &  pourquoi,  514.  Il  les 
conduit  à  l’entrée  du  Détroit  j  515. 
V.  la  Lifte  &  l’Examen  des  Auteurs. 

Tortue.  La  Tribu  Iroquoife  de  la 
Tortue  s’oppofe  inutilement  à  la  more 
du  P.  Jogues  ,  273. 

Tour  fM.de  la  )  Concefïîonnaire 
d’une  partie  de  l’Acadie  ,  fe  remarie 
en  Angleterre,  y  reçoit  laToifon  d’or, 
êc  entreprend  de  mettre  les  Anglois 
en  porteflîon  du  Cap  de  Sable  ,  408. 
Ce  qui  fe  parte  entre  lui  &  fon  Fils  à 
ce  fujet ,  409.  Il  n’ofe  retourner  en 


DES  MAT 

Angleterre  ,  8c  prend  le  parti  de  re¬ 
lier  en  Acadie  ,  &c  à  quelles  condi¬ 
tions  Ton  Fils  le  lui  permet.  Belle 
réponfe  de  fa  Femme  ,  4 1  o. 

M.  de  la  Tour  ,  Fils,  quel  fut  Ion 
lot  dans  le  partage  des  Gouvernemens 
&  du  Domaine  de  l’Acadie  ,  8c  des 
Pays  circonvoilîns  :  fon  accord  avec 
le  Commandeur  de  Razilly  ,410.  Il 
fait  un  Etabliflement  fur  la  Riviere 
de  S.  Jean.  M.deCharnifé  entreprend 
de  s’en  rendre  Maître  pendant  fonab- 
fence.  Vigoureufe  défenfe  de  fa  Fem¬ 
me  ,  41 1.  Action  indigne  de  M.  de 
Charnifé  à  l’égard  de  cette  Dame  , 
41 1-1 2.  Après  la  mort  de  laquelle  M. 
de  la  Tour  époufe  la  Veuve  deM.  de 
Charnifé.  Il  fait  un  Etabliflement  au 
Port  Royal ,  4 1 2 .  Il  elt  obligé  de  ren¬ 
dre  aux  Anglois  le  Fort  de  la  Riviere 
de  S.  Jean  ,  41 3. 

Tourmente  ,  Cap  du  Canada  ;  fa  fi- 
ruation;  les  Anglois  y  ruinent  les  Ha¬ 
bitations  Fiançoi  fes ,  1 66. 

Tourtes  ,  Oifeau  de  paflage  en  Ca¬ 
nada  :  leur  manœuvre  dans  le  Pays 
des  Iroquois  ,  275. 

Toya  ,  Divinité  des  Floridiens.  Def- 
cription  d’une  Fête  en  fon  honneur , 

31.  32., 

Tracy  (  Alexandre  de  Prouville  , 
Marquis  de  )  Lieutenant  Général  des 
Armées  du  Roy  ,  reçoit  une  Com- 
midion  de  Vice-Roy  de  l’Amérique  ; 
fes  inftruétions  ;  fon  départ  de  Fran¬ 
ce,  380.  Son  arrivée  à  Quebec  :  il  fait 
conltruire  trois  Forts  fur  la  Riviere 
des  Iroquois,  381.  Ce  qu’il auroit  pu 
faire  de  mieux  ,  382.  De  quelle  ma¬ 
niéré  il  reçoit  Garakonthié  ,  383.  Il 
fait  juftice  d’un  Chef  Agnier  ,  quil’a- 
voitinfulté ,  384.  Son  Expédition  con¬ 
tre  les  Agniers  ,385.  &  fuiv.  Pour¬ 
quoi  il  ne  fait  point  de  Fort  dans  ce 
Canton  pour  s’en  aflurer  ,  386-  87.  Ce 
qui  l’empêche  de  traiter  le  Canton 
cl’Onneyouth ,  comme  il  avoir  fait  ce¬ 
lui  d’Agnier ,  387-88.  Il  fait  pendre 
quelques  Agniers.  Il  met  la  Compa¬ 
gnie  des  Indes  Occidentales  en  pof- 


I  E  R  E  S.  66 1 

fel lion  de  tous  les  droits  de  celle  des 
cent  AlFociés.  Il  retourne  en  France  , 

3 8 S.  Son  éloge  ,  389.  Il  n’eft  point 
d’avis  qu  on francije  les  Sauvages,  390. 

Traite  de  l' Eau-de-vie.  Ce  qui  fe 
palfe  à  ce  fujet  en  Canada  &  à  la 
Cour  j  4 5 4- y  Défordres,  qu’elle  fai c 
du  côté  de  l’Acadie  parmi  les  Sauva- 

*  S  3  r 

Trencbant ,  Pilote  François:  les  Mu¬ 
tins  de  la  Caroline  l’obligent  à  s’em¬ 
barquer  avec  eux  pour  faire  la  courfe, 
50.  Il  en  ramene  une  partie  à  la  Caro¬ 
line  ,  y  1. 

Trois  Rivières ,  Polie  ,  8c  aujour¬ 
d’hui  Ville  de  la  Nouvelle  France. 
Son  premier  Etabiilïèment  ,155.  Le 
commerce  y  fleurit,  1 58.  Les  Nations 
Septentrionnales  y  viennent  trafi-, 
quer,  195.  Le  Gouverneur  Générai  y 
donne  une  Audience  publique  aux 
Députés  des  Cantons  Iroquois,  8c  ce 
qui  s’y  paflè,2é>3.  Etat  floriflantde 
la  Religion  parmi  les  Sauvages  de  ce 
Polie,  308.  Il  eft  bloqué  par  les  Ag¬ 
niers  }  314.  Ces  Sauvages  s’en  appro¬ 
chent  de  nouveau  ,  &  ce  qui  les  obli¬ 
ge  de  fe  retirer  ,  339.  Jurifdiétion 
établie  dès  le  commencement  dans  ce 
Polie,  371.  Il  eft  prefqu’abandonné 
par  les  Sauvages  ,428.  V.  du  EleJJîs- 
Bochart. 

Trouvé ’ (  M.  )  eft  envoyé  par  l’Evê¬ 
que  de  Petrée  Millionnaire  aux  Iro¬ 
quois  du  Lac  Ontario  ,  398. 

Troye  fie  Chevalier  de  )  Capitaine; 
fon  Expédition  dans  la  Baye  d’Hud- 
fon,  $oy.  &  fuiv.  Il  eft  nommé  Com¬ 
mandant  du  Fort  de  Niagara,  8c  y 
meurt  avec  toute  fa  Garnifon  ,  518. 

52. 3. 

Tfonnonthouans  ,  un  des  cinq  Can¬ 
tons  Iroquois.  Sa  defeription:  ce  qu’il 
a  de  particulier,  271.  Les  Tfonnon^ 
thouans  font  des  hoftilités  contre  les. 
Hurons,  284.  Des  Huions  Captifs 
en  difpofent  plufleurs  à  fe  faire  Chré¬ 
tiens  ,334.  Ils  demandent  la  paix  ,  8c 
que  les  François  falfertun  ErablilTè- 
ment  chez  eux ,  353,  Ils  font  deman- 


table 


661 

der  la  paix  à  M.  de  Tracy,  381.  Iis  de¬ 
mandent  un  Millionnaire, 8c  on  leur 
accorde  le  PereFremin  ;  402.  Ils  atta¬ 
quent  les  Ponteouatamis ,  433.  Ce 
qu'ils  répondent  à  ce  que  leur  avoir 
fait  dire  M.  de  Courcelles  à  ce  fujet, 
434.  Un  Capitaine  Tfonnonthouan 
eft  tué  par  un  Illinois  ,  8c  ce  qui  en 
arrive.  On  eft  d’avis  de  commencer 
la  guerre  par  eux ,  572.  M.  delà  Barre 
veut  détruire  ce  Canton  ,  8c  pour¬ 
quoi.  Ce  qu’il  peut  mettre  d’Hommes 
en  Campagne  avec  celui  de  Goyo- 
gouin ,  484.  M.  de  la  Barre  fe  refoutà 
marcher  contre  les  Tfonnonthouans, 
486,  Ils  tuent  vintfix  Anglois  du  Ma- 
riland,  489.  Fierté  de  leur  Député  à 
la  Conférence  tenue  pour  la  paix  à 
l’Anfe de  la  Famine  ,  493.  Iis  fe  dé¬ 
fient  des  François  3  fujet,  que  ceux- 
ci  ont  de  fe  défier  d’eux  ,  493.  Ils 
avoient  donné  parole  d’envoyer  des 
Députés  à  M.  de  la  Barre  ,  496.  Ils  at¬ 
tirent  les  Anglois  à  Niagara  ,  498.  Ils 
favorifent  leur  commerce  avec  nos 
Alliés.  M.  deDénonvillefedétermine 
à  leur  faire  la  guerre  ,  502.  Ils  mar¬ 
chent  contre  les  Illinois,  8c  ce  qui 
les  oblige  à  rebroufter  chemin ,  512- 
13.  Expédition  de  M.  de  Dénonville 
contr’eux  >513*  &  faiv-  Ils  furpren- 
nent  l'Armée  Françoifej  ils  font  re¬ 
pou  lies  &  leur  Canton  ravagé  :  M.de 
Dénonville  en  prend  poiïeffion  par 
droit  de  conquête  ,  $  16.  &  faiv.  Né¬ 
gociation  des  Outaouais  avec  eux  , 

S67- 

Turnell ,  Capitaine  Anglois,  rame¬ 
né  en  Europe  trois  Jefuites  ,  8c  les 
traite  fort  mal.  Comment  ils  s’en  ven¬ 
gent  aux  Açorres  ,138.  &  en  Angle¬ 
terre.  Il  fait  leur  éloge  ,  _  139. 

Turfis  (le  P.  Charles  JJefuite,  meutt 
de  fatigues  dans  l’Ifle  Mifcou  ,  222. 

V 

TTAILLANT.  Le  P.  François 
V  Vaillant  de  Gueflis  ,  Jefuite  ,  eft 
envoyé  par  M.  de  Dénonville  au  Gou¬ 
verneur  de  la  Nouvelle  York.  Suc¬ 
cès  de  fa  Députation.  Ce  Gouverneur 


ne  lui  permet  pas  d’exécuter  l’ordre  ; 
qu’il  avoir  de  vifiter  le  Canton  d’Ag- 
nier ,  525.  Il  arrive  à  Catarocoui  , 

526. 

Fitldez,  (  Dom  Pedro )  Meftre  de 
Camp,  &  Gendre  de  Dom  Pedro  Me- 
nendez ,  eftde  l’avis  de  ce  Général  de 
brufquer  l’attaque  des  François.  Il  eft 
envoyé  dans  la  Riviere  des  Dauphins 
pour  prendre  langue  des  Sauvages » 
66.  Il  eft  commandé  pour  l’attaque  de 
la  Caroline ,  73 .  7 5 .  Il  eft  d’avis  d’at¬ 
taquer  ce  Fort  ,  7 6.  Il  fait  un  Prifon- 
nier,  8c  le  tue  ,77.  Ordres  3  qu’il  re¬ 
çoit  de  fon  Général ,  89.  92. 

Fœlliere  (  M.  de  la  ) eft  attaqué  dans 
Pille  de  Cap  Breton  par  les  Anglois  , 
388.  Il  ne  peut  empêcher  les  Habi- 
tans  du  Port  Royal  ,  où  il  comman- 
doit  ,  de  fe  rendre  aux  Anglois  ,463. 

falrenes  (  M.  de  )  Commandant  à 
Catarocouy ,  a  ordre  d’évacuer  8c  de 
ruiner  ce  Pofte ,  5  y  1 .  Comment  il  1  e- 
xécute.  Il  arrive  à  Montreal  >  y  f  2. 

Vaffcür  (  Michel  8c  Thomas  le  )  Frè¬ 
res  ,  habiles  Pilotes ,  conduifent  M. 
de  Laudonniere  en  Floride,  3 6.  Ce 
qui  arrive  à  l’un  des  deux  dans  un  Vil¬ 
lage  de  ce  Pays  ,  42.  Un  des  deux  eft 
envoyé  vers  un  Chef  de  la  Floride, 
fes  inftruétions  ,  4 6.  47.  Les  Mutins 
de  la  Caroline  obligent  un  des  deux  a 
leur  livrer  fon  Pavillon  ,  jo.  Un  des 
deux  ravitaille  la  Caroline  ,  $7.  Mi¬ 
chel  le  Vafièur  eft  envoyé  par  M.  de 
Ribaut ,  félon  la  Relation  des  Fran¬ 
çois  ,  pour  ob  fer  ver  en  quel  etat  etoit 
la  Caroline  :  il  reconnoît  quelle  eft 
occupée  par  les  Efpagnols ,  83. 

Vaudreuil(  le  Chevalier  de)  arrive 
à  Quebec  en  qualité  de  Commandant 
des  Troupes.  Il  accompagne  M.  de 
Dénonville  dans  l’Expédition  contre 
les  Tfonnonthouans ,  5  !  4.  Il  conduit 
un  Convoi  à  Catarocouy,  529.  Il  eft 
deftiné  à  commander  dans  la  Colonie 
pendant  l’Expédition  de  la  Nouvelle 
York  ,  546* 

Velafco  ,  Capitaine  Efpagnol  >  que 
Vincent  le  Blanc  prétend  être  le  prer 


DES  MATIERES. 


mier ,  qui  ait  remonté  le  Fleuve  S. 
Laurent  ,  '  4. 

Ventadour  (  Henry  de  Levi  ,  Duc 
de)  Ce  fait  Prêtre:  ce  qui  l’engage  à 
acheter  la  Vice-Royauté  de  la  Nou¬ 
velle  France.  Il  y  fait  envoyer  des  Je- 
fuites,  159.  Il  réprimandé  Guillaume 
de  Caen  ,  qui  en  ufoit  mal  avec  ces 
Peres ,  1 60.  Il  remet  fa  Charge  au  Roy, 

16  5. 

Verazani  (  Jean  J  Florentin.  En  quel 
te  ms  il  fait  fon  premier  voyage  en 
Amérique ,  5.  Son  fécond  &  fon 
troifiéme  voyage  ,  &  ce  qui  lui  arrive 
dans  le  dernier ,  6.  7.  Il  s'embarque 
de  nouveau  ,  <Scon  n’a  pas  fçu  ce  qu’il 
étoit  devenu,  7.  8.  Ses  prifes  de  pof- 
felîlon  des  Pays ,  qu’il  avoir  décou¬ 
verts.  CequeDom  André  Gonzalèsde 
Barcia  en  a  dit  ,  9.  Voyez  la  Lifte  ôc 
l’Examen  des  Auteurs. 

V erdier  (  Nicolas  )  Capitaine  d’un 
Navire  de  FEfcadre.de  M.  deRibaur, 
eft  envoyé  ,  félon  la  Relation  des 
François,  au  Gouverneur  deSan  Ma- 
theo  ,  pour  traiter  avec  lui ,  &  la  ré- 
ponfe,  qu’il  en  reçoit,  84. 

Verneuil  (  Madame  la  Marquife  de) 
fes  libéralités  envers  les  Millionnaires 
del’Acadie,  123. 

Ferole.  La  petite  verole  fait  de  grands 
ravages  parmi  les  Iroquois,  370.  Tou¬ 
te  la  Bourgade  de  Sylleri  en  meurr , 

428. _ 

Viel  (  le  P.  Nicolas)  Recoller,  va 
aux  Huions,  1  58.  Il  Ce  noyé  en  reve¬ 
nant  à  Quebec.  A  qui  on  attribue  ce 
malheur  ,  160. 

V'ieuxçont (\e  P.  Alexandre  de,  )  Je- 
fuite,  fait  naufrage,  &  Ce  retire  à  Fille 
de  Cap  Breton,  167. 

F'igne  (  le  Sieur  de  la  )  Gentilhom¬ 
me  François ,  eft  laide  à  la  garde  de  la 
Caroline  ,71.  Il  contribue  ,  fans  le 
vouloir ,  à  la  furprife  de  cette  Place , 

77- 

Vignol  fMQEcclefiaftiquedeMont- 
real  eft  tué  par  les  Onnontagués,  355. 

Villebon  (  M.  de  )  Qui  il  étoit  :  il  ac¬ 
compagne  M.  de  la  Barre  dans  fon 


66  3 

Expédition  contre  les  Iroquois ,  490. 

Villaroél  (  Gonzalo  de)  Sergent  Ma¬ 
jor  en  Floride  ,  fe  diftingue  à  la  prife 
de  la  Caroline  ,73.^  fuiv.  Il  eft  fait 
Gouverneur  de  cette  Place,  82. Com¬ 
ment  il  traite-les  François  ,  félon  la 
Relation  de  ceux-ci ,  84. 85. 

Villcgagnon  {  Nicolas  Durand  de) 
Chevalier  de  l’Ordre  de  S.  Jean  de 
Jerufalem,  &  Vice-Amiral  de  Breta¬ 
gne  ;  fon  Expédition  au  Brefil  :  il  ren¬ 
tre  dans  l’Eglife  Romaine  ,  &c  retour¬ 
ne  en  France  ,  23. 

Piller  ay  fie  Sieur  de  )  Conleillerau 
Confeil  Supérieur  de  la  Nouvelle 
France  :  M.deMéfyle  fait  embarquer 
pour  France  ,  fans  aucune  forme  de 
Juftice,  Il  porte  fes  plaintes  à  la  Cour, 
&  il  en  eft  écouté,  377. 

Vimonâ  (  le  P.  Barthelemi  )  Jefuite, 
eft  nommé  Supérieur  Général  des 
Millions  de  la  Nouvelle  France,  &  y 
conduit  une  Recrue  de  Millionnaires, 
des  Urfulines  des  Hofpitalieres  , 
207.  Il  inftruit  un  Chef  Algonquin  , 
&  le  baptife,  253-54.  Il  ailifte  à  l’Au¬ 
dience  publique,  donnée  par  M.  de 
Montmagny  aux  Députés  Iroquois  , 
263.  Il  regale  ces  Députés  ,  266.  Il 
conduit  en  Canada  un  nouveau  ren¬ 
fort  de  Millionnaires  ,  &  reçoit  les 
Vœux de  la  Mere  de  S.  Auguftin,  401. 

Vitclleski  (  le  P.  Mutio  )  Général  des 
Jeluites  ,  accepte  la  fondation  du  Col¬ 
lege  de  Quebec ,  197. 

V oyageurs.  Pourquoi  ils  ne  font  pas 
exaéts  fur  les  noms  propres  ,15.  Con¬ 
dition  fâcheufe  des  Voyageurs ,  1 56. 

Urfulines.  On  parle  de  les  établir  en 
Canada  ,  204.  Quel  étoit  en  cela  le 
delïein  des  Jefuites ,  206.  Quelle  fur 
leur  Fondatrice  ,  207.  Leur  arrivée  a 
Quebec  réception  ,  qu’on  leur  fit  : 
leur  ferveur  à  la  vûë  des  Sauvages  :  in¬ 
commodités,  qu’elles  ont  à  fouffrir  : 
leur  courage,  208.  La  petite  verole  fe 
met  dans  leur  Séminaire  ;  leur  chari¬ 
té  ,  209.  En  quoi  elles  font  utiles  à  la 
Nouvelle  France ,  ôc  pourquoi  elles 
ne  prennent  plus  de  Penfionnaires 


o^-nzA 


664  T,AB 

Sauvages,  544.  Elles  font  obligées  de 
forcir  de  leur  Monaftere  pendant  la 
nuir,  parce  qu’elles  n’y  font  pas  en 
fûrecé  contre  les  Iroquois ,  397. 

X 

’\7'IMENEZ  (  François  )  prétend 
avoir  rendu  potable  de. l’eau  pref- 
qu’aulli  Talée  que  celle  de  la  Mer,  en 
y  fai  Tant  tremper  du  SalTafras  ,  30. 

Y 

T  A  GU  AN  A  ,  ancienne  Ville  de 
l’Ifle  Efpagnole  ;  les  Mutins  de  la 
Floride  font  delfein  de  la  piller ,  50. 
t  Yendat,  véritable  nom  des  Hurons, 

183. 

York. .  Nouvelle  York. ,  auparavant/^ 
Nouvelle  Belgique  ,  conquife  par  les 
Anglois  fur  les  Hollandois  ,  &  con- 


L  E 

cedée  par  le  Roy  d’Angleterre  auDuc 
d’York,  TonFrere,  143.  375.  &\fuiv . 
Avantage  ,  que  les  Iroquois  trou- 
voientà  commercer  avec  la  Nouvelle 
York  ,  483.  Projet  de  M.  de  Callie- 
res  pour  la  conquête  de  cette  Provin¬ 
ce  .  54  t.  &  fuiv .  Ce  qu’on  dévoie  faire 
après  qu’elle  feroitconquife ,  34 6.  Ce 
qui  fie  manquer  cette  Entreprife  , 
547.  fuiv.  Nouveau  plan  de  cette 
conquête,  de  pourquoi  il  ne  fur  point 
fuivi  ,533.  M.  de  Dénonvilleeft  d’a¬ 
vis  ,  fi  on  veut  la  conquérir  ,  qu’on  la 
ruine  jufqu’à  Orange,  561. 


fANI.  Les  deux  Freres  Zani, 


j  Nobles  Vénitiens,  Leur  imagi¬ 
nation  fur  l’Eftotiland ,  3. 


Fin  de  la  Table  des  Matières. 


Fautes  à  corriger  dans  ce  Volume* 


P  Age 

■  P  rJtr  r. 


_  2 8  .  ligne  38.  le  Loutre  ,  lifez  la  Loutrey 
Page  3 6.  ligne  16.  Pilote,  lifez  Pilotes. 

Page  98.  ligne  22.  ces  difeours  »  lifêz  ce  difcoul'Si 
F  âge  109,  ligne  3.  autoritez ,  lifez  autorité. 

F  âge  1 10.  ligne  3 .  des  peaux  ,  lifez  de  peaux. 

F  âge  11 5.  ligne  z,  Gaparot ,  lifez  Gafparot. 

Fage  116.  ligne  z'j.  Etchemins  ,  lifez  Ltechemins. 

Page  137.  ligne  z.  Lames  ,  lifez  La  mets. 

Fage  i6i,  ligne  18.  quelle  jugerait ,  lifez  qu’ils  jugeraient. 


Fage  1 6 9.  ligne  12.  embarquer  ,  otez  ce  mot. 


JL  A  vy  •  ff  V  A  •  VUlL/aiLjUVJ.  -y  WM'Av  *•'  ^  i  >  rv  • 

Fage  174.  ligne  1 6.  avant  que  d’avoir  découvert  les  deux  Indes ,  lifez  avant  la  découverte 
des  deux  Indes. 

Fage  186.  ligne  iz.  qui  forme  *  lifez  que  forme. 

Fage  1 14.  ligne  3.  ou  on  ne  le  ménagera  plus  ,  lifez  SC  on  ne  les  ménagea  plus» 

Page  22 j,  ligne  29.  defeendit  ,  lifez  monta. 

Fage  165.  ligne  zo.  &  il  leur  donna  ,  lifez  de  leur  donner. 

Fage  270.  ligne  33.  Onnantagué  ,  lifez  Onnontagué.  Là-même  Tfonnouthouan  JifezFCon* 
nonthouan. 

Fage  joî.  ligne  13.  fur  laquelle  ,  lifez  fur  lefquelles, 

Fage  307.  ligne  z 6.  la  fatisfaire  ,  hjez  le  fatisfaire.. 

Page  308.  ligne  6.  Parti  ,  lifes  Pofte. 

Fage  3 1 6.  ligne  1  j.  fans  faire  ,  lifez  de  faire. 

Fage  341.  ligne  1.  fiftême  alors  ,  lifez  fiftême  d’alors. 

Page  371.  ligne  1  o.  des  chicanes ,  lifez  de  la  chicane. 

Fage  401.  ligne  23.  le  nouveau  renfort ,  lifez  un  nouveau  renfort» 

Page  444.  dans  la  Note  Onoario  ,  lifez  Ontario. 

Page  445.  auchifre  454.  lifez  445. 

Page  448.  ligne  31,  fubfiftance  ,  lifez,  fubftance., 

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